BEYROUTH ET L'EMPIRE OTTOMAN: DYNAMIQUES DES NOUVELLES HISTORIOGRAPHIES DE LA VILLE

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1

       J.-C. DAVID, S. MÜLLER CELKA Patrimoines culturels en Méditerranée orientale : recherche scientifique et
enjeux identitaires. 3ème atelier (26 novembre 2009) : Les héritiers de l’Empire ottoman et l’héritage refusé.
Rencontres scientifiques en ligne de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, 2009.
http://www.mom.fr/3eme-atelier.html.

  BEYROUTH ET L'EMPIRE OTTOMAN: DYNAMIQUES DES NOUVELLES
                                 HISTORIOGRAPHIES DE LA VILLE

                                                                                                      Candice RAYMOND*

RESUME
      Au Liban, les historiographies nationalistes, dans leurs versions libanistes, arabistes et syrianistes, ont en
commun la dénonciation d’un « âge sombre » ottoman qui aurait bridé la créativité locale et qui serait, de ce fait,
l’une des causes premières du déclin des sociétés orientales jusqu’à ce qu’intervienne la Nahda. Dans ce cadre
idéologique, l’essor spectaculaire de Beyrouth au cours du XIXe siècle ne saurait être le fait que de dynamiques
échappant à l’emprise de l’État central. Accusé tour à tour d’extrême faiblesse ou d’excès d’autoritarisme, l’Etat
ottoman assume une fonction de repoussoir dans une réflexion historique sur la modernisation, notamment urbaine,
qui lui dénie toute réalisation significative en la matière.
      Ce schéma historiographique commence néanmoins à être remis en question depuis une vingtaine d’années. Les
enjeux de la reconstruction de Beyrouth aux lendemains de la guerre libanaise de 1975-1990 placent en effet la ville
au cœur des discussions agitant plusieurs champs disciplinaires (urbanisme, archéologie, sciences sociales), suscitant
un renouvellement partiel des modes de compréhension de la modernisation beyrouthine du XIXe siècle. Mettant à
jour, sous les strates d’une occidentalisation massive, les traces du projet réformateur ottoman, certains historiens
libanais font de la ville le lieu de la réévaluation d’un héritage ottoman longtemps occulté. C’est de cette redécouverte
dont il s’agira de rendre compte.

                                     « SOUS LA MONTAGNE, LA VILLE » ?

      Que l’on ne s’y trompe pas : si le Liban est aujourd’hui un petit pays macrocéphale dont la capitale
incarne le pays tout entier aux yeux d’un monde submergé par les images de la ville déchirée par la guerre
à partir de 1975, ce n’est point Beyrouth mais la Montagne adjacente qui concentre la plupart des mythes
historiographiques fondateurs de l’entité libanaise. Refuge de minorités opprimées amenées à développer
un modèle de coexistence considéré comme unique, matrice d’une expérience proto-étatique autonome 1,
le Mont-Liban a longtemps représenté le noyau originel non seulement du Liban contemporain, créé en
1920 par le rattachement à la Montagne des villes côtières et de régions périphériques considérées comme

* EHESS – IFPO
1
  Expérience incarnée par l’émirat de Fakhreddine II Maan au XVIIe siècle, puis de Bashir II Shihab au tournant du XVIIIe et du
XIXe, et enfin celle de la mutasarrifiya (ou gouvernorat autonome) entre 1860 et 1914.
2

