Défense : la féminisation des armées, un enjeu opérationnel
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Défense : la féminisation des armées, un enjeu opérationnel Motivation, volonté, courage et talent ouvrent la carrière aux femmes dans les armées. Des mesures en faveur de la mixité et de l’égalité professionnelles ont permis des avancées réelles. Ce thème a fait l’objet d’une présentation à la presse, le 4 mars 2021 à Paris, par le contre-amiral Anne de Mazieux, haut fonctionnaire à l’égalité des droits et
chargée de la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un colloque sur le même sujet a suivi le 8 mars à Paris, organisé par l’Institut de relations internationales et stratégiques. Y sont notamment intervenus : la sociologue Camille Boutron, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire ; le capitaine Marion Buchet, pilote de chasse ; Nathalie Tournyol du Clos, directrice adjointe des ressources humaines au ministère des Armées. Mesures d’accompagnement. Deux ans après l’entrée en vigueur du Plan mixité, les effectifs féminins des armées ont augmenté de 4,7 %, indique l’amiral de Mazieux. Outre la présence d’une femme militaire dans chaque centre de recrutement, un mentorat se développe pour aider les jeunes filles, notamment celles admises à l’écrit des concours, à acquérir les codes et usages. Toutefois, elles doivent faire leurs preuves, sans bénéficier de « passe-droits », souligne l’amiral. Depuis octobre 2020, le droit à l’avancement est maintenu après un congé parental de cinq ans pour élever les enfants en bas âge. La mise en place de « référents Egalité-Mixité », à l’écoute, permet de désamorcer des situations du vécu quotidien. Le portail intitulé « Combattre le sexisme ordinaire », interne au ministère des Armées et particulièrement détaillé, vise à obtenir une « tolérance zéro » en matière de comportement en toutes circonstances. Par ailleurs, l’Association française de normalisation a décerné le label « égalité » au ministère des Armées pour le Service des essences, le Service des ressources humaines civiles et le service achat du Service parisien de soutien de l’administration centrale (53.000 agents). En outre, le Plan égalité professionnelle entre les femmes et les hommes civils, signé le 14 décembre 2020 par la ministre des Armées et les organisations syndicales, concerne les 62.500 agents civils du ministère. Enfin, depuis 2017, une circulaire du Premier ministre exclut l’usage, au sein du gouvernement et des armées, de l’écriture « inclusive » consistant à tout mettre au masculin et au féminin. Evolutions et résistances. Outre les cantinières, le débat sur la place des femmes dans les armées a commencé sous la Révolution, rappelle Camille Boutron. La professionnalisation, décidée en 1996 et effective en 2002, joue un rôle majeur dans l’égalité professionnelle. En 2000, une résolution de l’ONU porte sur la mise en place d’un programme visant à une plus grande participation des femmes dans les armées et dans les opérations de sécurité. Au cours des conflits, la frontière s’estompe entre combattants et non-combattants avec une participation accrue des femmes aux combats, notamment celles parties rejoindre
Daech après 2014. En Inde, les femmes ont obtenu l’accès au rang d’officier dans l’armée de Terre, décision politique pourtant contestée par son chef d’état-major auprès de la Cour suprême. Par ailleurs, la gestion de la vie de famille dévolue aux femmes, reflet de la société en général, freine, par autocensure ou culpabilisation, leur accès à certaines spécialités. Le choix d’une carrière s’avère complexe dans les armées, faute de modèle féminin dans ce monde d’hommes, où perdure l’idée de ne pas mettre les femmes en danger. Pourtant depuis 2012, elles se trouvent en opération en Afghanistan. Des unités féminines américaines y ont été constituées pour le renseignement et des groupes féminins suédois pour les actions civilo-militaires. Au sein des forces spéciales, les femmes se montrent aussi performantes mais plus à l’aise entre elles que dans des unités mixtes. Ouverture et fidélisation. A part la Légion étrangère, toutes les spécialités militaires sont ouvertes aux femmes, rappelle Nathalie Tournyol du Clos. Les barèmes des épreuves physiques sont en cours de réexamen pour les femmes, car la force n’intervient plus dans le domaine numérique, par exemple dans le cyber, pour contrer les attaques des hôpitaux militaires, ou la technologie du combat collaboratif Scorpion. Les jeunes filles performantes dans les écoles techniques sont recrutées comme sous-officiers mécaniciens dans l’armée de l’Air et de l’Espace. En revanche, elles ne constituent que 20 % des effectifs du niveau ingénieur dans l’Ecole de l’Air ou l’Ecole navale. En moyenne, les femmes restent dix ans de moins que les hommes dans les armées. La fidélisation repose sur les sous-officiers et les jeunes lieutenants pour pallier les démissions de soldats dans l’armée de Terre, fréquentes pendant les premiers mois. L’incitation financière fonctionne pour les spécialités pointues. Quant aux carrières courtes sous contrat, les femmes restent en moyenne 4 ans de moins que les hommes parmi les sous- officiers et 2 ans de moins chez les officiers. Elles sont donc encouragées à préparer le concours de l’Ecole de guerre, afin de pouvoir rester plus longtemps. Il faut en effet 20 ans pour atteindre le grade de colonel et 30 ans pour celui d’officier général. Comme 60 % des femmes militaires vivent en couple avec un militaire, la Direction des ressources humaines de chaque armée doit gérer au mieux leurs carrières et affectations respectives. Opérations et vie privée. En 1946, le général de Gaulle a accordé le droit de vote et le statut militaire aux femmes, souligne le capitaine Buchet. La première femme pilote de chasse a reçu la croix de Guerre 1939-1945 et a été faite officier de la Légion d’honneur. Cette spécialité ne requiert pas une force physique
