Comment la mobilité modèle les territoires urbains - Une étude centrée sur les interfaces avec les réseaux nationaux
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Comment la mobilité modèle les territoires urbains Une étude centrée sur les interfaces avec les réseaux nationaux 1 Septembre 2019
Glossaire Agglomération Split modal espace formé par des communes sociale- valeur indicative des parts de chaque sys- ment et économiquement étroitement liées tème de transport dans le trafic global (en les unes aux autres. (D’après Statistiques général exprimée en trajets par jour, parfois des villes suisses, p. 134 –> https://staed- aussi en distance parcourue par jour) teverband.ch/cmsfiles/ssv_jahrbuch_2019_ webversion.pdf?v=20190807113450) Centre secondaire «point fort de développement» avec urba- Digitalisation nisation ciblée au sein d’une région urbaine mise en réseau des données et des options (p. ex. Berne Wankdorf, Lausanne Vennes, qui en résultent telles que la formation et la Lucerne Nord, Zurich Altstetten) commercialisation des chaînes de transport composées de différentes modes de trans- TP port ou l’autorisation donnée à des véhicu- transports publics: moyens de transport les de se déplacer de manière autonome collectifs (train, tram, bus, bateau) Accessibilité Centre régional potentiel d’un lieu à interagir avec d’autres ville-centre d’agglomérations petites à lieux. L’accessibilité se compose d’une moyennes, qui en général font partie d’un partie potentielle (À quelles activités/utili- autre espace d’agglomération de taille plus sation peut-on accéder?) et d’une partie de importante ou d’un espace métropolitain résistance (Combien d’input, c.-à-d. coûts/ orienté vers une grande ville (p. ex. Lenz- temps de transport/etc., est nécessaire bourg, Thoune, Yverdon-les-Bains, Wil SG) pour accéder à ce lieu?) Région urbaine MD ville-centre et communes-centres mobilité douce, modes de transport doux d’agglomération d’une agglomération (piétons et cyclistes) (Selon l’OFS: espaces à caractère urbain, p.12: -> https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/ Ville-centre home/statistiques/catalogues-banques- ville ou localité centre d’une agglomération donnees/publications.assetdetail.349561. html) TIM trafic individuel motorisé (voitures, camions, deux-roues motorisés) Mobility as a Service (MaaS) prestation globale de mobilité, à savoir off- re qui combine les prestations de différents moyens de transport en les adaptant les uns aux autres pour en faire une chaîne de transport ininterrompue
Table des matières Introduction ....................................................................................................................... 4 Structure et perspectives actuelles des territoires urbains ................................................ 5 La structure de la ville en mutation ................................................................................. 20 Thèses sur la mobilité dans les territoires urbains .......................................................... 24 Les objectifs de mobilité des territoires urbains .............................................................. 32 Pistes d’action possibles ................................................................................................ 34 Conclusion et recommandations .................................................................................... 40 Bibliographie ................................................................................................................... 46
Introduction Les Territoires urbains de Suisse se voi- esquisse des approches possibles et des ent confrontés à de grands défis dans la mesures susceptibles de contribuer à har- gestion de la mobilité et l’organisation de moniser entre eux la mobilité urbaine et les l’infrastructure sur laquelle elle repose. Con- systèmes de transport de la Confédération formément à la Constitution fédérale, à la loi et des cantons. L’Union des villes suisses, fédérale sur l’aménagement du territoire et commanditaire de cette étude, entend ainsi aux concepts cantonaux de développement apporter notamment une contribution qua- territorial, les territoires urbains devront lifiée à la discussion sur le développement absorber au cours des années et des dé- des liaisons nationales. Cela concerne le cennies à venir la majeure partie de la crois- renforcement du plan sectoriel Transports sance démographique et de l’augmentation comme instrument stratégique et le déve- du nombre d’emplois de Suisse, soit quel- loppement des Programmes de développe- que 2 millions d’habitantes et habitants ment stratégique du rail et des routes ainsi supplémentaires d’ici 2045 [7], et ce autant que des projets d’agglomération, déjà mis que possible au sein de l’espace urbani- au point sur le mode du partenariat entre sé existant. Dans les territoires urbains, la les différents échelons de l’État. Par ailleurs, mobilité devra être adaptée à la densité de il s’agit aussi d’identifier pour les villes et personnes et de bâtiments qui résultera de les agglomérations des domaines d’action ce phénomène. En même temps, la mobilité pertinents qu’il faudra à l’avenir exploiter urbaine devra préserver le climat et éga- encore davantage. L’étude entend être une lement prendre en compte des tendances contribution à une discussion objective sociétales telles que le vieillissement de la et partenariale des thèmes entre tous les population. Par ailleurs, dans les territoires acteurs concernés. urbains, la mobilité doit être orientée sur les mutations des centralités au sein des es- L’analyse qualitative, dont il sera déduit des paces urbains au fur et à mesure de la crois- thèses et des liens de cause à effet sur la sance démographique et de l’augmentation base de l’évolution historique, est conçue du nombre d’emplois. Afin de garantir tout