Calcul des parts contributives des père et mère au profit de leurs enfants - Analyse bisannuelle de décisions de jurisprudence - Larcier

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DOCTRINE

Calcul des parts contributives des père
et mère au profit de leurs enfants — Analyse
bisannuelle de décisions de jurisprudence
                                                                               Sophie Louis
                                                  Substitut du Procureur du Roi à Liège
                                       Collaboratrice scientifique à l’Université de Liège

      1. Préambule. Cette chronique de jurisprudence amorcée en 2013 (1)
tend à livrer aux praticiens un panorama de la manière dont les différentes
juridictions (essentiellement francophones) appelées à statuer en matière de
parts contributives mettent en œuvre la loi du 19 mars 2010 visant à pro-
mouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père
et mère au profit de leur enfant et en particulier, répondent à l’obligation
spéciale de motivation qui leur est imposée par cette loi.
      Par l’analyse tant théorique que pratique de décisions (2) publiées ou
rendues en 2013 et 2014, cet examen permet de tenir informé le lecteur afin
qu’il puisse toujours être à la pointe de l’actualité en matière de parts contri-
butives et connaître les jurisprudences spécifiques des juridictions ayant
rendu les décisions commentées. Le tableau synthétique annexé permet une
comparaison rapide des montants de parts contributives octroyés par ces
décisions en fonction des circonstances particulières de l’espèce.
      Reprenant la structure de la chronique de 2013, cet article abordera
successivement l’analyse des notions liées à l’obligation parentale d’entre-
tien (Section 1), le mode de calcul des parts contributives (Section 2) et les
modalités dont elles peuvent être assorties (Section 3), pour terminer par les
questions de procédure et d’exécution (Section 4).

     (1)
         Rev. trim. dr. fam., 2013, p. 361.
     (2)
         Cet examen de jurisprudence est fondé sur l’analyse d’une part, des décisions
publiées en la matière et, d’autre part, des décisions qui m’ont été adressées par certaines des
juridictions francophones sollicitées à cet égard, juridictions que je remercie vivement pour
leur précieuse collaboration.

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             Section 1. — Notions. L’obligation parentale d’entretien
                                       A. — Définition
      2. Obligation parentale d’entretien — Étendue. Comme le rappellent
le tribunal de première instance d’Arlon (3) et la justice de paix d’Uccle (4),
l’obligation alimentaire fondée sur l’article 203 du Code civil ne se limite
pas aux besoins élémentaires de la vie. L’obligation d’entretien et d’éduca-
tion des enfants communs fait référence au train de vie des parents et doit
avoir égard à l’évolution des besoins des enfants et des ressources des par-
ties. L’enfant a le droit de recevoir un entretien et une éducation en rapport,
d’une part avec ses besoins et d’autre part avec les facultés économiques de
ses deux parents, considérées globalement.

                                  B. — Naissance et terme

      3. Obligation parentale d’entretien — Naissance — Rétroactivité. Dans
l’affaire soumise à la Cour de cassation dans son arrêt du 30 septembre
2013 (5), la cour d’appel de Liège avait rejeté partiellement la demande de
rétroactivité formulée par la partie demanderesse agissant contre l’homme
ayant eu des relations avec elle pendant la période légale de conception
(art. 336 C. civ.) pour les motifs suivants : « Il faut admettre qu’une demande
de rétroactivité, si elle est recevable pour ce qui est postérieur à la prescription
de 5 ans (…) ne doit être accordée qu’avec circonspection, la demande ne pou-
vant être transformée en une dette de capital par la négligence du crédirentier
(…). Le défendeur ne pouvait toutefois ignorer que L. était son fils et qu’il
devait participer à son entretien. Il déclare l’avoir fait en partie spontanément
lorsque les parties vivaient ensemble et encore ultérieurement lorsqu’il avait
l’occasion de voir l’enfant. (…). La demanderesse n’a jamais rien réclamé et
n’a pas non plus demandé si le défendeur acceptait de reconnaître l’enfant.
Elle a purement et simplement, sans avis préalable, introduit la procédure en
recherche de paternité. On peut constater que les deux parties ont été relati-
vement négligentes et il sera pris une date moyenne quant à la rétroactivité
pour ne pas mettre le débiteur d’aliments dans une situation trop difficile alors
que le créancier d’aliments a lui aussi été négligent et a pu laisser croire qu’il
assumait bien et seul l’entretien de l’enfant ».
      La Cour de cassation, après avoir rappelé que l’obligation parentale
d’entretien portée par l’article 203 du Code civil existe indépendamment de

       (3)
          Trib. jeun. Arlon, 22 novembre 2013, R.R. 172/13, inédit.
       (4)
          J.P. Uccle, 23 juillet 2012, Act. dr. fam., 2013, p. 123.
      (5)
          Cass., 30 septembre 2013, Pas., 2013, liv. 9, p. 1827, R.A.B.G., 2014, liv. 4, p. 228,
Rev. trim. dr. fam., 2014, liv. 2, p. 430 (somm.).

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doctrine                                                                                    157

toute demande en justice aux fins d’en obtenir l’exécution et qu’en vertu de
l’article 2277 du Code civil, les arrérages de pensions alimentaires se pres-
crivent par 5 ans afin de protéger le débiteur à terme contre la croissance
permanente de sa dette et inciter le créancier à la diligence, ajoute qu’il
n’existe pas de principe général du droit selon lequel un droit subjectif se
trouve éteint ou en tout cas ne peut plus être invoqué lorsque son titulaire
a adopté un comportement objectivement inconciliable avec ce droit, trom-
pant ainsi la confiance légitime du débiteur et des tiers (6) et que le seul fait de
ne pas exercer un droit durant un certain temps n’est pas, en soi, constitutif
d’un abus de droit. Elle estime encore que des considérations sus-rappelées,
l’arrêt n’a pu déduire que la demanderesse a commis une négligence fautive
la privant du droit de demander la condamnation du défendeur à lui payer
une contribution alimentaire pour la période non couverte par la prescrip-
tion. Partant, elle casse l’arrêt attaqué en tant qu’il déboute la demande-
resse de sa demande d’aliments pour l’enfant commun pour la période non
couverte par la prescription.
      Ce faisant, la Cour de cassation exclut la plupart des motifs générale-
ment invoqués par les juridictions pour rejeter une demande de rétroactivité
pour une période non couverte par la prescription (7).
      Dans sa décision du 6 novembre 2013 (8), la cour d’appel de Mons fait
une correcte application de cette jurisprudence en accueillant la demande
de rétroactivité formulée par la mère dès lors que les montants qu’elle pos-
tule ne sont pas prescrits. De même, dans son arrêt du 26 juin 2013 (9), cette
cour fait droit à la demande de rétroactivité formulée par la demanderesse
dès lors qu’un délai de 1 an et 3 mois entre la séparation et la demande
n’est pas un délai anormalement long et laissant supposer que le montant
de 150 EUR par mois versé par le défendeur était suffisant et correspondait
aux facultés contributives des parties.
      Dans la même mouvance, dans son arrêt du 5 novembre 2013, la cour
d’appel de Liège (10), après avoir considéré, de manière désormais critiquable,
que « La demande de rétroactivité ne peut être reçue qu’avec circonspection,
la dette alimentaire ne pouvant être transformée, par la négligence du cré-
direntier et l’accumulation d’arrérages, en dette de capital », fait néanmoins
droit à la demande de rétroactivité formulée par la mère aux motifs que le

