Couverture vaccinale antigrippale saisonnière et pandémique (H1N1) 2009 : étude auprès du personnel du chu d'Angers
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00_00_Boyeau.fm Page 1 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 Couverture vaccinale antigrippale saisonnière et pandémique (H1N1) 2009 : étude auprès du personnel du chu d’Angers Seasonal and pandemic a (h1n1) 2009 influenza vaccination coverage among health-care workers in a french university hospital Cécile Boyeau (1), Maurice Tanguy (2), Stéphanie Pean (3), Alain Delhumeau (1), Serge Fanello (2) Résumé : L’objectif de cette étude est d’évaluer la perception du risque, les changements de comportement et l’acceptation de la campagne vaccinale 2009 contre la grippe saisonnière et A (H1N1) par le personnel d’un Centre Hospitalier Universitaire. De novembre 2009 à février 2010, au cours de la phase 5A du plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale », un questionnaire a été diffusé auprès d’un échantillon ARTICLES représentatif – en termes de catégorie socioprofessionnelle, d’âge et de sexe – du personnel du CHU d’Angers. Le critère de jugement principal était la mesure de la couverture vaccinale chez les professionnels de santé en contact avec des patients à risque au sein du CHU. Sur les 532 salariés du CHU ayant répondu, 22,3 % étaient vaccinés contre la grippe saisonnière et 36,5 % contre la grippe A (H1N1). Le taux de couverture vaccinale était significativement plus élevé chez le personnel médical. Pour la grippe saisonnière, les deux motifs de vaccination les plus cités étaient « protéger le patient » (71,4 %) et « éviter d’être malade » (63 %), ceux qui ne se faisaient pas vacciner évoquaient le fait d’être en bonne santé ou peu motivés par la démarche. Pour la grippe A (H1N1), les arguments en faveur de la vaccination étaient « protéger le patient » (71,6 %) puis « protéger l’entourage » (59,8 %), ceux évoqués pour la non-vaccination étant liés au vaccin. On met en évidence une perception insuffisante de la gravité de la maladie, ainsi qu’une mauvaise connaissance des effets secondaires et de l’efficacité du vaccin. Il est nécessaire de renforcer la campagne d’information en soulignant pour les personnels de santé la nécessité, l’efficacité et surtout l’innocuité de la vaccination antigrippale. Mots-clés : Vaccination - grippe saisonnière - pandémie - grippe A (H1N1) - perception - personnel hospitalier. Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. 1-••• (1) Service des Admissions et Urgences - CHU Angers - 4, Rue Larrey - 49933 Angers cedex 09. (2) Département universitaire de santé publique - CHU Angers - UFR Médecine Angers - Rue Haute de Reculée - 49045 Angers cedex 09. (3) UFR des Sciences Pharmaceutiques et d’Ingénierie de la Santé - 16, Boulevard Daviers - 49045 Angers cedex 01. Correspondance : S. Fanello Réception : 04/10/2010 - Acceptation : 30/12/2010
00_00_Boyeau.fm Page 2 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 2 C. BOYEAU, M. TANGUY, S. PEAN, A. DELHUMEAU, S. FANELLO Summary: The aim of this study is to highlight the perceived risk, behavioural changes and acceptance of the seasonal and pandemic (H1N1) 2009 influenza vaccine by the health-care workers in a French Teaching Hospital. We sample health-care workers from the Angers French Teaching Hospital (CHU) using a cross-sectional intercept design during phase 5A of French National Plan for the Prevention and Control 2009 “Pandemic Influenza”. Professionals were approached in their workplace to undertake the survey from November 2009 to February 2010. The primary endpoint was to assess the immunization coverage among health-care workers who have contact with “risk-patients”. Among the 532 responding, 22.3% employees were vaccinated against season flu and 36.5% against H1N1 influenza. The immunization coverage rate was significantly higher among doctors. For seasonal influenza vaccination two most cited reasons were “to protect the patient” and “avoid getting sick”, main reasons for non-acceptability of seasonal vaccination are “I never get the flu” or “getting vaccinated is inconvenient and too long”. For the pandemic A (H1N1) 2009 flu, the arguments for vaccination were “protect the patient” and “protect the family”, those referred for non-vaccination were linked to the vaccine safety. Vaccination coverage against seasonal flu is lower than what has been reported in the literature, possibly because of a time required between pandemic (H1N1) 2009 influenza vaccine and seasonal flu vaccine and the priority often given to vaccination against H1N1. Conclusion: This study emphasizes a lack of perception