Après le scandale, les films - André Roy 24 images - Érudit

 
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Après le scandale, les films - André Roy 24 images - Érudit
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24 images

Après le scandale, les films
André Roy

Cinéma américain II : les marges, les acteurs
Numéro 53, janvier–février 1991

URI : https://id.erudit.org/iderudit/22372ac

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Éditeur(s)
24/30 I/S

ISSN
0707-9389 (imprimé)
1923-5097 (numérique)

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Citer cet article
Roy, A. (1991). Après le scandale, les films. 24 images, (53), 50–52.

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                                                                        https://www.erudit.org/fr/
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FESTIVAL DU CINÉMA INTERNATIONAL EN ABITIBI-TEMISCAMINGUE

                                         après le scandale, les films
            p a r A n d r é Roy
                                         L   e Festival du cinéma inter-
                                             national en Abitibi-Témis-
                                         camingue, qui a une très bonne
                                                                                  the Flasher, qui a été tourné
                                                                                  dans un but évident de provoca-
                                                                                  tion, paraît plus pathétique que
                                                                                                                      ainsi dire inutiles, Holland
                                                                                                                      déroule les événements les uns
                                                                                                                      après les autres d'une façon
                                         réputation auprès de la critique         tragique. Il est difficile d'être   sèche, refoulant tout lyrisme,
                                         — montréalaise surtout, reçue            touché par ce personnage de         jetant un regard tout extérieur
                                         royalement — n'avait peut-être           scénariste raté, Stan, qui donne    sur les péripéties ambiguës de
                                         pas besoin — cinématographi-             des leçons d'anglais à des en-      Sally. Est-ce à cause du poids du
                                         quement parlant — de Serge               fants avec un accent effroyable     vécu qui surplombe ce récit,
                                         Gainsbourg ni de son film, Stan          et qui se trouve à cinquante ans    toujours est-il qu'on est ému,
                                         the Flasher, pour ouvrir sa neu-         en pleine panne créatrice et        qu'on oublie le parfait classi-
                                         vième édition. Mais Jacques              sexuelle. Le côté anticonfor-       cisme de la mise en scène et le
                                         Matte, le directeur, s'est dit           miste du film — longs plans,        confort stylistique adopté par la
                                         qu'il fallait inviter un (préten-        citations poétiques, gros mots,     cinéaste pour décrire — presque
                                         du) trouble-fête afin d'addition-        etc. — semble relever plus d'un     avec résignation — les aléas de
                                         ner les articles dans les journaux       jusqu'au-boutisme que d'une         l'Histoire.
                                         de la métropole et d'attirer un          véritable démarche cinémato-              Au moins Holland ne
                                         plus grand nombre de specta-             graphique. L'intransigeance du      tombe pas dans le grotesque
                                         teurs (la fréquentation a encore         réalisateur irrite plus qu'elle     ni dans la caricature comme
                                         augmenté cette année). M.                n'attire la sympathie parce         Michael Verhoeven avec son
                                         Gainsbourg, qui a trouvé du              qu'elle fait la part trop belle à   Enfant terrible qui a obtenu —
                                         plus grand snobisme d'aller à            l'habilité et au culot. Ce film     inexplicablement — l'Ours
                                         Ruanda (comme il le disait lui-          sur la haine de soi et des autres   d'argent au dernier Festival de
                                                                                  ne révèle pas non plus un très      Berlin. Dès les premières paro-
                                                                                  grand amour du cinéma.              les tonitruantes lancées par
                                                                                                                      Sonja racontant comment, tou-
                                                                                  ET L'HISTOIRE?                      te jeune, elle a gagné un prix de
                                                                                On aurait pu inaugurer la             dissertation sur sa ville, puis
                                                                           manifestation par un film plus             comment plus tard elle a dé-
                                                                           digne du cinéma, comme Euro-               chaîné les forces conservatrices
                                                                           pa, Europa, d'Agnieszka Hol-               de cette même ville en voulant
                                                                           land, qui n'est certes pas un              raconter la vie de certains nota-
                                                                           chef-d'œuvre mais une produc-              bles sous le troisième Reich, on
                                                                           tion plutôt intéressante, éton-            s'attend au pire — qui se confir-
                                                                           nante même, surtout si l'on se             mera. Avec un brechtisme de
                                                                           souvient des lourdes et acadé-             pacotille (jeu théâtral, décors
                                                                           miques œuvres antérieures de               sur transparences) et une bonne
                                                                           la cinéaste. Cette coproduction            conscience à faire frémir, le réa-
                                                                           franco-polonaise est l'adapta-             lisateur projette une série de
                                                                           tion d'une histoire exception-             tableaux où la complaisance ri-
                                                                           nelle, celle de Salomon Perel              valise de force avec la démago-
     Claude Berri et Richard Bohringer   même), s'est montré, entre deux (vivant actuellement en Israël)              gie. Le cinéaste, la main lourde
                dans Stan the Flasher    eaux et la cigarette toujours au durant la dernière guerre mon-              et malhabile, souligne tout d'un
                  de Serge Gainsbourg
                                         bec, plutôt affable: il s'est re- diale: un garçon juif d'une                trait rouge, à l'aide de plans
                                         ligieusement soumis, durant quinzaine d'années s'est retrou-                 tarabiscotés et laids (contre-
                                         toute une journée, au rituel des vé dans une école d'élite nazie             plongées et grand angle). Sur le
                                         interviews; sous son masque de après avoir connu l'orphelinat                refoulé de l'Histoire, on devra
                                         cabotin, c'est un homme intelli- soviétique (les komsomols bol-              repasser.
                                         gent et sensible mais un peu cheviques). Tout à sa survie, le
                                         trop préoccupé par le scandale; jeune Sally ne distingue pas les             DES ADOLESCENTES
                                         ses propos sur les femmes (infé- amis des ennemis, donc ni le                     Le continent africain était
                                         rieures aux hommes, clama-t-il) bien du mal. Ce n'est pas un                 représenté par trois productions
                                         avaient de quoi ressusciter le salaud ni un opportuniste, mais               intéressantes quoique inégales:
                                         MLF — même dans un coin un innocent qui ne sait pas qu'il                    Zan Boko de G. Kaboré, Badis
                                         reculé comme Rouyn-Noranda. doit choisir. À l'exception de                   de M. A. Tazi et Le sixième
                                         Quant au film, disons que Stan deux séquences oniriques pour                 doigt de H. Duparc (qui, par la

