CONSULTATIONS REGIONALES SUR L'ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE - OCHA
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Ce document est le produit d’une consultation des acteurs humanitaires qui a eu lieu à Dakar. Elle ne reflète pas nécessairement les positions des co-organisateurs de la conférence du Sahel Central. TABLE RONDE MINISTERIELLE SAHEL CENTRAL CONSULTATIONS REGIONALES SUR L’ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE Dans les pays du Sahel, où 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, les inégalités d’accès à des services sociaux de base de qualité sont criantes. La zone frontalière du Mali, du Burkina Faso et du Niger est particulièrement inquiétante car elle connaît une crise humanitaire sans précédent marquée par de multiples vulnérabilités du fait d’un déficit structurel de longue date dans la provision de ces services sociaux. Aux enjeux de développement préexistants s’ajoute aujourd’hui une crise multiforme, sécuritaire, humanitaire et environnementale. La crise sécuritaire limite encore davantage l’accès aux services sociaux de base, faisant entrer les pays dans un cercle vicieux, le manque de développement entraînant les conflits et l’insécurité, les conflits et l’insécurité rendant difficile tout développement et aggravant les inégalités. 1. ETAT DES LIEUX DE L'ACCÈS DES POPULATIONS AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE 1.1. ETAT DES LIEUX DES BESOINS Santé et nutrition Début 2020, au Sahel Central, 4,3 millions de personnes avaient besoin d’une aide d’urgence en santé et plus de 3,9 millions de personnes d’une aide d’urgence en nutrition. 1 La malnutrition aigüe y est la cause de mortalité de plus de la moitié des enfants de moins de 5 ans. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger continuent à présenter des taux alarmants de malnutrition aigüe et certaines zones enregistrent même des taux de malnutrition aiguë globale au-dessus du seuil d’urgence humanitaire (>15%). Si la majorité de la population n’a pas accès à des services de santé fonctionnels à distance de marche au Sahel Central, l’accès à la santé est encore plus faible dans la zone du Liptako-Gourma 2; toute la zone est largement en dessous des seuils minimums recommandés par l’OMS sur le nombre de professionnels de santé rapporté au nombre d’habitants. 3 Le taux de mortalité infanto-juvénile est quasiment partout plus élevé que les moyennes nationales. La présence fluctuante du personnel médical entraîne notamment une faible couverture vaccinale contre les maladies évitables, ce qui fait que des épidémies transfrontalières de méningite, de rougeole et de choléra sont fréquemment 1 HNO 2020, Burkina Faso, Mali, Niger 2 Hormis pour la région de Gao/Ménaka 3 Les régions de Tillabéry et de Mopti, suivies de la région du Sahel, sont les plus déficitaires en professionnels de santé On note respectivement plus de 8 000, 5 000 et 4 000 habitants par professionnel de santé dans ces régions. 1
enregistrées. Ce faible accès à la santé prive aussi de traitement les personnes les plus vulnérables (femmes enceintes et allaitantes, nourrissons, enfants, personnes âgées, personnes vivant avec un handicap physique ou mental et ceux souffrant de maladies chroniques comme le VIH). La crise de la COVID 19 a par ailleurs exacerbé la vulnérabilité de ces populations fragiles en restreignant l'accès à certains services (santé, nutrition, éducation), et a mis en exergue les faiblesses des systèmes alimentaires locaux dont elles sont tributaires, exacerbant leur risque d'insécurité alimentaire et donc de malnutrition. Eau, hygiène et assainissement (EHA) Début 2020, plus de 5 millions 4 de personnes avaient besoin d’aide d’urgence en EHA au Sahel Central en raison d’un manque structurel d’accès aux services et ce nombre n’a fait qu’augmenter avec l’expansion des conflits et des déplacements forcés, et l’arrivée de la COVID-19. Au Mali, les régions du Nord et du Centre qui ont reçu 96% des déplacés ont toutes des taux d’accès à l’eau inférieur à 60%. 5 Au Niger, l’accès à l’eau en zone rurale est de 46% et la défécation à l’air libre reste la règle avec moins d’un ménage sur dix (4,3%) qui a accès à des latrines. 6 Au Burkina Faso, les besoins en EHA ont augmenté de plus de 300% de 2019 à 2020 7 notamment en raison de l’afflux de déplacés 8, sans augmentation correspondante du nombre de points d’eaux ou latrines. Le sur-usage des ouvrages EHA disponibles entraîne une dégradation accrue des infrastructures, des pannes plus nombreuses 9 et des temps d’attente et durées de trajets se comptant en heures 10. Ce manque d’accès à l’eau pousse certaines populations à utiliser des eaux de surface telles que les rivières où les puits non protégés les mettant à risque de contracter des maladies hydriques. 11 Ce risque est accru par le manque de latrines et le manque d’hygiène, dans des zones qui ont déjà connu plusieurs épidémies de choléra et connaissent aujourd’hui le risque de propagation de la COVID-19. 12 Dans un tel contexte de manque d’accès à l’eau mais aussi aux savons (y compris dans les centres de santé et les écoles), mettre en place des mesures barrières pour empêcher la propagation de la COVID- 19 est particulièrement délicat. Si les mesures de quarantaine ont été levées assez rapidement, le poids de la pandémie sur les économies de la région pourrait avoir des impacts négatifs sur les ressources disponibles pour le secteur EHA et sur les secteurs majoritaires que sont l’agriculture et le pastoralisme. Education Dans la région du Sahel central, les enfants et les jeunes font face à des obstacles considérables pour avoir accès à l’éducation. 13 L’insécurité, la recrudescence des attaques contre les écoles et l’occupation 4 D’après les HNO 2020, 1,4 million au Mali, 1,9 million au Burkina Faso et 1,7 million au Niger. 