Vers un accès aux soins dentaires sans discrimination pour les personnes vivant avec le VIH - Supplément au rapport d'enquête 2019 - COCQ-Sida
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Vers un accès aux soins dentaires sans discrimination pour les personnes vivant avec le VIH Supplément au rapport d’enquête 2019
Date de réalisation de l’enquête supplémentaire Juillet - octobre 2019 Date de publication du supplément au rapport d’enquête Décembre 2019 Date de publication du rapport d’enquête Mai 2012 Coordination de l’enquête supplémentaire Léa Pelletier-Marcotte Coordonnatrice du programme Droits de la personne et VIH Comité aviseur Comité Droits & VIH de la COCQ-SIDA : BLITSS, BRAS – Outaouais, Centre d’Action Sida Montréal, Centre Sida Amitié, GAP-VIES, L’ARCHE de l’Estrie, Tandem Mauricie, Sphère – Santé sexuelle globale et Mme Ginette Tremblay. Propriétaire de l’étude COCQ-SIDA Remerciements La COCQ-SIDA tient à remercier, pour leur participation, les membres du comité Droits & VIH ainsi que les organismes suivants : Portail VIH/Sida du Québec, Médecins du Monde et I.R.I.S. Estrie. Elle tient aussi à remercier les stagiaires et bénévoles qui ont participé à l’enquête supplémentaire : Charlotte Tejumba, Laurence Boudreau et Jean- Baptiste Collin. La coordonnatrice de l’enquête souhaite remercier tout particulièrement ses collègues Charlotte Guerlotté, Michel Morin et Laurent Trépanier Capistran pour leur aide précieuse. Page 2 sur 29
Table des matières Contexte.......................................................................................................................... 4 1. Introduction .............................................................................................................. 5 2. La discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH .................................. 5 3. Méthodologie de l’enquête supplémentaire auprès des cliniques ............................. 6 4. Résultats de l’enquête supplémentaire auprès des cliniques.................................... 7 4.1 Prise de rendez-vous sans obstacle lié au VIH .............................................. 8 4.2 Augmentation/mutation des différences de traitement ................................... 9 5. Discussion.............................................................................................................. 16 5.1 Les refus de traitement ................................................................................ 16 5.2 Les mesures de précautions universelles .................................................... 17 5.3 Le dévoilement et le questionnaire de santé ................................................ 18 5.4 Diffusion et mise à jour des connaissances au sein des cliniques................ 20 6. Limites de l’enquête supplémentaire ...................................................................... 21 7. Conclusions et recommandations .......................................................................... 21 Annexe A - Actions menées par la COCQ-SIDA depuis 2012 en matière d’accès aux soins dentaires .............................................................................................................. 23 Annexe B – Organismes/bénévoles participants et régions couvertes ........................... 25 Annexe C – Grille de sondage auprès des cliniques dentaires (2019) ........................... 26 Annexe D - Grille de sondage auprès des cliniques dentaires (2012) ............................ 28 Page 3 sur 29
Contexte En 2012, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) a publié un rapport d’enquête sur l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH. Lors de cette enquête, 189 personnes vivant avec le VIH avaient rempli un questionnaire à propos de leur expérience chez le dentiste, et 769 cliniques dentaires avaient été contactées par téléphone pour évaluer si elles acceptaient de donner un rendez-vous à une personne vivant avec le VIH. Les résultats avaient révélé l’existence de cas de discrimination dans l’accès aux soins dentaires, une méconnaissance du VIH au sein des cliniques, et des attitudes négatives à l’égard des personnes vivant avec le VIH. Cette enquête avait également révélé qu’une proportion importante de personnes vivant avec le VIH craignait d’être discriminée dans le cadre des soins dentaires et ressentait un certain inconfort à l’idée de dévoiler leur statut sérologique à l’équipe de soins. Le rapport comprenait des recommandations afin d’améliorer la situation, incluant : - L’adoption et la mise en œuvre de politiques fermes en matière de discrimination au sein des cliniques dentaires; - Le renforcement des capacités des travailleur·euses communautaires à informer et accompagner les personnes vivant avec le VIH dans l’accès aux soins dentaires; - La sensibilisation et la formation des étudiant·es et professionnel·les en santé dentaire quant au VIH, ainsi qu’aux soins et obligations professionnelles s’y rapportant. Suivant cette dernière recommandation, la COCQ-SIDA et ses membres ont, dans les dernières années, offert des dizaines de formations auprès des professionnel·les et de la relève en dentisterie et en hygiène dentaire, en plus de diffuser les résultats de l’étude. Suivant l’enquête, des rencontres ont également été tenues entre la COCQ-SIDA et les ordres professionnels concernés, rencontres desquelles ont découlé de précieux partenariats et de nombreux projets. Plus de sept ans après la publication du rapport, le comité Droits & VIH a décidé de renouveler l’enquête auprès de cliniques dentaires de la province, afin de déterminer si les efforts de sensibilisation et de formation des étudiant·es et des professionnel·les ont contribué à un meilleur accueil des personnes vivant avec le VIH au sein des cliniques et ont pu améliorer leur accès aux soins dentaires. Ce supplément présente les résultats de cette nouvelle enquête. Page 4 sur 29