of pandemic (H1N1) 2009 flu severity and a lack of understanding about the process of developing seasonal and H1N1 influenza vaccine. Concerns about safety, the possibility of side effects and the vaccine development process need to be addressed. Information campaign stressing the necessity for health-care workers to be immunized must be strengthening. Keywords: Vaccination - influenza - seasonal - pandemic - A(H1N1) influenza - healthcare personnel - pandemic flu vaccination strategy - risk perception - public health. Introduction La grippe est une infection virale respiratoire aiguë, très contagieuse, cosmopolite. Elle évolue sous forme d’épidémie en période hivernale dans les régions tempérées [1]. Elle reste un problème de santé publique pouvant entraîner des maladies graves (3 à 5 millions par an dans le monde, notamment des pneumopathies) et des décès (250 à 500 000 par an dans les pays industrialisés dont environ 2 500 en France – estimation moyenne – essentiellement chez des sujets de plus de 75 ans porteurs de maladies chroniques) [2]. Elle a également des répercutions économiques, qu’il s’agisse des dépenses hospitalières et autres dépenses de santé ou des pertes de productivité notamment liée à l’absentéisme induit [1]. Différents moyens de prévention existent : les mesures d’hygiène, les antiviraux et la Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• vaccination – cette dernière étant définie par l’OMS comme étant la meilleure stratégie visant à réduire la morbidité et la mortalité grippales des personnes à risque. L’instabilité des virus grippaux se traduit par des changements de leur composition antigénique – le glissement antigénique – qui exigent des modifications annuelles correspondantes de la composition des vaccins antigrippaux [3, 4]. Ces modifications interviennent suite à l’avis d’experts se basant sur les caractéristiques des virus isolés le plus récemment. Le vaccin saisonnier est composé de trois souches : deux souches analogues à A (H1N1 et H3N2) et une analogue à B [5]. Parmi les personnes âgées, la vaccination permet de réduire jusqu’à 60 % la gravité de la grippe et ses complications, et jusqu’à 80 % la mortalité. Chez les adultes en bonne santé, le vaccin antigrippal peut éviter de 70 à 90 % des manifestations symptomatiques spécifiques à la grippe [1]. Depuis 1999, les
00_00_Boyeau.fm Page 3 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 COUVERTURE VACCINALE ANTIGRIPPALE DU PERSONEL DU CHU D’ANGERS 3 professionnels de santé sont également invités à se faire vacciner contre la grippe saisonnière pour se protéger et éviter de transmettre la maladie à leurs patients. Mais la vaccination des professionnels de santé reste faible, variant ces dernières années – selon les études – de 15 à 25 % [6, 7]. Une étude sur la vaccination en 2004-2005 indiquait que 66 % des médecins généralistes étaient vaccinés [8]. L’industrie pharmaceutique travaille depuis des années à l’élaboration d’un vaccin contre une prévisible pandémie grippale. Dans ce cadre, l’agence européenne du médicament (EMEA) a institué une procédure exceptionnelle pour évaluer les vaccins pré- pandémiques (AMM « mock-up » ou prototypes) permettant de valider – à partir des dossiers des vaccins prototypes – le processus de fabrication pour cette nouvelle souche virale et, à partir de l’extrapolation des résultats des essais cliniques réalisés avec la souche pré-pandémique du virus A (H1N1) 2009, de donner une AMM pour les vaccins pandémiques. En France, quatre vaccins pandémiques dont trois adjuvés sont mis sur le marché en octobre 2009. Ils sont d’abord réservés au personnel hospitalier (dès le 22 octobre 2009) puis la campagne de vaccination s’étend aux populations à risque (à partir du 12 novembre 2009). À l’échelon des hôpitaux, les annexes NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et clinique) des plans blancs sont actualisées. Le CHU d’Angers, après avoir mis à jour le plan pandémie grippale en septembre 2009, ouvre des sites de vaccination dédiés à la grippe A. Au 19 novembre 2009, le taux de vaccination du personnel du CHU contre la grippe A (H1N1)2009 était proche de 16 %. La mise en place de ces dispositifs constitue un terrain d’observation privilégiée, invitant à réfléchir aux comportements socioprofessionnels en regard d’une campagne de vaccination qui a soulevé de nombreuses polémiques et conduit à une grande confusion. Le but de ce travail est de recueillir des données relatives au taux de couverture vaccinale et à la perception du vaccin antigrippal par le personnel du CHU d’Angers afin d’en faire ressortir les déterminants. Population et méthode Une étude