5 Par exemple, plus d’une personne sur deux n’a pas accès à l’eau à Gao (44%) et de Kidal (38%) HNO Mali 2020, p62. 6 HNO Niger 2020, p56. 7 WASH Cluster Burkina Faso, Plaidoyer pour le WASH-Urgence au Burkina Faso. 8 Le nombre de déplacés a explosé au Burkina Faso en 2019 et 2020, 54% des déplacés ayant trouvé refuge dans des communes rurales et 46% dans les villes. La population des cinq villes recevant le plus de déplacés a ainsi augmenté de 18% à Fada N’Gourma (région Est) à plus de 169% pour Djibo (Sahel). Les vingt communes recevant le plus de déplacés ont ainsi vu leur taux d’accès à l’eau moyen passer de 63% avant l’arrivée des déplacés à 44%. L’accès à l’assainissement est passé de 23% à 14% dans ces 20 communes. (Note de plaidoyer pour le WASH urgence au Burkina Faso) 9 Au Niger le taux de panne dans la région de Tillabéry par exemple est de presque 13% par rapport à une moyenne nationale autour de 8%, Niger HNO 2020, p56 10 Dans plus de 18% des localités évaluées par l’étude REACH sur les trois pays en mars 2020 (et près de 70% des localités au Sahel et Centre Nord), les populations mettent plus d’une heure pour aller chercher de l’eau. 11 Dans 26% des localités de l’étude REACH ce type de sources constitue les principales sources d’eau pour les populations. 12 La majorité des populations dans 72% des localités évaluées par REACH n’utilise pas de latrines (80% au Niger) et les populations disent se laver les mains avec du savon ou de la cendre dans seulement 13% des localités évaluées. La saison des pluies en cours risque de renforcer les risques de propagation des épidémies et de détériorer encore plus les ouvrages EHA tandis que la saison sèche renforce encore le besoin en eau. 13 http://data.uis.unesco.org/ 2
des écoles par des groupes armés ou les populations déplacées exacerbent la situation structurelle précaire des systèmes éducatifs, tels le manque de bâtiments scolaires, le manque d’enseignants et certains facteurs socio-culturels (notamment les mariages et grossesses précoces et le travail des enfants). La pandémie de COVID-19 a par ailleurs laissé plus de 13 millions d’élèves sans aucune opportunité éducative durant plusieurs mois 14. Ceci a anéanti les efforts consentis sur de longues années pour la scolarisation des enfants et met particulièrement à risque le retour à l’école des plus vulnérables. Le Sahel est une région qui présente l'un des taux d’alphabétisation les plus faibles au monde, ce qui constitue une barrière pour l’intérêt et la participation de parents dans la scolarisation de leurs enfants. Les enfants hors de l’école (déscolarisés et non scolarisés) et ceux qui vont à l’école de manière intermittente sont exposés à des risques accrus de protection : violence sexuelle, mariage et grossesse précoces, travail des enfants, recrutement forcé au sein des groupes armés, consommation et trafic de stupéfiants. Le risque est particulièrement élevé pour les filles 15. Les enfants sans éducation encourent le risque de se faire marier 3 ans plus tôt que les autres 16. Sécurité alimentaire Selon les projections de l’analyse du Cadre Harmonisé faites en Mars 2020, il était estimé que, rien que pour la région du Liptako-Gourma, 2,1 millions de personnes seraient au moins en état de crise alimentaire sur la période juin-août 2020 17. Les trois pays du Sahel Central ont enregistré une augmentation moyenne de l’insécurité alimentaire aiguë sévère de 142% 18 par rapport à la même période en 2019. Selon les analyses intégrées du contexte (AIC) menées par le PAM dans les trois pays, environ 58% des individus de la zone habitent dans des zones géographiques frappées par un niveau élevé d’insécurité alimentaire récurrente depuis 2013 ; plus de 40% habitent dans des zones où cette récurrence est moyenne. L’insécurité alimentaire est particulièrement liée à l’insécurité, au changement climatique et ses aléas, mais aussi à la pression foncière. Par ailleurs, les trois pays ont subi une baisse de la production durant la campagne agricole 2019-2020 en raison des attaques de chenilles légionnaires d’automne 19, et la région fait actuellement face à la menace d’invasion du criquet pèlerin. Enfin, la situation pastorale demeure préoccupante avec une production fourragère déficitaire dans de nombreuses régions 20. La crise de la COVID-19, en perturbant les systèmes alimentaires et les moyens d’existence, est venue aggraver la situation. 1.2. ANALYSE DES PRINCIPAUX FACTEURS DE VULNERABILITE ET D’OBSTACLES A L’ACCES AUX SERVICES Faible gouvernance et insuffisance de l’offre en services sociaux de base La crise du Sahel Central est d’abord une crise de développement. Les pays de la région font face depuis de nombreuses années à un affaiblissement des services de base en raison du désengagement de l’Etat dans les services publics, du manque d’investissement, d’une incapacité administrative, couplée à des problèmes de gouvernance et des inégalités sociales et territoriales structurelles. ● L’accès des populations à la santé est particulièrement impacté par : le coût des services, en dépit des efforts pour la gratuité des soins qui, si elle est reconnue dans les textes, n’est pas suffisamment mise en œuvre, notamment faute de moyens ; des difficultés d’approvisionnement 14 UNICEF WCARO (7 April 2020): WCARO Impact of COVID-19 on Education 15 Au Niger, plus de 75% des femmes ont été mariées avant l’âge de 18 ans ; 52% au Mali et au Burkina Faso. (Child Not Brides : L’éducation ; clé de la fin du mariage des enfants au Sahel) 16 UNICEF (January 2015): The Investment Case for Education and Equity 17 Environ 5,5 millions de personnes sur l’ensemble des trois pays (Burkina Faso, Mali et Niger) 18 Burkina Faso +213%, Mali +142%, Niger +71%. 19 Avec environ 94 000 ha infestés au Burkina Faso et 267 883 ha au Mali en 2019. 20 Par exemple, une production fourragère déficitaire de 11 millions de tonnes de matière sèche dans la zone pastorale du Niger, notamment à l’extrême-est du pays. 3
