Comment la pratique de la vidéo à l'école maternelle peut-elle dynamiser l'acquisition des apprentissages premiers ?
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
I.U.F.M. BOURGUET Muriel Académie de Montpellier Site de Montpellier Un projet vidéo à l’école maternelle Comment la pratique de la vidéo à l’école maternelle peut-elle dynamiser l’acquisition des apprentissages premiers ? Projet Vidéo Classe de MS/GS Ecole Maternelle Fontcaude Juvignac Tuteur du mémoire : BETROM Patrice Assesseur : JOUTARD Yvan Année universitaire 2000/2001
RESUME Ce mémoire tente d’apporter une réponse à la manière dont peut être menée la pratique de la vidéo à l’école maternelle. A travers l’étude d’un projet qui a été mis en œuvre dans une classe de moyenne et grande sections, je me suis intéressée à la dynamique que pouvait apporter une telle activité au niveau de l’acquisition des apprentissages premiers. SUMMARY This report tries to bring an answer to the way can be led the practice of the video in the nursery school. Through the study of a project which was implemented in a class of average and high level, I was interested in the dynamics that such an activity could bring in the acquisition of the first learnings. MOTS-CLES Vidéo, Ecole maternelle, Apprentissages premiers 2
SOMMAIRE INTRODUCTION -----------------------------------------------------------------------------------5 I. LA VIDEO A L’ECOLE MATERNELLE --------------------------------------------------7 1) Caractéristiques de la vidéo -----------------------------------------------------------------7 2) Intérêt de la pratique vidéo à l’école maternelle -----------------------------------------8 3) Quelle place pour la vidéo à l’école maternelle ? (I.O et terrain)---------------------10 4) Mon projet -----------------------------------------------------------------------------------11 II. MISE EN PLACE D’UN PROJET VIDEO A L’ECOLE MATERNELLE --------13 1) Implantation du projet dans la classe -----------------------------------------------------13 2) Préparation au tournage --------------------------------------------------------------------15 3) Le tournage ----------------------------------------------------------------------------------20 4) La présentation du film ---------------------------------------------------------------------20 III. REUSSITES ET DIFFICULTES RENCONTREES -----------------------------------23 1) Rôle et attitudes des enfants face aux activités proposées ----------------------------23 2) Bilan sur la dynamique apportée par le projet vidéo au niveau des apprentissages premiers à travers 4 grandes notions (Langage et communication, Vivre ensemble, Espace, Temps) ------------------------------------------------------------------------------25 3) Rôle de l’enseignant et gestion du temps ------------------------------------------------27 4) Les suites du projet après mon départ ----------------------------------------------------28 CONCLUSION -------------------------------------------------------------------------------------29 ANNEXES 4
INTRODUCTION Quelle que soit leur origine sociale, tous les enfants qui arrivent à l’école m aternelle sont déjà des téléspectateurs. Ils ont souvent été familiarisés dès leur plus jeune âge au petit écran. Bien que chacun d’eux passe en moyenne deux heures par jour devant la télévision, c’est souvent seul que les enfants apprennent à gérer ce flot d’images animées. Pourtant, il ne suffit pas de regarder pour comprendre. Les instructions officielles de 1995 font une place à la découverte du monde de l’image et encouragent à faire passer l’enfant d’une perception liée uniquement à la sensibilité à une perception dominée par l’intelligence. Les évolutions technologiques permettent à l’heure actuelle de truquer n’importe quelle image, d’en créer de toute pièce. Pour le jeune téléspectateur, ces manipulations compliquent la distinction entre réel et vi rtuel. La vidéo constitue un outil simple d’utilisation qui peut permettre de faire découvrir aux enfants combien l’écriture télévisuelle est fabriquée, combien elle est loin d’être une innocente reproduction du réel. Devenir réalisateur le temps d’un projet paraît être un moyen d’aider les enfants à passer de l’état de consommateur passif à celui de consommateur critique. Malgré le fait que la vidéo soit un instrument extrêmement motivant et porteur sur le plan des apprentissages c’est une activité qui est très peu proposée en milieu scolaire et plus particulièrement à l’école maternelle. Ayant déjà deux fois réalisé avec des enfants de 6 à12 ans de petites productions vidéos dans cette perspective, j’étais curieuse de savoir si un tel projet pouvait être mené à bien avec des enfants plus jeunes. Au-delà du problème de l’âge, mon souci majeur pour mettre en place un tel projet était le temps. Mes expériences antérieures s’inscrivaient dans le cadre des loisirs et non dans le temps scolaire or ce type d’activité est coûteux en temps. Il me fallait donc impérativement l’intégrer dans une dynamique d’apprentissage plus large que celle de l’image. De cette réflexion est née le sujet de ce mémoire : 5
