ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
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Ouvrage coordonné par Mauro Bassignana AUTEURS Jérôme Porteret avec les contributions de Renaud Jaunatre, Andrea Mainetti, Federica Pozzi, Axelle Tempé RELECTEURS Velca Botti, Denise Chabloz, Régis Dick, Stéphanie Huc, Francine Navillod, Sophie Vallée LE PROJET RestHAlp (2017-2020) a été cofinancé par l’Union Européenne, par le biais du FEDER, dans le cadre du programme ALCOTRA 2014-2020 (projet n. 1695), par la Région Auvergne Rhône-Alpes, par la République Italienne et par la Région Autonome Vallée d’Aoste. PARTENAIRES DU PROJET Institut Agricole Régional ; Conservatoire Botanique National Alpin ; Conservatoire d’Espaces Naturels Savoie ; Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; Parc National Grand Paradis ; Région Autonome Vallée d’Aoste. ÉDITEUR Institut Agricole Régional, Rég. La Rochère 1/A, I-11100 Aoste Impression : Tipografia DUC srl, Saint-Christophe (AO) Conception et réalisation : le naturographe Photo de couverture : J. Porteret/CEN Savoie. ISBN 978-88-99349-03-5 Comment citer ce texte : Porteret J., Jaunatre R., Mainetti A., Pozzi F., Tempé A., Botti V., Chabloz D., Dick R., Huc S., Navillod F., Vallée S., Bassignana M., 2020. Guide pour la promotion et l’utilisation des services écosystémiques dans les zones humides. IAR, Aoste, 79 p. ©2020
SOMMAIRE INTRODUCTION...................................................................................... 7 QU’EST-CE QUE LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Qu’entend-on par la notion de service écosystémique ?...... 10 Comment classer les services écosystémiques ?.....................13 Quels sont les services rendus par les zones humides ?.......15 POURQUOI UTILISER LA NOTION DE SERVICE ÉCOSYSTÉMIQUE ? À quoi sert d’évaluer les services écosystémiques ?...............18 Quelles finalités à l’usage de l’évaluation des services écosystémiques ?............................................................19 Comment l’utiliser dans le cadre de la restauration ?.............21 COMMENT METTRE EN PLACE UNE DÉMARCHE D’ÉVALUATION DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Quelle méthodologie mettre en œuvre ?....................................... 22 Qui évalue les services écosystémiques ?..................................... 28 Quels sont les cadres de l’évaluation ?........................................... 29 Quels outils sont disponibles ?............................................................30 2
COMMENT ÉTABLIR LES LIENS ENTRE LE FONCTIONNEMENT DU SITE ET LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Quelles fonctions des zones humides rendent des services ?..............................................................................36 Comment mesurer ces fonctions des zones humides ?.........41 COMMENT ATTRIBUER UNE VALEUR AUX SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Préalable à l’usage de la notion de valeur des écosystèmes...................................................................43 Quel type de valeur attribuer ?............................................................43 Quelle méthode d’attribution de la valeur ?.................................46 QUELS SERVICES RENDUS PAR LES ZONES HUMIDES ALPINES ? Conservation de la diversité spécifique et génétique............ 49 Régulation des cycles hydrologiques et de protection contre le risque inondation.............................. 52 Régulation du climat.................................................................................54 Recharge de la nappe...............................................................................56 Production de fourrage et de litière................................................ 59 Opportunités pour la recherche........................................................ 62 Opportunités pour l’éducation...........................................................65 Support pour les activités récréatives et touristiques..........68 Patrimoine culturel.....................................................................................71 NOTES DE FIN....................................................................................... 75 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................76 3
PRÉAMBULE La dégradation d’habitats dans les Sites Les processus et les éléments écolo- d’Importance Communautaire/Zones giques du fonctionnement des zones Spéciales de Conservation (SIC/ZSC) sou- humides sont étudiés, puis traduits en mis à des pressions anthropiques et à la dif- liste de services écosystémiques. Les fusion d’Espèces Exotiques Envahissantes avantages de ces services seront ensuite (EEE) est une problématique commune à analysés et quantifiés en unités de valeur de nombreux territoires. De part et d’autre appropriées, comme l’envisage l’étape 4 des Alpes, les gestionnaires et centres de de la démarche. recherche confrontés à cet enjeu se sont Ces deux étapes nécessitent de collecter engagés pour la restauration écologique et/ou rassembler des données biotiques et d’habitats au travers du projet RestHAlp. abiotiques sur le fonctionnement du milieu. Le projet s’est donc emparé de la ques- Nous nous intéressons plus particulière- tion de l’évaluation des services écosysté- ment aux éléments du fonctionnement miques des zones humides pour promou- hydrologique et biologique qui permettent voir, favoriser et appuyer la mise en œuvre d’assurer les services d’approvisionne- des politiques de restauration écologique. ment, d’appui et de