des structures sanitaires en médicaments essentiels et autres intrants médico-techniques ; le manque de ressources humaines en quantité et en qualité. Les personnels médicaux (tout comme les enseignants) sont régulièrement en grève pour protester contre les conditions précaires de travail 21. En ce qui concerne la nutrition, l’intégration efficace des services nutritionnels dans l’offre de base de soins au niveau étatique (encore vu comme un secteur humanitaire) continue de représenter un défi majeur. En ce qui concerne l’EHA, un grand nombre de forages réalisés sont négatifs ; le manque de données hydrogéologiques et les coût importants nécessaires pour forer jusqu’à des nappes plus profondes sont des obstacles majeurs. Le manque d’investissement dans le secteur ne permet pas une utilisation systématique de technologies plus autonomes telles que les pompes solaires, qui pourraient pourtant améliorer la durabilité des ouvrages dans des zones soumises aux aléas climatiques. ● Si, en milieu urbain, on peut trouver des écoles bien construites et équipées, il est fréquent de trouver des écoles sous paillote dans les villages, exposant ainsi les élèves et leurs enseignants à la précarité. Dans le secteur éducatif, les conséquences d’une faible gouvernance sont mises en évidence, par exemple, par la fuite de liquidités non salariales et de matériel didactique, la mauvaise affectation des ressources, la mauvaise gestion des enseignants (comme les problèmes d’absentéisme élevé et de faible motivation des enseignants). Les politiques du secteur ne répondent pas au problème du manque d’accès à des facilités sanitaires adéquates pour les filles, ce qui, cumulé aux mariages précoces des jeunes filles, augmente le risque de désertion. ● L’insécurité alimentaire est également concernée par ces faiblesses structurelles, avec des politiques agricoles inadaptées, un secteur rural sous-financé, des moyens et techniques de production inadéquats. ● En ce qui concerne les systèmes nationaux de protection sociale, malgré le développement de stratégies nationales pour la protection sociale dans les trois pays du Sahel Central, appuyées par les partenaires, de nombreux progrès restent encore à accomplir : les registres sociaux sont encore très récents et doivent être étendus ; les rôles institutionnels des acteurs impliqués dans les systèmes de protection sociale adaptative ne sont pas suffisamment définis, ce qui entrave la coordination ; les stratégies d’intervention et les procédures opérationnelles ne sont pas suffisamment incluses dans les plans d'intervention d'urgence pour répondre aux chocs ; les systèmes d'alerte précoce existants doivent encore être renforcés pour fournir des informations fiables, régulières et opportunes. Actuellement, ces systèmes ne permettent ni d’enrayer la pauvreté structurelle, ni d’empêcher les groupes à risques de tomber dans la pauvreté en cas de crise. Les choix budgétaires et fiscaux des Gouvernements sahéliens ne permettent pas de lever des ressources suffisantes pour financer des services publics de qualité à toutes et tous, ni de réduire les inégalités de revenus dans la population. Ainsi, sur les dernières années les trois pays du Sahel Central ont connu une baisse de leur budget en EHA, santé et/ou nutrition. Si les mécanismes de financement public en matière d’éducation se sont améliorés, les budgets alloués restent insuffisants compte tenu de l’ampleur des besoins, aggravée par les destructions d’écoles dans les zones en crise 22. L’investissement de ces pays dans les programmes d’assistance sociale demeure trop limité pour assurer une mise à l’échelle et une opérationnalisation rapide et efficace 23. Enfin, la décentralisation a parfois favorisé des politiques locales clientélistes aux dépens de communautés nomades qui se sont vues privées de services adaptés à leurs pratiques sociales, voire de l’accès à des terres dont l’usage était jusqu’alors mixte et différencié en fonction des saisons. Cette décentralisation a entraîné simultanément un désengagement de l’Etat de son rôle de gardien de 21 Au Mali et au Burkina Faso en 2019-2020, les manifestations des enseignants réclamant de meilleures conditions salariales pour le personnel éducatif ont également causé des retards dans le calendrier scolaire allant parfois jusqu’à plusieurs mois. 22 En 2019, la part du budget au secteur de l’éducation du Burkina Faso est de 22,76%, contre 23,29% en 2020, démontrant ainsi un effort de la part du gouvernement de garantir le droit à l’éducation pour tous. 23 0,58% du PIB au Burkina Faso, 0,18% au Mali et 0,14% au Niger. 4
l’intérêt général. Il importe qu’une action soit entreprise pour renforcer la capacité de l’Etat central à contrôler et former l’action des services décentralisés dans le cadre d’un développement intégré des territoires qui profite à tous les groupes de la société. Inégalité dans l’accès aux services sociaux et l’accès aux ressources Les services publics d’éducation, de santé et de protection sociale laissent à l’écart une grande part de la population, marginalisée ou discriminée. D’abord les plus pauvres, concernés en premier lieu par la faim faute d’accès financier à une alimentation saine, qui n’ont pas les moyens d’accéder aux soins de santé, à la terre ni aux autres ressources productives et ont un niveau de scolarisation extrêmement faible n’ont pas accès. Ensuite, les filles, qui ne sont pas maintenues assez longtemps dans le système scolaire. Les populations rurales ont un accès extrêmement faible à la santé et à l’eau, l’hygiène et l’assainissement, et des opportunités de formation et de travail très limitées. Malgré l’augmentation globale des financements dans le secteur agricole, l’agriculture familiale, les femmes, les jeunes ruraux, les biens et