Comment la pratique de la vidéo à l’école maternelle peut-elle dynamiser l’acquisition des apprentissages premiers ? Après un rappel sur les caractéristiques de la vidéo, un point sur l’intérêt de sa pratique à l’école maternelle, je m’intéresserai à la place d’une telle activité dans les instructions officielles et sur le terrain. Suivra une présentation générale de mon projet. Une deuxième partie sera consacrée à l’explication de la manière dont a été mis en place ce projet dans une classe de moyenne et grande sections lors du premier stage en responsabilité. L’analyse du rôle et des attitudes des enfants, de l’influence du projet sur les apprentissages premiers, du rôle de l’enseignant et de sa gestion du temps ainsi qu’un point sur les suites données au projet fera l’objet d’une troisième partie. L’examen de ces différents aspects permettra d’élucider la problématique du sujet. 6
I. LA VIDEO A L’ECOLE MATERNELLE 1) Caractéristiques de la vidéo ¹ La vidéo est une technique qui permet d’enregistrer l’image et le son sur un support et de les restituer sur un écran en direct ou en différé. Choisie, composée, la réalité qui apparaît alors dans l’image est le résultat d’une perception subjective du monde, celle du réalisateur. Sur l’écran, toute action paraît à temps égal, plus longue que dans la réalité : d’où la nécessité du découpage qui élide les temps considérés comme faible et produit une densification temporelle. ¹ La vidéo est un outil, c’est à dire que l’utiliser ne saurait être une fin en soi. On se sert de la vidéo parce qu’on a quelque chose à communiquer, à exprimer, à signifier, parce qu’on a des intentions, des désirs, des besoins, bref un projet extérieur à la vidéo elle-même. ¹ Pour réaliser une production vidéo, trois appareils sont indispensables : une télévision, un caméscope et un magnétoscope. La plupart de ces appareils ont été conçus à l’usage du grand public et sont faciles à utiliser. ¹ La vidéo n’est pas seulement un outil de réalisation, c’est également un instrument de formation à l’audiovisuel : en travaillant avec un écran de contrôle l’ensemble du groupe peut vérifier la valeur du cadrage et participer au choix des différents plans ; les séquences filmées sont immédiatement analysables ce qui permet une progression rapide dans la maîtrise du langage audiovisuel ; les images enregistrées peuvent être effacées pour recommencer. Participer à la création d’un document vidéo si simple soit-il est la meilleure façon de comprendre les productions qui sont offertes par la télévision et le cinéma. ¹ La vidéo introduit une image nouvelle de soi et de l’autre. Contrairement au miroir qui renvoie une image fidèle, bien connue et rassurante, l’image vidéo permet de se 7
voir comme l’on ne s’est jamais vu. De profil, de dos, parlant à d’autres, c’est une image surprenante de soi que l’on découvre, le sentiment de se voir comme les autres nous voient. ¹ La réalisation d’une production vidéo implique un travail d’équipe. Chaque membre du groupe doit coordonner la tâche qu’il a à accomplir avec celle des autres : il faut débuter l’action quand le caméraman est prêt, il faut éviter les déplacements et les bruits parasites lorsque le caméscope enregistre… Bref, le tournage d’une séquence nécessite la collaboration de tous. Il faut cependant avoir conscience que la personne qui filme est en position de pouvoir. 2) Intérêts de la pratique vidéo à l’école maternelle La vidéo peut être introduite à l’école à un triple titre : a- comme objet d’une activité d’apprentissage : Il s’agit là d’apprendre aux enfants à filmer. Cette activité permet de développer les compétences suivantes : ü Respecter des règles de sécurité. ü Travailler en groupe. ü Comprendre le fonctionnement des images animées (démystification de la télévision). ¹ lorsque l’enfant filme : ü Utiliser des objets techniques : le caméscope (et le magnétoscope). ü Savoir mettre ses appareils sous tension, hors tension : connaître leur fonction, utiliser les touches enregistrement, zoom, pause du caméscope. ü Varier la position de la caméra pour changer la vision d’un même objet. ü Produire des images en ayant conscience que filmer induit un certain regard, une certaine intention. ¾ lorsqu’il est filmé et qu’il se voit à l’écran : ü Etre conscient de sa propre existence : se reconnaître, être reconnu par les autres. ü Reconnaître les autres dans leurs différences. 8
ü Découvrir le champ de la caméra avec son corps. ü Apprendre à se situer dans l’espace. ü Apprendre à se situer dans le temps (temps du tournage, temps du visionnage). ü Exprimer le temps et l’espace. b- comme outil de communication : C’est la fonction première de la vidéo. La production d’images prend réellement de sens que lorsqu’elle s’inscrit dans un circuit de communication. Il faut alors définir à qui l’on s’adresse et cibler ce qu’on veut montrer. Ceci implique d’être capable de : ü Se décentrer par rapport à un téléspectateur absent. ü Adapter les discours et les images en fonction d’une situation de communication. ü Evaluer la lisibilité d’un message reçu ou produit en fonction de la qualité de l’image (esthétique et sens) et du discours (diction/sens). c- comme dispositif « analyseur » introduit dans la perspective de l’auto évaluation : Les images enregistrées permettent de revenir sur une prestation et de l’analyser. ‚ Au niveau de l’individu : C’est le seul outil qui offre la possibilité de se voir et de s’entendre sans être engagé dans l’action, mais au contraire en position de spectateur. L’enfant en s’observant apprend : ü à se reconnaître à l’écran, ü à accepter son image, ü à se juger avec un regard extérieur, avec le sentiment de se voir tel que les autres le voient. ” Au niveau du groupe : L’enregistrement vidéo peut permettre de pointer ce qui va et ce qu’il faut travailler à l’occasion de la préparation d’une représentation collective, à propos du comportement des enfants durant une séance de classe. Bref elle permet de revenir sur un événement et offre le temps de l’analyser. Un véritable projet vidéo doit à mon avis englober ces trois points. En effet, on ne peut communiquer sans maîtriser la technique (sauf si le pouvoir de filmer revient à l’adulte…), mais la maîtrise de la technique n’a d’intérêt que si elle sert à la réalisation 9