comme une méta-étude reposant sur diver- cela, les villes suisses doivent tirer habile- ses études récentes réalisées en Suisse ou ment parti des marges de manœuvre et des dans des pays étrangers proches ou com- chances qui résultent des évolutions tech- parables. L’étude ne fournit pas solutions nologiques. Il faudra pour ce faire intégrer spécifiques pour certaines villes en particu- la planification de la mobilité urbaine dans lier, mais comme une boîte à outil, propose, un système de transport national et dans en partant de conclusions fondamentales, des systèmes de transport cantonaux qui des pistes d’action possibles susceptibles prennent aussi en compte les besoins des d’améliorer la compatibilité du système de espaces moins densément peuplés. transport de la Suisse avec les villes et les agglomérations à l’horizon 2050. Elle prend Partant d’un récapitulatif des interactions notamment en compte dans sa démarche historiques entre aménagement des trans- l’interaction entre urbanisme, planification ports et aménagement du territoire, des des transports urbains et planification de nouvelles évolutions technologiques et des l’infrastructure de la Confédération, et tout objectifs stratégiques actuels des politiques particulièrement le développement du ré- de mobilité des villes, la présente étude seau de routes nationales, qui présente le 4
plus de domaines de tension avec une mo- modes de transport ou encore en matière bilité urbaine caractérisée par une densité d’aménagement du territoire et de planifi- du bâti et de la population. cation des transports. Vient s’ajouter à cela un groupe d’écho comprenant un repré- L’étude s’appuie sur une recherche dans sentant de la politique et un représentant la littérature spécialisée, sur les expérien- de l’administration possédant chacun une ces des auteurs en tant qu’aménageurs du expérience en matière d’aménagement du territoire et planificateurs des transports territoire, ainsi que la directrice et le respon- ainsi que sur les interviews avec des « sable mobilité de l’Union des villes suisses. témoins privilégiés » issus de la pratique, qui possèdent une expérience profession- On trouvera les biographies succinctes des per- nelle à divers échelons de l’État, avec divers sonnes ayant participé à l’étude à la page 49. La structure de la ville en mutation La structure spatiale de la Suisse telle politiques. L’histoire de la structure urbaine qu’elle est actuellement et les infrastruc- et la conception des infrastructures de tures qui y sont intégrées sont le fruit d’une transport à différentes époques est par évolution en interaction constante au cours conséquent étroitement liée à l’histoire des des deux derniers siècles. Les facteurs des modèles et des paradigmes en Suisse, changements ont été d’une part les muta- dans une optique sociétale, urbanistique et tions économiques, de l’autre les nouvelles de planification du trafic [31]. technologies, et souvent les décisions 00 10 0 0 0 0 0 0 0 0 2 3 4 5 6 7 8 9 Modèle urbanistique 20 20 19 19 19 19 19 19 19 19 Temps des fondateurs/tournant du siècle (1858-1930) Séparation des fonctions (1930-50) La ville adaptée à la voiture (1950-60) Urbanité par la densité (1960-90) La ville compacte (1990-2010) Modèle sociétal Départ du progrès (1950-70) Le réveil écologique (1970-80) Restriction «la jute à la place du plastique» (1980-90) Néolibéralisme (1990-2000) Globalisation/prospérité (2000-2010) Modèle de planification des transports Mise en place des TP urbains (1900-45) Intégration du trafic individuel (1945-55) Extension du réseau routier au profit des TIM (1955-70) Extension des TP après prise de conscience verte (1970-80) Dégroupage des moyens de transport (1970-1990) Pensée globale/coexistence (1990-2010) 5
Le bref aperçu historique qui suit vise à mettre en lumière les changements au cours de trois périodes, avec un accent particulier mis sur les territoires urbains. Avant-hier (avant 1945) floraison de villes du tram et du vélo dans un pays du chemin de fer Aux débuts de l’État fédéral, la struc- donc croître la demande de main d’œuvre ture spatiale et urbaine de la Suisse est dans la périphérie des villes. Ce sont les marquée par le système économique du débuts du trafic pendulaire et c’est entre Moyen Age et des Temps modernes et autres pour le maîtriser que les premiers par les accessibilités: en tant que centres moyens de transport sont nécessaires: administratifs et de commerce, les villes dans les villes en pleine croissance, dès sont entourées de villages agricoles qui, 1862, les premiers trams tirés par des che- en plus de leur propre approvisionnement vaux (Genève), puis les premiers tramways assurent aussi celui des villes en denrées électriques (Vevey–Montreux–Villeneuve alimentaires. La zone économique de ces en 1888, Zurich en 1894) révolutionnent villes dépend des moyens de transport les transports. A partir des années 1930, existants, non motorisés (trafic piétonnier, le vélo devient un moyen de transport de cheval, voies fluviales) et elle est petite. masse relativement bon marché dans les Entre la ville est son arrière-pays, la priorité villes et leurs environs immédiats. Il con- est au transport des marchandises. Il n’y a currence ainsi les lignes de tram encore pratiquement pas de pur trafic de person- jeunes. Dans des corridors encore étroits nes, les gens travaillent là où ils habitent. le long des lignes de chemin de fer de La structure centre-périphérie sur un petit banlieue, d’anciens villages de campagne espace, typique du Plateau suisse, limite la se développent pour devenir les premières croissance des villes [32]. communes d’agglomération. Dès les an- nées 1930, les dessertes par bus permet- Les entreprises industrielles apportent tent pour la première fois une croissance une nouvelle dynamique: elles dépendent dans l’étendue. de l’énergie hydraulique et des forces de travail et s’installent donc principalement Avec l’accélération des moyens de trans- dans et autour des villes. Les villes crois- port, les quartiers de l’ère industrielle et sent rapidement, mais n’arrivent pas à les nouvelles zones d’habitation dans les répondre assez vite à la demande de main agglomérations se développent de manière d’œuvre qui augmente sans cesse. On voit plus lâche que les centres médiévaux, ce 6
