55/4 La revue du pôle ornithologique de Natagora - Page d'accueil du ...

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Volume   Décembre 2018

                                  55/4     Trimestriel

                                           Aves, pôle ornithologique
                                           de Natagora asbl
                                           Traverse des Muses 1
                                           B-5000 Namur
                                           www.natagora.be
La revue du                                Bureau de dépôt :
pôle ornithologique de Natagora            Charleroi X – P302131

                                           AVES 55/4 – 2018 1
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LA REVUE AVES publie des
travaux originaux relatifs à tous
les domaines de l’ornithologie,
prioritairement dans le cadre
géographique belge, en
particulier de la Wallonie et de
Bruxelles. Des travaux portant sur     ..............................................................................................................
d’autres régions du Paléarctique
occidental, spécialement les           Aves, pôle ornithologique de Natagora, a pour objet, depuis
régions limitrophes, peuvent           1963, d’étudier et protéger la faune sauvage, particulièrement
aussi être acceptés, si leur intérêt   l’avifaune. Elle vise aussi à initier à l’observation de la nature et
dépasse le cadre régional et s’ils     au développement de la recherche sur le terrain. Elle est active
sont de nature à intéresser les        en Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale. En 2003, Aves et
                                       Réserves Naturelles RNOB ont fondé l’association Natagora.
ornithologues belges. Les articles
de fond pourront être soumis           En vous abonnant à cette revue, vous devenez membres du
également en anglais. Dans ce cas,     pôle ornithologique Aves et soutenez ses efforts en faveur de la
une traduction vers le français sera   connaissance et la protection des oiseaux.
assurée, l’article sera publié en
français et une version en anglais     ..............................................................................................................
en format pdf sera téléchargeable
dès la parution du numéro              Natagora est active dans tout l’espace Wallonie-Bruxelles.
concerné.                              Le grand objectif de l’association est d’enrayer la dégradation de la
                                       biodiversité et de contribuer au rétablissement d’un meilleur équi-
La revue Aves fait l’objet             libre entre activités humaines et protection de l’environnement.
d’échanges avec une centaine de        Pour ce faire, elle s’est assigné différentes missions.
revues et est indexée notamment
dans Zoological Records. Les           Protéger : plus de 200 réserves naturelles Natagora, gérées par de
                                       nombreux volontaires sont constituées de milieux diversifiés et
sommaires, les articles publiés il
                                       souvent menacés. Elles abritent quantité d’espèces rares.
y a plus de deux ans, les résumés
d’articles et de notes figurent par    Étudier : l’identification des menaces, le soutien direct aux espèces
ailleurs dans la partie « Revue »      les plus menacées et la supervision de nombreux programmes de
du site www.aves.be                    suivi font partie des préoccupations majeures de l’association.

                                       S’impliquer : influer sur les décisions politiques, promouvoir la
Les propositions d’article             biodiversité, prévoir les atteintes qui pourraient lui être portées,
sont à adresser à :                    réagir quand nécessaire : les nombreux volontaires de l’associa-
revue.aves@aves.be                     tion y contribuent au quotidien.

                                       Éduquer : formations, Centres régionaux d’initiation à l’envi-
Instructions aux auteurs :
                                       ronnement, événements de sensibilisation, mise en réseau des
www.aves.be/                           particuliers : Natagora est fortement impliquée dans l’éducation à
instructions_auteurs                   l’environnement.
....................................   ..............................................................................................................

Photo de couverture :                                                           Natagora est le partenaire de BirdLife en
Bruant nain Emberiza pusilla,                                                   Belgique francophone.
Hermalle, 06.12.2015,
© Alain De Broyer                                                               ....................................................................
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55/4

        A
                u cours de ses 55 années d’existence, la revue Aves a plusieurs fois
                fait peau neuve, s’adaptant aux évolutions de la technique, de l’édi-
                tion et de l’association. Cette nouvelle mouture ne fait pas exception :
        notre équipe de graphistes (et Mathieu Gillet en particulier) a procédé à un
        rafraîchissement de la mise en page et de la présentation avec l’objectif d’en
        augmenter la lisibilité sur tous les supports, en accord avec la nouvelle charte
        graphique de Natagora. Nous espérons que vous apprécierez le changement !

        Autre événement d’importance, pour la première fois depuis la création
        de Natagora en 2003 par Aves et les RNOB, le supplément de cotisation
ÉDITO

        permettant de s’abonner à la revue Aves a été augmenté depuis le 1er janvier
        2019. Le changement du simple au double peut sembler considérable mais
        c’est une opération rare et, vous l’imaginez, difficile à mettre en pratique
        (variété des moyens de paiement, réponses téléphoniques et mails, ajuste-
        ment des domiciliations...) compte tenu de nos 7.000 abonnés ! Nous avons
        pris la peine, il y a plusieurs mois, de réaliser un sondage aléatoire auprès
        de 700 de nos membres afin de vérifier la façon dont ce changement serait
        perçu ; les réponses de soutien furent nettement majoritaires. Il faut bien
        admettre qu’avec 3 euros par numéro, il était devenu difficile de couvrir les
        frais de réalisation et d’impression. L’augmentation à 6 euros par numéro
        permet de faire face aux hausses des coûts réels de production. De plus, tout
        en conservant un coût par page souvent inférieur à celui d’autres revues
        ornithologiques équivalentes en Europe, nous voulons aussi nous donner les
        moyens de vous fournir un meilleur service.

        En effet, la ligne éditoriale de votre revue Aves, redéfinie en 2010 au terme
        d’un processus participatif, se fixait quatre objectifs principaux :

        1. Être la référence en matière d’ornithologie pour la Belgique francophone
           et, notamment, centraliser toute l'actualité ornithologique de Wallonie
           et de Bruxelles.

        2. Offrir un support, tant technique que pratique, à la communauté orni-
           thologique belge francophone afin que chacun puisse diffuser le résultat
           de ses travaux originaux.

        3. Motiver la communauté ornithologique autour de projets visant à mieux
           valoriser l'apport des données de terrain dans la compréhension des
           phénomènes ornithologiques et pour une meilleure conservation des

                                                                                           ›
           oiseaux et de leurs habitats.

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4. Augmenter le « niveau de compétence » des lecteurs, par exemple en les informant des
               avancées de l'ornithologie ou en améliorant leur connaissance de l’écologie des espèces.