observationnelle, descriptive a été menée au sein du Centre Hospitalier Universitaire d’Angers, un centre hospitalier de 1 462 lits recensant, en 2007, 65 785 passages au service des Urgences, 78 954 patients hospitalisés et desservant un bassin de population de près de Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• 350 000 habitants. En 2008, le CHU comptait 968 personnels médicaux et pharmaceutiques, 4 604 personnels non médicaux, dont 77,34 % affectés aux soins. L’étude s’est déroulée de novembre 2009 à février 2010. Un nombre précis de questionnaires était remis dans tous les services hospitaliers en sensibilisant le personnel à l’importance de le renseigner le plus rigou- reusement. Le questionnaire – conçu sur la base des données de la littérature [9-11] – comportait 16 items groupés en 4 sections : (1) situation socio- professionnelle ; (2) antécédents médicaux ; (3) état des vaccinations et intentions de vaccination ; (4) motifs de vaccination et non-vaccination. Deux questions ouvertes visaient à faire préciser brièvement les raisons de non- vaccination contre la grippe saisonnière et/ou pandémique. Le questionnaire était destiné au personnel médical (médecins, internes, sages-femmes) ;
00_00_Boyeau.fm Page 4 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 4 C. BOYEAU, M. TANGUY, S. PEAN, A. DELHUMEAU, S. FANELLO paramédical (infirmiers, aides soignants, kinésithérapeutes) et à des techniciens de laboratoire et agents d’entretien. Le critère d’inclusion reposait sur le fait d’être salarié du CHU d’Angers. Le critère de jugement principal était la mesure de la couverture vaccinale chez les professionnels de santé et le personnel en contact avec des patients à risque au sein du CHU d’Angers. Les objectifs secondaires étaient le recueil des croyances et inquiétudes en rapport avec la vaccination. Au moment de l’initiation de cette étude, la seule étude conduite sur ce thème – en mai 2009 – auprès de 389 personnels de santé mais dans un contexte différent ; dans les hôpitaux publics de Hong Kong avait retrouvé 47,9 % des employés se disant prêts à accepter le vaccin pandémique [12]. En se basant sur un risque α de 5 %, un taux d’acceptation du vaccin pandémique proche de 50 % et un taux de non réponse de 10 %, le nombre de questionnaires à distribuer pour l’analyse de l’objectif principal était de 521 [13]. Les tests statistiques utilisés étaient le test de Chi-deux de Pearson pour les variables qualitatives et le test-T de Student pour les variables quantitatives. La saisie des données a été réalisée grâce au logiciel Epi Data© et l’analyse statistique effectuée avec le logiciel Epi Info© version 3.5.1. Les résultats sont exprimés sous forme de moyenne ± déviation standard (pour les variables quantitatives) ou de pourcentage (pour les variables qualitatives). Résultats Au total, 532 salariés du CHU d’Angers ont été inclus dans cette étude, soit 8,6 % de la population salariée du CHU d’Angers. Ils constituaient un échantillon de population représentatif de l’ensemble du personnel du CHU en ce qui concerne la catégorie socioprofessionnelle, l’âge et le sexe. L’ensemble du personnel à qui le questionnaire a été soumis y a répondu. Le tableau I montre l’absence de différence significative entre les deux cohortes. Une personne sur cinq était vaccinée contre la grippe saisonnière (22,3 %) et une personne sur trois était vaccinée contre la grippe A (H1N1)2009 (36,5 %). Parmi les caractéristiques socioprofessionnelles, on retrouvait un taux de couverture vaccinale – pour les deux types de vaccination – significativement plus élevé chez le personnel médical. De même, le taux de couverture Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• vaccinale était supérieur chez les hommes. En revanche, les personnes âgées de 50 ans et plus étaient plus enclins à se faire vacciner contre la grippe saisonnière alors que l’âge restait sans influence sur le taux de couverture vaccinale contre la grippe A. Chez 70 % des sujets vaccinés contre la grippe saisonnière en 2009, on retrouvait au moins une vaccination antigrippale au cours des trois dernières années. À l’opposé 66,5 % des vaccinés contre la grippe A (H1N1)2009 ne s’étaient pas fait vacciner contre la grippe saisonnière au cours des trois dernières années (tableau I).. Parmi les 194 personnes vaccinées contre la grippe A (H1N1) 2009, 70,6 % estimaient avoir reçu une information suffisante du CHU, 24,7 % de leur médecin traitant et 42,8 % de la part des médias. On retrouvait, chez le personnel non vacciné contre la grippe A, un pourcentage significativement moindre (46 % vs 70,6 %, p < 0,0001) considérant être bien informé par le CHU.