La Paradeplatz à Zurich entre 1919 et 1924: bien qu’il existe déjà des trottoirs, les piétons, les cyclistes, les charrettes, les trams et les premières voitures se partagent la rue. Source: Bibliothèque de l’EPFZ, archives photo. Photographe: inconnu (domaine public) qui correspond à l’idéal de la «ville jardin», fragmentée. Cependant, les accessibili- souhaitée par les politiques et les urbanis- tés entre les différents centres du Plateau tes [35]. Dans les villes, les centres médié- augmentent, constituant un moteur impor- vaux avec leurs places de marché restent tant de l’émergence d’un marché intérieur d’importants points d’identification urbains, national fort. complétés dans les plus grandes villes par des axes de représentation souvent Les différentes rues de la ville convergent orientés vers les gares centrales. Dans les généralement en étoile vers le centre, communes de banlieue, les centres-villes respectivement vers les anciennes portes gardent une fonction de centre local. de la ville et se croisent dans le centre historique, souvent dans un espace rest- Le trafic entre les différentes villes ne joue reint. Avant la Seconde Guerre mondiale, encore qu’un rôle mineur en termes de l’urbanisme planifie délibérément les es- volume. Les routes de campagne histo- paces routiers comme espaces publics riques servent avant tout au trafic entre les et selon le principe de coexistence [24]: la villes et les villages agricoles des environs. chaussée est utilisée en trafic mixte par Poussé par l’esprit d’entreprise de l’ère tous les moyens de transport ensemble, industrielle, puis aussi plus tard par des des piétons aux vélos, en passant par les considérations fédéralistes, le réseau ferro- calèches, les trams et les premières auto- viaire va s’étendre petit à petit à l’ensemble mobiles. La condition pour cela est que la du territoire. L’offre est encore largement plupart des moyens de transport vont à 7
peu près à la même vitesse et que le seul qui va plus vite – l’automobile – ne représente encore qu’une part relativement faible de l’ensemble du trafic. Il n’existe pas encore de poli- tique globale, coordonnée des transports. Elle se développe de manière sectorielle, avec sa propre législation, son propre financement et sa propre planifi- cation pour chacun des différents modes de transport [44]. Comme les goulets d’étranglement sont encore totalement inconnus, le manque de coordination n’a à ce stade aucun effet négatif. Autour de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de crise écono- mique et de concurrence entre le secteur du transport routier et les chemins de fer, on assiste à des efforts pour coordonner dans la loi le transport des marchandises par le rail et par la route (primauté du rail dans le transport longue distance), respectivement pour l’inscrire dans la Constitution [44]. L’automobile est en train de conquérir le paysage urbain – pour autant, c’est en- core le trafic piéton et cycliste, ainsi que les transports publics qui supportent l’essentiel de la charge. La Paradeplatz de Zurich peu après la guerre (1947). Source: Bibliothèque de l’EPFZ, archi- ves photo. Photographe: Comet Photo AG (CC BY-SA 4.0).
Hier (1945–1990) La Suisse, pays de l’automobile, atteint les limites dans l’espace urbain Après la Seconde Guerre mondiale, trois Les zones habitées du Plateau tendances et leurs interactions vont modi- s’étendent jusqu’à former un vaste cor- fier en profondeur la structure de la mobi- ridor urbain d’un seul tenant («étalement lité et des espaces qui y sont dévolus en urbain»), mais souvent moins dense dans Suisse. les périphéries. La proximité d’une gare de chemin de fer ne joue guère de rôle dans L’automobile détrône le rail comme mo- la répartition spatiale et même les centres yen de transport principal sur les longues historiques des villages perdent peu à peu distances, et aussi le tram et le vélo sur les de leur importance. En plus de ces deux courtes distances. Entre 1950 et 1970, le facteurs, cette évolution se voit favorisée nombre des voitures et des camions se voit par le désir croissant d’avoir «sa prop- multiplié par huit [43]. En tant que moyen de re maison dans la verdure» ainsi que par transport agissant sur la surface, la voiture l’absence d’une planification centralisée permet d’accomplir plus de trajets, et des du territoire, respectivement des bases trajets plus longs, et élargit ainsi l’espace légales nécessaires. Avec la croissance dans lequel les entreprises et les privés économique dans les centres, la division peuvent choisir de s’installer. Dans la pe- des fonctions habitat et travail et les trajets tite Suisse, avec ses nombreux centres de pendulaires de plus en plus nombreux qui petite et de moyenne taille, cette évolution en découlent deviennent la norme. brise en grande partie l’ancienne structures centre-périphérie. Dans l’ensemble, la politique suisse des transports durant cette phase est marquée L’économie connaît une croissance et par la confiance en la croissance et centrée des mutations rapides. Les entreprises sur la route [24], tant du côté de la Confédé- industrielles stagnent, mais le secteur terti- ration que de celui des cantons et – encore aire gagne fortement en importance. Celui- à cette époque – des villes. Les principaux ci n’est plus tributaire d’une liaison ferro- moteurs de l’infrastructure sont des ré- viaire ou d’un emplacement au bord d’un seaux routiers étendus destinés au trafic fleuve, mais seulement d’une main d’œuvre motorisé, en particulier le réseau autorou- la plus abondante possible. Les places de tier, construit dès les années 1960 par la travail se concentrent donc dans les villes Confédération, dans une optique de routes avec un arrière-pays étendu, facilement nationales. En parallèle, les villes se voient atteignable, où vivent de nombreux emplo- réaménagées dans un sens «favorable à yés potentiels. l’automobile»: l’espace routier existant est Le trafic routier conduit bientôt aux premiers problèmes dans les villes. Aussi bien dans les grandes villes (Uraniastrasse, Zurich, 1963)… Source: Bibliothèque de l’EPFZ, archives photo. Photographe: Jules Vogt (CC BY-SA 4.0). 10