            En donnant plus de moyens à l’équipe du pôle ornithologique de Natagora et l’équipe de rédac-
            tion de la revue Aves, nous souhaitons davantage rencontrer ces quatre objectifs fondamen-
            taux. Nous voulons également mieux coller à l’actualité ornithologique mais aussi diversifier
            les pages qui complètent le contenu purement dédié aux articles et notes. Vous pourrez ainsi
            lire au fil des numéros des « Brèves » plus nombreuses, ainsi qu’un écho des principales publi-
            cations ornithologiques (livres et articles). Dans ce numéro, vous pouvez aussi découvrir deux
            nouvelles rubriques. La première, « Le carnet ornitho », présente des aspects liés à l’identi-
            fication et au comportement des oiseaux de chez nous, peu connus des naturalistes mais
            décrits dans la littérature. Dans la rubrique « Retour sur images », une sélection de photos au
            cours des derniers mois permet de pointer des éléments d’identification ou décrivant des faits
            inhabituels. À côté de ces rubriques, nous préparons aussi la très attendue nouvelle mouture
            des « chroniques » présentant l’actualité avifaunistique en Wallonie et à Bruxelles.

            En synthèse, la revue Aves est avant tout un forum pour les ornithologues de terrain en
            Wallonie et à Bruxelles ; sa richesse dépend grandement de l’envie de chacun de partager
            des moments exceptionnels d’ornithologie. L’article principal de ce numéro en est un très
            bel exemple : il revient sur les observations de Bruant nain en Wallonie au cours des hivers
            2015-2017. Dans ce cas-ci, l’auteur a réalisé d’emblée l’ensemble du travail bibliographique et
            rédactionnel avant de soumettre un article très abouti. Cela requiert du temps, des compé-
            tences et/ou une énergie qui ne sont pas forcément à disposition de chacun. Que cela ne vous
            arrête pas ! L’équipe et le Comité de lecture sont là pour vous épauler, si vous le souhaitez,
            dans les parties plus ardues de ce travail ; de nombreux articles sont ainsi le résultat de cette
            synergie avec les ornithologues de terrain. Pour plus d’informations : contactez-nous !

            Le rapport annuel de la BRBC (Belgian Rarity Bird Committee) paraît dans ce numéro mais
            devrait retrouver sa place habituelle dans celui de septembre prochain. Pour rappel, le
            numéro de décembre paraît toujours au début de l’année suivante, afin d’éviter les engorge-
            ments postaux et d’impression de fin d’année ; le dernier numéro de l’année à arriver dans
            les boîtes aux lettres est donc celui de septembre.

            Enfin, une note est consacrée au statut récent de la Linotte à bec jaune en Wallonie et
            à Bruxelles. Sa rédaction s'est appuyée sur le travail de digitalisation des anciennes don-
            nées de la banque ornithologique Aves, réalisé par une équipe de volontaires encodeurs, un
            grand merci à eux ! La note démontre aussi, s'il le fallait encore, la nécessité d'assurer un
            suivi des populations tout au long de l'année, et pas uniquement en saison de reproduction.

            Je vous souhaite, ainsi que toute l’équipe de la revue, une excellente lecture !

            Anne Weiserbs, rédactrice en chef

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Hivernages exceptionnels
de Bruants nains Emberiza pusilla
à Hermalle-sous-Argenteau
(Oupeye)

  Aves 55/4 – 2018 – 159-173

 Noé Terorde
 Rue El Cwène 11
 B-6941 Heyd
 noe.terorde@hotmail.com

 Robin Gailly
 robingailly@gmail.com

                                                                                Valentine Plessy

 RÉSUMÉ
   Lors de l’hiver 2015-2016, un Bruant nain a été découvert dans un complexe de friches à
   Hermalle-sous-Argenteau. L’observation de cette espèce en Wallonie est un fait rare. Pourtant,
   quelques jours après la disparition du premier individu, deux oiseaux supplémentaires ont été
   trouvés dans cette même zone. Un oiseau a également séjourné à cet endroit l’hiver suivant.

   Cet article relate ces différentes observations. Un examen minutieux du plumage des différents
   oiseaux permet de conclure que les trois bruants observés au cours de l’hiver 2015-2016 étaient
   bien des individus différents. Deux d’entre eux ont effectué un hivernage à Hermalle-sous-Argen-
   teau. L’oiseau observé l’hiver suivant pourrait être l’un d’eux, revenu sur son site d’hivernage.

   Ces dernières années, le nombre d’observations de Bruant nain a fortement augmenté en Europe
   occidentale. C’est également le cas en Belgique, où la plupart des données proviennent de
   Flandre. Ceci a récemment conduit au retrait du Bruant nain de la liste des espèces soumises
   à homologation en Belgique, une tendance qui tend à se généraliser en Europe occidentale.

                                                                                  AVES 55/4 – 2018 159
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Après ce premier hivernage, une question trottait
OBSERVATIONS                                             alors dans la tête de nombreux ornithologues :
                                                         pourraient-ils revenir au même endroit l’hiver sui-
Hermalle-sous-Argenteau est un village de la             vant ? La réponse n’a pas vraiment tardé, puisque
commune d’Oupeye, situé entre la Meuse et                dès le 26 novembre 2016, un Bruant nain a été
le Canal Albert, à une dizaine de km en aval de          relocalisé aux abords des étangs de la même zone
Liège. Ces dernières années, de nombreux oi-             (en 3 sur la Figure 1). Ces plans d’eau relèvent de
seaux migrateurs ont été attirés dans la vaste
zone formée de friches humides et de prairies
qui s’étend au nord du village et qui est destinée
à accueillir le Trilogiport, un projet d’envergure
développé par le Port autonome de Liège.

Trois Bruants nains Emberiza pusilla ont été
trouvés à cet endroit durant l’hiver 2015-2016 et
deux d’entre eux y ont même effectué un séjour
prolongé. L’hiver suivant, un individu hivernant a
de nouveau été découvert dans ce secteur.

Le premier oiseau a été découvert le 6 décembre
2015 dans la friche principale bordant le Canal
Albert (en 1 sur la Figure 1). Cet oiseau était très
confiant et se laissait observer et photographier
jusqu’à moins d’un mètre (Photo 1). Malheureu-
sement, malgré de nombreuses prospections
durant les jours suivants, il ne sera pas retrouvé.

Le 14 du même mois, la persévérance des ob-
servateurs et l’extension de la zone de recherche
conduisent à la relocalisation d’un Bruant nain, qui
sera ensuite observé à de nombreuses reprises,
principalement à environ 500 m du lieu de la pre-
mière observation (en 2 sur la Figure 1). Il sera éga-
lement mentionné quelques fois sur le site 1, soit
dans la friche destinée à l’accueil du Trilogiport.