     (6)
           Théorie dite de la « rechtsverwerking » ou du « dépérissement d’un droit ».
     (7)
           Voy. notamment à cet égard, les décisions citées dans la précédente chronique : Rev.
trim. dr. fam., 2013, pp. 365 et s.
      (8)
           Mons, 6 novembre 2013, R.G. 2012/JE/233, inédit. Dans le même sens : Mons,
22 mai 2013, R.G. 2012/JE/124, inédit.
      (9)
           Mons, 26 juin 2013, R.G. 2012/JE/180, inédit.
      (10)
           Liège, 5 novembre 2013, Act. dr. fam., 2014, liv. 7, p. 199, note A. Boudart.

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père a pris la responsabilité de cesser tout paiement sous prétexte que la
mère ne disposait plus de titre alors qu’il lui était loisible de faire refixer
le dossier pour en débattre en l’état et que lui-même ne produit pas toutes
les pièces sollicitées par la mère et dans sa décision du 23 juillet 2012 (11), la
justice de paix d’Uccle va dans le même sens en considérant que le débiteur
d’aliments qui s’est abstenu du versement de la contribution alimentaire,
alors que l’obligation d’entretien des parents au profit de l’enfant commun
est d’ordre public et existe indépendamment de toute demande en justice, a
provoqué la capitalisation de la dette et donc son propre dommage.
      Au vu de la récente jurisprudence de la Cour de cassation, il sera donc
beaucoup plus compliqué d’obtenir le débouté d’une demande rétroactive
pour une période non couverte par la prescription dès lors qu’il faudra
dorénavant prouver l’existence dans le chef du demandeur d’une négligence
fautive ou d’un abus de droit qui ne peuvent se déduire de sa seule inaction.
      Ainsi, le motif selon lequel il convient d’éviter que des dettes qui
doivent normalement, par leur nature, s’acquitter périodiquement à l’aide
de revenus, ne se transforment, par l’accumulation d’arrérages, en dettes
de capital, invoqué par la cour d’appel de Liège dans son arrêt du 18 juin
2013 (12), ne paraît plus pertinent. L’est par contre la considération selon
laquelle la demanderesse ne démontre pas son incapacité à subvenir aux
besoins de l’enfant commun durant la période visée avec le montant versé
à l’époque par le père. En effet, pour qu’il soit fait droit à une demande
rétroactive de part contributive, encore faut-il que la partie demanderesse
démontre que les conditions d’attribution d’une part contributive étaient
remplies durant la période visée.
      De même, l’on peut douter que la motivation adoptée par la cour
d’appel de Mons dans son arrêt du 20 novembre 2013 (13) selon laquelle il
y a lieu de rejeter la demande de rétroactivité formulée par la mère au-
delà de la date d’introduction de sa requête au motif qu’il faut déduire de
l’absence de demande antérieure à cette requête que la mère s’est satisfaite
du montant versé par le père et a adapté le budget des dépenses consacrées
à l’enfant à cette somme, trouve grâce aux yeux de la Cour de cassation.
      Est également critiquable l’arrêt de la cour d’appel de Liège du
20 décembre 2013 (14), qui dans une espèce où la mère avait introduit une
action en recherche de paternité quelques mois après la naissance de l’enfant
mais n’avait sollicité le paiement d’une part contributive en sa faveur qu’un

       (11)
           J.P. Uccle, 23 juillet 2012, Act. dr. fam., 2013, p. 123.
       (12)
           Liège, 18 juin 2013, R.G. 2012/JE/159, inédit. Dans le même sens : Liège, 25 juin
2013, R.G. 2013/JE/7, inédit.
      (13)
           Mons, 20 novembre 2013, R.G. 2013/JE/53, inédit.
      (14)
           Liège, 20 décembre 2013, R.G. 2012/JE/236, inédit.

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doctrine                                                                                     159