services publics, sont trop souvent exclus des investissements formels. Par ailleurs, alors que l’élevage contribue pour près d’un tiers du PIB agricole, il ne reçoit que 10% des dépenses consacrées à l’agriculture 24. La multiplication des conflits dans la région est moins liée à la diminution des ressources disponibles qu’à la transformation des systèmes de production qui génère des compétitions mal régulées autour de l’accès aux ressources de plus en plus convoitées 25. L’absence de solutions apportées par l’Etat ou les autorités locales, ou des solutions perçues comme inéquitables par une partie alimentent des frustrations vis-à-vis des pouvoirs publics, voire un sentiment de relégation/discrimination le long de lignes ethniques, religieuses, de genre ou politiques. Si jusqu’à une période relativement récente des mécanismes de régulation traditionnels ont permis de contrebalancer les carences étatiques, de profonds changements à la fois sociologiques, démographiques, mais aussi climatiques et environnementaux affectent aujourd’hui de façon durable et irrémédiable ces mécanismes 26. Insécurité Alors que les services étatiques étaient initialement faibles, l’espace humanitaire s’est considérablement réduit en 2018 et 2019 en raison de l’insécurité, ne permettant plus à l’Etat d’assurer un minimum de services. En mars 2020, selon le Plan de réponse régional avril 2020-avril 2021 de la FAO, plus de 1,2 million de personnes étaient déplacées. Les populations réfugiées et déplacées internes souffrent particulièrement du manque d’accès aux services de base, et sont en plus confrontées à des risques de protection. Pour le moment, ces populations ne sont que peu prises en compte dans les plans nationaux et locaux de développement ainsi que dans les systèmes nationaux de protection sociale. Les mesures prises par les gouvernements pour limiter l’extension de l’influence des groupes armés et reprendre le contrôle sur les territoires ont des impacts directs sur les populations et l’accès aux services de base. Au Burkina Faso, Mali et Niger, l’état d’urgence instauré depuis 2018 s’est traduit par l’interdiction de circulation des motocycles et pickups, pourtant essentiels pour accéder à ces services. ● Entre avril 2017 et juin 2019, dans les pays du Sahel central, les fermetures d’écoles attribuables à la violence ont été multipliées par six 27, passant de 512 à 3 005 28. Plus de 20 attaques directes 24 OXFAM, Sahel : Lutter contre les inégalités pour répondre aux défis du développement et de la sécurité, juillet 2019. 25 International Crisis Group, Le Sahel central, théâtre des nouvelles guerres climatiques ? avril 2020. 26 La coexistence du droit coutumier et du droit étatique et la dualité des instances d’arbitrage créent une incertitude juridique compliquant la résolution des conflits locaux. Les normes coutumières peinent à s’adapter aux nouvelles dynamiques de conflit et les mécanismes de résolution des conflits sont globalement en perte de vitesse, bien que le même constat ne puisse être fait partout. L’efficacité relative des mécanismes de résolution des conflits a une incidence sur leur prévalence, qui fluctue selon les zones. 27 L’éducation en péril en Afrique de l’Ouest et centrale ; UNICEF, Août 2019 28 Au mois de mars 2002, selon les clusters Education de chaque pays, on comptait désormais 4 074 écoles fermées en raison d’attaques directes ou de menaces, affectant plus de 1,4 million d’enfants venant s’ajouter aux 9,36 millions d’enfants hors de l’école que comptent à eux seuls le Mali, le Niger et le Burkina Faso en raison des obstacles structurels. 5
contre des écoles et le personnel éducatif ont été signalées pendant les vacances scolaires d’été au Burkina Faso et à la rentrée scolaire au Niger et au Mali, entre juillet et octobre 2019. Parmi la totalité des écoles fermées, une partie seulement a subi des attaques ou des menaces directes ; les autres ont fermé par peur de représailles ou du fait du départ des enseignants 29. Par peur, certains parents retirent aussi leurs enfants des écoles. Dans ce contexte d’insécurité, les enfants éprouvent souvent de la détresse psychologique nuisant à leur capacité à apprendre et à absorber de nouvelles informations. ● Dans le Liptako Gourma, près d’une personne sur 5 rapporte ne pouvoir atteindre certains points d’eau par peur pour leur sécurité. La fuite des techniciens empêche le maintien des ouvrages, les approvisionnements en matériel, intrants et carburant sont perturbés, mettant ainsi à l’arrêt de nombreux réseaux d’eau. Les informations disponibles pour les zones hors du contrôle étatique sont encore largement insuffisantes. ● L’accès à la santé est également entravé par l’insécurité sur les trajets et les attaques contre les centres de santé ont conduit à la fermeture d’un grand nombre d’entre eux 30. Les mouvements de populations externes et internes accentuent la pauvreté et la promiscuité, dégradant davantage les conditions sanitaires déjà précaires et créant les conditions favorables à la propagation rapide des épidémies. Ces déplacements mettent davantage de pression sur les services de santé et d’EHA déjà extrêmement fragiles et entraînent l’augmentation de la morbidité et la mortalité maternelle et infanto-juvénile. Ils impactent également fortement les deux principaux moyens de subsistance des populations, les activités agricoles et l’élevage. L’érosion des moyens d’existence accélère la dégradation de l’insécurité alimentaire. Changement climatique La région du Sahel central (Mali, Burkina Faso et Niger) est perçue, depuis les sécheresses des années 1970-1980, comme un espace écologiquement fragile. Au Sahel, les températures augmentent 1,5 fois plus vite que dans le reste du monde. Les épisodes de sécheresse sont fréquents. Les sols et le couvert végétal se dégradent d’année en année, ce qui pourrait nuire à