TERRITOIRES ET FORMATION - Article pour AFP parution janvier 2007

 
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CNAM                                   Jean-Luc FERRAND                                 1

                             Article pour AFP
                 (Actualités de la Formation Permanente)
                             parution janvier 2007

                         TERRITOIRES ET FORMATION

        Le territoire est à la mode dans le domaine de la formation en général, et
de la formation professionnelle en particulier : la plupart des revues spécialisées
ont à présent leur rubrique « territoire » ou « région », les colloques et séminaires
se multiplient, et des numéros spéciaux de revues comme celle-ci tentent
régulièrement de faire le point sur l’état des lieux de la question. Cet engouement
des discours autour de cette question est historiquement assez récente, et débute
véritablement dans la décennie 80, qui est aussi, et ce n’est pas étonnant, celle des
premières lois de décentralisation. Néanmoins, et nous essayerons de le montrer
au long de cet article, d’une part décentralisation et territorialisation de la
formation professionnelle ne sont pas synonymes, et d’autre part, les pratiques
concrètes de terrain précèdent souvent les déclarations et les discours, voire les
tentatives de systématisation ou de théorisation.

        Cet article va s’efforcer simplement d’aborder ce qui nous apparaît
constituer les principales questions, interrogations, difficultés et enjeux du lien
entre formation et territoires.

1/ HISTORIQUE SUCCINCT DES LIENS ENTRE FORMATION
PROFESSIONNELLE, EMPLOI ET TERRITOIRES

1.1./ Les problématiques de formation locales dans un contexte de formation
national.

       L'apparition progressive d'une dimension territoriale dans la formation
professionnelle en France et est assez récente. Historiquement, la formation
professionnelle s'est construite à partir des années 60 sur une politique nationale
de l'Etat qui ne prenait pas vraiment en compte, en tout cas pas de façon
systématique ni complète la dimension locale. Elle s'est construite aussi sur la
base des politiques d'entreprises qui à priori non plus, sauf exception, ne
fonctionnent pas sur cette logique là. Mais progressivement, et dans un certain
nombre de contextes particuliers, on a commencé à considérer que la formation au
sens large et la formation professionnelle en particulier, pouvait être un élément
de réponse et un facteur structurant d'une politique territoriale. Quelques exemples
témoignent de cette émergence et permettent de mettre en exergue quelques
grandes fonctions de la formation sur un territoire.

        Dès la fin des années 60 ont existé dans un certain nombre de régions des
Actions Collectives de Formation (ACF); celles-ci avaient été mises en place à
l'origine sous l’impulsion de Bertrand SCHWARTZ pour essayer de préparer les
reconversions des bassins miniers. L'idée était que la formation générale,
technique et professionnelle devait créer un substrat permettant l'évolution des

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individus (salariés ou non), et que cette élévation progressive du niveau de
qualification, du niveau de compréhension des mécanismes techniques et
économiques était une des conditions facilitant la venue de nouvelles entreprises
et de nouvelles activités. La formation mise en place devait être à finalité à la fois
professionnelle et personnelle, générale et technique, et s'adresser sans exclusive à
toute la population d'un même bassin d'emploi. Même si aujourd'hui il en existe
encore une dans le nord de la France, ces actions ont effectivement disparu avec
les terrains économiques qui les fondaient et, dans un certain nombre de cas, elles
ont été prolongées par les pôles de conversion des années 1985.

        Une deuxième approche fut celle du développement local au sens où on
l'entend traditionnellement. La fonction principale de la formation en ce cas est
d'accompagner les stratégies de développement, les projets de création d'activités;
elle est un élément d'activation de la dynamique interne du terrain, un facilitateur
de la mise en oeuvre et de la conduite des projets, mais elle n'est pas suffisante en
elle-même pour créer la synergie indispensable des acteurs ni la dynamique des
projets qui restent générés par le terrain lui-même. Tout ceci est à présent
relativement bien connu, des expériences pilotes ont été médiatisées, des
formalisations et théorisations de la formation-action et de la formation-
développement ont été effectuées. La formation liée au développement local (au
sens strict du terme), si elle est extrêmement riche et intéressante en terme
d'approche et de méthode, et représente à elle seule une fonction particulière de la
formation, n'en reste pas moins relativement marginale par rapport à l’ensemble
des pratiques de formation, professionnelle ou non.

         Une troisième approche dans l'apparition de liens entre formation et
territoires est ce que l’on pourrait appeler la logique des grands chantiers. Il
n'existe pas de définition exacte ni juridique ni économique de cette notion; disons
simplement qu'il pourrait s'agir d'une intervention à un moment donné sur un
territoire visant à la mise en place d'infrastructures répondant à des besoins de
création d'activités générant des besoins de qualification de main d'oeuvre. Cette
intervention peut être d'origine publique, privée ou mixte, et on en connaît déjà de
multiples exemples: centrales nucléaires EDF, lignes TGV, jeux olympiques,
Eurotunnel, qu'il est possible de considérer comme des bassins d'emploi artificiels
et en partie provisoires.