Le 17 janvier 2016, à la surprise générale, deux
oiseaux sont observés en même temps (Photo 2)
au niveau du site 2. Ils avaient généralement ten-
                                                                FIGURE 1 | Zone destinée à accueillir les in-
dance à se nourrir ensemble et seront très régu-
                                                                frastructures du Trilogiport, le nouveau Port
lièrement observés simultanément jusqu’au 21                    autonome de Liège. La carte indique les sites
mars 2016. Le nouvel oiseau était plus farouche                 où ont été principalement observés les Bruants
et s’envolait plus rapidement à l’approche des                  nains / Area reserved for the infrastructure
observateurs, alors que l’autre se laissait obser-              of the Trilogiport; the new "Port autonome"
ver à quelques mètres à peine. Les deux oiseaux                 of Liège. The map indicates the points where
n’étaient toutefois pas si faciles à trouver car ils            the Little Buntings have mostly been seen
restaient la plupart du temps dans le couvert                   (source : Géoportail de la Wallonie)
relativement dense de la friche pour se nourrir.

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PHOTO 1 | Le premier Bruant nain (oiseau A) découvert à Hermalle-sous-Argenteau et non revu par la suite /
The first Little Bunting (Bird A) observed in Hermalle-sous-Argenteau and not seen there since (06.12.2015,
© Alain De Broyer)

PHOTO 2 | Le 17 janvier 2016, deux Bruants nains sont observés simultanément et resteront à Hermalle-
sous-Argenteau jusqu’au 21 mars 2016. L’oiseau de gauche est l’individu qui avait été découvert le 14
décembre 2015 (oiseau B). L’oiseau de droite (oiseau C), à la coloration plus rousse, est le nouvel arrivant
/ On January 17, 2016 two Little Buntings were observed together. They were to remain in Hermalle-sous-
Argenteau until March 21, 2016. The bird on the left is the same individual as that found on December14, 2015
(Bird B). The bird on the right in this photograph (Bird C), with a more reddish colouration, is the newcomer
(17.01.2016, © Robin Gailly)

                                                                                           AVES 55/4 – 2018 161
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FIGURE 2 | Zone d’intégration environnementale mise en place autour du projet de construction qui couvrira
        la vaste friche d’Hermalle-sous-Argenteau / The "Zone d'intégration environnementale" which has been set up
        around the construction project that is to cover the large area of uncultivated land at Hermalle-sous- Argenteau
        (Port autonome de Liège, 2017)

la zone d’intégration environnementale mise en                 été observés en même temps. Huit jours se sont
place par le Trilogiport afin de compenser l’im-               écoulés entre la découverte du premier oiseau
pact lié à la construction du port et des bâtiments            et l’observation suivante. Une analyse détail-
annexes sur la friche principale (Figure 2). L’hiver-          lée des plumages a été effectuée sur base de
nage de cet oiseau a également été bien suivi. Il              nombreux clichés de qualité accessibles sur le
était souvent noté en compagnie de Bruants des                 portail observations.be ou fournis directement
roseaux Emberiza schoeniclus et a pu être observé              par plusieurs photographes.
jusqu’au 19 mars 2017, date quasiment identique
à la fin des observations de l’hiver précédent.                Pour simplifier l’analyse ci-après, les différents
                                                               oiseaux seront nommés comme suit, en fonction
Deux questions se posent alors. Le bruant du 6                 de leurs dates d’observation :
décembre 2015 est-il un des deux oiseaux observés
plus tard durant l’hiver ? Celui de l’hiver 2016-2017
peut-il être l’un de ceux présents l’hiver précédent ?
                                                               · Oiseau
                                                                 2015 ;
                                                                        A : observé uniquement le 6 décembre

                                                               · Oiseau B : observé du 14 décembre 2015 au
                                                                 21 mars 2016 ;
COMPARAISON DÉTAILLÉE DES
DIFFÉRENTS OISEAUX                                             · Oiseau C : apparaît le 17 janvier et également
                                                                 observé jusqu’au 21 mars 2016 ;

Les trois Bruants nains vus durant l’hiver 2015-
2016 à Hermalle-sous-Argenteau n’ont jamais
                                                               · Oiseau D : observé du 26 novembre 2016 au
                                                                 19 mars 2017.

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Certains détails du plumage, généralement utili-               (franges brun-roux) et celles qui ne le sont pas
sés par les bagueurs, peuvent être mis à profit                (franges chamois clair) (Photo 4).
pour différencier les oiseaux de premier hiver
des adultes. La forme de l’extrémité des rectrices,            À ce stade, il était donc déjà possible de dé-
pointues chez les jeunes (Photo 3) et arrondies                terminer que les bruants A, B et C étaient tous
chez les adultes, est l’un de ces critères. De plus,           trois des individus de premier hiver. L’oiseau D,
les différences de contraste dans les franges des              quant à lui, montrait des rectrices aux extrémi-
grandes couvertures donnent aussi une bonne                    tés arrondies, ce qui indique qu'il était au mi-
indication sur l’âge des oiseaux : les adultes pos-            nimum dans son deuxième hiver. L’hypothèse
sèdent des franges toutes semblables, car ils                  que l’oiseau D soit un des oiseaux A, B ou C revenu
effectuent une mue complète de l’ensemble de                   sur son lieu d’hivernage l’année suivante pouvait
leurs grandes couvertures, alors que les jeunes                donc être formulée. Cependant, les Bruants nains
ne les muent que partiellement, ce qui entraîne                adultes effectuent une mue complètement en au-
un contraste marqué entre les plumes muées                     tomne, avant leur migration. Dès lors, le plumage

                                                                                         PHOTO 3 | L’extrémité
                                                                                         pointue des rectrices est
                                                                                         caractéristique des indi-
                                                                                         vidus de premier hiver,
                                                                                         comme c’est visible ici
                                                                                         sur l’oiseau B / The tail
                                                                                         feathers with pointed
                                                                                         tips is a characteristic
                                                                                         of first year individuals;
                                                                                         seen here on bird B
                                                                                         (29.12.2015, © Damien
                                                                                         Gailly)

   PHOTO 4 | Chez l’oiseau B, les quatre grandes cou-
   vertures internes ont été muées et contrastent avec
   celles non-muées dont l’extrémité est un peu plus
   pâle. Cette différence de mue dans les couvertures
   révèle un oiseau de premier hiver / In bird B the inner
   four greater coverts have been moulted; they contrast
   with the other greater coverts, which are not moulted
   and whose tips are slightly more pale in colour. This
   diffence in the coverts' moult is typical of first winter
   birds (20.12.2015, © Mireille Henry)