1. Introduction Des cas anecdotiques de refus de traitement, de discrimination et de mauvais accueil des personnes vivant avec le VIH au sein de cliniques dentaires sont à l’origine du déploiement de l’enquête menée par la COCQ-SIDA entre 2010 et 2012. Devant la récurrence des cas et la diversité des sources, les membres du comité Droits et VIH ont alors voulu dresser un portrait de la situation au Québec et recenser les pratiques discriminatoires et les attitudes négatives envers les personnes vivant avec le VIH dans l’accès aux soins dentaires. Ce recensement s’est fait, d’une part, en effectuant une enquête téléphonique auprès des cliniques dentaires et, d’autre part, en sondant des personnes vivant avec le VIH sur leurs expériences chez le dentiste. S’attaquer aux obstacles dans l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH est tout aussi important en 2019 qu’il l’était en 2010. En effet, les soins dentaires de routine peuvent permettre la détection de conditions inflammatoires et d’infections qui doivent être traitées. En outre, puisque le VIH peut être associé à certaines pathologies buccodentaires, il est d’autant plus important que les personnes vivant avec le VIH aient accès aux services de professionnel·les de la santé buccodentaire. Ce faisant, tout obstacle à cet accès met en jeu la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. 2. La discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH Les résultats de l’enquête menée entre 2010 et 2012 ont révélé des cas de discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH, découlant bien souvent d’une méconnaissance du virus et de préjugés à l’égard des personnes vivant avec le VIH. Parmi les résultats recensés lors de l’enquête téléphonique auprès des cliniques dentaires, notons que 14% des cliniques contactées ont offert une réponse qui sous-entendait que la personne vivant avec le VIH serait traitée différemment en raison de son statut sérologique. En outre, 4,3% des cliniques contactées ont refusé d’accorder un rendez-vous à une personne vivant avec le VIH. Bien que la science entourant le VIH ait fait des avancées majeures dans les dernières années, les attitudes négatives à l’égard des personnes vivant avec le VIH demeurent bien réelles. Une étude nationale, menée en 2012, démontre que 71% des Canadien·nes auraient une légère tendance à stigmatiser les personnes séropositives, 22 % le feraient de façon modérée et 7% exhiberaient Page 5 sur 29
une forte tendance à les stigmatiser1. Selon la même étude, les personnes vivant avec le VIH inspiraient toujours la crainte chez 15% des Canadien·nes. Fait notable, les Québécois·es sont plus susceptibles d'éprouver de la colère (10%) et de la crainte (23%) à l’égard des personnes vivant avec le VIH. Le comité Droits & VIH s’interrogeait donc à savoir si ces attitudes négatives persistantes à l’égard des personnes vivant avec le VIH étaient encore susceptibles de nuire à l’accueil des personnes vivant avec le VIH au sein des cliniques dentaires ou si la situation s’était améliorée depuis la publication initiale du rapport d’enquête. 3. Méthodologie de l’enquête supplémentaire auprès des cliniques Entre juillet 2019 et octobre 2019, les coordonnées de plus de 600 cliniques furent assignées aux organismes et enquêteur·trices participant·es. Au total, ce sont les réponses données par 561 cliniques qui furent compilées et analysées. Lors de l’enquête initiale, la collecte de données s’est déclinée en deux volets : - un sondage auprès de 189 personnes vivant avec le VIH qui consistait à les sonder quant à leurs expériences chez le dentiste; - une enquête téléphonique auprès de 769 cliniques dentaires de la province (14 régions administratives sur 17) afin d’évaluer l’accueil qu’elles offraient à une personne vivant avec le VIH au premier point de contact. C’est ce dernier volet que les membres du comité Droits et VIH ont voulu actualiser en 2019, afin de déterminer s’il existait toujours des obstacles dans l’accueil des personnes vivant avec le VIH au sein des cliniques dentaires et, si oui, lesquels. Entre juillet et octobre 2019, des appels ont donc été effectués auprès de cliniques dentaires afin de prendre un rendez-vous pour un examen et un nettoyage, en tant que nouveau·elle patient·e, séropositif·ve au VIH. Ces appels ont été effectués dans toutes les régions administratives du Québec à l’exception du Centre-du-Québec et du Nord-du-Québec. Une grille de collecte de données devait être remplie pour chaque clinique dentaire contactée, à l’exception de celles qui ne prenaient pas de nouveaux·elles patient·es. La grille utilisée lors de l’enquête de 20192 était similaire à celle utilisée lors de l’enquête initiale3. Seuls les indicateurs quant au 1 Agence de la santé publique du Canada. « Sondage de suivi de 2012 sur les attitudes touchant le VIH/sida – Rapport final », octobre 2012. En ligne : https://www.catie.ca/ga-pdf.php?file=sites/default/files/Sondage-de-suivi-de-2012-sur-les- attitudes-touchant-le-VIH-sida.pdf 2 Voir Annexe C. 3 Voir Annexe D. Page 6 sur 29
coût d’un examen et d’un nettoyage ont été modifiés. En outre, les enquêteur·trices étaient encouragé·es à prendre plus de notes sur le déroulement et le climat général de l’appel. Afin d’éviter toute confusion quant à la nature du refus, la première question posée visait à déterminer si la clinique acceptait de nouveaux·elles patient·es. Si la réponse était non, l’appel se terminait et n’était pas compilé dans les résultats. Ce n’est qu’après la confirmation qu’une clinique acceptait de nouveaux·elles client·es que l’enquêteur·trice poursuivait dans la grille et mentionnait être séropositif·ve. La seconde question prévue à la grille était : « Je suis atteint·e du VIH. Est-ce que cela change quelque chose? » Les enquêteur·trices étaient invité·es à ne pas utiliser les termes « problème » ou « dérange ». C’est là que la réponse donnée par le ou la répondant·e était consignée. Par la suite, chaque fiche remplie a été révisée par la coordonnatrice afin de compiler les résultats, supprimer les doublons, et déterminer si les consignes méthodologiques avaient été suivies par les enquêteur·trices. Au final, 561 appels/fiches ont été retenus. Les appels ont été effectués par des employé·es, stagiaires et bénévoles de la COCQ-SIDA et de ses membres4. Les organismes participants communiquaient, sauf exception, avec les cliniques situées dans la région qu’ils desservent habituellement. La COCQ-SIDA s’est chargée d’effectuer les appels dans les régions administratives restantes5. Une liste de cliniques à contacter spécifique à chaque organisme ou enquêteur·trice était fournie par la coordonnatrice de l’enquête afin d’éviter, dans la mesure du possible, les doublons. 4. Résultats de l’enquête supplémentaire auprès des cliniques Figure 1 : Résultats généraux de l’enquête supplémentaire 32% Aucune différence de traitement Différence de 68% traitement 4 Voir Annexe B. 5 Voir Annexe B. Page 7 sur 29