exceptionnelle. La légitimité des femmes va de pair avec leur ambition. Quant au sexisme, il tend actuellement à la culpabilité générale des hommes. La différence entre interdiction et manque de respect ne s’applique pas spécifiquement aux femmes. Tout dépend du chef, qui règle une situation problématique ou l’élude quand il comprend mal certains comportements. La garde des enfants nécessite une disponibilité peu compatible avec les missions de plusieurs mois en opération, mais palliée par une bonne solde en France. Dans les pays anglo-saxons, les mères célibataires confient leurs enfants aux voisins. Enfin, la perte de deux femmes pilotes de chasse n’apparaît pas plus tragique que celle de pilotes masculins. Loïc Salmon Avec 33.000 femmes, soit 16,1 % de ses effectifs, les forces armées françaises se trouvent en 4ème position derrière celles d’Israël (33 %), de la Hongrie (20 %) et des Etats-Unis (18 %). Parmi les 20.000 jeunes recrutés chaque année, les femmes représentent 17,2 % des militaires et 41,3 % des civils. Au niveau officier, elles ont pu intégrer l’Ecole de l’air en 1977, l’Ecole spéciale militaire de Saint- Cyr en 1983 et l’Ecole navale en 1993. Elles représentent 9,8 % des officiers généraux et 41,3 % des postes civils en 2020. Le taux de féminisation du ministère des Armées se monte à 21 %, ainsi réparti : Service de santé des armées, 61,2 % ; Secrétariat pour l’administration, 30,9% ; armée de l’Air, 23,6 % ; Marine nationale, 14,8 % ; armée de Terre, 10,7 % ; Délégation générale pour l’armement, 46,2 %. Défense : le « plan mixité » pour la performance opérationnelle Harcèlement dans les armées : « Thémis » libère la parole Femmes dans les armées : la réussite devient possible
Service de santé : médecine de guerre, efficacité maximale Dans le face à face des blessés, qui souffrent, et du personnel, qui soigne et console, il s’agit d’équilibrer évacuation et prise en charge thérapeutique. Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 26 septembre 2019 à Paris, par l’ordre de la Libération. Y sont intervenus : le médecin général inspecteur (2S) Raymond Wey ; le médecin chef Marc Puidupin ; le médecin général (2S) Chantal Roche. Un siècle d’évolution. Au début de la première guerre mondiale, les erreurs tactiques entraînent des hécatombes de morts et de blessés qui font prendre conscience de la nécessité d’un soutien médical opérationnel, rappelle le médecin général Wey. En 1917, le député et médecin major de réserve Chassaing imagine un avion de transport sanitaire pour deux blessés couchés. Une vingtaine d’avons sanitaires sont envoyés au Maroc en 1918 à la demande du général Lyautey, résident général. Ils s’ajoutent aux évacuations par route et chemin de fer vers l’hôpital Marie Feuillet à Rabat. Quelques 7.000 évacuations sanitaires sont
effectuées au Maroc et au Levant entre 1920 et 1938. Dans les années 1930, les techniques d’anesthésie au penthotal, de réanimation et de conservation du sang pendant 10 jours sont mises au point. La lyophilisation du plasma sanguin est réalisée en 1940. Les services de santé des différentes armées totalisent 20.000 médecins, 4.000 pharmaciens et 100.000 infirmiers pendant la seconde guerre mondiale. En 1944, les Etats-Unis fournissent des trousses de soins contenant des sachets de morphine et de sulfamides antibactériens. Des stocks de sang sont envoyés au front. Lors de la guerre d’Indochine (1945-1954), les personnels médicaux partagent les risques et l’isolement des soldats. Grâce aux évacuations aériennes (avions et hélicoptères), les antennes chirurgicales mobiles permettent de stabiliser les fonctions vitales des blessés. Pendant la guerre froide, les services de santé s’adaptent à un conflit en Centre-Europe, selon le schéma OTAN pour le sauvetage élémentaire de combat, le triage et l’évacuation sanitaire. Les ressources techniques suffisent pour traiter les blessés et les polytraumatisés. Après la chute du mur de Berlin (1989), les opérations extérieures (Opex) nécessitent une médicalisation la plus précoce possible au moyen de plates- formes adaptées. En 1996, celle-ci devient interarmées et doit égaler en qualité les hôpitaux publics. Elle inclut la réinsertion des blessés dans la société. La « mort évitable ». Les guerres évoluent vers des conflits hybrides incluant guerre conventionnelle, guerre irrégulière, actions terroristes et criminelles, auxquelles se superposent la cyberguerre, indique le médecin chef Puidupin. Les études épidémiologiques des blessures de guerre permettent de mieux connaître leurs spécificités et d’évaluer leurs traitements. La prise en charge des blessés repose sur le concept de « mort évitable » grâce au sauvetage au combat, à savoir la médicalisation au plus près, et la maîtrise des dégâts (« damage control » en anglais) par la chirurgie et la réanimation de l’avant. Selon une étude des blessés de guerre en Afghanistan réalisée en 2015, 51,6 % d’entre eux souffrent d’au moins deux atteintes lésionnelles. Ainsi, les blessures concernent : la tête et le cou dans 55 % des cas ; les membres supérieurs, 48 % ; les membres inférieurs, 42 % ; le thorax, 21 % ; l’abdomen, 12 %. La mort par hémorragie, suffocation des poumons ou infection peut être évitée, à condition d’intervenir à temps. Selon la gravité des blessures, 1/5 des décès reste inévitable, le sauvetage au combat en évite 1/5 et 3/5 des blessures ne présentent pas une gravité immédiate. Une blessure au crâne ou au tronc entraîne la mort immédiate dans 42 % des cas et dans les 5 minutes dans 25 %. Environ 15-20 % des décès précoces peuvent être évités par une structure de soins accessible dans les 30 minutes. Toutefois, des