indispensables à la viabilité économique de la nouvelle entité, mais aussi celui du Liban
historiographique. Si jusqu’à aujourd’hui les historiens libanais éprouvent des difficultés à s’entendre sur
une version consensuelle de l’histoire de leur pays, qu’ils ont néanmoins tous fini par adopter comme
cadre commun de leurs analyses, il faut reconnaître que le déni dont l’objet historique « Liban » a pu faire
l’objet chez les uns au 20e siècle (lui préférant l’objet « Syrie », « Bilad al-Sham » ou « Mashriq arabe »)
a longtemps permis aux autres d’assurer la domination symbolique de discours historiques où la ville de
Beyrouth apparaît au mieux comme le partenaire de la Montagne et au pire comme sa simple
dépendance 2. Il n’est dès lors guère surprenant de constater qu’à l’exception de l’ouvrage du père jésuite
Louis Cheikho publié dans les années 1920 (Cheikho 1993), il n’existe pas, jusque dans les années 1970,
de monographie de Beyrouth, si ce n’est de son antique aïeule Berytus.
      Annexée par l’histoire de la Montagne, l’histoire de Beyrouth le fut aussi par les différents
nationalismes qui animèrent les milieux politiques et intellectuels dans la majeure partie du 20e siècle. Si,
pour le nationalisme libaniste, Beyrouth n’apparaît que lorsque le pouvoir de la Montagne arrive à
l’inclure dans la sphère de son autonomie, pour le nationalisme arabe, Beyrouth sort de l’ombre quand la
ville devient la capitale de la renaissance culturelle arabe, la Nahda, à la fin du XIXe siècle. Pour tous,
Beyrouth est l’incarnation d’une modernité autochtone qui non seulement ne doit rien à l’Empire ottoman
dont elle fait pourtant partie mais s’est même construite contre lui. Cette modernité de Beyrouth n’est
rendue possible que par son détachement du destin d’un empire ottoman déclinant et par son intégration
dans, ou par sa confrontation avec, la dynamique économique et culturelle de l’Occident. Ainsi les
historiographies nationalistes, partageant une même dénonciation de l’« âge sombre » ottoman, proposent
un cadre idéologique dans lequel l’essor spectaculaire de Beyrouth au cours du XIXe siècle ne saurait être
le fait que de dynamiques échappant à l’emprise de l’État central. Accusé tour à tour d’extrême faiblesse
ou d’excès d’autoritarisme, l’État ottoman assume une fonction de repoussoir dans une réflexion
historique sur la modernisation, notamment urbaine, qui lui dénie toute réalisation significative en la
matière.
      Ce schéma historiographique est néanmoins remis en question depuis au moins deux décennies. Les
enjeux de la reconstruction de Beyrouth ont en effet placé la ville au cœur des discussions agitant
plusieurs champs disciplinaires (urbanisme, archéologie, sciences sociales). S’emparant de ce nouvel
objet historique s’offrant à eux, les historiens participent au renouvellement des modes de compréhension
de la modernisation beyrouthine du XIXe siècle. Mettant à jour, sous les strates d’une occidentalisation
massive, les traces du projet réformateur ottoman, certains d’entre eux font en particulier de la ville le lieu
de la réévaluation d’un héritage ottoman longtemps occulté. C’est de cette redécouverte dont il s’agira de
rendre compte.
      Notre exposé abordera dans un premier temps le contexte historique et scientifique dans lequel ces
nouvelles historiographies ont pris forme, nous permettant d’en situer les auteurs et les « lieux de
production » (de Certeau 1975), avant de se pencher plus avant sur leur contenu.

2
  Voir par exemple l’analyse des écrits de Jawad Boulos, illustrant la première tendance, et de Najib Dahdah, représentatifs de la
seconde, dans Beydoun 1984, respectivement p. 56 et p. 34 sqq.
3

                          BEYROUTH DANS L’HISTORIOGRAPHIE LIBANAISE

      Comme nous venons de le souligner, ce n’est qu’à partir des années 1970-1980 que Beyrouth
devient véritablement un objet historique à part entière. Cette naissance tardive intervient à la conjonction
de plusieurs phénomènes ou événements, dont le déclenchement de la guerre en 1975 n’est pas des
moindres. Si quelques rares ouvrages antérieurs à la guerre, s’inscrivant dans une optique apologétique,
sont à signaler (Collectif 1970 ; Jidejian 1973 ; al-Wali 1973), « c’est quand le mythe s’écroule que l’on
redécouvre Beyrouth » 3. La guerre s’installe en effet dès 1975 au cœur de la ville, entraînant à la fois le
déchirement du tissu social beyrouthin, sous le coup des déplacements de population, et la destruction
d’une partie dès l’abord importante du patrimoine urbain, en particulier dans le centre-ville. La rupture
brutale des équilibres urbains antérieurs interpellera dès lors les chercheurs sur les facteurs de leur
fragilité comme de leur permanence, en dépit des mutations qu’avait connues la ville au cours des deux
derniers siècles. Mais très rapidement aussi se pose la question de la reconstruction. La perception
dominante à l’issue de la première phase de la guerre de 1975-1976, appelée la « guerre de deux ans », est
celle d’un après-guerre. Le gouvernement s’attelle immédiatement à la reconstruction, diligentant
différentes études préparatoires pour la reconstruction et la modernisation du centre-ville (Kassir 1994, p.
258). Le CERMOC (Centre d’Etude et de Recherches sur le Moyen-Orient Contemporain), créé à
Beyrouth en 1977 comme laboratoire de recherches franco-libanais axé sur le contemporain, fut d’ailleurs
sollicité et faillit en faire son axe principal de recherche, mais il faudra attendre un autre après-guerre
pour que cette orientation se concrétise ; nous y reviendrons.
      Un second facteur, de toute autre nature, va se conjuguer avec la prise de conscience liée au
déclenchement de la guerre et aux enjeux des premiers projets de reconstruction. Il s’agit des
renouvellements dont l’histoire urbaine du monde arabo-musulman fait l’objet à la même période dans le
champ académique international. Si dès 1968 la contribution paradigmatique d’Albert Hourani sur la
« politique des notables » posait les bases d’une compréhension renouvelée du rôle des élites urbaines
dans le système impérial ottoman (Hourani 1968, p. 41-69), c’est au cours des années 1970 que les
travaux fondateurs d’André Raymond sur le Caire, puis ceux de Dominique Chevallier et surtout de ses
disciples libanais (Antoine Abdel-Nour, Selim Nasr, Boutros Labaki, etc.) sur l’espace social de la ville
arabe aux époques moderne et contemporaine (Chevallier 1979), vont redéfinir le cadre problématique de
l’histoire urbaine. Cet intérêt renouvelé pour les villes du Bilad al-Sham, qui bénéficie en outre des
apports des travaux du Syrien Abdel-Karim Rafeq ou du Jordanien Muhammad Adnan Bakhit sur la
province de Damas, profite aussi à Beyrouth, ce dont témoigne une première vague de travaux historiques
qui verront le jour dans les années 1980.
      Un premier constat s’impose à la vue de cette production historiographique des années 1980 : elle
émane quasi-exclusivement d’auteurs issus des communautés sunnite et orthodoxe 4, c’est-à-dire des
communautés confessionnelles considérées, et se considérant, comme fondatrices d’une Beyrouth
3
 Carla Eddé, entretien (Beyrouth, juin 2006).
4
 Les seules exceptions que nous ayons relevées sont l’ouvrage de Sélim Hichi sur les Druzes de Beyrouth et les articles sur
Beyrouth publiés par Marwan Buheiry.
4

