Chronique : La spiritualité à l'épreuve du monde numérique
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Par Guillaume de Fonclare Chronique : La spiritualité à l’épreuve du monde numérique En même temps qu’il offre d’extraordinaires ressources pour la vie spirituelle et communautaire, le monde numérique est le théâtre de dérives sectaires et de nouvelles addictions. Comme souvent, le salut passe par la prise de conscience des usages que nous en faisons et de leurs effets. Désormais, notre monde est devenu un enchevêtrement multidimensionnel, où le numérique joue un rôle prédominant, et force est de constater que ce mouvement s’amplifie chaque jour. La numérisation de la société va croissant, et rien ne semble pouvoir s’opposer à cette radicalisation des échanges et des pratiques. Réseaux sociaux, intelligence artificielle, Internet, messages et messageries en tout genre, le progrès technologique nous pousse à modifier en profondeur nos pratiques. Restent les vieilles croyances, la foi, la spiritualité qui s’abîment ou qui s’élèvent dans ce maelstrom numérique ; comment trouver son chemin, et particulièrement, faire entendre à nos oreilles notre voix intérieure, lorsque tout nous enjoint de « partager », de communiquer, de nous étendre à l’échelle de la planète. Le lien entre spiritualité et numérique est un sujet complexe qui peut être exploré de bien des manières. Le numérique a considérablement amélioré nos capacités
de connexion et de communication. Les plateformes en ligne, les réseaux sociaux et les applications de messagerie nous permettent d’entrer en contact avec des personnes du monde entier, de faire connaître nos idées et expériences spirituelles, et de trouver des communautés ayant les mêmes intérêts. Cela offre de nouvelles possibilités à ceux qui cherchent à se connecter aux autres sur le plan immatériel. Une richesse foisonnante Internet regorge de ressources, de textes sacrés, d’enseignements religieux et de pratiques spirituelles provenant de différentes traditions. Il est aisé d’accéder à ces ressources, de les étudier, de les comprendre et de les utiliser dans sa pratique intérieure. Les blogs, les podcasts, les vidéos en ligne et les cours virtuels proposent des moyens d’apprentissage et de croissance personnelle intelligibles par tous. Par ailleurs, de nombreux dispositifs et applications numériques ont été développés pour faciliter la méditation, la pleine conscience et la gestion du stress. Des sites de méditation guidée aux capteurs de fréquence cardiaque et de respiration, le numérique offre des outils pour aider les gens à se recentrer, à cultiver la paix intérieure et à améliorer leur bien-être émotionnel. Les technologies immersives, telles que la réalité virtuelle et la réalité augmentée, peuvent proposer des expériences simplifiant l’exploration spirituelle. Des applications permettent aux utilisateurs de visiter des lieux sacrés, de participer à des rituels religieux ou de vivre des expériences uniques sans quitter leur domicile. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour ceux qui recherchent des expériences spirituelles. Le numérique soulève également des questions éthiques et morales qui sont pertinentes pour la spiritualité. Par exemple, la manière dont nous employons la technologie, notre relation aux médias sociaux, la protection de la vie privée en ligne et les conséquences de la dépendance à la technologie peuvent avoir des répercussions sur notre bien-être spirituel. La réflexion sur ces questions et la recherche d’un équilibre entre l’utilisation consciente de la technologie et la pratique spirituelle peuvent être importantes pour beaucoup. La spiritualité est une expérience subjective et personnelle, et chacun entretient un rapport particulier au numérique en fonction de ses croyances, de ses valeurs et de ses pratiques. Certains trouvent dans le numérique un moyen puissant de soutenir et d’enrichir leur spiritualité, tandis que d’autres préfèrent des approches plus
traditionnelles et déconnectées de la technologie. C’est affaire d’appétence. Les risques de la marchandisation Demeure la question de la communauté et du rôle que jouent certains dans cette numérisation croissante de nos pratiques. Des groupes se forment, des leaders émergent qui, parfois, s’érigent en gourous, endoctrinant les plus fragiles pour en faire les objets de leur pouvoir. Il ne se passe pas un mois sans qu’un scandale de ce type ne vienne faire la une de la presse, et la justice a fort à faire pour mettre fin à ces dérives. Tout est question d’équilibre, et la spiritualité, dévoyée et malmenée, est convertie en marchandise, en un prêt-à-consommer procurant pouvoir et gains. Il appartient à chacun de demeurer vigilant, et d’aborder le monde virtuel avec la plus grande circonspection. En matière de spiritualité, il est utile de prendre du recul ; si la question relève de la plus grande intimité, il n’en demeure pas moins que les offres que l’on peut trouver sur Internet peuvent troubler et semer le doute. Cette part de nous éveille des intérêts parfois fort mal intentionnés, et comme elle est ce que nous possédons de plus intime, les dégâts de ces malhonnêtetés peuvent être dévastateurs. Dans le domaine du numérique comme en matière de spiritualité, soyons dans la mesure en tout et gardons la tête froide. C’est la façon la plus habile, la plus utile de concilier ce qui anime nos âmes et la technologie. Guillaume de Fonclare, écrivain Lire aussi : Chronique : Un pessimisme inéluctable ?
