DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH

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DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH
2021
  C B R E R E S E A R C H
  F R A N C E

                            DEMAIN,
                            TOUS AU
                            BUREAU ?

                Télétravail et immobilier :
                les paramètres d’une hybridation
                réussie, pour en finir avec
                les approches simplificatrices
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SOMMAIRE DEMAIN, TOUS AU BUREAU ?

   PAGE 6    TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ?
             UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...

             - Un bond en avant, sans retour en arrière possible
             - La question de la productivité, un faux débat !
             - En route vers l’entreprise distribuée, pas vers l’entreprise sans bureau…

  PAGE 20    LA RÉDUCTION DE L’EMPREINTE IMMOBILIÈRE DE L’ENTREPRISE
             EN TÉLÉTRAVAIL : UNE ÉQUATION COMPLEXE ET MOUVANTE

             - Le nouveau bureau : un centre de ressources et un lieu de destination
             - Télétravail et flex office : un mariage réussi, mais complexe…
             - Des profils de réduction surfacique étroitement liés aux motivations
                sous-tendant le télétravail

  PAGE 36    L’IMPACT DU TÉLÉTRAVAIL SUR LE MARCHÉ IMMOBILIER :
             LA LENTE (R)ÉVOLUTION…

             - Une phase de transition et d’expérimentation qui s’annonce
             - Régions, TPE-PME : un télétravail à périmètre immobilier constant ?
             - Un impact global plus mesuré qu’annoncé et craint
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DEMAIN,
                        TOUS AU BUREAU ?

    PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS

    1. L e télétravail est devenu une réalité incontournable,    4. L e télétravail, allié au flex office, induira-t-il des ré-
        en réponse à la recherche d’optimisation des coûts            ductions de surface significatives ? Tout dépend des
        immobiliers de la part des entreprises, d’un besoin           motivations sous-jacentes des utilisateurs. Il s’agit no-
        fort d’autonomisation et de qualité de vie exprimé            tamment de faire la différence entre les entreprises
        par les salariés. Il représente surtout une nouvelle          en recherche forte de réduction de coûts, au prix
        étape vers l’émergence de l’entreprise distribuée, un         d’une certaine rigidité d’organisation, et les entre-
        nouveau modèle organisationnel plus agile, qui ne             prises cherchant à proposer le cadre d’organisation
        marquera pas la fin de l’immobilier de bureau, mais           du travail le plus performant à leurs salariés. Dans
        l’affirmation d’une hybridation accrue du travail.            le premier cas, le potentiel de réduction surfacique
                                                                      moyen se situe entre - 25 et - 30 % ; dans le 2 ème,
                                                                      entre - 10 et - 15 %. Dans le modèle de l’entreprise
    2. Q
        uasiment tous les emplois de bureau sont télétravail-
                                                                      distribuée (encore très marginal), où le bureau siège
       lables, au moins en partie, à l’échelle d’une année.
                                                                      n’est plus le lieu majoritaire du travail, le gain peut
       Mais notre conviction est qu’il restera une option pro-
                                                                      devenir encore plus important, mais implique de
       posée parmi d’autres, en raison de ses limites (produc-
                                                                      mettre à disposition des salariés un réseau d’es-
       tivité marginale décroissante, risques psycho-sociaux,
                                                                      paces/solutions relais, transférant une partie des be-
       affectio societatis, impact managérial...) et du besoin
                                                                      soins en m² ailleurs.
       persistant d’un immobilier physique comme lieu de
       destination, centre de ressources, d’incarnation et de
       vie du collectif. Actuellement, il se dégage un relatif    5. Q
                                                                      uel pourrait être l’impact de cette première phase
       consensus autour de 2 jours de télétravail / semaine          de développement du télétravail sur le marché des
       (à la fois côté collaborateurs et dirigeants), avec des       bureaux en France ? Nous privilégions l’hypothèse
       modalités d’application variable, d’une entreprise à          d’une lente (r)évolution. Nous sommes actuellement
       l’autre.                                                      dans une phase d’expérimentation test & learn, ren-
                                                                     forcée par une certaine inertie liée à l’échéancier
                                                                     des baux. En outre, les TPE / PME nous paraissent
    3. L e nouveau modèle d’entreprise distribuée et l’hybri-
                                                                     moins en capacité que les grands groupes de déve-
        dation du travail qui en résulte vont accélérer l’ob-
                                                                     lopper des logiques complexes de télétravail et de
        solescence des environnements de travail existants :
                                                                     flex office en vue d’économiser des surfaces. Enfin,
        le bureau, en compétition avec d’autres lieux, va de-
                                                                     l’intérêt du télétravail apparaît fortement lié à la lon-
        voir offrir plus de qualité, de diversité d’espaces, de
                                                                     gueur et à la pénibilité du trajet domicile / bureau
        collaboratif… Parallèlement, les épisodes de confi-
                                                                     pour les salariés, au prix de l’immobilier pour les
        nement ont levé le voile sur une réalité jusqu’alors
                                                                     entreprises : dès lors, nous pensons qu’il aura un
        assez largement occultée : celle de la sous-utilisa-
                                                                     impact moindre en régions qu’en Ile-de-France. Au
        tion structurelle des espaces de bureaux. Dans ce
                                                                     total, nous anticipons une réduction des besoins en
        contexte, le flex office, combiné à l’adoption du télé-
                                                                     m² de -14 à -18  % , étalée sur une période de 5 à 8
        travail, apparaît comme la meilleure solution pour al-
                                                                     ans. Un impact certes loin d’être négligeable, mais
        lier modernisation des aménagements de bureaux et
                                                                     dont l’ampleur et le rythme devraient permettre aux
        gisement d’économies. Développement du télétravail
                                                                     acteurs de l’immobilier d’adapter progressivement
        et accélération du passage au flex office vont donc
                                                                     l’offre de bureaux, d’un point de vue qualitatif, quan-
        aller de pair, non sans une vraie complexité de mise
                                                                     titatif et géographique.
        en œuvre, souvent méconnue.

