Co-benefices environnementaux et sanitaires de l'action publique " it's (also) the economy, stupid ! " - I4CE

 
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Co-benefices environnementaux
            et sanitaires de l’action publique
            « it’s (also) the economy, stupid ! »
Paris,
Mai 2020    Patrice Geoffron (Université Paris-Dauphine, PSL) | Benoît Leguet (I4CE)

           SYNTHÈSE

           Histoire ou légende, le slogan « it’s the economy, stupid ! » aurait porté Bill Clinton au
           pouvoir en 1992, marquant le primat des urgences économiques dans le choix des
           électeurs en temps de crise. Au-delà du confinement imposé par le Covid-19, la tentation
           pourrait être forte, au moment d’élaborer et de mettre en œuvre la sortie de crise, de
           privilégier la prise en compte des effets économiques directement observables, sans
           autre considération, comme ce fut le cas après la crise de 2008. Nous montrons ici
           qu’une politique de sortie de crise doit être soumise à un cahier des charges élargi qui
           valorise les « co-bénéfices » économiques-environnementaux-sanitaires de l’action
           publique. Entre autres exemples, des mesures de transport décarboné (du vélo au
           fret ferroviaire) produiront des effets économiques directs (emplois, valeur ajoutée
           dans les filières impliquées), environnementaux (réduction de pollutions de l’air qui
           coûtent à la France environ 50 milliards/an, atténuation des émissions de gaz à effet
           de serre) et sanitaires (ces mêmes pollutions tuent 50 000 personnes/an, et fragilisent
           certaines populations face à des pandémies). Ce faisant, il s’agira de répondre à une
           « demande sociale » : ainsi que le soulignait récemment Emmanuel Macron, au sortir
           de la crise sanitaire « les gens ne supporteront plus de respirer un air pollué »1. Et,
           comme entre le déclenchement de la crise des « subprimes » en 2008 et la sortie de
           la phase d’urgence de la crise Covid-19, la dette française aura augmenté de 50 % du
           PIB, réduisant les marges de manœuvre budgétaires des pouvoirs publics, valoriser
           tous les co-bénéfices de l’action n’est plus une simple option, mais un impératif : « It’s
           (also) the economy, stupid ! ».

           1 Interview au Financial Times, 16 avril 2020. Voir la vidéo ici : https://www.facebook.com/8860325749/
             posts/10158243484920750/