4.1 Prise de rendez-vous sans obstacle lié au VIH Tout comme en 2012, il a été possible d’obtenir un rendez-vous dans la majorité des cliniques dentaires consultées sans que le statut sérologique représente un obstacle. Aussi, dans une majorité des cliniques contactées (57%, N=320/561), le ou la répondant·e a pu confirmer de front que le statut sérologique ne changeait rien à la prise de rendez-vous ni à son déroulement. Ces cliniques représentent 83,8% des cliniques où la prise de rendez-vous s’est déroulée sans problème (N=320/382). Il faut noter plusieurs commentaires exemplaires lors de ces appels, propres à rassurer les personnes vivant avec le VIH, tels que : « Pas de problème, le même soin est donné à tout le monde, peu importe leur état de santé » (Laurentides) « On applique la même technique pour tout le monde, mais merci de nous en avoir parlé » (Laurentides) « Nous prenons les mesures, et ce sont les mêmes pour tout le monde » (Chaudière-Appalaches) « Vous êtes un patient comme les autres » (Outaouais) « On prend les précautions universelles avec tout le monde, ici. Votre statut ne change rien du tout » (Bas-Saint-Laurent) « Ça ne change rien, sauf d’offrir un service plus personnalisé » (Montréal) « Non, ça change rien. Vous n’êtes pas le seul. » (Saguenay-Lac-Saint- Jean) Toutefois, 16,2% (N=62/382) des cliniques ayant accordé un rendez-vous sans que le statut sérologique ne pose problème n’ont pu le faire qu’après que le ou la répondant·e se soit renseigné·e auprès de collègues (incluant des hygiénistes et des dentistes) au moment de l’appel. En outre, il faut noter que dans 1,6% (N=9/561) des cliniques, le ou la répondant·e ne savait même pas ce qu’était le VIH. Page 8 sur 29
4.2 Augmentation/mutation des différences de traitement Dans l’enquête de 2012, 14 % des cliniques contactées avaient fourni une réponse selon laquelle la personne vivant avec le VIH serait traitée différemment en raison de son statut sérologique. À cette époque, les différences de traitement recensées étaient : - Rendez-vous uniquement en fin de journée ; - Refus de traitement ; - Rendez-vous plus long ; - Facturation supplémentaire (stérilisation) ; - Facturation supplémentaire (autre). En ne comparant que ces indicateurs, les différences de traitement passent de 14% (N=111/769) à 8,9% (N=50/561) entre 2012 et 2019, ce qui représente une baisse appréciable. Tableau 1 : Comparaison des indicateurs recensés en 2012 % des appels % des appels (2012, N=769) (2019, N=561) Rendez-vous en fin de programme 6,9 % 4,1 % Rendez-vous plus long 1,7 % 1,6 % Refus de traitement 4,3 % 2,1 % Facturation supplémentaire 1,5 % 1,1 % Total 14,4 % 8,9 % Cependant, une telle comparaison occulterait de nouveaux types de différences de traitement qui ont été ajoutées et compilées suivant l’enquête supplémentaire. Conséquemment, cette comparaison limitée ne permet pas de dresser le juste portrait de la situation. En effet, les différences de traitement recensées en 2019 sont plus variées qu’en 2012. Parmi les nouvelles différences de traitement recensées, notons les instances où une clinique a accordé un rendez-vous à la personne vivant avec le VIH, mais lui a mentionné que plus de précautions seraient prises par l’équipe de soins. De plus, en raison de leur nombre important, les réponses indiquant que la personne vivant avec le VIH devait divulguer son statut au questionnaire de santé avant le premier rendez-vous ont été compilées. Dans ces cas, suivant la divulgation du statut sérologique, un rendez-vous a pu être accordé, mais le bon déroulement de celui-ci semblait conditionnel à la divulgation. Page 9 sur 29
En outre, nous avons compilé les résultats où le ou la répondant·e ne savait pas si le fait qu’une personne vivant avec le VIH posait problème dans le cadre des soins dentaires et pour cette raison ne pouvait lui accorder un rendez-vous au moment de l’appel. Ces prises de rendez-vous impossibles dues au manque de connaissance des répondant·es se sont produites 29 fois (5,2%, N=29/561). En tenant compte de ces nouvelles différences de traitement, c’est dans 31,9% des appels (N=179/561) que le ou la répondant·e a fourni une réponse indiquant que la personne vivant avec le VIH serait traitée différemment en raison de son statut sérologique. Il s’agit d’une augmentation de plus de 17 % en sept ans. Figure 2 : Différences de traitement recensées en 2019 (N=179/561) Refus de traitement 6% Rendez-vous plus long 5% Pas de problème si c'est indiqué (dévoilement obligatoire) 31% Rendez-vous uniquement en fin de journée/matinée 13% Plus de précautions prises lors du rendez- vous Autres 16% 10% Ne sait pas - ne peut Facturation prendre de rendez- supplémentaire vous 3% 16% En outre, bien qu’il ait été à nouveau possible de prendre un rendez-vous sans problème dans la majorité des cliniques sondées, cette majorité passe de 86% en 2012 (N=658/769) à 68,1% en 2019 (N=382/561). Page 10 sur 29
4.2.1 Offre d’un rendez-vous uniquement en fin de journée/matinée Pourcentage des appels en 2012 : 6,9 % Pourcentage des appels en 2019 : 4,1 % L’offre d’un rendez-vous en fin de journée ou en fin du bloc de l’avant-midi représente 4,1% des appels (N=23/561), et 13% (N=23/179) des différences de traitement recensées lors de l’enquête supplémentaire, alors qu’elle venait au premier rang lors de l’enquête de 2012 (48%, N=53/111). Bien qu’aucune question n’ait été posée à ce sujet, 34,8% des cliniques ayant mentionné cette condition ont précisé qu’il en était ainsi pour des motifs de stérilisation accrue ou de précautions additionnelles (N=8/23). Les mots utilisés pour expliquer les différences de traitement permettent souvent de comprendre les idées et manières de faire des cliniques. Parmi les commentaires reçus par les cliniques concernant l’offre de rendez-vous en fin de programme, notons : « Une heure avant un autre rendez-vous, selon le protocole à respecter » (Laurentides) « Il faut ensuite fermer la salle pour désinfecter » (Montréal) « Rendez-vous en fin de programme en raison du temps pour le nettoyage des instruments » (Laurentides) « Pour mieux stériliser » (Bas-Saint-Laurent) « Les dentistes préfèrent cela » (Abitibi-Témiscamingue) « Pour donner le temps de faire la stérilisation » (Laurentides) 4.2.2 Refus de traitement Pourcentage des appels en 2012 : 4,3 % Pourcentage des appels en 2019 : 2,1 % Des refus de traitement ont eu lieu dans 2,1% (N=12/561) des appels en 2019. Cela représente 6% des différences de traitement recensées (N=12/179), alors qu’elles en représentaient près du tiers en 2012 (30%, N=33/111). Page 11 sur 29
