APAJHAdditionnons - UN LIEU DE VIE À SOI, CHOISI ET ACCESSIBLE - nos différences
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
APAJH Revue n°119 / Octobre 2019 / 4 € Additionnons nos différences “La Revue” de l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés UN LIEU DE VIE À SOI, CHOISI ET ACCESSIBLE Congrès APAJH 2019| Le logement au cœur de la réflexion collective| Page 25
Catalogue Vacances HIVER - PRINTEMPS 2019/2020 L’APAJH propose chaque année des séjours pour adultes et enfants en situation de handicap • près de 100 destinations en France et à l’étranger • des séjours sur mesure selons l’autonomie et les envies de chacun www.handicap-vacances.fr 01 44 10 23 40
N°119 Octobre 2019 Couverture | Solen Ruaud Editorial Habiter, vivre et être citoyen, notre ambition ! n juin dernier, et cette revue en rend compte, nous nous sommes Sommaire E quittés à la fin de notre Congrès, rassemblés, ambitieux et déter- minés, avec un thème en tête, dénommé aujourd’hui par beaucoup, habitat inclusif. Dossier thématique • Un lieu de vie à soi, choisi et accessible ................................................................................................... 4 Au fil des Conférences de territoires du printemps dernier, des ateliers • Choisir et s’approprier son « chez soi » du Congrès de juin à Paris, nous avons tous profondément senti que Entretiens avec Michel Billé et Jean-Luc Charlot ............................................................... 6 notre approche ne se limitait pas au lieu, aux murs et au toit. • Loi ELAN - La rupture de l’égalité dans le droit à un logement ? .................. 10 • Accompagner vers et dans le logement autonome .......................................................... 12 Habiter est bien plus vaste ! • La place des établissements médico-sociaux dans le panel C’est vivre, aimer, agir, être citoyen parmi et avec tous les autres. des solutions d’habitat ....................................................................................................................................................... 14 • Penser l’architecture en amont pour des établissements adaptés – Et comme l’APAJH a toujours su relever les défis difficiles, nous avons entretien avec Gilberto Pellegrino, architecte .................................................................. 15 décidé de consacrer cette année à cette recherche, profonde et • Avec Andibo, des espaces de vie adaptés globale, en vue de notre Congrès de juin 2020 qui se déroulera à pour les handicaps invisibles ............................................................................................................................. 16 Arcachon en Gironde. • Rencontre avec Anne Bourquin Lafrenière, ergothérapeute ............................... 17 • Domicile groupé accompagné, Cette démarche, collective, ne peut se faire qu’avec celles et ceux, un système passerelle entre le foyer et le logement autonome ......... 18 qui bénéficieront de la mise en œuvre de cette réflexion. • Un dispositif sur-mesure expérimenté au Mans .................................................................... 19 • Logement et handicap – Et l’Europe dans tout ça ?.......................................................... 20 Alors, personnes en situation de handicap accompagnées par les professionnels de nos établissements et services, vivant dans le monde Fiches pratiques dit ordinaire, engagées dans le monde associatif et citoyen, cette • La prestation de compensation du handicap (PCH) : réflexion ne peut être conduite qu’avec vous. une aide pour les aménagements du logement ............................................... 21 « Rien pour nous sans nous » disiez-vous à Madrid en 2003. Evènement Et nous constatons que beaucoup de ce qui s’imagine ou se réalise, • 43ème Congrès de la Fédération APAJH .................................................................................. 25 trop souvent, c’est sans vous ! • Jean-Louis Garcia réélu président de la Fédération APAJH ..................... 28 Alors nous allons nous organiser afin que partout, cela se réfléchisse et se crée avec vous. Vie associative • #Société inclusive ................................................................................................................................................................. 30 Ces derniers jours, nous étions à Mayotte afin de guider les premiers • Trophées APAJH 2019 ................................................................................................................................................... 32 pas d’un IME et de deux services APAJH dans ce territoire de la République. En régions • Handiclap fête sa 34ème édition .................................................................................................................. 33 Egalité républicaine sur l’ensemble des territoires ! • Le CMPR de Pionsat s’équipe d’un laboratoire d’analyse du mouvement ............................................................................................................................................ 34 Enfin dans moins de six mois, élections municipales. • APAJH du Lot - Cap sur l’école inclusive ! .............................................................................................. 35 • Inauguration de l’Unité d’enseignement élémentaire autisme Présentons nos revendications, nos propositions aux candidats de Dieppe ......................................................................................................................................................................................... 36 républicains. • Carton plein pour le Duoday à l’ESAT de Braconnac .................................................. 37 Et puis, usons de notre droit de vote, et plus particulièrement les • Une soirée débat pour sensibiliser aux risques personnes en situation de handicap qui sont aujourd’hui rétablies et opportunités d’internet ........................................................................................................................................ 