Arbres hors forêt, vecteurs d'un savoir partagé sous toutes les latitudes - Etudes de cas

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Références bibliographiques   139

SECONDE            PARTIE

Arbres hors forêt,
vecteurs d’un savoir partagé
sous toutes les latitudes
Etudes de cas

Photo 47. Bosquet conservé dans un champ d’orge. (© Jones/FAO)
140   Les arbres hors forêt

      Responsabilité des auteurs

      Les définitions utilisées dans ces études de cas varient d’un pays à l’autre, reflétant
      la diversité des réalités nationales (légales, institutionnelles et techniques), ce qui
      explique les différences avec les définitions, la terminologie et les statistiques du
      programme d’évaluation des ressources forestières.
      Les articles et photographies peuvent être reproduits à condition de porter la
      mention «Repris du Programme d’évaluation des ressources forestières, FAO».
      Les articles signés expriment les opinions de leurs auteurs et ne reflètent pas
      nécessairement celles de la FAO.
Les arbres hors forêt: le cas du Costa Rica

Les arbres hors forêt:
le cas du Costa Rica
David Morales Hidalgo et Christoph Kleinn
Centre agronomique tropical de recherche et d’enseignement

                                                                                             Photo 48. Production de café
                                                                                               sous ombrage, Costa Rica.
                                                                                                     (© Harmand/Cirad)

Contexte
Au Costa Rica, le dernier relevé de l’utilisation des sols, réalisé en 1992 par l’Institut
national météorologique, indique que les forêts secondaires et primaires occupent
54,08 pour cent du territoire et les terres dédiées à l’élevage 32,32 pour cent.
L’agriculture, les infrastructures et les eaux couvrent les 13,6 pour cent restants
(IMN et al., 1992).
Le marché international de la viande a conditionné l’évolution du couvert forestier.
Afin de pouvoir répondre à la demande en produits carnés, les activités d’élevage
ont régulièrement et progressivement empiété sur les terres boisées. Avec la chute
de ce marché au cours des années 90, les espaces consacrés à l’élevage se sont
réduits donnant lieu à une régénération des forêts secondaires.
Les systèmes d’arbres hors forêt, en plus de leur fonction écologique de séques-
tration du carbone, assurent plus de la moitié de la production de bois. La conser-
vation et la valorisation de ces ressources ligneuses sont essentielles. Dans cette
perspective, le projet régional des ressources arborées hors forêt (TROF, Tree
Resources Outside the Forests) a développé une méthodologie d’inventaire et de
suivi des arbres hors forêt.

Concept
Au Costa Rica, la définition des forêts, et par conséquent celle des arbres hors
forêt, varie suivant le domaine d’application: légal, technique, environnemental,
etc., ce qui rend complexe la comparaison entre différentes études portant sur l’es-
timation du couvert forestier et arboré. De plus, la définition des termes tels que
forêt naturelle, forêt secondaire, forêt non exploitée ne repose pas sur des critères
explicites.
La loi forestière, dont l’application relève du Ministère de l’environnement et de
l’énergie (Ministerio del Ambiente y Energía), définit la forêt comme un «écosys-
tème d’origine ou autochtone, exploité ou non, régénéré naturellement ou par des
142   Les arbres hors forêt

                             techniques forestières, d’une superficie de 2 hectares ou plus, caractérisé par la
                             présence d’arbres matures d’âges différents, d’espèces et de tailles distinctes, avec
                             un ou plusieurs étages de végétation, dont le couvert est supérieur à 70 pour cent
                             de la superficie et où le nombre d’arbres à l’hectare, avec un diamètre moyen à
                             hauteur de poitrine de 15 cm ou plus, est supérieur à 701» (Article 3 de la loi fores-
                             tière 7575).
                             Pour les arbres hors forêt, une typologie a été établie (Kleinn, 1999; Morales, 1999)
                             distinguant, d’une part, les formations arborées hors forêt d’origine naturelle dont la
                             superficie est inférieure à 2 hectares et, d’autre part, celles dues à l’intervention
                             humaine. Dans cette catégorie, huit classes ont été identifiées: les systèmes
                             agroforestiers, les arbres épars sur pâturages, les alignements, les arbres associés
                             aux cultures permanentes, les arbres associés aux cultures annuelles, les brise-
                             vent, les haies vives et les arbres des zones construites. En terme d’importance,
                             les systèmes sylvopastoraux sont nettement supérieurs avec une couverture de
                             30,22 pour cent du territoire, suivis par les cultures saisonnières: 2,57 pour cent, les
                             plantations de caféiers: 2,11 pour cent, de palmiers: 0,56 pour cent, les vergers
                             d’orangers: 0,48 pour cent et de manguiers: 0,12 pour cent (IMN, 1996; Ministerio
                             de Agricultura y Ganadería, 2000).