                                                                                               AVES 55/4 – 2018 163
55/4 La revue du pôle ornithologique de Natagora - Page d'accueil du ...
d’un même oiseau peut potentiellement varier                      s’agissait ou non du même individu que l’oiseau
fortement d’une année à l’autre et il n’est donc pas              A. Tout d’abord, comme mentionné ci-avant, il
raisonnable de comparer les plumages entre                        était plus farouche que l’oiseau B et assez peu
deux hivers différents. Il n’est donc malheureuse-                de photos de qualité étaient disponibles pour
ment pas possible d’affirmer qu’il s’agissait bien                permettre une analyse détaillée de son plumage.
d’un retour sans un marquage individuel comme
une bague scientifique.                                           Il est toutefois apparu rapidement que cet oi-
                                                                  seau C, tout comme le B, montrait une colora-
Les trois oiseaux observés lors du même hiver                     tion roussâtre au niveau de la gorge ainsi qu’au
peuvent par contre être comparés entre eux.                       trait sous-mustacien, qui, à première vue, pouvait
L’oiseau A présentait une coloration très rousse                  exclure l’oiseau A. Toutefois, il faut savoir qu’au
au niveau de la barre alaire, et blanche au niveau
                                                                  printemps les Bruants nains peuvent subir une
de la gorge et du trait sous-mustacien (Photo 5).
                                                                  mue prénuptiale partielle qui leur donne une
Lors de la découverte de l’oiseau B, il fut facile
                                                                  coloration roussâtre accentuée au niveau de la
de constater qu’il s’agissait d’un autre individu
                                                                  gorge, du trait sous-mustacien et de la couronne
car celui-ci présentait des caractéristiques évi-
                                                                  (Van Duivendijk, 2011). Dès lors, vu le laps de temps
dentes presque opposées à l’oiseau A : une barre
                                                                  de plus d’un mois qui s’était écoulé entre l’obser-
alaire entièrement blanche dans les couvertures
                                                                  vation des deux oiseaux, il fallait s’assurer que
moyennes, et des plumes très rousses à la gorge
et au niveau du trait sous-mustacien (Photo 5).                   le changement de coloration ne résultait pas
                                                                  de ce changement de plumes. Des recherches
Lors de l’apparition du bruant C, il a été plus dif-              plus approfondies dans la littérature ont montré
ficile, pour plusieurs raisons, de déterminer s’il                que cette mue partielle a bel et bien lieu sur les

  a                                                           b

        PHOTOS 5a et b | Comparaison de plumage entre l’oiseau A et l’oiseau B. L’oiseau A, à gauche, montre une barre
        alaire roussâtre au niveau des moyennes couvertures et une gorge ainsi qu’un trait sous-mustacien blanc pur.
        L’oiseau B, à droite, présente les caractéristiques inverses : une barre alaire blanche au niveau des moyennes
        couvertures et une gorge ainsi qu’un trait sous-mustacien roussâtres / Comparison of the plumages of birds
        A and B. In bird A, on the left, the wing bar at the level of the median coverts is reddish in colour, the throat
        and submoustachial stripe are pure white. In Bird B, on the right, these characteristics are reversed; the wing
        bar at the level of the median coverts is white, the throat and the submoustachial stripe are reddish in colour
        (06.12.2015, © Noé Terorde / 03.01.2016, © Ben Steeman)

164 AVES 55/4 – 2018
a                                                               b

      PHOTOS 6a et b | Comparaison entre les oiseaux A et C. L’oiseau A, à gauche, montre une gorge et un trait
      sous-mustacien blancs, alors que l’oiseau C, à droite, est plus roussâtre à ces endroits du plumage / Compari-
      son of birds A and C. Bird A, on the left, has a white throat and submoustachial stripe; the plumage of bird C, on
      the right, at these points is more reddish in colour (06.12.2015, © Noé Terorde / 17.01.2016, © Serge Debrus)

      TABLEAU 1 | Caractères utilisés pour la comparaison du plumage des oiseaux A, B et C / Characters used for
      the comparison of plumage of birds A, B and C

                Individus               Oiseau A                        Oiseau B                        Oiseau C

     Dates d'observation                6/12/2015               14/12/2015 – 21/03/2016           17/01 – 21/03/2016

                                                                                                  Vraisemblablement
                      Âge             Premier hiver                    Premier hiver
                                                                                                     premier hiver

                     Sexe                Inconnu                 Mâle (chante mi-mars)                  Inconnu

                   Gorge          Entièrement blanche                   Roussâtre                      Roussâtre

    Trait sous-mustacien            Entièrement blanc                   Roussâtre              Presque entièrement roux

                                   Peut-être une muée,
                                                                          4 muées            Extrémités assez rousses (pas
    Grandes couvertures         les autres toutes juvéniles
                                                                    à franges brun-roux              de contraste)
                                  (franges chamois clair)
 Extrémité des moyennes
                                       Roussâtres                        Blanches                      Roussâtres
couvertures (barre alaire)

                   Flancs       Traits noirs sur fond blanc          Légers tons roux           Fond roux bien marqué

                                  Peu contrasté, oiseau                                           Le moins contrasté,
       Contraste général                                             Le plus contrasté
                                  assez pâle en général                                        mais à l’aspect le plus roux

                                                                                                     AVES 55/4 – 2018 165
sites d’hivernage, mais qu’elle ne débute que fin-     L’observation d’oiseaux rares attire générale-
février et se prolonge jusqu’en avril (Cramp et al.,   ment l’intérêt de nombreux ornithologues, qui
1994). Les photos utilisées pour examiner l’oi-        essayent de comprendre les raisons de la pré-
seau C datant du mois de janvier, on peut dès          sence de ces espèces exceptionnelles. Souvent,
lors affirmer que A et C sont deux individus dif-      la cause est complexe et reste inconnue. Il existe
férents, puisque la mue prénuptiale n’avait pas        de nombreuses théories, qui ne seront pas dé-
encore débuté (Photos 6a et b). Par conséquent,        veloppées ici, visant à expliquer l’apparition
il y a donc bien eu trois oiseaux différents durant    d’espèces rares dans nos régions : migrations
l’hiver 2015-2016 : les oiseaux B et C ont effec-      inverses, abmigration (déplacement du lieu de
tué un hivernage prolongé sur le site, alors que       nidification d’un oiseau qui, lorsqu’il effectue sa
l’oiseau A était un migrateur en halte.                migration printanière, va suivre un groupe sur
                                                       un nouveau site : assez fréquent chez les Ana-
Bien qu’ils aient été présents simultanément, il       tidae), dérive transatlantique, overshooting,
était aussi possible de différencier l’oiseau B de     invasions (Gilroy & Lees, 2003), perturbations
l’oiseau C (Photo 2). Il a déjà été mentionné pré-     lumineuses (LRBPO, 2013) ou dérèglement cli-
cédemment que l’oiseau C avait une barre alaire        matique (Marra et al., 2005).
rousse dans les couvertures moyennes, alors que
l’oiseau B montrait une barre alaire bien blanche.     Cependant, dans le cas présent, il ne s’agit pas
L’aspect général de l’oiseau C était également         simplement d’un oiseau égaré, puisque trois
plus roux, notamment au niveau de la couronne          Bruants nains différents ont été observés durant
et des flancs.                                         l’hiver 2015-2016, et ce durant plus de 3 mois.
                                                       L’hiver suivant, un oiseau est également resté sur
Pour résumer, le Tableau 1 reprend les différents      place pour une durée encore supérieure. Il s’agit
caractères utilisés pour différencier les oiseaux A,   donc de réels cas d’hivernage.
B et C.
                                                       Le Bruant nain est un oiseau nordique, nichant
                                                       du nord de la Finlande à l’est de la Russie. Il hi-
                                                       verne en Asie du Sud-Est, mais est cependant
DISCUSSION                                             noté occasionnellement en Europe occidentale
                                                       (Svenson et al., 2010). Habituellement, ces oiseaux
                                                       prennent donc une direction plein est lors de leur
Statut du Bruant nain en Wallonie                      migration automnale, avant de bifurquer vers le
et en Europe occidentale                               Sud-Est asiatique.