régulation, sans oublier Si la démarche peut-être un bon outil de les services de culture et d’agrément. dialogue entre les acteurs du territoire, en Forts de l’expérience acquise dans le cadre raison de son approche globalisante, inté- du projet, les partenaires ont souhaité réa- gratrice par et pour le socio-écosystème, la liser un guide pour aider les porteurs de difficulté à mobiliser des cas d’étude dans projets à mieux appréhender les concepts les Alpes, pouvant constituer des exemples et les méthodes à mettre en œuvre pour se concrets, acceptables localement, est lancer dans la démarche d’évaluation des apparue comme un frein à l’engagement services écosystémiques. des acteurs dans un processus d’évalua- tion. En effet, bien qu’ayant fait l’objet de nombreux travaux et synthèses au niveau mondial 1, l’étude des services écosysté- miques rendus par les zones humides est restée peu appliquée à des cas d’étude concrets dans le contexte des Alpes occi- dentales. Toutefois, dans le projet RestHAlp, il ne s’agit pas de conduire des évaluations globales de site, mais de construire des exemples explicitant les services rendus par les zones humides et l’intérêt d’initier leur évaluation pour permettre l’engage- ment des acteurs dans la restauration de leur fonctionnement écologique. Nous nous situons donc à l’étape 3 du processus d’évaluation proposé dans le rapport technique Ramsar2, à savoir l’ana- lyse fonctionnelle des sites d’étude. 4
Description des principales étapes LE PROJET RESTHALP : de la démarche d’évaluation RESTAURATION Ramsar ÉCOLOGIQUE D’HABITATS Étape 1 - Analyse des processus DANS LES ALPES politiques et des objectifs de gestion : pourquoi entreprendre rojet européen de coopération P l’estimation ? transfrontalière Interreg ALCOTRA Italie-France 2014-20 qui associe Étape 2 - Analyse et participation différents partenaires français des acteurs : qui entreprend (CEN73, CBNA, INRAE) et italiens l’estimation et pour qui ? (IAR, Parc National Grand Paradis, Étape 3 - Analyse fonctionnelle Région Autonome Vallée d’Aoste – (identification & quantification Structure biodiversité et espaces des services) : que faut-il estimer ? naturels protégés), d’une durée de 38 mois (25/04/2017-24/06/2020), Étape 4 - Estimation des services : le projet vise à la restauration comment entreprendre l’estimation ? écologique d’habitats dans des Étape 5 - Communiquer les valeurs Sites d’Importance Communautaire de la zone humide : à qui fournir et dans leurs environs. les résultats de l’estimation ? Parmi les différentes opérations le workpackage 3 est consacré à l’amélioration de la connaissance de la biodiversité et des services écosystémiques pour améliorer la gestion des habitats. ©J. Manuel Perez 5
INTRODUCTION Ce guide s’adresse aux gestionnaires, techniciens de collectivité, porteurs de projets qui souhaitent mieux comprendre, utiliser la notion ou s’enga- ger dans la démarche d’évaluation des services écosystémiques afin de promouvoir la restaura- tion des écosystèmes et plus spécifiquement des zones humides. Il ne reprend pas de manière exhaustive la totalité des méthodes et outils proposés dans une littéra- ture internationale foisonnante. Il ne s’agit pas non plus d’une énième méthode d’évaluation ou d’un guide pas à pas pour mettre en œuvre une évalua- tion des services écosystémiques. Ce guide veut donner les principales clefs de compréhension d’un champ d’étude qui s’affirme de jour en jour comme un cadre d’échange et d’in- terface entre les acteurs institutionnels, écono- miques et de la biodiversité. Ce pense-bête s’appuie sur les références de la littérature technique et scientifique en langue anglaise, mais également en langue française et plus particulièrement sur trois publications qui nous semblent constituer des références pour l’appropriation et la mise en place de la démarche d’évaluation : la Boîte à outils des services éco- systémiques3 et le Guide méthodologique pour une augmentation de la capacité à prendre des décisions d’adaptation4 ou la Boîte à outils pour l’évaluation des services écosystémiques à l’échelle d’un site (TESSA) 5. Nous balayerons donc ici le sujet sous la forme d’une liste de questions à se poser pour bien uti- liser les concepts, s’approprier la démarche, utili- ser des résultats d’étude ou s’engager dans une démarche d’évaluation. Classées par grandes thé- matiques, elles peuvent être représentées sous la forme du schéma ci-après. 7
Qu’entend-on par service écosystémique ? Comment classer les QU’EST-CE QUE services ecosystemiques ? LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Quels sont les services rendus par les zones humides ? À quoi sert d’évaluer les services écosystémiques ? POURQUOI Quelles finalités à l’usage UTILISER UTILISER de leur évaluation ? LA NOTION DE Comment l’utiliser dans le SERVICE ÉCOSYSTÉMIQUE ? SERVICES cadre de la restauration ? Quelle méthodologie mettre en œuvre ? COMMENT METTRE EN PLACE UNE Qui évalue les services DÉMARCHE écosystémiques ? D’ÉVALUATION DES SERVICES Quels sont les cadres ÉCOSYSTÉMIQUES ? de l’évaluation ? Quels outils sont disponibles ? 8
Quelles fonctions COMMENT des zones humides ÉTABLIR LES rendent des services ? LIENS ENTRE LE Comment mesurer FONCTIONNEMENT ces fonctions des zones humides ? DU SITE ET LES SERVICES La cartographie ÉCOSYSTÉMIQUES ? de la fonctionnalité territoriale des services écosystémiques Préalable à l’usage de la notion de valeur des écosystèmes COMMENT LA NOTION DE ATTRIBUER Quel type de UNE VALEUR valeur attribuer ? ÉCOSYSTÉMIQUES AUX SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Quelle méthode d’attribution de la valeur ? Approvisionnement QUELS SERVICES RENDENT LES Régulation ZONES HUMIDES ALPINES ? Culturels 9