38 • Handicap et détention .................................................................................................................................................. 39 dans ce droit. Et assumons par l’éligibilité la place pleine et entière des femmes Zoom sur et des hommes en situation de handicap dans les futures équipes • Quand la communauté joue le jeu de l’accessibilité pour tous ...................... 40 municipales de mars 2020. • « Chaos » - Comprendre le handicap psychique pour mieux vivre ensemble ............................................................................................................................................ 41 Pour une société laïque et inclusive ! A lire, à voir .................................................................................................................................................................................... 42 Jean-Louis GARCIA le 5 octobre 2019 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 1
Dossier thématique Un lieu de vie à soi, choisi et accessible Bien plus que d’offrir simplement un abri, disposer de son « chez-soi », d’un espace intime, contribue au bien-être, préserve la santé mentale, permet de construire son identité et d’affirmer sa dignité. Dans la réalisation des aspirations à une vie ordinaire, tout citoyen, en situation de handicap ou non, doit pouvoir choisir son mode de vie et d’habitat. Chacun doit pouvoir accéder à un logement stable, tout au long de son parcours de vie, et adapté à ses besoins et à leurs évolutions, qu’il s’agisse d’une chambre dans un établissement médico-social, d’un habitat collectif ou d’un logement individuel avec ou sans accom- pagnement. Les innovations portées par des associations, bailleurs sociaux, conseils départementaux et communes, ainsi que les évolutions qu’engagent depuis plusieurs années les établissements médico-sociaux, s’inscrivent dans une dynamique de diversification des réponses d’habitat. Pour l’APAJH, cette pluralité de solutions est constitutive d’une société réellement inclusive, proposant des logements accessibles et garantissant à chacun cette liberté de choisir son lieu de vie. 2 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
« ous êtes en situation de handicap ? Des répercussions sur tous les V L’appartement du rez-de-chaussée est accessible aux personnes à mobilité domaines de la vie de proposer un éventail de solutions médico-sociales et de droit commun mêlant prestations et logique de réduite, c’est parfait pour vous »… Alors que la Déclaration universelle des parcours. Pourquoi une personne en situation de droits de l’homme rappelle, dans son handicap aurait-elle plus envie qu’une article 25, que toute personne a droit Les SAVS, services d’accompagnement autre d’habiter en rez-de-chaussée ? à un niveau de vie suffisant pour assurer à la vie sociale (lire p.12 et 13), jouent Et quelle place pour les handicaps dits sa santé et son bien-être, l’accès à un ainsi un rôle phare en favorisant l’accès « invisibles », qui représentent 80 % des logement choisi pour les personnes en et le maintien dans le lieu de vie des situations de handicap ? situation de handicap ne va pas de personnes qu’ils accompagnent. Au-delà soi avec une allocation aux adultes de l’aide à la recherche d’un toit, à La Charte d'Ottawa pour la promotion handicapés à 860 euros. La baisse des l’emménagement, à la gestion du quoti- de la santé cite le logement comme APL (allocations pour le logement) de dien, ces structures proposent aussi première condition indispensable à la 5 euros, décidée en 2017, a encore une ouverture sur la cité, sur des activi- santé : « La santé exige un certain davantage pénalisé les revenus tés collectives qui permettent de lutter nombre de conditions et de ressources modestes qui rencontrent des difficultés contre le sentiment de solitude et préalables, l'individu devant pouvoir pour se loger. d’insécurité. notamment : se loger, accéder à l'éducation, se nourrir convenablement, Les prix de l’immobilier dans les centres- Les établissements médico-sociaux disposer d'un certain revenu, bénéficier villes excluent les plus faibles revenus collectifs, abusivement stigmatisés par d'un écosystème stable, compter sur un de l’accès à la propriété mais égale- l’ONU (lire p. 14 et 15), ont eux aussi leur apport durable de ressources, avoir droit ment à la location. Bien au-delà du loge- place dans ce panel de solutions tout à la justice sociale et à un traitement ment, cela implique aussi d’être exclu autant que des solutions innovantes équitable ». d’autres domaines, avec le risque de d’habitat semi-autonomes, accompa- se « replier » sur une solution d’habitat gnés, partagés ou encore tremplin Pourtant, en France, de nombreux freins excentrée de la vie sociale, des trans- (lire p.18 et 19) n restent à lever pour garantir le libre ports, des écoles, des pôles d’emploi et choix de son lieu de vie : manque de de santé… ressources financières, pénurie de biens immobiliers adaptés, prédominance d’une Proposer des solutions qui garantissent logique de protection de la personne sécurité, ouverture et liberté au détriment de ses envies, scandaleux recul législatif avec la loi Elan (lire p.10 Les souhaits des personnes en situation et 11) et son obligation de seulement de handicap sont multiples, protéiformes. 20 % de logements neufs accessibles, Les réponses d’accompagnement, etc. concernant l’accès au logement, la santé, l’éducation, etc. doivent refléter cette diversité. Pour l’APAJH, le défi est la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 3