an et demi après l’introduction de son action (soit lorsqu’elle a obtenu le
résultat de l’expertise concluant avec une quasi-certitude à la paternité du
défendeur), décide, sans autre motivation, que le juste point de départ de
l’obligation alimentaire du père dans les frais d’entretien et d’éducation de
l’enfant est la date de la demande de part contributive déboutant ainsi, sans
motif valable selon nous, la mère de sa demande de rétroactivité à la date
de naissance de l’enfant.
      Il en va de même de la décision rendue le 6 mars 2014 par la justice de
paix de Fléron (15) qui déboute la demanderesse de sa demande de condam-
nation rétroactive du débirentier au paiement de divers frais exceptionnels
aux motifs qu’il faut éviter que des dettes qui doivent normalement être
apurées par des versements échelonnés se transforment en dettes de capital
par la simple inaction de la partie qui y a droit ; qu’en l’espèce le débirentier
a participé aux frais exceptionnels pendant des années mais a cessé cette
participation à défaut de recevoir les justificatifs demandés à cet égard de
sorte qu’il appartenait à la crédirentière (confrontée à un arrêt subit des
paiements) d’agir rapidement pour éviter une accumulation des montants
dus par le débirentier et que l’absence de motif à son inaction permet de
considérer que la demanderesse a été en mesure d’assumer le paiement de
ces frais.
      Dans l’espèce objet de la décision du 15 février 2013 de la justice de
paix de Bastogne (16), la demanderesse sollicitait condamnation au paiement
d’une part contributive, avec effet rétroactif au 1er juin 2007 (5 ans avant
l’introduction de sa demande) à l’encontre de l’homme qui avait été reconnu
père de son enfant né en 1995, ce par un jugement prononcé en octobre
2011. Le juge rejette cette demande de rétroactivité d’une part, en mettant
en exergue notamment le fait que la demanderesse n’a pas informé le défen-
deur de sa paternité et ne l’a jamais associé à l’éducation de l’enfant et que
la relation père-fils est inexistante et d’autre part, en s’appuyant sur l’ar-
ticle 371 du Code civil qui énonce que « l’enfant et ses père et mère se doivent
à tout âge mutuellement respect ». À notre sens, si le rejet de la demande de
rétroactivité peut paraître opportun en l’espèce, les motifs invoqués pour
ce faire nous paraissent inadéquatement développés. En effet, concernant
l’absence de relation père-fils, apparemment à tout le moins en partie due
au comportement de la demanderesse, il eut fallu selon nous, en déduire
soit un comportement fautif de la mère, soit un abus de droit dans son chef
et motiver cette déduction par les circonstances particulières de l’espèce
pour pouvoir rejeter sa demande. Concernant la référence à l’article 371

     (15)
            J.P. Fléron, 6 mars 2014, R.G. 13A781, inédit.
     (16)
            J.P. Bastogne, 15 février 2013, R.G. 12A201, inédit.

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du Code civil, il convient de rappeler que dans un arrêt du 3 juin 2010, la
Cour de cassation (17) a dit pour droit que l’absence de respect d’un enfant
vis-à-vis de ses parents ne constitue pas un motif légal d’exclusion du droit
de l’enfant à des aliments, droit qui est d’ordre public.
      Notons encore un arrêt du 13 janvier 2014 (18) de la cour d’appel de
Mons qui confirme, après cassation, un arrêt rendu par la cour d’appel de
Liège qui se fondait sur l’enrichissement sans cause pour condamner un
père, à payer à des grands-parents qui avaient hébergé leur petite-fille seuls
après le décès de sa mère un montant équivalent au montant qui aurait dû
être payé par celui-ci au titre de part contributive pour la période allant du
1er septembre 2000 au 1er novembre 2009, soit une période pour laquelle les
arrérages de pension alimentaire étaient en grande partie prescrits.
      4. Obligation parentale d’entretien — Terme. L’obligation parentale
d’entretien ne cesse pas à la majorité de l’enfant mais se poursuit jusqu’à ce
que sa formation soit achevée, pour autant toutefois que cette formation
suive un cours normal et soit de nature à conduire raisonnablement l’enfant
vers son autonomie économique ce qui s’apprécie in concreto (19). Selon la
cour d’appel de Liège (20), la notion de formation adéquate s’apprécie en
fonction de critères aussi délicats que la situation de fortune des parents,
l’orientation professionnelle de l’enfant, le milieu social des parties, les res-
sources propres de l’enfant, ses aptitudes intellectuelles et ses efforts, les
diplômes déjà acquis ou souhaités ou encore les ambitions des parents pour
leurs enfants.
      Les études doivent en outre suivre un cheminement normal dont
l’interruption éventuelle ou la prolongation ne peut être le seul fait de la
carence ou de la négligence de l’enfant. Aussi, la cour d’appel de Liège
décide dans un arrêt du 8 janvier 2013 (21), que compte tenu du manque

      (17)
           Cass. (1re ch.), 3 juin 2010, J. dr. jeun., 2011, p. 39 (somm.), NjW, 2011, p. 460,
note C. Declerck, Pas., 2010, p. 1718, R.A.B.G., 2011, p. 333, note E. Demaeyer et
C. Vergauwen, R.W., 2010-11, p. 1648, note F. Swennen, T. Fam., 2011, p. 101, note
F. Denissen, T.J.K., 2010, p. 297, note E. Callebaut, T.J.K., 2011, p. 67 (somm.) ; T.J.K.,
2011, p. 255 (somm.). Pour un commentaire : E. De Maeyer et C. Vergauwen, « Hof van
Cassatie gooit de exceptie van onwaardigheid in het onderhoudsrecht overboord », R.A.B.G.,
2011, p. 340 ; F. Denissen, « Alimentatie tussen ouders en kinderen. Bijt niet in de hand die je
voedt ! », T. Fam., 2011, p. 103.
      (18)
           Mons, 13 janvier 2014, R.G. 2013/RG/205, inédit.
      (19)
           J.P. Zomergem, 20 avril 2012, J. dr. jeun., 2013, p. 45 (somm.), Rev. trim. dr. fam.,
2013, p. 834 (somm.), R.W., 2012-2013, p. 1038. Dans le même sens : Liège, 8 janvier 2013,
R.G. 2012/JE/106, inédit.
      (20)
           Liège, 5 septembre 2013, J.L.M.B., 2014, p. 271.
      (21)
           Liège, 26 février 2013, R.G. 2011/JE/156, inédit.

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doctrine                                                                                    161