        Dans tous les cas, la formation professionnelle y occupe une place
privilégiée, car elle constitue une des composantes incontournables de
l'opérationnalité des différentes phases du chantier:
        • Pour la mise en route par la production des compétences de conception et
des compétences techniques très souvent spécifiques voire uniques;
        • Pour le déroulement à bonne fin des opérations par l'adaptation continue
de la main-d'oeuvre aux techniques qui évoluent en cours de réalisation et aux
multiples problèmes imprévus qui se manifestent;
        • Pour satisfaire aux besoins de qualification dérivés du chantier lui même
qui peuvent être en lien direct avec lui (sous-traitance technique) ou indirect
(création de zones d'activités, commerce, tourisme);
        • Enfin pour la fermeture sans heurt du chantier quand il s'agit de
reconvertir partiellement une frange de la population qui y a travaillé, parfois
pendant plusieurs années et qui ne souhaite pas (ou ne peut pas) changer
géographiquement.

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       Quoique limités en nombre, les grands chantiers peuvent être lus et
analysés comme des sortes de laboratoires du rôle que la formation jouer en terme
de développement territorial et de mobilité professionnelle sur une zone limitée.

1.2/ la décentralisation et la prise en compte du niveau régional

        Les politiques régionales en tant que telles, au sens juridique du terme,
initiées par les lois de décentralisation de 1982 à 1986 et au-delà, renforcées par la
loi quinquennale du 20 décembre 1993 et la loi sur les responsabilités et libertés
locales du 13 août 2004, consacrent le pouvoir stratégique des Conseils
Régionaux. Pour la première fois dans l’histoire du système de formation initiale
et continue, l’espace régional (au sens du découpage initié en 1960), devient un
échelon de décision politique majeur. Même si la décentralisation par l ‘Etat des
moyens et des finances n’a été que très partiel durant toute cette période, la
compétence de droit commun, devenue compétence générale en matière de
formation, est un événement et une prérogative déterminante.

       En effet, l’exercice de cette compétence a généré auprès des Conseils
Régionaux des pratiques de planification et de schématisation régionale en
matière de formation professionnelle, (aujourd’hui SREF), s'articulant toujours
de façon plus ou moins directe avec les plans de développement économiques qui,
d'une certaine manière, les génèrent et leur donnent sens. De ce point de vue, les
Conseils Régionaux utilisent la formation professionnelle comme le font les autres
acteurs économiques (entreprises ou branches professionnelles), c'est à dire
comme un moyen au service d'objectifs qui sont autres, en l'occurrence ici le
développement économique de chaque région. La formation est une réponse, une
médiation dans une politique plus générale, pas une fin en soi.

        Ceci devrait avoir pour effet que la formation professionnelle ne soit pas
une logique "parachutée" plus ou moins imposée d'en haut par l'Etat, mais quelque
chose qui puisse si ce n'est partir du terrain, du moins s'enraciner fortement dans
les besoins et les caractéristiques propres du territoire de chaque région. Ceci était
d’ailleurs aussi un des objectifs des lois de décentralisation de 1982 : rapprocher
les lieux de décisions politiques et stratégiques des citoyens.

1.3/ Le territoire et les politiques de l’emploi et du développement.

        Mais la « montée en puissance de l’approche territoriale s’est faite
beaucoup dans le cadre des politiques de l’emploi et du développement
économique, à la fois par des initiatives étatiques nationales et par des initiatives
d’acteurs locaux. Cette approche territoriale de l’emploi va souvent de pair avec
l’insertion et la formation sous des formes d’ailleurs multiples et qu’il serait
intéressant d’interroger. Historiquement les principales « entrée » furent :

        • La création et le développement des Comités de Bassin d’emploi à partir
de 1982, pour coordonner la politique publique de l’emploi et de la formation sur
le terrain en lien avec les acteurs locaux (socio-économiques et élus). La notion de
Bassin d’emploi, terme d’origine économique sans lien évident avec un
découpage administratif existant, est créé à cet effet. Un nombre important de
CBE fonctionnent de manière pérenne aujourd’hui.

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       • Les Bassins de Conversion, créés par circulaire du Premier Ministre en
1984, et qui ont fonctionné jusqu’en 1989-90, sur une quinzaine de sites
anciennement industriels, correspondant ou non aux territoires des anciennes
actions collectives de formation. Leur existence était prévue dès le départ comme
temporaire, avec un seul but: la résolution la plus rapide possible des problèmes
d’emploi sur ces zones.

        • Les zones CFI (Crédit Formation Individualisé) à partir de 1989-90 pour
la formation et l’insertion des jeunes à bas niveau de qualification , censées
correspondre aux aire de mobilité présumées des jeunes. Depuis la prise de
compétence des formations jeunes par les Conseils Régionaux à partir de 1996,
certains ont décidé de supprimer ces zones, d’autres les ont maintenues, d’autres
en ont modifié le découpage (une zone CFI= un département par exemple).

        • Les PLIE (Plans Locaux d’Insertion dans l’Emploi, anciennement Plan
Locaux pour l’Insertion par l’Economique) initiés au début des années 1990
reposent sur une action volontariste des acteurs publics sur une zone, mais aussi
sur les partenariats forts susceptibles d’être passés avec l’ensemble des acteurs au
service de l’accès à l’emploi des publics en difficultés, en particulier ceux dont le
niveau ne permet pas l’accès aux politiques d qualification.