moderne qui vient de connaître une nouvelle vague de destructions massives suite à l’invasion israélienne
de 1982. Du côté sunnite, les ouvrages publiés par Hassan Hallaq ou Issam Shabaro, tous deux
enseignants à l’Université Arabe de Beyrouth, se caractérisent par un effort d’érudition faiblement
problématisé et s’inscrivent explicitement dans une logique patrimoniale inspirée par ce que l’on pourrait
qualifier de revivalisme sunnite 5. Du côté orthodoxe par contre, les choses sont moins claires. Certes, la
guerre, entraînant le pillage de monastères orthodoxes dans le Liban-Nord comme l’exode plus ou moins
forcé d’une grande partie des orthodoxes de Beyrouth-ouest dans les années 1980, a très certainement
favorisé une prise de conscience identitaire au sein d’une communauté qui a jusque là peu donné prise
aux dynamiques politiques et culturelles à caractère confessionnel. Mais on ne saurait faire de ce facteur
identitaire la seule clé de compréhension du regain d’intérêt de certains auteurs orthodoxes pour l’histoire
de Beyrouth, comme en témoigne à l’extrême l’exemple de Massoud Daher, certes orthodoxe mais bien
davantage marxiste…
      Qu’ils soient sunnites ou orthodoxes, les historiens travaillant sur Beyrouth à cette époque ont
largement contribué au renouvellement de l’historiographie urbaine libanaise en mettant à jour, publiant
et exploitant des sources locales de première importance, auxquelles leur appartenance à la communauté
leur donnait un accès privilégié. S’inspirant de l’exemple de ses collègues de Tripoli et bénéficiant de son
insertion dans le réseau des institutions éducatives et culturelles sunnites de Beyrouth, Hassan Hallaq
publie les registres du tribunal shâri` de Beyrouth. De son côté, May Davie se lance dans le classement et
l’exploitation des archives de l’archevêché orthodoxe de Beyrouth. Elle ouvrira la voie à de semblables
entreprises concernant les archives communautaires maronites ou syriaques catholiques, menées par de
futures historiennes elles aussi étudiantes à l’Université Saint-Joseph.
      Car c’est en effet autour de l’USJ que se structure, à partir des années 1980, l’un des pôles de
réflexion et de recherche sur l’histoire de Beyrouth. Michael Davie puis Raoul Assaf, à la tête du
département d’histoire de la Faculté des Lettres, en font l’axe principal de recherches pour le petit groupe
d’étudiantes alors inscrites dans cette discipline. Cette orientation bénéficie dans l’immédiat après-guerre
d’un contexte favorable : non seulement le projet de reconstruction de Beyrouth, et en particulier du
centre-ville, se retrouve au cœur du débat public, mais en outre le CERMOC va mettre en place un
observatoire urbain dans lequel les chercheurs libanais de diverses disciplines trouvent un cadre propice à
l’approfondissement de leurs travaux. S’y côtoient des anciens élèves libanais de Dominique Chevallier,
la nouvelle génération d’historiennes formées à l’USJ, des experts de Solidere 6 et d’autres chercheurs de
divers horizons dont la rencontre fut longtemps empêchée par la fragmentation à la fois de la ville et du
champ universitaire libanais (Arnaud 1997, p. 13). La décennie 1990, qui donne lieu à une production
écrite pléthorique, confirme donc la tendance amorcée dans la décennie précédente, tout en étant
caractérisée par de nouvelles orientations significatives du contexte d’après-guerre, en particulier une
approche restituant à la ville son unité et une attention accrue portée à la question des relations
intercommunautaires ou à celle des relations entre la ville et ses environs proches ou lointains.