Fait intéressant, en 2012, le taux de refus pour les régions de Montréal et Québec était moins élevé que celui des autres régions, alors qu’en 2019, aucun refus de traitement n’a été recensé en dehors des régions de Montréal (N=11/12) et de Laval (N=1/12). Bien qu’aucune question n’était posée à ce sujet, plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier un refus de traitement. Dans 58% des cas (N=7/12) les répondant·es ont préféré référer le ou la patient·e à un·e professionnel·le ou une clinique plus habituée, notamment aux hôpitaux. D’autres arguments soulevés étaient notamment que les cliniques n’avaient pas l’équipement approprié (16,7%, N=2/12), n’avaient pas les connaissances requises (8,3%, N=1/12) ou encore, que le dentiste était mal à l’aise (8,3%, N=1/12). Parmi les commentaires reçus concernant le refus de traitement, notons : « Ce n’est rien contre vous, mais on a du personnel et des clientes enceintes, il faut les protéger. On ne peut pas vous prendre. » (Montréal) « C’est mieux d’être traité à l’hôpital, ça demande plus d’attention. Bonne chance! » (Montréal) « Oh, you have that… You have to go to the hospital. » (Montréal) « Vous devez aller à l’hôpital, c’est plus sécuritaire pour vous. » (Montréal) Un fait inquiétant est que 41,7% (N=5/12) des refus de traitement se sont produits après que le ou la répondant·e se soit explicitement renseigné·e auprès d’un·e professionnel·le (hygiéniste ou dentiste) ou après que le ou la professionnel·le ait pris l’appel. Finalement, nous ne pouvons passer sous silence le fait que deux cliniques dentaires qui avaient pourtant mentionné accueillir de nouveaux·elles patient·es se sont dites « complètes » après le dévoilement de la séropositivité, ce que nous avons comptabilisé comme un refus de traitement. 4.2.3 Offre d’un rendez-vous plus long Pourcentage des appels en 2012 : 1,7 % Pourcentage des appels en 2019 : 1,6 % La nécessité d’un rendez-vous plus long a été invoquée dans 5% (N=9/179) des cas de différences de traitement recensées. Il faut noter qu’un rendez-vous plus Page 12 sur 29
long n’est pas nécessairement une mauvaise chose dès lors que la durée est cohérente aux soins requis par l’état de santé du ou de la patient·e. Cependant, bien qu’aucune question n’ait été posée à ce sujet, certaines cliniques ont ouvertement mentionné la stérilisation et la prise de précautions accrues (22%, N=2/9) pour expliquer le besoin d’un rendez-vous plus long, ce qui n’est pas justifié. 4.2.4 Prise de précautions particulières ou supplémentaires Pourcentage des appels en 2012 : n/a Pourcentage des appels en 2019 : 5,3 % Parmi les différences de traitement qui n’avaient pas été recensées en 2012, mais qui l’ont été en 2019 se trouvent les mentions de prises de précautions additionnelles, sans que celles-ci soient liées à un rendez-vous plus cher, à un rendez-vous en fin de programme ou à un rendez-vous plus long. Dans la plupart de ces cas, la clinique a accordé un rendez-vous sans problème à la personne vivant avec le VIH, mais a ajouté un commentaire qui indiquait qu’une prise de précautions particulières ou supplémentaires serait nécessaire pour le personnel clinique. Bien qu’aucune question n’ait été posée à ce sujet, la prise de précautions particulières ou supplémentaires est revenue lors de 5,3% des appels (N=30/561), et représente 16% (N=16/179) des différences de traitement recensées. Parmi les commentaires reçus concernant la prise de précautions particulières ou supplémentaires, notons : « On fait un peu plus attention. » (Outaouais) « Une stérilisation complète de la salle est faite après votre passage. » (Mauricie) « La dentiste met deux paires de gants » (Laurentides) « On va prendre les précautions nécessaires pour vous rencontrer. » (Abitibi-Témiscamingue) « Il y a des précautions additionnelles qui sont prises quand c’est écrit dans le questionnaire. » (Lanaudière) « Pas de problème, on va prendre plus de précautions. » (Montérégie) Page 13 sur 29
4.2.5 Rendez-vous conditionnel au fait que le ou la patient·e soit assuré·e Pourcentage des appels en 2012 : n/a Pourcentage des appels en 2019 : 1,2 % Lors de l’enquête menée en 2012, le sondage auprès des personnes vivant avec le VIH a révélé que l’absence d’assurances et le fait d’être bénéficiaire de l’aide sociale avaient été des obstacles importants dans leur accès à des soins dentaires. Dans le cadre des appels auprès des cliniques en 2019, ces obstacles sont ouvertement ressortis au moment de la prise de rendez-vous. En effet, 3,9% (N=7/179) des différences de traitement recensées concernaient les assurances. Dans ces cas, la prise d’un rendez-vous pour la personne vivant avec le VIH était conditionnelle au fait qu’elle soit assurée. Puisque la méthodologie de l’enquête prévoyait que les enquêteur·trices devaient, si questionné·es à ce sujet, répondre qu’ils ou elles bénéficiaient d’assurances collectives, les rendez-vous ont habituellement été accordés. Cela dit, les réponses données par ces cliniques laissent présager qu’elles n’auraient peut-être pas accordé un rendez-vous à un·e patient·e séropositif·ve s’il ou elle n’avait pas bénéficié d’assurances collectives. 4.2.6 Bon déroulement du rendez-vous conditionnel au dévoilement Pourcentage des appels en 2012 : n/a Pourcentage des appels en 2019 : 10 % Lors d’une rencontre tenue en octobre 2019, les membres du comité Droits ont discuté des résultats préliminaires de l’enquête. L’une des questions soulevées à cette occasion a été le nombre important de cliniques qui accordaient un rendez- vous, mais qui indiquaient que la personne devait nécessairement divulguer son statut à l’équipe de soins pour que tout se déroule rondement. Puisqu’aucune explication n’était donnée sur la nécessité du dévoilement, les membres du comité Droits ont décidé de les compiler comme des différences de traitement. En effet, les commentaires reçus concernant la nécessité du dévoilement ne permettaient pas de déterminer si le dévoilement était requis pour protéger la santé de l’équipe de soins (c.-à-d. prise de précautions additionnelles) ou pour protéger la santé du ou de la patient·e (c.-à-d. meilleure Page 14 sur 29