d’assiduité de l’enfant commun, l’obligation d’entretien de ses parents a
cessé à sa majorité.
      Un droit à l’erreur est toutefois généralement et largement admis (22).
      Dans sa décision du 22 janvier 2013, la justice de paix du premier can-
ton de Mons (23) rejette ainsi la demande d’un père de supprimer la contri-
bution alimentaire au profit de son fils majeur qui poursuit ses études après
de multiples redoublements et changements d’orientation, au motif que ce
dernier a dû se construire en dehors d’une structure familiale classique et a
finalement trouvé sa voie. Cette décision précise également qu’en l’absence
de relation entre l’enfant majeur et son père, il ne peut être reproché à la
mère de ne pas avoir tenu le père informé de l’évolution du parcours sco-
laire de leur fils majeur. La justice de paix d’Uccle (24) estime quant à elle
que l’obligation alimentaire est due au profit de l’enfant majeur malgré
un parcours scolaire chaotique et une suspension des études, dès lors que
l’obtention du BAC (français) à l’âge de 19 ans est un résultat tout à fait
honorable et que l’enfant a fait choix d’une nouvelle orientation d’études
supérieures.
      Dans une décision du 20 avril 2012, la justice de paix de Zomergem (25)
considère tout d’abord et de manière générale qu’il est bien connu que
l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur augmente les chances
de succès sur le marché du travail et qu’il peut être attendu de parents qu’ils
encouragent leurs enfants à poursuivre un enseignement adapté à leur
talent, surtout s’ils disposent des capacités et de la motivation nécessaires.
Elle considère ensuite qu’un enfant qui souffre de limitations fonctionnelles
(en l’espèce : troubles de l’attention, dyslexie et autisme léger) doit se voir
accorder davantage de temps pour acquérir son diplôme et que cet enfant
ne commet pas un abus de droit en revendiquant une contribution à son
entretien lorsqu’il reprend des études après avoir suspendu celles-ci durant
plus d’une année durant laquelle il a perçu des revenus du travail et ce d’au-
tant plus que rien ne permet de considérer que cet enfant serait paresseux et
utiliserait ses études pour se livrer à l’oisiveté.
      Quant à l’appréciation du moment auquel la formation de l’enfant
doit être considérée comme achevée, la cour d’appel de Liège a entériné,
dans un arrêt du 5 septembre 2013 (26), la jurisprudence amorcée par le

     (22)
           Voy. not. : J.P. Waremme, 20 décembre 2012, R.G. 12A678, inédit.
     (23)
           J.P. Mons (1), 22 janvier 2013, Act. dr. fam., 2013, p. 122.
      (24)
           J.P. Uccle, 23 juillet 2012, Act. dr. fam., 2013, p. 123.
      (25)
           J.P. Zomergem, 20 avril 2012, J. dr. jeun., 2013, p. 45 (somm.), Rev. trim. dr. fam.,
2013, p. 834 (somm.), R.W., 2012-2013, p. 1038.
      (26)
           Liège, 5 septembre 2013, J.L.M.B., 2014, p. 271.

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tribunal de première instance de Liège (27) selon laquelle il y a maintien de
l’obligation alimentaire lorsque l’enfant entend poursuivre une formation
complémentaire après l’obtention d’un premier diplôme si cette poursuite
de la formation est la conséquence d’une évolution normale, ce qui est le cas
durant la période durant laquelle le licencié en droit poursuit une formation
de « stagiaire avocat ». Cette cour d’appel confirme que la période durant
laquelle le licencié en droit poursuit une formation de « stagiaire avocat »
est une période où il est toujours en formation dès lors que, notamment,
les avocats stagiaires sont tenus, dans le cadre de l’organisation du stage à
suivre des cours et des formations qui doivent être couronnés par la réus-
site d’un examen, que ces cours et formations, comme le stage dans son
intégralité, peuvent, en outre, être utilement valorisés dans la recherche et
l’obtention d’un emploi, en dehors de la poursuite de la carrière d’avocat
et qu’il est utopique de considérer qu’un avocat stagiaire puisse être auto-
nome financièrement sans l’aide de ses parents ou d’un conjoint.
      Par contre, cette même cour considère, dans un arrêt du 26 février
2013 (28), que la circonstance que les enfants communs se trouvent toujours
en période de stage d’attente pour la perception d’allocations de chômage
ne suffit pas à justifier le maintien de l’obligation alimentaire du père à leur
égard, la mère ne démontrant par aucune pièce de son dossier qu’ils entre-
prennent des démarches actives pour trouver un emploi et accéder à leur
indépendance financière.
      Dans l’espèce soumise à la justice de paix de Fléron dans sa décision
du 6 mars 2014 (29), le parcours scolaire des trois enfants du couple était pour
le moins chaotique. Ainsi, l’un des enfants était âgé de presque 26 ans, avait
obtenu un baccalauréat en psychologie en 2009 et se trouvait en deuxième
année de baccalauréat en stylisme et un autre était âgé de 24 ans et doublait
sa seconde année de baccalauréat en photographie accusant donc 4 ans de
retard par rapport au cours normal des études entreprises. Aussi, cette jus-
tice de paix fait droit, à juste titre selon nous, à la demande du débirentier
de voir supprimée la part contributive payée en faveur du premier enfant
et ce pour les motifs suivants : s’il est admis que l’enfant peut prétendre
à un autre cycle de formation ou d’études après l’obtention d’un premier
diplôme ou certificat de formation, c’est en fonction de ses aptitudes et du
niveau de vie de ses parents ; dès lors que l’enfant a terminé un premier bac-
calauréat en 2009 et qu’en 2013 il n’est toujours qu’en 2e année d’un autre
baccalauréat, on ne peut que constater qu’il n’accomplit pas avec assiduité
et succès le deuxième cycle entamé ; on peut raisonnablement se demander

       (27)
              Civ. Liège (saisie), 3 octobre 2012, J.L.M.B., 2012, p. 1734.
       (28)
              Liège, 26 février 2013, R.G. 2011/JE/156, inédit.
       (29)
              J.P. Fléron, 6 mars 2014, R.G. 13A781, inédit.

Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
doctrine                                                                                     163

ce que peut lui apporter en termes d’autonomie économique (c’est-à-dire
d’aptitude à trouver un travail rémunérateur) un baccalauréat en stylisme ;
il n’est pas démontré que le baccalauréat obtenu en 2009 n’a pas permis à
l’enfant d’entrer sur le marché du travail ; le baccalauréat de stylisme n’est
pas une formation dans la continuité du premier baccalauréat obtenu et
son caractère « qualifiant » n’est pas évident ; enfin, le niveau de vie cumulé
des parents ne permet pas de considérer que les revenus de ses parents sont
suffisamment élevés que pour justifier qu’il poursuive un deuxième cycle
d’études alors qu’il est en âge de travailler. Concernant le second enfant,
la justice de paix stigmatise le fait qu’un retard de 4 ans est parfaitement
excessif, d’autant que la situation financière des parents ne le permet pas
mais, soulignant que cet enfant souffre d’une maladie handicapante qui
peut expliquer, en partie, son retard dans ses études, maintient le paiement
d’une part contributive en sa faveur jusqu’à la fin de l’année scolaire enta-
mée, moment auquel l’affaire est remise pour être réexaminée.
      Soulignons enfin une décision du juge des saisies de Gand (30), qui rap-
pelle qu’il n’appartient pas au juge des saisies mais bien au juge du fond,
de décider de supprimer, suspendre ou adapter le versement d’une part
contributive, pas plus qu’il ne lui appartient de juger que les conditions
de l’obligation de paiement ne sont plus réunies. Tout au plus, le juge des
saisies pourrait-il, à titre exceptionnel, suspendre la procédure d’exécution
pendante dans l’attente d’une telle décision au fond.