50                                                                      2     4          M A G E S
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Marco Hofschneider et Julie Delpy dans Europa, Europa d'Agnieszka Holland

suite, n'a fait qu'une malheu-      que un film de vacances (l'action
 reuse semaine en exclusivité à     se déroule l'été, à la campagne),
Montréal). Ont pu être égale-       clair et fluide. Marcel Jean a des
ment vus l'excellent Jacques        dons évidents pour la comédie
Fansten, La fracture du myo-        et on se dit qu'il pourrait deve-
carde, et cette œuvre dure et       nir ce qu'on appelle communé-
pure comme un diamant, une          ment un auteur populaire, mais
date importante dans le cinéma      un auteur plein d'intelligence et
soviétique, Bouge pas, meurs        de finesse. Divisé en deux par-
et ressuscite de Vitali Kanevski    ties opposées (après la comédie,
(voir la critique de ces deux       le drame), le récit commence
films dans le précédent numéro      sur un époustouflant plan à la
de 24 images). Mais il n'y avait    grue qui sert de flash-back pour
pas que des films d'ailleurs dans   nous présenter, en voix off, une
ce festival. Jacques Matte et son   adolescente, Claude, aux prises
équipe ont toujours privilégié le   avec des idées de parricide. Les
cinéma québécois et en ont fait     personnages et l'intrigue sont
la marque de commerce de leur       très vite campés grâce à un dia-
festival. Ainsi nous gratifient-    logue drôle et énergique et une
ils la plupart du temps de pri-     direction d'acteurs impeccable.      Jean-François Pichette dans New York doré de Suzanne Guy
meurs, et cette année, entre        Ce serait une comédie sans con-
autres, des deux premiers courts    séquences si elle ne basculait pas
métrages de la série 16/26,         à la fin dans le drame : la noyade   départ de l'une d'entre elles,      bonne distance (tour de force du
signés Marcel Jean et Pierre        du garçon engagé pour les foins.     mais avant, elles auront le         réalisateur de filmer tout dans
Mignot, des longs métrages          Le film procure un réel plaisir et   temps d'échanger idées et sen-      un seul endroit). Ce court mé-
documentaires de Suzanne Guy        ses vingt-six minutes paraissent     timents, de rire et de pleurer,     trage nous offre une belle por-
et Sylvie Van Brabant, des          bien courtes. On en redemande.       de s'égratigner pour mieux          tion de réel des femmes.
fictions d'Attila Bertalan et             La deuxième fiction de la      s'avouer leur affection. Comme
Mychel Arsenault.                   série 16/26, Les amazones, est,      le chat à la fenêtre, nous som-     REMOUS À NEW YORK
    Après Le rendez-vous per-       si je puis dire, un film de fem-     mes témoins de leurs confiden-           Suzanne Guy présente dans
pétuel, dense et plutôt énigma-     mes signé par un homme, Pierre       ces et chaque adolescente est à     son New York doréle portrait de
tique, Marcel Jean nous offre       Mignot. Quatre jeunes filles,        égale portée de notre regard.       Québécois ayant réussi dans la
avec Vacheries un film totale-      qui vivent dans le même appar-       Elles sont attachantes parce que    Grosse Pomme. La perception
ment différent du premier, pres-    tement, décident de fêter le         Pierre Mignot a su se tenir à la    de la métropole américaine par