décès par suite de blessures, peuvent survenir entre 2 heures et 1 semaine après un traitement médical. D’après une étude américaine, le taux de mortalité hospitalière est passé de 25 % pendant la guerre du Viêt Nam (terminée en 1975) à celles d’Irak (2003) et d’Afghanistan (2014), grâce à la protection balistique du combattant, le sauvetage au combat et la chirurgie précoce. Tout combattant concourt à la mise en condition de survie des blessés selon un standard de soins du sauvetage de combat. Celui-ci se décline en trois niveaux successifs : gestes salvateurs compatibles avec l’exposition au feu par tous les soldats ; gestes complémentaires adaptés au contexte tactique par les auxiliaires sanitaires ; gestes de réanimation de l’avant par les médecins et infirmiers. La chirurgie de sauvetage écourtée se concentre sur le contrôle de l’hémorragie et de l’infection, prévoyant d’emblée une chirurgie secondaire pour le traitement définitif. Parallèlement, une réanimation intensive vise à rétablir la physiologie en corrigeant les troubles de coagulation sanguine et l’anémie, l’hypothermie et l’acidose (trouble de l’équilibre acido-basique dans le sang). En cas de rapatriement sanitaire, la réanimation se poursuit pendant le vol à bord d’un avion C-135 équipé du système « Morphée » (module de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation). La durée d’évacuation vers les Etats- Unis est passée de 45 jours pendant la guerre du Viêt Nam à 36 heures pendant le conflit en Irak et, vers la France, à 24 heures pendant celui en Afghanistan. En 2019, il s’écoule en moyenne 35 heures entre le moment où un soldat est blessé en Opex et son arrivée à un hôpital militaire en France. L’accompagnement du blessé jusqu’à l’autonomie dure en moyenne de 2 à 6 mois pour la rééducation, jusqu’à 1 an pour la réadaptation et jusqu’à 2 ans pour la réinsertion. La place des femmes. Service le plus féminisé du ministère des Armées, le SSA compte 60 % de femmes, souligne le médecin général Roche. Lors de la première guerre mondiale, elles n’étaient qu’infirmières, aujourd’hui, elles sont surtout médecins. Exercice de toutes les facettes de l’art médical, la médecine militaire combine les fonctions de soignant et de militaire, avec les mêmes valeurs d’engagement de disponibilité. Les femmes militaires mènent leur existence, professionnelle et privée, avec le paradoxe de donner la vie mais aussi la mort. Alors qu’elles représentaient 20 % des membres de la Résistance, leur engagement n’a guère été valorisé pendant le second conflit mondial. En 2019, les officiers généraux ne comptent dans leurs rangs que 3 femmes dans l’armée de Terre, 2 dans l’armée de l’Air et 1 dans la Marine.
Loïc Salmon Au sein de ses 1.038 compagnons, l’ordre de la Libération compte 26 médecins, dont 21 militaires. Parmi ces deniers, 13 sont morts pour la France entre 1939 et 1954, pendant la seconde guerre mondiale et celle d’Indochine. Parmi les compagnons, 300 ont été blessés, dont 100 amputés. L’ordre ne compte que 6 femmes. Selon le médecin général Roche, les femmes constituent la moitié des 14.760 personnels dédiés à la prise en charge médico-chirurgicale des armées et de la Gendarmerie. Les militaires, qui représentent 70 % du total, se répartissent ainsi : 1.927 médecins ; 4.765 paramédicaux (22 professions différentes) ; 68 vétérinaires ; 43 chirurgiens-dentistes ; 2.997 réservistes. Service de santé des armées : garantir aux blessés les meilleures chances de survie Service de santé : renforcement des capacités biomédicales Défense : les blessés et les jeunes du SNU à l’honneur Défense : le « plan mixité » pour la performance opérationnelle
Donner envie aux femmes de rejoindre les armées, fidéliser celles qui y sont et lever les appréhensions des candidates potentielles par une meilleure image. Tels sont les objectifs du « plan mixité », présenté à la presse, le 7 mars 2019 à Paris, par la ministre des Armées, Florence Parly, accompagnée de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées, du général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, du vice-amiral d’escadre Stanislas Goulez de la Motte, major général de la Marine nationale et du général de corps aérien Alain Ferran, directeur des ressources humaines de l’armée de l’Air (photo). L’égalité. Il ne s’agit pas d’un plan de la féminisation des armées, souligne Florence Parly. : « Il n’y aura pas de discrimination positive, il n’y aura pas de passe-droit. La sécurité des Français est en effet notre priorité absolue, l’outil militaire, c’est notre assurance-vie. (…) Chaque poste sera donc attribué au regard des compétences et des mérites. » Dans la société civile, explique-t-elle, la réussite professionnelle d’une femme dépend de la bienveillance de son supérieur… et de son compagnon. Dans les armées, le taux « d’évaporation » des effectifs est plus rapide chez les femmes, en raison de la difficile conciliation entre les vies professionnelle et familiale. Par ailleurs, les femmes peuvent désormais accéder à toutes les spécialités militaires. En 2018, un équipage de quatre femmes a été validé sur un sous-marin lanceur d’engins. En outre, les futurs sous-marins d’attaque Barracuda sont aménagés pour l’accueil de femmes