l’économie de la région, basée principalement sur la production agropastorale et qui engage près de 80-90% de la population. Les populations rurales sont particulièrement affectées par les effets du changement climatique tels que l’accentuation des phénomènes météorologiques extrêmes, le dérèglement du cycle de l’eau et la diminution de la fertilité des terres et du couvert végétal qui menacent les moyens d’existence et la sécurité alimentaire des communautés vivant de la pêche, de l’agriculture et de l’élevage. Les difficultés engendrées pour les éleveurs perdurent plusieurs années, marquées par des périodes précoces et prolongées de déficits fourragers et d’accès à l’eau limité pour les cheptels. La zone frontalière des trois pays est également exposée aux inondations récurrentes en période hivernale. La dégradation des terres, l’ensablement des réseaux hydrographiques et les pluies extrêmes aggravent ce phénomène. 68% des zones administratives de niveau 2 du Liptako-Gourma ont des niveaux d’exposition moyen ou élevé́ aux chocs naturels. Aux causes structurelles s’ajoutent depuis plusieurs années des facteurs exogènes qui se nourrissent mutuellement et renforcent les inégalités et les injustices : le manque de développement alimente les conflits, et la violence entrave à son tour le développement. 29 Au Burkina Faso par exemple, des agents de santé se sont repliés vers les centres urbains, suite aux attaques et assassinats ciblés enregistrés dans les régions du Sahel et du Nord, accès humanitaire. 30 Au Burkina Faso en avril 2020, 11% (133) des formations sanitaires étaient fermées et 13% (156) fonctionnaient à minima dans les six régions les plus affectées par la crise sécuritaire privant ainsi plus de 1,5 million de personnes d’accès aux soins de santé primaires et secondaires. Source : UNICEF. 6
1.3. ETAT DES LIEUX DE LA REPONSE En raison de la nature des crises auxquelles elle est confrontée, la région du Sahel Central devrait être pionnière pour la mise en place du nexus humanitaire / développement. Si la pertinence du nexus est largement admise, son application peine à se réaliser. Présence et rôle des services étatiques dans les zones de crise sécuritaire En termes de continuité des services de base, face à la situation d’insécurité croissante, la plupart des services publics ne sont plus fournis, comme vu plus haut. Un effort est à noter sur l’éducation, avec la mise en place des stratégies pour maintenir les enfants à l’école 31. Ces initiatives sont à saluer, mais font face à des problèmes structurels, comme le transport, le manque d’accès à un ordinateur, à internet ou à un réseau mobile 32. La fracture numérique, notamment pour les enfants vivant en camps de déplacés ou réfugiés, ne permet pas aux familles les plus vulnérables de bénéficier de ces initiatives. Chaque année, en préalable à la période de soudure, les Etats d’Afrique de l’Ouest développent des plans nationaux de réponse à l’insécurité alimentaire, basés sur l’analyse du Cadre Harmonisé. Si le processus s’est nettement amélioré ces dernières années, des insuffisances sont toujours notables, comme : le temps de réponse par rapport à l’urgence ; une réponse portant encore essentiellement sur la réduction de l’impact plutôt que la réduction des déterminants ; le ciblage, ou comment distinguer l’insécurité alimentaire conjoncturelle et celle structurelle 33. Assistance extérieure : réponse humanitaire et développement L’instabilité croissante des dernières années couplée au manque de flexibilité des outils du développement a contraint les acteurs humanitaires à répondre non seulement aux besoins immédiats des populations, mais aussi à reprendre à leur charge la provision des services sociaux de base comme la santé, l’éducation et l’eau, hygiène et assainissement dans les contextes de crise durable ou de déplacement de populations sur le long terme, comme dans le Sahel Central. Par ailleurs, les crises sanitaires comme celles liées à la pandémie de COVID-19 ont pu aggraver des fragilités préexistantes des systèmes et infrastructures en place. L’accueil de populations déracinées demande des efforts spécifiques des systèmes en place qui se trouvent saturés par les flux de populations. L’aide au développement, en soutien à ces systèmes nationaux, peut ainsi avoir un rôle de prévention des crises. Le lien entre urgence et développement devient, à ce titre, de plus en plus important dans les contextes fragiles. En ce qui concerne la santé, une bonne partie de la gestion des soins de santé primaires (ressources humaines, infrastructures sanitaires avec EHA, financement, gouvernance et soins) dans les zones d’insécurité incombe en partie aux acteurs humanitaires, notamment aux ONG en appui à l’Etat. Cependant, du fait de financements limités et d’un faible accès humanitaire impacté par l’insécurité, on note des lacunes importantes dans la réponse humanitaire. La réponse en nutrition dans les pays du Sahel Central s’efforce de proposer un paquet intégrant services préventifs et curatifs, pour répondre aux besoins humanitaires d’urgence, mais aussi corriger les causes sous-jacentes de la malnutrition. Cette approche multisectorielle se concentre sur le renforcement des systèmes et des communautés avec pour objectif des impacts à long terme. 31 Au Burkina Faso, en 2019 une stratégie nationale de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires (SSEZDS) 2019-2024 a été développée. Au Mali, le Ministère de l’éducation, avec l’appui de ses partenaires, a mis au point un programme national d’écoles spéciales appelé « Stratégie de scolarisation accélérée » et a inclus « L’éducation pour la consolidation de la paix » dans son nouveau « programme éducatif de 10 ans ». Le Niger est dans un processus de validation d’une politique nationale de réduction de la vulnérabilité du système éducatif. 32 En Afrique subsaharienne (et le Sahel ne fait pas exception à cela) 89% des apprenants n'ont pas accès à un ordinateur à domicile, 82% n'ont pas accès à l'internet et environ 28 millions d'apprenants vivent dans des endroits non desservis par des réseaux mobiles. 33 RPCA, Evaluation externe de la charte PREGEC. Analyse de la performance et l’efficacité de la réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles, octobre 2018 7