Dossier thématique De nouvelles habitudes de vie en matière de logement + + + en + t Des surfaces grandes pour des familles de + petites Le secteur HLM loge aujourd’hui un ménage sur 6 contre un sur dix il y a 50 ans (INSEE) t 20% des demandes de logements ou de relogement émanent de personnes en situation de handicap t vivant dans un logement non décent- ou sur-occupé Plus qu’un abri… … disposer de son “chez-soi” contribue au bien-être et préserve la santé mentale. SANTÉ BIEN-ÊTRE TRAVAIL VIE SOCIALE EDUCATION Loisirs | Vie de famille Etablissements sociaux Logement autonome et médico-sociaux Habitat accompagné/partagé Sources : • Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat, 31 décembre 2008 • INSEE, 1er janvier 2014 • 60 millions de consommateurs √• Défenseur des droits 4 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Dossier thématique Quels freins à l’accès à un logement choisi ? Seuls 40 % des apparte- ments et maisons indivi- duelles répondent aux règles d'accessibilité et d'adaptabilité dictées par la loi handicap de 2005 ACCESSIBILITÉ 29 % de refus de visite pour une personne en situation DISCRIMINATION de handicap sous curatelle EXCLUSION Une allocation adulte handicapé en-dessous du seuil de pauvreté (900€ à partir du 1er novembre 2019) FINANCIERS Quota de 20% des logements neufs accessibles prévu par la loi Elan (contre 100% prévu par MANQUE D’OFFRES la loi « Handicap » de 2005) ADAPTÉES la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 5
Dossier thématique Choisir et s’approprier son « chez soi » | Le chez-soi comme refuge, premiers pas vers l’autonomie Bien au-delà du besoin fondamental de se mettre à l’abri, Le point de vue de Michel Billé, avoir un logement décent, choisi est l’un des composants essen- sociologue, spécialiste tiels d’un bon état de santé mentale. Michel Billé et Jean-Luc des questions du vieillissement Charlot (pages suivantes), sociologues, partagent leur point de et du handicap vue sur ces notions. Quelles évolutions observez-vous té, envers les frères et sœurs : « Vous pren- Par exemple, les SAVS dans l’accès au logement des drez le relais, vous ne le laisserez pas tom- ont été une étape personnes en situation de handicap ? ber ». C’est le message implicite ou expli- absolument remarquable cite. Je crois vraiment que ce souci était dans la transformation l y a une évolution positive, indéniable- apaisé lorsque les parents pouvaient se I ment. Qu’elle soit insuffisante, que la réa- lité soit critiquable et doive être analysée, des conditions d’habitat des personnes en situation dire : « il y a un établissement. Un établis- sement c’est solide, c’est durable. Il sera de handicap oui. Mais oui, il y a une évolution positive. pris en charge ». « Pris en charge », c’est Par exemple, les SAVS (services d’accom- une expression abominable ! Parce que, pagnement à la vie sociale) ont été une Cette évolution se produit de manière non, ce n’est pas une charge, il s’agit d’ac- étape absolument remarquable dans la sociétale. Cela se vérifie à deux niveaux : compagnement et de soins. Mais nous transformation des conditions d’habitat c’est devenu quelque chose d’envisa- fonctionnions avant avec ces représenta- des personnes en situation de handicap. geable pour la société en général, mais tions. Au moment où l’on dit « désinstitutio- Le fait qu’elles accèdent à des systèmes aussi pour les familles qui soutiennent, nalisation », on est tiraillé entre l’envie de très proches de la colocation, qu’on s’en réjouir et la peur de la perte possible accompagnent la personne en situation accepte ces systèmes alors qu’on les aurait de sécurité. Cette peur est légitime parce de handicap. rejetés il y a encore 15 ans en disant que, évidemment, un SAVS ne peut pas « elles n’en seront jamais capables », c’est assurer un soutien 24h/24. Si l’équilibre Les parents peuvent parfois être une véritable évolution positive. qu’on avait trouvé hors établissement avec confrontés à la peur de laisser leur ce logement et cet accompagnement Quand des personnes en situation de enfant, pourtant adulte, vivre seul, devient fragile, que la situation évolue, quel handicap sont soutenues dans la décision tout en craignant le moment sera le devenir pour la personne ? qu’elles prennent de vivre en couple où ils ne seront plus là… et que les équipes éducatives font le Il n’y aura d’inclusion véritable que si nous pari de cet accompagnement pour leur Quand les parents se projettent dans savons conjuguer les vertus de l’inclusion permettre de trouver un habitat à investir l’avenir, ils se demandent « Qu’est-ce que et les vertus des réponses spécifiques. et une intimité à construire, à vivre, cela notre enfant deviendra quand on ne sera Parce qu’aux limites du logement ordinai- a une valeur extraordinaire. plus là ? ». Plus souvent qu’il n’y parait, il re peut-être aurons nous besoin de recou- y a une transmission d’exigence, de loyau- rir à de l’hébergement. 6 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Dossier thématique La désinstitutionalisation inclusive a des ne pourront jamais accéder à un véritable vivre la « socialité » au cœur de la ville. limites aussi. Nous la revendiquons pour le logement au sens fort du terme. Mais un Il nous faut réfléchir en termes d’urbanisme plus grand nombre, mais il faut ouvrir la hébergement bien pensé permettra de et de répartition de la population. Il n’y question de ses limites. A-t-elle des limites, palier intelligemment l’absence de loge- aura inclusion que si nous allons jusqu’à quelles sont-elles et comment y palier ? ment. une réflexion politique sur les réponses que nous apportons aux questions posées par La liberté de choisir son logement, Quelles sont les principales difficultés le logement. Où voulons-nous que vivent d’avoir un « chez-soi ». rencontrées par les personnes en les personnes en situation de handicap, Qu’est-ce que cela vous évoque ? situation de handicap pour accéder les personnes âgées, etc., nous qui sommes à un logement choisi ? leurs concitoyens ? Il est rare que l’on Ma première réaction sur ce sujet de réponde « avec nous » même si cela évo- réflexion est qu’il n’y aura pas de choix On sait que les situations financières des lue. La question devrait d’ailleurs être réel, pour les personnes en situation de personnes en situation de handicap sont « Où souhaitent-elles vivre ? ». Il arrive que handicap, tant que l’on restera sur une très souvent des situations de grandes le pouvoir politique entende leur souhait logique d’hébergement. difficultés. S’il n’y a pas un soutien