            Co-benefices environnementaux et sanitaires de l’action publique : it’s (also) the economy, stupid ! – I4CE | 1
Faire d’une pierre trois coups avec chaque euro public                                                                                                                  Quand occulter les co-bénéfices
  engagé dans la sortie de crise                                                                                                                                          biaise l’action publique
  Nous sommes face à une crise sanitaire ouvrant sur un                                • l’environnement : en réduisant à la fois les émissions de                        La recherche de co-bénéfices forme de longue date un des                                  réels de l’action climatique, ce qui est d’autant plus
  choc économique mondial. Ce choc échappe largement                                     gaz à effet de serre et de polluants locaux, en gardant                          objectifs explicites des politiques climatiques, apparaissant                             préjudiciable que ces co-bénéfices ne sont pas de second
  à la prévision économique, tant les inconnues sont                                     ainsi une crédibilité dans le Green Deal et dans l’action                        dès le milieu des années 1990 dans les travaux du GIEC 5.                                 ordre. A titre d’exemple :
  nombreuses : la croissance, le chômage et la dette sont                                climatique internationale, en préservant le capital industriel                   Pourtant, les attentions et les décisions sont surtout                                    • les avantages en termes de santé sont évalués entre 40
  autant de variables assujetties à des trajectoires de santé                            des filières bas-carbone, en adaptant notre économie aux                         focalisées sur les coûts de mise en œuvre des politiques                                    à 198 dollars par tonne de CO2 évitée (variable selon les
  publique encore incertaines pour les médecins, et par                                  dérèglements climatiques… ;                                                      climatiques, les co-bénéfices gardant un caractère                                          pays considérés) 7 ;
  conséquent plus encore pour les économistes.                                         • la santé : en réduisant nos fragilités face à des menaces                        subsidiaire ; cela malgré les travaux macroéconomiques                                    • la réduction annuelle des morts prématurés pourrait être,
  Une évidence s’impose dans le séquençage de l’action                                   sanitaires désormais moins hypothétiques, notamment                              autour du concept de « double dividende », combinant                                        respectivement, de 0,5 et 1,3 millions en 2030 et 2050,
  collective : au plus fort de l’urgence sanitaire, les priorités                        par l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction de la                  une réduction de certaines taxes existantes – sur le travail,                               à l’échelle globale 8 ;
  sont de circonscrire l’épidémie, d’assurer la continuité des                           précarité énergétique qui fragilise des ménages parmi les                        notamment – et une fiscalité carbone. S’il est essentiel
                                                                                                                                                                                                                                                                    • le coût des dommages est réduit de 6,5 % du PIB mondial
  services essentiels au fonctionnement de notre société                                 plus modestes...                                                                 de calculer les coûts d’atténuation pour orienter l’action
                                                                                                                                                                                                                                                                      lorsque les combustibles fossiles sont remplacés par des
  et de mobiliser massivement des moyens au service du                                                                                                                    publique et établir le partage de l’effort entre les Nations,
                                                                                       Qu’entend-on par « It’s (also) the economy, stupid! » ? La                                                                                                                     énergies propres 9 ;
  système de santé. Durant cette période, la sauvegarde                                                                                                                   tous les co-bénéfices doivent être analysés et pris en
                                                                                       stratégie de sortie de crise de 2008 et l’action publique                          compte afin d’éviter les distorsions dans la décision et les                              • à l’échelle mondiale, les avantages connexes en termes
  économique des activités immobilisées passe par la prise                             durant les années suivantes n’ont pas permis d’améliorer                                                                                                                       de qualité de l’air représentent environ 75 % des coûts
  en charge du chômage partiel et le soutien à la trésorerie des                                                                                                          échecs dans la réalisation des objectifs 6.
                                                                                       la « résilience » de notre société aux chocs de la décennie.                                                                                                                   d’atténuation 10.
  entreprises. Mais, au-delà de cette phase de « réanimation                           La dépendance au pétrole qui a conduit à la crise des                              Un tel biais est d’autant plus préjudiciable que les co-