                             Evolution et importance
                             L’évolution des systèmes arborés hors forêt est étroitement liée au processus de
                             privatisation des terres qui a donné lieu à la déforestation. Au cours de la décoloni-
                             sation, seules les terres reconnues productives pouvaient être dotées d’un titre
                             foncier, exigence impliquant leur défrichement avant exploitation. Cette condition a
                             été avalisée par les gouvernements successifs maintenant les règles d’obtention de
                             titres de propriété pour les terres libres de forêts. En outre, avec l’arrivée des pre-
                             miers européens, les forêts ont été éliminées au profit de l’élevage pour répondre,
                             tout d’abord, à la demande alimentaire locale et, par la suite, à celle du marché
                             extérieur. Les données sur l’utilisation des sols entre 1961 et 1995 indiquent que
                             les terres forestières sont passées d’environ 3 240 000 hectares à 1 569 000 hec-
                             tares et celles affectées à l’élevage de 915 000 hectares à 2 330 000 hectares
                             (FAOSTAT). En 1961, les pâturages couvraient environ 18 pour cent du territoire et,
                             en 1990, plus de 45 pour cent.
                             En plus de l’extension de l’espace agricole et de l’élevage, l’exploitation forestière
                             illégale, les incendies de forêts, les politiques de crédit et l’urbanisation s’ajoutent
                             aux causes de la déforestation qui, entre les années 50 et 90, atteignait 50 000 hec-
                             tares par an (González et Lobo, 1999). En 1967 et 1977, des études ont permis
                             d’estimer la superficie des formations arborées et leur couvert. En 1967, les forêts
                             occupaient 48 pour cent du territoire avec un couvert de 90 pour cent; en 1977, ces
                             chiffres étaient respectivement de 33 et 81 pour cent. La régression du couvert de
                             toutes les ressources arborées a également été notée (tableau 9).
                             La portée économique, écologique et sociale des arbres hors forêt est peu docu-
                             mentée. On peut toutefois relever qu’en 1990 43,43 pour cent du volume total de
                             bois exploité provenaient des arbres hors forêt et qu’en 1998 cette part s’élevait à
                             51,18 pour cent (González et Lobo, 1999). Cette tendance ira certainement en s’ac-
                             centuant dans la mesure où les ressources forestières exploitables sont de plus en
                             plus limitées. Actuellement, 18,4 pour cent de l’énergie produite sont fournis par les
                             ressources ligneuses (BCCR, 2000). En termes économiques, les arbres hors forêt
                             contribuent à 0,38 pour cent du produit intérieur brut (PIB). La production de café
                             et de bananes représentent respectivement 26,93 et 18,49 pour cent de la valeur
1. Traduction libre.         globale du secteur agricole, bien avant le secteur forestier dont l’apport est évalué
Les arbres hors forêt: le cas du Costa Rica                                        143

Tableau 9. Comparaison du couvert forestier entre 1967 et 1977.

 Classe                                           1967                                                                               1977
                    Couvert arboré               Densité            Couvert des cimes                 Couvert arboré                Densité     Couvert des cimes
                   km2             %                %                 km2           %                 km2            %                 %          km2       %

 I               3 628             7,1             5,6              2 03,2         0,7               5 220         10,2               1,4          73,1    0,4
 II             13 337           26,1            21,1              2 814,1         9,7             18 947          37,1             12,4        2 349,4   12,0
 III             7 716           15,1            50,3              3 881,1        13,4               7 857         15,4             45,1        3 543,5   18,1
 IV             24 528           48,1            90,3            22 148,8         76,3             16 806          32,9             81,1       13 629,7   69,6
 V               1 891             3,7             0,0                   0,0       0,0               2 270           4,4              0,0           0,0    0,0
 Total          51 100         100,0                                                               51 100         100,0

 Source: Sylvander (1981, cité par Kleinn, 1999).
 Classe I: zones dépourvues d’arbres ou avec peu d’arbres, utilisées pour l’agriculture et/ou l’élevage.
 Classe II: zones avec des arbres épars et quelques petites formations forestières principalement utilisées pour l’agriculture ou l’élevage.
 Classe III: zones avec de grandes formations forestières et de terrains agricoles ou de pâturages.
 Classe IV: zones couvertes complètement ou en grande partie de forêts.
 Classe V: zones de mangroves, de palmiers ou d’arbustes de montagne.
 Les classes I, II et III comprennent en grande partie des arbres hors forêt.

à 8,92 pour cent (McKenzie, 2000). Au cours des années 80, le secteur agricole a
contribué à 20 pour cent du PIB, dont 20 à 25 pour cent étaient attribuables au mar-
ché de la viande (Pérez, 1995).
Pour améliorer la fertilité et la protection des sols, différentes essences d’arbres
hors forêt ont été utilisées, entre autres dans les systèmes sylvopastoraux (Russo,
1981; Canet, 1986). Les arbres hors forêt concourent également à la sauvegarde
de la diversité biologique: 79 espèces ont été dénombrées sur 25 000 hectares de
pâturages (COSEFORMA, 1995). Les alignements, les brise-vent, les haies vives
et les autres plantations le long des pâturages sont des systèmes implantés qui,
avec le temps, sont bien souvent modifiés par la nature. La composition de ces sys-
tèmes dépend des conditions environnementales, des préférences des producteurs
et, surtout, de la disponibilité des semences et des plants de pépinières. Les ali-
gnements en couloir influencent les mouvements du cheptel et la distribution des
plantes (Burel, 1996, cité par Camero et al., 2000) et jouent alors un rôle de cou-
loirs biologiques essentiels à un paysage agricole aux écosystèmes fragmentés.