évaluation de son système immunitaire). À titre d’exemple, notons ces commentaires reçus concernant le dévoilement obligatoire : « En le sachant, pas de problème. » (Saguenay-Lac-Saint-Jean) « Pas de problème, mais il faut le mentionner à l’hygiéniste. » (Québec) « Je crois que ça ne change rien mais il faudra le dire au dentiste » (Chaudière-Appalaches) « Légalement, il est obligatoire de dire qu’on a le VIH » (Montréal) « On le marque au dossier et il n’y a pas de problème. » (Laurentides) « Il faut le préciser au formulaire et il n’y a pas de problème, on prendra les précautions nécessaires. » (Montréal) « En l’indiquant sur le questionnaire, le dentiste devra se conformer à des procédures. » (Québec) Dès lors, l’idée du dévoilement obligatoire, dès qu’elle était mentionnée, a été incluse dans les différences de traitement, et représentent 31% (N=56/179) de ces dernières. 4.2.7 Prise de rendez-vous impossible dû au manque de connaissances Pourcentage des appels en 2012 : n/a Pourcentage des appels en 2019 : 5,2 % Lors des appels, les enquêteur·trices ont aussi noté les cas où, suivant le dévoilement du statut sérologique du ou de la patient·e, le ou la répondant·e était incapable de lui dire si cela changeait quelque chose, ne pouvait se renseigner, et où la prise de rendez-vous au moment de l’appel était impossible. Les cas où la prise de rendez-vous était impossible au moment de l’appel représentent 16 % (29/561) des différences de traitement recensées lors de l’enquête de 2019. Bien que des cliniques aient offert de rappeler le ou la patient·e ou leur aient demandé de rappeler, cette possibilité était incompatible avec les fins de l’enquête. En effet, le but de celle-ci était de déterminer les obstacles dans l’accueil et la prise de rendez-vous pour les personnes vivant avec le VIH au sein des cliniques dentaires. Dès lors qu’une prise de rendez-vous était impossible, au moment de l’appel, en raison du manque de connaissances des Page 15 sur 29
répondant·es, les enquêteur·trices ont noté qu’il s’agissait d’une différence de traitement. En effet, bien que la réponse lors du rappel ait pu être positive6, il n’en demeure pas moins que cette situation exige des personnes vivant avec le VIH des efforts supplémentaires et leur impose des obstacles à l’accès aux soins qu’une personne séronégative ou une personne qui omet de discuter de son statut sérologique ne rencontrerait pas. 5. Discussion L’enquête de 2012 visait à établir un portrait de situation quant à l’existence de pratiques discriminatoires et d’attitudes négatives dans l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH. Les résultats ont mis en lumière des cas de discrimination, de méconnaissance du VIH et d’attitudes négatives vis-à-vis les personnes vivant avec le VIH au sein de certaines cliniques. Avec l’enquête supplémentaire, la COCQ-SIDA voulait effectuer une mise à jour de la situation entourant l’accueil des personnes vivant avec le VIH au sein des cliniques dentaires du Québec. De plus, il s’agissait de voir si les activités de formation et de sensibilisation effectuées depuis 2012 par la COCQ-SIDA et ses membres avaient porté fruit7 et, au besoin, les réorienter. Les résultats obtenus témoignent que bien que la situation se soit améliorée sur certains fronts, il y a toujours des obstacles dans l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH. La discussion entourant les résultats de l’enquête préliminaire de 2019 s’oriente autour de quatre (4) axes : 1. Les refus de traitement ; 2. Les mesures de précautions universelles ; 3. Le dévoilement et le questionnaire de santé ; 4. La diffusion de l’information au sein des cliniques. 5.1 Les refus de traitement En sept ans, le taux de refus de traitement des personnes vivant avec le VIH a baissé, passant de 4,3 % à 2,1 % à l’échelle de la province. Il est également intéressant de constater qu’aucun refus de traitement n’a été recensé en dehors des régions de Montréal et de Laval. Il est cependant profondément inquiétant que le taux de refus pour la seule région de Montréal soit passé de 3,5% en 6 La méthodologie utilisée lors de l’enquête ne prévoyait qu’un seul appel/clinique. En outre, l’enquêteur·trice ne pouvait laisser son numéro de téléphone à la clinique pour que celle-ci le·la rappelle. Les cas où les cliniques ont été rappelées par l’enquêteur·trice ainsi que leurs réponses lors du rappel n’ont pas été comptabilisés. 7 Voir la liste des activités menées par la COCQ-SIDA depuis 2012 sur la question de l’accès aux soins dentaires depuis 2012 à l’Annexe A. Page 16 sur 29