5
  Voir Hallaq 1985, Hallaq 1987 et Shabaro 1987. Ce « revivalisme sunnite » est aussi à rapporter à un sentiment de dépossession de
son fief par la communauté sunnite beyrouthine suite à la prise de la partie ouest de la ville par les milices chiite (Amal) et druze
(PSP) le 6 février 1984.
6
  Société immobilière privée fondée par le premier ministre Rafic Hariri et chargée de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth.
5

     Cette production demeure en grande partie constituée de travaux d’histoire économique et sociale
imprégnés par la tradition historiographique française. Cette caractéristique mérite d’autant plus d’être
soulignée que d’autres orientations historiographiques sont alors en train de prendre forme dans le
segment international de la recherche historique sur les villes ottomanes. En 1999, Beyrouth accueille en
effet une conférence internationale de cinq jours co-organisée par l’Institut allemand de Beyrouth et
l’AUB dont les travaux sont consacrés aux capitales provinciales arabes dans l’Empire ottoman tardif.
Les actes qui en seront tirés sont explicitement placés sous le signe du « cultural turn » (Hanssen 2002, p.
3). On y trouve les contributions de deux historiens libanais issus de la diaspora et évoluant dans le milieu
académique nord-américain, Ussama Makdissi et Leila Fawaz, qui se sont tous deux inspirés des
« subaltern studies » dans leurs travaux respectifs. Mais force est de constater que ces nouvelles
approches historiographiques n’ont pas à ce jour bénéficié de la même postérité dans l’historiographie
libanaise que celles développées dans le giron des Annales françaises, y compris lorsque certains
historiens, à l’instar de Samir Kassir et de son imposante « Histoire de Beyrouth » parue en 2003, se
donnent comme objectif d’associer histoire économique et sociale, histoire des mentalités et histoire des
idées (Kassir 2003, p. 40).
     Afin de rendre compte de quelques grands axes caractéristiques des travaux issus de cette recherche
historique libanaise sur Beyrouth, nous allons dans un premier temps aborder certains éléments relatifs à
l’historiographie de cette « Beyrouth avant Beyrouth » que fut la ville au cours des trois premiers siècles
de règne ottoman. Puis nous nous pencherons sur l’historiographie de la Beyrouth des Tanzimât, sur
laquelle se concentre l’essentiel des travaux dont il est ici question, en mettant en lumière leur principale
caractéristique, à savoir la réévaluation du facteur ottoman dans la métamorphose de Beyrouth au XIXe
siècle.

                     BEYROUTH AVANT BEYROUTH ? (XVIe-XVIIIe SIÈCLES)

     Beyrouth a la particularité, parmi les villes de l’Empire ottoman, d’être la dernière venue dans le
cercle des capitales provinciales. Il lui faudra en effet attendre 1888 pour que son essor spectaculaire soit
consacré par son institution comme capitale d’une wilâya portant son nom, la wilâya de Beyrouth, dont le
territoire court de Lattaquieh au Nord jusqu’à Jaffa au sud, mais ne comprend pas le Mont-Liban, alors
doté d’un statut de gouvernorat autonome. Si cette consécration de Beyrouth est tardive, la montée en
puissance qui l’a motivée l’est tout autant : jusqu’au début du XIXe siècle, Beyrouth n’est qu’une petite
ville d’importance secondaire par rapport à d’autres villes de la côte syrienne telles que Saida, Tripoli ou
encore Acre. Il n’est donc guère surprenant de constater que l’histoire moderne de Beyrouth se réduit le
plus souvent à celle du dernier siècle de domination ottomane, et qu’elle soit donc abordée sous l’angle de
problématiques propres à cette période spécifique dans l’histoire de l’Empire : réforme et modernisation,
question d’Orient, etc.
     L’historiographie d’inspiration libaniste fait pourtant de notables exceptions à cette règle en mettant
en lumière cette Beyrouth d’avant Beyrouth chaque fois que le pouvoir de l’émirat du Mont-Liban réussit
6