       • Les structures intercommunales et les Pays au sens des lois de 1992, 95
et 99, qui constituent des nouvelles entités politico-économico-administratives
dans le paysage français, agissent de fait sur les plans de l’emploi et de la
formation ou auront vocation à le faire, sans qu’il soit possible à ce jour de dire
quelles formes, modalités et ampleur cela pourra avoir à moyen terme.

        • Enfin les Systèmes Productifs Locaux (SPL), sur lesquels travaille
actuellement la DATAR, inspirés des districts industriels italiens, présentent des
particularités en terme de synergie de compétences professionnelles des salariés,
de partenariats interentreprises, de mobilité interentreprises pour les salariés et, de
ce fait sont intéressantes pour les politiques d’emploi et de formation sur le plan
de l’adaptation professionnelle et de la préparation à la mobilité. Il constituent
une sorte de laboratoire en grandeur réelle de liens possibles et particulier entre
développement économique, gestion de l’emploi locale et par conséquent
formation.

         Toutes ces expériences anciennes ou présentes se situent sur des espaces
territoriaux différents en fonction de l’objectif économique et social qui est
poursuivi. Ces espaces peuvent correspondre à des découpages administratifs
classiques, mais dans la plupart des cas, sont générateurs de nouveaux
découpages, voire de nouveaux zonages officiels. Ils sont en tous les cas
l’expression d’une volonté de territorialisation de politiques institutionnelles,
obéissent dans la plupart du temps à des espaces, finalités, publics, et logiques
d’acteurs différents, au motif qu’il serait plus réaliste et aisé de résoudre au niveau
local des problèmes économiques ou sociaux difficiles à traiter au niveau national.
De plus les superpositions non coordonnées et non maîtrisée de ces approches de
ces découpages géographiques finit par rendre le territoire illisible, et ajoute bien
souvent une touche à la confusion et la complexité du système d’emploi et de

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formation. L’approche territoriale aurait pu avoir comme effet de clarifier au
niveau local ce qui était confus au niveau national. Or il n’en est rien.

2/ LE TERRITOIRE, UNE NOTIONS FLOUE POUR TRAVAILLER SUR
LA RELATION ENTRE ECONOMIE ET FORMATION

         En fait le territoire n’existe pas en soi: on serait en peine d’en donner une
définition générique, et il faudrait plutôt parler d’une multiplicité d’espaces
institutionnels, tant il est vrai que les grandes institutions ont profondément
marqué au cours de l’histoire l’approche du terrain local en fonction de leurs
prérogatives et légitimité propres. Une des premières manifestations de l’action
des institutions publiques ou privées sur les territoires est généralement le
découpage et/ou le zonage. Les espaces territoriaux sont ainsi tous l’objet d’une
multitude de découpages (en termes de défense, de fiscalité, de gestion des eaux,
d’agriculture, etc…) qui tous permettent et légitiment une action institutionnelle.

        En particulier, sur la question de l’emploi et de la formation, on doit
appréhender un grand nombre de zonages différents qui sont apparus depuis ces
trente dernières années : zones d’emploi, bassins d’emploi, zones de mission
locale, zones des coordinateurs emploi-formation, bassins d’éducation et de
formation de l’Education Nationale, Pays, communautés de communes et
d’agglomérations, zones EREF du Ministère de l’Agriculture, etc..

        Chacune de ces « entrées » territoriales est bien sûr légitime
historiquement et institutionnellement, mais chacune également, de ce fait même,
ne rend compte que d’une partie du fonctionnement de l’espace local. Elles
correspondent également à des fonctions différentes, que l’on peut à titre
d’hypothèse structurer en quatre groupes: à dominante administrative,
économique et sociale, de programmation et d’action, enfin d’impulsion et de
projet

        Il ne faut donc pas confondre zonage et territoire, le premier étant
forcément une réduction du second sur des critères plus ou moins bien identifiés.
On peut en fait poser l’hypothèse qu’un territoire se définirait plus par la
dynamique qu’il met en œuvre, quelle qu’en soit sa nature, que par une
délimitation spatiale figée. Mais, du coup la référence géographique attachée
traditionnellement au territoire devient très relative au risque de la voir
pratiquement disparaître.

         Sur le plan opératoire, cette interrogation pose la question de la plus ou
moins grande nécessité de faire des différenciations ou des typologies de
territoires selon les spécificités de chacun d’eux : quartiers ou zones urbaines,
zones péri-urbaines, zones rurales dynamiques, zones rurales isolées, zones de
reconversion économique et/ou sociale, zone de type “ Système Productif
Local ”, etc. La seule chose sûre est qu’un traitement totalement uniforme des
territoires, notamment de la part d’une superstructure (Europe, Etat, Région)
poserait des problèmes en termes d’efficacité et de crédibilité vis à vis des acteurs
locaux. Ce qui par contrecoup pose une question encore plus fondamentale, celle
du traitement égalitaire (principe républicain) en tenant compte des spécificités et
différences (principe de réalisme économique et social)…

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• Pour une tentative d’une nouvelle définition du territoire ?

