ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...

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ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
GUIDE
      SERVICES
POUR LA PROMOTION
ET L’UTILISATION DES

ÉCOSYSTÉMIQUES
DANS LES ZONES HUMIDES
ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
Ouvrage coordonné
par Mauro Bassignana

AUTEURS
Jérôme Porteret avec les contributions
de Renaud Jaunatre, Andrea Mainetti,
Federica Pozzi, Axelle Tempé

RELECTEURS
Velca Botti, Denise Chabloz, Régis Dick,
Stéphanie Huc, Francine Navillod, Sophie Vallée

LE PROJET
RestHAlp (2017-2020) a été cofinancé
par l’Union Européenne, par le biais du FEDER,
dans le cadre du programme ALCOTRA 2014-2020
(projet n. 1695), par la Région Auvergne Rhône-Alpes,
par la République Italienne et par la Région
Autonome Vallée d’Aoste.

PARTENAIRES DU PROJET
Institut Agricole Régional ;
Conservatoire Botanique National Alpin ;
Conservatoire d’Espaces Naturels Savoie ;
Institut national de recherche pour l’agriculture,
l’alimentation et l’environnement ;
Parc National Grand Paradis ;
Région Autonome Vallée d’Aoste.

ÉDITEUR
Institut Agricole Régional,
Rég. La Rochère 1/A, I-11100 Aoste

Impression : Tipografia DUC srl, Saint-Christophe (AO)
Conception et réalisation : le naturographe
Photo de couverture : J. Porteret/CEN Savoie.

ISBN 978-88-99349-03-5

Comment citer ce texte :
Porteret J., Jaunatre R., Mainetti A., Pozzi F.,
Tempé A., Botti V., Chabloz D., Dick R., Huc S.,
Navillod F., Vallée S., Bassignana M., 2020.
Guide pour la promotion et l’utilisation
des services écosystémiques dans les zones humides.
IAR, Aoste, 79 p.

©2020
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GUIDE
       SERVICES
POUR LA PROMOTION
ET L’UTILISATION DES

ÉCOSYSTÉMIQUES
      DANS LES ZONES HUMIDES
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ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
©M. Bouron/CEN Savoie
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SOMMAIRE

    INTRODUCTION...................................................................................... 7

      QU’EST-CE QUE LES SERVICES
    ÉCOSYSTÉMIQUES ?
    Qu’entend-on par la notion de service écosystémique ?...... 10
    Comment classer les services écosystémiques ?.....................13
    Quels sont les services rendus par les zones humides ?.......15

      POURQUOI UTILISER LA NOTION
    DE SERVICE ÉCOSYSTÉMIQUE ?
    À quoi sert d’évaluer les services écosystémiques ?...............18
    Quelles finalités à l’usage de l’évaluation
    des services écosystémiques ?............................................................19
    Comment l’utiliser dans le cadre de la restauration ?.............21

      COMMENT METTRE EN PLACE
    UNE DÉMARCHE D’ÉVALUATION DES SERVICES
    ÉCOSYSTÉMIQUES ?
    Quelle méthodologie mettre en œuvre ?....................................... 22
    Qui évalue les services écosystémiques ?..................................... 28
    Quels sont les cadres de l’évaluation ?........................................... 29
    Quels outils sont disponibles ?............................................................30

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ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
COMMENT ÉTABLIR LES LIENS
ENTRE LE FONCTIONNEMENT DU SITE
ET LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ?
Quelles fonctions des zones humides
rendent des services ?..............................................................................36
Comment mesurer ces fonctions des zones humides ?.........41

  COMMENT ATTRIBUER UNE VALEUR
AUX SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ?
Préalable à l’usage de la notion
de valeur des écosystèmes...................................................................43
Quel type de valeur attribuer ?............................................................43
Quelle méthode d’attribution de la valeur ?.................................46

  QUELS SERVICES RENDUS
PAR LES ZONES HUMIDES ALPINES ?
Conservation de la diversité spécifique et génétique............ 49
Régulation des cycles hydrologiques
et de protection contre le risque inondation.............................. 52
Régulation du climat.................................................................................54
Recharge de la nappe...............................................................................56
Production de fourrage et de litière................................................ 59
Opportunités pour la recherche........................................................ 62
Opportunités pour l’éducation...........................................................65
Support pour les activités récréatives et touristiques..........68
Patrimoine culturel.....................................................................................71

NOTES DE FIN....................................................................................... 75
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................76

                                                                                                             3
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PRÉAMBULE

La dégradation d’habitats dans les Sites        Les processus et les éléments écolo-
d’Importance          Communautaire/Zones       giques du fonctionnement des zones
Spéciales de Conservation (SIC/ZSC) sou-        humides sont étudiés, puis traduits en
mis à des pressions anthropiques et à la dif-   liste de services écosystémiques. Les
fusion d’Espèces Exotiques Envahissantes        avantages de ces services seront ensuite
(EEE) est une problématique commune à           analysés et quantifiés en unités de valeur
de nombreux territoires. De part et d’autre     appropriées, comme l’envisage l’étape 4
des Alpes, les gestionnaires et centres de      de la démarche.
recherche confrontés à cet enjeu se sont        Ces deux étapes nécessitent de collecter
engagés pour la restauration écologique         et/ou rassembler des données biotiques et
d’habitats au travers du projet RestHAlp.       abiotiques sur le fonctionnement du milieu.
Le projet s’est donc emparé de la ques-         Nous nous intéressons plus particulière-
tion de l’évaluation des services écosysté-     ment aux éléments du fonctionnement
miques des zones humides pour promou-           hydrologique et biologique qui permettent
voir, favoriser et appuyer la mise en œuvre     d’assurer les services d’approvisionne-
des politiques de restauration écologique.      ment, d’appui et de régulation, sans oublier
Si la démarche peut-être un bon outil de        les services de culture et d’agrément.
dialogue entre les acteurs du territoire, en    Forts de l’expérience acquise dans le cadre
raison de son approche globalisante, inté-      du projet, les partenaires ont souhaité réa-
gratrice par et pour le socio-écosystème, la    liser un guide pour aider les porteurs de
difficulté à mobiliser des cas d’étude dans     projets à mieux appréhender les concepts
les Alpes, pouvant constituer des exemples      et les méthodes à mettre en œuvre pour se
concrets, acceptables localement, est           lancer dans la démarche d’évaluation des
apparue comme un frein à l’engagement           services écosystémiques.
des acteurs dans un processus d’évalua-
tion. En effet, bien qu’ayant fait l’objet de
nombreux travaux et synthèses au niveau
mondial 1, l’étude des services écosysté-
miques rendus par les zones humides est
restée peu appliquée à des cas d’étude
concrets dans le contexte des Alpes occi-
dentales. Toutefois, dans le projet RestHAlp,
il ne s’agit pas de conduire des évaluations
globales de site, mais de construire des
exemples explicitant les services rendus
par les zones humides et l’intérêt d’initier
leur évaluation pour permettre l’engage-
ment des acteurs dans la restauration de
leur fonctionnement écologique.
Nous nous situons donc à l’étape 3 du
processus d’évaluation proposé dans le
rapport technique Ramsar2, à savoir l’ana-
lyse fonctionnelle des sites d’étude.