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ÉDITO

                                                                    Christelle Bastard
                                                                    Directrice, Responsable des études
                                                                    transverses et prospectives,
                                                                    CBRE Research

Les périodes de crise ont ceci de particulier : elles constituent   Or, les révolutions technologiques apparaissent toujours
des opportunités, des moments de plasticité uniques, qui ca-        en avance sur les évolutions sociétales, culturelles, inévita-
talysent, infléchissent, parfois profondément, les tendances.       blement longues, lentes : c’est bien là tout leur pouvoir dis-
L’avènement du digital dans nos vies représente l’innovation        rupteur, déstabilisateur. La révolution managériale dans les
majeure de cette première partie du 21ème siècle. Après             entreprises, notamment, reste en France encore largement à
avoir bousculé nos façons de consommer, de nous divertir,           faire… A ce décalage de phase se superposent la rigidité,
de communiquer, en ouvrant la voie à la personnalisation et         l’immobilité inhérentes aux lieux d’ancrage, et donc à l’im-
à la facilitation, il semblait inéluctable qu’elle réinvente nos    mobilier. Alors oui, rien ne redevient jamais comme avant,
organisations et nos lieux de travail. Les épisodes successifs      mais tout ne va pas pour autant s’en trouver totalement bou-
de confinement n’ont donc qu’accéléré le mouvement vers un          leversé. Le marché des bureaux, notamment, ne sera pas
                                                                    confronté à un brutal assèchement des besoins en m² des
nouveau modèle, un nouveau rapport au travail, en réponse
                                                                    utilisateurs : ce ne sera pas le krach, annoncé et craint par
aux aspirations croissantes de libre choix, de valorisation et
                                                                    certains. La phase d’apprentissage, d’expérimentation du té-
d’équilibre de vie de populations toujours plus éduquées, à
                                                                    létravail qui s’ouvre dans les entreprises constitue ainsi pour
la recherche de sens et de formes renouvelées d’engagement          les acteurs de l’immobilier une véritable opportunité : celle
collectif.                                                          d’approfondir leur réflexion sur les moyens d’adapter l’ou-
                                                                    til immobilier aux nouveaux besoins qui émergent. Bref de
Le développement du télétravail apparaît donc comme une
                                                                    s’engager toujours plus avant dans la révolution de l’usage,
étape : celle vers une hybridation croissante de nos modes
                                                                    qui transforme, les uns après les autres, tous les secteurs de
de travail, qui ira de pair avec de nouveaux modèles organi-
                                                                    l’économie.
sationnels, plus participatifs, adaptables, agiles. Plus déma-
térialisés aussi, mais pas totalement désincarnés : l’humain        S’adapter, évoluer pour perdurer… N’en oublions pas pour
reste avant tout un animal social, et les communautés auront        autant le seul horizon qui vaille : celui de la durabilité, et les
toujours besoin de lieux pour se donner à voir, échanger,           principes de robustesse, de mutualisation et de sobriété qui
créer, bref pour vivre. Comme tout changement, cette hy-            en découlent. Car la liberté de choix qu’offre le télétravail
bridation du travail va susciter des réticences, des tâtonne-       peut devenir un luxe couteux : imaginons l’impact sur le parc
ments d’une part ; des impatiences, des effets de mode de           de logements si demain nous devenions tous bi-résidents….
l’autre. Mais si on ne peut pas aller contre le sens de l’his-      Et la recherche d’optimisation à outrance (de son parc im-
toire, il n’est jamais bon de trop le hâter: les Révolutions,       mobilier, de la présence de ses collaborateurs…) un facteur
lorsqu’elles sont trop brutales, ou prématurées, sont toujours      de complexification des systèmes, donc de lourdeur et de
suivies d’épisodes de Restauration…                                 fragilité des organisations. Les solutions pour naviguer entre
                                                                    tous ces écueils restent aujourd’hui à inventer : si l’histoire est
                                                                    en route, ses chapitres sont encore loin d’être écrits ! C’est ce
                                                                    qui la rend si passionnante…