00_00_Boyeau.fm Page 5 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 COUVERTURE VACCINALE ANTIGRIPPALE DU PERSONEL DU CHU D’ANGERS 5 Tableau I : Association entre vaccination et caractéristiques du personnel Couverture vaccinale contre la grippe Couverture vaccinale contre la grippe A saisonnière n = 119 (H1N1) 2009 n’ = 194 Taux p Taux p Profession médicale 58 45,30 % < 0,0001 79 61,70 % < 0,0001 paramédicale 48 13,80 % 99 28,50 % autre 13 22,80 % 16 28,10 % Âge < 50 ans 89 20,50 % 0,02 153 35,20 % 0,08** ≥ 50 ans 30 31,30 % 40 41,70 % Sexe hommes 37 34,30 % 0,0009 53 49,10 % 0,001 femmes 82 19,30 % 141 33,30 % Enfants oui 58 20,90 % 0,4** 93 33,50 % 0,1** non 61 24,02 % 101 39,76 % Enfant < 3 ans oui 13 15,90 % 0,1** 25 30,50 % 0,2** non 106 23,60 % 169 37,60 % Antécédent de grippe oui 79 26,80 % 0,009 113 38,30 % 0,3** non 40 16,88 % 81 34,18 % Maladie chronique oui 14 31,80 % 0,1** 16 36,40 % 0,8** non 105 21,52 % 178 36,48 % Médecine alternative oui 8 8,80 % < 0,0001 23 25,30 % < 0,0001 non 111 25,20 % 171 38,80 % Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• Vaccination antigrippale des années précédentes Pas de vaccination 34 30,30 % < 0,0001 129 66,50 % < 0,0001 1 vaccination 20 16,80 % 19 9,80 % 2 vaccinations 17 15,10 % 11 5,70 % 3 vaccinations 45 37,80 % 35 18,00 % ** non significatif Les deux motifs de vaccination les plus cités pour la vaccination contre la grippe saisonnière étaient « protéger le patient » puis « éviter d’être malade ». Pour la grippe A, les arguments les plus cités étaient « protéger l’entourage » puis « protéger le patient ». En revanche, « éviter l’absentéisme » était la motivation la moins souvent citée dans les deux cas (figure 1).
00_00_Boyeau.fm Page 6 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 6 C. BOYEAU, M. TANGUY, S. PEAN, A. DELHUMEAU, S. FANELLO * p < 0,05 Figure 1 : Motifs de vaccination. Les arguments avancés par le personnel pour la non-vaccination contre la grippe saisonnière étaient essentiellement des critères personnels: sujet se considérant en bonne santé, ayant une bonne immunité ou témoignant d’un manque de motivation, de contre-indication ou d’un terrain allergique. Les éléments évoqués par ceux qui ne s’étaient pas fait vacciner contre la grippe A étaient essentiellement liés au vaccin : manque de recul, peur des effets secondaires, intérêts financiers des laboratoires, mutation du virus, vaccin non obligatoire (figure 2). Discussion L’échantillon de population de cette étude est représentatif de l’ensemble du personnel du CHU d’Angers en ce qui concerne la catégorie socio- professionnelle, l’âge et le sexe : les résultats sont donc extrapolables à l’ensemble de l’établissement, et probablement, à d’autres établissements de même catégorie. Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• Le taux de réponse à l’enquête a été supérieur aux attentes car l’ensemble des questionnaires remis dans les services ont été renseignés. Ceci peut s’expliquer par le fait que ceux qui remettaient les questionnaires dans les services insistaient sur l’importance de l’enquête et revenaient a plusieurs reprises dans les services pour recueillir les réponses. En revanche, la qualité des réponses est sans doute moyenne dans certains cas, en l’absence de supervision du remplissage des questionnaires. Par ailleurs, nous avons choisi de ne pas prendre en compte que les données relatives « intentions de vaccination » dans la mesure où la plus grande partie des questionnaires ont étés renseignés à partir de fin décembre, période où la majorité du personnel soignant qui désiraient se faire vacciner avait pu le faire. Les données de la littérature montrent de plus une forte disparité entre les déclarations d’intention de vaccination et la vaccination effective [14].