dans un espace plus confiné. Une adaptation des critères physiques généraux fait l’objet d’une réflexion. Toutefois, certaines situations de combat exigent les mêmes aptitudes physiques pour la sécurité du groupe, précise Florence Parly. Le pragmatisme. Le plan mixité se décline en 22 mesures concrètes, dont 6 dites « phares ». La 1ère diversifie les profils dans les corps d’officiers, en élargissant le recrutement sous contrat et sur titre universitaire, au sein des grandes écoles militaires, à des profils non scientifiques. La 2ème assouplit la gestion pour l’accès aux grades et aux responsabilités afin de conserver les droits à l’avancement, lors d’un congé parental ou pour élever un enfant, dans la limite de cinq ans au cours de la carrière. La 3ème développe le « mentorat » pour tous, par des accompagnateurs hors hiérarchie, volontaires et expérimentés, pour les aider à construire leur carrière. La 4ème assouplit les conditions d’accès aux examens et concours, notamment à l’Ecole de guerre, pour les officiers sous contrat ou pour les candidats ayant acquis des compétences dans le civil lors d’une disponibilité. La 5ème généralise la mise en place de « référents mixité », qui assurent un rôle de prévention, conseil et appui au commandement. La 6ème renforce la féminisation du haut encadrement militaire, à savoir 10 % de femmes/an parmi les lauréats du concours de l’Ecole de guerre d’ici à 2025 et 10 % de femmes parmi les officiers généraux d’ici à 2022. La féminisation en 2018. Les armées emploient 32.02 femmes militaires, soit 15,5 % des effectifs. Elles constituent 8 % des militaires déployés en opérations extérieures et 38 % des personnels civils. Elles représentent 15 % des officiers, 18 % des sous-officiers et 13 % des militaires du rang. L’armée de Terre emploie 10 % de femmes, la Marine 14 %, l’armée de l’Air 23 %, le Services des essences 30 % et le Service de santé 58 %, dont 40 % de médecins. Loïc Salmon Femmes dans les armées : la réussite devient possible Défense : le « plan famille » de fidélisation des militaires Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain
Armée de l’Air : anticipation, audace et créativité Les capacités de décider et de gérer l’aléatoire entrent dans la formation des cadres de l’armée de l’Air, qui devra créer compétences et scénarios pour les missions du futur, plus complexes. Ces questions ont fait l’objet du colloque qu’elle a organisé le 29 novembre 2018 à Paris. Y sont notamment intervenus : le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général d’armée aérienne Philippe Lavigne ; Olivier Zadec, maître de conférences, université Lyon 3 « Jean Moulin » ; le général de brigade aérienne Frédéric Parisot, sous-chef d’état-major « préparation de l’avenir » ; le lieutenant- colonel Anne-Laure Michel, directrice générale de la formation militaire à l’Ecole de l’air de Salon-de-Provence (photo).
Projets structurants 2019-2025. Dans le document « Plan de vol » de l’armée de l’Air présenté lors du colloque, le CEMAA avertit que l’emploi de la puissance aérienne pourrait se trouver, à terme, entravée par la contestation croissante du milieu aérien. Cela résulte du durcissement de la dynamique des Etats puissances (Russie et Chine) et des organisations non étatiques ainsi que de la fragilisation des mécanismes de régulation internationaux. Le « Plan de vol » s’inscrit dans la remontée en puissance de l’armée de l’Air, initiée par la loi de programmation militaire 2019-2025. Il doit lui permettre de garder un temps d’avance et de conserver à la France une position forte sur la scène internationale. L’armée de l’Air assure en permanence la maîtrise du domaine aérien et spatial ainsi que la composante aérienne de la dissuasion nucléaire, avec la Marine nationale. Ses modes d’action vont du recueil de renseignement au déploiement de forces terrestres et de la destruction des moyens militaires adverses aux missions humanitaires. La puissance permet de conserver l’avantage en opération, souligne le CEMAA. Elle se combine avec une « agilité », accrue notamment par : l’avion de ravitaillement en vol et de transport stratégique Phénix ; le commandement des opérations aériennes « JFAC France » dans le cadre de l’OTAN ; les opérations spatiales ; le Rafale au standard F3-R, équipé du missile air-air longue portée Meteor, de la nacelle de désignation d’objectif Talios et de la version à guidage terminal laser de l’armement air-sol modulaire, adapté aux cibles mobiles ; le drone Reaper armé ; les capacités de lutte contre le déni d’accès à un théâtre ; la modernisation de la composante nucléaire aéroportée ; le système franco-allemand de combat aérien futur. Lors d’une rencontre avec la presse, le CEMAA a indiqué que l’avion de transport tactique A400M est en train d’acquérir les capacités d’atterrissage sur terrain sommaire et de largage de parachutistes par la porte arrière (ouverture commandée) et par les portes latérales (ouverture automatique). En outre, le ravitaillement en vol d’hélicoptères, qui leur permettra d’aller plus loin dans la profondeur, évitera d’installer des plots de ravitaillement au sol. Il réduira d’autant « l’empreinte au sol » des forces spéciales, qui imaginent l’usage de certains équipements pour répondre aux menaces existantes ou futures. Par ailleurs, « agilité » et « audace » induisent le décloisonnement des organisations et le recours aux « Big data » (mégadonnées), à l’intelligence artificielle (IA, transformation numérique) et à la connectivité. Sont ainsi concernés : le combat aérien ; la capacité de l’hélicoptère lourd ; l’action aérienne de l’Etat ; le Rafale au futur standard F4, successeur du F3-R à partir de 2025, équipé d’un système de reconnaissance capable de trier en direct les éléments d’intérêt militaire ; l’avion léger de surveillance et de