d’une production inscrite dans un circuit d’échange et de communication. Chaque visualisation tout au long de la réalisation du projet permet une auto évaluation du groupe par rapport au travail qu’il vient d’accomplir. Aux compétences développées grâce à la pratique de la vidéo doivent s’ajouter les compétences spécifiques au projet que l’on veut mener à bien. La vidéo présente également un autre intérêt, tout aussi important que le développement de compétences : c’est une activité qui stimule énormément les enfants. En effet, ils utilisent un matériel auquel l’accès leur est en général interdit et acquièrent ainsi un autre statut : celui de grand. 3) Quelle place pour la vidéo à l’école maternelle ? (I.O et terrain) a- les instructions officielles : Dans les « Programmes de l’école primaire 1995 » définis par le Ministère de l’éducation nationale il est mentionné, parmi les apprentissages premiers, que : « Dès son plus jeune âge, l’enfant est mis en présence d’un grand nombre d’images : images fixes ou images animées (vidéo, télévision, cinéma…). Il est important de le préparer à recevoir cette abondance d’images : il les perçoit d’abord en fonction de sa sensibilité, de son histoire, de son milieu culturel ; il est amené progressivement à les percevoir en fonction de son intelligence, en s’exerçant à faire des choix .» Au-delà de l’étude des images animées, on a vu que la pratique de la vidéo pouvait permettre d’aborder des notions clés de l’école maternelle telles que : la connaissance de soi et des autres, le repérage dans le temps et l’espace. 10
b- Sur le terrain : Aux vues des programmes officiels, la pratique de la vidéo apparaît comme une activité qui répond pleinement aux objectifs à atteindre à l’école maternelle. Pourtant, très peu d’enseignants se lancent dans ce type de projet, très peu d’ouvrages traitent de la question. Malgré ce que l’on a tendance à croire, ce n’est pas qu’un problème de moyens. En effet, certaines écoles maternelles s’équipent de caméscopes mais ne mettent par pour autant en place des projets vidéos dignes de ce nom. Le pouvoir de tourner est la plupart du temps détenu par l’enseignant. En général, la caméra sert uniquement à filmer des activités de classe, des spectacles, des sorties avec comme unique objectif la constitution d’une « mémoire » de la vie de l’école à destination des élèves eux même ou de leurs parents. Plus qu’un refus de l’entrée de l’audio visuel à l’école, ce sont différentes appréhensions ( compétences techniques, coût en temps d’investissement, organisation de la classe, sécurité des élèves et du matériel…) qui arrêtent un bon nombre d’enseignants. 4) Mon projet Proposer aux enfants d’une classe de moyenne et grande sections de tourner un petit film à l’intention de leurs correspondants. L’idée est de reprendre le déroulement d’une journée d’école mais en transformant son contenu afin de faire croire qu’ils sont dans une classe d’apprentis sorciers. Durée du projet : 4 semaines. Objectifs principaux: ü Travailler ensemble pour la réalisation d’un projet commun dans une situation authentique de communication. ü Découvrir et utiliser quelques trucages vidéos dans la perspective de développer l’esprit critique des enfants face aux images télévisuelles. ü Donner une portée interdisciplinaire au projet. 11
Vivre Ensemble : Agir dans le monde : ü Travailler sur un projet commun. ü Associer une réponse motrice à ü Prendre conscience de l’autre, de un signal sonore (préparation au son travail, le respecter. tournage). ü Solliciter les parents. ü Jeux de mimes. « Mathématiques » : ü Se repérer dans l’espace. ü Se déplacer selon des consignes strictes. ü Manipuler les Imaginer, sentir, créer : indicateurs spatiaux du langage. ü Fabrications des décors et ü Sériation d’images. des accessoires pour le film. ü Utilisation de différents outils (peinture, encres, argile…), de différentes techniques. ü Graphisme sur les lettres des prénoms aux vues du générique. Apprendre à parler et à construire son langage, s’initier au monde de l’écrit : Langage : Découverte du monde : ü Discussion autour de l’objet caméscope. ü Participer à la construction du projet en donnant ü Utilisation d’objets ses idées, son avis. techniques (caméscope, ü Jouer son rôle d’acteur. télévision) dans des situations ü Reformuler, expliquer pour les autres la part de fonctionnelles. travail que l’on vient d’accomplir. ü Tenir compte du temps qui ü Chanter. s’écoule par rapport à l ‘avancée du projet. Lecture : ü Préparer les enfants à mieux ü Recherche d’albums sur les sorcières en BCD. gérer le flot d’images animées ü Lectures d’histoires. auquel ils sont confrontés. ü Enrichissement du vocabulaire. ü Lectures d’images animées. 12