                                                2   4        M A G E S                                                                          5/
ville en vidéo (Jean-François         le. Dire que son film est un
                                                                              Pichette en alter ego évident de      chant beau et poignant va donc
                                                                              la cinéaste); ils allongent un        de soi.
                                                                              film qui accumulait déjà beau-             Les fictions d'Attila Berta-
                                                                              coup de redondances.                  lan et Mychel Arsenault sont
                                                                                    Réfractaire au propos de        pour le moins décevantes. Si
                                                                              Sylvie Van Brabant — chama-           Bertalan dans Une balle dans la
                                                                              nisme, Terre-Mère, amour uni-         tête montre une guerre fictive
                                                                              versel et tutti quanti —, j'aurais    dans un pays imaginaire (qui
                                                                              dû être hostile à son film, Le        pourrait bien être, à cause des
                                                                              remous, et même haineusement          costumes vaguement slaves, un
                                                                              contre, or j'en suis sorti ravi       pays de l'Est) et s'il utilise une
                                                                              (dans le sens premier du mot :        langue également imaginaire
                                                                              transporté) tant il m'a paru bou-     (quelque chose comme un sabir
                                                                              leversant et magnifique. La ci-       hispano-russe qui oblige le ci-
                                                                              néaste ne fait pas que recueillir     néaste à redoubler par l'image la
                                                                              les témoignages de trois femmes       signification des scènes), c'est
                                                                              qui ont réussi à guérir du can-       peut-être parce qu'il n'avait pas
                                                                              cer, elle ne fait pas que s'impli-    grand-chose à dire sur la guerre.
     Andrea Sadler et Attila Bertalan   sept personnes du Québec cons-        quer personnellement en dévoi-        Arsenault, quant à lui, tente
        dans Une balle dans la tête     titue le propos central de ce         lant des moments de sa vie pri-       désespérément de nous intéres-
                    d'Attila Bertalan   documentaire construit pares-         vée, elle fait une œuvre, c'est-à-    ser à une histoire fantastique où
                                        seusement (pourquoi celui-ci          dire qu'elle prend à bras le corps    il mêle la religion, un curé, des
                                        dans sa vie quotidienne, et non       la matière cinématographique          démons, une gargouille, un chi-
                                        celui-là?) qui oublie les règles      pour la soumettre à son dire et       miste, de la génétique, et j'en
                                        élémentaires du genre (comme          qu'elle impose à son documen-         passe. Il n'y a rien à sauver de ce
                                        le nom des interviewés au bas de      taire une perception formelle         banal film en langue anglaise
                                        l'écran). De plus, la réalisatrice    qui va bien au-delà d'un dis-         qui cache mal son absence de
                                        intercale dans le déroulement         cours intime et factuel. Par un       profondeur; on ne saura jamais
                                        des entrevues des séquences           travail intense et riche sur le son   ce que Mychel Arsenault pense
                                        fictionnelles superflues avec un      et l'image, elle fait de Remous       de la mort ou des mutations
                                        comédien en train de filmer la        une véritable partition musica-       génétiques. Tant pis. •

                                                                                                                                     WBËËÈËÈÈËm

                                         9e FESTIVAL
                                            INTERNATIONAL
                                            DU F I L M
                                            SUR L ' A R T
                                                MONTRÉAL
                                                5-10 MARS 1991

                                          PEINTURE                                          PHOTOGRAPHIE
                                          SCULPTURE                                               THÉÂTRE
                                          ARCHITECTURE                                        LITTÉRATURE
                                          DESIGN                                                  MUSIQUE
                                          MÉTIERS D'ART                                             DANSE

                                          Cinémathèque québécoise 335. bd de Maisonneuve est
                                          Goethe-Institut 418, rue Sherbrooke est
                                          Musée des beaux-arts de MonJréal 1379. rue Sherbrooke ouest

                                          Renseignements: (514) 845-5233

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