  économique », une stratégie de sortie de crise devra être                                                                                                               bénéfices présentent une valeur toute spécifique pour                                     La conclusion de ces travaux est claire et particulièrement
                                                                                       Gilets jaunes depuis 2018 n’a pas été réduite. La faible                                                                                                                     précieuse : intégrer ces co-bénéfices à l’orientation de
  déployée pour répondre à la demande de résilience qui                                qualité de l’air, qui continue à coûter à la collectivité environ                  guider l’action publique en période de crise : tandis que les
  émergera dans les sociétés européennes, France incluse.                                                                                                                 bénéfices directs de la réduction des gaz à effet de serre                                l’action publique est crucial. Cela d’autant que toutes
                                                                                       50 milliards d’euros et à tuer 50 000 personnes en France                                                                                                                    ces évaluations ont été opérées avant la survenue de la
  Dans un contexte où des contraintes pèseront sur les                                 chaque année 2 – cela sans préjuger d’effets aggravants                            sont globaux, certains co-bénéfices, comme la réduction
                                                                                                                                                                          de la pollution de l’air, sont directement observables à                                  crise induite par le Covid-19, c’est-à-dire sans prendre en
  ressources publiques mobilisables, et où l’engagement de                             durant le Covid-19 – n’a pas été améliorée. L’habitat                                                                                                                        compte les effets d’évitement de prochaines pandémies
  ces dernières réduira drastiquement les futures marges de                            précaire où sont confinés plus de 3 millions de ménages                            l’échelle régionale et à court terme, le tout étant propice à
                                                                                                                                                                          la mobilisation des moyens et à l’émergence de consensus                                  (via la préservation de la biodiversité, dont la valeur devra
  manœuvre, l’optimisation de chaque euro engagé est la                                – dont la santé est fragilisée par ces conditions de vie 3 –                                                                                                                 être également débattue) ou la capacité à les affronter
  clé. Il est en effet impératif que chaque euro public investi                        a été insuffisamment amélioré. Notre collectivité reste mal                        locaux. C’est d’ailleurs non pas la crainte d’une sanction
                                                                                                                                                                          mais bien cette logique de prise en compte des co-bénéfices                               avec résilience (via la réduction de l’habitat précaire, le
  produise le maximum d’effets positifs pour la société, ce                            préparée à des dérèglements climatiques qui ont déjà coûté                                                                                                                   raccourcissement de certaines chaînes de valeur…). Les
  qui suppose d’en analyser l’impact économique observable                             plus de 60 milliards durant les dernières décennies 4.                             qui constitue, dans l’Accord de Paris, le moteur de l’action
                                                                                                                                                                          des Etats – mus par leur intérêt bien compris.                                            co-bénéfices de l’action climatique devront donc être
  à court et moyen termes, certes, mais plus largement,                                La montée de la dette publique, observée dans ce siècle,                                                                                                                     réévalués au sortir de la crise du Covid-19. Gageons qu’il
  d’intégrer à la sélection des mesures les bénéfices conjoints                        n’était donc pas inexorable. Quoi qu’il en soit, valoriser tous                    De nombreux travaux viennent confirmer que les modèles                                    n’y a aucune raison logique – bien au contraire – pour que
  (c’est-à-dire les « co-bénéfices » dans le jargon des                                les co-bénéfices de l’action publique n’est plus une simple                        d’évaluation intégrée qui ne tiennent pas compte des co-                                  ces co-bénéfices soient minorés à l’issue de cette épreuve
  économistes) de l’action publique.                                                   option, mais un impératif. Et c’est aussi se préoccuper de                         bénéfices sous-estiment inévitablement les avantages                                      collective.
  Dans cet esprit, et à la différence de la sortie de crise de                         notre « economy ».
  2008, il est essentiel d’identifier les actions qui offrent des
  co-bénéfices dans trois domaines :                                                                                                                                         ENCADRÉ 1 - LES COÛTS ÉCONOMIQUES DE LA POLLUTION DE L’AIR EN FRANCE