II. MISE EN PLACE D’UN PROJET VIDEO A L’ECOLE MATERNELLE Ce projet a été mené dans une classe de moyenne et grande sections durant le premier stage en responsabilité (du 8/01/2001 au 2/02/2001). Composition de la classe : 26 enfants dont 10 moyens et 15 grands ainsi qu’un enfant handicapé moteur et mental scolarisé à mi-temps. Matériel : un caméscope, une petite télévision, un trépied et un câble vidéo de 10 mètres ; le tout installé dans un petit local mitoyen de la salle de classe. 1) Implantation du projet dans la classe a- Découverte du caméscope et premières manipulations L’introduction du caméscope dans la classe s’est faite en douceur dès le troisième jour de classe: Une séance d’1/2 heure le matin a d’abord été consacrée à la découverte de l’objet. Afin d’éveiller la curiosité de tous les enfants, le caméscope leur a d’abord été présenté dissimulé sous un tissu. Après avoir émis quelques hypothèses sur la nature de la « surprise », le cache a été levé. Certains enfants ont immédiatement identifié et nommé l’appareil. A plusieurs, ils sont arrivés à définir sa fonction : « filmer, enregistrer sur des cassettes, pour regarder à la télé ». Un seul enfant a déclaré avoir déjà filmé tout seul. Ce moment de langage a permis de faire le point sur leurs représentations et de les préparer à se voir à l’écran. Dès l’après-midi le groupe classe a été scindé en deux. Chacun leur tour, les groupes se sont succédés dans le local vidéo pour s’adonner aux premières observations et manipulations. A la découverte de leur image sur l’écran de télévision, les réactions des enfants ont été variées : certains se sont d’abord observés sans bouger cherchant à comprendre le statut de cette image, d’autres se sont spontanément levés en direction de 13
l’écran, d’autres encore n’ont cessé de gesticuler vérifiant si chaque action était retranscrite. « C’est Axel ! C’est Axel ! » s’est écrié Axel lui-même en montrant son image du doigt. L’emploi de la première personne n’a, en général, pas été immédiat. Après la surprise de se reconnaître et/ou d’être reconnu par les autres sur le téléviseur, un petit jeu a été proposé aux enfants. Chacun leur tour, ils ont été caméraman avec pour consigne d’isoler par un zoom un enfant précis à l’écran. Les spectateurs pouvaient aider en proposant des solutions d’ordre technique. Par le biais d’une situation ludique, tous les enfants ont acquis les compétences techniques minimums nécessaires pour toute production. Les enfants ont manipulé le matériel avec beaucoup de précautions, ils étaient très fiers de pouvoir utiliser des appareils d’habitude réservés aux « grands ». b- Annonce de la correspondance, proposition du projet aux enfants, recueil des idées. Avant mon arrivée, l’enseignante avait réalisé des démarches pour trouver une classe avec qui correspondre. Lors de notre rencontre, la veille des vacances de Noël, elle venait de se mettre d’accord avec un enseignant de Bretagne. Elle m’a demandé si je pouvais expliquer aux enfants cet échange auquel ils allaient participer, et si c’était possible de préparer un premier envoi. Afin que les enfants s’approprie l’idée de réaliser un document vidéo, j’ai décidé de leur parler des correspondants le jour suivant les manipulations du caméscope. Je leur ai expliqué que des enfants d’une classe de Bretagne qui avaient le même âge qu’eux voulaient faire leur connaissance, savoir ce qu’ils faisaient à l’école. Après les avoir localisés sur la carte de France et pris conscience de l’impossibilité d’aller les voir, un enfant a suggéré de se filmer puis de leur envoyer la cassette. Je leur ai alors proposé de faire un petit film dans lequel ils feraient croire qu’ils ne sont pas une classe normale mais une classe d’apprentis sorciers. Les enfants se sont montrés très enthousiastes à l’idée de faire une farce. Connaissant bien le monde des sorcières, ils ont très rapidement f ormulé des propositions concernant : · le contenu de l’enseignement des apprentis sorciers : faire des potions magiques, des tours de magie, voler sur des balais ; @ les ustensiles à fabriquer : des chapeaux pointus, des baguettes magiques. 14
2) Préparation au tournage La deuxième et la troisième semaine ont été consacrées à toute les préparatifs : écriture du scénario, découverte des truquages, préparation des acteurs, réalisation de la décoration, fabrication des accessoires. a- Ecriture du scénario et découverte des truquages : Durant deux semaines, un des quatre ateliers du matin était consacré au projet vidéo. La classe étant divisée en quatre groupes, chaque enfant a ainsi participé à deux séances d’activité. · 1er atelier (du 15/01/01 au 19/01/01) : La première tâche des enfants consistait à reconstruire de mémoire le déroulement type d’une journée d’école afin de pouvoir le transformer pour le scénario du film. Chaque information trouvée était au fur et à mesure consignée chronologiquement au tableau par la maîtresse. A partir des différentes propositions recueillies auprès des enfants la semaine précédente, j’avais élaboré quatre petites séquences différentes à filmer, une pour chaque groupe : - fabriquer une potion magique en faisant apparaître les ingrédients ; - voler sur un balai et disparaître lorsqu’on est attrapé au « loup » ; - rentrer à plusieurs dans un carton normalement trop petit ; - jouer à transformer les autres en animaux. Après avoir retrouvé la trame d’une journée de classe, chaque groupe a : - pris rapidement connaissance des quatre séquences ; - réfléchi à la manière d’intégrer ces séquences dans un emploi du temps imaginaire d’apprenti sorcier ; - découvert et mis une première fois en scène le truquage vidéo qu’il aurait à tourner ; - défini le lieu de tournage, le matériel nécessaire et donné un titre à son passage. 15
