Déconfinement: il n'y a pas de solution parfaite - Le Montarvillois

La page est créée Jérémy Gaudin
 
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Déconfinement: il n'y a pas de solution parfaite - Le Montarvillois
Déconfinement: il n’y a pas
de solution parfaite
À Saint-Bruno-de-Montarville comme ailleurs au pays, nombreux
sont les citoyens qui se posent des questions sur le
déconfinement. Pour certains celui-ci est trop rapide et pour
d’autres trop lent…. Le Montarvillois

Aucun pays ni région du monde n’a encore réussi à déconfiner
sa population sans heurts. Bien qu’il soit périlleux de faire
des comparaisons géographiques, il est peu probable que le
Québec fasse exception à la règle. Toutefois, s’il n’y a pas
de recette miracle, certains ingrédients peuvent améliorer les
chances de réussite.

D’abord, un constat. Alors que la situation semble stable
ailleurs au Québec, Montréal se retrouve parmi les villes les
plus affectées au monde par la pandémie de Covid-19. Dans
certains arrondissements et, surtout, dans les centres
d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), la
situation dépasse largement les capacités gouvernementales de
venir en aide à certains segments de la population.

La pandémie de Covid-19 s’est ainsi transformée en crise
humanitaire sectorielle. Une crise est définie comme étant
humanitaire lorsque le gouvernement n’arrive plus à protéger
l’ensemble ou une partie de ses citoyens et doit faire appel à
d’autres institutions, comme l’armée, pour l’aider à reprendre
le contrôle de la situation. Ce fut le cas à Montréal, dans
les CHSLD.
Déconfinement: il n'y a pas de solution parfaite - Le Montarvillois
Un déconfinement à trois vitesses

Le   gouvernement   du   Québec   a   décidé   de   procéder   à   un
déconfinement hâtif et progressif dans le reste de la
province, mais il a retardé son application dans la grande
région de Montréal. L’approche privilégiée est donc
géographique et s’exerce à deux, voire trois vitesses.

Si ce choix peut se justifier à plusieurs égards, il soulève
plusieurs risques importants. D’abord, les déplacements plus
fréquents des citoyens en période estivale augmentent la
probabilité d’un second cycle de contamination à la grandeur
du Québec. Cette approche risque aussi d’être inefficace si
elle entraîne une plus faible compréhension et adhésion de la
population. Cette manière de procéder amène une incohérence
entre les régions et les secteurs encore confinés versus ceux
qui ne le sont plus, ce qui ajoute à la confusion.

Notre groupe de recherche sur les crises et l’action
humanitaires a procédé à une analyse comparative des
protocoles de déconfinement de huit zones géographiques dans
le cadre d’une veille en temps réel menée depuis les débuts de
la crise de la Covid-19. L’objectif était de dégager certaines
pistes de réflexion pour le Québec.

Comparer les pays entre eux est un exercice périlleux en
raison de leurs différences culturelles, structurelles,
géographiques, politiques et sociales. Il nous faut donc être
extrêmement prudents dans nos conclusions. Or notre recherche
a permis de dégager certains constats à même d’inspirer nos
choix sociétaux. En voici les points essentiels.
Construire une «nouvelle normalité»

Le risque zéro n’existe pas et le confinement de longue durée
(jusqu’à la fin de la pandémie) n’est pas non plus à
considérer compte tenu des nombreux risques collatéraux. Le
déconfinement doit donc être considéré avec la notion de
cohabitation avec le virus. Il est donc d’autant plus
nécessaire de bien le planifier, étant donné l’absence de
vaccin ou de traitement à l’heure actuelle.

Au Québec, nous devons apprendre à reconstruire notre tissu
social et nos interactions économiques dans ce nouveau
contexte. Le retour à la «normale» est impossible et surtout
non recommandé. Par exemple, notre relation au temps, allié à
des objectifs toujours plus hauts de performance, doit être
revue si l’on se fie au haut niveau de stress d’avant crise.

Les propositions de certains chercheurs pour penser l’après
Covid notamment en matière de développement durable, de
résilience et de «bonnes pratiques» de gouvernements,
dont ceux dirigés par des femmes, semblent être un bon point
de départ pour définir ensemble la «nouvelle normalité», qui
n’est pas seulement sanitaire, mais aussi sociétale,
économique, processuelle et environnementale.

Appliquer le principe de précaution

La gestion de crise et l’incertitude qu’elle entraîne imposent
une approche de précaution afin de maintenir l’équilibre
précaire du milieu de la santé et s’assurer de la
disponibilité des ressources pour prendre soin des citoyens.

Inversement, l’approche d’immunité collective de la Suède est
imprudente et soulève des questions éthiques majeures
(critique concernant le nombre de décès chez les personnes
âgées jugées sacrifiées) – en plus de n’avoir aucune
validation scientifique prouvée à ce jour.