Aspects institutionnels et gestion
En plus de la loi forestière, la réglementation des ressources naturelles est assurée
par les lois de la faune sauvage, des parcs nationaux, de la diversité biologique,
etc. Toutefois, ces instruments sont insuffisants pour traiter tous les aspects de la
gestion des arbres hors forêt. La législation forestière serait celle qui accorderait le
plus d’attention à cette problématique. Elle codifie spécifiquement l’exploitation et
la gestion des systèmes agroforestiers. Il est important de mentionner que le gou-
vernement soutient l’aménagement des ressources ligneuses en octroyant des inci-
tations financières aux propriétaires de forêts et de plantations forestières.
Toutefois, les arbres hors forêt sont peu concernés par ces mesures, ou de façon
imprécise, ce qui minimise leur existence et contribue à leur détérioration.
Au cours des dernières années, de nombreuses informations sur les arbres hors
forêt ont été produites, notamment dans les systèmes agroforestiers. Le Centre
agronomique tropical de recherche et d’enseignement (CATIE, Centro Agronómico
de Investigación y Enseñanza) travaille sur le sujet depuis plusieurs années. Il a
144   Les arbres hors forêt

      favorisé, en collaboration avec des universités et le Ministère de l’agriculture et de
      l’élevage (Ministerio de Agricultura y Ganadería), le développement de l’agro-
      foresterie. La disponibilité de plus d’informations sur les arbres hors forêt favo-
      riserait l’émergence d’une politique nationale d’aménagement et de gestion de cette
      ressource inestimable, encore très peu connue.
      Les agriculteurs et les éleveurs savent que le maintien des arbres hors forêt est
      source de retombées économiques et d’impact écologique positif. Ils améliorent le
      paysage en plantant des arbres le long des cours d’eau et en installant des haies
      vives autour des propriétés, des brise-vent, des jardins potagers, etc. Il est à noter
      que le niveau culturel et économique des exploitants et des éleveurs influe sur le
      degré d’attention portée aux arbres hors forêt.

      Evaluation et planification
      La majorité des inventaires des arbres hors forêt déjà réalisés se sont intéressés
      aux systèmes agroforestiers et se sont limités à de petites superficies au niveau
      des propriétés. Les modes d’échantillonnage utilisés étaient systématiques ou aléa-
      toires et les informations étaient relevées sur des placettes circulaires ou rectangu-
      laires.
      Quelques inventaires ont été effectués sur des superficies plus vastes, tels que
      celui de 1981 réalisé à partir d’un échantillonnage systématique de parcelles d’un
      kilomètre carré réparties sur tout le pays et basé sur des photographies aériennes
      (Sylvander, 1981). En 1995, les forêts naturelles de la région Huetar Norte et les
      zones d’élevage ayant plus de six arbres par hectare ont été évaluées à partir de
      parcelles de sondage en grappes formant un réseau de points sur toute la région
      concernée (COSEFORMA, 1995). Des inventaires des arbres sur exploitation,
      basés sur un échantillonnage de propriétés ont également été effectués (Van
      Leeuwen et Hofslede, 1995; Harvey et Haver, 1999). En 2000, le projet TROF a
      réalisé un inventaire sur 10 000 hectares, représentatifs de la région Pacífico Norte,
      sur lesquels cinq sous-parcelles de 100 hectares ont été sélectionnées de façon
      systématique et où tous les arbres ont été recensés.
      Les résultats de ces études sont restés dans le domaine technique et n’ont pas été
      exploités par les instances décisionnelles. Ces dernières doivent encore être sen-
      sibilisées aux questions des arbres hors forêt et nécessitent des données quantita-
      tives à l’échelon national afin de procéder à la planification des ressources arborées
      hors forêt.

      Le projet d’inventaire TROF
      en Amérique centrale
      Depuis 1998, le Ministère de l’agriculture et de l’élevage met en œuvre le projet
      TROF, en collaboration avec le CATIE et l’université de Fribourg (Allemagne), dont
      l’envergure est régionale (Amérique centrale). Ce projet a pour objectifs, d’une part,
      de formaliser une méthodologie d’inventaire et de suivi des arbres hors forêt et,
      d’autre part, de diffuser les informations recueillies.
      Actuellement, l’inventaire a été réalisé. Le mode de sondage retenu comme étant
      le plus approprié aux arbres hors forêt est un échantillonnage multiple à deux
      degrés. Pour son application, il est recommandé de sélectionner, tout d’abord, les
      sites d’échantillonnage (unités primaires de 1 km sur 1 km) en se basant sur les
Les arbres hors forêt: le cas du Costa Rica             145