  • l’économie : en contribuant à la relance de l’activité dans                                                                                                              « À partir d›une revue de littérature de 2013, le Commissariat général au développement durable (CGDD) évaluait les
    des filières industrielles et de services essentiels, mais                                                                                                               coûts sanitaires de la pollution de l›air extérieur en France (à savoir les pertes de bien-être individuel, mais aussi les
    également en réduisant l’exposition à des crises futures                                                                                                                 coûts financiers pour le système de soins) entre 20 et 30 milliards d’euros par an, comparables par exemple à ceux de
    (chocs de prix du pétrole comme en 2018 pour le plus                                                                                                                     l’obésité. En 2015, un rapport d’une commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution
    récent, approvisionnement alimentaire et industriel…) ;                                                                                                                  de l’air proposait une estimation significativement supérieure avec des coûts sanitaires compris entre 68 et 97 milliards
                                                                                                                                                                             d’euros de 2000 par an, soit jusqu’à plus de 5 % du produit intérieur brut. À ceux-là s’ajoutent les coûts non sanitaires
                                                                                                                                                                             évalués à plus de 4 milliards d’euros dans le rapport du Sénat et parmi lesquels on trouve les effets environnementaux,
                                                                                                                                                                             notamment sur la biodiversité et les rendements agricoles. L’estimation du coût socioéconomique global pour la
                                                                                                                                                                             collectivité reste soumise à de fortes incertitudes, avec une sensibilité importante à certaines hypothèses, en particulier
                                                                                                                                                                             la valorisation monétaire des années de vie perdues ».
                                                                                                                                                                             Source : Trésor, Le rôle des instruments économiques dans la lutte contre la pollution de l’air, Trésor-Eco, n° 256, Février 2020