2012, à 6% (N=11/184) en 2019, d’autant que plus de la moitié des nouveaux diagnostics recensés au Québec l’ont été dans cette ville8. La Charte des droits et libertés de la personne interdit la discrimination basée sur le handicap, notion qui a été interprétée par les tribunaux de manière à y inclure le statut sérologique au VIH. Au Québec, il est donc illégal de traiter différemment une personne vivant avec le VIH et, ce faisant, de compromettre son droit à l’égalité et son droit d’accéder à un service offert au public en raison de sa séropositivité. En outre, le Code de déontologie des dentistes prévoit spécifiquement que ceux- ci ou celles-ci ne peuvent refuser de fournir des services professionnels à un·e patient·e pour des raisons reliées à la nature de sa maladie9. Le Code de déontologie des membres de l’ordre des hygiénistes dentaires prévoit, lui, que refuser de fournir des soins sans raison valable est un acte dérogatoire à la profession10. Il est impératif de ne pas minimiser l’importance des refus de traitement par leur incidence : les refus de traitement sont illégaux et ne devraient jamais se produire. Leur persistance est d’autant plus choquante étant donné l’efficacité des mesures de précautions universelles et les connaissances scientifiques actuelles sur le VIH, les risques et les modes de transmission. 5.2 Les mesures de précautions universelles Malgré l’existence des mesures de précautions universelles, la nécessité de prendre des précautions additionnelles a de nouveau été un thème récurrent lors de l’enquête. En effet, 34,8% (N=8/23) des cliniques n’ayant offert un rendez- vous qu’en fin de programme l’ont justifié par la nécessité d’effectuer une stérilisation accrue11. De plus, certaines cliniques (22%, N=2/9) ayant mentionné que le rendez-vous serait plus long l’ont justifié par des mesures de stérilisation et de précautions supplémentaires12. En outre, 5,5% des cliniques (N=30/179) ont mentionné que des précautions additionnelles seraient prises par l’équipe de soins lors du rendez-vous, sans que ce ne soit lié à une plage horaire particulière ou à un rendez-vous plus long13. Finalement, l’absence d’équipement approprié 8 Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « Portrait des infections transmissibles sexuellement et pas le sang (ITSS) au Québec. Année 2017 et projections 2018 », Novembre 2018, p. 77. En ligne : https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2471_infections_transmissibles_sexuellement_sang_2017.pdf 9 Code de déontologie des dentistes, RLRQ c D-3, r 4, art. 2.05. 10 Code de déontologie des membres de l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, c C-26, r 140, art. 48(7) 11 Section 4.1 12 Section 4.3 13 Section 4.4 Page 17 sur 29
pour la stérilisation a, de nouveau, été invoquée comme motif de refus de traitement. Il est préoccupant que l’idée selon laquelle il est nécessaire de prendre des précautions additionnelles auprès des patient·es vivant avec le VIH soit toujours aussi répandue au sein de cliniques. Cela témoigne d’une méconnaissance, voire d’une incompréhension, des précautions universelles et de leur efficacité. Pourtant, il s’agit des principes de base de la prévention et du contrôle des infections dans les cliniques. Les précautions universelles sont conçues pour prévenir le risque de transmission du ou de la patient·e au personnel dentaire, du personnel dentaire au ou à la patient·e, et d’un·e patient·e à l’autre. Lorsqu’elles sont utilisées conformément aux normes, les mesures de précaution universelles sont efficaces pour prévenir la transmission du VIH et la transmission d’autres infections transmissibles par le sang. Surtout, elles doivent être utilisées auprès de chaque patient·e et ce, peu importe son état de santé réel ou présumé. Au vu de ce qui précède, toute prise de précaution additionnelle auprès des patient·es vivant avec le VIH est donc inutile, voire discriminatoire. En 2012, la COCQ-SIDA s’inquiétait du constat selon lequel des cliniques dentaires indiquaient devoir utiliser des précautions accrues avec un·e patient·e séropositif·ve, et cette inquiétude demeure vive en 2019. Tout comme la précédente, la présente enquête ne permet pas de conclure s’il existe des failles dans l’application des précautions universelles au sein des cliniques dentaires, ou s’il s’agit d’un manque de connaissance des répondant·es sur l’efficacité de celles-ci ou encore, sur le VIH. Peu importe, du travail reste à faire pour mettre fin à ces idées préconçues ou erronées. 5.3 Le dévoilement et le questionnaire de santé En 2012, le sondage auprès des personnes vivant avec le VIH a révélé que c’est par crainte de faire face à un bris de confidentialité, d’être jugées ou discriminées que certaines choisissent de ne pas dévoiler leur statut aux équipes de soins dentaires. Cette crainte elle-même représentait dès lors un obstacle dans l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH. Elles pouvaient, d’une part, décourager une personne vivant avec le VIH d’aller chez le dentiste. D’autre part, lorsqu’elles mènent à un non-dévoilement du statut sérologique, elles empêchent Page 18 sur 29
la personne vivant avec le VIH d’avoir accès à des soins dentaires adaptés à son état de santé. Dès lors qu’il restera des cas avérés de jugement, de discrimination et de bris de confidentialité, il existera des réticences au dévoilement. Les résultats de l’enquête supplémentaire, avec 68,1 % de différences de traitement recensées suivant un dévoilement, ne nous permettent pas de dire que les craintes des personnes vivant avec le VIH sont désormais infondées. Le questionnaire de santé à remplir avant un premier rendez-vous a été un thème récurrent de cette enquête supplémentaire. La raison d’être de celui-ci n’est pas contestée : l’accès aux soins dentaires n’est pas atteint s’il ne s’agit pas de soins adaptés à l’état de santé d’une personne. Dès lors que le VIH peut avoir un impact sur le système immunitaire d’une personne et sur l’apparition de pathologies buccodentaires, il est pertinent de connaître le statut sérologique d’un·e patient·e afin de lui offrir les meilleurs soins possible. Cependant, la manière dont les cliniques sondées perçoivent le dévoilement, expliquent la nécessité du dévoilement et consignent l’information dévoilée ne permet pas d’alléger les craintes des patient·es vivant avec le VIH. Par exemple, plusieurs répondant·es ont présenté le bon déroulement du rendez-vous comme étant conditionnel à la consignation du statut sérologique au formulaire de santé. Or, il n’est pas clair si ce dévoilement participe au bon déroulement du rendez- vous pour le ou la patient·e (évaluation de l’état de santé), ou pour l’équipe de soins (prise de précautions supplémentaires). Le bon déroulement d’un rendez-vous ne devrait jamais être conditionnel au dévoilement, et les mêmes précautions devraient être utilisées avec l’ensemble des patient·es. Exiger un dévoilement sans expliquer les raisons derrière celui-ci ou la manière dont les informations seront utilisées ne rassure en rien les patient.es vivant avec le VIH, et ravivent leurs craintes de jugement, de rejet et de bris de confidentialité. En outre, le Code de déontologie des dentistes exige que les dentistes s’assurent que les patient·es sont pleinement au courant des utilisations diverses qui peuvent être faites des renseignements de nature confidentielle qui lui sont confiés14. Enfin, rappelons que le choix de dévoiler son statut sérologique appartient toujours aux patient·es et qu’il ne s’agit pas d’une obligation qui leur incombe. 14 3.06.04. Lorsqu’un dentiste demande à un patient de lui révéler des renseignements de nature confidentielle ou lorsque de tels renseignements lui sont confiés, il doit s’assurer que le patient est pleinement au courant des utilisations diverses qui peuvent être faites de ces renseignements. Page 19 sur 29