clairement divisé et largement alloué au période. La demande chute de manière trafic motorisé. La perméabilité au trafic drastique, en particulier pour le rail: sa piéton et cycliste baisse nettement, et aux part au trafic des marchandises passe de grands carrefours, les piétons sont refoulés 71% en 1950 à 55% en 1972. Le trafic dans des passages sous-voie. A titre de des personnes chute de 30% en 1960 à «compensation» apparaissent les zones pi- 16% à peine en 1972, les déficits des CFF étonnes, avec des parkings en bordure. Le augmentent fortement [43]. De nombreuses trafic cycliste est souvent totalement oc- villes remplacent leur ligne de tram par culté, respectivement encore toléré comme des trolley- ou des autobus, ce qui a des un phénomène marginal perturbant sur les effets négatifs alors qu’en même temps, voies de circulation des voitures. Les voies le trafic routier augmente. Quelques lignes d’accès à la ville sont fortement dévelop- interurbaines sont abandonnées, mais le pées, par la construction de gros éléments phénomène n’atteint jamais l’ampleur qu’il d’infrastructure comme des ponts ou des prend dans les pays voisins. Il n’y a que tunnels en pleine ville (par exemple Route peu d’investissements dans de nouvelles de Berne/Place de la Sallaz à Lausanne, infrastructures de transports publics, en Sihlhochstrasse à Zurich, Monbijoubrücke particulier en milieu urbain. Contrairement à Berne, Kasernenplatz à Lucerne), qui à ce qui se passe dans certaines villes éliminent le tissu bâti existant. étrangères, où l’on voit apparaître dans les années 70 des réseaux de métro et Pour l’essentiel, le réseau et l’offre des de trains de banlieue, en Suisse, de tels transports publics stagnent durant cette projets font naufrage dans les urnes. Des … que dans les plus petits bourgs, c’est le trafic automobile qui domine l’espace public (Morat, 1963) Source: Biblio- thèque de l’EPFZ, archives photo. Photographe: Jules Vogt (CC BY-SA 4.0). 12
exceptions, comme la modernisation du En plus de leur fonction prévue à trafic régional Berne-Soleure, confirment la l’origine d’épine dorsale du réseau national, règle. Les corridors ferroviaires qui étaient les autoroutes soulagent les rues des villes importants avant la Seconde Guerre mon- d’une partie du trafic de transit – mais en diale perdent de leur importance en termes même temps, elles augmentent la char- de structure territoriale. Ce n’est qu’avec ge de trafic dans les villes, parce qu’elles l’introduction de l’horaire cadencé en 1982 rendent possible de longs mouvements que le transport ferroviaire regagne lente- pendulaires et font augmenter le trafic ment des parts de marché. automobile entre les zones urbaines et les périphéries. La logistique routière gagne fortement en importance. Des pôles logistiques appa- Les aménagements des rues des vil- raissent sur des sites bien desservis pro- les au profit de l’automobile font d’elle le ches des accès autoroutiers. Des postes moyen de transport dominant, aussi en de travail se voient déplacés des centres ville – mais dans les centres historiques, classiques vers des lieux qui se distinguent l’espace pour ce trafic se fait de plus en avant tout, ou exclusivement, par leur pro- plus restreint et les surcharges augmen- ximité des axes de transport. L’accessibilité tent. Les zones piétonnes des centres, par l’autoroute autour des petits et moyens avec leurs commerces se voient par la sui- centres du Plateau remplace progressive- te concurrencées dans leur rôle de points ment la proximité du chemin de fer comme d’identification urbains par les centres avantage d’emplacement pour des zones commerciaux des agglomérations, qui sont d’activité gourmandes en surface et des plus facilement atteignables en voiture. centres commerciaux qui génèrent beau- coup de trafic. Vers la fin de la période, les Avec la prise de conscience des effets surfaces dévolues à la logistique en ville négatifs de la ville adaptée à la voiture et se font de plus en plus rares et se dépla- l’émergence d’une conscience environ- cent dans les agglomérations alentour. La nementale (Club de Rome, «limites de la quantité de marchandises transportées par croissance», dimanches sans voitures, mort la route continue d’augmenter – aussi au des forêts, etc.), la résistance contre une détriment du trafic ferroviaire. planification urbaine dominée par la voiture augmente. Des plans de remodelage en- Malgré ces mutations dans les centres, les core plus ambitieux des espaces routiers villes ne profitent pas à plus long terme des urbains au profit du trafic automobile, com- nouvelles évolutions, au contraire: avec le me on en voit dans de nombreuses villes développement rapide des banlieues et européennes, sont abandonnés face à la l’accroissements des émissions dues au résistance politique, et de nombreux axes trafic dans les villes, on assiste à un vérita- principaux dans les villes conservent leur ble exode urbain. A partir de 1970, le nom- caractère de «corso». Les villes prennent bre d’habitants dans toutes les grandes vil- un rôle pionnier dans la planification et dé- les de Suisse diminue (parfois jusqu’à 20% veloppent les premières conceptions glo- jusqu’en l’an 2000). En outre, d’anciennes bales des transports [44]. Au niveau national, entreprises industrielles délocalisent leur la Conception globale suisse des trans- production, laissant derrière elles des fri- ports suit en 1977, mais son projet de mise ches dans les quartiers périphériques. Le en œuvre est refusé par le peuple en 1988. caractère ambivalent du trafic routier devi- Elle n’en a pas moins eu un impact [43]. ent visible: 13