Par Christophe Cousinié Opinion : Le métavers est-il un progrès ? Le projet du métavers n’est pas un idéal qui met en mouvement. C’est l’exact opposé : c’est un monde idéalisé, où l’on peut avoir tout et tout de suite. Une réflexion de Christophe Cousinié, pasteur de l’Église protestante unie. Le mot de métavers résonne comme le titre d’un film de science-fiction. Et certains films d’anticipation nous font en effet entrevoir ce que pourrait être ce monde virtuel, qui propose à chacun de créer son avatar, son double numérique. Cela revient à soustraire l’être humain à sa condition en lui offrant une autre vie, parallèle, plus ou moins libre, dans un monde sous contrôle informatique. Aujourd’hui ce n’est plus de l’anticipation mais un commencement. Il y a un peu plus d’un an, le géant des réseaux sociaux Facebook (et ses autres applications) changeait de nom pour devenir Meta. Référence directe à ce métavers, cet univers au-delà du sensible, ce monde virtuel désormais ouvert et accessible. Le terme de métavers vient faire écho avec celui de métaphysique, mais si cette dernière est une recherche rationnelle visant à connaître l’être en tant qu’il existe « au-delà » et indépendamment de l’expérience sensible, le métavers peut être compris comme l’expérience d’un vécu hors du monde sensible. Là où la métaphysique cherche à expliquer, le métavers est un espace de
création virtuelle. L’un explique rationnellement, l’autre crée virtuellement. Dépasser l’humanité physiologique Cette nouvelle manière d’appréhender le monde, en laissant à l’imagination le soin de le recréer, n’est pas sans nous faire penser à l’allégorie de la caverne chez Platon. Le métavers repense le Bien comme la création d’une représentation de la réalité. Le métavers est-il un idéal ou un monde idéalisé ? Pour ses concepteurs, le métavers représente un idéal du dépassement d’une humanité physiologique. Il ne s’inscrit plus, justement, dans la réalisation parfaite de l’humanité. L’idéal est, dans l’existence sensible, ce que l’on espère, comme un appel à un mieux qui aboutit au Bien. C’est ce qu’on peut retrouver chez Paul Tillich à propos de l’esprit de l’utopie, qu’il considère comme la force du nouveau. Ce qui semble utopique, un jour devient la réalité. C’est également en ce sens que Ferdinand Buisson déclarait au Congrès de la paix et de la liberté, à Lausanne en 1869 : « Je ne suis pas de ceux qui croient que penser l’avenir c’est se livrer à une utopie. Se transporter d’avance dans un avenir même lointain, c’est déjà marcher vers cet avenir, il faut avoir rêvé longtemps à l’idéal pour pouvoir le réaliser un jour. » Tout et tout de suite Le projet du métavers n’est pas un idéal dans le sens où il nous place dans l’attente, face à un but à atteindre et qui met en mouvement. C’est l’exact opposé : c’est un monde idéalisé, où l’on peut avoir tout et tout de suite. Il y a une immédiateté mais aussi un possible qui ne tient pas compte des lois physiques ou morales. C’est d’ailleurs ici un des problèmes de ce monde virtuel : il n’est pas juste une représentation du monde. Il est un monde à lui tout seul, certes virtuel mais dans lequel il est possible d’avoir une activité rémunérée, d’acheter ou de vendre et d’entrer en relation avec d’autres. Mais ce monde n’a pas de loi, pas de gouvernement, pas de règle ou d’interdit. Il est souvent le lieu d’arnaques financières mais aussi de violences. Rien ne punit une agression dans le métavers. Et pas besoin de vivre cette réalité en immersion, la forme la plus simple du métavers que sont les réseaux sociaux nous montre combien la violence des mots et des idées est puissante dans ce monde idéalisé qui n’a rien d’idéal.
Mais le métavers doit être considéré comme un réel. On parle d’ailleurs de réalité virtuelle. Et quand ce réel rencontre l’être humain de nos sociétés modernes, cela ouvre la porte aux réalisations du désir de toute-puissance. Les réseaux sociaux en sont encore le parfait exemple. Si en apparence ils peuvent être des espaces de dialogue, ils sont aussi l’espace de la réalisation du pire. Toutes les erreurs prennent le nom de vérité et sont défendues avec une virulence qui en devient excluante, voire culpabilisatrice. Alors que dans le monde sensible l’être humain semble se retenir pour permettre le vivre-ensemble, il se lâche dans cet autre monde où la toute-puissance lui est promise et offerte. La fin des utopies Au vu de la situation écologique de notre planète, du dérèglement climatique qui ne semble pas vouloir ou pouvoir s’inverser, l’existence d’un métavers pourrait sembler être une porte de sortie. Il pourrait nous donner l’illusion d’un progrès et donc un progrès. Si on ajoute à cette conception de la réalité la philosophie ou l’espérance religieuse que propose le transhumanisme, il est possible de voir là une espérance pour l’humanité qui aura réussi à se dépasser pour subsister. Mais, en même temps, cela ressemble à une fuite. C’est un progrès technique, mais certainement pas un progrès moral. Comme le disait Oscar Wilde : « Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies. » Le métavers, c’est le triomphe de la toute-puissance individuelle et égoïste, c’est le désir « d’être des dieux » enfin réalisé et avec lui c’est la fin du militantisme et de l’engagement, la fin des utopies qui mettent en mouvement et qui rendent l’humanité plus humaine et vivante.