                       C. — Contribution : notion de « facultés »
       5. Facultés — Définition. Le deuxième paragraphe du nouvel
article 203 du Code civil précise ce qu’il faut entendre par « facultés ». Il
s’agit notamment de « tous les revenus professionnels, mobiliers et immo-
biliers des père et mère, ainsi que tous les avantages et autres moyens qui
assurent leur niveau de vie et celui des enfants ».
       Ainsi, dans une décision du 15 mai 2012, le tribunal de première ins-
tance de Bruxelles (31) tient compte, au titre des facultés des père et mère, des
remboursements d’impôt par eux perçus.
       Est par contre critiquable, au regard de cette définition qui vise tous les
revenus des père et mère, l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 3 septembre
2013 (32) qui décide, d’une part, de plafonner à 3.500 EUR les revenus dont
il est tenu compte dans l’application de la méthode Renard au motif qu’à
partir d’un certain niveau de revenus, une part des ressources disponibles

     (30)
            Civ. Gand (saisie), 2 octobre 2012, R.W., 2014-15, p. 308.
     (31)
            Civ. Bruxelles, 15 mai 2012, R.A.B.G., 2013, p. 260.
     (32)
            Liège, 3 septembre 2013, R.G. 2012/JE/281, inédit.

                                                     Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
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n’est pas affectée aux besoins des enfants mais aux investissements ou à
l’épargne (33) et d’autre part, de faire abstraction des revenus des capitaux
des parties dont elles ne justifient pas le montant dès lors que l’ampleur
de leurs autres revenus et des allocations familiales des enfants suffisent à
couvrir les besoins des enfants.
      Soulignons également dans ce cadre, l’arrêt du 12 septembre 2013
rendu par la cour d’appel de Mons (34) qui décide de ne calculer le bud-
get des enfants « que, conformément aux enseignements de Roland Renard
(voy., notamment http://pca.larcier.com), sur les quatre mille premiers
euros de la faculté contributive, majoré de 20 % des montants excédant ces
4.000 euros, soit, en l’espèce 4.200 euros ». En effet, rappelons comme le fait
A. Boudart (35), que la dernière version de la méthode Renard opère un « lis-
sage » des revenus des parents supérieurs à 4.000 EUR par mois afin d’évi-
ter que l’augmentation du budget des enfants strictement proportionnelle
aux revenus des parents n’aboutisse à des budgets relativement importants
pour les enfants dont l’un ou les deux parents dispose de revenus supérieurs
à un certain seuil. À notre sens, se pose la question de la compatibilité de ce
« lissage » avec l’article 203 du Code civil qui impose de calculer le montant
de la part contributive en tenant compte de tous les revenus des parents.
N’eut-il pas été davantage conforme à l’article 203 du Code civil, de « lis-
ser » le budget de l’enfant calculé sur base de l’ensemble des revenus des
parents, lorsqu’il apparaît que ce budget est supérieur à ce qui est nécessaire
pour couvrir, en tenant compte du niveau de vie de ses parents, son héber-
gement, son entretien, ses soins de santé, sa surveillance, son éducation, sa
formation et son épanouissement ?
      Au titre d’avantages, ont été pris en considération durant la période
étudiée : les chèques-repas (36), la mise à disposition d’un véhicule (37), d’un
GSM de fonction (38) ou d’une carte essence (39), l’absence de loyer ou de prêt
hypothécaire à payer (40).

       (33)
           Dans le même sens : Liège, 8 octobre 2013, R.G. 2013/JE/21, inédit.
       (34)
           Mons, 12 septembre 2013, R.G. 2012/JE/210, inédit.
      (35)
           Voy. à ce propos, not. A. Boudart, « La méthode Renard dans la jurisprudence
récente », Act. dr. fam., 2014, liv. 7, p. 204.
      (36)
           Mons, 3 avril 2013, R.G. 2011/JE/135, inédit ; Mons, 6 février 2013, R.G. 2012/
JE/60, inédit ; J.P. Bastogne, 15 novembre 2013, R.G. 12A128, inédit ; J.P. Waremme, 11 juil-
let 2013, R.G. 11A823, inédit.
      (37)
           Liège, 5 novembre 2013, Act. dr. fam., 2014, liv. 7, p. 199, note A. Boudart ; Mons,
6 février 2013, R.G. 2012/JE/60, inédit ; Civ. Liège, 6 février 2014, R.G. 13A3617, inédit.
      (38)
           Liège, 5 novembre 2013, Act. dr. fam., 2014, liv. 7, p. 199, note A. Boudart ; Mons,
6 février 2013, R.G. 2012/JE/60, inédit.
      (39)
           Mons, 6 février 2013, R.G. 2012/JE/60, inédit.
      (40)
           Mons, 15 mai 2013, R.G. 2012/JE/110, inédit.

Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
doctrine                                                                                      165