La découverte des truquages a été le moment fort pour chacun des groupes. Le principe technique utilisé était toujours le même : stopper l’enregistrement, réaliser des modifications puis reprendre l’enregistrement comme si la scène avait été continue. Après s’être prêtés au jeu d’acteur sans trop comprendre, c’est en visionnant la séquence que les enfants prenaient conscience de ce qu’ils venaient de faire, l’impression de magie les a laissés bouche bée. Ce travail n’étant réalisé qu’en petit groupe (6 ou 7 enfants), un moment de l’après-midi était réservé à l’équipe du matin pour montrer l’enregistrement et expliquer aux autres « le truc ». · 2ème atelier (du 22/01/01 au 26/01/01) : Afin que chaque enfant ait bien en tête le scénario de la scène qu’il aurait à filmer et jouer, j’avais décomposé en quatre dessins chaque séquence. Les enfants devaient découper les vignettes, les remettre dans l’ordre, les coller et recopier le titre. b- Préparation des acteurs : Afin de préparer les enfants au tournage, deux aspects ont été travaillés lors des séances de motricité : - Adapter une conduite motrice à un stimulus sonore. Cet aspect est fondamental pour synchroniser le déclenchement de l’enregistrement et l’entrée en jeu des acteurs. Lors de la scène du carton, seul la perception d’un signal auditif permet à l’enfant enfermé dans le carton de déterminer le moment où il doit s’extraire du carton. - Jouer un rôle. Plusieurs petites séances de mimes ont été organisées pour entraîner les enfants à s’exprimer avec leur corps. c- Réalisation de la décoration et fabrication des accessoires : Ce travail a été accompli durant les ateliers de l’après midi. Pour la décoration de la salle, chaque enfant a participé à deux ateliers : @ Création de toiles d’araignée au fusain sur un format A3. Plus qu’une simple activité de décoration, cette séance représentée un véritable travail de graphisme. Les enfants devaient suivre un protocole imposé de construction : tracer des lignes allant du centre (matérialisé par une gommette) jusqu’aux bords de la feuille, subdiviser chaque bande, puis remplir certaines surfaces aux choix par un rayonnement. 16
@ Moi en sorcier. A partir d’un visage stéréotypé d’enfant photocopié s ur un format A3, chaque enfant a du transformer ces tracés pour se représenter lui-même en apprenti sorcier. La partie dessin a été travaillée à l’encre de chine et au coton tige ; après séchage les enfants ont disposé d’encres colorées pour achever leur production. L’affichage a donné lieu à un travail collectif. Les choix ont été discutés. Différents ateliers ont également été mis en place pour créer les accessoires nécessaires au tournage : @ Les chapeaux. Ils ont été réalisés dans des feuilles de couleur cartonnées de format A3. Les enfants ont simplement eu à le personnaliser en le décorant à l’encre de chine et au coton tige. @ Modelage de champignons et de serpents en argile pour la potion magique. Cet atelier a permis aux enfants d’apprendre à m odeler des colombins et donc à affiner leur motricité fine. Les réalisations ont ensuite été peintes à la gouache. @ Décoration à la peinture des cartons utiles pour le film. La superficie à recouvrir à nécessité la collaboration de plusieurs enfants. @ Préparation des prénoms pour le générique de fin. En s’inspirant du livre animé de Kveta Pacovska « L’alphabet » les enfants devaient décorer chaque lettre de leur prénom aux feutres et aux crayons. Ce travail de graphisme a retenu toute leur attention, j’avoue avoir été moi-même impressionnée par le temps, et l’application consacrée à cette activité. 17
18
d- Maintien de l’intérêt porté au projet : La division du travail en groupe permet un travail plus efficace. Cependant, il faut faire attention à ce que les enfants suivent l’évolution de l’ensemble du projet sans perdre de vue que chacun d’eux participe à une réalisation collective. ð L’affichage : Dès que la décision de s’engager dans le projet a été prise avec les enfants, il m’a paru important d’installer un affichage parlant pour les enfants et les parents afin que le projet soit matériellement implanté. Au fil de leur création, les productions des enfants ont ensuite peu à peu envahi les murs, changeant l’apparence de la classe. ð Les temps de discussion : Quotidiennement, des temps de langage collectifs ont permis de suivre l’évolution du projet. Visualiser les derniers enregistrements, les expliquer aux autres, récapituler le travail déjà réalisé, lister ce qu’il restait à faire, garder en tête l’échéance, autant d’activités indispensables pour ne pas perdre le cours des choses. ð La lecture d’albums : A l’issue d’un travail de recherche en BCD, les enfants ont ramené quelques albums sur le thème des sorcières : « Pélagie la sorcière » de Valérie Thomas et Paul Korky,« Ah ! Les bonnes soupes » de Claude Boujon, « Le grand livre de tous les méchants » de Paul Korky et Michel Piquemal. A ces trois ouvrages, j’ai rajouté : « 3 sorcières » de Grégoire Solotareff, « Qui a peur de la sorcière ? » de Fany Joly et Jean-Noël Rochut. Durant les deux semaines de préparation au tournage, tous les après midi ont débuté par la lecture d’un album avec un travail d’analyse, de comparaison. Ces différentes histoires ont permis de nourrir l’imagination des enfants. ð La sollicitation des parents : Certains enfants voulaient apporter des animaux en plastiques ou en peluches de chez eux pour le tournage du film (araignées, crapauds, serpents). J’ai donc fait passer une note d’information auprès des parents expliquant le projet et autorisant les enfants à amener en classe tout animal factice typique du monde des sorcières. 19