Les données de Bruant nain ne sont pas excessi-        Il est très difficile de déterminer d’où proviennent
vement rares à l’échelle belge. Cependant, sur les     les migrateurs observés en Europe, car malheu-
61 oiseaux homologués avant l’hiver 2015-2016,         reusement, les reprises de baguage sont peu nom-
58 observations provenaient de Flandre. Les oi-        breuses. La population finlandaise, par exemple,
seaux A, B et C ne constituaient donc que les qua-     compte entre 10.000 et 30.000 couples (Valkama
trième, cinquième et sixième données wallonnes         et al., 2011), alors que l’effectif mondial est estimé
(BRBC, 2017). C’était également la première fois       à 30-50.000.000 individus (Birdlife International,
que deux oiseaux étaient observés ensemble             2018). Il y a donc à peu près autant de chances que
en Wallonie. Les mentions précédentes concer-          les oiseaux observés en Belgique proviennent de
naient un individu observé aux marais d’Harchies       Finlande que de plus loin. La seule certitude est
le 7 avril 1990, un oiseau capturé et bagué aux        qu’il existe une expansion vers l’ouest des zones
Awirs (Flémalle) le 19 octobre 1991 et un indi-        de nidification (Vogelwarte, 2018), qui induit très
vidu ayant séjourné du 6 au 10 octobre 2000 à          vraisemblablement une hausse des observations
Hautrage (Prés du Grand Rieu).                         en Europe occidentale.

166 AVES 55/4 – 2018
TABLEAU 2 | Comparaison du nombre de Bruants nains observés et du nombre de sites concernés au cours
       des 10 derniers hivers en Belgique et aux Pays-Bas / Comparison of the number of Little Buntings observed
       and the number of sites involved in the last 10 winters in Belgium and the Netherlands (source des données :
       observations.be et waarnemingen.nl)

                                        Belgique                                           Pays-Bas
          Hiver
                      Nombre de sites          Nombre d’oiseaux          Nombre de sites          Nombre d’oiseaux
                       d’observation              observés                d’observation              observés
     2017-2018                9                        9                       35                       35
     2016-2017                9                       12                       53                       59
     2015-2016                6                        7                       46                       52
     2014-2015                4                        4                       27                       27
     2013-2014                0                        0                       37                       41
     2012-2013                1                        1                       28                       29
     2011-2012                2                        2                       16                       16
     2010-2011                1                        1                       16                       16
     2009-2010                2                        2                       25                       25
     2008-2009                6                        6                       15                       16

En effet, il a été noté que les hivers 2015-2016            2018, à son retrait de la liste des espèces sou-
et 2016-2017 ont été particulièrement fournis en            mises à homologation. C’est d’ailleurs un choix
observations de Bruants nains. Tant en Belgique             qui tend à se généraliser en Europe occidentale.
qu’aux Pays-Bas, le nombre d’individus, ainsi que           Au Royaume-Uni, par exemple, cette espèce
les sites où ils se laissaient observer, ont été plus       est sortie de cette liste depuis 1994 déjà. Nos
nombreux que lors des sept années précédentes.              voisins hollandais ont fait de même en 2004.
Le résumé des données provenant des portails                Comme les recherches sont intenses dans ces
observations.be et waarnemingen.nl se retrouve              deux pays, il n’est pas si étonnant que le Bruant
dans le Tableau 2.                                          nain y soit détecté en plus grand nombre. En
                                                            France et en Allemagne, cette espèce est ac-
Cependant, il faut rester critique par rapport aux          tuellement toujours soumise à homologation
données fournies dans le Tableau 2. Il est par              mais la question de la retirer de cette liste a déjà
exemple certain que le nombre d’observateurs est            été évoquée maintes fois. Le Grand-Duché de
en hausse ces dernières années (Paquet & Derouaux,          Luxembourg ne compte par contre qu’une don-
2018), ce qui joue forcément sur le nombre d’oiseaux        née de l’espèce : un oiseau découvert le 9 avril
détectés. Les observateurs sont également mieux             2017 qui était resté sur le même site durant 2
documentés et informés des moyens permettant                semaines.
de déceler cette espèce. De plus, de nombreuses
données sont ajoutées grâce à la diversification            D’autres mentions remarquables de l’espèce
des outils de recherche, tels que l’enregistrement          ont également été faites ces dernières années,
des cris de contact en migration à l’aide de matériel       là où l’espèce est très peu rencontrée (liste non-
performant et leur transcription en sonagrammes.            exhaustive) :

Le nombre croissant d’observations de Bruant
nain en Belgique a conduit, depuis le 1er janvier
                                                            · 42001,
                                                                fois 1 ex. aux Émirats Arabes Unis en 2000,
                                                                     2012 et 2016 (GBIF, 2017) ;

                                                                                                  AVES 55/4 – 2018 167
· 1 ex. à Chypre le 11 avril 2011 ;                         Attractivité du site
· 1 ex. au Koweït le 05 février 2012 ;                      d’Hermalle-sous-Argenteau

· 1 ex. en Arabie Saoudite le 17 octobre 2013 ;             Après les cas d’hivernage exceptionnels de