reconnaissance ; la capacité universelle de guerre électronique, à savoir trois avions de renseignement stratégique livrables entre 2025 et 2027. Enfin, la coopération en interalliés porte sur l’interopérabilité entre les armées de l’Air française, américaine et britannique ainsi que sur l’installation d’un escadron de transport franco-allemand de six Hercules C-130J à la base d’Evreux. Complexité et accélération. La complexité politique d’un conflit, consécutive à la culture et à l’Histoire, s’inscrit dans le temps long, explique Olivier Zadec. Elle inclut le temps réel des opérations, avec des lignes de réaction politiques à prévoir. Il s’agit de trouver l’équilibre entre le temps prévisible et le temps imprévu. La transformation de très nombreuses données en connaissance entre dans l’accélération de la boucle décisionnelle, en vue de réduire l’adversaire. L’OTAN a fabriqué de l’interopérabilité mais laisse l’indispensable autonomie de décision. Or la réactivité se vit au quotidien avec une action sur court préavis, rappelle le général Parisot. Les frappes en coalition se décident en quelques heures. Les avions peuvent décoller entre 2 et 7 minutes, avec la capacité de rappel pour un raid limité au résultat le plus significatif. La réussite de la mission rend impératif le recours à l’innovation technologique. L’IA prépare les informations utiles, complétées par celles de l’état-major, et présente des options au chef, qui décidera en toute connaissance de cause. Ainsi, au Levant, indique le général Parisot, média et réseaux sociaux influencent le rythme des opérations. En effet, une mission peut être interrompue à la suite d’une information, dont la vérification fera perdre du temps. Seul un modèle d’armée complet permet de trouver une place dans une coalition, mener une action autonome et disposer d’une certaine masse pour rester longtemps sur plusieurs théâtres et affronter une menace nouvelle, souligne le général. Enfin, le maintien de la supériorité opérationnelle, par l’innovation technologique, répond à l’ambition de pouvoir, en permanence, entrer en premier sur un théâtre, capacité des seules forces armées américaine, britannique et française. Loïc Salmon Le taux de féminisation dépasse 20 % dans l’armée de l’Air et dans son Ecole de Salon-de-Provence. Quoique toutes les spécialités soient ouvertes aux femmes, faute de volontaires aux aptitudes suffisantes, elles ne sont que 12 pilotes de chasse, dont le lieutenant-colonel Anne-Laure Michel. Selon elle, les élèves de l’Ecole de l’air, âgés de 18 à 30 ans, ultra-connectés car nés à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, s’adaptent vite à la formation scientifique et technique
dispensée. Une « smart school » ou formation à la carte, via la communication par internet, est en cours ainsi que des licences d’excellence sur le cyber, l’espace et les drones. Tout au long de sa carrière, un officier pourra accéder à son « passeport numérique de compétences ». La préparation au commandement consiste à faire prendre conscience de l’engagement en alliant compétences et qualités humaines pour obtenir l’adhésion des équipiers. Par exemple, lors de l’opération « Pamir » en Afghanistan (2001-2014), une mission de 6 heures, avec ravitaillements en vol dans un environnement hostile avec tirs possibles de missiles sol-air, était toujours dirigée par un « leader » apportant précision et audace. L’incertitude fait partie du métier de pilote de chasse, qui doit prendre la bonne décision au bon moment pour remplir sa mission. Les exercices interalliés permettent d’élaborer des méthodes communes par un travail « collaboratif », en vue d’une opération ultérieure en coalition. Armée de l’Air : l’humain, les opérations et la modernisation Armée de l’Air : le combat numérique au cœur des opérations Femmes dans les armées : la réussite devient possible
La carrière des femmes militaires dépend de leur compétence, clé du commandement qui est respecté même si une femme l’exerce. Leur réussite inclut leur épanouissement familial. Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 8 mars 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus : la générale de division Isabelle Guion de Meritens, commandant l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale ; la lieutenante-colonelle Catherine Busch, commandant le 2ème bataillon de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr ; Claude Weber, maître de conférences en sociologie aux écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan ; Nathalie Legrand, consultante à Abonea Coaching. Cœur, passion et raison. Mariée à un collègue et mère de famille, passée par Saint-Cyr et 1ère femme officier affectée à la Gendarmerie mobile, la générale Guion de Meritens a construit sa carrière au ministère de la Défense puis à celui de l’Intérieur depuis 2009. Elle se définit comme un chef militaire qui exerce un métier de service public, qui a connu une aventure opérationnelle en métropole et outre-mer et qui doit gérer des ressources matérielles et humaines. Cela nécessite de travailler beaucoup et de réussir dans les postes opérationnels, qui vont notamment du commandement de 400 gendarmes dans un quartier urbain à l’interpellation à 6 h du matin, l’arme au poing, et à une action de force contre des sans-papiers. En tant que chef, elle exclut tout féminisme et se sent