                                                                                                                        ÉDITO             5
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DEMAIN,
                TOUS AU BUREAU ?

    Télétravail : pour,
    contre, plus, moins ?
    Un débat d’ores
    et déjà dépassé...
    En lui-même, le télétravail n’est ni plus ou moins productif, ni néfaste
    ou bénéfique : en la matière comme en tant d’autres, tout est question
    de dosage, et surtout de modalités de mise en œuvre. Et si comme tout
    changement, il interroge, bouscule, suscite des réticences, le télétravail
    apparaît comme le produit d’un processus inéluctable : celui de la
    digitalisation croissante de nos modes de vie, qui gagne progressivement
    la sphère du travail, ouvrant un nouvel horizon de choix, de liberté
    aux collaborateurs. Car ces derniers aspirent toujours à davantage
    d’autonomie et de qualité de vie : ils voudront donc demain choisir leur
    lieu et leur moment de travail. Mais s’ils se voudront plus libres, les
    travailleurs ne se souhaiteront pas pour autant désengagés, déracinés,
    sans attache : demain, ils auront plus que jamais besoin de trouver du
    sens, une finalité autre que financière à leur travail, de participer à une
    aventure collective et humaine. Pour perdurer, l’entreprise devra donc
    évoluer pour leur proposer un cadre et une organisation en adéquation
    avec ces nouvelles priorités. Ainsi, le développement du télétravail
    n’apparaît que comme une étape vers un nouveau modèle d’entreprise,
    plus souple, agile, adaptable, plus dématérialisée, mais pas totalement
    hors sol. Et l’immeuble de bureau devra demain se réinventer,
    pour pleinement incarner le corps de ce collectif de travail revisité.

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DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH
UN BOND EN AVANT, SANS RETOUR EN ARRIÈRE POSSIBLE

La crise de la Covid a fait soudainement basculer le monde           marqueur de la confiance de l’employeur envers ses équipes.
du travail en mode digital et distanciel, alors que la France        À ce titre, il va rester une demande forte des collaborateurs.
témoignait en la matière d’un retard important. Nombre de            Il sera ainsi difficile, à l’issue de la période actuelle de restric-
salariés, en particulier les cadres et les habitants des grandes     tions sanitaires, de leur demander d’y renoncer totalement.
métropoles, ont pu goûter un certain confort du travail à dis-       Plus généralement, la montée en puissance des probléma-
tance : disparition du temps de transport, autonomie accrue,         tiques RSE dans les grands groupes y a définitivement imposé
décontraction des codes vestimentaires… Certes, ils ont éga-         les questions de bien-être et de santé au travail. Sans compter
lement dû expérimenter les désagréments inhérents à l’impro-         que l’évolution de la pyramide des âges, combinée à notre
visation du confinement, ils ont parfois souffert du sentiment       spécialisation économique sur les secteurs à forte valeur ajou-
d’isolement décuplé par le couvre-feu et les différentes mesures     tée et capacité d’innovation (dont la remise en cause restera
de restriction. La période n’étant pas totalement représentative     marginale), va dans le sens d’une intensification de l’acuité
de l’expérience du télétravail telle qu’elle sera vécue dans         des problématiques RH : demain, il importera plus que jamais
l’après-crise, il apparaît un peu difficile de tirer des conclu-     pour les entreprises de travailler la marque employeur, tant
sions définitives sur la réalité des ressentis des collaborateurs    pour favoriser l’engagement des salariés que pour contrer la
face au télétravail.                                                 raréfaction de certains profils. Certes, les difficultés écono-
Il n’en demeure pas moins que les sondages sont unanimes :           miques risquent durant quelques temps de remettre au sommet
le télétravail est aujourd’hui plébiscité par les salariés comme     de la pile des urgences les priorités plus directement finan-
un facteur facilitant tant l’organisation de la vie personnelle      cières. Néanmoins, la tendance reste structurellement inchan-
qu’une ambiance de travail moins formaliste, davantage dans          gée : la problématique d’attraction et de rétention des talents
l’air du temps, mais aussi (et peut-être même surtout) comme un      va devenir de plus en plus cruciale pour les employeurs.