· 2février
      fois 1 ex. au Maroc, en octobre 2013 et en
             2016 (M       O
                       aghreb     , 2017) ;
                                  rnitho
                                                            Bruants nains à Hermalle-sous-Argenteau, une
                                                            question se pose : pourquoi cet endroit plutôt
                                                            qu’un autre ?
· 1 ex. le 23 novembre 2015 à Oman ;                        En se penchant sur la géographie de la zone, il est
· 1octobre
      ex. aux Îles Pélages (Linosa, Italie) le 18
               2017 (D       L , 2017) ;
                        iscover    ife
                                                            possible de partiellement comprendre pourquoi
                                                            ces oiseaux ont choisi ce site pour y hiverner ou

· unsurhivernage
                                                            faire halte.
                   exceptionnel de 5 ou 6 oiseaux
        l’île de Fuerteventura (Canaries) entre le          Premièrement, la vallée de la Meuse est un large
   29 décembre 2017 et le 19 février 2018 ;                 couloir migratoire, arrivant du nord sur le bassin

· une dizaine d’oiseaux lors de l’hiver 2017-
  2018 en Israël (année exceptionnelle) ;
                                                            liégeois. En y regardant de plus près, pour un
                                                            oiseau migrateur venant du nord-est, il s’avère
                                                            que cette friche destinée à accueillir le Trilogi-
· 1 ex. en Mauritanie le 14 avril 2018.                     port, ainsi que les prairies (certaines également

        PHOTO 7 | Friche d’Hermalle-sous-Argenteau destinée à accueillir le Trilogiport, site 1 sur la Figure 1 /
        Uncultivated land at Hermalle-sous-Argenteau reserved for the Trilogiport; site 1 in Figure 1 (28.11.2016,
        © Noé Terorde)

168 AVES 55/4 – 2018
PHOTO 8 | Hermalle-sous-Argenteau, 06.12.2015, © Alain De Broyer

en friche) qui l’entourent sont les derniers grands       a permis d’y repérer d’autres espèces rares,
sites pour s’arrêter, avant de voler au-dessus de         comme le Hibou des marais Asio flammeus, le
la ville de Liège.                                        Pouillot brun Phylloscopus fuscatus, le Pouillot à
                                                          grands sourcils Phylloscopus inornatus ou encore
De plus, à une échelle plus générale, le bassin           le Pipit à gorge rousse Anthus cervinus, parmi les
liégeois constitue lui-même la limite entre la            oiseaux migrateurs et hivernant souvent pré-
Basse et la Moyenne Belgique d’une part et la             sents en nombre. Il en est de même pour plu-
Haute Belgique d’autre part, qui débouche sur             sieurs espèces de limicoles, peu fréquentes en
l’Ardenne, et donc sur un relief plus accidenté           dehors des espaces côtiers, qui ont fait halte au
convenant moins à certaines espèces.                      niveau des nouveaux plans d’eau peu profonds.

Le Bruant nain affectionne tout particulièrement          Ces friches si riches sont généralement de nature
les milieux marécageux. Dans l'ouest de son aire          temporaire et ont malheureusement tendance à
de répartition, il niche par exemple dans des pe-         disparaître de nos régions. C’est le cas de la friche
tits bouleaux et arbrisseaux nains sur sols hu-           d’Hermalle-sous-Argenteau, qui est actuellement
mides, en bordure de lacs et de rivières (Cramp et        en plein chantier. Depuis deux ans, le lancement
al., 1994). Une friche humide est donc probable-          des travaux a mené à la pose d’une clôture et à
ment attractive pour un Bruant nain en quête de           l’interdiction de circuler, au plus grand dam des
zones d’hivernage (Photos 7 et 8).                        ornithologues. Cependant, les prairies alentour
                                                          et les zones de compensation, malheureusement
Évidemment, ce type de milieu n’est pas propice           de qualité moindre à cause d’une gestion de la
qu’au seul Bruant nain. Dès l’automne 2015, un            végétation qui n'est pas toujours adaptée, sont
petit engouement pour une prospection plus                toujours accessibles et révéleront probablement
assidue des friches d’Hermalle-sous-Argenteau             encore de belles surprises.

                                                                                           AVES 55/4 – 2018 169
Identification du Bruant nain

    Le Bruant nain appartient à la famille des embérizidés, qui compte 44 espèces répar-
    ties à travers le monde (IOC, 2016). Les oiseaux de cette famille sont dans l’ensemble plus
    terrestres que les fringillidés et se nourrissent entre autres de graines de graminées.

    Le Bruant nain, comme son nom l’indique, est assez petit (12-13,5 cm). À première vue, il est
    fort semblable au Bruant des roseaux en plumage inter-nuptial ou juvénile. Il s’en distingue
    notamment par sa taille inférieure, même si cette différence est souvent imperceptible sur le
    terrain, à moins que les deux espèces ne soient observées côte à côte.

                                              2
                                    1                                          PHOTO 9 | Critères
                                                                         7
                                                                               permettant l’identi-
                                                                               fication du Bruant
                                                                               nain — voir texte /
                                                                     3         Criteria for the iden-
                                                                               tification of the Litt-
                                                                               le Bunting — cf. text
                                                                         6
                                                             5                 (17.01.2016, © Robin
                                                                               Gailly)
                                                                 4

    Les numéros pointés sur cette photo sont détaillés ci-dessous. Ils permettent de différencier
    le Bruant nain du Bruant des roseaux et de toute autre espèce pouvant lui ressembler.

    Le Bruant nain est caractérisé notamment par des couvertures parotiques brun-roux
    avec une étroite bordure inférieure noire (en 1 sur la photo ci-dessus). Les côtés de la ca-
    lotte sont noirs et bordent une raie centrale également brun-roux (en 2). Notons éga-
    lement la présence d’un net cercle oculaire blanc (en 3). Les ailes ont une teinte géné-
    rale brun-roux, avec présence d’une barre alaire blanche au niveau des couvertures
    alaires moyennes (en 4). Ce ton plutôt brun-roux des ailes contraste avec le dos ten-
    dant plus vers le gris-brun. Les petites couvertures alaires sont aussi plutôt grisâtres
    (en 5). Enfin, les flancs et la poitrine sont clairs et généralement finement striés de noir
    (en 6), tandis que les pattes sont assez claires, de couleur chair. Le bec court et gris, dans de
    bonnes conditions d’observation, révèle un culmen droit (en 7).

    Le Bruant des roseaux est beaucoup plus commun dans l’ensemble de nos régions et s’ob-
    serve souvent à proximité de zones humides, là où on peut potentiellement aussi espérer
    trouver un Bruant nain. Le Tableau 3, présente les critères permettant de différencier ces
    deux espèces et cette comparaison est illustrée à la page suivante.