Aujourd’hui (1990–2020) Des villes du tram du bus et du vélo dans un pays de la voiture et du train (de banlieue) A partir de 1990, la prise de conscience systèmes de métros souterrains ne passent croissante de l’environnement, la surcharge pas en Suisse. Le succès du métro à Lau- routière, et celle des zones résidentielles sanne reste une exception. Les instruments due au trafic individuel motorisé font du de financement pour le développement des développement des transports publics la transports publics sont les Projets d’agglo- clé pour résoudre les problèmes de trafic mération, par lesquels la Confédération dans les zones urbaines. Lors de plusieurs cofinance des infrastructures de transport votations (1992 Nouvelles transversales fer- urbain basées sur des concepts régionaux roviaires alpines, 1994 Initiative des Alpes, pour le développement de l‘habitat et des 1998 Financement des projets d’infrastruc- transports [20]. Avec la légitimation politique ture des transports publics (FTP), 2001 Loi que confère l’acceptation dans de nom- sur le transfert du transport de marchan- breuses villes des initiatives «actif-trafiC» dises et Redevance sur le trafic poids lourds ou des contre-projets correspondants, les liée aux prestations), le souverain national espaces routiers jusqu’ici adaptés aux be- fixe le cadre au profit du rail, également pour soins du trafic automobile se voient de plus le trafic des marchandises. Pourtant, c’est en plus redessinés en tenant compte des d’abord sur la route que celui-ci augmente: intérêts des habitants et en mettant l’accent la part du rail au trafic des marchandises sur l’offre. Avec le Programme national de tombe de 52,9% en 1980 à 36,9% en 2009 recherche «Ville et transport» (PNR 25), on et reste depuis lors à ce bas niveau. Dans a identifié jusqu’en 1995 des approches la même période, le transport des marchan- pour une mobilité mieux adaptée à la ville, dises par la route double, puis stagne à la ainsi que les processus de planification suite de la crise financière et économique [8]. nécessaires. [46]. Dans le PNR 41 «Trans- Pour le transport des personnes, les grands port et environnement: Interactions Suisse projets des trains de banlieue de Berne et – Europe», on a examiné jusqu’en 2001 des de Zurich, Rail 2000 ainsi que les commu- solutions pour une politique de mobilité plus nautés tarifaires qui vont avec jettent les efficace et respectueuse de l’environnement bases de transports publics plus attractifs, et des conditions sociales, également par- pour les transports locaux comme pour les dessus les frontières [47]. longues distances. L’orientation de l’offre sur des nœuds ferroviaires forts qui servent En conséquence de ces nouvelles décou- de plaques tournantes est au centre des ef- vertes et du changement des orientations forts, et n’a fait l’objet d’un examen critique politiques, à la faveur également d’un fort que récemment [45][49]. A partir de l’an 2000 en développement économique, on assiste particulier, les réseaux de trams et de bus se dès le début des années 2000 à une réur- voient fortement développés dans de nom- banisation sensible. La population des villes breuses régions urbaines. Par contre, les recommence à augmenter. Après un recul 14
du nombre des places de travail au tour- de banlieue, et parfois du réseau routier nant du siècle, les villes ont aussi depuis à grand débit, l’agglomération, avec ses 2005 retrouvé la croissance comme lieux réserves - souvent encore considérables et de travail pour le commerce et l’industrie comparativement bon marché - de terrains avec une forte augmentation de l’impor- à bâtir, reste attractive pour y habiter. Ren- tance de l’économie créative. Les employés forcée par des mesures de politique d’amé- de ces secteurs apprécient tout particu- nagement du territoire, la croissance se fait lièrement une haute qualité de vie lorsqu’il surtout sur les communes bien desservies, s’agit de s’installer quelque part [33] Les villes autour des gares des trains de banlieue, se développent de plus en plus comme dans les centres urbains secondaires ou espaces pour les activités et l’habitat tran- dans le cœur de l’agglomération. Au lieu quilles, tandis que les agglomérations, en des anciennes entreprises artisanales et plus du logement, accueillent une partie des industrielles, on voit s’y installer de plus en activités bruyantes et de la logistique. La plus d’entreprises du secteur tertiaire, ce disponibilité des terrains, qui était autrefois qui fait augmenter la densité des places faible dans les centres des villes, augmente de travail. Les centres régionaux (comme avec les surfaces industrielles, logistiques et Burgdorf, Zoug, Baden, Wil dans le canton ferroviaires qui se libèrent. En même temps, St-Gall, Montreux) deviennent ainsi partie l’attractivité retrouvée des villes fait monter des grandes agglomérations voisines et se les prix de l’immobilier. Dans ce contexte développent comme des communes, res- de densification, la population croissante pectivement des villes «de rotation», avec des villes souhaite davantage d’espaces un nombre aussi élevé de pendulaires qui libres, accessibles au public et attractifs. y viennent et qui en partent. Les relations Avec les extensions du réseau des trains pendulaires entre les agglomérations et à Redécouverte des transports publics: la nouvelle gare RER de Stadelhofen à Zurich. Source: Bibliothèque de l’EPFZ, archives photo. Photographe: Gerhard Kammerhuber (CC BY-SA 4.0). 15