       On peut avancer l’idée que le territoire serait une notion protéiforme
irréductible à sa seule dimension géographique, qui pourrait être appréhendée par
une combinatoire de plusieurs approches et composantes contribuant à lui donner
forme et sens; on y trouverait:

         - une dimension administrative, au sens classique du terme.
         - une dimension, économique, en termes de tissu d’emplois et de services,
de nature de ces emplois en terme de niveau et de spécialité, de taille d’entreprise
et de dynamisme général.
         - une dimension de vie et d’habitat au sens large, intégrant des facteurs
d’environnement, de qualité de vie et de mobilité/flux de population avec d’autres
territoires.
         - une dimension sociale, en termes de cohésion, de services rendus, de
relations et intégration de différentes catégories de populations
(français/étrangers, hauts niveaux de qualification/bas niveaux, résidents de
souche/nouveaux venus, jeunes/ »vieux », agriculteurs/emplois tertiaires,
urbains/ruraux etc.).
         - une dimension culturelle, en termes de production et consommation
d’activités « artistiques », mais surtout en terme d’habitudes, de coutumes, de
spécificités des modes de vie, bref une approche anthropologique de la culture.
         - une dimension identitaire, c’est à dire liée à l’existence de système
explicite ou non d’appartenance et de reconnaissance des résidents à une
communauté et un ou des systèmes de valeurs partagées. Ce sentiment
d’appartenance (au quartier, à la ville, au pays, à la province), intègre souvent
entre autres des dimensions religieuses et linguistiques.
         - une dimension stratégique plutôt exogène, où le territoire peut être
appréhendé à partir des grands mouvements économiques, sociaux et politiques
qui agitent le monde et en particulier l’espace européen (les travaux de la DATAR
correspondraient un peu à cette approche).
         - une dimension de projet, plutôt endogène, où le territoire est alors un
espace de mobilisation d’acteurs, de contractualisation autour d’activités et
d’objectifs à atteindre. Cette dernière approche semble s’imposer depuis quelques
années, au moins dans les discours, mais elle ne peut entièrement se substituer aux
autres ou les ignorer: elle servirait plutôt à les fédérer, pour envisager le territoire
comme un espace de projet, porté par un système d’acteurs ayant décidé de
travailler en commun à la mise en place de réseaux de réseaux et la réalisation
d’activités.

       La conception du territoire comme système et mise en synergie d’acteurs
individuels et institutionnels, pour pertinente et séduisante qu’elle soit, se heurte
bien évidemment à toutes les difficultés connues et étudiées par la sociologie des
organisations.

3/ LES DIFFICULTES DE L’APPROCHE TERRITORIALE                                       EN
MATIERE DE FORMATION ET DE DEVELOPPEMENT.

       L’espace local est aussi une sorte de société en réduction, où
s’enchevêtrent différentes logiques de fonctionnement, ou s’agrègent et
s’appliquent des politiques publiques ou privées venues d’ailleurs, ou naissent et

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fonctionnent des réseaux et systèmes de relations entre acteurs qui peuvent selon
les cas être tout à la fois moteurs ou freins du développement . La logique de
fonctionnement est plutôt « horizontale », faite de cloisonnements mais aussi de
rivalités et de systèmes d’interrelations souvent complexes entre institutions.

1/ La décentralisation en France : un grand projet encore inabouti ?

       Nous sommes semble-t-il à une période de transition historique en France,
où l’approche de la société par les territoires prend sa véritable dimension. Certes,
en matière de développement local, les initiatives, mesures et structures ne sont
pas nouvelles, comme nous l’avons rappelé précédemment, mais en matière de
formation, la décentralisation réelle et le pouvoir du Conseil Régional depuis la
loi quinquénnale de 1993 jusqu’à celle de 2004 se posent en termes nouveaux.
Trois éléments paraissent à ce titre particulièrement signifiants :

       • La multicompétence des Conseils Régionaux en matière de
développement économique, d’aménagement du territoire, de transports, de
recherche, d’apprentissage et de formation professionnelle, les confronte à la mise
en cohérence complexe de ces différentes dimensions, en tenant compte:

        - de la multiplicité des actions à conduire, de nature et finalités différentes.
        - de la multiplicité des espaces d’intervention afférent à ces actions.,
fortement liée aux spécificités géographiques, économiques et sociologiques
locales.
        - de la multiplicité des découpages et zonages déjà existant mais pas
            forcément adaptés.
        -
        • La compétence générale des Conseils Régionaux en matière de formation
(loi de 2004), héritée de la compétence de droit commun de 1983, confère à ces
derniers la possibilité d’intervenir sur tous les publics, y compris les salariés. De
tous les acteurs financeurs et décideurs de la formation en France, le Conseil
Régional est le seul à posséder cet atout stratégique dans un système où par
ailleurs tout est segmenté. C’est sur cet atout que s’est construite la grande
diversité de contenu des politiques régionales, et que se fonde aujourd’hui la
notion de Service Public Régional de formation, porté notamment par l’ARF
(Association des Régions de France).

        • Enfin, depuis la loi de démocratie de proximité, de 2002, le PRDFP (Plan
Régional de Développement de la Formation Professionnelle) donne au Conseil
Régional mission de mise en cohérence des différentes filières de formation
professionnelle initiale et continue, y compris à présent en matière de formations
sanitaires et sociales.