informations existantes et, ensuite, les placettes de sondage sur le terrain (unités
secondaires), proportionnellement à la couverture arborée des arbres hors forêt
(partant de l’hypothèse que la variable la plus intéressante est la présence d’arbres
hors forêt). La situation optimale serait de disposer d’une préstratification basée sur
la segmentation et la fusion d’une image Landsat avec une image IRS (protocole à
développer par le projet TROF), qui permettrait une stratification des estimations de
densités d’arbres hors forêt. Ensuite, dans chaque strate et en conformité avec les
règles relatives à la taille du sondage, seraient sélectionnées les unités primaires
et dans chacune d’entre elles, les unités secondaires.
Au Costa Rica, la méthodologie a été expérimentée sur les systèmes sylvo-
pastoraux en raison de leur importance. L’inventaire a été conduit dans la zone
de Cañas, Guanacaste (Pacífico seco) sur une superficie de 294,33 hectares
(tableau 10). Tous les arbres d’un diamètre supérieur à 10 cm et d’une hauteur
égale ou supérieure à 5 m ont été recensés. Pour les haies vives, la hauteur
retenue a été de 1,3 m.
En 2000, le projet TROF a travaillé sur le développement de la dernière étape de
l’échantillonnage. Il s’agissait d’analyser et de simuler différents modes d’échan-
tillonnages probabilistes. Certains résultats sont déjà disponibles et la méthode est
en cours de validation. L’expérience acquise par le projet TROF permet de déga-
ger des éléments méthodologiques et opérationnels pour conduire à bien un inven-
taire des arbres hors forêt.

Tableau 10. Données résumées de l’inventaire des arbres sur pâturages
à Cañas, Guanacaste.

 Type de formation                             Nombre    Surface terrière   Volume    Nombre
                                             d’arbres/ha     m2/ha          m3/ha    d’espèces

 a. Forêts primaires sans intervention         235,00         25,56         191,94      46
 b. Forêts secondaires avancées                308,00         19,62         101,63      37
 c. Tacotal haut                                202,2           7,03         26,14      24
 d. Pâturages sans délimitation arborée          9,25           1,34          5,02      69
 e. Pâturages avec délimitations arborées        7,21           0,88          3,03      40
 f. Total des pâturages (d + e)                 16,46           2,22          8,05      74
 Rapport pâturages/forêts (f/a x 100)          7,00 %         8,68 %        4,19 %

 Source: Projet TROF (2000).

Quelle que soit la forme des parcelles, la taille doit être prise en compte tout en
veillant à garder des parcelles compactes. En effet, dans de multiples régions (non
seulement en Amérique centrale) les propriétés sont nombreuses et relativement
petites, ce qui suppose de passer beaucoup de temps à l’obtention des autorisa-
tions pour effectuer les mesures. L’option est de retenir des parcelles carrées,
faciles à tracer, de 50 m sur 50 m ou de 100 m sur 100 m. Sur ces parcelles, tous
les arbres seront mesurés et l’utilisation des terres sera notée à partir d’une grille
de points ou du point central de la parcelle.
En cas d’utilisation de la télédétection, la résolution des capteurs devra être élevée
à cause de la difficulté de perception de nombreux arbres hors forêt. Les photo-
graphies aériennes, dont le coût peut être une contrainte à leur utilisation (situation
vécue par le projet TROF), auront une échelle comprise entre 1:5 000 à 1:10 000.
Elles devront être récentes dans la mesure où les arbres hors forêt évoluent rapi-
dement. Pour le travail de terrain, il faut se rappeler que l’accès aux arbres hors
forêt peut être limité du fait qu’ils se trouvent sur des terrains privés. De plus,
l’hétérogénéité de la ressource, sa distribution variable et ses formes géométriques
146   Les arbres hors forêt

      diversifiés compliquent l’échantillonnage et exigent plusieurs intensités de sondage
      et différents types de parcelles. Enfin, sachant que la définition des forêts diffère
      d’un pays à l’autre, l’objectif de l’étude doit toujours être gardé en mémoire.
      Les informations recueillies grâce à la méthodologie d’inventaire testée au Costa
      Rica devrait favoriser la prise en compte des arbres hors forêt dans les politiques
      d’aménagement et leur valorisation par les décideurs et les usagers. Ces données,
      en plus de permettre une interprétation régionale, permettront, par exemple, de
      dresser des cartes des arbres hors forêt, d’estimer le carbone stocké et le volume
      de bois, d’identifier les espèces, de repérer les couloirs biologiques.

      Conclusions
      La problématique des ressources hors forêt prend chaque jour plus d’importance,
      sachant que, peu à peu, beaucoup de pays ne devront compter que sur elles pour
      répondre aux besoins en produits ligneux et non ligneux. Au Costa Rica, il serait
      intéressant que les politiques de gestion et d’incitation pour la conservation et la
      régénération des ressources ligneuses incluent les arbres hors forêt et que la légis-
      lation sur l’exploitation du bois y fasse référence de manière plus précise. Il est
      nécessaire de concevoir des politiques de promotion des arbres hors forêt, de
      réglementer leur aménagement et d’établir des liens de collaboration entre les par-
      tenaires intéressés par le devenir des arbres hors forêt.