3) Le tournage Toute la dernière semaine a été consacrée au tournage du film. Afin de ne pas avoir de montage à réaliser après le tournage, on a travaillé en tourné-monté. Cette méthode consiste à tourner chaque séquence dans l’ordre établi par le scénario, les plans ratés sont immédiatement effacés puis enregistrés à nouveau. La synchronisation de l’ensemble de l’équipe demande beaucoup d’attention. Les enfants de cet âge ont un temps de concentration très court, il est donc important de veiller à être efficace. Pour éviter les bruits et passages parasites lors du tournage en petit groupe, il est important que les autres soient bien occupés et respectueux de leurs camarades. Presque tous les plans ont été filmés par les enfants avec écran de contrôle. Chaque enfant a tour à tour été acteur et caméraman. Après l’enregistrement de chaque séquence, l’ensemble de la classe manifestait le désir de revoir le film depuis le début. Une à une, jusqu’à la dernière, les scènes tournées ont été visionnées puis rayées sur le scénario au tableau. 4) La présentation du film a- A l’autre classe de moyenne et grande sections de l’école : Au courant du projet, les enfants de la classe d’à côté ont manifesté le désir de voir le film. En accord avec leur enseignante, nous avons donc programmé une séance de projection pour le dernier jour en fin d’après midi. La maîtresse titulaire de la classe, au grand bonheur des enfants, a pu également venir. L’enthousiasme général a rendu difficile toute discussion sur la production. Mais de retour dans l’intimité de la classe, les enfants ont ressenti le besoin d’expliquer à leur maîtresse que c’était pour de faux, qu’ils ne faisaient pas de magie. C’était fabuleux de les voir raconter sans confusion comment chaque tour avait été mis en place. 20
b- Aux parents : En accord avec l’enseignante titulaire de la classe, nous avons programmé une présentation pour les parents le samedi 10 mars à 11h. La moitié des parents se sont déplacés. Leurs réactions se sont montrées intéressantes. Visiblement, ils ne s’attendaient pas à voir une réalisation construite et ils s’étonnaient presque de ne pas avoir à subir les longueurs habituelles des films souvenirs familiaux. Une cassette vidéo a été mise en circulation de foyer en foyer dès le lundi suivant. De cette manière, tous les enfants ont eu la possibilité de diffuser le film en famille, les parents qui le souhaitaient ont pu ainsi dupliquer la cassette. c- Aux correspondants : Le film ayant été réalisé pour eux, la première cassette dupliquée est partie via la poste pour la Bretagne. La maîtresse titulaire de la classe m’a tenu informée des suites du projet. Après réception et visionnage de la cassette, l’enseignant des correspondants a envoyé le mail suivant : « Hello ! merci beaucoup pour cette k7 elle est très sympa et très intéressante ! je vais piquer TOUTES les idées ! voici la photo de classe et les prénoms de mes ouistitis a+ Dominique Ps on vous fait un courrier via la poste pour vous remercier ! » Comme annoncé dans le mail, une grande lettre (1m Î 70cm) écrite et décorée par les enfants est arrivée un peu après. 21
« Bonjour la classe des correspondants Merci pour la cassette vidéo ! C’était intéressant ! On l’a regardée en classe. Comment avez-vous fait ? On va faire une cassette aussi et on vous l’enverra ! Au revoir les amis ! Gros bisous à tous ! La classe des lapins de Bruz » 22
III. REUSSITES ET DIFFICULTES RENCONTREES 1) Rôle et attitudes des enfants face aux activités proposées a- Le rôle des enfants : Toutes les activités proposées durant les quatre semaines ont sollicité une participation active des enfants. Dés le départ, le projet n’a pas été amené comme une activité obligatoire : toutes les conditions nécessaires ont été mises en place pour que ce soit les enfants eux-même qui décident de réaliser un film. Bien que le cadre général de l’activité ait été défini par l’enseignante, les enfants ont pu participer activement à la construction du scénario. Leurs propositions ont été prises en compte pour l’élaboration des séquences à filmer, pour déterminer les accessoires et la décoration à réaliser. A la fois caméramans, acteurs, décorateurs et membre d’un groupe, pour mener à bien le projet, chaque enfant a dû s’investir dans ces différents rôles : En tant que caméraman : les enfants ont dû apprendre à manipuler le caméscope : l’allumer, l’éteindre, enregistrer, zoomer, cadrer l’image, respecter les règles de sécurité (faire attention aux fils par exemple). En tant qu’acteur : il faut oser se montrer et parler devant la caméra, débuter l’action au moment voulu, connaître son rôle. En tant que décorateur : les productions étant destinées à être montrées, il faut soigner l’esthétique de son travail. En tant que participant à un projet collectif : chaque enfant a dû trouver sa place au sein du groupe : expliquer son travail, exprimer ses envies, ses idées, participer à des prises de décisions, autant d’activités qui nécessitent la prise en compte des autres. De la conception à l’élaboration, les enfants ont mené ce projet dans son intégralité. 23