                                                                                                                                                                          5 Christophe Cassen, Céline Guivarch, Franck Lecocq, Les co-bénéfices des politiques climatiques : un concept opérant pour les négociations climat ? Natures
                                                                                                                                                                            Sciences Sociétés, EDP Sciences, 2015. La littérature sur ces sujets est synthétisée dans un ouvrage collective recent: Buchholz W. et al., Ancillary Benefits of
                                                                                                                                                                            Climate Policy, New Theoretical Developments and Empirical Findings, Springer Climate, 2020.
  2 Voir la synthèse de ces questions dans une note récente du Trésor : Le rôle des instruments économiques dans la lutte contre la pollution de l’air, Trésor-Eco, n°
                                                                                                                                                                          6 Karlsson, M., Alfredsson, E., Westling, N., Climate policy co-benefits: a review, Climate Policy, 2020.
    256, Février 2020. Voir également les travaux réguliers du Sénat, dont : Lutte contre la pollution de l’air : au-delà du risque contentieux, une urgence sanitaire,
    Rapport d’information n° 412, 2018.                                                                                                                                   7 Balbus, J. M., Greenblatt, J. B., Chari, R., Millstein, D., & Ebi, K. L., A wedge-based approach to estimating health co-benefits of climate change mitigation activities
                                                                                                                                                                            in the United States. Climatic Change, 2014.
  3 Voir Elsa Bidault, Camille Bellois, Jennifer Daude, Revue des approches existantes pour l’analyse des impacts de la précarité énergétique sur la santé des
    populations , ONPE, 2019, ainsi que les travaux du « Réseau Rappel » : https://www.precarite-energie.org/les-risques-sanitaires-de-la-precarite-energetique-          8 West, J.J., Smith, S.J., Silva, R.A., Naik, V., Zhang, Y., Adelman, Z., Fry, M., Anenberg, S., Horowitz, L.W., Lamarque, J.-F., 2013. Co-benefits of mitigating global
    etat-de-l-art-et-fiches/                                                                                                                                                greenhouse gas emissions for future air quality and human health, Nature Climate Change, 3, 885-889.
  4 Selon l’Agence Européenne de l’Environnement, la France a subi 62 milliards de dégâts liés au changement climatique entre 1980 et 2017, soit plus de 1 000 euros      9 Coady, D., Parry, I., Sears, L., Shang, B., May, How large are global energy subsidies? IMF Working Paper WP/15/105, 2015.
    par personne ; seulement 50 % de ces dégâts étaient assurés, ce qui signifie que près de 30 milliards ont dû être assumés directement par les ménages, les            10 Andersen, M. S., Co-benefits of climate mitigation: Counting statistical lives or life-years? Ecological Indicators, 201. Bollen, J., The value of air pollution co-benefits
    entreprises et les collectivités publiques affectés. https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/direct-losses-from-weather-disasters-3/assessment-2              of climate policies: Analysis with a global sector-trade CGE model called WorldScan. Technological Forecasting and Social Change, 2015.