  4
ÉCOSYSTÉMIQUES ET L'UTILISATION DES SERVICES - Conservatoire d'espaces naturels de ...
Description
des principales étapes                  LE PROJET RESTHALP :
de la démarche d’évaluation             RESTAURATION
Ramsar                                  ÉCOLOGIQUE D’HABITATS
   Étape 1 - Analyse des processus      DANS LES ALPES
politiques et des objectifs de
gestion : pourquoi entreprendre          rojet européen de coopération
                                        P
l’estimation ?                          transfrontalière Interreg ALCOTRA
                                        Italie-France 2014-20 qui associe
   Étape 2 - Analyse et participation
                                        différents partenaires français
des acteurs : qui entreprend
                                        (CEN73, CBNA, INRAE) et italiens
l’estimation et pour qui ?
                                        (IAR, Parc National Grand Paradis,
   Étape 3 - Analyse fonctionnelle      Région Autonome Vallée d’Aoste –
(identification & quantification        Structure biodiversité et espaces
des services) : que faut-il estimer ?   naturels protégés), d’une durée de
                                        38 mois (25/04/2017-24/06/2020),
  Étape 4 - Estimation des services :
                                        le projet vise à la restauration
comment entreprendre l’estimation ?
                                        écologique d’habitats dans des
  Étape 5 - Communiquer les valeurs     Sites d’Importance Communautaire
de la zone humide : à qui fournir       et dans leurs environs.
les résultats de l’estimation ?         Parmi les différentes opérations
                                        le workpackage 3 est consacré à
                                        l’amélioration de la connaissance
                                        de la biodiversité et des services
                                        écosystémiques pour améliorer
                                        la gestion des habitats.

                                                              ©J. Manuel Perez

                                                                          5
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Drosera ©Shutterstock

6
INTRODUCTION

Ce guide s’adresse aux gestionnaires, techniciens
de collectivité, porteurs de projets qui souhaitent
mieux comprendre, utiliser la notion ou s’enga-
ger dans la démarche d’évaluation des services
écosystémiques afin de promouvoir la restaura-
tion des écosystèmes et plus spécifiquement des
zones humides.
Il ne reprend pas de manière exhaustive la totalité
des méthodes et outils proposés dans une littéra-
ture internationale foisonnante. Il ne s’agit pas non
plus d’une énième méthode d’évaluation ou d’un
guide pas à pas pour mettre en œuvre une évalua-
tion des services écosystémiques.
Ce guide veut donner les principales clefs de
compréhension d’un champ d’étude qui s’affirme
de jour en jour comme un cadre d’échange et d’in-
terface entre les acteurs institutionnels, écono-
miques et de la biodiversité.
Ce pense-bête s’appuie sur les références de la
littérature technique et scientifique en langue
anglaise, mais également en langue française et
plus particulièrement sur trois publications qui
nous semblent constituer des références pour
l’appropriation et la mise en place de la démarche
d’évaluation : la Boîte à outils des services éco-
systémiques3 et le Guide méthodologique pour
une augmentation de la capacité à prendre des
décisions d’adaptation4 ou la Boîte à outils pour
l’évaluation des services écosystémiques à
l’échelle d’un site (TESSA) 5.
Nous balayerons donc ici le sujet sous la forme
d’une liste de questions à se poser pour bien uti-
liser les concepts, s’approprier la démarche, utili-
ser des résultats d’étude ou s’engager dans une
démarche d’évaluation. Classées par grandes thé-
matiques, elles peuvent être représentées sous la
forme du schéma ci-après.

                                                  7
Qu’entend-on
  par service écosystémique ?

         Comment classer les         QU’EST-CE QUE
   services ecosystemiques ?         LES SERVICES
                                     ÉCOSYSTÉMIQUES ?
Quels sont les services rendus
       par les zones humides ?

      À quoi sert d’évaluer les
    services écosystémiques ?
                                     POURQUOI
       Quelles finalités à l’usage   UTILISER           UTILISER
             de leur évaluation ?    LA NOTION DE

    Comment l’utiliser dans le
                                     SERVICE
                                     ÉCOSYSTÉMIQUE ?    SERVICES
    cadre de la restauration ?

           Quelle méthodologie
             mettre en œuvre ?       COMMENT METTRE
                                     EN PLACE UNE
         Qui évalue les services     DÉMARCHE
              écosystémiques ?       D’ÉVALUATION
                                     DES SERVICES
          Quels sont les cadres      ÉCOSYSTÉMIQUES ?
               de l’évaluation ?

                    Quels outils
               sont disponibles ?

   8
Quelles fonctions
                 COMMENT            des zones humides
                 ÉTABLIR LES        rendent des services ?
                 LIENS ENTRE LE     Comment mesurer
                 FONCTIONNEMENT     ces fonctions des
                                    zones humides ?
                 DU SITE ET
                 LES SERVICES       La cartographie
                 ÉCOSYSTÉMIQUES ?   de la fonctionnalité
                                    territoriale
                                    des services
                                    écosystémiques

                                    Préalable à l’usage
                                    de la notion de valeur
                                    des écosystèmes
                 COMMENT
LA NOTION DE     ATTRIBUER          Quel type de
                 UNE VALEUR         valeur attribuer ?

ÉCOSYSTÉMIQUES   AUX SERVICES
                 ÉCOSYSTÉMIQUES ?   Quelle méthode
                                    d’attribution de
                                    la valeur ?