QU’EST-CE QUE LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Apparus dans les années 1970, dans le vaste mouvement d’évolution de la per- ception de l’environnement par les sociétés occidentales, les services rendus par les écosystèmes ont fait l’objet d’un foisonnement intellectuel et méthodologique important6 depuis l’institutionnalisation de la notion, marquée par le Millennium Ecosystem Assessment (MEA)7, au cours des années 2000. De quelques dizaines de publications scientifiques sur le thème, nous sommes passés aujourd’hui à plusieurs milliers d’articles, littérature dans laquelle le néo- phyte, gestionnaire, porteur de projets, ne peut totalement s’immerger. De la méta- phore d’origine scientifique, à vocation pédagogique, nouvelle façon de concevoir les relations homme/nature, aux dispositifs complexes d’évaluation actuel pour conserver ou gérer la nature, il est nécessaire de retracer ici brièvement l’histoire de l’émergence de cette notion pour bien en comprendre les cadres. À la fois simple dans sa compréhension et complexe dans son usage8, elle est aujourd’hui incontournable, tant elle constitue un média efficace pour favoriser les échanges entre acteurs et permettre la concrétisation d’opérations de préserva- tion ou de restauration/requalification des zones humides. Qu’entend-on par la notion de service écosystémique ? Définition systémiques, les auteurs s’interrogent sur le statut de cette expression de « ser- L’expression est construite comme une vices écosystémiques ». Pour reprendre métaphore qui associe deux concepts leur terme, s’agit-il d’un mot-clef à suc- renvoyant d’une part à l’écologie et de cès, d’une notion, d’un concept ou d’un l’autre à l’économie. Basée sur une vision nouveau paradigme ? Aujourd’hui devenu anthropocentrée de la nature, elle tra- plus qu’un mot-clef, il leur apparaît que duit à la fois la dépendance des hommes l’expression marque un changement des à l’égard des écosystèmes, mais marque rapports de l’homme à la nature et qu’elle le fait que ces écosystèmes sont là pour traduit un ensemble d’éléments qui ont servir les hommes. Forgée dans le cadre pour vocation de produire des normes, des de pensée de la modernité écologique9, mouvements de pensée ou des systèmes comme l’indiquent Dufour et al. (2016) la pour gouverner. Ils retiennent par défaut notion cherche à « remédier à la crise de le terme de notion, terme que nous utilise- la biodiversité induite par l’homme par un rons également dans ce guide, qui a le sens recours à la technologie et une gestion de l’idée générale, dont tout le monde s’ac- par le marché ». En introduction de l’ou- corde plus ou moins sur le sens à donner, vrage Political ecology des services éco- sans qu’une définition claire soit partagée. 10
NOUS PROPOSONS ICI DE REPRENDRE DEUX DÉFINITIONS : • les services écosystémiques sont les bénéfices que les hommes tirent des écosystèmes [MEA] ; Perspective historique d’apparition de cette notion • les écosystèmes et plus généra- lement la biodiversité soutiennent De nombreux auteurs font remonter la et procurent de nombreux ser- première mention de l’expression dans vices, dits services écologiques un rapport préparatoire à la confé- ou services écosystémiques, rence de Stockholm en 1972 (Study of généralement classés comme Critical Environmental Problems, 1970, bien commun et/ou bien public, Massachusetts Institute of Technology). car vitaux ou utiles pour l’hu- Cette notion de services fournis par les manité, les autres espèces et les écosystèmes, portée par des biologistes activités économiques [UICN]. de la conservation10 et des économistes11 nord-américains, se développe au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt- champ de la biologie de la conservation dix et s’impose au tournant du XXIe siècle, pour justifier la valeur de la diversité biolo- comme l’illustre l’évolution du nombre de gique. Mais au cours des années 1990, s’ini- publications scientifiques (Figure 1). tient les coopérations transdisciplinaires Les différents auteurs12 qui se sont inté- entre économistes et écologues, traduc- ressés à l’histoire de l’émergence de tion de l’évolution majeure des sciences, la notion distinguent plusieurs phases. avec le dépassement des cloisonnements Jusqu’en 1997, et l’article de Costanza disciplinaires, dans le contexte de mon- et al. dans la revue Nature, qui constitue dialisation des échanges. La construc- incontestablement un marqueur, la notion tion d’une culture scientifique commune de service écosystémique émerge dans le va permettre de médiatiser la notion et 1400 Production des auteurs français 100 Nombre de références 1200 Nombre de références 1000 50 800 0 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 600 400 200 0 1975 1981 1983 1987 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 Figure 1 - Nombre de publications abordant la notion de services écosystémiques dans une recherche Web of Science. n production internationale n production en français 11