00_00_Boyeau.fm Page 7 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 COUVERTURE VACCINALE ANTIGRIPPALE DU PERSONEL DU CHU D’ANGERS 7 *p < 0,05 Figure 2 : Motifs de non vaccination. Concernant l’ensemble de l’échantillon, la couverture vaccinale déclarée contre la grippe saisonnière en 2009, ainsi que les années précédentes est inférieure aux données de la littérature. Ainsi, en 2004, le taux de couverture vaccinale était estimé, en France, à 31 % chez le personnel paramédical et 66 % chez le personnel médical [6]. Notre étude retrouve des taux respectifs de 14 % et 45 % de couverture vaccinale contre la grippe saisonnière (tableau II). La couverture vaccinale contre la grippe A est cependant assez proche de celle décrite dans la littérature. Ainsi, la couverture vaccinale globale du personnel de santé contre la grippe A(H1N1) 2009 était estimée à près de 40 % au 18 décembre 2009 pour l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille [15]. Cette étude retrouve des taux déclarés de vaccination contre la grippe A de 60,9 % chez le personnel médical, de 28,5 % chez le personnel paramédical. Les données réelles d’administration du vaccin contre la Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• grippe A sont proches, avec 54,88 % du personnel médical et 20,2 % du personnel paramédical effectivement vacciné à l’issue de la campagne de vaccination contre la grippe A au CHU d’Angers. Une association très nette apparait entre profession et vaccination anti grippale, alors que deux études antérieures – israélienne en 2000 et française en 2004 – n’avaient pas retrouvé un tel lien [16, 17]. Cependant, cette association a été démontrée comme un facteur déterminant dans de nombreuses autres études [8, 18-20]. Même dans les services d’urgence où la couverture vaccinale globale restait basse (29 %), les médecins étaient les plus vaccinés (47 %) contre seulement 19 % des infirmiers et 23 % des aides-soignants [8]. Le plus faible taux de couverture vaccinale du personnel paramédical est à en ligne avec les avis données par certains syndicats infirmiers qui allaient jusqu’à affirmer une corrélation entre vaccin antiviral A (H1N1) 2009 et syndrome de Guillain Barré [21]. L’âge est également un facteur influençant traditionnellement la
00_00_Boyeau.fm Page 8 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 8 C. BOYEAU, M. TANGUY, S. PEAN, A. DELHUMEAU, S. FANELLO Tableau II : Représentativité de l’échantillon et déclaration de vaccination Echantillon (N = 532) p CHU n % Catégorie socioprofessionnelle 0,07 médicale 128 24,10 % 17,40 % paramédicale 347 65,20 % 63,50 % autre 57 10,70 % 19,10 % Âge 0,06 < 30 ans 232 } 435 81,80 % 78,50 % 30-50 ans 203 ≥ 50 ans 97 18,20 % 21,50 % Sexe 0,18 Hommes 108 20,30 % 22,80 % Femmes 424 79,70 % 77,20 % Déclaration de vaccination selon la catégorie socioprofessionnelle Grippe Grippe Grippe Profession saisonnière saisonnière H1N1 & H1N1 Médicale 57 44,53 % 78 60,94 % 40 31,25 % Paramédicale 48 13,83 % 99 28,53 % 28 8,07 % Autre 14 24,56 % 17 29,82 % 6 10,53 % Total 119 194 74 couverture vaccinale contre la grippe saisonnière [16, 18, 22] : les personnes de plus de 50 ans ont un taux de couverture vaccinale supérieure en raison, probablement, de la gravité potentielle de la pathologie chez cette classe d’âge. Cette étude confirme ce phénomène. En revanche, elle ne retrouve pas de différence significative selon les classes d’âge pour la grippe A. L’arrivée Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• de ce nouveau virus A (H1N1) 2009 a peut-être modifié les habitudes de vaccination de chacun en sensibilisant toutes les classes d’âge à la gravité de cette affection virale. Ainsi une étude parue en novembre 2009 tendait à indiquer que