                                    Approvisionnement

                 QUELS SERVICES
                 RENDENT LES        Régulation
                 ZONES HUMIDES
                 ALPINES ?
                                    Culturels

                                                 9
QU’EST-CE QUE
LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ?

Apparus dans les années 1970, dans le vaste mouvement d’évolution de la per-
ception de l’environnement par les sociétés occidentales, les services rendus par
les écosystèmes ont fait l’objet d’un foisonnement intellectuel et méthodologique
important6 depuis l’institutionnalisation de la notion, marquée par le Millennium
Ecosystem Assessment (MEA)7, au cours des années 2000.
De quelques dizaines de publications scientifiques sur le thème, nous sommes
passés aujourd’hui à plusieurs milliers d’articles, littérature dans laquelle le néo-
phyte, gestionnaire, porteur de projets, ne peut totalement s’immerger. De la méta-
phore d’origine scientifique, à vocation pédagogique, nouvelle façon de concevoir
les relations homme/nature, aux dispositifs complexes d’évaluation actuel pour
conserver ou gérer la nature, il est nécessaire de retracer ici brièvement l’histoire
de l’émergence de cette notion pour bien en comprendre les cadres.
À la fois simple dans sa compréhension et complexe dans son usage8, elle est
aujourd’hui incontournable, tant elle constitue un média efficace pour favoriser les
échanges entre acteurs et permettre la concrétisation d’opérations de préserva-
tion ou de restauration/requalification des zones humides.

Qu’entend-on par la notion de service écosystémique ?

Définition                                   systémiques, les auteurs s’interrogent sur
                                             le statut de cette expression de « ser-
L’expression est construite comme une        vices écosystémiques ». Pour reprendre
métaphore qui associe deux concepts          leur terme, s’agit-il d’un mot-clef à suc-
renvoyant d’une part à l’écologie et de      cès, d’une notion, d’un concept ou d’un
l’autre à l’économie. Basée sur une vision   nouveau paradigme ? Aujourd’hui devenu
anthropocentrée de la nature, elle tra-      plus qu’un mot-clef, il leur apparaît que
duit à la fois la dépendance des hommes      l’expression marque un changement des
à l’égard des écosystèmes, mais marque       rapports de l’homme à la nature et qu’elle
le fait que ces écosystèmes sont là pour     traduit un ensemble d’éléments qui ont
servir les hommes. Forgée dans le cadre      pour vocation de produire des normes, des
de pensée de la modernité écologique9,       mouvements de pensée ou des systèmes
comme l’indiquent Dufour et al. (2016) la    pour gouverner. Ils retiennent par défaut
notion cherche à « remédier à la crise de    le terme de notion, terme que nous utilise-
la biodiversité induite par l’homme par un   rons également dans ce guide, qui a le sens
recours à la technologie et une gestion      de l’idée générale, dont tout le monde s’ac-
par le marché ». En introduction de l’ou-    corde plus ou moins sur le sens à donner,
vrage Political ecology des services éco-    sans qu’une définition claire soit partagée.

  10
NOUS PROPOSONS ICI
                                                                                                                                  DE REPRENDRE
                                                                                                                                  DEUX DÉFINITIONS :
                                                                                                                                  • les services écosystémiques sont
                                                                                                                                    les bénéfices que les hommes
                                                                                                                                    tirent des écosystèmes [MEA] ;
   Perspective historique
   d’apparition de cette notion                                                                                                   • les écosystèmes et plus généra-
                                                                                                                                    lement la biodiversité soutiennent
   De nombreux auteurs font remonter la                                                                                             et procurent de nombreux ser-
   première mention de l’expression dans                                                                                            vices, dits services écologiques
   un rapport préparatoire à la confé-                                                                                              ou services écosystémiques,
   rence de Stockholm en 1972 (Study of                                                                                             généralement classés comme
   Critical Environmental Problems, 1970,                                                                                           bien commun et/ou bien public,
   Massachusetts Institute of Technology).                                                                                          car vitaux ou utiles pour l’hu-
   Cette notion de services fournis par les                                                                                         manité, les autres espèces et les
   écosystèmes, portée par des biologistes                                                                                          activités économiques [UICN].
   de la conservation10 et des économistes11
   nord-américains, se développe au cours
   des années quatre-vingt et quatre-vingt-                                                                                champ de la biologie de la conservation
   dix et s’impose au tournant du XXIe siècle,                                                                             pour justifier la valeur de la diversité biolo-
   comme l’illustre l’évolution du nombre de                                                                               gique. Mais au cours des années 1990, s’ini-
   publications scientifiques (Figure 1).                                                                                  tient les coopérations transdisciplinaires
   Les différents auteurs12 qui se sont inté-                                                                              entre économistes et écologues, traduc-
   ressés à l’histoire de l’émergence de                                                                                   tion de l’évolution majeure des sciences,
   la notion distinguent plusieurs phases.                                                                                 avec le dépassement des cloisonnements
   Jusqu’en 1997, et l’article de Costanza                                                                                 disciplinaires, dans le contexte de mon-
   et al. dans la revue Nature, qui constitue                                                                              dialisation des échanges. La construc-
   incontestablement un marqueur, la notion                                                                                tion d’une culture scientifique commune
   de service écosystémique émerge dans le                                                                                 va permettre de médiatiser la notion et

                       1400                                        Production des auteurs français
                                                                   100
                                            Nombre de références

                       1200
Nombre de références

                       1000                                        50

                       800                                          0
                                                                          1997

                                                                                 1999

                                                                                        2001

                                                                                               2003

                                                                                                      2005

                                                                                                             2007

                                                                                                                    2009

                                                                                                                           2011

                       600

                       400

                       200

                         0
                              1975   1981              1983              1987      1990        1992          1994      1996        1998   2000   2002   2004   2006   2008   2010    2012

   Figure 1 - Nombre de publications abordant la notion de services écosystémiques dans une
   recherche Web of Science. n production internationale n production en français