à s’y étendre. L’étude du père Jalabert sur « Beyrouth sous les Ottomans », publiée en 1970, est assez
emblématique d’une telle approche : « La présence […] des représentants du gouvernement ottoman
pesait lourd sur leurs administrés, les charges s’achetant à grands frais dans lesquels il fallait rentrer
rapidement, car il y avait peu de chance de rester longtemps en place […] De ce fait, l’on a guère, dit
Lammens, que "la monotone et lamentable histoire de la plupart des pachaliks ottomans jusqu’à la veille
de l’époque moderne : tissu d’exactions, de félonies, de guerres entre pachas ou avec la milice des
janissaires : leur énumération soulèverait le cœur… ". L’histoire de Beyrouth pourtant, encore que
beaucoup trop engagée dans ce processus lamentable, s’en dégage par périodes, grâce à la proximité du
Liban et à l’intervention de ses émirs. Ainsi du temps de Fakhr-ed-Dîn II le Grand. » (Jalabert 1970, p.
67).
       Pourtant, comme le souligne May Davie, sur les trois premiers siècles de règne ottoman, les Maan
n’ont dirigé Beyrouth qu’une trentaine d’années seulement et les Shihab une dizaine, non consécutives
(Davie 1996, p. 50). On comprend mieux, dès lors, pourquoi certains de nos « nouveaux historiens de la
ville » s’attachent à déconstruire cette annexion symbolique de Beyrouth à l’histoire de la Montagne, en
réinscrivant la ville d’avant les Tanzimât dans le cadre général de l’histoire urbaine des provinces arabes
de l’Empire. On trouve assez logiquement cette orientation dans les travaux des historiens sunnites
(Hassan Hallaq, Taha al-Wali), mais aussi dans ceux des historiens libanais passés par l’école Chevallier,
en particulier chez May Davie ou, dans une moindre mesure, chez Samir Kassir 7. Ces auteurs défendent
une vision de la ville qui, loin des représentations orientalistes d’une anarchie urbaine caractéristique de
la ville islamique (Raymond 1994, p. 10), présente une structure urbaine complexe résultant de la
projection de la structure des relations sociales. May Davie souligne en outre l’absence de ségrégation
confessionnelle dans Bayrût al-qadîma, ainsi que l’absence de ségrégation professionnelle entre
confessions 8. Et elle évoque, remettant ainsi en question le concept orientaliste de « non-administration »
de la ville, un « […] Pouvoir ottoman [qui], installé dans le sérail, assurait l'ordre et la sécurité publique
[et qui] négociait la paix sociale avec les représentants locaux, les chefs religieux et les notables civils qui
organisaient la production et le marché » (Davie 1994) 9.
       Pourtant, dans l’ensemble, l’histoire de Beyrouth au cours des trois siècles précédant les Tanzimât
demeure le parent pauvre de la recherche historique sur les villes libanaises à l’époque ottomane, non
seulement parce que Beyrouth était à cette époque une bourgade d’importance secondaire, mais aussi
parce que des sources aussi incontournables que les archives du tribunal de Beyrouth ont été en partie

7
  Ce dernier s’en tient à constater « l’ambiguïté » des rapports de Beyrouth et de la Montagne (Kassir 2003, p. 92-93).
8
  « Par sa manière de vivre et d’agencer ses moyens matériels, Beyrouth avait l’aspect de ce qu’il est convenu d’appeler une ville
arabe : un entassement extrême de maisons en pierre aux terrasses plates, un mode d’habitat particulier et des pratiques économiques
spécifiques, les soûq, consacrés chacun à un métier déterminé qui les occupait de façon permanente et auxquels il donnait son nom.
La ville présentait une structure dense, projection d’une société aux relations sociales très complexes. Elle ne connaissait pas de
concentration totale des fonctions centrales mais était organisée autour de plusieurs pôles, sans hiérarchie stricte, en fonction de la
composition de la société et la nature de ses activités, faisant bénéficier la ville d’un système souple d’organisation, une logique
communautaire aux pouvoirs limités et aux arrangements spontanés. Car l’économique n’était pas seul à l’œuvre, le temps
appartenait aussi à Dieu, à la mosquée et à l’église. La communauté et la famille prédominaient. Beyrouth ne connaissait cependant
pas de regroupement confessionnel. Les archives paroissiales nous disent que les Chrétiens étaient éparpillés un peu partout dans
cette ville musulmane, mais qu’ils prédominaient dans certains secteurs […]. De même, notre documentation montre qu’il n’y avait
pas, à cette période, de ségrégation professionnelle entre les confessions. […] Beyrouth ne connaissait pas, non plus, d’opposition
entre les quartiers d’habitation et les quartiers de production […] » (Davie 1996, p. 21-22).
9
  Voir aussi la description que donne May Davie du système urbain de Bayrût al-qadîma dans Davie 1996, p.23-24.
7

perdues, les registres préservés ne remontant pas au-delà de 1843 (Hallaq 1987, p. 6-8), et celles de
l’archevêché orthodoxe ne remontent pas au-delà de 1803 (Davie 2005, p. 175).