responsable de l’épanouissement de ses subordonnés, hommes et femmes. Elle a vécu l’adaptation de l’institution à l’arrivée des femmes, qui perturbait les gendarmes… et leurs épouses ! Aujourd’hui, l’égalité professionnelle et l’équité sont de mise. Les femmes ont accès à tous les métiers, y compris, pour les sous- officiers, dans la Gendarmerie mobile auparavant réservée aux officiers féminins. Totalisant 19 % des 100.000 personnels de la Gendarmerie, les femmes constituent 13 % des sous-officiers et 7 % des officiers. Ces dernières sont issues des écoles militaires, du corps des sous-officiers ou directement du monde civil. Depuis 2002, la Gendarmerie recrute en effet au niveau universitaire 25 à 30 candidats par an, dont la moitié de femmes qu’il s’agit ensuite de « fidéliser ». Satisfaites de leur parcours, celles-ci recherchent un équilibre en matière de disponibilité, car l’ambition professionnelle s’use au profit de la vie de famille. Les femmes célibataires et sans enfant représentent 41 % des officiers et les hommes 13 %. Le succès, conclut la générale, repose sur la continuité dans l’action, l’implication des hommes, la communication et la poursuite d’une politique facilitant les carrières des deux sexes et pas seulement celles de femmes. Symbole, alibi, hors de l’ordinaire. Le choix de Saint-Cyr correspond à celui d’une carrière militaire longue et à celui de commander, rappelle la lieutenante- colonelle Busch. Le contexte politique actuel de discrimination positive a pesé dans sa désignation à la tête du 2ème bataillon de Saint-Cyr, reconnaît-elle en précisant que ses compétences ont été validées pour le poste. L’institution a placé la femme qu’il faut là où ça va moins bien. Mais mener une carrière militaire en même temps que des vies de femme et de famille reste un choix difficile et implique des sacrifices à consentir. Beaucoup de femmes y renoncent, surtout parmi les sous-officiers. Même si l’institution essaie de faire les choses bien, la maternité n’est guère compatible avec les temps de commandement. La tentation est grande d’utiliser les femmes pour illustrer la politique menée. Celles-ci doivent rester vigilantes pour ne pas se trouver entraînées à des responsabilités non souhaitées et à exposition médiatique trop élevée. Parfois, il faut savoir dire « non », afin de préserver sa famille et ne pas s’autocensurer dans la volonté de maternité, souligne la lieutenante-colonelle. Enceinte de son 2ème enfant lorsqu’elle a préparé le concours de l’Ecole de guerre, période lourde à gérer, elle a accepté le risque d’échouer. Son accouchement a eu lieu entre les épreuves écrites (août) et orales (octobre). Lors d’une affectation à un poste sensible, elle recommande aussi de se méfier du perfectionnisme, pression personnelle supplémentaire. Enfin, elle rend hommage à… la compréhension de son mari !
Le monde civil. Nathalie Legrand a vécu une première carrière de « trader » dans la bourse où les décisions, toujours rapides, font gagner, ou perdre, beaucoup d’argent. Elle n’entrevoit guère de parité avant une dizaine d’années dans les hautes fonctions des entreprises privées, où les femmes représentent aujourd’hui 33 % des cadres supérieurs et 20 % des dirigeants. Quoique majoritaires parmi les diplômés de l’enseignement supérieur (55%), celles-ci voient leur carrière freinée par différents facteurs : efficacité des réseaux masculins ; insuffisance de mentors pour les former et de « sponsors » pour les tirer vers le haut ; manque de confiance en elles pour poser leur candidature à un poste à responsabilité ; doute sur leur légitimité. S’y ajoutent : la maternité, qui les exclut pendant quelques mois du monde de l’entreprise en évolution permanente ; la culpabilité vis-à-vis du conjoint et des enfants. Alors que les hommes demandent la reconnaissance de leurs compétences, les femmes l’attendent. Toutefois, selon un rapport (2011) du cabinet d’audit Mc Kinsey, les entreprises dont le comité exécutif compte le plus de femmes obtiennent un taux de rendement financier supérieur de 41 % à celles dont l’équipe dirigeante est exclusivement masculine. Les réseaux féminins se renforcent, dont Ladies First, Elles@Coke, Financi’elles et Grandes Ecoles au Féminin. Nathalie Legrand conseille aux femmes d’oser ! Constat et pistes possibles. La culture militaire aboutit à une division sexuelle des tâches découlant du combat, finalité des armées, estime Claude Weber. Les hommes ont tendance à voir la femme avant le soldat et plutôt de façon négative ou bien de considérer la femme militaire en décalage par rapport aux autres femmes de la société civile. Les femmes réagissent par la discrétion, l’évitement ou la lutte, facteurs perturbateurs de la cohésion qui devrait reposer sur la complémentarité et non sur l’identité. Claude Weber recommande : de développer les études sur les catégories de métiers, les opérations extérieures et les effets générationnels ; tenir compte des expériences d’autres pays ; observer la société civile et les autres professions ; inclure les hommes dans les réflexions. Loïc Salmon Femmes dans les armées : discrétion, mais besoin d’équité Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain Exposition photographique itinérante « Femmes de la défense »