le virus A (H1N1) 2009 était aussi virulent et mortel chez les sujets jeunes que chez les sujets plus âgés, habituellement plus vulnérables au virus de la grippe saisonnière [23]. Le recours aux médecines alternatives concerne en majorité le personnel paramédical, et les sujets de 30 à 50 ans. Les sujets jeunes se sentent probablement suffisamment immunisés contre la grippe et les sujets plus âgés désirent une protection plus efficace. Les médecines alternatives influencent la non-vaccination contre les grippes saisonnière et A (H1N1) 2009. La question portant sur la qualité de l’information reçue à la fois par le CHU, le médecin traitant et les médias reste assez difficilement interprétable
00_00_Boyeau.fm Page 9 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 COUVERTURE VACCINALE ANTIGRIPPALE DU PERSONEL DU CHU D’ANGERS 9 car de nombreuses personnes ont répondu « oui » mais ont ajouté ensuite « trop ». Beaucoup considèrent donc avoir reçu une information mais celle-ci n’est pas considérée comme étant de bonne qualité ou pertinente ! Parmi les arguments en faveur de la vaccination contre le virus A (H1N1) 2009, l’argument le plus fréquemment cité est celui de la protection de l’entourage, en particulier les enfants. En effet, il s’agit d’un virus très contagieux et pouvant atteindre des personnes jeunes et en bonne santé, notamment les enfants [24]. La réponse relative à la grippe saisonnière qui met en avant une protection individuelle avant la protection collective corrobore la revue de la littérature établie par Burls et al. en 2006 [25]. Parmi les motifs de non-vaccination contre la grippe saisonnière, la peur des effets secondaires à court terme (syndrome post grippal, douleur au point d’injection) est souvent évoquée dans la littérature [8, 18, 19, 26, 27]. On retrouve également la notion d’une efficacité remise en cause par le personnel hospitalier, qui se traduit souvent par « j’ai eu personnellement ou dans mon entourage connaissance d’une grippe alors qu‘il y avait eu une vaccination » [26, 27]. Une forte proportion de personnels hospitaliers ne se considère pas à risque (sujets jeunes ou confiance dans les défenses du système immunitaire). On retrouve dans la population ne souhaitant pas se faire vacciner une confiance dans les médecines alternatives comme l’homéopathie pour se protéger de la grippe saisonnière [16, 28]. Les professionnels se font moins vacciner lorsqu’ils sont moins informés de la gravité de la grippe, ou qu’ils la considèrent comme une pathologie bénigne [27]. L’inquiétude face aux effets secondaires du vaccin contre la grippe A (H1N1) 2009 et sa composition est fréquemment citée par les professionnels interrogées qui considèrent que l’on manque de recul pour proposer une campagne de vaccination à grande échelle. Cette crainte concorde bien avec la médiatisation péjorative qui en a été faite et les polémiques qui ont résulté de cette campagne. On retrouve également dans les questions ouvertes – visant à préciser les raisons de non-vaccination – des considérations liées au vaccin qui aurait été fabriqué dans des délais trop courts pour faire face à la menace de pandémie. Les résultats obtenus lors de cette étude sont en accord avec les données de la littérature, qui portent essentiellement sur des enquêtes menées en Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• population générale. Ainsi une enquête menée en population générale en novembre 2009 a montré que seuls 35,5 % des sujets interrogés percevaient la grippe A (H1N1) 2009 comme sévère tandis que 71,2 % exprimaient des inquiétudes en rapport avec la sûreté du vaccin [29]. On met en évidence une perception insuffisante de la gravité de la maladie, ainsi qu’une mauvaise connaissance des effets secondaires et de l’efficacité du vaccin. Il est donc nécessaire de renforcer la campagne d’information en apportant des éléments précis sur la vaccination antigrippale afin d’en démontrer la nécessité, l’efficacité, et surtout l’innocuité. La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière doit être accompagnée, chaque année, d’une information tout particulièrement ciblée sur le personnel paramédical de moins de 50 ans, n’ayant jamais été vacciné ou étant porteur de maladie chronique. Les recommandations de l’Advisory