passer de la sphère scientifique à celle du proches émergent, comme les Paiements politique. L’appropriation de la notion par pour Services Environnementaux par les décideurs et acteurs politiques durant exemple. La communauté scientifique cette période est favorisée par deux se structure alors autour de sous-dis- évolutions majeures : l’émergence de la ciplines, qui ne dialoguent pas toujours gestion adaptative en écologie13, mise en entre elles, contribuant à une diffraction œuvre par les gestionnaires au travers de de la notion de service écosystémique. la réalisation de plan de gestion, et de la notion de système socio-écologique14, qui Débats et controverses efface la limite entre système écologique et système social et replace les êtres La notion de service écosystémique fait humains dans la nature. l’objet de débats et de controverses16. Les Promue par les travaux scientifiques, critiques sont de deux ordres, concep- cette nouvelle façon de penser la conser- tuelles, dans le but d’en améliorer l’effica- vation de la nature s’est ainsi institution- cité, et plus fondamentales à propos de la nalisée, dans les années 2000-2005, pour dimension éthique sous-entendue par la être traduite dans la sphère politique à notion de service. l’échelle internationale (Évaluation des En effet, si la notion est assez floue pour écosystèmes pour le millénaire, com- être efficace d’un point de vue pédago- mandée par l’Organisation des Nations gique et politique, elle génère des confu- Unies, 2005), puis européenne (Mapping sions entre les processus, les fonctions and Assessment of Ecosystems and des écosystèmes et leur utilisation par their Services, depuis 2012) et nationale l’homme. Il en résulte une très grande (Évaluation Française des Ecosystèmes diversité des définitions des services qui et des Services Écosystémiques, pose problème lorsqu’il s’agit de les mesu- depuis 2013 ; Rapporto sullo Stato del rer dans le cadre d’évaluation17. D’autre Capitale Naturale in Italia, depuis 2017). part, les liens fonctionnels entre biodi- Fondé sur des savoirs scientifiques, le versité et services écosystémiques sont concept a donc influé sur les politiques complexes et encore mal caractérisés18. environnementales. Les informations sur l’état biologique des Après le consensus autour de la notion écosystèmes peuvent s’avérer souvent illustrée par le MEA, l’équilibre entre insuffisantes pour comprendre et intégrer l’économie et l’écologie se modifie. Si dans les décisions les interactions entre les publications scientifiques se multi- le fonctionnement des écosystèmes, les plient dans les revues d’écologie, ce n’est organisations sociales et les systèmes pas le cas dans celles d’économie. La économiques19. L’opérationnalité de la dimension économique devient surtout notion est donc également discutée. Plus prégnante dans les politiques publiques, philosophiquement, elle est discutée en comme l’illustre l’initiative The Economics raison de la vision anthropocentrée, occi- of Ecosystems and Biodiversity (TEEB)15. dentale, et du prisme économique de la Afin de rendre la notion pleinement opé- relation de l’homme à la nature qu’elle rationnelle pour les décideurs et les ges- introduit 20. tionnaires de milieux, un important travail Bien que controversée, la notion, élaborée de développement de méthodes et d’ou- pour rendre visible ce qui ne l’est pas dans tils est initié et fait émerger des tensions les systèmes décisionnels actuels, offre entre l’usage pédagogique de la notion et aujourd’hui un cadre d’échange efficace son opérationnalité. entre acteurs pour engager des opéra- Ainsi, alors que les travaux et le nombre tions de préservation ou de restauration/ de chercheurs s’intéressant aux ser- requalification des zones humides. Il per- vices écosystémiques augmentent, que met dans un contexte où la protection la notion appropriée par le politique se de la nature est contestée de fournir un diffuse au grand public, d’autres notions argumentaire à ses défenseurs. 12
« Si ce nouveau paradigme porte en lui ses propres limites et ses propres risques, il serait utopique de l’ignorer et de fonder nos efforts en faveur de la conservation et de l’utilisation rationnelle des zones humides sur des valeurs entièrement différentes. Il faut donc donner une valeur quantitative aux biens et services fournis par les zones humides si l’on veut que la conservation l’emporte sur toutes les options possibles d’utilisation des terres ou de l’eau qui alimente les zones humides. »21 Comment classer les services écosystémiques ? Comme l’illustre le panorama que nous Essentielle, car constituant le référen- avons présenté, la diversité de définitions, tiel d’étude, l’identification et la classi- d’appropriation, et d’application se traduit fication des services constituent la pre- par une pluralité de classement des ser- mière étape de la mise en place de toute vices dans la littérature. Outre la plura- démarche d’utilisation ou d’évaluation des lité de classification, la littérature laisse services écosystémiques. Ce choix peut à voir une multiplicité d’intitulés de ser- être guidé par la revue de littérature de vices22. Ainsi, pour les services culturels Fisher et al. (2009)23 des multiples classe- par exemple, l’analyse de 142 publications ments existants. En s’adressant aux ges- montre que pas moins de 36 intitulés dif- tionnaires d’espaces naturels, les auteurs férents ont été utilisés pour désigner le avancent des exemples de contextes de même service touchant à l’aspect pay- décision et proposent les classifications sager des écosystèmes. Dans le même les plus appropriées pour chacun. article de Blicharska et al. (2016), il appa- Ainsi, pour une finalité de promotion et de raît que seulement 18 % de l’ensemble des sensibilisation d’un public large, l’utilisa- termes ou expressions utilisés répon- tion de la classification du MEA en 4 caté- daient à la définition de « service écosys- gories (services de support, de