2 | I4CE – Mai 2020                                                                                                                                                                                                Co-benefices environnementaux et sanitaires de l’action publique : it’s (also) the economy, stupid ! – I4CE | 3
Sortie de crise en 2008 : la perte du « momentum »                                                                                                        Les conséquences de cette orientation ont été durables :                           • Par ailleurs, le retard pris dans le déploiement de formes de
                                                                                                                                                                                                                                                 mobilité décarbonées aura limité la décrue de la pollution
                                                                                                                                                            • Le soutien public aux financements bas carbone a très
  environnemental par négligence des co-bénéfices                                                                                                             faiblement progressé jusqu’en 2017, et les incitations/                            de l’air, dont le coût collectif est drastique – provoquant
                                                                                                                                                              réglementation publiques n’ont pas contrarié un rebond                             une mortalité « silencieuse » très supérieure à celle du
  L’expérience de 2008 a montré qu’une sortie de crise                                 mesures rectificatives en avril 2009. Sur ces bases, le plan           des investissements carbonés en France à partir de 2015 –                          Covid-2019 dans l’état actuel de nos connaissances 13.
  conçue sans ambition climatique produisait un effet de                               français a représenté 1,1 % du PIB – à l’avant-dernier rang            synchrone avec la chute du prix du pétrole 12 – phénomène                        • La difficulté à tendre vers les ambitions en matière de
  traîne durable, expliquant en partie le retard accumulé en                           des grands pays développés, devant l’Italie – avec un effort           qui aura des effets de long terme – notamment sur le parc                          rénovation des logements – soit atteindre le rythme de
  2020 et pointé par le Haut Conseil pour le Climat 11. Une                            principalement concentré sur 2009 et un fort accent mis                automobile.                                                                        500 000 par an – n’aura pas permis de réduire suffisamment
  analyse du plan de relance de 2008 – dans un contexte                                sur l’investissement (qu’il soit public ou privé), à hauteur de                                                                                           la fragilité sanitaire des populations précaires – due à un
                                                                                                                                                            • Notre collectivité aura été mal préparée à la remontée du
  différent dans ses fondements, mais comparable par                                   50 % de l’engagement global.                                                                                                                              inconfort thermique, à une humidité et des moisissures,
                                                                                                                                                              prix du pétrole en 2018, facteur déclenchant de la crise
  l’ampleur du choc – peut éclairer l’effet de la non prise en                         Concernant spécifiquement la composante « inves-                                                                                                          à une mauvaise qualité de l’air intérieur… – et aura
                                                                                                                                                              des Gilets jaunes, avec les conséquences que l’on sait
  compte des co-bénéfices de l’action publique et éclairer les                         tissements publics » (figure 1), 8,5 Md€ ont donc été au                                                                                                  accru les difficultés du confinement et plausiblement ses
                                                                                                                                                              depuis lors.
  choix qu’implique la crise sanitaire de 2020.                                        mieux neutres à court terme pour le climat, représentant                                                                                                  conséquences.
  Le plan de relance français, annoncé par le Président                                cependant dans ce cas autant d’« opportunités manquées »
  de la République le 4 décembre 2008, a consisté en un                                de verdir l’économie ; et au pire défavorables au climat.
  engagement initial de 26 Md€ étendu à 35 Md€ par des
                                                                                                                                                               ENCADRÉ 2 - ILLUSTRATION DE MESURES SUSCEPTIBLES DE PRODUIRE UNE VARIÉTÉ
                                                                                                                                                               DE CO-BÉNÉFICES
  FIGURE 1                                                                                                                                                     A la différence de 2008, la maturité des filières bas carbone permet de cibler de nombreuses pistes de mesures
  ÉVALUATION DES MONTANTS D’INVESTISSEMENT PUBLIC FAVORABLES ET DÉFAVORABLES AU CLIMAT
                                                                                                                                                               susceptibles de produire une diversité de co-bénéfices économiques-environnementaux–sanitaires. La liste ci-après
  OU À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DANS LE PLAN DE RELANCE EN 2008
                                                                                                                                                               constitue une simple « liste ouverte » destinée à stimuler la réflexion à travers les exemples fournis :
                                                                                              Total                          Neutre ou
    Volet                                                                                    (Mds €)           Favorable    indéterminé      Défavorable       • accélérer la rénovation thermique du parc d’hôpitaux et d’Ehpad de façon à affronter des épisodes caniculaires dans
                                                                                                                                                                 de meilleures conditions et sans recours excessif à la climatisation ;
    Effort exceptionnel de 4 Mds€ pour les investissements de l’État                           4,1                0,8            3,4                0,0
                                                                                                                                                               • prioriser la rénovation thermique des ménages souffrant de précarité énergétique, pour améliorer leur confort (face à
    Effort exceptionnel d’investissement des entreprises publiques                             4,1                1,3            2,6                0,2          des épisodes de froids ou chaleurs excessifs, des futurs chocs épidémiques, …) et contenir les problèmes de santé
    Soutien à l’investissement des collectivités locales                                       2,5                0,0            2,5                0,0
                                                                                                                                                                 dont ils pâtissent plus fréquemment ;
                                                                                                                                                               • renouveler les flottes de logistique urbaine et périurbaine en faveur des véhicules « bas carbone » (électriques,
    TOTAL                                                                                     10,7                2,0            8,5                0,2
                                                                                                                                                                 bioGNV) pour concourir à l’amélioration de la qualité de l’air (et à la réduction des nuisances sonores), favoriser des
  Source : calculs des auteurs, d’après Dossier de presse – Plan de relance de l’économie française Douai 4 décembre 2008                                        circuits courts peu nocifs ;
                                                                                                                                                               • encourager le report modal vers le fret ferroviaire pour concourir également à l’amélioration de la qualité de l’air et
  Ajoutons que d’autres évaluations viennent conforter un                                total), à travers des incitations dans les renouvelables                accroitre l’efficacité des chaînes logistiques (facteur d’attractivité dans le cadre d’une stratégie de relocalisation) ;
  bilan mitigé du plan de relance français. Le cabinet Ecofys                            (photovoltaïque), l’efficacité énergétique des bâtiments,             • favoriser les mécanismes d’économie circulaire en valorisant les déchets agricoles sous la forme de biométhane
  a conduit une analyse environnementale du plan de relance                              les transports et les réseaux électriques ;                             (susceptible d’alimenter une filière de bioGNV pour la mobilité), pour diversifier également le portefeuille d’activités
  français, ainsi que des plans de cinq autres pays ou blocs                           • Mais ce plan intégrait également des soutiens à des                     des agriculteurs ;
  régionaux. Pour la France, l’étude d’Ecofys aboutit aux                                activités défavorables, à hauteur de 300 M€ (soit environ             • ...
  conclusions suivantes :                                                                1 % du total), avec la construction de routes et le soutien
  • Les incitations favorables représentent une proportion                               aux centrales électriques fonctionnant aux énergies
    assez faible de l’ensemble (2,1 Md€, environ 8 % du                                  fossiles.