                                                                                                                                                                                    11
passer de la sphère scientifique à celle du    proches émergent, comme les Paiements
politique. L’appropriation de la notion par    pour Services Environnementaux par
les décideurs et acteurs politiques durant     exemple. La communauté scientifique
cette période est favorisée par deux           se structure alors autour de sous-dis-
évolutions majeures : l’émergence de la        ciplines, qui ne dialoguent pas toujours
gestion adaptative en écologie13, mise en      entre elles, contribuant à une diffraction
œuvre par les gestionnaires au travers de      de la notion de service écosystémique.
la réalisation de plan de gestion, et de la
notion de système socio-écologique14, qui      Débats et controverses
efface la limite entre système écologique
et système social et replace les êtres         La notion de service écosystémique fait
humains dans la nature.                        l’objet de débats et de controverses16. Les
Promue par les travaux scientifiques,          critiques sont de deux ordres, concep-
cette nouvelle façon de penser la conser-      tuelles, dans le but d’en améliorer l’effica-
vation de la nature s’est ainsi institution-   cité, et plus fondamentales à propos de la
nalisée, dans les années 2000-2005, pour       dimension éthique sous-entendue par la
être traduite dans la sphère politique à       notion de service.
l’échelle internationale (Évaluation des       En effet, si la notion est assez floue pour
écosystèmes pour le millénaire, com-           être efficace d’un point de vue pédago-
mandée par l’Organisation des Nations          gique et politique, elle génère des confu-
Unies, 2005), puis européenne (Mapping         sions entre les processus, les fonctions
and Assessment of Ecosystems and               des écosystèmes et leur utilisation par
their Services, depuis 2012) et nationale      l’homme. Il en résulte une très grande
(Évaluation Française des Ecosystèmes          diversité des définitions des services qui
et     des      Services    Écosystémiques,    pose problème lorsqu’il s’agit de les mesu-
depuis 2013 ; Rapporto sullo Stato del         rer dans le cadre d’évaluation17. D’autre
Capitale Naturale in Italia, depuis 2017).     part, les liens fonctionnels entre biodi-
Fondé sur des savoirs scientifiques, le        versité et services écosystémiques sont
concept a donc influé sur les politiques       complexes et encore mal caractérisés18.
environnementales.                             Les informations sur l’état biologique des
Après le consensus autour de la notion         écosystèmes peuvent s’avérer souvent
illustrée par le MEA, l’équilibre entre        insuffisantes pour comprendre et intégrer
l’économie et l’écologie se modifie. Si        dans les décisions les interactions entre
les publications scientifiques se multi-       le fonctionnement des écosystèmes, les
plient dans les revues d’écologie, ce n’est    organisations sociales et les systèmes
pas le cas dans celles d’économie. La          économiques19. L’opérationnalité de la
dimension économique devient surtout           notion est donc également discutée. Plus
prégnante dans les politiques publiques,       philosophiquement, elle est discutée en
comme l’illustre l’initiative The Economics    raison de la vision anthropocentrée, occi-
of Ecosystems and Biodiversity (TEEB)15.       dentale, et du prisme économique de la
Afin de rendre la notion pleinement opé-       relation de l’homme à la nature qu’elle
rationnelle pour les décideurs et les ges-     introduit 20.
tionnaires de milieux, un important travail    Bien que controversée, la notion, élaborée
de développement de méthodes et d’ou-          pour rendre visible ce qui ne l’est pas dans
tils est initié et fait émerger des tensions   les systèmes décisionnels actuels, offre
entre l’usage pédagogique de la notion et      aujourd’hui un cadre d’échange efficace
son opérationnalité.                           entre acteurs pour engager des opéra-
Ainsi, alors que les travaux et le nombre      tions de préservation ou de restauration/
de chercheurs s’intéressant aux ser-           requalification des zones humides. Il per-
vices écosystémiques augmentent, que           met dans un contexte où la protection
la notion appropriée par le politique se       de la nature est contestée de fournir un
diffuse au grand public, d’autres notions      argumentaire à ses défenseurs.

  12
« Si ce nouveau paradigme porte en lui ses propres limites et ses propres risques,
  il serait utopique de l’ignorer et de fonder nos efforts en faveur de la conservation et
 de l’utilisation rationnelle des zones humides sur des valeurs entièrement différentes.
 Il faut donc donner une valeur quantitative aux biens et services fournis par les zones
    humides si l’on veut que la conservation l’emporte sur toutes les options possibles
             d’utilisation des terres ou de l’eau qui alimente les zones humides. »21

Comment classer les services écosystémiques ?

Comme l’illustre le panorama que nous             Essentielle, car constituant le référen-
avons présenté, la diversité de définitions,      tiel d’étude, l’identification et la classi-
d’appropriation, et d’application se traduit      fication des services constituent la pre-
par une pluralité de classement des ser-          mière étape de la mise en place de toute
vices dans la littérature. Outre la plura-        démarche d’utilisation ou d’évaluation des
lité de classification, la littérature laisse     services écosystémiques. Ce choix peut
à voir une multiplicité d’intitulés de ser-       être guidé par la revue de littérature de
vices22. Ainsi, pour les services culturels       Fisher et al. (2009)23 des multiples classe-
par exemple, l’analyse de 142 publications        ments existants. En s’adressant aux ges-
montre que pas moins de 36 intitulés dif-         tionnaires d’espaces naturels, les auteurs
férents ont été utilisés pour désigner le         avancent des exemples de contextes de
même service touchant à l’aspect pay-             décision et proposent les classifications
sager des écosystèmes. Dans le même               les plus appropriées pour chacun.
article de Blicharska et al. (2016), il appa-     Ainsi, pour une finalité de promotion et de
raît que seulement 18 % de l’ensemble des         sensibilisation d’un public large, l’utilisa-
termes ou expressions utilisés répon-             tion de la classification du MEA en 4 caté-
daient à la définition de « service écosys-       gories (services de support, de régulation,
témique » et 45 % d’entre eux désignaient         d’approvisionnement et services cultu-
en fait uniquement des « bénéfices ».             rels) apparaît bien appropriée.

Tableau 1 - Qualification schématique des services écosystémiques selon le MEA.

                       Approvisionnement – valeur d’usage direct
                       Nourriture (culture, élevage, pêche, aquaculture, plantes sau-
                       vages et nourriture animale), fibres (bois, coton, bois-énergie),
                       ressources génétiques, biochimie et biopharmacie, eau potable.
 Support
 Formation
                       Régulation – valeur d’usage indirect
 des sols,
                       Qualité de l’air, régulation climatique (globale et régionale/locale),
 photosynthèse,
                       régulation de l’eau, régulation de l’érosion, purification de l’eau
 production
                       et traitement des déchets, régulation des maladies, régulation
 primaire,
                       des nuisibles, pollinisation, régulation des risques naturels.
 cycle nutritif,
 cycle de l’eau
                       Services culturels – valeur de non usage
                       Diversité culturelle, valeurs religieuses et spirituelles, systèmes
                       de savoirs, valeurs éducatives, Inspiration, valeurs esthétiques,
                       relations sociales, sens des lieux, valeurs d’héritages culturels,
                       loisir et écotourisme.

                                                                                           13
Figure 2 - Aperçu des différents types de services écosystémiques
dans le système CICES (PBL, WUR, CICES – 2014).

Toutefois, comme l’ont illustré les débats        (CICES)24 actualisée en 2018, intègre
sur la notion, sous l’impulsion des écolo-        les dimensions biotiques et abiotiques
gues confrontés à la mesure des services,         et présente 11 classes regroupées en 3
la catégorie « services de support » tend         thèmes, que nous présentons rapidement
à disparaître des classifications les plus        ci-dessous.
récentes. Correspondant à des proces-
sus internes aux écosystèmes, ils existent        Service d’approvisionnement
indépendamment de leur utilisation et
sont parfois jugés redondants avec les            Cette catégorie couvre tous les biens
services de régulation. Ainsi, l’une des          et produits, alimentaires ou non, issus
classifications les plus élaborées, connue        des organismes vivants, mais aussi des
sous le nom de Common International               constituants abiotiques de l’écosystème
Classification of Ecosystem Services              (y compris l’eau).