5.4 Diffusion et mise à jour des connaissances au sein des cliniques Les résultats de l’enquête supplémentaire révèlent un manque d’information sur le VIH et son impact dans les soins dentaires, sur l’efficacité des précautions universelles et sur les raisons d’être du questionnaire de santé. Ce manque d’information a mené à des refus de traitement, des différences de traitement, des informations erronées et, pour les cliniques, une perte de revenus découlant des rendez-vous qui n’ont pu être pris. Les résultats du sondage ne nous permettent pas de dire si le ou la répondant·e était un·e professionnel·le de la santé buccodentaire. Cela dit, dans près de 20% (N=112/561) des cliniques contactées, le ou la répondant·e a dû ou devait s’informer auprès de membres de l’équipe de soins ou de collègues pour savoir si le VIH changeait quelque chose au rendez-vous. Dans la plupart des cas, le rendez-vous a été accordé sans problème suivant un renseignement. Cela démontre que l’information sur la prise des précautions universelles et la non- discrimination n’est pas mise à jour au sein de cliniques, ou n’est pas diffusée auprès du personnel de soutien. Même si les professionnel·les d’une clinique sont au fait de leurs obligations déontologiques, mettent à jour leurs connaissances et appliquent les mesures de précautions universelles auprès de l’ensemble des patient·es, ils et elles ne sont habituellement pas chargés de la prise de rendez-vous. Dès lors qu’il n’y a pas une mise à jour des connaissances qui est effectuée auprès du personnel de soutien (par exemple, sur l’efficacité des précautions universelles), il y a un risque que leurs idées et appréhensions individuelles à l’égard du VIH et des personnes vivant avec le VIH teintent l’accueil des patient·es. Le risque de discrimination dans l’accès aux soins dentaires demeure, en ce sens, bien réel. Cependant, identifier les lacunes dans la diffusion de l’information auprès du personnel de soutien ne répond pas à l’entièreté du problème. En effet, des différences de traitement – incluant des refus de traitement – ont tout de même eu lieu suivant un renseignement auprès de l’équipe de soins. Bien que l’enquête ne nous permette pas de dire que tout renseignement a été sollicité auprès de professionnel·les, plusieurs répondant·es ont mentionné demander au dentiste ou à l’hygiéniste ou encore, leur ont directement transféré l’appel. Il n’est donc pas suffisant de souligner le seul manque d’information des répondant·es. Plusieurs d’entre eux·elles ont sollicité l’avis de professionnel·les, et les réponses données par ces dernier·ères ont tout de même mené à des différences de traitement injustifiées, telles que : Page 20 sur 29
- Refus de traitement : 41,7% (N=5/12) suivant renseignement; - Rendez-vous en fin de journée : 17,4% (N=4/23) suivant renseignement; - Rendez-vous plus longs : 33% (N=3/9) suivant renseignement. Les résultats de l’enquête témoignent donc d’une méconnaissance sur le VIH et sur l’efficacité des précautions universelles qui ne peut être attribuée qu’au personnel de soutien. 6. Limites de l’enquête supplémentaire Les cliniques sondées ne représentent pas l’ensemble des cliniques du Québec. Ce faisant, les résultats ne peuvent être généralisés à l’ensemble des cliniques dentaires du Québec. Or, le nombre important de cliniques contactées15 ainsi que leur distribution géographique (15 régions administratives sur 17) permettent de dresser un portrait général de la situation. 7. Conclusions et recommandations L’une des conclusions de l’enquête supplémentaire rejoint l’une de celles formulées en 2012 : bien que la science entourant le VIH ait énormément évolué au cours des dernières années, malgré les avancées majeures sur le traitement, la transmission et les autres réalités médicales de la maladie, les personnes vivant avec le VIH font toujours face à une stigmatisation tenace de laquelle découlent des cas de discrimination. Malgré les efforts déployés par la COCQ-SIDA et ses membres depuis 2012, et malgré les démarches effectuées conjointement avec les ordres professionnels sur la question, force est de constater que cette discrimination existe toujours au sein des cliniques dentaires. Les résultats de l’enquête supplémentaire menée entre juillet et octobre 2019 démontrent aussi que les différences de traitement à l’égard des personnes vivant avec le VIH se transforment. Alors que la fréquence de certains obstacles recensés en 2012 diminue, d’autres – plus subtils – sont apparus. Dès lors, les différences de traitement sont d’autant plus présentes en 2019 qu’en 2012. Une méconnaissance persistante du virus et de l’efficacité des précautions universelles ainsi que des lacunes dans la formation du personnel de soutien des cliniques alimentent les différences de traitement et, en retour, la réticence des personnes vivant avec le VIH à consulter des professionnel·les de la santé 15 Plus de la moitié des 918 cliniques répertoriées sur dentistesquebec.org, un répertoire privé de cliniques administré par la Société de services dentaires, une fiducie de l’Association des chirurgiens-dentistes du Québec (ACDQ). Page 21 sur 29