  FIGURE 2

    EFFETS FAVORABLES OU DÉFAVORABLES À L’ACTION CLIMATIQUE DES PLANS DE RELANCE DE 2008 (% PIB)
                                                       Négative           Positive

             UK
                                                                                                                             Renewables
         France                                                                                                              Energy efficiency
                                                                                                                             Transport
            Italie
                                                                                                                             Electric grid infrastructure
            USA                                                                                                              Carbon capture and storage
                                                                                                                             Road building
     Allemagne                                                                                                               Fossil fuels

                     -0,8 %   -0,6 %     -0,4 %      -0,2 %      -0,0 %       0,2 %      0,4 %         0,6 %      0,8 %

    Source : Ecofys, How climate friendly are the economic recovery packages?, Avril 2009.

                                                                                                                                                            12 Haut Conseil pour le Climat, Rapport annuel Neutralité Carbone, Juin 2019.
                                                                                                                                                            13 Tout du moins au moment où nous écrivons, fin avril 2020, et où la mortalité du Covid-19 avoisine les 25 000 décès en France, soit la moitié du nombre de vies
  11 I4CE, Panorama des financements climat, édition 2019.                                                                                                     abrégées par la pollution de l’air en année « normale ».

4 | I4CE – Mai 2020                                                                                                                                                                              Co-benefices environnementaux et sanitaires de l’action publique : it’s (also) the economy, stupid ! – I4CE | 5
En 2020, l’Europe est une terre fertile                                                                                                                                        FIGURE 3

  en co-bénéfices                                                                                                                                                                 EFFETS SUR LA CROISSANCE D’UNE TRANSITION BAS CARBONE

                                                                                                                                                                                   5%
  Cette évaluation ex-post de décisions prises lors du                                     C’est bien dans cette perspective que le Haut Conseil pour                                                                                                                                                      Indirect and induced effects
                                                                                                                                                                                   4%                                                                                                                      Investment
  précédent grand choc subi par notre société a pour seul                                  le Climat, dans un rapport spécial d’avril 2020 21, souligne
                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Trade
  intérêt d’éclairer les décisions à prendre en 2020 et au-                                pour la France le besoin de prendre en compte les co-
  delà et de répondre à la demande de résilience que ne                                    bénéfices de l’action climatique : « [la relance] doit être                             3%

  manqueront pas d’exprimer nos concitoyens.                                               verte, pas grise, maximiser les co-bénéfices pour le climat
                                                                                                                                                                                   2%
  Intégrer les co-bénéfices à la décision publique est non                                 et les écosystèmes, et ne pas verrouiller des trajectoires
  seulement une nécessité, mais une source d’espérance                                     carbonées. Les synergies entre climat, environnement et
                                                                                                                                                                                   1%
  pour les Européens. Des travaux ont établi de longue                                     santé doivent être renforcées – lutte renforcée contre les
  date la portée de l’action climatique pour l’Union dans                                  pollutions, contre la déforestation importée, amélioration
                                                                                                                                                                                   0%
  son ensemble : selon Van Vuuren et al.(2006) 14, les seuls                               nutritionnelle des régimes alimentaires, évolution des modes
  co-bénéfices de la qualité de l’air liés à la réalisation des                            de transport. ». D’où ces préconisations dans l’orientation
                                                                                                                                                                                  -1 %
  objectifs européens du protocole de Kyoto représentaient                                 d’une stratégie d’urgence en fonction de quelques critères
  environ 50 % des coûts de mise en œuvre de cette                                         simples : « Elle doit contribuer directement à une transition
                                                                                                                                                                                         Middle East      Sub-       Southeast        East        Rest of         Oceania   European   Rest of    Latin America    North     WORLD
  politique, tandis que Schucht et al. (2015) 15 réévaluent                                bas-carbone juste – atténuation, adaptation, réduction des                                        and         Saharan       Asia           Asia         Asia                      Union     Europe          and        America
                                                                                           vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience ; si                               North Africa     Africa                                                                                 the Carabbean
  cette proportion à 85 %. Dechezleprêtre et al. (2019) 16,
  observe qu’une augmentation de la concentration de                                       elle est principalement affectée à un autre objet de dépense                           Source : IRENA, Global Renewables Outlook : Energy transformation 2050, 2020.
  particules fines (PM2,5) de 1 μg/m3 (correspondant à une                                 (notamment santé ou biodiversité), elle a un co-bénéfice
  augmentation moyenne d’environ 10 % en Europe) induit                                    climat en faveur de l’atténuation ou de l’adaptation ; elle ne
  une contraction du PIB de 0,8 %, et conclut que ces coûts                                doit pas nuire et ne pas être incompatible avec les objectifs                         Si la répartition de ces gains est inégale entre les régions,                       Le débat collectif sur le Green Deal est donc, plus encore
  économiques dépassent largement ceux engagés pour                                        de l’accord de Paris, en écartant notamment tout effet de                             elle pourrait représenter pour l’Union européenne jusqu’à                           qu’avant la pandémie, crucial pour l’Union européenne.
  réduire ces pollutions.                                                                  verrouillage carbone ».                                                               3 000 USD par habitant et par an, à la condition de faire                           Et, si la France veut concourir à rehausser les ambitions
                                                                                           Spécifiquement pour la France, on pourra également                                    preuve de discernement dans les stratégies de sortie de                             de ce pacte, elle devra faire la preuve de sa cohérence,
  L’ensemble de ces travaux font écho à des estimations
                                                                                           se référer à un travail en cours d’I4CE (2020) 22 qui a                               crise, au début de la décennie 2020.                                                en élaborant une stratégie nationale optimisant les co-
  réalisées sur une base nationale comme Krook Riekkola
                                                                                           sélectionné sept secteurs susceptibles de produire des co-                                                                                                                bénéfices de l’action publique.
  et al. (2011) 17, qui constatent que la politique climatique
  suédoise produit des effets bénéfiques pour la santé                                     bénéfices économiques-environnementaux-sanitaires en
  pouvant atteindre 32 euros par tonne de CO 2 évitée.                                     faisant l’objet d’une impulsion publique en sortie de crise :
  D’importants co-bénéfices sont également mis en évidence                                 la rénovation des logements privés, la rénovation des
  dans le cadre d’analyse conduites à l’échelle de villes                                  bâtiments tertiaires (publics et privés), le déploiement des
  européennes comme Rotterdam (Tobollik et al., 2016) 18 ou                                voitures bas-carbone, les infrastructures de transport en
  Barcelone, Malmö, Sofia et Fribourg (Creutzig, Mühlhoff,                                 commun, les infrastructures ferroviaires, les aménagements
  & Römer, 2012) 19. Pour apprécier la diversité des co-                                   cyclables, et la production d’électricité renouvelable 23.
  bénéfices, au-delà de la seule qualité de l’air, on pourra se                            Soulignons enfin les conclusions d’une étude récente
  référer à Sovacool et al. (2020) qui estiment une large gamme                            de l’IRENA 24 qui estime les effets d’une transition bas
  dans les domaines économiques, environnementaux,                                         carbone à des gains cumulés du PIB mondial de l’ordre
  techniques, sociaux et politiques à partir d’un travail très                             de 100 000 milliards de dollars d’ici 2050, soit près de
  « granulaire » et portant sur l’Allemagne, la France, la                                 400 dollars par habitant de la planète chaque année.
  Norvège et la Grande-Bretagne 20.