                              BEYROUTH, VILLE OTTOMANE RÉFORMÉE

        La Beyrouth du XIXe siècle reste donc le principal objet d’investigation chez les historiens libanais
dont nous traitons ici. Et il faut reconnaître avec Samir Kassir que « […] tout le lot commun de la
modernité que découvrent à la même époque bien des villes de la Méditerranée […], à la vitesse où il
advient ici, imprime à la grande transformation dix-neuviémiste de Beyrouth l’allure d’une naissance sui
generis » (Kassir 2003, p. 101).
        La première question sur laquelle se penchèrent longuement nos historiens (et qui fut même la
question centrale du travail fondateur de Leila Fawaz 10) fut de savoir pourquoi Beyrouth davantage que
n’importe quelle autre ville du littoral levantin. Nous ne pouvons pas traiter ici des facteurs convergents
qui expliquent le sort privilégié de Beyrouth au XIXe siècle, dans le contexte général de renaissance des
régions côtières du Bilad al-Sham au détriment des villes de l’intérieur syrien. Qu’il nous suffise de dire
qu’au-delà des facteurs de type géographique (en particulier la profondeur de la rade beyrouthine, la seule
apte à recevoir des bateaux à vapeur), tous les historiens s’accordent à reconnaître le rôle fondateur des
Égyptiens, pendant l’occupation du Bilad al-Sham entre 1831 et 1840, dans l’essor de Beyrouth. Mais
s’ils admettent tous que l’État ottoman n’a joué aucun rôle dans l’initiation de cette dynamique (ou alors
seulement par défaut, comme le souligne avec malice Samir Kassir, lorsque Ahmad Bacha al-Jazzar, le
« mal-aimé de la mémoire libanaise » (Kassir 2003, p. 97), décida de transférer à Acre le siège de son
pachalik, entraînant le déclassement de Saida), les « nouveaux historiens de Beyrouth » mettent en avant
le fait qu’en consacrant l’œuvre fondatrice d’Ibrahim Bacha à Beyrouth, les Ottomans réapparaissent
comme des acteurs moteurs du développement de la ville (Kassir 2003, p. 111 ; Davie 1996, p.34).
Comme le souligne encore Samir Kassir, « […] la restauration ottomane prit acte de la centralité qu’avait
acquise le port et, par conséquent, la ville. Immédiatement après la fin de l’intermède égyptien, celle-ci
monta en grade, pour ainsi dire, dans l’organisation administrative ottomane, elle-même en cours de
restructuration dans l’esprit du premier train de réformes, édictées en 1839 » (Kassir 2003, p. 136).
        Si les Ottomans furent reconnus comme acteurs à part entière de l’essor spectaculaire de Beyrouth,
c’est en effet, et en premier lieu, parce qu’ils fournirent le cadre législatif et administratif d’une
participation accrue des acteurs locaux les plus dynamiques à la gestion de la Cité. C’est bien la
combinaison des nouvelles opportunités économiques et commerciales induites par la Révolution
industrielle et de l’effort réformateur ottoman dont bénéficient les élites urbaines, et non ces seules
opportunités économiques, qui permet à la ville de connaître un véritable âge d’or. Le « retour des millet-
s » (Kassir 2003, p. 106) est ainsi lu par nos historiens non à travers le prisme d’une problématique des
origines du confessionnalisme, phénomène affecté d’une valeur extrêmement négative dans le contexte
des guerres libanaises contemporaines, mais à travers celui d’une structure sociale familiale et notabiliaire
10
     Fawaz 1983.
8

performante qui acquiert, grâce aux Tanzimât, les moyens institutionnels d’une participation accrue à la
gestion de la ville (Kassir 2003, p. 157 ; Davie 1996, p. 41-44). Certains de nos historiens associent ainsi
la réforme du système des millât à un processus positif de « démocratisation » et de laïcisation : on trouve
ce type de considérations dans les travaux de May Davie sur la communauté orthodoxe comme dans ceux
de Carla Eddé sur la communauté maronite 11. Loin des discours sur la « dhimmitude », caractéristiques
des idéologies de la Montagne évoquées par Albert Hourani (Hourani 1976), la mise en avant de la milla
comme « formant un des rouages de la longue chaîne administrative ottomane » (Davie 1992, p. 4)
signale la sortie d’une logique interprétative en termes d’extériorité et de conflit au profit d’une logique
en termes d’intégration et d’intérêts mutuels, quitte à nuancer cette règle générale en précisant, à l’instar
de May Davie, que « la ville ne réussit pas à imposer sa volonté, ses intérêts ne se confondant pas
toujours avec ceux du pouvoir central à Istanbul » (Davie 1996, p. 70). Quant aux auteurs davantage
préoccupés par les rapports entre les notables sunnites locaux et l’État central, ils tendent eux aussi à se
départir des catégorisations binaires et conflictuelles opposant Arabes et Turcs pour mettre en avant la
complémentarité entre initiative locale et soutien de l’autorité centrale, à l’instar par exemple de Hassan
Hallaq mettant en exergue l’appui initial du gouvernement ottoman à l’association caritative des
Maqassed et minimisant les causes de la dissolution ultérieure de l’association par le wali de Beyrouth
(Hallaq 1987, p. 26 ; Hallaq 2002, p. 137-138).
      Mais certains auteurs vont plus loin que la seule mise en lumière de l’impact positif du nouveau
cadre législatif et administratif sur la mise en mouvement des énergies locales. C’est l’État central lui-
même qu’ils cherchent à réhabiliter lorsqu’ils réaffirment la « volonté de la puissance publique,
résolument moderniste » (Kassir 2003, p. 159), quitte à passer sous silence les débats et oppositions que
le projet réformateur suscite au sein même de l’administration ottomane. Et ils font de la ville « l’espace
privilégié où se révélaient les multiples facettes d’une révolution par le haut qui ne saurait s’expliquer par
les seules pressions occidentales » (Kassir 2003, p. 160). C’est Samir Kassir, pour qui Beyrouth fut « une
vitrine de la modernité ottomane », qui va le plus loin dans cette direction. Pour lui, Beyrouth est certes
une « Ville-témoin de « l’inévitable Occident » [Chevallier] », mais elle fut aussi et surtout une ville des
Tanzimât. Il évoque non seulement « l’esprit de réforme [qui] y animait gouverneurs, fonctionnaires
locaux et notables, tous convaincus que là était la seule voie de salut […] », mais souligne en outre
qu’« en plus des incidences générales qu’avaient sur son développement les nouvelles lois et l’air du
temps, la cité reçut aussi une attention spéciale des réformateurs d’Istanbul, tout autant peut-être que
Damas, signe qu’à leurs yeux Beyrouth avait rejoint le peloton de tête des villes ottomanes. […] ».
Surtout, Samir Kassir fait de Beyrouth le lieu emblématique de cette tentative ottomane de révolution par
le haut que furent les Tanzimât, et de la politique urbaine, son incarnation : « ce que changeaient les