Selon le ministère de la Défense, les armées comptent environ 60.000 femmes (plus de 15 % des effectifs en 2015), soit deux fois plus qu’en 1995. Les femmes représentent 58 % des effectifs du Service de santé, 29 % de ceux du commissariat, 22 % de ceux de l’armée de l’Air, 14 % de ceux de la Marine nationale et 10 % de ceux de l’armée de Terre. Très nombreuses dans les ressources humaines (48 %), elles le sont beaucoup moins dans les activités opérationnelles (3 %), quoique 1.500 soient actuellement déployées sur les théâtres extérieurs. En 2016, tous services et armées confondus, les officiers généraux comptaient 30 femmes dans leurs rangs. En 2017, 5 autres devraient les rejoindre, en vue d’un objectif de 7 % en 2019. Femmes dans les armées : discrétion, mais besoin d’équité
Les jeunes femmes qui s’engagent dans les armées y recherchent des valeurs. Les contraintes du métier militaire, quoique plus lourdes pour elles, ne les empêchent guère d’y faire leurs preuves comme leurs collègues masculins. Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 8 mars 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus : le général de brigade Christophe Abad, Direction des ressources humaines de l’armée de terre ; le médecin-chef Nathalie Koulmann, chef du département environnements opérationnels de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) ; le médecin-chef Marion Trousselard, chef de l’unité de neurophysiologie du stress (IRBA). Vivier indispensable. La féminisation ne fait plus partie des priorités du haut commandement. En 15 ans, les femmes ont accédé à tous les domaines des armées de Terre occidentales, selon leurs envies, talents et potentiel, rappelle le général Abad. Sans elles, les forces terrestres françaises n’auraient pu réaliser leur montée en puissance depuis 2015. Elles recrutent 15.000 personnels en moyenne par an parmi un vivier d’un million de Français intéressés, âgés de 17,5
à 30 ans avec les niveaux physique et de formation suffisants pour passer les tests d’aptitude. Pour les jeunes en manque de repères, l’armée de Terre présente une valeur refuge avec la possibilité d’y progresser selon leurs qualités propres. L’égalité de traitement reste fondamentale parmi les officiers, sous-officiers et militaires du rang. Toutefois, souligne le général, la discrimination positive n’existe pas : le parcours professionnel se construit par les examens, concours et formations. Etre militaire implique les mêmes compensations et sujétions pour les hommes et les femmes. Référencée dans chaque unité, la mixité fait l’objet d’une sensibilisation, dès la formation initiale des officiers à Saint-Cyr, et d’une définition précisée dans la doctrine du commandement dans l’armée de Terre. Il s’agit ensuite de « fidéliser » les femmes, afin de conserver le maximum de compétences acquises au cours de leurs années de service. Ainsi, une élève de la première génération mixte de saint-cyriens sera prochainement promue colonelle. L’efficacité opérationnelle va de pair avec un projet d’épanouissement individuel. Or, peu de femmes se sentent attirées par les systèmes de combat de l’armée de Terre, où l’exigence physique, la rusticité et la grande promiscuité de la vie en opérations sont plus fortes que dans les autres spécialités (encadré). Par ailleurs, la disponibilité permanente demeure difficilement compatible avec la vie de famille. Chaque promotion de Saint-Cyr voit ses effectifs diminuer après 15 ans de service : 30 % chez les hommes et … 66 % parmi les femmes ! Aptitude au combat. La compétence à exercer le métier, pour lequel un(e) candidat(e) a été recruté(e) s’appuie sur des données objectives liées au sexe, souligne le médecin-chef Nathalie Koulmann. Plus petite de 8 % en moyenne que l’homme, la femme présente une composition corporelle, une longueur relative des membres et un développement de la cage thoracique différents, qui ont des impacts sur les tâches à accomplir. Ainsi, par rapport à un homme de référence de 1,74 m et de 73 kg, une femme de référence de 1,64 m et de 57 kg présente une masse du cœur de 256 g contre 349 g et un volume des poumons de 4,25 l contre 5,70 l. Cette moindre capacité de transport d’oxygène s’accompagne d’un taux d’hémoglobine moyen inférieur de 10 % et de réserves en fer souvent limitées. Mais sa capacité à brûler plus de graisse, supérieure de 10 %, lui donne un avantage pour les exercices de très longue durée. Les tâches militaires, complexes, intègrent plus ou moins des aptitudes physiques élémentaires : force musculaire et agilité, endurance musculaire et équilibre dynamique, aptitude aérobie avec coordination et puissance, flexibilité avec temps de réaction et vitesse. Quoique la force soit déterminante dans certaines activités, la femme la
plus forte l’emportera toujours sur l’homme le plus faible. Mais désavantagées pour le port de charges lourdes, les femmes réussissent très rarement la totalité des tests physiques. Malgré une masse grasse plus élevée et un débit sudoral plus faible, elles présentent une tolérance à la chaleur presque similaire. Elles résistent aussi bien aux contraintes aéronautiques avec un « pantalon anti-G » adapté à leur morphologie. Pour les exercices de faible intensité, elles se fatiguent moins vite et récupèrent plus vite. En plongée, leur autonomie est supérieure, car elles consomment moins d’air, comme en témoignent deux femmes plongeurs-démineurs et une nageuse de combat ! Le risque de fracture de fatigue (sur-utilisation des os) lors des marches avec une charge lourde, quoique 2 à 6 fois plus élevé chez la femme, se réduit de 95 % en modifiant la fréquence des pas. Une doctrine d’aptitude physique minimale à certains postes, sans barème différentiel par sexe, reste à définir. Environnement opérationnel. Les neurosciences permettent de comprendre les processus mentaux de perception, d’action, d’apprentissage et de mémorisation, explique le médecin-chef Marion Trousselard. Elles trouvent des applications