Par Louis Fraysse Le transhumaniste, un homme de paille ? Avec sa volonté assumée de dépasser les limites biologiques de l’être humain, le transhumanisme suscite crainte et dégoût. Mais les promesses technologiques de ce mouvement protéiforme ne reposent sur rien de bien tangible. « Une vie épanouie n’a pas à prendre fin. Lorsque la médecine d’aujourd’hui abandonne, la cryonie prend le relais. » Le slogan de l’Alcor Life Extension Foundation, fondée en 1972 à Scottsdale, en Arizona, donne le ton. Dans les locaux de l’organisation, préservés dans de l’azote liquide à une température constante de - 196 °C, 193 cadavres attendent la résurrection dans des conteneurs. Pour une somme modique – comptez au moins 80 000 dollars pour votre cerveau, 200 000 pour votre corps entier – vous pourrez vous aussi être de la partie. Le jour venu, Alcor vous promet « une équipe médicale à votre chevet, prête à entamer la procédure dès le décès légal », « tout cela dans le but de vous faire revivre et de vous réintégrer dans la société ». Rien ne dit que la cryonie, ou cryogénisation, ce procédé visant à conserver à très basse température des cadavres dans l’espoir que la médecine parviendra à les ressusciter, fonctionnera un jour. Ni ce que vous ressentirez en renaissant en l’année 2078 ou 2142, seul au milieu d’un monde inconnu. Peu importe, écrit le blogueur américain Tim Urban : « J’espère que vous le ferez [la cryonie] de la même manière que j’espère que vous prendrez un médicament expérimental si vous êtes malade et que c’est la seule chance que vous avez. Parce que ça vaut la peine d’essayer. » Vaincre la mort, ou, à tout le moins, repousser la mortalité. Voilà l’horizon vers lequel les transhumanistes se projettent. De quoi susciter l’opposition horrifiée de nombreux intellectuels à travers la planète ; le politologue américain Francis
Fukuyama qualifiait ainsi en 2004 le transhumanisme d’« idée la plus dangereuse du monde ». Une idée floue, nébuleuse, qui s’est pourtant immiscée dans le débat public, charriant tout un imaginaire d’augmentation corporelle, d’exosquelettes et de cyborgs. « Le transhumanisme tient à la fois du mot-valise et de l’homme de paille, chacun tend à y voir ce qu’il souhaite célébrer ou dénoncer avec vigueur, glisse d’emblée l’historien Franck Damour, membre de la chaire éthique et transhumanisme de l’université catholique de Lille. Le définir n’est pas aisé, tant il est insaisissable. C’est à la fois un courant de pensée, lié à un imaginaire technologique, mais c’est aussi un mouvement idéologique très minoritaire plus ou moins structuré en Europe et aux États-Unis. On pourrait également dire qu’il est avant tout une controverse, tant il est associé à l’hyperbole, la polémique, la confrontation. » C’est en gardant à l’esprit cette polysémie que l’on peut considérer ce qu’il dit du corps humain. Une révolution des corps Né à la fin des années 1980 aux États-Unis, le transhumanisme est indissociable d’une promesse : dépasser la condition humaine. Il s’inscrit dans une longue tradition utopique américaine, qui fait de la technologie le moteur de la transformation sociale et de la métamorphose humaine. La contre-culture des années 1960, et notamment sa composante technophile prônant le développement personnel, en a été un jalon essentiel. Car c’est à une véritable révolution que nous invitent les principaux théoriciens transhumanistes, décrypte Franck Damour : « En sommant l’être humain de prendre en main son évolution, de s’émanciper de la “loterie génétique” et de ses limites physiques et intellectuelles, il s’agit de prôner une révolution non pas sociale ou politique mais technologique. Une révolution qui, en changeant le corps des individus, changera la société, et fera basculer l’humanité dans une ère nouvelle. » La technophilie des transhumanistes est étroitement liée, surtout aux États-Unis, à la pensée libertarienne – philosophie reposant sur une foi absolue en l’individu comme centre de la morale, conjuguée à une défiance viscérale envers l’État. « On retrouve par exemple cet argumentaire chez le philosophe suédois Anders Sandberg, qui défend la notion de “liberté morphologique”, expose Tania Métrailler, auteure d’une thèse sur les enjeux éthiques et philosophiques du transhumanisme. Selon lui, dès lors que la volonté de transformer son corps relève du libre arbitre, c’est une garantie en soi de la valeur éthique de ces
modifications corporelles, car la décision relève de l’individu. » Mouvance par nature protéiforme, le transhumanisme ne tient pas un discours unique sur le corps. Certains théoriciens prônent son abolition radicale quand d’autres envisagent plutôt un corps hybride, mi-homme mi-machine. « L’idée sous-jacente derrière la volonté d’augmenter son corps, c’est de se libérer des limites charnelles dans lesquelles l’être humain est enfermé, trop à l’étroit, note Tania Métrailler. Cette vision du corps comme siège de la souffrance est ancienne, on la retrouve chez Hésiode, à travers le mythe de Prométhée, ou chez Platon, pour qui le corps est un fardeau lourd à porter, contre lequel les rêves d’infini et d’immortalité se brisent, empêchant la pensée de s’élever. » Pour la philosophe, il convient par ailleurs de distinguer les différents types de modification du corps. « Le corps “réparé” a trait à la thérapie, à la médecine, il peut s’agir du port d’une prothèse après une amputation ; il est intéressant de constater que la fusion entre corps et technique est largement acceptée dans ce cas. Le corps “amélioré” consiste en une accentuation par la technologie de capacités corporelles innées, afin de les rendre plus performantes – un exosquelette qui démultiplie la force, par exemple. Le corps “augmenté”, lui, serait à mon sens un corps que l’on dote de caractéristiques nouvelles, qui ne sont pas données à la naissance, comme la vision infrarouge. » Les opposants au transhumanisme n’ont cessé de dénoncer les dangers d’un tel « homme augmenté ». Leur argumentaire repose en grande partie sur une défense de la « nature humaine ». Selon eux, la technicisation du corps humain relève d’une forme de déshumanisation, et revient à mettre en danger l’essence même de l’espèce humaine. Les transhumanistes sont accusés de nier la finitude de l’homme, de chercher la toute-puissance, bref, de vouloir devenir Dieu. Reste qu’en plaçant le débat sur le seul terrain de l’éthique, on passe à côté d’un point important : les techniques dont il est question sont-elles seulement viables ? Ne serait-on pas, tel Don Quichotte, en train de se battre contre des moulins à vent ? Imaginaire et réalité Chargé de recherche au CNRS à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique, Nathanaël Jarrassé se dit ainsi frappé par le « décalage » qu’il perçoit entre l’imaginaire et la réalité au sujet des prothèses et des exosquelettes. « La robotique est bien moins avancée qu’on l’imagine, car pour qu’un robot soit autonome, il doit agir dans un milieu connu, rapporte-t-il. Si l’on prend le sujet