écono- et contribue à le réaliser…mais c’est rare. mique significatif, avec des allocations, L’urgence, de mon point de vue, c’est de des prestations, l’intention inclusive sera J’aime l’idée qu’habiter, c’est s’intégrer. passer d’une logique de l’hébergement à très belle mais elle restera irréalisable. Intégration et inclusion ne sont pas une logique de logement. Tant qu’on antinomiques. L’exigence inclusive, c’est une est dans une logique d’hébergement, D’autre part, le logement, social en parti- transformation sociétale qui doit permettre la personne hébergée n’habitera pas culier, est parfois accessible mais pas si que l’intégration puisse se faire dans réellement chez elle. Le statut juridique de souvent que cela. Le renoncement voté des situations de plus en plus diverses, la personne hébergée n’est pas celui de avec la loi Elan (NDLR : de passer d’une fréquentes, multiples, partagées, ordinaires. la personne qui est dans son logement. obligation de 100 % à 20 % de logements Par exemple, il nous faut décider de Dans un logement, le citoyen peut adaptés dans le neuf) est absolument transformer l’école jusqu’à ce que, bien prétendre à des allocations logement par scandaleux. Les mêmes parlent d’inclusion, qu’en situation de handicap, je puisse exemple. Le citoyen hébergé, non. ils en parlent d’autant plus qu’ils n’ont pas y trouver ma place. Pas un strapontin, l’intention de la faire ! Renoncer à cela, pas une place, mais Ma place. La mien- Si vous prenez un EHPAD, les portes sont c’est enfermer la personne en situation de ne, parmi les autres avec le soutien dont ouvertes ou fermées avec des digicodes : handicap. Même si elle accède à un éventuellement j’aurais besoin. qui a le droit de sortir ? Ces questions sont logement, comment pourrait-elle rendre bien sûr à replacer dans le rapport entre visite à des amis qui n’ont pas de loge- Vous parlez de « soutien » à domicile sécurité et liberté, et elles sont légitimes. ment accessible ? Elle sera enfermée chez plutôt que de maintien. Mais les réponses sont complexes. L’exercice elle parce que le logement de ses amis, Pouvez-vous nous en dire plus ? de la liberté n’est pas le même à l’intérieur de son frère, de sa sœur ne sera pas d’un foyer que dans son logement. accessible. C’est effrayant ! Partout, on a développé des services de maintien à domicile. Je m’en réjouis. La question de l’intimité ne se pose pas Maintenant le fait que je m’en réjouisse ne de la même manière dans un logement et Il y a dans la langue m’interdit pas d’analyser et de critiquer. dans un hébergement. Il y a dans la langue française une belle expression Je vieillis et, demain, j’aurais sans doute française une belle expression « Aménager « Aménager son intérieur » […] besoin d’être aidé dans mon quotidien. son intérieur » : vous êtes en couple, vous Quand j’aménage mon Vous ne viendrez pas chez moi de la même vous séparez, vous vous dites « j’aména- intérieur habitable, c’est manière si vous venez me maintenir ou si ge mon intérieur ». On voit bien que cet un réaménagement vous venez me soutenir. Vous venez me aménagement est une projection sur le de l’intérieur de moi. maintenir, je subis. Vous venez me soutenir, logement de l’intérieur de soi. Quand Le logement est une je suis acteur. j’aménage mon intérieur habitable, c’est projection de soi sur un réaménagement de l’intérieur de moi. l’espace habitable Le maintien laisse penser que tout est Le logement est une projection de soi sur possible. C’est absurde, tout n’est pas l’espace habitable. possible : par exemple, il se peut que ma situation physique, que mes difficultés de « Je suis ce que j’habite » et pour exister, En plus, des limites économiques et déplacement ne soient plus compatibles j’ai besoin d’habiter. J’habite quelque architecturales, on trouve aussi les limites avec le logement dans lequel j’habite. Dans part donc je peux exister pleinement. « urbanistiques », relatives à l’organisation l’idée de soutien, vous me considérez Simplement en regardant l’aménagement des villes, à la spatialisation des popula- comme capable de décider pour moi : de mon intérieur, vous pouvez en tions. A chaque fois que l’on ouvre un c’est moi qui déciderai d’aller en EHPAD. apprendre beaucoup sur moi en fonction EHPAD, comme par hasard il est situé à la Non au placement, oui à l’accueil. Ce n’est de la place que je donne par exemple à périphérie. Alors que c’est au cœur de la pas la même chose d’être placé et d’avoir la musique, aux livres, à la télévision. ville qu’on devrait ouvrir un EHPAD. Pour choisi d’être accueilli. n Je conçois bien que certaines personnes accueillir les plus âgés qui ont besoin de la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 7
Dossier thématique Choisir et s’approprier son « chez soi » | « Habiter c’est beaucoup plus que d’avoir un logement de qualité » Le point de vue de Jean-Luc Charlot, sociologue, auteur de Le pari de l'habitat : Vers une société plus inclusive avec et pour les personnes en situation de handicap ?, vice-président de l’association Fabrik autonomie Habitat En 2016, le comité interministériel du E n 2016, le CIH a publié 12 mesures au handicap a souhaité donner une handicap (CIH) puis, en 2018, la loi Elan en faveur de l’habitat inclusif. véritable reconnaissance au concept en ont défini la notion d’habitat inclusif. Avec cette première phase, on était l’intégrant dans une loi et a profité de Beaucoup d’associations et d’acteurs sur une définition large de l’habitat l'opportunité du vote de la loi Elan. La jugent cette définition restrictive. inclusif qui correspondait à des formules définition qui est donnée de l’habitat inclu- Comment appréhendez-vous d’habitat dans la cité : cela pouvait sif dans la loi Elan est calquée sur des ce concept et quelle définition être de la colocation, de l’habitat com- expérimentations de formules d’habitats en donnez-vous ? munautaire, etc. On était sur un balayage qui n’avaient pas encore été menées à très large. L’observatoire national de l’ha- terme ni évaluées. Elle exclut beaucoup bitat inclusif