régulation, témique » et 45 % d’entre eux désignaient d’approvisionnement et services cultu- en fait uniquement des « bénéfices ». rels) apparaît bien appropriée. Tableau 1 - Qualification schématique des services écosystémiques selon le MEA. Approvisionnement – valeur d’usage direct Nourriture (culture, élevage, pêche, aquaculture, plantes sau- vages et nourriture animale), fibres (bois, coton, bois-énergie), ressources génétiques, biochimie et biopharmacie, eau potable. Support Formation Régulation – valeur d’usage indirect des sols, Qualité de l’air, régulation climatique (globale et régionale/locale), photosynthèse, régulation de l’eau, régulation de l’érosion, purification de l’eau production et traitement des déchets, régulation des maladies, régulation primaire, des nuisibles, pollinisation, régulation des risques naturels. cycle nutritif, cycle de l’eau Services culturels – valeur de non usage Diversité culturelle, valeurs religieuses et spirituelles, systèmes de savoirs, valeurs éducatives, Inspiration, valeurs esthétiques, relations sociales, sens des lieux, valeurs d’héritages culturels, loisir et écotourisme. 13
Figure 2 - Aperçu des différents types de services écosystémiques dans le système CICES (PBL, WUR, CICES – 2014). Toutefois, comme l’ont illustré les débats (CICES)24 actualisée en 2018, intègre sur la notion, sous l’impulsion des écolo- les dimensions biotiques et abiotiques gues confrontés à la mesure des services, et présente 11 classes regroupées en 3 la catégorie « services de support » tend thèmes, que nous présentons rapidement à disparaître des classifications les plus ci-dessous. récentes. Correspondant à des proces- sus internes aux écosystèmes, ils existent Service d’approvisionnement indépendamment de leur utilisation et sont parfois jugés redondants avec les Cette catégorie couvre tous les biens services de régulation. Ainsi, l’une des et produits, alimentaires ou non, issus classifications les plus élaborées, connue des organismes vivants, mais aussi des sous le nom de Common International constituants abiotiques de l’écosystème Classification of Ecosystem Services (y compris l’eau). 14
Service de régulation et de support Services culturels et sociaux Ils correspondent à toutes les façons Il s’agit de tout ce qui affecte l’état physique dont les organismes vivants ou les carac- et mental des personnes dans les écosys- téristiques abiotiques de l’écosystème tèmes. Ils concernent des environnements, peuvent médier ou modérer l’environne- des lieux ou des situations environnemen- ment ambiant affectant la santé humaine, tales qui dépendent des processus de vie et la sécurité ou le confort. Il peut s’agir peuvent être liés à des espèces, des habi- des transformations biochimiques ou tats et des écosystèmes entiers. Les ser- physiques dans les écosystèmes ou de vices culturels sont rendus possibles par la régulation des grands flux de matière les interactions directes ou indirectes des bénéfiques aux populations. personnes et des systèmes vivants. Quels sont les services rendus par les zones humides ? La diversité des services rendus Proposition de classification par les zones humides adaptée aux zones humides Il existe une très grande variété de milieux Dans la cadre du projet RestHAlp, en humides. Il apparaît dans les différents tenant compte des évolutions récentes travaux qu’elles sont susceptibles de rem- présentées plus haut, et des spécifici- plir environ 25 des 43 services reconnus tés de l’écosystème que constituent les pour les écosystèmes en France25. On zones humides, nous avons utilisé la clas- peut citer sans être exhaustif leur rôle sification suivante construite autour de dans la maîtrise des crues, la recharge des trois catégories. nappes, l’épuration de l’eau, les pratiques de loisirs, l’atténuation des changements LES SERVICES DE RÉGULATION ET DE globaux ou la stabilisation du littoral. Le SUPPORT : services issus de la régula- rapport technique Ramsar Évaluation des tion des processus naturels et des fonc- zones humides : orientations sur l’esti- tions basiques des écosystèmes. Parmi mation des avantages issus des services ces services, on retrouve par exemple écosystémiques des zones humides26 « Régulation du climat global et local » qui présente, en distinguant zones humides provient, entre autres, de la fonction de continentales et côtières, un large pano- stockage de carbone des zones humides. rama des services qu’elles fournissent. Le service de « Purification et maintien de Cependant, des marais et tourbières aux la qualité de la ressource en eaux » est zones alluviales ou littorales, la diversité assuré par les fonctions de rétention/ des modes de fonctionnement écolo- dégradation de la matière en suspension gique et des interactions avec les sociétés et autres comme le phosphore ou encore humaines ne permet pas de formuler une les nitrates. D’autres services concernent réponse unique concernant les services la biodiversité, comme « Conservation de écosystémiques des zones humides. Si les la diversité spécifique et génétique » qui exemples quantifiés d’évaluation par type fait référence au rôle des zones humides de zone humide restent peu nombreux, on en tant qu’habitat de reproduction et de voit aujourd’hui apparaître quelques syn- nourrissage de certaines espèces. thèses à destination des gestionnaires, faisant l’état des lieux des connaissances LES SERVICES D’APPROVISIONNEMENT : et des études réalisées, comme c’est le services à l’origine de « produits finis » pou- cas pour les tourbières27. vant être prélevés dans l’écosystème. Les 15