11
   « La communauté maronite fonctionnerait en ville, comme les autres millat de l’Empire, suivant un système de structuration
sociale familiale et notabilitaire (commun à tous les groupes urbains selon Davie). Les Maronites de Beyrouth (menés par les
notables ?) sont après les années 1840 à la tête d’un mouvement d’opposition diffus mais prolongé contre l’emprise de l’Eglise et
l’autorité absolue de la hiérarchie religieuse représentée par la curie épiscopale urbaine. Ils lutteront pendant des décennies pour
obtenir la participation active et effective des laïcs à la gestion de la communauté et la reconnaissance de leurs droits civiques, ceux
que leur octroie l’Empire ottoman des tanzimats qui prône une participation « démocratique » ou collégiale aux différents pouvoirs
décentralisés. Après avoir eu recours à l’autorité suprême d’Istanbul, leur lutte aboutit en 1910, lorsque la Jamiya al-milliya al-
Marouniya (conseil communautaire, organe supérieur chargé de la direction de la communauté) voit le jour à Beyrouth » (Eddé
1995, p. 130-131). Voir aussi Eddé 1997, p. 45-46.
9

Tanzimât, c’était la vocation même de l’acteur étatique, appelé à répondre aux besoins de sa population et
à en planifier la satisfaction. Aussi la restauration de l’autorité ottomane, qui était l’un des enjeux majeurs
de la réforme, allait-elle dans le sens d’une rationalisation du gouvernement de la Cité. En retour, une
nouvelle source de légitimité pouvait pallier la perturbation éprouvée par l’Empire dans l’ordre du
symbole […] C’est que la politique urbaine fut, plus même que l’effort législatif dont elle tira profit, la
principale expression de l’âge des réformes. Et tout d’abord parce qu’elle traduisait à échelle humaine les
nouveaux rapports entre l’Empire et ses sujets […] Ensuite parce que la modernisation prenait en ville la
forme d’équipements tangibles, source d’amélioration de la qualité de vie mesurable par tout un chacun
[…]. Enfin parce que, à l’ère de la rationalité triomphante, l’art de gouverner ottoman intégrait une
science propre à la ville : l’urbanisme. […] » (Kassir 2003, p. 159-161). Samir Kassir consacre par la
suite de longues pages à l’action urbanistique de la puissance publique, dont il nous est impossible de
rendre compte ici dans le détail. Nous nous contenterons de signaler que s’il souligne le rôle joué en la
matière par les grands pachas réformateurs que furent Fouad Bacha ou Midhat Bacha, il affirme aussi que
« malgré le coup de frein donné par le despotisme hamidien aux avancées de l’État libéral, les
préoccupations urbaines du pouvoir central consacraient l’action municipale, ce qui montre bien au
demeurant, au moins dans le cas de Beyrouth, que le Sultan rouge ne fut pas le fossoyeur des Tanzimât,
mais leur continuateur par d’autres moyens » (Kassir 2003, p. 170). On voit ici à quel point
l’interprétation de Kassir s’est éloignée des représentations typiques des historiographies nationalistes
arabes et libanistes, puisque non seulement al-Jazzar, de manière quelque peu anecdotique, mais aussi et
surtout le sultan Abdül-Hamid se voient réhabilités, sous l’angle des effets de leur politique sur Beyrouth.
      Le prisme de l’action urbanistique autorise de semblables renversements de perspective chez Hassan
Hallaq qui, mu par un même désir de réhabilitation de l’État ottoman, réinterprète la politique ottomane
de concession des grands projets d’infrastructures à des compagnies européennes non plus en termes
d’abandon de souveraineté et de faiblesse face à l’impérialisme occidental, lecture caractéristique des
historiographies nationalistes arabes, mais en termes pour le moins anachroniques de politique de
privatisation et de recours au secteur privé, relevant pour l’historien d’une « vision économique
                                             12
futuriste » (Hallaq 2002, p. 166)              . Il peut être tentant d’y voir la projection d’une grille de lecture
inspirée par les choix économiques ayant présidé à la reconstruction de Beyrouth dans l’après-Taëf, et le
fait que l’ouvrage cité ici ait été publié en 2002 sous les auspices de la fondation Hariri n’est peut-être pas
sans lien avec cette curieuse interprétation…