l’intérieur de celles-ci deviennent de plus en gestionnés et autour des gares du réseau plus diversifiées et fortes, les distances par de banlieue se forment de nouveaux points coures par la route et par le rail augmentent. d’identification urbains, que les habitants On en arrive à ce que l’on appelle désormais utilisent aussi pour leurs achats. L’offre des la «métropolisation», la formation de cinq transports publics, déjà très bonne, est grands espaces autour de centres grands et utilisée en plein aux heures de pointe et moyens, étroitement imbriqués les uns dans des augmentations de cadence ne serait les autres. guère possible sans générer leurs propres obstacles. Le passage à des systèmes de transports publics plus performants (tram ou métro) peut générer des conflits quant à l’utilisation de l’espace (Tram Affoltern à Zurich) ou se voir refusé par le canton, respectivement l’agglomération, comme étant un moyen de transport (trop) urbain (Tram Région Berne). C’est pourquoi les villes se sont concentrées ces dernières années sur un renforcement du trafic pié- tonnier et cycliste comme complément et planifient à cette fin de nouveaux réseaux. Alors que les cantons - qui de leur côté planifient systématiquement les réseaux de pistes cyclables -, les soutiennent souvent dans la mise en place des réseaux, lorsqu’il s’agit de l’espace routier des accès à la Le nouveau métro «Tramway du Sud-Ouest Lausannois ville, on en arrive à des conflits. Les villes (TSOL)», en service dès 1991. Source: flickr.com. veulent réduire l’effet séparateur du réseau Photographe: André Knoerr, Genève. routier pour les piétons et les cyclistes en localité et gérer le trafic sur l’ensemble de Le volume du trafic motorisé dans les l’espace urbain le plus possible en tenant centres villes stagne le plus souvent, le trafic compte des intérêts des habitants. De leur (pendulaire) supplémentaire dans ces zones côté, les cantons se réfèrent à leur mandat est largement absorbé par les transports légal d’exploiter le réseau routier principal publics. Les dernières extensions du réseau en mettant l’accent sur les flux de trafic autoroutier autour des grands centres (des TIM) et se montrent par conséquent (comme le contournement ouest de Zurich critiques face aux réductions de voies de en 2008) ont été utilisés pour revaloriser des circulation pour les TIM et aux limitations de espaces routiers auparavant très encom- vitesse sur les routes cantonales. Il existe brés, justement dans les centres des quar- par contre un consensus sur la gestion tiers. Les grands projets routiers encore pré- du trafic, quant au fait qu’aux heures de vus aujourd’hui dans les villes centres sont pointe, il faut doser les accès des TIM sur contestés (bretelle nord à Lucerne, contour- les tronçons les plus encombrés des zones nement de Bienne, tunnel du Rosengarten à habitées et donner la priorité aux transports Zurich, Stadttunnel à Zoug), que ce soit en publics routiers. Comme les villes se sont raison de leur coût élevé, de leur utilité pour étendues jusqu’aux autoroutes, la distance les transports nulle ou non comprise ou par à disposition pour effectuer ce dosage hors crainte d’une perte de qualité de vie. Dans des zones habitées est souvent très courte les quartiers de la ville qui se voient décon- et l’on planifie de plus en plus – également 16
en raison de la croissance en périphérie - un tées. Les conditions plus restrictives décou- dosage sur les bretelles d’autoroute éloi- lant de la révision partielle de la LAT n’ont gnées du centre. (encore) que peu freiné la croissance sur les surfaces. Cela s’explique notamment par le Les centres régionaux, ainsi que les cœurs fait qu’en 2017, encore près de deux tiers d’agglomération des grandes régions des réserves de terrains à bâtir se trouvaient urbaines doivent de plus en plus affronter dans les communes petites à moyennes et l’ambivalence du trafic motorisé individuel, qu’il s’agit là pour une part considérable de avec laquelle les grandes villes centres réserves non bâties, à l’extérieur, qui sont étaient déjà confrontées au chapitre «hier»: moins facilement accessibles par les trans- d’une part, ils doivent créer des capacités ports publics que les réserves à l’intérieur routières suffisantes (sur le réseau national des espaces urbains [40]. comme sur le réseau cantonal), condition pour maintenir une attractivité suffisante du C’est dans ce contexte que se déroulent site; mais d’autre part, le trafic qui en résulte aujourd’hui les discussions sur la politique génère des bouchons aux heures de pointe des transports – notamment sur la pour- ainsi que des surcharges et des émis- suite du développement du réseau des sions, particulièrement dans les centres. routes nationales. S’y rencontrent différents La croissance nettement au-dessus de la systèmes de valeurs, en planification et en moyenne du nombre de places de travail politique, mais également différentes réali- des 20 dernières années, particulièrement tés spatiales, qui d’un côté ont été créées dans les centres secondaires des grands par le système des transports, mais qui de centres a contribué à cette évolution [28]. leur côté le façonnent également. Qui habite Un autre facteur, qui joue un rôle de plus dans un pur quartier résidentiel, peu densé- en plus important, c’est le trafic d’achats ment bâti, sans commerces ni équipements et de loisirs. Ses destinations se trouvent de loisirs, a intuitivement besoin d’un moyen souvent dans les communes périphériques de transport individuel [38] Par contre, celui des centres moyens, ainsi que dans les qui habite dans un quartier mixte densé- communes périurbaines, souvent facile- ment bâti va à pied ou profite