BI EN- ÊT RE HUMAIN ir e Coh e nta ési m ES RENDUS AUX S OCIÉT on ali té SERVIC ÉS so té S an tion Loisirs cia ri E d u c a ience le cu Chas s e, pêc h e, ent ation, sc sport, t Sé fs o u r i sm Ex pér im e i on Cul S p it isati tur i r i els t u tr o llin s et a l i P e nu s a n t Rég So t é h is ula cia v a tio ux s en ne ge rt s r a I O N S D ES MIL I EUX NATU A t S CT po u e u r O N RELS ppr u p tiq Fo a u x F ov po Ap isio r xo ni m Hy nn e a t t dro m e e l og e s ux ce iqu nt Gé è oc es Ré sp ta him e gé ir gu se iq ima Bio u vé r lat de p log n AN S L E S CY C L ES N en s ts iqu es ND ion io Alim Boi AT on ct R TIO E UR e E N EL lati È du S D E L ’ É C N YG MIQUE s OSY u S od S OX YNA NTHROPIQU TÈME Régu clim I Pr D A E at loca E PH I QU écosystème YS I Q PHOSPHORE B I O L OG l zone humide UE s) t étiage Oppor E l’eau U GÉ QU EA Maté HI OC GI O Dé MI OL es e OT QUE HYDR AZ de nit tuni E riau e ru qu r i fi ge s (c ni CARBONE x ka ca té ga on oc ti bit Fi or re de St ltr tiè u é on Ea sd at ma dé i de de Fi tion ve br s Accumula n e io lo s Ré at ue pp g ul gu Co mb Ré sq em la tio ust ri nd ible en x el l t au on aq ba éc ual ité d glo c e om e l’eau at fa iq clim té n du ri ue Régulatio cu Sé Séc urit é de l’ eau ▲ ▲ Figure 3 - Liens entre Figure 4 - Relations spatiales fonctionnement de l’écosystème entre les zones de production de services (P) et services écosystémiques et les zones bénéficiant de services (B), pour les tourbières. d’après Fisher et al. (2009). 16
zones humides peuvent fournir du four- ou encore la place des zones humides rage pour l’agriculture, du bois, des res- dans le patrimoine culturel de la popula- sources halieutiques… tion (participation à l’identité culturelle). D’autres types de classifications des ser- LES SERVICES CULTURELS : définis vices qui intègrent leurs caractéristiques comme les bénéfices non matériels que spatiales apparaissent également bien peuvent fournir les écosystèmes à tra- adaptés pour l’étude des zones humides. vers l’enrichissement spirituel, le dévelop- En effet, les milieux humides fournissent pement cognitif, la réflexion, la création, des services à différentes échelles, bien les expériences esthétiques. souvent au-delà de leurs limites strictes Cette catégorie regroupe des services (service de protection contre les inonda- comme « Opportunités pour la recherche » tions ou encore service de régulation du en lien avec leur rôle d’archives environne- climat global)28. mentales (reconstitution du climat passé Nous ne les développerons pas ici, mais grâce à la paléoécologie, archéologie…), aborderons la prise en compte des les « Aménités paysagères » qui font appel notions d’échelle spatiale et temporelle à la qualité esthétique des zones humides, dans les chapitres suivants. 1 2 P/B P B 3 4 P P B B 1 - production et bénéficiaires au même endroit 2 - le service est fourni de manière omnidirectionnelle et profite au paysage environnant Avantages directionnels spécifiques. 3 - zone en aval bénéficiant des services produit à l’amont 4 – zone bénéficiant de par sa localisation de la protection de la zone de production. 17
POURQUOI UTILISER LA NOTION DE SERVICE ÉCOSYSTÉMIQUE ? À quoi sert d’évaluer les services écosystémiques ? Cette question ramène aux débats sur qui est inutile, mais de traduire la valeur la notion de service écosystémique (voir des pertes consécutives à la destruc- « Débats et controverses »). tion des écosystèmes en termes qui per- Elle a été largement abordée dans les mettent de comparer les services éco- articles de Wolf et al. (2017) ou J.-M. Salles systémiques avec d’autres enjeux socié- (2010) dont nous pouvons reprendre taux ». C’est donc une réponse aux pres- l’affirmation suivante : l’intérêt de la sions que subit la biodiversité pour influer démarche d’évaluation n’est pas de « don- sur les décisions en explicitant les valeurs ner une valeur économique à la nature, ce de la nature. Réponses Pressions politiques et sur la Les réponses de gestion réduisent les pressions biodiversité Les bénéfices De plus faibles soutiennent les pressions aident réponses effectives les écosystèmes à se restaurer Augmenter la Bénéfices biodiversité permet d’obtenir plus de la biodiversité/ services de bénéfices État de la biodiversité écosystémiques Figure 5 – Relations entre les services écosystémiques, l’état de la biodiversité, les pressions qu’elle subit et les réponses apportées à ces pressions, dans TESSA (2013). Source : adapté de Sparks et al. (2010) Linked indicator sets for addressing biodiversity loss.Oryx 45(3) : 411-419 18
Quelles finalités à l’usage de l’évaluation des services écosystémiques ? Quatre enjeux d’utilisation de la notion peuvent être mis en avant au regard des retours d’expériences étudiés dans la littérature scientifique. Le management : apparaît donc comme un instrument clé pour accroître la sensibilisation au sujet suivi et mise en œuvre de politique et fournir des outils concrets directement L’une des utilisations les plus anciennes vise applicables aux décideurs techniques et à rationaliser les stratégies de conserva- politiques opérant dans le territoire30. tion de la biodiversité pour maximiser l’ef- ficacité des politiques publiques. Il s’agit L’aide à la décision - animation donc d’une utilisation pour la gestion de la nature. Cet enjeu de management intéresse Les outils d’évaluation des services éco- également les acteurs économiques et systémiques sont désormais utilisés par financiers. Au-delà des questions d’image les porteurs de projet pour l’analyse de