  14
Service de régulation et de support            Services culturels et sociaux
Ils correspondent à toutes les façons          Il s’agit de tout ce qui affecte l’état physique
dont les organismes vivants ou les carac-      et mental des personnes dans les écosys-
téristiques abiotiques de l’écosystème         tèmes. Ils concernent des environnements,
peuvent médier ou modérer l’environne-         des lieux ou des situations environnemen-
ment ambiant affectant la santé humaine,       tales qui dépendent des processus de vie et
la sécurité ou le confort. Il peut s’agir      peuvent être liés à des espèces, des habi-
des transformations biochimiques ou            tats et des écosystèmes entiers. Les ser-
physiques dans les écosystèmes ou de           vices culturels sont rendus possibles par
la régulation des grands flux de matière       les interactions directes ou indirectes des
bénéfiques aux populations.                    personnes et des systèmes vivants.

Quels sont les services rendus par les zones humides ?

La diversité des services rendus               Proposition de classification
par les zones humides                          adaptée aux zones humides
Il existe une très grande variété de milieux   Dans la cadre du projet RestHAlp, en
humides. Il apparaît dans les différents       tenant compte des évolutions récentes
travaux qu’elles sont susceptibles de rem-     présentées plus haut, et des spécifici-
plir environ 25 des 43 services reconnus       tés de l’écosystème que constituent les
pour les écosystèmes en France25. On           zones humides, nous avons utilisé la clas-
peut citer sans être exhaustif leur rôle       sification suivante construite autour de
dans la maîtrise des crues, la recharge des    trois catégories.
nappes, l’épuration de l’eau, les pratiques
de loisirs, l’atténuation des changements      LES SERVICES DE RÉGULATION ET DE
globaux ou la stabilisation du littoral. Le    SUPPORT : services issus de la régula-
rapport technique Ramsar Évaluation des        tion des processus naturels et des fonc-
zones humides : orientations sur l’esti-       tions basiques des écosystèmes. Parmi
mation des avantages issus des services        ces services, on retrouve par exemple
écosystémiques des zones humides26             « Régulation du climat global et local » qui
présente, en distinguant zones humides         provient, entre autres, de la fonction de
continentales et côtières, un large pano-      stockage de carbone des zones humides.
rama des services qu’elles fournissent.        Le service de « Purification et maintien de
Cependant, des marais et tourbières aux        la qualité de la ressource en eaux » est
zones alluviales ou littorales, la diversité   assuré par les fonctions de rétention/
des modes de fonctionnement écolo-             dégradation de la matière en suspension
gique et des interactions avec les sociétés    et autres comme le phosphore ou encore
humaines ne permet pas de formuler une         les nitrates. D’autres services concernent
réponse unique concernant les services         la biodiversité, comme « Conservation de
écosystémiques des zones humides. Si les       la diversité spécifique et génétique » qui
exemples quantifiés d’évaluation par type      fait référence au rôle des zones humides
de zone humide restent peu nombreux, on        en tant qu’habitat de reproduction et de
voit aujourd’hui apparaître quelques syn-      nourrissage de certaines espèces.
thèses à destination des gestionnaires,
faisant l’état des lieux des connaissances     LES SERVICES D’APPROVISIONNEMENT :
et des études réalisées, comme c’est le        services à l’origine de « produits finis » pou-
cas pour les tourbières27.                     vant être prélevés dans l’écosystème. Les

                                                                                          15
BI EN- ÊT RE HUMAIN
                                                                        ir      e                                                                                          Coh
                                                                e   nta                                                                                                          ési
                                                        m                                                       ES RENDUS AUX S OCIÉT                                                  on
                                                    ali                     té                  SERVIC                                                     ÉS                               so
                                               té                   S    an                              tion             Loisirs                                                                   cia
                                            ri                                                  E d u c a ience                                                                                           le
                                      cu
                                                                                                                          Chas s e, pêc h e,
                                                                                                   ent   ation, sc                             sport, t
                                Sé fs
                                                                                                                                                          o u r i sm
                                                                                       Ex   pér im                                                                     e
                                     i                                                     on                                                        Cul S p
                                  it                                              isati                                                                  tur i r i
                                                                                                                                                              els t u
                               tr                                       o  llin s                                                                                 et a l i
                                                                     P              e
                          nu                                               s a n  t                                                          Rég                      So t é
                                                                     h  is                                                                         ula                    cia
                                                                 v a                                                                                   tio                    ux
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                                                           s           r a                  I O N S D ES MIL I EUX NATU                   A                    t S
                                                                                         CT
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                                                                                                                                                    isio                  r
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                                                                   m
                                                                                                                                       Hy
                                                                                                                                                         nn
                                                                                                                                                            e
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                                                            t                                                                              dro                m
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                                                                                                                                                                                                    nt
                                                                                                                                  Gé
                                    è

                                                                                                                                      oc                es

                                                                                                                                                                                                                    Ré
                                 sp

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                                                                                                                                                                                                                        gu
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                                                                                                                                             iq
                                                                                        ima                                  Bio                u
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                          de

                                                                                    p                                            log
                                                                                 n                AN S L E S CY C L ES N
                                   en s
                                      ts

                                                                                                                                     iqu

                                                                                                                                                                                   es
                                                                                              ND

                                                                                                                                                                                                                              ion
                                                                              io
                               Alim Boi

                                                                                                                          AT
                        on

                                                                           ct           R TIO E                              UR          e
                                                                                      E         N                               EL
                       lati

                                                                                              È

                                                                                                                                                                                                                                   du
                                                                                    S                  D E  L ’ É C
                                                                                   N YG MIQUE

                                                                                                                                                                            s
                                                                                                                    OSY
                                                                           u

                                                                                                                                   S
                                                                         od

                                                                                                                        S
                                                                                      OX YNA NTHROPIQU TÈME
                   Régu

                                                                                                                                                                                                                                      clim
                                                                                       I
                                                                     Pr

                                                                                         D         A                 E

                                                                                                                                                                                                                                         at loca
                                                                                                E

                                                                                                                                                    PH
                                                                                             I QU

                                                                                                              écosystème
                                                                                                                                                          YS I Q
                                                                           PHOSPHORE
                                                                                        B I O L OG