ainsi qu’un guide ont égale- de formules d’habitats. ment été créés. Puis, le secrétariat d’Etat 8 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Dossier thématique Ma définition de l’habitat inclusif rejoint Comment la société pourrait-elle Vous parlez d’évolution des celle du manifeste du collectif « Habitat garantir le libre choix de son logement ? situations, des logements. inclusif » (voir encadré). L’enjeu est le La Loi Elan a évoqué la notion de suivant : habiter c’est plus que se loger. Le principal obstacle est le manque de logements évolutifs sans en définir Habiter, c’est d’abord disposer d’un formules différentes d’habitats sur les précisément les contours. chez-soi. Cela implique de respecter trois territoires. La condition du libre choix, c’est Qu’en pensez-vous ? conditions : l’existence d’une pluralité de formules. Aujourd’hui, on n’a pas beaucoup de choix Sur la dimension évolutive, les logements - D’abord, la question de l’intimité. On est entre un établissement médico-social doivent être conçus pour permettre de faire chez soi quand on est dans l’intimité : qui n’aurait pas suffisamment de places, évoluer le logement en fonction des pouvoir ranger, ne pas ranger, avoir des un « chez soi » indépendant qui n’est pas évolutions des personnes. Ce sont des secrets avouables ou inavouables… fait pour tout le monde ou une vie en questions de bâti technique. Evolutif, cela Cela peut être une vraie difficulté, par famille, chez ses parents, sans possibilité veut dire que chaque logement, sans avoir exemple pour quelqu’un qui habite sur le à faire de travaux considérables, doit pou- lieu de travail d’autres personnes. Dans voir être accessible. Et on sait le faire ! un certain nombre d’établissements, on Il est nécessaire de le rappeler Techniquement c’est possible. Ce n’est n’est pas chez soi. Les professionnels en ce moment, les établisse- ni une question de technique, ni une ques- rentrent dans la chambre sans frapper ments médico-sociaux ont toute tion financière, surtout que cela revient plus par exemple. Je connais des établisse- leur place dans notre vision ! cher de rendre accessible un logement qui ments dans lesquels les personnes ne On peut tout à fait habiter dans n’a pas été conçu dès l’origine pour l’être. peuvent rien accrocher aux murs. L’intimité, un établissement médico-social, C’est une question de fond, de concep- c’est aussi la liberté de choisir ses meubles, le souhaiter, en avoir besoin tion. 100 % des logements devraient être de décorer sa chambre avec des objets accessibles. Pour la loi Elan, les députés personnels. ont proposé 10 %, le Sénat 30 %... « Tope de décohabiter comme tout jeune adul- là et on dit 20 % » (NDLR : sénateurs et - C’est aussi une question de clôture : te a envie de le faire à un moment ou un députés se sont mis d’accord pour un je suis chez moi quand je peux décider autre. Pour pallier cela, il faut une plurali- quota de 20 % de logements neufs acces- qui rentre et qui ne rentre pas. Si des té : nous avons tous des besoins et des sibles). C’était la place du marché ! personnes m’accompagnent dans ma vie aspirations différents, il faut trouver l’offre quotidienne, je dois pouvoir décider si qui permet de répondre à ces besoins Ce chiffre de 10 %, il n’est pas sorti au je veux qu’elles rentrent ou non, à quel différents. Beaucoup de solutions sont aussi hasard. Il vient des promoteurs immobiliers. moment et surtout jusqu’à quel point : aujourd’hui intermédiaires parce qu’on ne Mais il faut vraiment le discuter. Imaginons dans mon entrée, dans mon salon ou sait pas faire mieux. Par exemple, pour des que mon logement soit accessible, mais dans ma chambre ? Il faut aussi que personnes avec une grande dépendan- comment je fais pour rendre visite à mes je puisse sortir de chez moi quand je le ce ou des maladies dégénératives pour proches qui n’habitent pas un logement souhaite. lesquelles la question de la sécurisation accessible ? est très présente. De la même manière, si pour avoir un loge- - La dernière question est celle de pou- ment accessible, je dois habiter en rez-de- voir gouverner son temps. On est chez Il est nécessaire de le rappeler en ce moment, les établissements médico-sociaux chaussée, je ne suis pas libre de choisir soi quand on peut gouverner son temps, mon logement. Il ne faut plus que les per- quand on décide de l’heure à laquelle ont toute leur place dans notre vision ! On peut tout à fait habiter dans un sonnes choisissent par défaut. L’accessibilité on mange par exemple. Je prends est aussi une question d’information, de l’exemple d’un foyer d’accueil médicali- établissement médico-social, le souhaiter, en avoir besoin. Mais on peut aussi avoir lumière, de son…ce n’est pas uniquement sé qui proposait des repas fixes, avec l’accessibilité physique, qui est beaucoup tout le monde, mais qui mettait aussi à besoin d’une autre formule à un moment de notre vie, puis plus tard souhaiter retour- plus simple à imaginer et expliquer. Par disposition des résidents des mini-studios exemple, dire qu’il faut faire attention au avec kitchenette pour permettre à ceux ner dans un établissement. La situation de handicap peut nécessiter beaucoup mode d’information parce qu’un certain qui le souhaitaient de préparer et nombre de personnes ne lisent pas, c’est prendre leur repas à d’autres heures. d’accompagnement à un moment puis moins à un autre. plus compliqué à faire comprendre. Habiter c’est beaucoup plus que d’avoir Le rôle des pouvoirs publics, de l’Etat, des un logement de qualité. L’enjeu est là. À Le collectif « Habitat inclusif », qui ras- Agences régionales de Santé et des semble l’APAJH, l’Unafam, l’APF, l’Uniopss, partir du moment où je peux m’approprier l’Unapei, l’Arche en France, le GIHP et la départements est également primordial. mon logement, je peux me « redéployer », Fabrik Autonomie, a diffusé en mars 2019 Il faut que les politiques publiques jouent sortir, m’intégrer dans la vie, dans la cité. un manifeste intitulé « Habiter ensemble, un rôle de facilitateur, d’animateur. Ce chez soi et dans la cité ». Il énonce une Ce qui est indispensable aussi c’est de conception commune d’un habitat par n’est pas en produisant une loi ou en faire avec les personnes concernées, pas et pour les citoyens en situation de han- faisant des appels à candidatures avec de faire pour elles. dicap et détaille des propositions en des attentes trop cadrées que cela va faveur de l’habitat pour tous. avancer. n la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 9