Dans ce contexte, la Ville de Montréal et d’autres grandes
villes au Québec doivent faire preuve de leadership en
s’assurant que les commerces imposent le masque ainsi que les
autres mesures sanitaires. La même règle doit s’appliquer dans
les transports en commun. Faute de mieux, le port du masque
s’est avéré une solution relativement peu contraignante et
très efficace à court terme ailleurs dans le monde.

Accepter           l’aide         humanitaire              au
Québec

Le Québec traverse un épisode de crise humanitaire sectorielle
et géographique, à savoir que le gouvernement ne contrôle pas
totalement l’épidémie en CHSLD, et ce, même dans des zones
initialement protégées telles que la ville de Québec.
Des militaires reviennent de leur pause au CHSLD Vigi Mont-
Royal, le mardi 26 mai 2020 à Montréal. Leur mission dans les
CHSLD au Québec sera prolongée jusqu’au 21 juin et pourraient
se poursuivre à effectif réduit par la suite.. LA PRESSE
CANADIENNE/Ryan Remiorz

Par ailleurs, le secteur hospitalier voit des éclosions de
Covid-19 apparaître et le transfert de patients déclarés
« non-Covid » de Montréal vers d’autres régions augmente le
potentiel de contagion. Enfin, tous les autres cas moins
urgents, mais néanmoins importants, ont pris du retard et
risquent de s’aggraver. Il faut donc accepter de voir les
premiers répondants des crises humanitaires tels que la Croix-
Rouge et les Forces armées canadiennes déployer leur savoir-
faire au Québec.
Aucune solution miracle pour le
moment

Le déconfinement vise à redémarrer l’activité économique, sans
saturer les services hospitaliers. En date du 27 mai 2020,
aucun pays ni région du monde n’avait encore réussi de
protocole de déconfinement progressif sans heurts. Certaines
initiatives pourtant bien démarrées ont généré un second cycle
de contamination et un retour au confinement. Ce fut le
cas notamment d’Hokkaido, au Japon, qui a déconfiné trop
tôt ou Singapour, qui a dû faire face à une éclosion dans une
communauté de travailleurs étrangers vivant dans des quartiers
résidentiels insalubres.

Souvent, la crise sanitaire se conjugue à des problèmes
politiques et sociaux et s’entremêle à des enjeux liés à
l’immigration, aux inégalités sociales ou encore aux failles
du pouvoir exécutif de l’État. D’autres facteurs endémiques à
la crise tels qu’une mauvaise communication de la part des
autorités publiques, le non-respect des consignes de la part
de la population (ou les freins structurels pour faire
respecter ces consignes), le manque de leadership dans les
entreprises pour imposer les mesures ou le refus de porter le
masque viennent ralentir grandement les démarches vers un
déconfinement sans trop de heurts.

Une série de mauvaises décisions

La crise actuelle est multifactorielle. Notre étude démontre
notamment qu’elle est le résultat de politiques d’austérité
adoptées ces dernières années et qui ont eu pour conséquence
un manque d’investissements dans les secteurs essentiels. La
crise révèle également des lacunes dans la mise en place de
stratégies de gestion et de réduction des risques.

Les gens profitent d’une chaude journée ensoleillée dans un
parc de la ville de Montréal, le dimanche 24 mai 2020, alors
que la pandémie de Covid-19 se poursuit au Canada et dans le
monde entier. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes

Elle résulte aussi du manque d’écoute continu des décideurs
politiques envers la communauté scientifique (comme c’est le
cas pour les changements climatiques), de la dépendance trop
forte envers la Chine pour ce qui est du matériel médical de
base et des médicaments ainsi que de l’indiscipline de
certains groupes vis-à-vis les consignes sanitaires.

Alors que le soleil revient et que nous n’avons jamais eu
autant besoin de profiter de ses chauds rayons, il est plus
que jamais essentiel de respecter les consignes sanitaires
afin d’éviter un douloureux reconfinement ! Le mot d’ordre est
simple : respectons ces quelques consignes dès maintenant
et réinventons-nous.

Auteurs

   1. François   AudetProfesseur,   Université   du   Québec   à
      Montréal (UQAM)
   2. Caroline CoulombeProfesseur, Université du Québec à
      Montréal (UQAM)
   3. David MorinChair professor, Université de Sherbrooke
   4. Diane Alalouf-HallDoctorante en sociologie, Université
      du Québec à Montréal (UQAM)
   5. Gauthier MoutonCandidat au doctorat en science
      politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
   6. Valériane ThoolUniversité du Québec à Montréal (UQAM)

LeMontarvillois.com

Texte publié initialement dans La Conversation
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