buccodentaire. Dès lors, non seulement y a-t-il lieu de procéder à une mise à jour concernant le VIH et l’efficacité des mesures de précautions universelles au sein des cliniques, il y a lieu de s’assurer que celle-ci soit faite auprès de tout le personnel, professionnel·les ou non. En 2012, la COCQ-SIDA et son comité Droits & VIH invitaient les acteurs clés des différents milieux concernés, tels que les ordres professionnels, les établissements d’enseignement et les organismes communautaires, à collaborer et prendre différentes mesures pour améliorer l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH, structurées autour de trois (3) axes : 1. Adoption et mise en œuvre de positions fermes et de politiques « tolérance zéro » en matière de discrimination envers les personnes vivant avec le VIH dans l’accès aux soins dentaires. 2. Sensibilisation et formation des étudiant·es et professionnel·les en santé dentaire quant au VIH, ainsi que des soins et des obligations professionnelles s’y rapportant. 3. Renforcement des capacités des travailleur·euses communautaires à informer et accompagner les personnes vivant avec le VIH dans l’accès aux soins dentaires. Ces recommandations demeurent pertinentes, et la COCQ-SIDA continuera de travailler à leur mise en œuvre. Au vu des résultats de l’enquête supplémentaire, la COCQ-SIDA et son comité Droits & VIH jugent nécessaire l’ajout de deux nouvelles sous-recommandations: 1.1 Mise en œuvre de pratiques visant à respecter le choix et le processus de dévoilement, notamment en expliquant les raisons pour lesquelles des informations sur l’état de santé (incluant le statut sérologique) sont demandées au questionnaire de santé, et clarifiant l’utilisation qui sera faite des données obtenues par l’entremise de ce questionnaire ; 2.1 Sensibilisation et formation du personnel de soutien des cliniques quant au VIH, ainsi que sur la confidentialité et l’efficacité des mesures de précautions universelles ; La COCQ-SIDA et les membres du comité Droits & VIH réitèrent leur souhait à travailler conjointement avec les professionnel·les, les ordres professionnels et les établissements d’enseignement dans le déploiement de ces nouveaux axes. Page 22 sur 29
Annexe A - Actions menées par la COCQ-SIDA depuis 2012 en matière d’accès aux soins dentaires 2012 - 2013 - Publication du rapport en mai ; - Présentation du rapport lors d’une séance d’affiches à la 19e conférence internationale sur le sida (Washington) ; - Rencontre avec l’Ordre des dentistes (ODQ) et l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (OHDQ) pour envisager les pistes d’action ; - Rencontre avec les coordonnateur· trices des programmes en hygiène dentaire ; - Activités de sensibilisation auprès d’étudiant· es en hygiène dentaire - Publication d’un article dans L’Explorateur, la revue professionnelle des hygiénistes dentaires ; - Présentation du rapport auprès du Comité de la formation continue de l’ODQ, où il fut convenu que la COCQ-SIDA participerait à la Tournée des conférences de l’Ordre en 2014. 2013 - 2014 - Nombreuses activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Participation aux journées dentaires internationales du Québec avec l’ODQ ; - Participation de la Tournée des conférences de l’ODQ auprès des Sociétés dentaires, permettant de rejoindre plus de 1500 participant·es ; - Publication d’un article dans le Journal of the Canadian Dental Association. 2014 - 2015 - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Participation au Congrès de l’OHDQ ; - Développement de partenariats avec les facultés de médecine dentaire. 2015 - 2016 - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Activités de sensibilisation auprès des étudiant· es en médecine dentaire de la Faculté de Médecine dentaire de l’Université McGill ; - Participation à un projet de recherche (Université McGill) sur l’accès aux soins dentaires pour les personnes vivant avec le VIH ; - Présentation du rapport lors de la Conférence internationale francophone AFRAVIH, à Bruxelles. Page 23 sur 29
2016 - 2017 - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Poursuite des activités de sensibilisation auprès des étudiant· es en médecine dentaire de la Faculté de Médecine dentaire de l’Université McGill ; - Participation au congrès de l’OHDQ ; - Publication dans la Revue canadienne de santé publique. 2017 - 2018 - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Poursuite des activités de sensibilisation auprès des étudiant· es en médecine dentaire de la Faculté de Médecine dentaire de l’Université McGill. 2018 - 2019 - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Poursuite des activités de sensibilisation auprès des étudiant· es en médecine dentaire de la Faculté de Médecine dentaire de l’Université McGill. - Participation au congrès de l’OHDQ ; - Rédaction d’un outil d’information à l’attention des professionnel·les de la santé buccodentaire et conclusion d’un partenariat avec l’OHDQ pour une éventuelle publication et diffusion conjointe de l’outil. 2019 - … - Poursuite des activités de sensibilisation au sein des programmes collégiaux en hygiène dentaire ; - Poursuite des activités de sensibilisation auprès des étudiant· es en médecine dentaire de la Faculté de Médecine dentaire de l’Université McGill ; - Publication dans la revue L’Explorateur au printemps 2019 ; - Participation au congrès de la Fédération des hygiénistes dentaires du Québec. Page 24 sur 29
Annexe B – Organismes/bénévoles participants et régions couvertes Centre Sida Amitié – Laurentides (membre du comité Droits) Tandem (anciennement Sidaction Mauricie) – Mauricie (membre du comité Droits) L’ARCHE de l’Estrie – Estrie et Chaudière-Appalaches (membre du comité Droits) IRIS-Estrie – Estrie et Chaudière-Appalaches GAP-Vies – Montréal (membre du comité Droits) Centre d’Action Sida Montréal (CASM) – Montréal (membre du comité Droits) Médecins du Monde – Montréal Portail VIH-SIDA du Québec – Montréal BRAS – Outaouais – Outaouais (membre du comité Droits) Mme Ginette Tremblay (bénévole) – Montérégie (membre du comité Droits) COCQ-SIDA – Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Lanaudière, Laval, Saguenay- Lac-Saint-Jean, Québec, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Abitibi-Témiscamingue, Montréal Page 25 sur 29
Annexe C – Grille de sondage auprès des cliniques dentaires (2019)
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Annexe D - Grille de sondage auprès des cliniques dentaires (2012) Page 28 sur 29
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