militaires : prise en charge des blessés et des soins de l’avant ; amélioration de la sélection, de la formation et de l’entraînement ; organisation optimale de la préparation des opérations et de leur gestion. Tous les militaires connaissent le stress, réponse comportementale, émotionnelle, cognitive et physiologique face à un événement grave. Des études (2007) démontrent : la supériorité des hommes en capacité et vitesse de traitement de l’information ; la supériorité des femmes pour la capacité d’attention, la mémoire des mots et des visages ainsi qu’aux tests d’intelligence sociale. Le risque de dépression s’accroît lors des missions orbitales, des patrouilles sous-marines et de l’hivernage polaire, auxquels des femmes ont participé. Celles-ci embarquent déjà sur les sous-marins, notamment en Suède depuis 1989, en Australie (1998), au Canada (2001) et aux Etats-Unis (2010). En France, la féminisation a été décidée en 2006 sur les futurs sous- marins nucléaires d’attaque Barracuda dont le 1er entrera en service fin 2018. La formation de 3 femmes officiers, dont 1 médecin, a commencé en 2015, en vue d’un embarquement sur un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en 2017. Loïc Salmon Femmes dans les armées : promotion par la compétence et soutien contre le harcèlement
Lieutenants en Afghanistan, retour d’expérience Selon le ministère de la Défense, l’encadrement dans l’armée de Terre se répartissait ainsi en 2015 : officiers de carrière (Saint-Cyr), 49,9 % de femmes pour 80,1 % d’hommes ; officiers sous contrat, 51,1 % de femmes pour 19,9 % d’hommes ; sous-officiers de carrière (Ecole de Saint-Maixent), 54,7 % de femmes pour 52,1 % d’hommes ; sous-officiers sous contrat, 45,3 % de femmes pour 47,9 % d’hommes. La part des femmes par spécialité se montait à : 0,5 % dans l’arme blindée ; 0,5 % dans l’infanterie ; 2,3 % dans le génie ; 3,8 % dans l’artillerie ; 5,1 % dans la maintenance ; 26,7 % dans les budget, finances et comptabilité ; 29,7 % dans la santé ; 30,6 % dans la communication ; 42,4 % dans l’administration ; 43,5 % dans la gestion des ressources humaines. L’armée au féminin
Depuis Jeanne d’Arc contre les Anglais (1429-1430) et Jeanne « Hachette » contre les Bourguignons (1472), les femmes continuent de s’illustrer dans les armées françaises. Après les infirmières de la Grande Guerre, elles seront 6.000 à s’engager en 1939, nombreuses dans la Résistance et 13.000 dans l’armée de la Libération en 1944. Pendant la guerre d’Indochine, deux personnalités entrent dans la légende : le médecin pilote d’hélicoptère Valérie André, croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec 7 citations et qui deviendra la première femme officier général ; la convoyeuse de l’air Geneviève de Galard, qui sert comme infirmière dans le camp retranché de Diên Biên Phu. Grande école militaire,
Polytechnique accepte 7 femmes pour la première fois … en 1972. Saint-Cyr Coëtquidan suivra en 1983 et l’École navale en 1992. Mais, dès 1969, la Marine recrute des officiers féminins sur titres universitaires. De 1983 à 1987, 40 femmes embarquent à titre expérimental. La première pilote d’aéronautique navale est brevetée en 1986. La « féminisation » des frégates commence en 1993. Aujourd’hui, environ 200 femmes font partie de l’équipage du porte-avions Charles-de-Gaulle (1.910 marins). Les armées françaises sont devenues les plus féminisées d’Europe avec 15 % de leurs effectifs, mais avec des variantes sensibles. Selon le tableau de bord 2014 sur l’égalité hommes/femmes, la participation féminine se présente ainsi : 3,7 % des effectifs dans l’artillerie, soit 225 postes ; 0,5 % dans l’infanterie (87) ; 2,3 % dans le génie (187) ; 0,5 % dans l’arme blindée (32) ; 6,6 % dans la sécurité (102) ; 5,1 % dans la maintenance (591) ; 6,3 % dans la logistique (482) ; 0,6 % parmi les fusiliers marins (16) ; 4,1 % dans la détection sous-marine (35) ; 2,8 % dans la mécanique navale (80) ; 7,2 % parmi les maintenanciers aéronefs et vecteurs/matériels télécoms (626) de l’armée de l’Air ; 4 % du personnel navigant (112) ; 5,7 % parmi les spécialistes de l’armement (86) ; 5,7 % dans la sécurité incendie (76) ; 6,1 % dans les matériels environnement et mécanique sol (139) ; 4,6 % dans l’infrastructure (68). En revanche, le taux de féminisation du Service de santé des armées atteint 41,23 %, tous services confondus ! Discrétion oblige, ceux des services de renseignement et des forces spéciales réaliseraient des scores importants, même sur le terrain. Une lieutenante-colonelle a même commandé le détachement ALAT des opérations spéciales. Une pilote d’hélicoptères aux 4.500 heures de vol, qui a participé à une dizaine d’opérations extérieures en Afrique et dans les Balkans, a été récompensée pour son comportement au feu : chevalier de la Légion d’Honneur, croix de la Valeur militaire (2 citations) et Médaille de la défense nationale (2 étoiles). Par ailleurs, « L’armée au féminin » présente une galerie de portraits de femmes de tous grades, dont certaines témoignent directement de leur métier avec ses difficultés et ses moments forts. Les plus brillantes ont réussi le concours de l’École de guerre, puis quelques unes ont été désignées pour le Centre des hautes études militaires. En 2015, la vice-amirale Anne Cullerre est devenue sous-chef d’état-major « opérations aéronavales » et l’autorité pour la cyberdéfense de la Marine. Première femme ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, très populaire de surcroît, a pu conserver son portefeuille 5 ans (2002-2007). Loïc Salmon
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