170 AVES 55/4 – 2018
TABLEAU 3 | Liste des critères permettant de différencier le Bruant nain du Bruant des roseaux / List of
       criteria to differentiate the Little Bunting Emberiza pusilla of Reed Bunting Emberiza schoeniclus

                                                           Bruant nain                       Bruant des roseaux
                Critère de différenciation
                                                         (Emberiza pusilla)                 (Emberiza schoeniclus)

  Barre alaire (couvertures moyennes) (A)                     Blanche                                  −

           Petites couvertures alaires (B)                 Gris brunâtre                          Brun-roux

              Couleur des parotiques (C)         Brun-roux avec nette bordure noire          Légèrement grisâtre

             Raies latérales de la tête (D)                      Noire                             Brun-gris

               Raie centrale de la tête (E)                  Brun-roux                       Plus pâle mais diffuse

                          Cercle oculaire (F)               Blanc et net                         Peu marqué

                     Couleur des pattes (G)                Couleur chair                  Brun-rougeâtre ou brun-gris

Bien sûr, en plus de tous ces critères visuels et comme souvent, le cri permet de différencier
ces deux espèces. Le Bruant nain crie de manière très discrète. Il émet un « psiit » court, dur et
aigu qui peut très facilement passer inaperçu ou être confondu avec d’autres espèces. Ce cri
peu caractéristique rappelle par exemple celui de la Grive musicienne Turdus philomelos mais
sonnant moins fort. Il se différencie cependant aisément du cri du Bruant des roseaux, qui
est plus sifflé, traînant et descendant. Le véritable challenge est donc de détecter le contact
discret du Bruant nain parmi les cris émis par l’ensemble des oiseaux alentour.

                      D                     E                       D                 E         PHOTO 10 | Compa-
                 C                       F                   C                                  raison entre Bruant
                                                                                                nain, à gauche, et
                                                                                                Bruant des roseaux
                                                                                      F
                                                                                                à droite / Com-
                                                                                                parison between
                                                                                      B
                                                                                                the Little Bunting
                                             B                                        A         Emberiza pusilla,
                                             A                                                  on the left, and
                                                                                                the Common Reed
                                                                                                Bunting Emberiza
                                                                                G               schoeniclus on the
                                        G                                                       right (08.12.2016,
                                                                                                © Noé Terorde /
                                                                                                01.11.2014, © J.-M.
                                                                                                Poncelet)

                                                                                                       AVES 55/4 – 2018 171
CONCLUSION                                             REMERCIEMENTS

Des hivernages exceptionnels de cette es-              Nous remercions tout d’abord Alain De Broyer et
pèce en Wallonie lors des hivers 2015-2016 et          Miguel Demeulemeester, qui, avec leurs connaissances
2016-2017, il ressort deux conclusions princi-         pointues des plumages et des mues, ont grandement aidé
                                                       dans l’analyse des différents oiseaux. À cet égard, nous
pales.
                                                       remercions également l’ensemble des photographes qui
D’une part, l’analyse détaillée des plumages des       ont transmis généreusement leurs clichés. Même si toutes
individus ayant séjourné lors de l’hiver 2015-         les photos n’ont pas été publiées, elles auront toutes été
2016 a permis de déterminer avec certitude             très utiles lors de la comparaison des différents plumages.
qu’il y avait bel et bien trois oiseaux présents.
                                                       Merci également aux ornithologues étrangers qui ont
L’individu observé lors de l’hiver suivant pour-
                                                       fourni les observations du Bruant nain et son statut dans
rait être l’un de ceux de 2015-2016 puisqu’il          différents pays.
s’agissait d’un adulte et que les oiseaux ont
tendance à montrer une fidélité à leurs sites          Bien sûr, nous n’oublions pas non plus les relecteurs et
d’hivernage. Il n’a cependant pas été possible         leurs précieuses remarques pour la finalisation de ce texte.
de le prouver sans un marquage individuel de           Merci également à Jean-Paul Jacob qui a pris l’initiative de
l’oiseau, car les Bruants nains adultes muent en-      motiver ce projet et en a assuré le suivi.
tièrement avant leur migration postnuptiale et
peuvent dès lors avoir une apparence complète-
ment différente d’un hiver à l’autre.
                                                       BIBLIOGRAPHIE
D’autre part, vu les mentions de cette espèce en
Belgique et dans d’autres pays d’Europe occi-          Birdlife International (2018) : Little Bunting - Emberiza
                                                       pusilla. http://datazone.birdlife.org/species/factsheet/
dentale, ou même du Paléarctique occidental, il
                                                       22720954, consulté le 18.08.2018 • BRBC (2017) : Da-
s’avère très clairement que les observations sont      tabase - Emberiza pusilla. www.belgianrbc.be/, consulté
à la hausse ces dernières années. Il est certain       le 23.01.2018 sur Belgian Rare Bird Committee • Cramp,
que le nombre d’observateurs présents sur le           S., Perrins, C., Brooks, D. J., Dunn, E., Gillmor, R., Hall-
terrain augmente, parallèlement à une diversi-         Craggs, J., et al (1994) : Handbook of the Birds of Europe
                                                       the Middle East and North Africa. The Birds of the Western
fication des techniques de détection. Du coup,
                                                       Palearctic. Volume 9: Buntings and New World Warblers.
il est difficile de savoir quelle proportion de ces    Oxford: Oxford University Press • Discover Life (2017) :
observations récentes est due à une évolution          Emberiza pusilla. https://www.discoverlife.org/, consul-
des routes migratoires, et quelle part est due à       té le 18.08.2018 • GBIF (2017) : Emberiza pusilla. www.
l’intensification des recherches. Sachant que la       gbif.org/species/2491544, consulté le 18.08.2018 sur
                                                       GBIF - Global Biodiversity Information Facility • Gilroy, J.
population mondiale de Bruants nains est très
                                                       J., & Lees, A. C. (2003) : Vagrancy theories: are autumn
importante et s’étant vers l’ouest, et qu‘il s’agit    vagrants really reverse migrants? British Birds, vol. 96, pp.
d’un oiseau effectuant de longues migrations de        427-438 • IOC (2018) : IOC World Bird List version 8.2.
plusieurs milliers de km, il n’est pas du tout éton-   www.worldbirdnames.org/bow/buntings/, consulté le
                                                       18.12.2018 • LRBPO (2013) : Éclairage artificiel et biodi-
nant de le retrouver de manière plus régulière
                                                       versité. L'homme et l'oiseau, pp. 28-39 • MaghrebOrnitho
en Belgique. Le nombre détecté aujourd’hui est         (2017) : Little Bunting (Emberiza pusilla) at Ceuta. www.ma-
d’ailleurs encore certainement sous-estimé par         gornitho.org/, consulté le 11.03.2018 • Marra, P., Mul-
rapport aux réels hivernants.                          vihill, R. S., Francis, C. M., & Moore, F. R. (2005) : The
                                                       influence of climate on the timing and rate of spring bird
                                                       migration. Oecologia, vol. 142, pp. 307-315 • Paquet, J.-Y.,