des exosquelettes, on ignore souvent que chaque besoin physique nécessite un robot différent. » Il en va de même pour les prothèses, explique le roboticien. « Maîtriser une nouvelle prothèse demande un apprentissage très lourd, il faut des mois et des mois de pratique pour parvenir à les utiliser convenablement. Les hommes “bioniques” que l’on voit dans les reportages sont en fait de véritables athlètes surentraînés. En tenant un discours de promesses de progrès extraordinaires en robotique, on risque de gommer les difficultés, de créer déception et frustration chez de futurs utilisateurs. Car une bonne partie du discours transhumaniste, et des attaques dont il fait l’objet, repose sur des technologies qui n’existent pas à l’heure actuelle, et dont on ne peut garantir à l’avenir qu’elles pourront être développées. Une difficulté majeure en robotique repose ainsi sur la coordination entre cerveau et contrôle moteur, c’est une question sur laquelle nous en sommes encore à la préhistoire… Sur le plan technique, on est donc loin, très loin de l’homme augmenté. L’augmentation relève pour moi aujourd’hui d’une construction idéologique, mythologique même. » « Quand on creuse un petit peu la question, on s’aperçoit qu’il n’existe aucune technologie transhumaniste à proprement parler, ajoute Franck Damour. Les transhumanistes s’emparent de technologies, ou de promesses technologiques, et leur donnent une finalité transhumaniste, mais c’est surtout de la spéculation. En cela, ils ressemblent à des auteurs de science-fiction qui ne sauraient pas qu’ils écrivent de la fiction. La technique, chez eux, est souvent hors-sol, ils s’intéressent très peu à ses dimensions sociale, politique ou encore écologique, alors que ce sont des questions essentielles. Qui financerait de telles techniques ? Qui les produirait, les diffuserait ? Dans quelles conditions ? Il en va de même pour le corps : les transhumanistes tendent à oublier que nos corps ne sont pas que matière, ils s’inscrivent aussi dans des corps sociaux, culturels, politiques… » L’homme immortel, libéré de son enveloppe corporelle, n’est donc pas pour tout de suite. Mais le transhumanisme a au moins le mérite de nous replonger dans les grandes questions existentielles qui sont le propre de notre espèce. Lire aussi : Marc Boss : « Le transhumanisme tient du slogan médiatique »
Par Louis Fraysse Marc Boss : « Le transhumanisme tient du slogan médiatique » Marc Boss est titulaire de la chaire de philosophie et d’éthique de la faculté de Paris de l’Institut protestant de théologie. Avec l’imaginaire fantasmatique qu’il véhicule, le transhumanisme fascine. Pourtant, son statut chez les scientifiques eux-mêmes est pour le moins incertain : existe-t-il des physiciens, des biologistes, des experts en intelligence artificielle dont les recherches visent précisément à faire advenir les promesses du transhumanisme ? J’en doute, et je vois de plus en plus dans ce terme un slogan médiatique. Un slogan qui vise à unifier un ensemble de recherches éparses et hétéroclites pour en faire une sorte de système métaphysique indépendant. J’ai tendance à considérer la question du transhumanisme de manière empirique : dans quelle mesure ses promesses sont-elles sérieuses, d’un point de vue scientifique ? De même, quand on lit les discours passionnés sur le danger fondamental que représente ce mouvement, de quels dangers est-il question au juste ? De projets réels, concrets, ou seulement de spéculations pour un avenir indéterminé ? Voilà pourquoi je me méfie des discours simplistes sur le sujet, qu’il
s’agisse de la vision fantasmagorique des transhumanistes ou de celle de leurs adversaires, qui promet l’apocalypse. Je pense plus sage de réfléchir en termes de degrés. Vouloir allonger la durée de la vie, est-ce dangereux en soi ? Non, car c’est le but même de la médecine. Où placer la limite ? Voilà une question éthique passionnante, encore qu’une fois de plus, il faut se demander avant toute chose si cela est envisageable scientifiquement, au lieu de penser que « la technologie » aura par principe réponse à tout. Le droit des cyborgs Je parle de transhumanisme, mais encore faudrait-il définir plus précisément ce qui sous-tend cette idée. S’agit-il de ses théoriciens et de leur vision pour l’humanité ? Des industriels qui proposeraient à la vente prothèses ou produits basés sur l’intelligence artificielle, avec leurs propres intérêts économiques ? Ou des utilisateurs, des individus augmentés eux-mêmes ? Aux États-Unis, le droit a déjà commencé à s’emparer de ce sujet, avec le cas des cyborgs – ces personnes qui ont intégré à leur corps une puce électronique pour effectuer certaines tâches de la vie courante. À qui appartiennent ces dispositifs intégrés ? À l’industriel, car il possède le brevet ? À la personne, car il s’agit du respect de son intégrité corporelle ? Cet exemple illustre les dilemmes potentiels qui pourraient surgir, et les tensions possibles entre industriels et utilisateurs. Et on voit bien ici que les utilisateurs, que l’on présente en surhommes en puissance mus par l’hubris, pourraient se retrouver bien démunis, en situation de faiblesse… Les questions économiques, sociales et juridiques soulevées par ces technologies, pour peu qu’elles soient développées un jour, ne pourront être balayées d’un revers de main. Propos recueillis par Louis Fraysse Lire aussi : Le transhumaniste, un homme de paille ? Le transhumanisme vu par des philosophes et théologiens
Par Sophie Nouaille Des innovations technologiques au service de l’environnement Produire et stocker des énergies renouvelables, décarbonées est le défit pour les années à venir. Des start-up se sont lancés dans la recherche d’innovation technologique en utilisant les fonds marins, comme la batterie océanique. Que faire d’une éolienne immobile lors d’un jour sans vent? Pour certains experts et entrepreneurs, la réponse se trouve dans les mouvements sous-marins. Un système innovant propose ainsi qu’un champ d’éoliennes en mer pompe de l’eau dans un équipement qui utiliserait ainsi la pression naturelle des fonds marins pour faire tourner des générateurs d’électricité et qui emmagasinerait l’énergie jusqu’à ce qu’on en ait besoin. “Nous avons trouvé une solution que nous appelons la batterie océanique”, explique à l’AFP Frits Bliek, patron de la startup néerlandaise Ocean Grazer, effectuant une démonstration du système au grand salon de la tech (CES) à Las Vegas.