  14 Van Vuuren, D. P., Cofala, J., Eerens, H. E., Oostenrijk, R., Heyes, C., Klimont, Z., Amann, M., Exploring the ancillary benefits of the Kyoto Protocol for air pollution
     in Europe. Energy Policy, 2006.
  15 Schucht, S., Colette, A., Rao, S., Holland, M., Schopp, W., Kolp, P., Rouil, L., Moving towards ambitious climate policies: Monetised health benefits from improved
     air quality could offset mitigation costs in Europe, Environmental Science and Policy, 2015.
  16 Dechezleprêtre, A., Rivers, N., Stadler, B., The economic cost of air pollution: Evidence from Europe, OECD Economics Department Working Papers No. 1584,
     2019.
  17 Krook Riekkola, A., Ahlgren, E. O., & Söderholm, P., Ancillary benefits of climate policy in a small open economy: The case of Sweden. Energy Policy, 2011.
  18 Tobollik, M., Keuken, M., Sabel, C., Cowie, H., Tuomisto, J., Sarigiannis, D., Mudu, P., Health impact assessment of transport policies in Rotterdam: Decrease of
     total traffic and increase of electric car use. Environmental Research, 2016.
  19 Creutzig, F., Mühlhoff, R., Römer, J., Decarbonizing urban transport in European cities: Four cases show possibly high co- benefits. Environmental Research
     Letters, 2012.
  20 Sovacool, B.K. , Martiskainen, M., Hook, A., Baker L., Beyond cost and carbon: The multidimensional co-benefits of low carbon transitions in Europe, Ecological
     Economics, 2020.
  21 Haut Conseil pour le Climat, Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir, avril 2020.
  22 Hainaut., H., Ledez M., Perrier., Q., Leguet., B., Geoffron, P., Investir en faveur du climat contribuera à la sortie de crise, I4CE, 2020.
  23 Travail prochainement étendu à d’autres domaines d’activité.
  24 Source : IRENA, Global Renewables Outlook : Energy transformation 2050, 2020.

6 | I4CE – Mai 2020                                                                                                                                                                                                  Co-benefices environnementaux et sanitaires de l’action publique : it’s (also) the economy, stupid ! – I4CE | 7
Réalisation : SophieBerlioz.fr

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