Sur le volet de l’éducation, avant et pendant la COVID-19, les partenaires contribuent auprès des Etats à lutter contre le taux de déscolarisation au Niger, au Mali et au Burkina Faso en proposant des cours de rattrapage et des cours d'alphabétisation aux filles de 9 à 13 ans. Les réponses humanitaires en EHA restent largement insuffisantes 34. Les femmes et les jeunes filles sont celles qui vont chercher l’eau et sont particulièrement affectées par les heures d’attentes, les risques de protection associés aux trajets vers les points d’eau (et potentiellement les latrines et douches) mais souffrent aussi du manque flagrant d’assistance spécifique suffisante comme pour l’hygiène menstruelle. Les réponses EHA n’intègrent encore pas suffisamment la question du genre et de la protection transversale 35. Un certain nombre de projets de développement cible des zones en crise tels que le Programme d’Urgence pour le Sahel du Burkina Faso (PUS-BF) ou divers projets de l’alliance Sahel, mais semblent rencontrer des difficultés de mise en œuvre 36 du fait notamment des problèmes d’accès et de présence mais également de la nécessité de flexibilité et de réactivité. Si l’Alliance Sahel s’est engagée à augmenter l’accès à tous les services de base 37, force est de constater un manque de transparence sur les projets de l’Alliance, leur mise en œuvre et leur impact. Rôle du secteur privé La collaboration avec les acteurs du secteur privé reste trop faible en raison des capacités limitées à étendre la couverture. Pourtant, ceux-ci devraient être mis à contribution et renforcés (avec un encadrement clair sur les conflits d’intérêt), car ils peuvent apporter une expertise et des solutions pour diversifier les options de réponse, notamment pour l’extension des filets sociaux, mais aussi pour tout ce qui relève de la chaine alimentaire. En EHA, dans un certain nombre de zones, les acteurs privés ont pris la relève et construit des ouvrages d’eau dont l’accès est ensuite payant. Or le coût d’accès à l’eau mais également le manque de bidons pour collecter de l’eau peuvent également représenter d’importants obstacles pour les plus vulnérables, comme au Burkina Faso. Il est crucial de s’assurer que ces acteurs privés fassent donc partie des politiques publiques d’accès à l’eau, appliquent des forfaits et prix convenus et si possible progressifs, pour permettre aux plus vulnérables d’avoir accès à l’eau tout en permettant la collecte des fonds nécessaires à l’entretien des ouvrages. Les contraintes impactant la réponse Malgré les interventions de ces différents acteurs, un certain nombre de contraintes viennent expliquer la persistance des gaps, à commencer par les financements. o Un niveau de financement humanitaire trop faible comparé à l’ampleur des besoins Dans un contexte comme celui du Sahel Central, les besoins humanitaires ne cessent d’augmenter. Pourtant, force est de constater ces dernières années, une stagnation voire une baisse des enveloppes financières destinées à la réponse humanitaire. Fin juillet, les secteurs des services sociaux de base sont financés au mieux à 25% des financements requis, au pire à 7%, comme l’indique le tableau ci- joint (couverture des financements humanitaires requis par secteur). Les financements requis ne 34 Au Burkina Faso, de janvier à juin 2020, la majorité des personnes atteintes par l’aide ont bénéficié d’activités de sensibilisation à l’hygiène tandis que seules 22% et 11% des personnes ciblées ont reçu une assistance respectivement en eau et assainissement. De janvier à juin 2020 les membres du cluster WASH ont atteint 543.403 personnes sur 1 million de personnes ciblées par le plan de réponse humanitaire 2020 (HRP). Cependant la majorité des activités ont été des activités « soft » d’hygiènes qui ne permettent pas d’améliorer ni l’accès à l’eau ni à l’assainissement. Seules 213.000 personnes ont été atteintes pour l’eau et 75.152 pour l’assainissement, soit respectivement 22% et 11% de progrès pour atteindre les objectifs d’un plan de réponse qui ne cible que 45% des populations en besoin d’assistance humanitaire EHA. 35 Oxfam, Survivantes et Héroïnes : Les femmes dans la crise au Burkina Faso, mai 2020. 36 Par exemple la mise en œuvre du PUS-BF qui n’est mis en œuvre qu’à moitié chaque année, notamment en raison de problèmes de flexibilité, de financement et d’insécurité. https://www.crisisgroup.org/fr/africa/sahel/burkina-faso/287- burkina-faso-sortir-de-la-spirale-des-violences. 37 Alliance Sahel, note sectorielle Décentralisation et Services de base. 8
visent pourtant qu’une partie des besoins identifiés. Ainsi, même Pourcentage des si les plans de réponse ne ciblent que 45% des besoins EHA au Secteurs financements requis sécurisés Burkina Faso et 58% au Niger, les réponses restent parmi les Education 12,23% secteurs les moins financés. 