De l’énergie au fond des mers Alors que se multiplient les appels à abandonner les sources d’énergie contribuant au changement climatique, comme le charbon, trouver des moyens de stocker l’énergie verte devient crucial, selon les experts, pour que celle-ci réponde aux besoins. Et, ce, parce que la nature ne produit pas toujours du vent ou de l’ensoleillement aux périodes où la demande en électricité est la plus forte. La “batterie océanique” de Frits Bliek fonctionne grâce à d’énormes poches reposant sur le fond marin remplies d’eau de mer par une éolienne. En cas de besoin d’électricité, la pression exercée par l’océan sur ces poches permet de faire passer de l’eau à travers le système, qui inclut des turbines, générant ainsi de l’énergie. Produire et stocker de l’énergie Le coût constitue l’un des aspects fondamentaux à considérer dans la production d’électricité. Or un système de stockage impliquant une batterie quelle quel soit s’avère non seulement onéreux mais présente aussi des risques de fuite et de contamination de l’environnement océanique. Des dispositifs faisant appel à la pression hydraulique sont déjà utilisés dans des barrages hydroélectriques qui réinjectent de l’eau, pompée dans des bassins ou des cours d’eau, jusque dans leur réservoir quand la demande en électricité chute. Ce principe, appelé “pompage-turbinage”, permet ainsi d’emmagasiner des ressources destinées à alimenter les turbines du barrage. Plusieurs projets de ce type Le ministère américain de l’Energie situe l’origine du concept en Italie et en Suisse dans les années 1890. Des installations de ce type existent désormais dans le monde entier. Concernant la version sous-marine de ce type de stockage, Ocean Grazer n’est pas seul sur le marché. FLASC, entreprise affiliée à l’université de Malte, a conçu un système utilisant une électricité produite à partir d’énergies renouvelables pour pomper de l’eau dans une chambre contenant de l’air pressurisé, qui peut ensuite faire tourner une turbine hydraulique pour générer à son tour de l’électricité. Un autre projet,
baptisé Stensea, utilise des sphères de béton caverneux pour son mécanisme, testé dans un lac d’Allemagne en 2016. Selon le patron d’Ocean Grazer, les structures sous-marines utilisent à leur avantage la pression des fonds de l’océan –une ressource gratuite permettant d’alimenter un système qu’il estime efficace à 80% pour stocker de l’énergie. Frits Bliek considère les structures de stockage comme une question-clé des énergies renouvelables, dont l’utilisation est en plein essor dans la consommation énergétique mondiale avec la chute des coûts de production. Patienter plusieurs années pour la réalisation Aux Etats-Unis par exemple, ces sources d’énergie décarbonée ont enregistré la croissance la plus rapide dans le mix énergétique, en augmentation de 42% entre 2010 et 2020, selon l’ONG Center for Climate and Energy Solutions. Pour autant, la mise en place de structures comme la “batterie océanique” à une échelle suffisante pour son intégration à un réseau d’électricité ne se fera pas avant plusieurs années. Frits Bliek prévoit ainsi d’installer son système en mer pour la première fois d’ici 2025, après l’avoir d’abord déployé dans un lac du nord des Pays-Bas en 2023. Sophie Nouaille avec AFP
Par Sophie Nouaille Une pêche raisonnable grâce à des chaluts intelligents Une équipe de l’Ifremer teste à Lorient (Morbihan) des chaluts intelligents permettant de trier le poisson avant même de le remonter à bord des bateaux ; un moyen pour réduire la prise d’espèces non ciblées par la pêche, mais également de limiter l’impact sur l’écosystème marin. “Un chalut c’est comme une grande épuisette, on la remorque derrière le navire pendant plusieurs heures sans avoir connaissance de ce qui y entre en temps réel, à savoir est-ce que ce sont des espèces qui sont ciblées par le pêcheur ou non”, illustre auprès de l’AFP Julien Simon, du Laboratoire de technologie et biologie halieutique de l’Ifremer. Avec d’autres partenaires, dont l’université de Bretagne sud (UBS), la société Marport, spécialisée dans les capteurs de haute technologie, et le comité des pêches du Morbihan, l’institut public pilote ce projet de chalut intelligent baptisé Game of Trawls, jeu de mots avec la série à succès Game of Thrones et acronyme de Giving Artificial, Monitoring intElligence tO Fishing Trawls. Chaque année, 20 millions de tonnes de poisson, soit environ le quart des captures marines totales, sont rejetées en mer ou ramenées à quai bien que non exploitées, selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Limiter les rejets de pêche en mer Variable en fonction des espèces ciblées, le taux de rejet dans le cas de la pêche à la sardine est de 22%, quand il atteint 41% pour la pêche à la langoustine, selon des données de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Malgré des engins de pêche de plus en plus sélectifs, grâce à des tailles et des formes de mailles adaptées, leur efficacité dépend toujours de la volonté ou non des poissons de s’en extraire et non d’une décision des pêcheurs. “Les poissons adoptent souvent un comportement d’évitement face aux mailles des filets qui fait que finalement ils restent à l’intérieur”, explique Julien Simon, soulignant également “l’effet banc”. Le chalut intelligent constitue “un outil d’aide à la décision pour les pêcheurs”, assure l’ingénieur, dont le projet s’appuie sur les avancées technologiques récentes dans les domaines de l’intelligence artificielle et des réseaux de capteurs. La technologie au service de la nature Doté de caméras, de capteurs et de puissants logiciels d’analyse le dispositif permet ainsi d’informer le pêcheur en temps réel des espèces capturées, de leur taille et de leur abondance. “Cela ne m’intéresse pas d’avoir le poisson sur le pont et de le trier une fois qu’il est mort, je préfère le trier sur le fond”, note Eric Guygniec, à la tête de l’armement breton Apak et partenaire du projet. Avec un tel dispositif “on sait à tout moment ce qui rentre dans le filet, la taille du poisson et l’espèce, et si l’espèce ne nous intéresse pas on peut ouvrir une trappe”, détaille-t-il. Cibler les espèces Outre ce dispositif innovant de filet pélagique, c’est-à-dire évoluant entre la surface et le fond sans entrer en contact avec celui-ci, un chalut de fond, également doté de caméras et de capteurs, est en test à Lorient. Mais cette fois le dispositif vise à préserver au mieux l’écosystème marin. “En fonction de la présence d’espèces ciblées ou non ciblées, le chalut va se mettre en mode pêche ou en mode vol afin d’éviter d’avoir un impact sur les fonds marins”, explique