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Les arbres hors forêt: le cas de la France

Les arbres hors forêt:
le cas de la France
Thierry Bélouard
Inventaire forestier national, Lattes, France
Frédéric Coulon
                                                                                                   Photo 49. Arbre d’émondes
Association Solagro, Toulouse, France
                                                                                                         en Auvergne, France.
                                                                                                       (© Bellefontaine/Cirad)

Contexte
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le premier objectif assigné à l’agriculture
française fut l’autosuffisance alimentaire. Afin de pouvoir intensifier la production,
on développa la mécanisation dont un des outils fut, à partir des années 60, le
remembrement foncier. Les gains de productivité ont été tels que la production agri-
cole devint excédentaire provoquant un exode rural important, renforcé par l’attrac-
tion exercée par les villes. En 1936, une personne sur deux vivait à la campagne,
aujourd’hui trois sur quatre résident en ville.
Le nouveau contexte agricole, accompagné d’une spécialisation des productions, a
conduit à l’abandon de nombreuses pratiques agroforestières. Les arbres hors forêt
ne couvrent plus que 1,7 million d’hectares (3 pour cent du territoire) contre 4,5 mil-
lions au début du siècle. Toutefois, ils restent un élément important des paysages
ruraux et font l’objet d’inventaires. Leurs fonctions environnementales et leur impact
sur le paysage leur donnent une nouvelle légitimité qui se traduit dans les politiques
publiques par la mise en œuvre de programmes de promotion des arbres hors forêt
et d’appui au reboisement. L’inventaire des ligneux hors forêt de l’Inventaire fores-
tier national (IFN) illustre les efforts, notamment destinés à renforcer la prise de
conscience des différents acteurs.

Concept
En France, il existe deux principaux observatoires des arbres hors forêt: d’une part,
l’IFN qui, depuis 1998, réalise un inventaire des ligneux hors forêt et, d’autre part,
le Service central des études et des enquêtes statistiques (SCEES) qui, depuis
1981, conduit l’enquête sur l’utilisation du territoire (Teruti). Ces sources ont permis
d’établir une typologie2 des arbres hors forêt:
– les bosquets: superficies boisées dont le couvert forestier est supérieur à 10 pour
cent et dont les superficies sont comprises entre 5 et 50 ares;
– les alignements: arbres de grosseur homogène disposés à intervalles réguliers            2. Suivant la source, la typologie
sur une ligne; les alignements de peupliers faisant l’objet d’une rubrique spéciale;       peut varier quelque peu.
150   Les arbres hors forêt

                                  – les haies: formations linéaires compactes d’arbres, d’arbustes et/ou d’arbrisseaux;
                                  – les arbres épars: formations arborées de moins de 5 ares, y compris les arbres
                                  isolés;
                                  – les prés-vergers: arbres fruitiers associés à une prairie permanente productive;
                                  – les vergers: production fruitière sur une surface d’au moins 5 ares.

                                  Evolution et importance
                                  Les travaux d’inventaire effectués depuis les années 60 donnent une image de
                                  l’évolution des arbres hors forêt en France.
                                  Les haies et les arbres épars. Le linéaire de haies entre 1975 et 1987 s’est réduit
                                  de 1 244 110 km à 707 605 km (Pointereau et Bazile, 1995). Cette régression,
                                  confirmée sur la période 1981-1990, semble s’atténuer depuis 1992: moins
                                  0,3 pour cent par an (SCEES, 1999). Les arbres épars (342 500 hectares en 1998)
                                  connaissent la même évolution: moins 3,6 pour cent entre 1993 et 1998. Les plan-
                                  tations effectuées depuis vingt ans n’ont pas encore compensé la suppression à
                                  grande échelle des haies et des arbres épars des années 60 à 80.
                                  Les surfaces agroforestières. Les prés-vergers, entre 1982 et 1990, ont régressé
                                  de presque 20 pour cent et, entre 1991 et 1998, de 30 pour cent. Ils ne couvrent
                                  plus que 163 000 hectares. La région Basse-Normandie a perdu 63 pour cent des
                                                                    vergers de hautes tiges entre 1963 et 1990, soit
                                                                    8 millions d’arbres. A cette cadence, ces ver-
                                                                    gers auront disparu en 2020. Par ailleurs, les
                                                                    noyeraies, oliveraies et châtaigneraies entre-
                                                                    tenues ne couvrent plus que 36 000 hectares
                                                                    contre 265 000 hectares en 1929.
                                                                      Les alignements d’arbres en bord de route.
                                                                      La longueur des alignements de bord de route a
                                                                      diminué de 23 000 km entre 1975 et 1987. Cette
                                                                      baisse de 42 pour cent du linéaire représente
                                                                      environ 3,5 millions d’arbres. Depuis 1992, on
                                                                      note une augmentation de 14 pour cent des sur-
                                                                      faces de routes arborées. Toutefois, ce patri-
                                                                      moine vieillissant est fragilisé par des
                                                                      contraintes sécuritaires et par une gestion insuf-
                                                                      fisante.
                                                                        La régression des arbres hors forêt résulte pour
                                                                        52 pour cent de la modernisation de l’agricul-
                                                                        ture. Depuis 1945, plus de 15 millions d’hec-
                                                                        tares ont été remembrés facilitant la mécanisa-
Photo 50. Les arbres en bordure
                                  tion. Depuis 1970, 2,7 millions d’hectares de prairies ont été transformés en terres
de route rurale sont eux aussi
menacés par l’intensification     labourables. Les primes de la politique agricole commune (PAC) accordées aux
agricole, France.                 céréales ont favorisé cette mutation. Parallèlement, la «disparition» de 40 pour cent
(© Bellefontaine/Cirad)           des arbres hors forêt est due à la déprise agricole et à l’incorporation des haies aux
                                  espaces forestiers et aux landes boisées. Enfin, une faible partie de cette régres-
                                  sion (8 pour cent) est liée à l’urbanisation (Pointereau et Bazile, 1995). Etant donné
                                  que la ressource forestière française n’est pas totalement exploitée, la valorisation
                                  des arbres hors forêt n’est pas encouragée. Bien que les arbres hors forêt contri-
                                  buent à l’économie et au maintien des écosystèmes, cette ressource largement
                                  autoconsommée ou échangée apparaît comme faisant partie d’une «économie
                                  souterraine».
                                  Les agriculteurs déclarent produire 4,4 millions de mètres cubes de bois à partir des
                                  haies, valeur proche des 4,5 millions de mètres cubes produits annuellement par
Les arbres hors forêt: le cas de la France                151