b- Attitudes des enfants face aux activités proposées : Les enfants se sont montrés très enthousiastes tout au long du mois. Très motivés par le projet, ils ont manifesté beaucoup d’intérêt pour toutes les activités proposées. L’investissement de chacun a été la clé de la réussite. Les enfants ne travaillaient pas pour faire plaisir à la maîtresse, mais pour l’aboutissement d’un projet commun. Toujours au courant de l’avancée des choses et du temps restant, certains enfants se sont chargés de faire remarquer aux autres qu’il serait bien qu’ils soient plus efficaces : « Arrêtes de faire l’idiot Mathieu, faut que tu finisses ton prénom. » ; « Yannis, tu nous gènes, on filme. ». Tous les enfants ont manifesté beaucoup de plaisir à se voir à l’écran. Mais ce qui leur plaisait par-dessus tout, c’était de visionner les séquences truquées. Bien que conscient de la réalité, la « magie » de l’image les émerveillait. Très fier de participer à un tel projet, certains enfants n’auraient manqué l’école pour rien au monde. « Lamia était fatiguée ce matin, je voulais la garder à la maison mais elle a refusé. Elle tenait absolument à venir à l’école, elle m’a dit qu’elle devait filmer. » Plusieurs fois, pour pouvoir finir leur activité en temps voulu, des enfants ont manifesté le désir de rester en classe pendant les récréations. L’engagement dans un projet de groupe a permis à certains élèves de dépasser leur timidité. Jusque là incapable de prendre la parole devant les autres, le désir de participer aux décisions, aux explications, les a aidés à trouver le courage de parler. Durant le tournage, les enfants étaient soucieux de bien faire. Très concentrés et appliqués, les enfants ont souvent présenté au caméscope un visage très sérieux. Globalement, les moyens se sont montrés plus naturels et spontanés. Clément (handicapé, arrivé dans la classe depuis un mois seulement) a profité de ce projet pour trouver sa place au sein du groupe. Face à ses difficultés motrices et mentales couplées à un fort caractère d’opposition les autres enfants l’avaient mis un peu à part. Fasciné par le caméscope et le monde de l’imaginaire, Clément a voulu participer à toutes les activités au même titre que les autres. 24
2) Bilan sur la dynamique apportée par le projet vidéo au niveau des apprentissages premiers à travers 4 grandes notions a- Langage et communication: Tout le projet reposait sur une situation authentique de communication. Les enfants ont réalisé le film pour leurs correspondants. Cette situation permet de prendre conscience que la télévision est un outil de communication. Les images vidéos sont le fruit du travail de plusieurs individus qui cherchent à faire passer un message audio visuel à d’autres individus (notion implicite d’émetteur [ message [ récepteur). La réalisation du film a permis la mise en place de nombreux échanges verbaux. Tous les jours la parole c’est montrée indispensable à l’avancée du projet. Il fallait parler pour : - proposer ses idées, - expliquer aux autres groupes la séquence qu’on va ou qu’on vient de filmer, - participer au bilan quotidien concernant l’évolution du projet, - donner sa position lors d’une prise de décision. Ces situations de dialogue collectif sur de vrais sujets de discussion ont permis aux enfants d’apprendre à demander la parole, à écouter les autres. Investis dans le projet, certains enfants ont réussi à vaincre leur timidité pour prendre part aux échanges. b- Vivre ensemble : Pendant un mois, les enfants ont dû collaborer pour réussir à réaliser le film. Sans la participation active de chacun des membres, il est impossible de tourner correctement une séquence. Pour être efficace, le travail en groupe exige la reconnaissance, l’acceptation et le respect des autres, de leur travail et des règles. Intégré dans un groupe de travail, Clément a réussi à trouver sa place malgré ses handicaps. Un peu moqueurs au départ, les enfants ont appris à t olérer ses maladresses. Ils ont découvert qu’il était possible de travailler avec lui, qu’il était capable de faire plein de choses et que sa différence ne le dispensait pas de respecter les mêmes règles qu’eux. 25
c- Espace : Tout le travail de mise en scène nécessite que les enfants soient capables de se repérer dans l’espace, de se déplacer selon des consignes strictes, de manipuler les indicateurs spatiaux du langage. Que ce soit dans l’action « Mets toi à côté de Jeanne. Attends derrière la porte. Places t oi entre les deux. » , ou lors des récits « Cyril, il attendait devant le carton… » le travail de structuration de l’espace a été quasiment quotidien pour les enfants. Le choix des lieux de tournages pour chaque séquence a permis de faire le point sur les différents espaces de l’école : salle de motricité, cours de récréation, toilettes, salle de classe… Pour situer les correspondants en France, les enfants ont eu droit à une première approche des notions de villes, de pays et de territoire : ils ont pu r epérer sur la carte de France la localisation de Juvignac (prés de Montpellier) et celle de Bruz en Bretagne. d- Temps : A travers le projet vidéo, les enfants ont également travaillé le concept de temps. - Les rythmes quotidiens : l‘élaboration du scénario a nécessité de retrouver la structure générale d’une journée d’école afin de pouvoir la transformer. L’ordre de succession des scènes du film suivait la chronologie d’une journée imaginaire dont le déroulement était en permanence noté au tableau. 26