Dossier thématique Loi ELAN | La rupture de l’égalité dans le droit à un logement ? Discutée et votée en 2018, La loi ELAN porte précisément Dans cette loi, il est inscrit que la loi ELAN portant sur l’évolution sur l’évolution du logement ; le taux de logements neufs du logement, de l’aménagement et ses mesures permettent-elles accessibles est de 20%, les autres du numérique a suscité l’opposition cet objectif ? devant être « évolutifs ». des associations représentatives des Quelle est leur définition ? personnes en situation de handicap, Il n’y a pas non plus d’anticipation face au dont l’APAJH, principalement vieillissement de la population française. Aujourd’hui, les logements dits évolutifs sont car elle revient sur le quota de Il faudra mathématiquement plus de des logements qui ne nécessitent pas logements neufs accessibles de logements demain qu’aujourd’hui car les de travaux lourds pour être transformés. 100%, prévu par la loi de 2005. personnes vivent plus longtemps, ce qui a Par exemple, déplacer une cloison. Echanges avec Thibault Bazin, pour conséquence que de plus en plus Cependant, même de menus travaux, député Les Républicains de la 4ème de personnes vivent seules dans un loge- comme placer une poignée ou une barre circonscription de Meurthe-et-Moselle ment qui accueillait auparavant au moins sur une cloison, peuvent fragiliser le bâti- et membre du comité de suivi deux personnes, comme c’est le cas pour ment. C’est pourquoi ces problèmes de la loi ELAN. les veufs et veuves. Par ailleurs, ce vieillis- devront être posés de façon juridique. sement a une autre conséquence, ces Quels sont les fondements personnes pourront avoir besoin de loge- Qui doit supporter le coût de transforma- de la loi ELAN ? ments adaptés. D’autant plus que la tion de ces logements : le constructeur construction a connu beaucoup d’évolu- initial ? le propriétaire, sachant qu’il a pu Le gouvernement a bâti ce projet de loi tions depuis le vingtième siècle : aujour- évoluer ? Est-ce que cela donne des droits autour de trois objectifs : construire plus, d’hui il y a plus de trois pièces qu’avant, et spécifiques aux locataires car ces loge- construire mieux, et construire moins cher, les 4 ou 5 pièces ne représentent plus ments sont catégorisés comme évolutifs ? objectifs qui font consensus. Mais à quel qu’environ 10% des logements construits L’agence nationale de l’habitat (Anah) prix politique et socio-économique ? dans un immeuble. Le logement a été rendu a notamment des enveloppes et pourra plus compact, du fait du resserrement des aider à ces transformations. Mais est-ce Il y a un biais dans le raisonnement qui tend ménages bien sûr, mais également dans que le financement de l’Etat sera de l’ordre à revenir sur le quota de 100% de loge- une recherche du coût le moins important. de 100% ? Et comment faire face à une ments neufs accessibles car tous les habi- Or, l’accessibilité n’est pas la norme à situation où le propriétaire ne serait plus tants n’en auraient pas besoin. L’approche respecter qui coûte le plus cher lors de la en possibilité de faire ces travaux ? porte sur les flux, et non sur les stocks. construction d’un logement, et mathémati- Aujourd’hui le nombre de productions de quement, plus le logement sera petit, La définition de logements « évolutifs », logements collectifs neufs accessibles est plus le coût de production au mètre carré donc des logements qui doivent pouvoir de l’ordre de moins de 300 000 par an, sera important. Nous avons oublié la haute être rendus accessibles après leur construc- soit environ 0,15% d’inflexion sur le parc qualité d’usage, qui passe également, je tion pose également la question « est-ce global. A ce rythme-là, ne serait-ce que le pense, par l’accessibilité des logements. que l’on construit vraiment moins cher ? » pour atteindre un taux de 6% de logements Dan comme le gouvernement le souhaitait accessibles, il faudrait des années, alors à travers cette loi ? En effet, cela coûte que le taux inscrit dans la loi est de 20%. moins cher de produire un logement D’autant plus que les aménagements pour immédiatement accessible, plutôt que rendre un logement accessible sont d’effectuer des travaux a posteriori dans profitables à l’ensemble de la population, un logement qui n’a pas été pensé pour par exemple les familles. être accessible. 10 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Dossier thématique Le gouvernement a bâti logements neufs accessibles. Cependant, logement (APL), et que la production de ce projet de loi autour de trois nous pouvons souligner que les bailleurs logements sociaux globale a elle-même objectifs : construire plus, sociaux ont particulièrement été touchés diminué. n construire mieux, et construire par la réforme de l’Aide personnelle au moins cher, objectifs qui font consensus. Mais à quel prix politique Des députés questionnent le principe et socio-économique ? d’égalité de la loi Elan Ce manque de précision influe sur les Le 25 octobre 2018, des députés socialistes, communistes et insoumis ont financeurs de la construction. Par exemple, déposé une saisine auprès du Conseil constitutionnel en vue de faire les investisseurs privés, qui ont acheté un censurer ce texte, notamment car ils estimaient que « les dispositions de bien à un prix donné, ont peut-être l’article 18 de la loi [NDLR Elan] déférée portent une atteinte manifeste au contracté un prêt et consacrent le loyer principe d’accessibilité aux logements des personnes à mobilité réduite et méconnaissent, par la même, le principe constitutionnel d’égalité ainsi perçu pour rembourser