                                                                                                                                                                                                                                                 l
                                                                                                                 zone
                                                                                                                humide                                       UE

                                                                                                                                                                                                                                                    s)
                                                                                                                                                                                                                                           t étiage
Oppor

                                                                                                                                                    E

                                                                                                                                                                                                          l’eau
                                                                                                                                                                           U
                                                                                               GÉ

                                                                                                                                                QU

                                                                                                                                                                 EA
                          Maté

                                                                                                         HI
                                                                                                  OC

                                                                                                                                           GI

                                                                                                                                                O
                                                          Dé

                                                                                                              MI                         OL

                                                                                                                                                                                                                                      es e
                                                                                        OT                         QUE       HYDR
                                                                                    AZ

                                                                                                                                                                                                     de
                                                              nit
 tuni

                                                                                                E
                              riau

                                                                                                                                                                                           e

                                                                                                                                                                                                                                       ru
                                                                                                                                                                                       qu
                                                                r i fi

                                                                                                                                                                                                    ge

                                                                                                                                                                                                                                  s (c
                                                                                                                                                                                       ni

                                                                                                                     CARBONE
                                x

                                                                                                                                                                                                    ka
                                                                     ca
   té

                                                                                                                                                                                   ga

                                                                           on
                                                                                                                                                                                            oc
                                                                         ti

                                                                                                                                                                                                                             bit
                                                    Fi

                                                                                                                                                                                 or

                                                                                                                                                                                  re
    de

                                                                                                                                                                                           St
                                                         ltr

                                                                                                                                                                            tiè                                u

                                                                                                                                                                                                                            é
                                                                    on                                                                                                                                     Ea

                                                                                                                                                                                                                         sd
                                                              at

                                                                                                                                                                ma
        dé

                                                                i

                                                                                                                                                             de                                                     de
                                            Fi

                                                                                                                                               tion
        ve

                                              br

                                                     s                                                                   Accumula
                                                                                                                                                                                                                   n
                                                e

                                                                                                                                                                                                                  io
         lo

                                                                                                                                                                                                                                                         s
                                              Ré
                                                                                                                                                                                                              at

                                                                                                                                                                                                                                                    ue
             pp

                                                                                                                                                                                                              g
                                                                                                                                                                                                          ul

                                                    gu              Co
                                                                       mb                                                                                                                                Ré
                                                                                                                                                                                                                                               sq
             em

                                                         la
                                                              tio         ust                                                                                                                                                              ri
                                                                    nd        ible
                  en

                                                                                                                                                                                                                                      x

                                                                       el                                                                                                                       l
                   t

                                                                                                                                                                                                                                  au

                        on                                                aq                                                                                                               ba
                   éc

                                                                             ual
                                                                                 ité d                                                                                               glo                                          c
                                                                                                                                                                                                                             e

                             om                                                        e l’eau                                                                                    at                                         fa
                                  iq                                                                                                       clim                                                                         té
                                                                                                                                      n du                                                                         ri
                                       ue                                                                                   Régulatio                                                                         cu
                                                                                                                                                                                                      Sé

                                                                          Séc
                                                                                    urit
                                                                                               é de l’
                                                                                                       eau
                                                                                                                                                                                                                                                         ▲

         ▲
         Figure 3 - Liens entre                                                                                                                      Figure 4 - Relations spatiales
         fonctionnement de l’écosystème                                                                                              entre les zones de production de services (P)
         et services écosystémiques                                                                                                        et les zones bénéficiant de services (B),
         pour les tourbières.                                                                                                                           d’après Fisher et al. (2009).

             16
zones humides peuvent fournir du four-         ou encore la place des zones humides
rage pour l’agriculture, du bois, des res-     dans le patrimoine culturel de la popula-
sources halieutiques…                          tion (participation à l’identité culturelle).
                                               D’autres types de classifications des ser-
LES SERVICES CULTURELS : définis               vices qui intègrent leurs caractéristiques
comme les bénéfices non matériels que          spatiales apparaissent également bien
peuvent fournir les écosystèmes à tra-         adaptés pour l’étude des zones humides.
vers l’enrichissement spirituel, le dévelop-   En effet, les milieux humides fournissent
pement cognitif, la réflexion, la création,    des services à différentes échelles, bien
les expériences esthétiques.                   souvent au-delà de leurs limites strictes
Cette catégorie regroupe des services          (service de protection contre les inonda-
comme « Opportunités pour la recherche »       tions ou encore service de régulation du
en lien avec leur rôle d’archives environne-   climat global)28.
mentales (reconstitution du climat passé       Nous ne les développerons pas ici, mais
grâce à la paléoécologie, archéologie…),       aborderons la prise en compte des
les « Aménités paysagères » qui font appel     notions d’échelle spatiale et temporelle
à la qualité esthétique des zones humides,     dans les chapitres suivants.

  1                                             2

                  P/B                                                 P
                                                            B

  3                                             4

          P
                                                          P            B

                                  B
1 - production et bénéficiaires au même endroit
2 - le service est fourni de manière omnidirectionnelle et profite au paysage environnant
Avantages directionnels spécifiques.
3 - zone en aval bénéficiant des services produit à l’amont
4 – zone bénéficiant de par sa localisation de la protection de la zone de production.

                                                                                        17
POURQUOI UTILISER LA NOTION
DE SERVICE ÉCOSYSTÉMIQUE ?

À quoi sert d’évaluer les services écosystémiques ?

Cette question ramène aux débats sur                       qui est inutile, mais de traduire la valeur
la notion de service écosystémique (voir                   des pertes consécutives à la destruc-
« Débats et controverses »).                               tion des écosystèmes en termes qui per-
Elle a été largement abordée dans les                      mettent de comparer les services éco-
articles de Wolf et al. (2017) ou J.-M. Salles             systémiques avec d’autres enjeux socié-
(2010) dont nous pouvons reprendre                         taux ». C’est donc une réponse aux pres-
l’affirmation suivante : l’intérêt de la                   sions que subit la biodiversité pour influer
démarche d’évaluation n’est pas de « don-                  sur les décisions en explicitant les valeurs
ner une valeur économique à la nature, ce                  de la nature.