      6. Facultés — Avantages — Évaluation. L’on regrettera qu’en contra-
diction avec la jurisprudence de la Cour de cassation (41) selon laquelle le juge
a l’obligation d’indiquer dans sa décision fixant la contribution alimentaire
la nature et le montant des avantages en nature qu’il prend en compte et
qui ont pour effet de diminuer le montant des charges des père et mère, la
majorité des décisions (42) qui tiennent compte d’avantages ne chiffre pas
ceux-ci de manière précise.
      Seules quelques juridictions se sont prêtées à l’exercice, qui, il faut le
reconnaître, n’est pas toujours aisé.
      Ainsi, dans sa décision du 6 février 2014, le tribunal de première ins-
tance de Liège (43) évalue à 600 EUR l’avantage que représente la mise à dis-
position d’un véhicule Mercédès tous frais payés. La cour d’appel de Mons,
dans un arrêt du 15 mai 2013 (44), évalue quant à elle à 500 EUR l’avantage
tiré de la mise à disposition d’un véhicule de société et à 400 EUR l’avantage
tiré du fait d’avoir reçu l’immeuble occupé à titre de logement d’un héritage
et donc l’absence de loyer ou de prêt hypothécaire à payer. Dans un arrêt
du 15 avril 2013 (45), la même cour évalue à 600 EUR l’avantage tiré par la
crédirentière du fait qu’elle occupe un immeuble entièrement payé et dont
une partie, aménagée en appartement, n’est pas donnée en location sans
qu’elle n’en donne de raison valable et dans un arrêt du 13 janvier 2014 (46),
elle évalue à 1.000 EUR par mois l’avantage tiré de la mise à disposition
gratuitement d’un logement, un véhicule et des moyens de communications
(GSM, téléphone, informatique) et à 700 EUR (montant du loyer) l’avan-
tage tiré de l’occupation gratuite de l’ancienne résidence conjugale.
      Moins précise est la méthode utilisée par la justice de paix du second
canton de Verviers dans une décision du 14 février 2014 (47) qui constate que
la crédirentière perçoit un salaire mensuel de 2.379,81 EUR mais estime ses
facultés contributives à 2.500 EUR en fonction des avantages sociaux dont
elle bénéfice, sans toutefois identifier lesdits avantages sociaux et les chiffrer
séparément.

      (41)
           Cass., 8 octobre 2012, Pas., 2012, liv. 10, p. 1862, R.A.B.G., 2013, liv. 5, p. 258, Rev.
trim. dr. fam., 2013, liv. 3, p. 813 (somm.), R.W., 2013-14, liv. 25, p. 984 (somm.), T. Fam.,
2013, liv. 3-4, p. 93, note T. Vercruysse.
      (42)
           Voy. not. : Mons, 6 février 2013, R.G. 2012/JE/60, inédit ; J.P. Waremme, 11 juillet
2013, R.G. 11A823, inédit.
      (43)
           Civ. Liège, 6 février 2014, R.G. 13A3617, inédit.
      (44)
           Mons, 15 mai 2013, R.G. 2012/JE/110, inédit.
      (45)
           Mons, 15 avril 2013, R.G. 2012/JE/193, inédit.
      (46)
           Mons, 13 janvier 2014, R.G. 2013/RF/80, inédit.
      (47)
           J.P. Verviers (2), 14 février 2014, R.G. 13A1285, inédit.

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      7. Facultés — Revenus occultes ou virtuels. Dans une affaire soumise
à la cour d’appel de Liège, la créancière d’aliments invoquait en vue d’une
augmentation de la part contributive, le fait que la société qui lui procu-
rait des revenus professionnels à titre de tantièmes et de rémunération de
gérant et lui versait un loyer en 2009 était devenue déficitaire en 2010 et une
« société dormante » depuis le 1er janvier 2012, de sorte qu’elle n’en aurait
plus tiré aucune rémunération depuis 2010 et n’aurait plus reçu de loyer
depuis janvier 2012. Elle précisait également que depuis avril 2011, elle
n’était plus gérante de cette société et continuait son activité en « personne
physique », sous le statut d’indépendant. Le débiteur d’aliments soulignait
quant à lui le manque de cohérence et de crédibilité de ces explications,
estimant qu’aucune raison objective, si ce n’est une moins grande transpa-
rence des comptes, ne justifiait le passage sous statut d’indépendant per-
sonne physique et mettait en avant le fait que la diminution de l’activité de
la société était contredite par les comptes, que la suspension du paiement
du loyer était une aberration fiscale et qu’aucune décision de l’assemblée
générale n’était produite qui confirmerait le changement de gérant ou envi-
sagerait la liquidation de la société.
      Dans ces conditions, la cour d’appel de Liège considère, dans son arrêt
du 7 janvier 2013 (48), que toutes ces opérations sont constitutives d’une
simulation et qu’il n’y a dès lors pas lieu d’y avoir égard. En conséquence,
elle retient dans le chef de la créancière d’aliments, une capacité à se procu-
rer des revenus tels qu’ils apparaissaient avant ces opérations.
      Dans une autre espèce soumise à la cour d’appel de Liège dans son
arrêt du 15 octobre 2013 (49), le père sollicitait d’être déchargé du paiement de
toute part contributive en faveur des enfants communs au motif notamment
qu’il était incarcéré. La cour décide toutefois, à juste titre selon nous, que,
dès lors que c’est par son seul fait qu’il se trouve incarcéré, il convient que le
père soit condamné à participer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants
compte tenu des revenus qui seraient les siens s’il était en liberté. Dans le
même sens, la même cour décide dans un arrêt du 3 décembre 2013 (50) qu’il
appartient à la mère de supporter seule les conséquences financières de son
choix et de celui de son nouveau compagnon de mettre anticipativement fin
à leur carrière professionnelle (prépension) et à leurs activités complémen-
taires d’indépendant malgré leur jeune âge et de revendre leur patrimoine
immobilier pour s’installer à l’étranger, en reprenant au besoin l’exercice
d’une activité professionnelle salariée ou indépendante pour satisfaire à son
obligation d’entretien. En conséquence, elle majore le montant perçu par

       (48)
              Liège, 7 janvier 2013, Act. dr. fam., 2013, p. 106.
       (49)
              Liège, 15 octobre 2013, R.G. 2012/JE/224, inédit.
       (50)
              Liège, 3 décembre 2013, R.G. 2012/JE/228, inédit.

Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
doctrine                                                                                      167

la mère à titre de pension d’un montant équivalent à celui qu’elle percevait
dans le cadre de son activité complémentaire indépendante. De même, la
cour d’appel de Mons décide dans son arrêt du 6 novembre 2013 (51) que,
dès lors que la situation financière actuelle de la crédirentière découle de
son choix personnel d’abandonner sa fonction d’enseignante, il y a lieu
de maintenir sa faculté contributive à un montant équivalent à celui qu’il
aurait été si elle n’avait pas abandonné cette fonction. Dans un arrêt du
11 mars 2013 (52), la même cour refuse de tenir compte de la diminution des
revenus du père suite à son licenciement dès lors que c’est par sa faute (sus-
pension de permis suite à un contrôle d’alcoolémie alors qu’il est chauffeur
routier et manquements contractuels) qu’il a perdu son emploi et non par
suite de circonstances fortuites et indépendantes de sa volonté et dans un
arrêt du 27 mars 2013 (53), elle tient compte du montant qui serait perçu par
le débirentier s’il travaillait à temps plein dès lors qu’il ne donne aucune jus-
tification sérieuse de la réduction de son temps de travail et admet s’investir
de manière importante, selon lui bénévolement, au sein d’une A.S.B.L.
sportive. Un tel choix personnel ne peut en effet selon elle justifier que sa
faculté contributive soit évaluée à la baisse.
      Dans un arrêt du 3 décembre 2013, la cour d’appel de Liège (54) évalue
les revenus du crédirentier, qui déclarait percevoir 1.000 EUR d’allocations
de chômage, à 1.200 EUR au motif qu’il n’établit pas rechercher active-
ment un emploi, dont la rémunération supérieure à ses allocations de chô-
mage lui permettrait d’accroître ses facultés. De même, dans un arrêt du
26 juin 2013 (55), la cour d’appel de Mons estime à 1.200 EUR les capacités
contributives d’un homme (sans revenu) qui partage ses charges avec une
compagne.
      Dans le même sens, la cour d’appel de Liège, dans un arrêt du 24 sep-
tembre 2013 (56), évalue les facultés contributives du débirentier durant la
période où il était au chômage à un montant équivalent au revenu perçu par
lui suite à son embauche ultérieure, dès lors qu’il n’établit pas que durant
cette période de chômage il recherchait activement un emploi. Quant aux
facultés de la crédirentière qui soutenait se consacrer à l’éducation de ses
quatre enfants et être à charge de son compagnon dont elle évaluait les
revenus à 1.550 EUR par mois, la cour, faute de précision apportée par la

      (51)
            Mons, 6 novembre 2013, R.G. 2012/JE/233, inédit.
      (52)
            Mons, 11 mars 2013, R.G. 2011/JE/235, inédit. Dans le même sens : Mons, 6 février
2013, R.G. 2012/JE/60, inédit : la cour ne tient pas compte du licenciement pour faute grave
de la crédirentière et retient au titre de ses facultés contributives le salaire anciennement perçu.
       (53)
            Mons, 27 mars 2013, R.G. 2012/JE/78, inédit.
       (54)
            Liège, 3 décembre 2013, R.G. 2012/JE/70, inédit.
       (55)
            Mons, 26 juin 2013, R.G. 2012/JE/67, inédit.
       (56)
            Liège, 24 septembre 2013, R.G. 2012/JE/298, inédit.

                                                      Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
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crédirentière concernant la part des revenus de son compagnon lui reve-
nant, considère que cette part doit être évaluée à un montant lui permet-
tant de se dispenser de s’inscrire au chômage et de rechercher un emploi à
tout le moins partiel et tient dès lors compte dans son chef d’un revenu de
700 EUR par mois.
      Par contre, dans un arrêt du 25 juin 2013 (57), la même cour estime que
« la mère n’est pas fondée à reprocher au père d’avoir réduit ses heures sup-
plémentaires depuis la séparation intervenue pas plus que le père n’est fondé
à reprocher à la mère de ne travailler qu’à 4/5e temps alors que ces choix
professionnels s’expliquent, de part et d’autre, par la volonté de se rendre
davantage disponible envers les enfants et sont donc essentiellement motivés
dans leur intérêt ».
      Dans une décision du 6 février 2014, le tribunal de première instance
de Liège (58) regrette que la crédirentière ne dépose que des fiches de paie (fai-
sant état d’un revenu mensuel de l’ordre de 1.474 EUR) et aucun avertisse-
ment-extrait de rôle ou fiche récapitulative, seules pièces susceptibles selon
lui de permettre une évaluation précise de ses revenus en tenant compte
des divers avantages et pécules, et évalue en conséquence lesdits revenus à
1.650 EUR.
      Dans son arrêt du 5 novembre 2013, la cour d’appel de Liège (59), après
avoir déploré que le défendeur ne dépose pas les pièces utiles à l’apprécia-
tion des éventuels revenus (avantages en nature, comptes courants, divi-
dendes,…) qu’il tire des deux sociétés dans lesquelles il est impliqué et d’un
capital perçu antérieurement, se base sur les quelques informations en sa
possession pour majorer substantiellement les revenus du père tels qu’ils
résultent de ses seuls avertissements-extraits de rôle. Dans un arrêt du 8 jan-
vier 2013, la même cour (60) évalue à 2.000 EUR les revenus du débirentier
(qui prétendait ne percevoir que 1.515 EUR) dès lors que celui-ci ne précise
rien de ses avantages (primes, pécules de vacances) et ne produit aucune
pièce de nature à démentir les avantages découlant de sa participation dans
la société de son frère vantés par la mère et elle évalue à 1.357,98 EUR (soit
le montant correspondant aux allocations de chômage chef de ménage) les
revenus de la crédirentière faute pour elle de produire les éléments permet-
tant d’apprécier ses revenus.
      Concernant la prise en compte des réserves disponibles d’une société,
la justice de paix de Bastogne fait, dans sa décision du 15 novembre 2013 (61),

       (57)
              Liège, 25 juin 2013, R.G. 2013/JE/7, inédit.
       (58)
              Civ. Liège, 6 février 2014, R.G. 13A3617, inédit.
       (59)
              Liège, 5 novembre 2013, Act. dr. fam., 2014, liv. 7, p. 199, note A. Boudart.
       (60)
              Liège, 8 janvier 2013, R.G. 2012/JE/106, inédit.
       (61)
              J.P. Bastogne, 15 novembre 2013, R.G. 12A128, inédit.

Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
doctrine                                                                                    169

une correcte application de la jurisprudence de la Cour de cassation (62),
en considérant que, les pièces produites par le défendeur révélant qu’il ne
dispose pas d’une majorité des voix en assemblée générale, il ne peut être
tenu compte pour apprécier ses facultés contributives des bénéfices mis en
réserve dès lors qu’il ne pourrait décider seul de l’affectation de ces béné-
fices et qu’en outre, la société dans laquelle il est actionnaire est soumise à
une interdiction de distribuer des bénéfices jusqu’en 2015.
       Enfin, dans sa décision du 23 juillet 2012, la justice de paix d’Uccle (63)
estime que le père étant fonctionnaire auprès de la Commission européenne,
il lui appartient de fournir à la Commission les renseignements nécessaires
pour la perception des allocations européennes pour enfant à charge et qu’en
omettant volontairement de communiquer ces informations, le défendeur
a manqué à son devoir de père. Dès lors qu’il lui incombe de régulariser
cette situation, elle condamne le défendeur à verser à la demanderesse outre
une part contributive, les allocations européennes à percevoir et renvoie
l’affaire au rôle pour le surplus de la demande afin de pouvoir vérifier le
paiement des allocations européennes au bénéfice de l’enfant commun.
      8. Facultés — Signes de richesse. Il convient de ne pas oublier que le
juge peut, pour apprécier les facultés contributives des parents, sauf preuve
contraire, tenir compte des signes et indices d’un niveau de vie plus élevé que
celui qui résulte des revenus déclarés ainsi que de présomptions sérieuses,
précises et concordantes fondées sur les éléments du dossier (64).
      La justice de paix de Waremme (65) constate ainsi, dans sa décision du
11 juillet 2013, qu’au vu des revenus et des charges déclarés par le débiren-
tier « il apparaît évident que monsieur vit sur un standing de vie qui nécessite
d’autres rentrées pécuniaires ou en nature que son allocation de mutuelle » et
dans une décision du 20 décembre 2012 (66), qu’« il saute aux yeux que le dis-
ponible (de la débirentière) pour assurer son entretien, soit quelque 125 EUR

      (62)
           Cass., 30 septembre 2011, Act. dr. fam., 2012, p. 32, note A. Van Gysel, J.L.M.B.,
2012, p. 1700, Pas., 2011, p. 2117, Rev. trim. dr. fam., 2012, p. 148, R.G.D.C., 2012, p. 208,
note V. Makow selon lequel le juge peut, pour apprécier les facultés du débiteur d’aliments,
tenir compte des bénéfices de la société dont il est actionnaire ou administrateur délégué, qui
ont été mis en réserve au lieu de lui être attribués sous la forme d’une rémunération ou d’un
dividende, pour autant qu’il ait pu statutairement et légalement décider de l’affectation des
bénéfices de la société, ou en cas de fraude.
      (63)
           J.P. Uccle, 23 juillet 2012, Act. dr. fam., 2013, p. 123.
      (64)
           S. Brouwers, « Wet van 19 maart 2010 ter bevordering van een objectieve bereke-
ning van de door de ouders te betalen onderhoudsbijdragen voor hun kinderen », R.A.B.G.,
2010, p. 816 ; E. Van Royen, « Voorstel tot een objectieve motivering van de onderhoudsbi-
jdragen voor kinderen », T.J.K., 2011, p. 13 ; G. Verschelden, « De wet van 19 maart 2010
ter bevordering van een objectieve berekening van kinderalimentatie », T. Fam., 2010, p. 166.
      (65)
           J.P. Waremme, 11 juillet 2013, R.G. 11A823, inédit.
      (66)
           J.P. Waremme, 20 décembre 2012, R.G. 12A678, inédit.

                                                    Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
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par mois ne correspond pas à la réalité, d’autant que d’autres charges, comme
celle d’un cheval, ne sont pas prises en compte. Dès lors, ou bien madame
partage ses charges avec un tiers ou bien elle a d’autres revenus qu’elle ne
nous déclare pas ». Toutefois, cette justice de paix ne chiffre aucunement le
montant des revenus dont elle estime en conséquence devoir tenir compte…
      La cour d’appel de Liège considère quant à elle, dans un arrêt du 8 jan-
vier 2013 (67), que les charges que le débirentier comptabilise, soit 2.000 EUR,
démontrent une certaine aisance que l’épargne pour les enfants (25 EUR),
son véhicule 4X4 et l’affirmation de la mère non contestée qu’il vit dans
une nouvelle villa n’infirment pas et dans un arrêt du 29 janvier 2013 (68) elle
tient compte pour apprécier les facultés contributives de la débirentière, du
loyer exorbitant de 1.153,70 EUR qu’elle paie en sus de ses autres charges
mensuelles et du montant de plus de 250 EUR par mois qu’elle consacre
aux seuls loisirs de l’enfant commun.
      9. Facultés — Exclusion du capital. L’on rappellera que les « facultés »
des père et mère n’incluent en principe pas leur capital de sorte que l’on ne
peut exiger d’un parent qu’il puise dans celui-ci pour augmenter sa contri-
bution à l’entretien de ses enfants. Seuls les intérêts de ce capital entrent en
compte pour évaluer la capacité contributive du débiteur. Et comme le pré-
cise la cour d’appel de Liège dans un arrêt du 29 janvier 2013 (69), les revenus
des capitaux font partie du revenu annuel net et doivent être comptabilisés
comme tel pour apprécier les facultés contributives des parents à l’entretien
de leurs enfants.
      C’est donc à juste titre que la justice de paix de Bastogne refuse, dans
sa décision du 15 novembre 2013 (70), de tenir compte du capital que repré-
sente l’épargne-pension du défendeur dès lors que « celle-ci ne constitue pas
un capital qui va produire en 2012 une rémunération influençant la capacité
contributive » de celui-ci.
      Dans sa décision du 15 mai 2012, le tribunal de première instance de
Bruxelles (71) constate que le débirentier promérite un revenu mensuel de
1.077,76 EUR, qu’il a en outre perçu des intérêts sur un compte en banque
pour un montant de 633,74 EUR par an et un remboursement d’impôt de
467,26 EUR. Il souligne ensuite que le débirentier dispose d’un capital qu’il
estime s’élever à 66.909,86 EUR. Sur base de ces éléments, il conclut, sans
hélas expliquer le calcul permettant d’arriver à ce montant, que le débiren-

       (67)
              Liège, 8 janvier 2013, R.G. 2012/JE/106, inédit.
       (68)
              Liège, 29 janvier 2013, R.G. 2012/JE/186, inédit.
       (69)
              Liège, 29 janvier 2013, R.G. 2012/JE/186, inédit.
       (70)
              J.P. Bastogne, 15 novembre 2013, R.G. 12A128, inédit.
       (71)
              Civ. Bruxelles, 15 mai 2012, R.A.B.G., 2013, p. 260.

Revue trimestrielle de droit familial — 2/2015
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