cet emprunt. Si que les exigences découlant des alinéas 10 et 11 du Préambule de la dans quelques années, ils peuvent avoir Constitution de 1946 en vertu desquels « la Nation assure à l’individu et à des coûts supplémentaires de mise en la famille les conditions nécessaires à leur développement » et « garantit accessibilité, cela peut leur faire peur et à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la pro- leur faire renoncer à l’investissement. tection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la Enfin, actuellement, quand une personne situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit a un accident de la vie, elle se tourne vers d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». la collectivité : elle ne peut plus habiter Le 15 novembre, le Conseil constitutionnel a validé le texte en l’état et a dans son logement, et peut demander rejeté la notion de rupture d’égalité dans l’accès au logement pour les à ce que celui-ci soit transformé, ou alors personnes en situation de handicap « Dès lors, en adoptant les dispositions à obtenir un nouveau logement adapté. contestées, lesquelles sont suffisamment précises, le législateur, qui a enten- Le besoin de logements accessibles du maintenir l'accessibilité des personnes handicapées aux logements est donc plus fort dans le parc public. situés dans les bâtiments neufs tout en assurant l'adaptation de ces loge- Or, le volume d’offres possibles pour ments pour prendre en compte la diversité et l'évolution des besoins des répondre à ces personnes va a fortiori individus et des familles, a retenu des critères qui ne sont pas manifeste- baisser, sauf si les bailleurs sociaux font le ment inappropriés au but poursuivi ». choix de continuer à construire 100% de lala revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 11
Dossier thématique Depuis 2018, Morgane Béjot et l’équipe du SAVS accompagnent Matthieu dans son quotidien, notamment pour l’aider à se stabiliser et à s’approprier son appartement. Accompagner vers et dans le logement autonome | Vivre chez soi… en étant accompagné Issus de la loi du 11 février 2005, 45 personnes qu’il accompagne actuel- Nous nous inscrivons dans une démarche les Services d’Accompagnement lement un numéro de téléphone et un suivi de coordination ». à la Vie Sociale (SAVS) suivent 24h/24, 7 jours sur 7. Pour celles qui vivent des personnes en situation de seules dans leur logement, l’existence De la recherche du logement handicap dans leur vie quotidienne. de ce numéro et du service de nuit offrent à son aménagement, En matière d’habitat, ce travail une sécurité supplémentaire, un service un accompagnement multiple permet aux personnes de vivre rassurant pour les soirs où la solitude se fait dans un logement autonome, trop envahissante. « En termes de logement, les besoins des tout en bénéficiant d’un accompa- personnes sont larges. Nous pouvons gnement personnalisé. Morgane Béjot est Technicienne de intervenir dans la recherche du bien, son Rencontre avec le SAVS APAJH l’intervention sociale et familiale au SAVS aménagement, l’achat de meubles, puis de Chalon-sur-Saône. depuis 2012 : « L’équipe éducative du l’entretien et la sécurité une fois que la SAVS intervient auprès des personnes pour personne est installée. Il y a encore des tout ce qui concerne leur vie quotidienne, logements précaires, nous interpellons donc « onsoir, je me sens un peu angoissé(e) leur logement, leur santé, etc. Nous déve- les tuteurs ou les bailleurs. Nous interve- B alors je vous appelle ». A Chalon-sur- Saône, le service d’accompagnement loppons des réseaux, des partenariats de proximité pour pouvoir leur proposer des nons dans la gestion du quotidien : courses, compréhension du courrier, gestion du à la vie sociale met à disposition des solutions dans tous les domaines de la vie. budget parfois. Il y a aussi un travail 12 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Dossier thématique d’accessibilité : cela peut être difficile de ment mais aussi pour me rapprocher de la Se sentir bien chez-soi trouver un logement adapté. La personne ville et de mes activités. Je me déplace doit forcément faire des concessions pour beaucoup en bus donc c’était important Depuis le 7 juin 1988, les équipes du SAVS accéder à un logement ». Morgane Béjot d’être près des transports. Je me sens bien suivent le parcours de Martine. Il y a 20 donne l’exemple d’un locataire habitant dans mon logement. Avant dans mon ans, c’est l’ESAT où travaillait Martine qui un logement adapté dans une résidence ancien logement, je n’avais plus envie de a contacté le SAVS lorsque celui-ci était qui ne compte qu’une seule place faire le ménage, la cuisine. Je n’avais qu’un encore un foyer avec des logements de parking réservée aux personnes en micro-onde. Maintenant j’ai envie de m’y éclatés. « J’ai déménagé 3 fois en 20 ans. situation de handicap… pour 4 résidents remettre. Avant je ne pouvais pas faire ce La première fois, j’habitais en rez-de-chaus- qui en auraient besoin. que je voulais chez moi, maintenant je fais sée et ça ne me plaisait pas. Puis j’étais ce que je veux chez moi ». au 2ème étage mais il n’y avait pas Très majoritairement locataires, les d’ascenseur. Puis j’ai déménagé dans mon personnes accompagnées par le SAVS Si Matthieu habitait déjà cet appartement logement actuel » précise Martine, « mais font souvent face à des difficultés finan- quand son accompagnement a com- je ne suis pas très bien car j’habite loin cières. Avec une allocation adulte handi- mencé, le SAVS l’a aidé à se stabiliser, à de mon ami qui est dans le centre-ville. capé (AAH) à 860 euros, elles sont nom- gagner en autonomie et à s’approprier les Mais il n’y a pas de logement dans mon breuses à être exclues du parc privé et du lieux. « Avec le SAVS, on a acheté des budget dans le centre-ville ». centre-ville. Morgane Béjot témoigne : meubles, nous faisons ensemble les courses « Pour trouver des appartements, nous le vendredi. Depuis que j’ai le SAVS, ma Quand Martine s’est installée dans cet démarchons des associations, des