les arbres hors forêt (Solagro, 1997), soit 620 000 TEP par an3 ou 11 pour cent de
la consommation domestique nationale en bois de feu. Cette estimation ne tient pas
compte des haies exploitées par les particuliers ainsi que des volumes produits non
déclarés. Les arbres hors forêt semblent contribuer à environ 5 pour cent de la pro-
duction de bois, sachant que le bois d’œuvre est marginal du fait d’un mauvais
entretien (blessures, élagage insuffisant) qui en compromet la qualité.
Les prés-vergers représentent un système agricole productif. En Basse-
Normandie, le pré-verger traditionnel approvisionne 40 pour cent de la production
cidricole, soit 300 000 tonnes de fruits, exploités par plus de 13 000 agriculteurs. Le
revenu dégagé par un verger de hautes tiges est trois à quatre fois celui d’une prai-
rie: lait et viande (Nevoux et al., 2000). En Lorraine, la production de mirabelles a
été relancée dans les années 80. Depuis, 200 agriculteurs ont pu maintenir ou
développer une production qui diversifie leur activité et qui représente en moyenne
30 à 40 pour cent de leur revenu.
Les remembrements joints à l’intensification de l’agriculture ont favorisé l’émer-
gence de phénomènes d’érosion, révélant ainsi l’importance du rôle des arbres
dans la protection des ressources hydriques et des sols. Dans le bassin versant de
l’Ouanne (Yonne), le retournement des prairies et la suppression des haies ont
réduit de moitié le volume d’eau stocké dans les sols (Baumann, 1983). Les crues
sont plus importantes et les débits d’étiage plus faibles (Mérot et al., 1976). Les
ripisylves améliorent la qualité de l’eau en absorbant 70 à 100 pour cent des
nitrates contenus dans les eaux superficielles et de ruissellement, soit l’équivalent
de 900 kg d’azote par hectare par an (Hickie et al., 2000).
Les effets bénéfiques des haies brise-vent sur l’amélioration des cultures (rende-
ments, protection, précocité, etc.) et des arbres hors forêt sur la fertilité des sols
(Hickie et al., 2000) sont démontrés. De plus, les arbres hors forêt contribuent au
maintien de la diversité biologique de l’avifaune (Moore, 1976, cité par Pointereau
et Bazile, 1995) ou d’insectes utiles à l’agriculture (Karg, 1989; Karg et Ryszkowski,
1991; Blab, 1988) qui limitent les populations de ravageurs de cultures (Scapotjev,
1976, cité par Pointereau et Bazile, 1995).
Parallèlement, la demande croissante de la société pour des paysages de qualité
favorise la préservation des arbres hors forêt. Pour les agriculteurs désirant diver-
sifier leur activité (accueil à la ferme, agrotourisme), l’arbre est un élément indis-
pensable. Par exemple, l’occupation des gîtes ruraux est supérieure de 30 pour
cent dans un paysage de bocage par rapport à un paysage ouvert (Armel, 1994).
Les élus locaux encouragent ces actions qui s’inscrivent aussi dans une perspec-
tive de développement local.

Aspects institutionnels et gestion
La réglementation pour la gestion des arbres hors forêt s’appuie sur différents textes
législatifs. Le Code civil pose les principes et les règles d’implantation, d’exploitation
et de destruction des haies. Par contre, le Code forestier porte peu d’attention aux
espaces boisés non forestiers et ignore les arbres épars ou les surfaces agrofores-
tières. Dans le Code rural et de l’environnement, les lois, décrets et règlements visant
la protection des haies se succèdent à un rythme accéléré et ce, dans l’optique d’une
meilleure sauvegarde de l’environnement. On peut citer dans le domaine: depuis
1992, les aides de la Commission européenne et depuis 1995, la loi sur le renforce-
ment de la protection de la nature et celle d’aménagement du territoire.
                                                                                             3. Equivalence énergétique:
Au niveau institutionnel, les Directions départementales de l’agriculture et de la           1 stère = 0,65 m3 = 0,147 tonne-
forêt (DDAF) sont les premières gestionnaires administratives des arbres hors forêt.         équivalent-pétrole (TEP) (Riedacker
Elles assurent la maîtrise d’œuvre des plantations aux côtés d’organismes fores-             et Robin, 1987).
152   Les arbres hors forêt