Julien Simon, devant un prototype immergé dans ce bassin où un courant est généré afin de simuler l’avancée d’un bateau. Cependant, sur les quais, certains marins s’inquiètent du coût d’un tel dispositif. Même si, comme toute innovation vertueuse, il pourrait ouvrir droit à des aides lors de sa mise sur le marché d’ici 2025. “Est-ce qu’on pourra acheter un chalut de ce type bourré de technologie?” s’interroge un patron-pêcheur de Lorient qui n’a pas souhaité donner son nom. Il dit avoir récemment mis en vente son bateau du fait des contraintes “trop lourdes” qui pèsent sur la profession. “C’est sûr que ça va avoir un coût”, prévient également Soazig Palmer-Le Gall à la tête de l’armement Bigouden du Guilvinec (Finistère) et présidente de l’organisation de producteur (OP) Pêcheurs de Bretagne. Sophie Nouaille avec AFP Par Sophie Nouaille L’agriculture de demain sera aussi technologique Pour faire face aux défis d’une agriculture en pleine révolution, une école dernière génération ouvre ses portes près de Paris. Fédérer Business, technologie
et agriculture n’est plus un tabou ! Nommée Hectar, l’école est co-fondée par Audrey Bourolleau et Xavier Niel. Au programme, formations gratuites pour “entrepreneurs agricoles de demain” ou pour codeurs désireux de se spécialiser dans ce secteur. Mais aussi accélérateur de start-up en partenariat avec HEC à partir de janvier. Ou encore ferme laitière pilote en agriculture régénératrice. Sans compter la maison pédagogique pour sensibiliser les lycéens aux métiers agricoles… Hectar se veut multiforme, souple, évolutif et singulier. 600 hectares dans la Vallée de Chevreuse “C’est un projet qui voit grand” d’où le choix de son nom, explique Audrey Bourolleau, 40 ans, en faisant visiter en avant-première à l’AFP le Domaine de la Boissière, ensemble agricole de plus de 600 hectares à Lévis Saint-Nom, en vallée de Chevreuse. “Aujourd’hui, l’agriculture vit plusieurs révolutions, générationnelle, économique, technologique, environnementale. Cela ouvre beaucoup d’opportunités. C’est un moment fabuleux”, considère Francis Nappez, 42 ans, le directeur général d’Hectar, passé par Free et Meetic avant de co-fonder le site de covoiturage BlaBlaCar. Acheté en 2019 à 51% par Audrey Bourolleau, diplômée de l’école supérieure de commerce de la Rochelle, et à 49% par la holding personnelle de Xavier Niel, fondateur et principal actionnaire d’Iliad (Free), le domaine a nécessité une rénovation complète, toujours en cours. Mais les locaux destinés à accueillir les 15 premiers “apprenants” seront prêts pour la rentrée le 6 septembre. Porteurs d’un projet agricole en gestation, ils suivront un programme personnalisé, “Hectar tremplin”, destiné à leur permettre de “consolider leur business plan” et de “passer de l’idée à l’action”. La majeure partie de cette formation sur cinq semaines se fera en distanciel. “L’apprenant pourra suivre le programme sur son temps libre”, souligne Francis Nappez. Trois cents personnes par an pourront bénéficier de ce coaching. Les formations d’Hectar seront gratuites pour l’apprenant et dispensées par des pairs et non par des enseignants, à l’instar des écoles de codage informatique “42” lancées par Xavier Niel. Association d’intérêt général, Hectar est éligible aux fonds de la formation professionnelle.
Des formations phares inédites La formation phare, “Hectar entrepreneurs”, tournée vers la reprise d’exploitations agricoles, démarrera en janvier. D’une durée de six mois, elle concernera 60 personnes par an. Hectar va proposer aussi un programme de formation sur l’intelligence artificielle appliquée à l’agriculture, d’une durée d’un an. “Les entreprises qui fournissent des solutions +Tech+ au secteur agricole sont avides de trouver des profils de codeurs comprenant les enjeux du secteur”, explique Francis Nappez. Effectif visés: 30 personnes par an au départ, “environ 60 à terme”. Préparer l’avenir du monde agricole Janvier 2022 constituera un temps fort pour le développement d’Hectar avec le lancement d’un accélérateur de start-up en partenariat avec l’incubateur de l’école de commerce HEC Paris. Objectif: accueillir 80 jeunes pousses en deux ans. “Le volet +innovation+ d’Hectar est devenu plus central qu’imaginé au départ”, relève Audrey Bourolleau. “Nous avons eu énormément de demandes d’accélération de start-up. D’un programme très axé sur les repreneurs de fermes au départ, nous sommes passés à un écosystème +Agritech+, avec davantage de start-up qui pourront leur apporter des solutions”. L’espace de restauration est appelé à devenir un lieu d’échanges important. Un futur repreneur de ferme va pouvoir y rencontrer un codeur, une start-up un chercheur, se projette-t-elle, avec enthousiasme. Des agricultures complémentaires En mars, la révélation par le magazine Capital du projet Hectar avait suscité des critiques de certains syndicalistes agricoles. Puis fin juin, environ 130 personnes avaient manifesté devant le site, à l’appel du Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (Snetap-FSU). Hectar n’entend “pas challenger l’enseignement technique agricole qui est très bon en France”, se défend Audrey Bourolleau. “Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires. Notre rôle à nous est de former des entrepreneurs solides et de leur donner des compétences sur les innovations de demain”.