       Le couplage de ces trois spécificités laisse à penser que c’est bien au
niveau régional que se posent les bases d’un vrai système futur de formation tout
au long de la vie, mettant de la cohérence, de la continuité et de la fluidité dans
l’ensemble des filières éducatives historiquement cloisonnées.

2/ La connaissance des territoires et la question de l’information socio-
économique.

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       L’élaboration de politiques de formation, et la tentative de rapprocher la
demande économique des entreprises et la demande sociale des individus, suppose
d’avoir une connaissance fine et fiable du fonctionnement des métiers et des
mobilités professionnelles sur les territoires. Les OREF, déjà anciens, et les
observatoires de branche consacrés par la loi du 4 mai 2004, ont déjà fait
progresser la connaissance de ces questions, souvent avec des innovations
méthodologiques. Mais ils se heurtent à de nombreuses difficultés, entre autres :

        -       L’utilisation de bases de données socio-économiques et
        d’indicateurs statistiques est une constante pour tout le monde, mais pas
        forcément à partir des mêmes outils. La mise en cohérence de ces bases et
        indicateurs serait nécessaire et urgente.
        -
           - La difficulté d’avoir une vision un tant soit peu prospective au
niveau local, de manière là aussi à mettre en partage et discussion des visions si
possibles convergentes de l’avenir. La mise en place d’une fonction de "veille
économique et sociale territorialisée"; l'idée de comités économiques et sociaux
locaux va dans ce sens, mais il serait possible d'aller plus loin dans l'idée d'être à
"l'écoute des territoires et des populations", d'être vraiment au clair avec la réalité
de la situation sociale actuelle, d'anticiper autant que faire se peut ces évolutions.

        - La sous-utilisation, par l’ensemble des intervenants et acteurs du
système, des données socio-économiques locales, des procédures et
méthodologies d’intervention, ce qui pose par contrecoup la question de la
formation des acteurs intervenant au niveau local. La notion de diagnostic
commun partagé, qui est à la base de la plupart des démarches locales, va dans ce
sens, mais des échanges ou rapprochements quant aux méthodologies et
indicateurs des diagnostics pourraient être bienvenus.

        Notons enfin que la connaissance des territoires ne peut à notre avis se
limiter à une approche purement statique et économique, mais doit au contraire
essayer d’appréhender les dynamiques des activités et des groupes sociaux, par
une connaissance fine et quasi anthropologique des populations et des possibilités
de développement.

3/ La prise en compte des multiples fonctions que la formation
professionnelle peut contribuer à jouer sur un territoire donné.

       Les politiques institutionnelles de formation à visée professionnelle sont
majoritairement à caractère adaptatif (il s’agit d’adapter la compétence des
individus aux besoins de l’économie dans le cours terme) et adéquationnistes (une
formation correspond à un métier et réciproquement).

           Or, pour être utile au développement sur le long terme, la formation
doit également être prise en compte dans d’autres fonctions économiques et
sociales :

          - Pour élever le niveau de qualification de la main-d’œuvre, mais
également son niveau de culture générale et de culture scientifique et technique.

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En effet, plus ces niveaux sont élevés, plus les mobilités et reconversions
professionnelles sont aisées.
       - Pour maintenir les activités existantes, éviter la perte des de savoir
           faire traditionnels, motiver et initier des repreneurs d’entreprises
           artisanales. Cet aspect est aujourd’hui vital pour beaucoup de régions
           qui, avec le choc démographique, risquent de voir disparaître en dix
           ans entre un tiers et la moitié de leur tissu de TPE et structures
           artisanales.
       - Pour adapter les compétences des salariés en cours d’emploi. Cette
           fonction est globalement bien assurée par les politiques de formation
           des employeurs, mais commence à poser problème dès que l’on
           dépasse la notion d’adaptation à la situation de travail, et depuis la loi
           du mai 2004, d’adaptation au poste de travail, à l’emploi, au métier ou
           groupe de métiers.
       - Pour les politiques d’insertion des jeunes et demandeurs d’emploi
           adultes, ce qui suppose la maîtrise d’outils de connaissance des métiers
           adaptés à ces publics souvent fragilisés, la mise en place de démarches
           prospectives pour essayer d’anticiper l’évolution des compétences, en
           particulier dans les métiers dit « en tension ».
       - Pour le développement des « pôles d’excellence », où la fonction de la
           formation doit se mêler étroitement à la recherche, à la recherche-
           développement, à la création et la valorisation d’entreprises.
       - Pour l’accompagnement des logiques de projets locaux, où la
           formation vient en appui de la création et la mise en œuvres de projets
           de création d’activités, en mise en synergie des acteurs porteurs, en
           information et motivations d’acteurs périphériques aux projets.
       - Pour l’aménagement du territoire, au sens où la formation est aussi une
           activité économique qui génère des richesses, des emplois, des
           dynamiques nouvelles.

4/ L’ingénierie de la formation et des ressources humaines sur un territoire :
des méthodologies encore à construire ?