38 Nutrition 15,31% o Un manque persistant d’instruments adaptés à la crise Santé 10,05% (mixtes, flexibles et pluriannuels) Sécurité Le type de financement reste inadapté à des crises qui durent sur 12,53% alimentaire des années tout en évoluant sans cesse. Les mécanismes de WASH 12,63% réponse rapide (RRM) permettent de répondre plus rapidement à de nouveaux besoins mais peinent à trouver des acteurs pour assurer la seconde phase de la réponse au-delà des trois mois du RRM. Il n’y a pas aujourd’hui d’approche systématique et coordonnée entre bailleurs pour assurer une réponse flexible et multi- annuelle qui permettrait de dégager de la visibilité pour les acteurs humanitaires, de ne pas laisser les populations vulnérables sans assistance et de faire avancer les Objectifs de Développement Durables (ODD) aux niveaux local, régional et national. Malgré certains efforts et initiatives, le lien entre des réponses humanitaires d’urgence et des réponses de plus long terme reste insuffisant et n’est pas systématique. Les bailleurs de développement et humanitaires continuent de fonctionner selon des logiques, des objectifs et surtout des principes différents qui rendent difficile l’articulation entre les deux types d’interventions. Les instruments de financements mixtes tels que le Fond Fiduciaire de l’Union Européenne pourraient fournir des opportunités intéressantes mais restent encore guidés par des intérêts politiques ou sécuritaires plutôt que par les besoins et principes humanitaires 39. o Une coordination insuffisante L’identification rapide mais fiable des vulnérabilités sur la base du besoin plutôt que du statut reste une difficulté dans certains contextes de la région. Du côté des humanitaires, la crise de la COVID-19, l’augmentation des violences remettent en question le concept de « vulnérabilité » traditionnellement admis au Sahel. La coordination humanitaire n’est pas efficace pour identifier les lacunes et les problèmes au sein des clusters, et la coordination intersectorielle doit être renforcée pour améliorer l’alignement à travers les secteurs et entre acteurs humanitaires et de développement. Les clusters ont donc un rôle important à jouer pour identifier et harmoniser les bonnes pratiques, renforcer la coordination intersectorielle, faire le lien avec les acteurs de développement travaillant dans ces zones 40. Le manque de visibilité sur les plans d'intervention des gouvernements et du coté développement des Nations Unies, et l’accès limité au financement spécifique à la COVID-19 pour les ONG sont autant de difficultés qui limitent et ralentissent les réponses. Le manque de ressources dédiées à la coordination dans ces trois pays limite également la capacité des acteurs humanitaires à contribuer à l’expansion opérationnelle des filets sociaux et à apporter une réponse rapide basée sur des analyses détaillées et les évidences. Les Cash Working Groups (CWG), dans les trois pays, ne bénéficient pas de ressource dédiée. o Une augmentation des obstacles à l’accès humanitaire Enfin, les nombreux obstacles à l’accès humanitaire (cf. note thématique 3) limitent considérablement l’accès des populations à l’aide humanitaire, y compris pour les secteurs liés aux services sociaux de base. 38 Financial Tracking Service pour Mali, Burkina Faso et Niger, consulté le 28 juillet 2020 39 Le Fonds Fiduciaire de l'UE pour l'Afrique : Tiraillés entre la politique d'aide et les politiques migratoires. 40 La nutrition, par son approche multisectorielle et multi-acteurs, peut être un bon exemple de la coordination possible entre humanitaire et développement, et de la reprise progressive par les autorités d’activités précédemment mises en œuvre par des acteurs humanitaires. 9
2. RECOMMANDATIONS ET DEMANDES SPÉCIFIQUES / FEUILLE DE ROUTE La crise sécuritaire que connaît le Sahel Central se nourrissant de graves défaillances structurelles de longue date, elle impose à l’ensemble des partenaires une dualité de l’action: HUMANITAIRE pour une réponse immédiate aux besoins des populations en termes de services sociaux de base tout en incluant les acteurs locaux du développement à l’action humanitaire ; DÉVELOPPEMENT, en accompagnant l’Etat pour apporter les réponses nécessaires aux causes structurelles de la crise, renforcer la résilience des communautés et à aller au-delà d’une approche essentiellement sécuritaire. Recommandations aux gouvernements et aux services étatiques ● Élaborer des politiques, stratégies, plans et programmes, sectoriels ou multisectoriels, visant : d’une part, à améliorer rapidement et durablement l’accès aux services sociaux de base, notamment dans les zones touchées par le conflit et pour les plus vulnérables ; d’autre part, à assurer une gestion inclusive et équitable des ressources et notamment de l’eau. Ces stratégies devraient être fondées sur la vulnérabilité et devront être adaptées à chaque contexte et capables de s'adapter à une augmentation soudaine des besoins ou à d'autres changements de contexte ; ● Mobiliser des ressources financières domestiques suffisantes, proportionnellement à l’augmentation et les projections d’augmentation des besoins et de la démographie ; ● Financer les systèmes de protection sociale intégrés et assurer l’accès financier de tous aux services sociaux en établissant des systèmes de gratuité, de paiement progressif et de filets sociaux ; étendre les systèmes de protection existants aux personnes impactées par les crises ; ● Pour ce faire, identifier des sources de financement endogènes innovantes et accompagner le financement du renforcement des services sociaux de base et de l’assistance sociale d’une justice fiscale juste, progressive et équitable ; définir des stratégies de financement des réponses aux chocs en collaboration avec les bailleurs ; ● Mettre en place des mécanismes de suivi des populations n’ayant plus accès aux services (déplacés internes, enfants et familles restées sur place) ; adopter des stratégies d’accès mais aussi de contingence dans les zones à risques pour permettre la continuité des services sociaux de base dans un contexte d’accès limité, notamment à travers : des efforts de désescalade des tensions intercommunautaires, entre communautés déplacées et hôtes ; une protection et une justice effective à toutes les populations civiles, sans discrimination ; la réhabilitation ou le développement des infrastructures routières et de transport dans certaines régions particulièrement affectées par les besoins