00_00_Boyeau.fm Page 10 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 10 C. BOYEAU, M. TANGUY, S. PEAN, A. DELHUMEAU, S. FANELLO Committee on Immunization Practices (ACIP) [30] pourraient être avanta- geusement reprises et adaptées. Elles s’articulent autour de 3 axes : – Former et éduquer les professionnels sur les bénéfices à la vaccination (réalité du problème, efficacité du vaccin, effets secondaires) et les responsabiliser (refus signé du personnel de soins déclinant l’offre). – Faciliter l’accès au vaccin (gratuité, accessibilité : vaccination sur place). – Évaluer la couverture vaccinale qui est un indicateur de la qualité des soins. BIBLIOGRAPHIE 1. OMS. Grippe (saisonnière). Aide-mémoire n° 211, révisé avril 2009. Consulté le 09/09/2010. Disponible sur http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs211/fr/index.html 2. Seringe E. Vaccination anti-grippale Médecins Généralistes. Réseau Sentinelles. 2005. 3. Consulté le 09/09/2010. Disponible sur http://websenti.b3e.jussieu.fr/sentiweb/document.php?doc=736 4. Saliou P. Courte histoire du vaccin grippal. Consulté le 05/05/2010. Disponible sur www.grog.org/ documents/Courte_histoire_du_vaccin_grippal.pdf 5. Thériaque. Mutagrip Susp Inj Ser 0,5mL Suspension injectable en seringue pré-remplie. Vaccin grippal inactivé à virion fragmenté, saison 2009. Consulté le 05/05/2010. Disponible sur http://www.theriaque. org/InfoMedicaments/home.cfm 6. Kendall H. Vaccine Innovation: Lessons from World War II J Public Health Policy:38-57. 7. Ministère de la Santé. Grippe saisonnière : questions réponses sur la grippe saisonnière. Consulté le 09/09/2010. Disponible sur http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/grippe/faq_grippe_saison.htm 8. Monier A. Couverture vaccinale antigrippale en 2007-2008 Enquête TNS Healthcare – GEIG. Consulté le 09/ 09/2010. Disponible sur http://www.grippe-geig.com/images/presse/Couverture_vaccinale2007-08.pdf 9. Ministère de la Santé. Vaccination des professionnels de santé : enquête sur la couverture vaccinale 2004- 2005. Consulté le 09/09/2010. Disponible sur http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/grippe/enquete_ vaccin_pro.htm 10. De Juanes JR, García de Codes A, Arrazola MP, Jaén F, Sanz MI, González A. Influenza vaccination coverage among hospital personnel over three consecutive vaccination campaigns (2001–2002 to 2003–2004). Vaccine 2007;25(1):201-4. 11. Hollmeyer HG, Hayden F, Poland G, Buchholz U. Influenza vaccination of health care workers in hospitals: a review of studies on attitudes and predictors. Vaccine 2009;27(30):3935-44. 12. Wicker S, Rabenau HF, Doerr HW, Allwinn R. Influenza vaccination compliance among health care workers in a German university hospital. Infection 2009;37(3):197-202. 13. Chor JS, Ngai KL, Goggins WB, Wong MC, Wong SY, Lee N et al. Willingness of Hong Kong healthcare workers to accept pre-pandemic influenza vaccination at different WHO alert levels: two questionnaire surveys, BMJ 2009;339 b3391. 14. Altman DG, Bland JM. Measurement in medicine: the analysis of method comparison studies. Statistician Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-••• 1983;32:307-17. 