- La notion d’échéance : j’ai expliqué aux enfants que je n’étais là que pour un mois et qu’il fallait donc impérativement finir le film avant les vacances de février. Tous les jours grâce à une grande bande calendrier, les enfants calculaient le nombre de j ournée d’école qu’il restait pour pouvoir terminer le projet. - Les moments de langage autour du projet ont permis de manipuler différents temps de conjugaison des verbes, les indicateurs temporels : « aujourd’hui on a fait ça, demain il y aura ça à faire… ». 3) Rôle de l’enseignant et gestion du temps a- Rôle de l’enseignant : Dans un souci d’efficacité en matière d’apprentissage, le cadre général de l’activité doit être défini par l’enseignant. En effet, toutes les situations ne se valent pas, celle proposée par l’adulte tient compte des compétences qu’il souhaite développer avec les enfants. Cependant, à l’intérieur du cadre, les élèves conservent une liberté d’action. L’enfant est pris en compte comme un individu à part entière, capable d’exprimer ses idées, ses envies. Grâce à des questions ouvertes de la maîtresse, l’élève parle, explique, propose. La mise en place d’un tel projet nécessite un gros travail d’organisation. Pour être efficace, rien ne doit être laissé au hasard. Les enfants doivent à tout moment savoir ce qu’ils ont à faire, à quel groupe ils appartiennent, où est la maîtresse et si elle est disponible ou pas. Le matériel doit être préparé à l’avance pour éviter les moments creux générateurs d’excitation, d’éparpillement chez les enfants de cet âge. La gestion du temps est également une responsabilité importante de l’enseignant. 27
b- La gestion du temps : Malgré une planification solide du projet sur le mois, ma préoccupation majeure pendant les quatre semaines était celle du temps : « Va t’on arriver à finir en temps voulu ? » Lorsqu’on tourne une séquence en vidéo, il est impossible de savoir si la première prise sera la bonne ou s’il faudra la tourner deux ou trois fois. Par conséquent, il est difficile de prévoir à l’avance le temps qu’on va y consacrer. Le tournage a demandé une semaine entière de travail, le film a été fini seulement 2 heures avant sa première présentation !!! 4) Les suites du projet après mon départ L’enseignante titulaire de la classe s’est montrée très intéressée par ce projet dès notre première rencontre. Régulièrement, pendant le mois elle s’est tenue au courant de son avancée. L’implication des correspondants nécessitait un prolongement du travail après mon départ. Pour pouvoir répondre à leur question : « Comment avez-vous fait ? », la maîtresse a questionné les enfants. La séance de langage a été enregistrée sur cassette audio à mon intention. Un mois après, j’ai pu ainsi évaluer moi-même, ce qu’ils avaient retenu : - Les élèves de grande section, ont bien compris le principe de chacun des tours et se sont montrés capables d’expliquer : « On a arrêté de filmer, c’est pour ça qu’on ne voit pas Yannis sortir du carton. ». - Les moyens, par contre, n’ont retenu que le truquage de la séquence dans laquelle ils ont joué. Pour les autres scènes truquées, c’est l’évidence de l’image télévisuelle qui a primé, les enfants n’ont pas réussi à expliquer le truc : « Les enfants, ils étaient tous dans le carton. ». Après avoir rédigé une lettre collective aux correspondants dans laquelle ils expliquent le tour de la potion magique, les enfants attendent maintenant de recevoir la cassette annoncée dans la lettre. 28
CONCLUSION Comme le démontre cette expérience, la pratique de la vidéo n’est pas une activité uniquement accessible aux enfants de l’école primaire. Il est tout à fait possible de mener à bien un véritable projet de production vidéo avec des 4/5 ans. Leur jeune âge ne doit pas dispenser de définir clairement avec eux les objectifs et le temps qu’on compte consacrer à l’activité. A qui la production est –elle destinée ? Pourquoi ? Combien de temps avons- nous pour la réaliser ? On ne fait pas un film juste pour faire un film, les enfants doivent au contraire s’engager dans une démarche authentique de communication. En leur offrant la possibilité de mener le projet dans son intégralité, en leur permettant de manipuler des appareils dont l’accès leur est en général interdit, ils ont l’impression d’acquérir un statut de « grand » et s’investissent entièrement. La vidéo n’étant qu’un outil, son utilisation n’a de sens que si elle sert un projet. Toute activité menée durant le temps scolaire doit répondre à un souci d’apprentissage. C’est donc à l’enseignant de définir le cadre général du projet en fonction des objectifs pédagogiques qu’il s’est fixé. A l’intérieur de cette structure, il me paraît important que les enfants puissent participer à la construction du contenu. En s’appropriant ainsi le projet, le travail réalisé en classe prend une autre dimension aux yeux des élèves. Chaque séance est vue comme un moyen de se rapprocher de l’objectif final. La pratique de la vidéo représente donc un support concret, intéressant, motivant pour les apprentissages premiers. Parler, se repérer dans l’espace, le temps, coopérer apparaissent comme une nécessité pour pouvoir prendre pleinement place dans les activités proposées. Les élèves sont entraînés dans ces apprentissages qui pouvaient leur paraître arides lorsqu’ils n’en percevaient pas la nécessité immédiate par rapport à leurs intérêts personnels. 29
ANNEXES 30
BIBLIOGRAPHIE - Programmes de l’école primaire, Ministère de l’Education nationale, Direction des écoles, CNDP, 1995. - Faire de la vidéo en maternelle, Damien Bressy, Pascale Desplats, Jean- Pierre Viala, édition Armand Colin, 1994. - Jeunes téléspectateurs en maternelle, Maguy Chailley, édition CNDP et Hachette Education, 1997. 31
Le local vidéo Note d’information à l’intention des parents 32
Séquence de la potion magique 33
Séquence « Attrape sorcier » 34
Séquence « Transformations » 35
Séquence du carton 36
Vous pouvez aussi lire