Sophie Nouaille avec AFP Par Philippe Bohlinger Aides à l’innovation : la générosité de l’État ne paye pas Les incitations fiscales destinées à encourager l’innovation des entreprises seraient particulièrement généreuses en France pour des résultats similaires aux autres pays de l’OCDE, pointe un récent rapport de France Stratégie. La grand-messe de l’innovation technologique, le salon VivaTech, s’est clôturé le 19 juin dernier porte de Versailles, à Paris. Premier grand salon à se tenir en partie en présentiel depuis plus d’un an en France, cette édition invite à questionner la politique de soutien à la recherche et développement dans les entreprises, un levier essentiel de la création de richesse et d’emplois sur le territoire. Cela semble plutôt une bonne nouvelle : l’Hexagone bénéficierait en la matière du dispositif d’aides fiscales le plus prodigue des 37 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est ce qu’indique un rapport publié le 1er juin dernier par France Stratégie, l’organisme d’évaluation
et de prospective rattaché à Matignon. Le principal levier de cette politique ? C’est le crédit d’impôt recherche (CIR), une niche fiscale instaurée en 1983 en vue d’inciter les sociétés à innover, à accroître leurs performances et à améliorer l’attractivité de la France pour l’implantation des activités de recherche des multinationales. Les multinationales pointées du doigt Seulement voilà, le CIR ne remplirait pas bien son office selon France Stratégie : « Dans le cas de la France, l’OCDE observe que dans plusieurs pays, les entreprises investissent davantage en recherche et développement alors que l’aide fiscale est moins généreuse qu’en France. » Clément Malgouyres, économiste à l’Institut des politiques publiques, a contribué au rapport de France Stratégie. Le chercheur explique que le CIR a des effets sur les activités d’innovation et le chiffre d’affaires des petites et moyennes entreprises, mais profite principalement aux grands groupes. « Pour ces derniers, le CIR fonctionne comme une réduction de l’impôt sur les sociétés. Certes, les entreprises françaises ont longtemps souffert d’une fiscalité sur les bénéfices supérieure à celle des pays voisins. Dans ce contexte, le CIR est apparu comme moyen d’abaisser indirectement ce niveau d’imposition. Cependant, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le taux d’imposition sur les sociétés converge vers la moyenne européenne. » Aussi, l’économiste estime-t-il qu’abaisser le plafond du CIR de 100 à 10 millions d’euros pourrait diviser par deux son coût, tout en laissant le dispositif inchangé pour 99 % de ses bénéficiaires. Pour Denis Jeambrun, responsable du secteur aéronautique-défense de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), « l’idée du CIR est fondamentalement bonne. Mais elle est utilisée à mauvais escient, en vue d’optimiser les coûts des entreprises. C’est une stratégie mortifère. Une véritable stratégie consisterait à développer des produits différenciateurs en associant davantage les salariés à leur conception. La CFTC milite d’ailleurs depuis plusieurs années en faveur du principe de codétermination. Dans cette vision, les organisations syndicales n’ont pas un rôle purement consultatif, mais elles sont associées aux grandes décisions de l’industriel. L’entreprise est un bien commun qui doit être géré dans une perspective de long terme et non courtermiste avec pour seul horizon les comptes de résultat annuels ».
Le Medef dénonce un rapport orienté La lecture du rapport de France Stratégie laisse cependant le Mouvement des entreprises de France (Medef) sceptique. Laurent Gouzènes, membre de la commission innovation de l’organisation patronale, pointe un rapport « orienté et incomplet » dont la principale ambition consiste à exclure les grands groupes du CIR. « Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Certes, le CIR n’est pas à lui seul déterminant pour l’implantation et le maintien des centres de recherche des entreprises. C’est néanmoins l’un des facteurs essentiels dans la sélection des investissements privés dans la recherche et développement avec la qualité des chercheurs, le rayonnement des universités, les facilités de coopération entre acteurs privés et publics, le niveau des infrastructures locales, les marchés potentiels de proximité et leur taille. » Laurent Gouzènes insiste également sur le poids des charges sociales « deux fois plus important en France qu’en Allemagne ». Selon lui, « c’est une erreur d’espérer relancer la capacité productive d’un pays en misant uniquement sur la recherche et développement. La véritable question devrait être : Quel est l’outil le plus puissant pour remettre notre industrie à niveau ? Il faudrait mobiliser d’autres dispositifs ciblés sur l’investissement industriel. En France, la taxe professionnelle de 1995 à 2008 a coûté 15 milliards par an aux entreprises, soit plus du double du CIR et suscité une désindustrialisation massive ». Lire également : L’économie sociale et solidaire, oubliée du plan de relance ? Chez Danone, logiques financières contre bien commun ? Salon Vivatech : faut-il se réjouir des innovations technologiques ? Innovation : connaissez-vous les “fablabs” ?