      tiers (Institut pour le développement forestier, Centres régionaux de la propriété
      forestière, etc.) ou agricoles (Chambres d’agriculture). Egalement, les Directions
      régionales de l’environnement (DIREN) soutiennent des actions de préservation et
      de restauration des haies et des arbres.
      Depuis ces cinq dernières années, les DDAF jouent un rôle de plus en plus impor-
      tant pour la promotion des arbres hors forêt: mise en place d’un fonds de gestion
      de l’espace rural (FGER) en 1995, établissement de contrats territoriaux d’exploi-
      tation (CTE) depuis 1998, faisant suite aux mesures agri-environnementales de
      1992. Elles ont également conduit en 1994 et 1995, conjointement avec les DIREN,
      une campagne en faveur des arbres hors forêt.
      Le rôle de ces administrations évolue. Si depuis vingt ans, la gestion des arbres
      hors forêt était assurée par les services agricoles ou forestiers, aujourd’hui, les
      collectivités territoriales (Conseils généraux, Régions) initient des «politiques de
      l’environnement». Elles financent des opérations concernant les haies et gèrent les
      aménagements fonciers, désormais de leur domaine de compétence. Le dévelop-
      pement de projets de territoire (contrat de terroir, contrat de Plan Etat-Région) est
      encouragé. C’est ainsi que plusieurs départements ont mobilisé des moyens et
      élaboré des chartres pour faciliter et accentuer la prise en compte des arbres dans
      les aménagements fonciers. Des politiques incitatives de replantation ou d’entretien
      des haies bocagères et des alignements ruraux sont menées dans 80 pour cent des
      départements. Il reste cependant un point faible à ces politiques de promotion des
      arbres hors forêt, celui de l’absence de recherche. Rares sont les équipes scienti-
      fiques menant des études sur les intérêts de l’arbre dans les exploitations agricoles
      ou sur les relations arbre-culture ou arbre-prairie-animal.
      Les procédures qui se mettent en place pour la gestion des arbres hors forêt don-
      nent de plus en plus de responsabilités aux élus locaux et favorisent des opérations
      collectives aux objectifs élargis et hiérarchisés en prise avec les enjeux environne-
      mentaux et sociaux: sensibilisation, protection, replantation, entretien, valorisation.
      Cette dynamique favorise les initiatives de maintien des arbres par les associations,
      communes, communautés de communes et par les agriculteurs, principaux
      gestionnaires in fine des haies et des arbres hors forêt, qui, parfois, acquièrent du
      matériel en commun pour faire face aux problèmes d’entretien.
      Les vergers font également l’objet d’actions concrètes. Par exemple, en Ariège et
      en Haute-Garonne, la fédération Rénova a mis en place, depuis 1995, un pro-
      gramme de restauration et de valorisation des variétés fruitières anciennes. Dans
      cette région, le milieu rural a connu une très forte déprise et la quasi-disparition du
      tissu agricole. Les élus locaux et les agriculteurs ont voulu préserver leur patrimoine
      fruitier. Après une phase de sensibilisation, des tailles de rénovation des arbres frui-
      tiers anciens ont été réalisées dans plus de 300 vergers. Plus de 50 agriculteurs
      fabriquent désormais un produit artisanal dont la qualité est reconnue.
      L’engouement est tel que les agriculteurs du réseau Rénova construisent actuel-
      lement un atelier fixe de transformation des fruits (jus, cidre, etc.) avec l’objectif de
      produire 80 000 bouteilles en 2004. Un programme de verger expérimental est à
      l’étude afin de valoriser les variétés locales qui n’ont jamais été étudiées.

      Evaluation et planification
      Au niveau national, il existe deux sources principales pour évaluer les arbres hors
      forêt: l’IFN et l’enquête sur l’utilisation du territoire. Les préoccupations environne-
      mentales, la recherche et la mise en œuvre d’indicateurs environnementaux susci-
      tent un nouvel intérêt au niveau de ces sources statistiques.
Les arbres hors forêt: le cas de la France                153

L’IFN, conduit par l’établissement public de même nom, a pour but d’évaluer la
ressource forestière. Toutefois devant l’importance des formations ligneuses hors
forêt, dès les années 60, l’IFN a pris l’initiative de conduire, simultanément à
l’inventaire général, des inventaires spéciaux pour les haies, les alignements et les
arbres épars dans les départements où cela se justifiait (Chevrou, 1988). Des
méthodes adaptées à chaque type de formation, basées sur la photo-interprétation
de photographies aériennes et sur des levers de terrain, furent adoptées. La
méthode des intersections a été retenue pour l’inventaire des formations linéaires,
telles les haies. Le sondage aréolaire a servi pour les alignements, le plus souvent
agrégés géographiquement (alignements de peupliers en particulier). Enfin, pour
l’inventaire des arbres épars, une méthode de sondage similaire à celle des forma-
tions boisées (sondage par points avec placette de régularisation) a été appliquée.
A la fin des années 90, ces trois inventaires ont été fusionnés en un inventaire
unique, celui des ligneux hors forêt afin de mieux répondre à la demande des
utilisateurs et de réduire les coûts par l’unification de la méthode sans rien sacrifier
à la précision des résultats.
L’enquête Teruti, réalisée par le SCEES du Ministère de l’agriculture depuis 1981,
permet de suivre l’évolution de la surface occupée par les arbres hors forêt et le
devenir des surfaces boisées. Elle repose sur un sondage systématique à deux
degrés: au premier correspond des photographies aériennes réparties systémati-
quement sur le pays; au second, une grille régulière de 36 points établie sur ces
photographies. Sur chaque point est notée l’occupation physique et fonctionnelle.
L’échantillon de l’enquête Teruti est permanent et permet de suivre les évolutions
de l’occupation du territoire.
Pour répondre aux attentes locales, en plus des inventaires de l’IFN et de l’enquête
Teruti, décidés au niveau national, sont nés des programmes complémentaires
d’évaluation, soutenus financièrement par les collectivités locales, principalement
dans l’ouest de la France. C’est ainsi qu’en Mayenne (voir annexe), où la suppres-
sion des haies a complètement modifié le paysage de bocage, la DDAF a procédé,
en 1995, à l’inventaire des haies. En Bretagne, une enquête a été conduite pour
répondre, entre autres, aux questions sur les pratiques agricoles en relation avec
la qualité des eaux.