des bonnes ment accessibles en voiture, mais situées connexions par les transports publics qui hors des zones densément habitées, ce se justifient à cet endroit. Ces différences qui rend le trafic difficilement transférable se voient accentuées à proximité des accès sur d’autres moyens de transport. Le trafic autoroutiers où des réseaux de transport na- automobile en hausse constante augmente tionaux, cantonaux et urbains (ou du moins ainsi d’abord sur le réseau des routes natio- à fonction urbaine) se rencontrent et doivent nales: alors que le volume total du trafic être coordonnés entre eux. Non seulement sur les routes nationales a plus que doublé les différents niveaux de l’État ne sont depuis 1990, sur le reste du réseau routier, pas d’accord, mais il y a parfois aussi des il a d’abord légèrement reculé, pour aug- désaccords au niveau de la Confédération menter à nouveau depuis environ 2013 et se ou à celui du canton entre différents offices trouve aujourd’hui légèrement au-dessus de spécialisés. Certes, cette situation existe son niveau de 1990 [8]. Afin d’éviter les sur- aussi dans les grandes gares de trains à charges, d’autres extensions de capacité du longue distance, mais là, les objectifs des réseau des routes nationales sont succes- différents niveaux de l’État sont cohérents sivement planifiées et réalisées (PEB, Pro- (expansion fondamentale, différences au gramme d‘élimination des goulets d‘étran- plus sur le montant et la répartition du glement autoroutiers), ce qui améliore à financement ainsi que sur la formation et la nouveau l’accessibilité des zones connec- structure du réseau). 17
Survol du développement historique 1850 1900 Points chauds: lieux d’achat Place du marché Galeries marchandes/ grands magasins Centres des villages Échelle locale-urbaine Configuration de l’espace public Espace public multifonctionnel Les rues du temps intégrant l’espace du trafic des fondateurs… TP (tram, métro) proximité Mobilité: trafic de Auto Vélo Piéton Structure spatiale Floraison des villes préindustrielle au temps des fondateurs TP (chemin du fer) trafic longue Mobilité: distance Auto Échelle suprarégionale-nationale Vélo Piéton de la structure Configuration spatiale Points chauds: liaisions Village Ville Village Ville Région Périphérie urbaine voisine Pendulaires Achats/loisirs Marchandises 18
aujourd’hui 1950 2000 2030 Zones piétonnes Commerce en ligne des centres villes Gares grandes Gares réseau de banlieue lignes Centres commerciaux en périphérie Centre du quartier/du village Séparation dans l’espace routier …sont de plus en plus Transformation en ville Gestion du trafic centrées sur l’automobile adaptée à l’automobile Espace partagé Formation des Étalement Renaissance de la ville, agglomérations urbain réurbanisation, espaces fonctionnels Village Ville Village Ville Village Ville Région Région Région Périphérie Périphérie urbaine Périphérie urbaine urbaine voisine voisine voisine 19
Structure et perspectives actuelles des territoires urbains Pour résumer, du fait de l’évolution his- À gauche : grande agglomération, à droite : petite agglomération En rouge : TIM, en vert : TP torique, la structure des espaces urbains suisses et leur rac-cordement aux liaisons nationales se présentent comme suit : Dans les grandes agglomérations (env. 300’000 habitants et plus), plusieurs autoroutes se rejoignent. Celles-ci con- tournent par plusieurs côtés de la ville le cœur historique ainsi que les communes d’agglomération intérieures ou traversent ces dernières. Il y a donc des jonctions pratiquement tout autour du centre-ville. Si, entre autres pour des raisons tenant à la topographie, il n’existe dans aucune gran- de agglomération un périphérique complet tout autour du centre, on a souvent plus qu’un demi-périphérique (Bâle, Berne, Genève et Zurich). L’offre de transports publics est dense dans l’espace et dans le temps et structurée de façon hiérarchique: réseau interurbain comportant une à trois gares centrales, réseau de RER servant de moelle épinière du trafic d’agglomération ainsi qu’un réseau de bus et/ou de trams (en partie sur des voies dédiées) pour la desserte fine dans les quartiers de la ville. Les interfaces entre les différents niveaux du réseau de TP ont été continuellement améliorées au cours des années passées et notamment les gares grandes lignes des centres-villes deviennent de plus en plus des pôles intermodaux. Les moyennes agglomérations (env. 70’000 à env. 300’000 habitants) sont en général connectées par un à trois rac- cordements « à une ou deux faces » au réseau d’autoroutes. En fonction des conditions topographiques, plusieurs rou- tes principales (historiques) mènent au centre de manière plus ou moins radiale. 20
Le long de ces axes d’accès aux villes, régional plus grand. Dans les deux cas, il la densité d’habitation est plutôt élevée y a nettement moins de chevauchements et l’ambivalence quant à l’urbanisation des différents axes, les zones bien des- (accessibilité vs immissions) est ici parti- servies par les TP suivent majoritairement culièrement accusée. Dans ces aggloméra- les structures linéaires de l’espace. Les tions, les TP ne sont souvent raccordés aux interfaces notamment avec d’autres for- grandes lignes que dans la ville-centre. Il mes de mobilité (vélo, accès à pied, offres existe parfois un réseau de RER propre, qui de partage) ont encore un grand potentiel. souvent fait partie d’un réseau de transport Pour la desserte sur toute la surface, on 21