       Réponses                                                                 Pressions
         politiques et                                                                  sur la
                                        Les réponses
          de gestion                    réduisent les pressions
                                                                                     biodiversité

               Les bénéfices                                                     De plus faibles
               soutiennent les                                                pressions aident
               réponses effectives                                          les écosystèmes à
                                                                                   se restaurer
                                                     Augmenter la
       Bénéfices                               biodiversité permet
                                                     d’obtenir plus
    de la biodiversité/
         services
                                                      de bénéfices                      État
                                                                                de la biodiversité
     écosystémiques

Figure 5 – Relations entre les services écosystémiques, l’état de la biodiversité, les pressions qu’elle
subit et les réponses apportées à ces pressions, dans TESSA (2013).
Source : adapté de Sparks et al. (2010) Linked indicator sets for addressing biodiversity loss.Oryx 45(3) : 411-419

  18
Quelles finalités à l’usage de l’évaluation des services écosystémiques ?

Quatre enjeux d’utilisation de la notion peuvent être mis en avant au regard des
retours d’expériences étudiés dans la littérature scientifique.

Le management :                                    apparaît donc comme un instrument clé
                                                   pour accroître la sensibilisation au sujet
suivi et mise en œuvre de politique                et fournir des outils concrets directement
L’une des utilisations les plus anciennes vise     applicables aux décideurs techniques et
à rationaliser les stratégies de conserva-         politiques opérant dans le territoire30.
tion de la biodiversité pour maximiser l’ef-
ficacité des politiques publiques. Il s’agit       L’aide à la décision - animation
donc d’une utilisation pour la gestion de la
nature. Cet enjeu de management intéresse          Les outils d’évaluation des services éco-
également les acteurs économiques et               systémiques sont désormais utilisés par
financiers. Au-delà des questions d’image          les porteurs de projet pour l’analyse de
qui poussent les entreprises à chercher à          scénarios et l’aide à la décision avec l’ob-
appréhender la matérialité des enjeux envi-        jectif d’améliorer l’acceptabilité du projet31.
ronnementaux en termes de risque, d’im-            Il permet de prendre en compte les coûts
pact et de dépendance, la démarche est             et avantages de chaque option, d’évaluer
utilisée comme un outil de management de           la perte de bien-être social entraînée
leur politique sur la biodiversité29. Ainsi, en    par un projet32. Ainsi, la notion permet
France, pour les sociétés cotées en Bourse         de conduire des processus de décision
qui se doivent depuis 2002 (loi « Nouvelles        en mettant sur un même plan la durabi-
Régulations économiques »), de présen-             lité économique, le bien-être humain et la
ter « les mesures prises pour préserver ou         conservation des écosystèmes33.
développer la biodiversité » (décret n° 2012-
557), la démarche a souvent été initiée avec       Les paiements pour services
une demande de méthodologie standardi-             écosystémiques, la compensation
sée. Les services écosystémiques sont des          - financement
outils de plus en plus utilisés pour la planifi-
cation territoriale et le développement ter-       En les monétisant, il peut s’agir d’évaluer
ritorial. La prise en compte de la dimension       un potentiel de services, pour financer
spatiale par des méthodes cartographiques          une gestion ou une restauration d’éco-
permet de traduire les dynamiques d’un             systèmes favorables à leur maintien. Dans
territoire, à l’échelle globale mais encore        cette optique, les gestionnaires de milieux
plus à l’échelle locale. Consolidée à l’échelle    naturels (agriculteurs, associations, col-
régionale, la cartographie des services éco-       lectivités), pourraient capter de nouvelles
systémiques peut s’avérer gagnante pour            sources de revenus/financements, via le
une planification réellement durable. Elle         développement d’instruments de marché

                                                                                             19
comme les paiements pour services éco-        sibiliser les acteurs et les usagers, aux
systémiques. Il s’agit également d’un enjeu   enjeux de préservation des écosystèmes.
qui amène à s’intéresser à l’équivalence      En ce sens, ils contribuent à forger les
écologique, comme cela est développé          prérequis de la prise de décision indivi-
dans les mécanismes de la compensation.       duelle en faveur de la préservation des
                                              écosystèmes et ainsi à obtenir le soutien
La communication - sensibilisation            des acteurs des territoires et du public
                                              pour la mise en place de politiques ou
Les services écosystémiques sont large-       d’opérations de gestion fondées sur des
ment utilisés pour communiquer et sen-        données factuelles.

                                                                 ©F. Biamino/CEN Savoie
 20
Comment l’utiliser dans le cadre de la restauration ?

Nous souhaitons ici développer le propos sur un cadre d’utilisation spécifique, celui de
la restauration des écosystèmes, qui a constitué le cœur du projet RestHAlp.

Comme un exemple                                Comme une méthode
pour convaincre de l’intérêt                    d’évaluation des gains
Si en l’espace d’une trentaine d’années,        Cet usage correspond en partie à une
la restauration écologique s’est imposée,       déclinaison locale de l’usage pédago-
en France et dans le monde, comme un            gique décrit plus haut, mais il le dépasse.
moyen d’action en faveur de la biodiversité,    Il s’agit ici d’utiliser la notion de services
compte tenu de son coût, des difficultés        écosystémiques pour faciliter les discus-
à la mettre en œuvre ou des incertitudes        sions entre acteurs et animer un proces-
sur ses résultats, il est encore nécessaire     sus d’aide à la décision pour engager des
de convaincre les acteurs locaux de son         actions de restauration.
bien-fondé et ce malgré un soutien crois-
sant des politiques publiques.                  Cette utilisation passe par l’identifica-
                                                tion des services, celle des bénéficiaires
Pour cela, il s’avère très intéressant d’uti-   et aboutit à leur évaluation qualitative ou
liser la notion de services rendus pour         quantitative. Si dans un premier temps, la
sensibiliser et convaincre. Il s’agit de com-   notion est « la porte d’entrée » qui per-
muniquer et d’alerter sur la dépendance         met à plusieurs acteurs possédant des
des sociétés aux milieux naturels et mon-       bagages scientifiques et des parcours
trer leurs valeurs. Bénéficier d’exemples       individuels différents d’échanger, elle
d’évaluation des services écosysté-             permet dans un second temps de fournir
miques dans un contexte géographique            une grille de lecture multi-usage où les
semblable est particulièrement utile. On        différentes valeurs associées aux écosys-
parle d’exemples archétypaux, comme a           tèmes sont prises en compte.
pu l’être dans le domaine de la gestion         Ces échanges permettent de bien établir
de l’eau, celui de l’agglomération de New       le lien entre processus biophysiques et
York avec la préservation de l’environne-       services, de localiser les milieux naturels à
ment de la région des Catskills34.              analyser, de rendre concrète leur valeur et
Toutefois, si le plus important est le          de débattre de la nature des interventions
message général diffusé par sa dimen-           envisageables. En permettant aux acteurs
sion pédagogique, il est d’autant plus          du territoire et de la gestion de s’exprimer
efficace qu’il présente une situation           et de localiser les valeurs qu’ils attribuent
semblable à celle vécue par les acteurs         aux zones humides, elle contribue à leur
auxquels s’adresse le message. En effet,        adhésion au projet de restauration.
présenter l’exemple de l’investissement         La mise en place de démarches partici-
de près 1,5 milliard de dollars sur dix         patives ou collaboratives d’évaluation
ans, pour la réduction des pollutions           permet à chaque acteur de mesurer
dans un bassin versant d’alimentation           l’impact des actions de restauration sur
situé à 150 km au nord d’une agglomé-           chaque service. Pour cela, chaque acteur
ration de 22 millions d’habitant et éviter      « expert » utilise une règle de notation
la construction d’une usine de traite-          sur la base d’un système ordinal ou sur la
ment de l’eau de 7 milliards de dollars, à      base d’estimations économiques du panel
des élus de petites communes de mon-            de services analysés (voir chapitre : Quels
tagne peut susciter à minima des réac-          outils sont disponibles ?).
tions de scepticisme.