Par Lauriane Vofo Kana Un marathon pour penser la Bible de demain L’alliance biblique française (ABF) et l’association HackmyChurch organisent la nouvelle édition de HackmyBible. L’évènement veut trouver des façons innovantes de faire lire la Bible. Le traditionnel signet en tissu et la couverture en cuir ou en carton bientôt oubliés ? Le hackaton HackmyBible se tiendra les 27, 28 et 29 septembre à Paris pour dépoussiérer l’image de la Bible. Ils sont concepteurs, designers, biblistes et autres amoureux de la Bible et ambitionnent de la mettre à la portée de chacun. L’Alliance biblique française (ABF) et l’association HackmyChurch ont organisé la deuxième édition du hackathon, un marathon créatif. Des applications pour mémoriser les
versets L’évènement est né d’un désir de mettre la technologie et l’innovation au service de la Bonne Nouvelle. Durant la première édition, de nombreuses équipes ont redoublé d’inventivité pour porter des projets ludiques, pédagogiques et décalés. Un chatbot pour recevoir l’horaire d’une messe à proximité ou une application didactique pour mémoriser des versets de la Bible sont quelques uns des concepts retenus l’an dernier. L’évènement se déroule le temps d’un week-end. Le premier jour les équipes se creusent les méninges pour affiner leurs pistes. Une fois les projets définis, vient le temps des présentations rapides (pitchs) sous les yeux attentifs du public. Ensuite, un vote départage les différentes propositions. Traductions de la Bible En 2018, Jonathan Schmutz participe à la première édition de HackmyBible. Avec trois coéquipiers, l’ingénieur de formation imagine “Mémo Verset”, une application didactique pour aider à mémoriser les versets de la Bible. “L’idée est née d’un besoin. J’aime connaître la Parole de Dieu et je recherchais un moyen ludique de mémorisation des versets.” À la fin du premier hackathon, le prototype “Mémo Verset” fait partie des sept propositions finales. “Il envoie durant la journée, des versets avec des mots manquants. L’utilisateur n’a plus qu’à compléter le texte à trous.” Aujourd’hui encore, le développeur perfectionne le jeu. Il est disponible sur l’application Messenger. “À terme, les utilisateurs de Mémo Verset choisiront la traduction de la Bible qui leur convient, un thème précis ou une autre langue”, explique le jeune homme. La technologie au service de la Bible Mettre la technologie au service de la Bonne nouvelle a vite séduit Jonathan : “J’ai découvert HackmyBible en lisant. Mes expériences professionnelles, m’avaient déjà permis de participants à des hackathons.” La dimension d’évangélisation ajoutait un attrait au marathon créatif : “Je suis protestant évangélique et j’ai à cœur que nos contemporains connaissent Dieu. Comme n’importe quel don, on peut utiliser la technologie avec sagesse. C’est un domaine que les chrétiens ne doivent pas déserter. Les concepts comme Mémo
Verset n’empêchent pas le travail d’évangélisation de chaque chrétien autour de lui. Je l’ai pensé comme un outil, pour équiper les chrétiens dans l’annonce de l’Évangile. Pour moi, ce hackathon, était le lien parfait entre le professionnel et le personnel”, reconnaît Jonathan Schumtz. De nouveaux outils Nouveauté cette année, Hack MyBible et le Congrès Mission qui se tiennent simultanément seront partenaires. L’occasion de voir des “chrétiens s’investir pour atteindre des gens”, juge l’ingénieur. Rendez-vous annuel, le Congrès Mission rassemble les chrétiens de France qui réfléchissent aux nouveaux outils pour soutenir l’élan missionnaire. Le public découvrira deux projets HackmyBible retenus par les experts du hackathon. Lors de la séance plénière dimanche après-midi, le public élira son projet favori. Les six équipes de participants devront innover, en direction de trois publics différents. Il s’agit des individus auxquels le Christ n’a jamais été annoncé, ceux qui découvrent la foi et des chrétiens. Une fois sélectionnés, certains projets bénéficieront d’un accompagnement. Celui qui emportera les suffrages sera éditée. Les vainqueurs représenteront la France lors du HackmyBible international, qu’organise la société biblique allemande à Hambourg du 8 au 11 janvier 2020. HackmyBible se déroulera au 12, rue d’Assas à Paris. Il sera accueillera le public dimanche 29 septembre dès 10h30 pour le test des jeux de plateaux. À 12 heures, les équipes présenteront les différents projets. Le programme complet est disponible sur la page Facebook. Les participants peuvent s’inscrire ici.
Par Nathalie Leenhardt Vieillesse : au Japon, le recours aux robots Au Japon, le robot Parlo a fait une entrée remarquée dans quantité de maisons de retraite. Ils sont partout. Dans les boutiques de robotique évidemment mais pas seulement. Dans le pays du Soleil-Levant, on peut tomber nez à nez (si l’on ose dire) avec des robots androïdes (à visage humain) en faisant ses achats. Depuis plusieurs années, ils font office de réceptionnistes dans des centres commerciaux ou les grands magasins. Ainsi, par exemple, la dénommée Junko Chihira accueille- t-elle les clients de l’Aqua City Odaiba, en japonais, en chinois et en anglais. Des robots à figure humaine… D’autres robots ont fait leur entrée dans les maisons de retraite. Le Japon est en effet l’un des pays au monde où la population âgée est l’une des plus nombreuse. Un quart des Japonais a plus de 65 ans et le Japon est le pays qui compte le plus de centenaires : 65 000 pour 127 millions d’habitants (contre près de 21 000 en France pour 66,9 millions d’habitants). Parallèlement, le taux de natalité y est l’un des plus bas de la planète, et il y a peu d’immigration et donc peu d’auxiliaires de vie venues d’ailleurs.
Parlo, un compagnon Au pays de la technologie de pointe, des robots ont donc été spécialement conçus pour répondre aux besoins des citoyens les plus âgés, voire dépendants. Ainsi Parlo, un robot d’une cinquantaine de centimètres, permet-il à la personne ayant du mal à se déplacer ou à utiliser son téléphone d’envoyer directement un message à l’un des siens. Parlo, au nom à la consonnance étrangement latine, peut répondre à des questions basiques sur le temps, le menu du déjeuner mais aussi de mener des exercices pour réveiller sa mémoire. Il chante et danse, de quoi remonter le moral de ses interlocuteurs. D’autres robots prennent la forme d’animaux domestiques : des peluches ronronnent, encourageant ainsi l’interconnexion avec un malade atteint d’Alzheimer. D’autres robots plus imposants vont aider les auxiliaires de vie, vivants ceux-là, à porter la personne, la déplacer, voire la nourrir. Parlo ou son équivalent équipe aujourd’hui des maisons de retraite en Belgique, aux Pays-Bas et ailleurs…
Vous pouvez aussi lire