172 AVES 55/4 – 2018
Derouaux, A. (2018) : Observations.be, 10 ans d’obser-        SUMMARY
vations naturalistes en Belgique francophone. Colloque
« 10 ans observations.be », le 25.11.2018 à Namur,
Natagora • Svenson, L., Mullarney, K., & Zetterström, D.      Exceptional over-wintering of
(2010) : Le guide ornitho. Paris: Delachaux et Niestlé •      Little Bunting Emberiza pusilla at
Valkama, J., Vepsäläinen, V., & Lehikoinen, A. (2011) : The   Hermalle-sous-Argenteau (Oupeye)
Third Finnish Breeding Bird Atlas. Finnish Museum of Na-
tural History and Ministry of Environment. http://atlas3.     During the winter of 2015-2016 a
lintuatlas.fi/results/species/little%20bunting, consulté le   Little Bunting was discovered in an
01.06.2018 • Van Duivendijk, N. (2011) : Advanced Bird ID     area of uncultivated land at Her-
Handbook - The Western Palearctic. London: New Holland        malle-sous-Argenteau. Although the
• Vogelwarte (2018) : Bruant nain. www.vogelwarte.ch/fr/      observation of this species in Wal-
oiseaux/les-oiseaux-de-suisse/bruant-nain, consulté le
                                                              lonia is already a rare event, a few
18.08.2018
                                                              days after the first individual disap-
                                                              peared, two more birds were found
                                                              in the same location. A bird also
                                                              stayed there the following winter.
                                                              These observations are described
                                                              in this article. A careful examination
                                                              of the plumage of the different birds
                                                              shows that the three Little Buntings
                                                              observed during the 2015-2016 win-
                                                              ter were three different individuals
                                                              and that two of those birds spent
                                                              the winter there. The bird observed
                                                              there in the following winter may
                                                              possibly be one of these birds that
                                                              had returned to its over-wintering
                                                              site. In recent years there has been
                                                              a marked increase in observations
                                                              of the Little Bunting in Western
                                                              Europe and in Belgium, where most
                                                              of the reported sightings are from
                                                              Flanders. As a result, the Little Bun-
                                                              ting has recently been removed
                                                              from the Belgian list of the Belgian
                                                              Rare Birds Committee. The same is
                                                              happening generally across Western
                                                              Europe.

                                                                            AVES 55/4 – 2018 173
Une nuit à l'écoute
            des rapaces nocturnes

            Le 23 mars, les volontaires de Natagora se mobilisent pour la Nuit des Chouettes.
            Partout en Wallonie et à Bruxelles, des guidances nocturnes sont organisées pour
            le plus grand plaisir des petits et des grands pour une nuit de sensibilisation en
            l'honneur des rapaces, protégés en Belgique depuis 1972.

            Chouettes et hiboux ne sont pas des animaux faciles à observer. Extrêmement
            discrets, ils chantent uniquement durant leur période de reproduction qui
            s’étend de la mi-novembre à la fin mars.

            Pour faire découvrir les spécificités de ces espèces, Natagora, comme d’autres
            associations partout en Europe, organise une Nuit des chouettes et hiboux. Des
            activités familiales sont organisées partout en Wallonie et à Bruxelles le soir du
            23 mars : des sorties nocturnes, conférences, projections, contes, expositions,
            bricolages, expériences scientifiques… C’est le moment d’aiguiser tous ses sens !

            Ce sera aussi l’occasion pour Natagora de rappeler les menaces qui guettent
            notre faune : destruction des habitats, raréfaction des sites de nidification,
            intensification agricole, trafic routier... Les participants découvriront des pistes
            pour agir au quotidien afin de protéger ces animaux indispensables à l'équilibre
            de nos écosystèmes.

            Le 23 mars prochain, plongez dans la magie de la nuit avec Natagora !

            Par ailleurs, nous sommes encore à la recherche de guides motivés pour orga-
            niser ce type de ballade. Nous fournissons aux personnes se lançant dans cette
            aventure des outils pour faciliter la mise en place de cet évènement.

            Voici en quelques mots ce que votre inscription permet :

            • de vous envoyer les outils néces-          • de garantir votre visibilité sur le site
              saires au bon déroulement de vos             dédié : www.natagora.be/chouettes
              opérations (plus d'informations              via notre carte interactive ;
              dans le formulaire) ;                      • de vous inscrire à une formation le
            • de vous fournir un documentaire              samedi 17 mars sur ces guidances
              pédagogique sur la chouette che-             particulières (voir formulaire).
              vêche dont nous avons                      • Toutes ces informations seront
              obtenu les droits                            détaillées dans les prochaines
              de diffusion ;                               dépêches spécialisées.
                                        FORMULAIRE
                                     D’INSCRIPTION SUR
                                       natagora.be/
                                        chouettes

174 AVES 55/4 – 2018
Oiseaux rares en Belgique en 2017
Rapport de la Belgian Rare Birds
Committee

  Aves 55/4 – 2018 – 175-196

 Wouter Faveyts, Frédéric Vanhove,
 Stijn Baeten, Raphaël Lebrun, Joris Elst
 et les membres de la BRBC

                                                                                       Isapi

 RÉSUMÉ
   Ce rapport de la Belgian Rare Birds Committee traite 239 données d’oiseaux rares observés en
   Belgique en majorité en 2017. 165 données ont été acceptées en catégorie A, 30 en catégorie
   E et 44 données ont été refusées. Quelques données antérieures, dont l’analyse n'avait pas
   encore été publiée, sont également incluses. La liste belge a été enrichie de trois nouvelles
   espèces : l’Albatros à sourcils noirs, le Guêpier de Perse et la Pie-grièche schach. Parmi les
   autres faits saillants, épinglons une deuxième donnée de Pluvier bronzé ; une troisième
   donnée de Buse féroce, la quatrième mention du Goéland railleur, ainsi que les quatrième et
   cinquième données de Locustelle de Pallas. L’année 2017 compte un nombre record de don-
   nées d’Océanite tempête et d’Élanion blanc observés. L’année est aussi la seconde meilleure
   année pour le Vautour fauve.

                                                                               AVES 55/4 – 2018 175
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