Inventaire des ligneux hors forêt de l’IFN
L’inventaire des ligneux hors forêt de l’IFN traite les formations non prises en
compte par l’inventaire des formations boisées (ou inventaire général) et l’inventaire
des peupleraies; il exclut les vergers, vignes, noyeraies et truffières. Les formations
considérées sont les alignements (distinction entre alignements de peupliers et
autres alignements), les haies (distinction entre haies arborées et haies non arbo-
rées) et les arbres épars. Echappent à cet inventaire les formations situées sur des
terrains artificialisés (agglomération, zones de loisirs, etc.) et celles dont l’accès est
dangereux (routes à grande circulation, voies ferrées, etc.) ou difficile (propriétés
privées, terrains clos, etc.).
La méthode retenue pour les formations linéaires, dite méthode des bandes asso-
ciées, consiste à attribuer une surface à la formation (ensemble des points situés à
une distance inférieure à r de la formation: r vaut environ 25 m). La longueur est
alors estimée en divisant la surface par la largeur de la bande (2r). Pratiquement,
des placettes circulaires de rayon r sont utilisées; une haie ou un alignement est
alors pris en compte dès lors que le point de cette formation le plus proche du
centre de la placette appartient à la placette de rayon r et qu’il n’est pas une
154   Les arbres hors forêt

      extrémité de la formation. La méthode pour les arbres épars quant à elle reste
      inchangée (sondage par points avec placette de régularisation).
      L’échantillonnage est à deux phases avec stratification à l’issue de la première. La
      première phase correspond à une photo-interprétation de points sur des photogra-
      phies aériennes (notation de la présence avérée, ou possible, des effectifs et de la
      nature des formations) et la deuxième à des contrôles au sol (systématiques),
      éventuellement complétés par une description (configuration, environnement, per-
      méabilité, etc.), voire des mesures dendrométriques (volumes et accroissement)
      lorsqu’il y a des financements extérieurs. Enfin, les résultats statistiques sont
      accompagnés d’intervalles de confiance (voir annexe).
      L’inventaire des ligneux hors forêt dont le protocole est désormais opérationnel est
      en cours de généralisation à l’ensemble du territoire. Il devrait mieux répondre à
      l’attente des utilisateurs en prenant en compte les préoccupations environnemen-
      tales et en adaptant la finesse de ces résultats aux intérêts locaux.

      Conclusions
      L’absence de statut légal des arbres hors forêt, essentiellement situés dans l’es-
      pace agricole, ne favorise pas leur préservation quand les subventions de la PAC
      s’appliquent aux superficies hors arbre. On peut noter que la mise en place d’un
      groupe de travail «agroforesterie» au sein du Ministère de l’agriculture va dans le
      sens d’une plus large consultation sur la place et le rôle des arbres hors forêt. En
      tenant compte des aménités de l’arbre pour la société, l’agriculture serait reconnue
      productrice, non seulement, de biens mais aussi de services. Le soutien aux arbres
      hors forêt pourrait aussi se traduire indirectement par le développement de filières
      économiques modernes (labels, appellation d’origine contrôlée ou marque «agro-
      foresterie»), l’aide à l’acquisition collective de matériel d’entretien (lamiers à scie,
      etc.) ou par la mise en place de filières de collecte et de transformation des fruits.
      Ces démarches, contribuant à préserver la qualité des paysages, permettraient de
      créer des emplois en milieu rural et de diversifier l’activité agricole (et donc garan-
      tir le revenu) dans un objectif de développement local.
      Malgré la grande diversité des actions, rares sont les territoires où des objectifs
      pluriannuels quantitatifs et précis en termes de replantation, de restauration ou
      d’entretien ont été définis. De même, des indicateurs de suivi faciliteraient l’évalua-
      tion des actions engagées. Cela contribuerait à rendre plus efficaces les futurs
      programmes et à orienter les politiques locales à venir. L’un des points faibles des
      politiques mises en œuvre est l’absence de lieux d’échange ou de réflexion sur
      les arbres hors forêt, notamment au bénéfice des acteurs locaux. Il est nécessaire
      de développer des programmes de recherche afin d’expérimenter des formes
      modernes d’agroforesterie: adaptation des structures bocagères au contexte
      agricole actuel, interactions arbre-culture et arbre-pré, évolution des pratiques
      d’entretien.

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Les arbres hors forêt: le cas de la France            155

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