15. Van den Dool C, Van Strien AM, Den Akker IL, Bonten MJ, Sanders EA, Hak E. Attitude of Dutch hospital personell towards influenza vaccination. Vaccine 2008;26:1297-302. 16. Brouqui P, Lagier J-C. Vaccination antigrippale pandémique H1N1 2009 : le point au 18 décembre 2009. Ann Fr Anesth Reanim 2010;2:81-2. 17. Rivière S, Gourvellec G, Helynck B, Bonmarin I. Déterminants de la vaccination anti-grippale parmi le personnel de deux centres hospitaliers français en 2004. BEH. 2006;31:229-31. 18. Habib S, Rishpon S, Rubin L. Influenza vaccination among healthcare workers. Isr Med Assoc J 2000; 12:899-901. 19. Nichol KL, Hauge M. Influenza vaccination of healthcare workers. Infect Control Hosp Epidemiol 1997; 3:189-94. 20. Qureshi AM, Hughes NJ, Murphy E, Primrose WR. Factors influencing uptake of influenza vaccination among hospital-based health care workers. Occup Med 2004;3:197-201. 21. Martinello RA, Jones L, Topal JE. Correlation between healthcare workers’ knowledge of influenza vaccine and vaccine receipt. Infect Control Hosp Epidemiol 2004:11,845-7. 22. Duclos D. Psychose de la grippe, miroir des sociétés. Le Monde diplomatique. Septembre 2009.
00_00_Boyeau.fm Page 11 Vendredi, 11. février 2011 8:36 08 COUVERTURE VACCINALE ANTIGRIPPALE DU PERSONEL DU CHU D’ANGERS 11 23. Stephenson I, Roper JP, Nicholson KG. Healthcare workers and their attitudes to influenza vaccination. Commun Dis Public Health 2002;3:247-52. 24. Louie JK, Acosta M, Winter K, Jean C, Gavali S, Schechter R, Vugia D, Harriman K, Matyas B, Glaser CA, Samuel MC, Rosenberg J, Talarico J, Hatch D for the California Pandemic (H1N1) Working Group. Factors Associated With Death or Hospitalization Due to Pandemic 2009 Influenza A(H1N1) Infection in California. JAMA 2009; 302(17):1896-902. 25. Van Boven M, Donker T, Van der Lubben M, Van Gageldonk-Lafeber RB, Te Beest DE, Koopmans M, Meijer A, Timen A, Swaan C, Dalhuijsen A, Hahné S, Van den Hoek A, Teunis P, Van der Sande MA, Wallinga J. Transmission of novel influenza A(H1N1) in households with post-exposure antiviral prophylaxis. PLoS One 2010 Jul 7;5:e11442. 26. Burls A, Jordan R, Barton P, Olowokure B, Wake B, Albon E, Hawker J. Vaccinating healthcare workers against influenza to protect the vulnerable--is it a good use of healthcare resources? A systematic review of the evidence and an economic evaluation. Vaccine 2006 May 8;24(19):4212-21. 27. Halliday L, Thomson JA, Roberts L, Bowen S, Mead C. Influenza vaccination of staff in aged care facilities in the ACT: How can we improve the uptake of influenza vaccine? Aust N Z J Public Health 2003;1:70-5. 28. Ballada D, Biasio LR, Cascio G, D’Alessandro D, Donatelli I, Fara GM, Pozzi T, Profeta ML, Squarcione S, Riccò D. Attitudes and behavior of health care personnel regarding influenza vaccination. Eur J Epidemiol 1994;10:63-8. 29. Manuel DG, Henry B, Hockin J et al. Health behavior associated with influenza vaccination among healthcare workers in long-term-care facilities. Infect Control Hosp Epidemiol 2002;10:609-14. 30. Schwarzinger M, Flicoteaux R, Cortarenoda S, Obadia Y, Moatti JP. Low acceptability of A/H1N1 pandemic vaccination in French adult population: did public health policy fuel public dissonance? PLoS One 2010;5:e10199. 31. Kroger AT, Atkinson WL, Marcuse EK, Pickering LK; Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) Centers for Disease Control and Prevention (CDC). General recommendations on immunization: recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR Recomm Rep. 2006 Dec 1; 55(RR-15):1-16. Consulté le 09/09/2010. Disponible sur www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/ rr5515a1.htm Santé publique 2011, volume 23, n° 1, pp. •••-•••
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