humanitaires, pour désenclaver les populations et faciliter l’accès ; ● Travailler à la mise à l’échelle et à l’institutionnalisation des solutions locales en matière d’accès aux services de base et aux moyens de subsistance à travers des cadres normatifs plus inclusifs et mieux adaptés aux réalités des territoires ; ● Renforcer la gouvernance, pour accompagner les efforts d’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, en mettant en place des mécanismes de redevabilité solides, en décentralisant le pouvoir décisionnel, les ressources financières et les compétences techniques, et en associant la société civile locale dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques, plans, programmes et projets sur les services sociaux de base ; ● Promouvoir la prise en compte, dans la définition des budgets annuels des collectivités locales, de nouvelles formes de gestion participative. Aux acteurs humanitaires, de développement et portant sur la paix ● Orienter les actions dans une logique d’appui en permettant le transfert de compétences et non une substitution des actions de l’État ; ● Sur la réponse humanitaire, prendre des engagements clairs afin d’augmenter la couverture des personnes ciblées (au moins 80%), la convergence géographique et la mise à l'échelle en révisant les plans de réponse en cours à la hausse ; ● S’engager collectivement à participer à la coordination et renforcer les clusters pour : o Identifier les besoins de façon rapide et flexible, basée sur les vulnérabilités uniquement ; 10
o Identifier de manière plus systématique, transparente et collective : les gaps et obstacles qui expliquent les retards de mise en œuvre ; les bonnes pratiques dans un contexte de crise et d’accès difficile ; les réponses les plus impactantes, à travers le partage systématique des informations, évaluations et données techniques basées sur des données ventilées par sexe et par âge, et la mise en place d’un processus d'analyse des options (s'appuyant sur des évaluations de faisabilité pour toutes les modalités) ; o Assurer une redevabilité effective sur la qualité des réponses fournies et notamment le respect effectif des standards de réponse y compris des standards SPHERE ; o Travailler de façon plus étroite avec les services déconcentrés de l’Etat et les autorités locales, notamment pour mettre en place des pratiques et systèmes d’engagement communautaires (EC), en commençant par des systèmes de dialogue et de réponse aux préoccupations des communautés, incluant les représentants de tous les groupes sociaux ; o Renforcer la coordination inter-secteurs en particulier entre les clusters EHA, protection, santé, éducation et sécurité alimentaire/nutrition ; o S’appuyer sur les plateformes et mécanismes intersectoriels existants, nombreux dans les pays du Sahel, mais aussi sur les plans gouvernementaux intersectoriels afin de renforcer cette coordination ; ● Adopter des approches différenciées en fonction de la spécificité des zones et des facteurs structurels de fragilité, tenant compte du caractère multidimensionnel de la crise et de la volatilité du contexte y compris les effets du changement climatique ; ● Améliorer la coordination entre acteurs humanitaires et acteurs du développement à tous les niveaux, en veillant à utiliser au mieux les ressources et capacités existantes, pour réduire les besoins humanitaires à long terme, et à renforcer les actifs de résilience dont dispose la région ; veiller à ce que les plans des partenaires de développement incluent les considérations humanitaires ; ● A l’échelle micro-locale : renforcer le fonctionnement des cadres de concertation existants et créer de nouvelles synergies entre ces cadres, notamment en permettant une participation communautaire forte comme élément clé de la planification et de la mise en œuvre des programmes - en particulier pour les initiatives et les partenariats exigeant une forte implication de la part des femmes et des jeunes et leur autonomisation ; ● A l’échelle de la région : o Renforcer la capacité de l’Etat à accompagner l’action des Autorités locales dans le cadre d’un développement intégré des territoires qui profite à tous les groupes de la société ; o Promouvoir une plus grande inclusion de tous les groupes sociaux (femmes, jeunes, sédentaires, nomades, déplacés internes et réfugiés) dans la gouvernance et les processus de décision ; o Veiller à une plus grande participation, appropriation et gestion des réponses par les communautés, notamment pour améliorer les réponses dans les zones difficiles d’accès ; ● A l’échelle nationale : o Accompagner les gouvernements pour : mettre l’inclusion et la résilience des communautés au cœur des politiques nationales, développer et investir dans des politiques de soutien aux services sociaux de base ; intégrer et prioriser dans les outils de planification et les budgets nationaux les facteurs de vulnérabilité et des actions d’ordre structurel, afin de rétablir durablement les services sociaux de base, notamment dans les zones les plus reculées ; o Pour réduire et prévenir les chocs, renforcer les systèmes d’alerte précoce et la capacité des gouvernements (services du plan, de finances, des statistiques) en matière de suivi des menaces multiples, y compris au niveau décentralisé, pour mieux identifier les « hot spots » à prioriser. Encourager une politique d’investissement dans les énergies renouvelables et les nouvelles technologies, basée sur les apprentissages ; o S’appuyer sur les outils existants du système national de protection sociale pour soutenir le développement d’une protection sociale adaptative réelle ; o Investir dans et développer des solutions durables pour les réfugiés, les déplacés internes et dans un soutien durable aux migrants, aux rapatriés et aux communautés d’accueil, ainsi que pour 11
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