utilise le trafic des bus, qui peut être très ques rares communes d’agglomération et dense, mais qui dans les centres se par- centres touristiques. Les défis rencontrés tage la plupart du temps les rues avec le en matière de trafic y sont moins accu-sés trafic automobile et cycliste. et les interactions avec les infrastructures nationales souvent moins importantes. Sur Les petites agglomérations (jusqu’à env. le principe, les conclusions résultant de la 70’000 habitants) comprennent en général présente étude s’appliquent toutefois aussi des centres régionaux n’ayant que quel- à ces zones. Les territoires urbains suisses seront à l’avenir sous l’influence des directives politiques, et les évolutions technologiques sont appelées à gagner encore en influence. C’est ce que suggèrent des évaluations fiables: La mise en œuvre du durcissement de la Ainsi, les agglomérations de la Limmattal, loi fédérale sur l’aménagement du ter- de l’Ouest Lausannois et de Lucerne- ritoire entré en vigueur en 2014 (LAT 1), Sud, sont devenues des quartiers citadins qui vise à une urbanisation vers l’intérieur, directement reliés à la ville-centre dont se traduit par une «poussée de l’urbanisa- ils agrandissent la surface en ayant leurs tion» dans les agglomérations. L’expansion propres éléments urbains et établisse- non démentie ces dernières années vers les ments culturels. Pour le dire autrement, les couronnes d’agglomération extérieures va agglomérations traditionnelles ont disparu diminuer, la croissance la plus importante pour laisser place à de nouveaux quartiers se fera à l’avenir dans les couronnes d’ag- urbains et ainsi gagner en qualité, tant en glomération intérieures et dans les villes- termes d’urbanisme que d’espace public. centres. Les cantons prévoient que la ma- jeure partie de leur croissance se fasse dans L’urbanisation vers l’intérieur requiert des «territoires urbains» ou dans l’«espace des solutions nouvelles pour la mobi- urbain», autrement dit dans les villes-centres lité dans les territoires urbains, comme et les agglomérations – par exemple à 80 % le constate l’Association suisse des ingé- dans le canton de Zurich, à 75 % dans les nieurs et experts en transports dans les cantons de Berne et de Lucerne et à 65 % conclusions de son cycle de conférences dans le canton de Saint-Gall [4]. des années 2017 et 2018 consacré au thème prioritaire «La mobilité face aux défis Le Conseil de l’organisation du territoire de la densité» [50]: du Conseil fédéral voit des perspectives de développement similaires [2]: «Après la L’urbanisation vers l’intérieur a donc forte densification connue par les villes à besoin d’une planification des transports la fin des années 2010, ce sont dans les orientée sur l’offre. années 2020 les deux premières couronnes d’agglomération autour des grandes villes- L’harmonisation entre urbanisation et centres qui se sont lancées dans un pro- transports dans les espaces fonctionnels cessus de densification et d’urbanisation. a de plus en plus d’importance. Les pro- 22
blèmes d’aménagement du territoire et de en fonction de ses atouts et est mis en planification des transports doivent dans réseau avec les autres modes de transport. ce contexte être abordés sur un mode Les capacités des systèmes de transport interdisciplinaire et global. sont exploitées sur un mode intermodal et optimisées. La qualité des espaces publics est un facteur-clé, l’aménagement des espaces Les générateurs de trafic contribuent à la routiers en tant qu’espaces urbains doit réduction des pointes de trafic. être repensé. Les personnes et l’environnement ne Les transports doivent devenir plus doivent pas être impactés par l’infras- efficaces, et pour ce faire, il faut renforcer tructure. La «vision zéro» concernant les les moyens de transport particulièrement accidents doit être mise en place le plus efficaces dans les villes. largement possible pour tous les systèmes de transport. Il faut utiliser les nouvelles technologies pour améliorer l’efficience de la mobilité Les nouvelles formes d’offre permettent urbaine. une utilisation plus flexible et plus efficiente de la mobilité comme prestation de services. En 2015, l’EPF de Zurich et l’Université de Saint-Gall ont élaboré en coopération Les transports sont techniquement lar- avec 20 partenaires de l’économie et du gement automatisés. Les systèmes auto- milieu des associations une «Vision mobi- nomes et en réseau se sont pour la plupart lité 2050» [48]. S’appuyant sur une défini- imposés. tion commune des valeurs, elles ont mis au point une vision de la mobilité du futur Outre les impulsions économiques et les consistant d’une part à clarifier le rôle futur directives politiques sur l’urbanisation vers des différents acteurs et de l’autre à formu- l’intérieur, les évolutions technologiques ler des thèses. Celles-ci contiennent entre exercent elles aussi une influence sur les autres les affirmations suivantes: territoires urbains: une étude (entre autres mandatée par l’Union des villes suisses) L’utilisation des systèmes de transport parvient à la conclusion que les véhicules est abordable et accessible à tous sans autonomes ont le potentiel de modifier assistance. L’utilisation a toutefois un prix, fondamentalement la mobilité urbaine [26]. qui reflète les coûts (y compris les coûts Cette étude constate toutefois aussi que les externes). phases de transition, les solutions pour les routes de trafic mixte, le trafic supplémen- Les structures d’urbanisation rendent taire éventuellement lié à ces dernières ainsi possibles les trajets courts au quotidien, que la protection des données représentent la distance moyenne de la mobilité quoti- des défis considérables. La mise en œuvre dienne est considérablement réduite. des véhicules autonomes dans le trafic urbain doit donc être abordée par étapes Les transports de marchandises et de et être accompagnée d’échanges intenses personnes sont fondamentalement traités entre tous les acteurs pertinents. On doit sur un plan d’égalité. partir du principe que l’utilisation générali- sée et donc les éventuels effets positifs ne Chaque mode de transport est utilisé se réaliseront que dans quelques décennies. 23
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