La question de l’articulation de logiques verticales et horizontales

        La pierre angulaire du problème est celle de la mise en correspondance
des "logiques horizontales" de terrain ou interagissent les opérateurs locaux avec
les " logiques verticales" d'application locales de politiques d'un autre niveau (
départemental, régional, interrégional, national, européen) correspondance qui
constitue une des difficultés concrète majeures des actions sur le terrain local.
C'est en raison de cette absence de liaison que beaucoup d'énergie est dépensée et
que certains projets échouent.

       Comment articuler les deux démarches et contraintes? Comment penser
régionalement et/pour agir localement? C’est une contradiction forte à laquelle
sont confrontés tous les Conseils Régionaux, et qui suscite différents types de
questions et d’approches. C’est dire qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune
réponse ou méthode toute faite par rapport à ces questions, et que les solutions ne
peuvent être élaborées qu’au plus près du terrain avec l’appui et l’expérience des
principaux acteurs institutionnels intéressés par ces dimensions.

Article AFP Formation et Territoires                                  Décembre 2006
CNAM                                   Jean-Luc FERRAND                                 10

La question de la possibilité concrète et réelle de parcours professionnalisant
pour les individus et les groupes.

        L’approche territoriale est ici centrale, car pour la grande majorité des
salariés et demandeurs d’emploi, ce parcours se situe dans un espace local ou
régional. Mais ce parcours suppose qu’un certain nombre de conditions soient
réunies, ce qui est loin d’être le cas à ce jour :
        - La mise en place de démarches de rapprochement entre offre de
formation, demande économique et demande sociale, et la réorganisation de tout
le système d’orientation professionnelle.
        - La garantie de cohérence et de non-rupture des parcours de formation et
de professionnalisation au niveau local, en particulier pour les personnes les plus
fragilisées pour lesquelles la mobilité géographique demeure limitée, notamment
en développant des outils et méthodes d’accompagnement des parcours de
professionnalisation.
        - L’attention à porter aux phénomènes de “ non demande ” sociale et
            individuelle qui risquent de se développer.
        - La question de la mise en place des “ passerelles ” entre systèmes
            éducatifs d’une même institution ou d’institutions différentes.
        - Réfléchir à la question des effets de la VAE au niveau des parcours
professionnels et de l’emploi dans l’espace régional ou micro-local.

La question de la difficile synergie entre les acteurs de terrain.

         Mettre les individus et les parcours professionnels au cœur du système
suppose de faire travailler ensemble, ou à tout le moins coopérer des acteurs
institutionnels ou individuels que l’histoire nous a appris à concevoir de manière
disjointe voire antagoniste. Cette démarche de mise en cohérence dans l’espace et
dans le temps se heurte à un certain nombre de difficultés:

        • Le problème du cloisonnement relatif des structures administratives, que
ce soit au niveau des ministères déconcentrés (beaucoup d’actions de
développement et de formation impliquent l’interministérialité), des relations
entre structures de l’Etat déconcentré et de l’Etat décentralisé, enfin au niveau des
relations entre les différents échelons des collectivités locales.

       • Le problème potentiel du mode de négociation et de partenariat entre
promoteurs, donneurs d’ordres, financeurs, organismes de formation et équipe
d’animation locale. Ces différents acteurs n’ont pas toujours l’habitude ni
l’expérience du travail en commun, et parfois sans doute pas non plus de culture
professionnelle commune ni d’itinéraires de formation initiale ou continue
commun. La même question peut se retrouver au niveau des maître d’oeuvres et
opérateurs, concernant la régulation entre structures décisionnelle, d’animation,
pédagogique et administrative, dont la synergie n’est pas toujours facile à
optimiser.

       • La difficulté à identifier et réaliser des cohérences sur un même territoire
entre des instances et procédures de nature différente en particulier :

Article AFP Formation et Territoires                                  Décembre 2006
CNAM                                    Jean-Luc FERRAND                                 11

                • Des instances de « simple » concertation entre acteurs du terrain,
                • Des instances d’orientation et de définition d’objectifs à caractère
        plus stratégiques ou politiques. Cette dimension est particulièrement
        cruciale quant à la réalisation de « projets de territoires ».
                • Enfin des instances de gestion et d’application de mesures
        décidées au niveau régional ou national.

        • Le fait qu’une véritable interdisciplinarité puisse être mise en place sur
l’ensemble des intervenants. En l’état, les agents de développement sont les
principaux garants de cette dimension, ce qui n’est pas forcément suffisant et pose
la question de la nature des formations élaborées pour les différents acteurs.

       • Le fait que des professionnels de la formation puissent être présents et
acteurs dans toutes les phases du développement d’un projet, en particulier en
amont et en aval, mais aussi en périphérie, et que les agents de développement
puissent être porteurs d’une dimension formation.