bailleurs vie a basculé dans le bien ». Et quand appartement, le SAVS l’a aidée dans son sociaux. Parfois, nous pouvons trouver des on lui demande comment il envisage l’ave- aménagement et l’adaptation : « j’ai une logements dans le parc privé mais ils sont nir chez lui : « aujourd’hui j’ai une copine salle de bain avec une douche italienne. souvent plus chers et nous faisons encore mais c’est trop tôt pour dire si j’ai envie de Au début, il y avait une baignoire, ce n’était face à des a priori de la part de certains m’installer avec elle. Je suis à l’aise chez moi pas adapté. Nous avons attendu un an bailleurs ». comme ça ». et demi avant que la douche soit instal- lée. J’ai aussi choisi les meubles avec le « Ma vie a basculé dans le bien » Avec un budget très serré, les équipes du SAVS ». Aujourd’hui, tout le travail des pro- SAVS ont dû faire preuve de ténacité fessionnels du SAVS consiste à aider Matthieu est accompagné par le SAVS Martine à reprendre le cours de sa vie depuis 2018. Après avoir rencontré des pour pouvoir meubler l’appartement de Matthieu. « Nous avons dû faire appel après de graves problèmes de santé et difficultés de voisinage dans ses précé- plusieurs semaines d’hospitalisation. dents logements et avoir été hospitalisé, il à des partenaires. Nous avons comparé, vit aujourd’hui dans son appartement à approché plusieurs magasins. Nous avons Bien au-delà de la recherche de loge- Chalon-sur-Saône. finalement réussi à lui trouver un canapé, ment, l’action du SAVS est un accompa- une télé, un aspirateur, etc. en respectant gnement du quotidien pour permettre à « Je voulais vivre à Chalon pour être plus son budget grâce à l’association La chacun de se sentir bien chez-soi pour tranquille par rapport à mon ancien loge- Ressourcerie », explique Morgane Béjot. ensuite se sentir mieux avec les autres. « Toutes les personnes que nous accom- pagnons ont investi leur logement, s’y sen- tent à l’aise. Je pense à une personne qui était dans un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Nous l’avons aidée à trouver un logement qu’elle a tout de suite investi. Avant, elle n’entretenait pas son logement car elle ne s’y sentait pas bien. Maintenant elle se sent mieux et elle prend soin de chez elle et donc d’elle-même », CHS conclut Morgane Béjot. n En partenariat avec le Centre Hospitalier Spécialisé de Sevrey (Saône-et-Loire), le SAVS accompagne des personnes ayant été hospitalisées pendant de longues durées, pour leur permettre d’accéder à un loge- ment ou de se réapproprier leur domicile. la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org 13
Dossier thématique La place des établissements médico-sociaux dans le panel des solutions d’habitat | Diversifier les réponses d’accompagnement Abusivement stigmatisés dans un récent rapport de l’ONU, les établis- sements médico-sociaux ont pour- tant toute leur place dans le panel des solutions d’habitat pour les per- sonnes en situation de handicap. Ouverture sur la cité, foyers éclatés, activités « hors-les-murs »… les éta- blissements s’engagent pour une société inclusive, proposant de nou- velles formes d’accompagnement. D ans un rapport publié début 2019, Crédit photo : Céline Septet Catalina Devandas-Aguilar, rap- porteure spéciale de l’ONU, saluait les avancées de la France en matière de politique du handicap, mais faisait égale- ment part de ses vives inquiétudes sans aucune nuance sur certains sujets. Plusieurs mesures mises en avant dans ce Je n’oppose pas les différentes situations de de l’égalité avec les autres ». rapport sont depuis longtemps revendi- L’APAJH s’oppose fermement à cette conclu- handicap : pour chaque personne, quelle quées par l’APAJH : l’accès à la pleine sion qu’elle estime caricaturale et non objec- que soit sa situation de handicap et son citoyenneté des personnes en situation tivée. Jean-Louis Leduc, directeur général niveau de dépendance ; ce qui doit primer de handicap, notamment grâce à un droit de la Fédération, explique cette position : ce sont ses souhaits. Les personnes avec les de vote inaliénable, la nécessaire forma- « Sur le rapport de l’ONU, un certain nombre situations les plus complexes ne doivent pas tion au handicap des enseignants et des personnels de l’éducation, des programmes d’éléments sont cohérents avec ce que de fait être exclues de la logique d’inclusion. scolaires adaptés et plus largement l’ac- l’APAJH porte depuis des années. Ce qui nous Un faible niveau d’autonomie ne veut pas cès à tous les lieux publics. a bloqués par rapport à ses propos, c’est systématiquement dire exclusion. Des leur caractère caricatural. Le rapport oppo- personnes avec peu d’autonomie peuvent « [Il ne faut pas ] opposer accompa- se accompagnement en établissement vivre hors des établissements avec l’appui gnement en établissement et service et service d’accompagnement. Pour l’APAJH, d’un SAVS par exemple, avec des aides à d’accompagnement » le moteur de l’action, ce sont les souhaits et domicile, dans un logement équipé avec de Cependant, Catalina Devandas-Aguilar attentes des personnes. Ce que l’APAJH place la domotique pour compenser les déficits ». recommande également au gouvernement en premier est l’écoute des choix de vie français de « fermer progressivement tous des personnes. Les établissements et services Ce sont donc précisément les besoins les établissements pour personnes handica- médico-sociaux, se doivent effectivement et attentes, multiples, protéiformes et différents pées » car « il n’existe pas de bon établis- de proposer une palette de réponses. de chaque personne qui conduisent sement d’accueil puisqu’ils imposent tous un Les besoins des personnes sont différents pour l’APAJH à considérer que la fermeture de tous certain mode d’existence qui limite les possi- chacune, les réponses d’accompagnement les établissements n’a pas de sens alors qu’ils bilités d’avoir une vie agréable sur la base doivent donc être personnalisées. constituent une réponse d’accompagnement. s 14 la revue APAJH / N°119 / Octobre 2019 / www.apajh.org
Vous pouvez aussi lire