qui poussent les entreprises à chercher à scénarios et l’aide à la décision avec l’ob- appréhender la matérialité des enjeux envi- jectif d’améliorer l’acceptabilité du projet31. ronnementaux en termes de risque, d’im- Il permet de prendre en compte les coûts pact et de dépendance, la démarche est et avantages de chaque option, d’évaluer utilisée comme un outil de management de la perte de bien-être social entraînée leur politique sur la biodiversité29. Ainsi, en par un projet32. Ainsi, la notion permet France, pour les sociétés cotées en Bourse de conduire des processus de décision qui se doivent depuis 2002 (loi « Nouvelles en mettant sur un même plan la durabi- Régulations économiques »), de présen- lité économique, le bien-être humain et la ter « les mesures prises pour préserver ou conservation des écosystèmes33. développer la biodiversité » (décret n° 2012- 557), la démarche a souvent été initiée avec Les paiements pour services une demande de méthodologie standardi- écosystémiques, la compensation sée. Les services écosystémiques sont des - financement outils de plus en plus utilisés pour la planifi- cation territoriale et le développement ter- En les monétisant, il peut s’agir d’évaluer ritorial. La prise en compte de la dimension un potentiel de services, pour financer spatiale par des méthodes cartographiques une gestion ou une restauration d’éco- permet de traduire les dynamiques d’un systèmes favorables à leur maintien. Dans territoire, à l’échelle globale mais encore cette optique, les gestionnaires de milieux plus à l’échelle locale. Consolidée à l’échelle naturels (agriculteurs, associations, col- régionale, la cartographie des services éco- lectivités), pourraient capter de nouvelles systémiques peut s’avérer gagnante pour sources de revenus/financements, via le une planification réellement durable. Elle développement d’instruments de marché 19
comme les paiements pour services éco- sibiliser les acteurs et les usagers, aux systémiques. Il s’agit également d’un enjeu enjeux de préservation des écosystèmes. qui amène à s’intéresser à l’équivalence En ce sens, ils contribuent à forger les écologique, comme cela est développé prérequis de la prise de décision indivi- dans les mécanismes de la compensation. duelle en faveur de la préservation des écosystèmes et ainsi à obtenir le soutien La communication - sensibilisation des acteurs des territoires et du public pour la mise en place de politiques ou Les services écosystémiques sont large- d’opérations de gestion fondées sur des ment utilisés pour communiquer et sen- données factuelles. ©F. Biamino/CEN Savoie 20
Comment l’utiliser dans le cadre de la restauration ? Nous souhaitons ici développer le propos sur un cadre d’utilisation spécifique, celui de la restauration des écosystèmes, qui a constitué le cœur du projet RestHAlp. Comme un exemple Comme une méthode pour convaincre de l’intérêt d’évaluation des gains Si en l’espace d’une trentaine d’années, Cet usage correspond en partie à une la restauration écologique s’est imposée, déclinaison locale de l’usage pédago- en France et dans le monde, comme un gique décrit plus haut, mais il le dépasse. moyen d’action en faveur de la biodiversité, Il s’agit ici d’utiliser la notion de services compte tenu de son coût, des difficultés écosystémiques pour faciliter les discus- à la mettre en œuvre ou des incertitudes sions entre acteurs et animer un proces- sur ses résultats, il est encore nécessaire sus d’aide à la décision pour engager des de convaincre les acteurs locaux de son actions de restauration. bien-fondé et ce malgré un soutien crois- sant des politiques publiques. Cette utilisation passe par l’identifica- tion des services, celle des bénéficiaires Pour cela, il s’avère très intéressant d’uti- et aboutit à leur évaluation qualitative ou liser la notion de services rendus pour quantitative. Si dans un premier temps, la sensibiliser et convaincre. Il s’agit de com- notion est « la porte d’entrée » qui per- muniquer et d’alerter sur la dépendance met à plusieurs acteurs possédant des des sociétés aux milieux naturels et mon- bagages scientifiques et des parcours trer leurs valeurs. Bénéficier d’exemples individuels différents d’échanger, elle d’évaluation des services écosysté- permet dans un second temps de fournir miques dans un contexte géographique une grille de lecture multi-usage où les semblable est particulièrement utile. On différentes valeurs associées aux écosys- parle d’exemples archétypaux, comme a tèmes sont prises en compte. pu l’être dans le domaine de la gestion Ces échanges permettent de bien établir de l’eau, celui de l’agglomération de New le lien entre processus biophysiques et York avec la préservation de l’environne- services, de localiser les milieux naturels à ment de la région des Catskills34. analyser, de rendre concrète leur valeur et Toutefois, si le plus important est le de débattre de la nature des interventions message général diffusé par sa dimen- envisageables. En permettant aux acteurs sion pédagogique, il est d’autant plus du territoire et de la gestion de s’exprimer efficace qu’il présente une situation et de localiser les valeurs qu’ils attribuent semblable à celle vécue par les acteurs aux zones humides, elle contribue à leur auxquels s’adresse le message. En effet, adhésion au projet de restauration. présenter l’exemple de l’investissement La mise en place de démarches partici- de près 1,5 milliard de dollars sur dix patives ou collaboratives d’évaluation ans, pour la réduction des pollutions permet à chaque acteur de mesurer dans un bassin versant d’alimentation l’impact des actions de restauration sur situé à 150 km au nord d’une agglomé- chaque service. Pour cela, chaque acteur ration de 22 millions d’habitant et éviter « expert » utilise une règle de notation la construction d’une usine de traite- sur la base d’un système ordinal ou sur la ment de l’eau de 7 milliards de dollars, à base d’estimations économiques du panel des élus de petites communes de mon- de services analysés (voir chapitre : Quels tagne peut susciter à minima des réac- outils sont disponibles ?). tions de scepticisme. 21