5/ La recherche de cohérence dans l’intervention des professionnels de la
formation et des autres acteurs intervenant traditionnellement dans un
espace local,

         Cette cohérence est loin d'être assurée pour des raisons de cloisonnement
institutionnel, de parcours professionnel, de formation et de culture. Ce sont
souvent deux monde à part qui ont du mal à se rejoindre. Les professionnels de la
formation, même lorsqu'ils travaillent dans un organisme (ne disons rien de ceux
qui sont en entreprise) ne sont pas forcément sensibilisés à la dimension régionale
et locale; il arrive même qu'on trouve encore des personnes, et pas forcément
débutantes, qui ne font pas la différence entre le conseil régional et la préfecture
de région. En tous cas, la nature et le fonctionnement des acteurs et institutions
territoriales est quelque chose de relativement mal connu, car il n'y a peu de
culture territoriale dans les milieux de la formation professionnelle. Et, à l'opposé,
il semble qu'il y ait peu de culture de formation chez les acteurs locaux, sauf ceux
qui ont pu être impliqués anciennement dans des opérations de reconversion ou de
formation-développement.

       Il y a là sans doute des synergies à trouver et mettre en place pour inventer
des nouvelles formes de partenariat, des nouveaux modes de travail entre élus
locaux, responsables politiques, administratifs, syndicats, milieu économique,
milieu socio-éducatif, et milieu de la formation professionnelle. Ce type de
partenariat multipartite ne fait malheureusement pas vraiment partie de la culture
française, où l'esprit de clocher et les rivalités institutionnelles et locales
improductives sont encore assez largement répandues.

        Ces dimensions interrogent également les formations respectives des
acteurs de la formation des acteurs du développement local. Des liens et
complémentarités devraient être pensés entre elles afin d’éviter la reproduction de
cloisonnements professionnels inefficaces sur le terrain. Actuellement, si l'on
examine en France la multitude des diplômes préparant aux différents métiers de
la formation, seuls deux ou trois intègrent explicitement une dimension régionale
et locale, et encore de manière quasi marginale. De la même manière, dans la
diversité des diplômes préparant aux métiers du développement local, on ne

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trouve exceptionnellement la dimension formation. Des cursus qualifiants, fondés
sur la notion de double compétence (compétence en formation, compétence dans
le champ du développement territorial, tout cela restant bien sûr à préciser) nous
sembleraient pouvoir faire l’objet d'une expérimentation utile dans les années à
venir.

LES ENJEUX DE L’APPROCHE TERRITORIALE EN MATIERE
D’ECONOMIE, D’EMPLOI ET DE FORMATION

1/ L’articulation entre formation professionnelle initiale et formation
professionnelle continue, dans le court, moyen et long terme.

         La formation initiale et la formation professionnelle continue, sont en
France des systèmes éducatifs historiquement disjoints, mais qui devraient
logiquement agir de concert sur un territoire. En particulier, il semble
dommageable que la formation continue intervienne souvent de manière curative
(quand ce n'est pas en "pompier") par rapport à un problème de besoin de main
d'œuvre ou de reconversion, sans qu'une structuration à plus long terme soit
assurée par les qualifications produites en formation initiale. On se heurte sur ce
point précis à la difficulté d'une approche prévisionnelle fiable en matière de
qualification, mais il n'en demeure pas moins que la formation professionnelle
initiale doit pouvoir constituer un socle sur lequel la formation continue puisse
prendre appui.

       En France, ce problème est particulièrement délicat à traiter car il touche la
question d’un positionnement institutionnel nouveau et différent dans les relations
conseils régionaux/académies, qui à ce jour se structurent de mieux en mieux,
mais qui n’ont pas toujours été faciles dans les premières années de la
décentralisation. Le PRDFP (Plan Régional de Développement de la Formation
Professionnelle) élaboré sous l’égide du Conseil Régional, est à notre avis la
première vraie pierre solide de ce nouvel édifice. En tout état de cause, le
rapprochement formation initiale/formation continue, s'il se réalise, ne pourra se
faire qu'au niveau régional, et donc interroger les relations conseils
régionaux/académies, conseils régionaux/préfectures de région, et bien sûr
Ministère de l'Education Nationale/Ministère du Travail. Les enjeux sont donc de
taille

2/ Les relations entre le niveau local et le niveau régional.

         Les questions relatives aux liens réciproques entre le développement des
territoires et place de la formation professionnelle sont encore peu connues du
grand public, mais aussi des professionnels et des décideurs. L’appareil de
formation professionnelle s’est en effet structuré en France depuis 1971 plus dans
des logiques d’entreprises, de secteur professionnel ou de prise en charge de
publics spécifiques que dans des logiques transversales comme celle des
territoires infra-régionaux, en particulier les communautés de communes et
d’agglomération et les Pays.

        Ces derniers en effet sont dans la position singulière d’être potentiellement
générateurs de besoins de formation et demandeurs d’une offre adaptée, alors
qu’ils ne possèdent aucune compétence juridique ni aucun financement spécifique

Article AFP Formation et Territoires                                  Décembre 2006
CNAM                                   Jean-Luc FERRAND                                 13

en la matière, ceux-ci étant l’apanage des entreprises, de l’Etat et du Conseil
Régional. Et pourtant, c’est bien aussi toujours dans une localisation concrète que
se met en œuvre la formation professionnelle, et cette localisation joue un rôle
dans la pertinence de cette formation par rapport aux besoins économiques de
compétence et de qualification et à la demande sociale.

       L’enjeu sur ce thème nous semble être double : il s’agit d’essayer de
comprendre à la fois comment les politiques de grands prescripteurs peuvent
prendre en compte les dimensions infra-régionales, et comment les différents
niveaux de territoires abordent ou sont susceptibles de questionner l’offre de
formation.