                                                                                         21
COMMENT METTRE EN PLACE UNE DÉMARCHE
D’ÉVALUATION DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES ?

Évaluer les services écosystémiques c’est adopter une approche interdisciplinaire
pour comprendre de quelle façon les fonctionnements écologiques recoupent l’ac-
tion anthropique. C’est aussi réaliser un examen collaboratif des différentes disci-
plines qui contribuent à l’attribution de valeur.

Quelle méthodologie mettre en œuvre ?

Il existe aujourd’hui différentes méthodologies et guides pour la réalisation d’études
d’évaluation des services écosystémiques. Ces méthodes peuvent proposer différentes
approches, suivant l’échelle d’étude, l’utilisation proposée, la mobilisation des données
sur le fonctionnement écologique. Nous renvoyons le lecteur vers trois propositions en
langue française :

BOÎTE À OUTILS DES SERVICES ÉCO-                 BOÎTE À OUTILS POUR L’ÉVALUATION
SYSTÉMIQUES (310 pages), à l’inten-              DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES À
tion des gestionnaires et des analystes.         L’ÉCHELLE D’UN SITE (TESSA) (150 pages,
Développée au Canada pour appuyer                27 fiches méthode, 7 fiches conseils et 23
l’élaboration de politiques et la prise de       annexes) a été conçu pour fournir des
décisions, elle propose dans une approche        conseils pratiques sur l’évaluation et
de portée nationale, un guide pratique           le suivi des services écosystémiques à
pour la réalisation et l’utilisation de l’éva-   l’échelle d’un site.
luation des services écosystémiques. Elle        Il aide les utilisateurs à identifier les ser-
présente une multitude de fiches outil           vices à évaluer, les données nécessaires à
pour aider le lecteur à la mise en place de      leur mesure, les méthodes ou ressources
l’évaluation.                                    utilisables pour obtenir ces données, et
                                                 indique comment en communiquer les
L’ÉVALUATION       ÉCONOMIQUE           DES      résultats dans le but de mieux conserver
BIENS ET SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES                 la biodiversité.
DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENTS
CLIMATIQUES (218 pages) veut assurer             Il s’agit de documents très fournis dont
un maximum d’homogénéité et de stan-             nous proposons ici de synthétiser les
dardisation dans l’utilisation des outils au     principaux éléments méthodologiques
Québec.                                          communs .
Ces outils doivent permettre d’évaluer              L’évaluation est une démarche interdis-
l’évolution des valeurs économiques              ciplinaire pour appréhender l’ensemble
d’usage et de non usage liées aux varia-         des thématiques et mettre en œuvre
tions de qualité des écosystèmes et des          une analyse multicritère. Elle associe dif-
services écosystémiques qu’ils four-             férentes parties prenantes, une équipe
nissent à la société dans le cadre des           projet qui conduit l’étude, des experts du
changements climatiques.                         contexte humain et environnemental.

 22
Les différentes méthodes distinguent           autant d’éléments qui serviront à organi-
plusieurs étapes dans le processus d’éva-          ser le processus d’évaluation.
luation : 6 étapes pour la Boîte à outils des        Une phase d’information des acteurs pour
services écosystémiques et 8 pour TESSA.           la compréhension commune des termes et
Parmi ces étapes, la définition du cadre de        enjeux est souvent indispensable.
l’évaluation est primordiale.
Il s’agit de savoir dans quel contexte éco-        L’évaluation s’appuie sur une collecte de
logique et politique se situe l’étude pour         données tant écologiques que socio-éco-
identifier les questions auxquelles l’évalua-      nomiques qu’il n’est pas toujours simple de
tion devra répondre.                               mobiliser. Les métriques ou les indicateurs
   Il existe généralement une phase d’éva-         utilisés sont nombreux. Nous pouvons par
luation préliminaire qui permet d’identifier       exemple illustrer le panel des données
les fonctions de l’écosystème, les parties         possibles avec le tableau ci-dessous.
prenantes, les services, les bénéficiaires,

Tableau 2 – Exemple d’indicateurs des fonctions écologiques, du capital naturel, des services
écosystémiques et des avantages des services écosystémiques pour les zones humides (adapté
et modifié d’après la Boite à outils des services écosystémiques).

 SERVICE          INDICATEURS DES FONCTIONS ÉCOLOGIQUES          INDICATEURS DES BÉNÉFICES
 ÉCOSYSTÉMIQUE    DU CAPITAL NATUREL                                   POUR L’HOMME
                              SERVICES D’APPROVISIONNEMENT
                  Stock total (t/ha)
 ALIMENTS         Productivité nette (kcal/ha/année)
                  Présence de plantes/animaux comestibles
                                                                    Nombre de personnes
                  Superficie des terres cultivées (ha)              employées, y compris
 CULTURES                                                       les travailleurs indépendants,
                  Production végétale réalisée (t/ha/année)
                                                                         pour la récolte,
                  Superficie totale des prairies                       la transformation
                  convenant aux brouteurs                               et la distribution
                                                                          de ces biens.
 ÉLEVAGE          Densité de bétail broutant

                  Production fourragère réalisée
                  (t/ha/année)

                                                                     Nombre de cartes
 PÊCHE            Taille de la prise
                                                                  de pêche (droits d’accès)

                                                                Nombre d’aliments sauvages
                  Quantité de viande de gibier prise
                                                                  récoltés dans une zone
 ALIMENTS
 SAUVAGES                                                          Nombre de chasseurs
                  Animaux tués
                                                                     (droits d’accès)

                                                                                              23
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