COMMENT METTRE EN PLACE UNE DÉMARCHE D’ÉVALUATION DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ? Évaluer les services écosystémiques c’est adopter une approche interdisciplinaire pour comprendre de quelle façon les fonctionnements écologiques recoupent l’ac- tion anthropique. C’est aussi réaliser un examen collaboratif des différentes disci- plines qui contribuent à l’attribution de valeur. Quelle méthodologie mettre en œuvre ? Il existe aujourd’hui différentes méthodologies et guides pour la réalisation d’études d’évaluation des services écosystémiques. Ces méthodes peuvent proposer différentes approches, suivant l’échelle d’étude, l’utilisation proposée, la mobilisation des données sur le fonctionnement écologique. Nous renvoyons le lecteur vers trois propositions en langue française : BOÎTE À OUTILS DES SERVICES ÉCO- BOÎTE À OUTILS POUR L’ÉVALUATION SYSTÉMIQUES (310 pages), à l’inten- DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES À tion des gestionnaires et des analystes. L’ÉCHELLE D’UN SITE (TESSA) (150 pages, Développée au Canada pour appuyer 27 fiches méthode, 7 fiches conseils et 23 l’élaboration de politiques et la prise de annexes) a été conçu pour fournir des décisions, elle propose dans une approche conseils pratiques sur l’évaluation et de portée nationale, un guide pratique le suivi des services écosystémiques à pour la réalisation et l’utilisation de l’éva- l’échelle d’un site. luation des services écosystémiques. Elle Il aide les utilisateurs à identifier les ser- présente une multitude de fiches outil vices à évaluer, les données nécessaires à pour aider le lecteur à la mise en place de leur mesure, les méthodes ou ressources l’évaluation. utilisables pour obtenir ces données, et indique comment en communiquer les L’ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES résultats dans le but de mieux conserver BIENS ET SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES la biodiversité. DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENTS CLIMATIQUES (218 pages) veut assurer Il s’agit de documents très fournis dont un maximum d’homogénéité et de stan- nous proposons ici de synthétiser les dardisation dans l’utilisation des outils au principaux éléments méthodologiques Québec. communs . Ces outils doivent permettre d’évaluer L’évaluation est une démarche interdis- l’évolution des valeurs économiques ciplinaire pour appréhender l’ensemble d’usage et de non usage liées aux varia- des thématiques et mettre en œuvre tions de qualité des écosystèmes et des une analyse multicritère. Elle associe dif- services écosystémiques qu’ils four- férentes parties prenantes, une équipe nissent à la société dans le cadre des projet qui conduit l’étude, des experts du changements climatiques. contexte humain et environnemental. 22
Les différentes méthodes distinguent autant d’éléments qui serviront à organi- plusieurs étapes dans le processus d’éva- ser le processus d’évaluation. luation : 6 étapes pour la Boîte à outils des Une phase d’information des acteurs pour services écosystémiques et 8 pour TESSA. la compréhension commune des termes et Parmi ces étapes, la définition du cadre de enjeux est souvent indispensable. l’évaluation est primordiale. Il s’agit de savoir dans quel contexte éco- L’évaluation s’appuie sur une collecte de logique et politique se situe l’étude pour données tant écologiques que socio-éco- identifier les questions auxquelles l’évalua- nomiques qu’il n’est pas toujours simple de tion devra répondre. mobiliser. Les métriques ou les indicateurs Il existe généralement une phase d’éva- utilisés sont nombreux. Nous pouvons par luation préliminaire qui permet d’identifier exemple illustrer le panel des données les fonctions de l’écosystème, les parties possibles avec le tableau ci-dessous. prenantes, les services, les bénéficiaires, Tableau 2 – Exemple d’indicateurs des fonctions écologiques, du capital naturel, des services écosystémiques et des avantages des services écosystémiques pour les zones humides (adapté et modifié d’après la Boite à outils des services écosystémiques). SERVICE INDICATEURS DES FONCTIONS ÉCOLOGIQUES INDICATEURS DES BÉNÉFICES ÉCOSYSTÉMIQUE DU CAPITAL NATUREL POUR L’HOMME SERVICES D’APPROVISIONNEMENT Stock total (t/ha) ALIMENTS Productivité nette (kcal/ha/année) Présence de plantes/animaux comestibles Nombre de personnes Superficie des terres cultivées (ha) employées, y compris CULTURES les travailleurs indépendants, Production végétale réalisée (t/ha/année) pour la récolte, Superficie totale des prairies la transformation convenant aux brouteurs et la distribution de ces biens. ÉLEVAGE Densité de bétail broutant Production fourragère réalisée (t/ha/année) Nombre de cartes PÊCHE Taille de la prise de pêche (droits d’accès) Nombre d’aliments sauvages Quantité de viande de gibier prise récoltés dans une zone ALIMENTS SAUVAGES Nombre de chasseurs Animaux tués (droits d’accès) 23
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