3/ Des choix stratégiques sur une approche plus ou moins large de la
formation.

        On peut craindre qu’un trop grand recentrage de la formation continue sur
les aspects économiques et           professionnels, ait pour effet pervers une
marginalisation progressive, voire d'une disparition du tissu de ce que l'on appelait
anciennement l'Education Permanente, très implantée localement. Il nous semble
personnellement que, lorsqu'on travaille sur un territoire (bassin d'emploi,
quartier, ville, vallée rurale etc.) on ne peut pas faire comme si ce mouvement
n'existait pas ou n'avait pas existé car il constitue un "maillage" puissant et
irremplaçable de la vie locale, un facteur de vie et de dynamisation.

        Tout semble se passer comme si l'appareil de formation professionnel avait
progressivement "dévoré" cet aspect d'éducation permanente, qui était au service
du développement complet des individus, et pas seulement de leur dimension
professionnelle. Or, au moment même ou ce mouvement s'est institutionnellement
réduit, apparaît à nouveau le besoin social d'une prise en compte globale des
personnes et des groupes, dans le cadre des politiques d'insertion par la formation,
où l'aspect formation professionnelle n'est qu'un des volets de l'intervention, mais
aussi pour des raisons économiques du développement de compétences
"généralistes" de plus en plus demandées dans les entreprises.

       La prise en compte des aspects comportementaux, cognitifs et culturels des
populations nous      apparaît indispensable pour comprendre les réalités
économiques et sociales sur lesquelles la formation est censée intervenir ; ce sont
notamment souvent ces facteurs qui permettent qu’émerge ou non une dynamique
positive de changement sur le terrain.

4/ Le difficile positionnement des organismes de formation.

       Comme dans les entreprises, la logique de la demande devrait tendre à
l’emporter sur la logique de l’offre. C’est la pertinence de la réponse spécifique à
un problème ou à un appel d’offre qui assoit la crédibilité des organismes. Ce qui
suppose que ceux-ci soient constamment à l’écoute des décideurs, des
demandeurs, du terrain économique et social dans ses multiples dimensions, et
puissent avoir un fonctionnement assez souple pour pouvoir répondre rapidement
de façon adaptée.

Article AFP Formation et Territoires                                  Décembre 2006
CNAM                                   Jean-Luc FERRAND                                  14

         En particulier ils devraient pouvoir intervenir de plus en plus sur des
problématiques de formation qui ne sont ni de l’adaptation professionnelle
immédiate, ni du diplôme ou de la qualification « classiques », mais des actions
d’initialisation et de développement de l’activité économique et sociale
nécessitant des nouveaux types de prestation. Il est souhaitable qu’ils puissent
mettre en oeuvre des activités de veille stratégique, notamment dans le cadre de
projets européens, et qu’ils se positionnent le plus en amont possible des projets.
Le fonctionnement et la structuration actuels du marché de la formation rendent
ces évolutions difficiles. La régulation des « marchés régionaux de la formation «
et le développement de méthodes et d’outils faisant de la formation un « service
de proximité », sont deux grands chantiers à mener sur les territoires dans les
années à venir ;

5/ Les territoires, pris dans la tourmente du libéralisme économique ?

         Le risque à terme est celui d’une mise en concurrence des territoires dans
une vision libérale et purement économiste du développement. Cette crainte n’est
pas qu’une vue de l’esprit : sous le prétexte d’un développement économique
conçu de manière très restrictive, ou une vision élitiste du développement, on a
par le passé, notamment au niveau des villes, créé plus ou moins artificiellement
des territoires riches et des territoires pauvres à “ problèmes ”, avec toutes les
conséquences à long terme qui sont bien connues. Il existe déjà, au niveau
politique européen, des partisans d’une “ Europe des Territoires ”, sous-entendu
des ententes entre territoires à fort potentiel de développement, liberté étant
donnée à chaque Etat national de tenter de rééquilibrer les choses par sa politique
d’aménagement du territoire propre. Rappelons ici pour finir qu ‘un espace
territorial n’est pas comme une entreprise, n’est pas un bien marchand, mais au
contraire le support d’identifications sociales, culturelles et affectives des
populations qui y résident.

                                       @@@@@@@@@@

        Malgré toutes les questions et difficultés énoncées ci-dessus, il nous
semble néanmoins que nous sommes aujourd’hui dans une perspective de
changement important, à la fois sur les plans administratif, économique, politique
et culturel. En effet l'ampleur des problèmes et blocages sociétaux qui se posent
aujourd'hui fait en sorte qu'à notre avis ils ne pourront être résolus que sur le long
terme et au plus proche des préoccupations économiques et vitales des
populations, sous l’égide du nouvel acteur éducatif forts des années à venir, le
Conseil Régional, et avec une mise en œuvre des politiques sur des territoires
restreints, quelle que soient leurs dénomination. Une des clefs pour la conception
d'un nouveau système de formation qui lie le général et le professionnel, le
cognitif et le comportemental dans le cadre également de nouveaux modèles
pédagogiques est très certainement sur les territoires.

Article AFP Formation et Territoires                                  Décembre 2006
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