                                                          CONCLUSION

      Si notre exposé ne le laisse guère apparaître, le débat académique sur l’histoire de Beyrouth n’est
pas allé sans susciter des controverses scientifiques épousant bien souvent les lignes de fracture

12
   May Davie met un bémol à cette lecture en soulignant qu’une telle politique de concession écarta « les possibilités locales, privées
et publiques, au profit d’investisseurs étrangers. D’où des conflits entre le pouvoir local et le pouvoir central à Istanbul sur lequel se
greffe le mouvement politique des Jeunes Ottomans, qui engage de nombreux Beyrouthins, notables, intellectuels et le commun de
la population » (Davie 1996, p. 40).
10

communautaires de la société libanaise, et cela tout particulièrement dans les années 1990 lorsque le
profil prosopographique des historiens de la ville s’est diversifié. Ainsi les questions d’ordre
démographique ou encore celle des rapports de Beyrouth et du Mont-Liban sont-elles tout
particulièrement susceptibles de donner lieu à controverse. Mais de même que le thème de l’âge sombre
ottoman réussissait à faire consensus, par delà leurs profondes divergences, entre les trois grands
nationalismes, libaniste, syrianiste et arabiste, la réhabilitation de l’effort réformiste ottoman et de ses
effets positifs pour Beyrouth et ses habitants est elle aussi une caractéristique partagée des nouvelles
historiographies de la ville, quitte, pour certaines d’entre elles, à forcer le trait, voire à verser dans
l’anachronisme ou dans l’illusion d’optique.
      Au-delà de l’historiographie de Beyrouth elle-même, la quasi-totalité des historiens dont il a été
question ici attribuent explicitement à leurs travaux l’objectif de contribuer au renouvellement de
                                                             13
l’historiographie libanaise dans son ensemble                  , essentiellement en provoquant un déplacement du
regard : vers l’histoire de communautés autres que celle du « couple fondateur druzo-maronite », vers
l’histoire de la ville et du littoral plutôt que vers celle de la Montagne 14. Cet effort a semblé un temps
enclencher le processus de réécriture de l’histoire libanaise tant attendu, bénéficiant de l’attention
publique dont Beyrouth fit l’objet aux lendemains de la guerre de 1975-1990. Mais s’il participa très
certainement à un approfondissement véritable de la connaissance et à l’émergence de lectures historiques
alternatives de l’expérience ottomane, il n’a pas réussi, à ce jour, à s’imposer dans le cadre d’un discours
historique national consensuel. Cet échec s’explique en partie par la segmentation et la polarisation du
champ intellectuel auxquelles correspondent des incompatibilités tant idéologiques qu’épistémologiques
entre les différentes analyses historiques proposées. Mais si le Liban contemporain résulte de l’agrégation
de différents territoires dont l’expérience historique ne peut être subsumée sous celle du Mont-Liban, il ne
peut non plus s’agir de substituer un discours à un autre. Tout le défi consiste plutôt à trouver les voies et
moyens d’une articulation de ces différentes historicités dans un récit qui rende justice à cette pluralité
sans en minimiser ni la complexité ni les contradictions.

                                                      BIBLIOGRAPHIE

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13
   Voir par exemple les propos de Raoul Assaf évoquant le « besoin d’un rééquilibrage de l’historiographie du Liban contemporain,
qui, traditionnellement, escamote le rôle de la ville de Beyrouth, en réagissant seulement aux données historiques issues du Mont-
Liban alors qu’il est évident que le pays vit depuis le XIXe siècle au rythme de la ville qui est devenue sa capitale. » ; pour lui,
l’ensemble des travaux effectués depuis lors sur l’histoire de Beyrouth doivent « aboutir à une refonte complète de l’histoire de
Beyrouth, voire de celle du Liban » (Assaf 1997, p. 21). On retrouve des considérations similaires dans les travaux précurseurs de
Hassan Hallaq (par exemple dans Hallaq 1987, p. 5) et de manière encore plus affirmée chez May Davie (notamment dans Davie
1993, p. 5-8, ou encore dans Davie 1996, p. 13-15).
14
   Signalons à cet égard le récent regain d’intérêt pour l’histoire de la wilâya de Beyrouth, mise en avant par certains auteurs en
contre-point de la Mutasarrifiyya du Mont-Liban.
11

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