                                                        TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...         7
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DEMAIN,
                 TOUS AU BUREAU ?

        LES MODALITÉS DE TÉLÉTRAVAIL, PRINCIPAL FACTEUR DE DIFFÉRENCIATION
        DE LA QUALITÉ DE L’ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL
        ENTRE EMPLOYEURS DEMAIN

        Top 3 des critères de choix liés à l’environnement de travail entre employeurs à l’avenir :

             79 %                                  72 %                                                40 %
    des conditions de télétravail                la localisation                          la qualité de l’aménagement
      souples et confortables                     des bureaux                                       des locaux

                                                 Source : sondage CBRE France réalisé en mars 2021 auprès de 404 salariés via Linkedin

                                                         Du côté des dirigeants et des managers, les réticences face
                                                         au télétravail, de nature essentiellement culturelle, ont dû cé-
                                                         der face à l’évidence : même improvisé, le télétravail a per-
                                                         mis d’assurer la continuité du business pour l’ensemble de la
                                                         sphère de l’emploi de bureaux ; parfois même d’augmenter
                                                         la productivité... Dans le même temps, la plupart des entre-
                                                         prises doivent faire face à un ralentissement de leur activité,
                                                         voire à des difficultés sérieuses. Et toutes doivent apprendre
                                                         à avancer avec une visibilité réduite. L’heure est donc plus
                                                         que jamais à la maîtrise ou à la réduction des coûts, dans un
                                                         souci de préservation des marges de manœuvre pour l’avenir.
                                                         Quand l’on sait que l’immobilier représente le 2ème poste de
                                                         dépenses, derrière les salaires, on comprend que la tentation
                                                         soit grande pour les entreprises de se saisir de la question
                                                         du télétravail, dans une logique d’apparence imparable : de-
                                                         main, si mes collaborateurs passaient moitié moins de temps
                                                         au bureau, je devrais pouvoir réduire sensiblement mon em-
                                                         preinte surfacique, et donc ma facture immobilière…
                                                         Pour l’ensemble de ces raisons, il n’y aura pas de retour en ar-
                                                         rière possible : le télétravail va définitivement s’installer comme
                                                         l’une des modalités qui sera demain proposée à la majorité
                                                         des salariés de bureaux, mais sous des formats divers.

8
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH
Le full remote,
un positionnement de niche
pour organisations atypiques

Sur le marché du recrutement, le télétravail constitue d’ores et
déjà un facteur de différenciation : il permet notamment de
mener une véritable politique de chasse à l’échelle nationale,
voire internationale. Il s’agit là d’un atout majeur, à l’heure
où les viviers de compétence se sont fortement décentralisés,
avec l’explosion de la population étudiante dans les grandes
métropoles régionales, et où attirer une famille en région pari-
sienne devient de plus en plus compliqué... Le full-remote ap-
paraît en revanche fortement clivant : ce profil d’organisation
marginal se révèle particulièrement excluant pour la majorité
des salariés et des entreprises.
Il peut cependant devenir l’expression du choix d’un marqueur
identitaire fort, de la volonté de développer une expérience
exclusive, donc valorisante, dans certaines entreprises où le
socle culturel y apparaît favorable. Des individus ou organisa-
tions atypiques, dont les modèles économiques apparaissent
« scalables », « autoportants », et donc culturellement propices,
comme l’édition de logiciels, à l’image de la société Automat-
tic (éditrice du logiciel WordPress), qui a fait le choix de deve-
nir une Remote Company. Cependant, full remote ne signifie
pas absence totale de cadre ou anarchie : certaines sociétés
assortissent cette liberté de choix du lieu de travail du respect
d’horaires collectifs… Et l’exemple des GAFAM, un temps sé-
duits par la tentation du 100 % télétravail avant de revenir
en arrière, illustre la difficulté de transposer le modèle à des
échelles organisationnelles d’ampleur.

                                                     TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...   9
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH
DEMAIN,
            TOUS AU BUREAU ?

                                                              La mondialisation du marché
                                                              de l’emploi résultant de la digitalisation
                                                              du travail pourrait aboutir
                                                              à une pénurie de compétences
                                                              dans les entreprises insuffisamment
                                                              investies sur les questions
                                                              d’expérience salarié.
     Clément Duport,
     Président Associé, Anima Néo

     Chez Anima Néo, nous accompagnons les                      Je pense qu’en France, l’une des croyances
     entreprises dans leurs projets de transfor-                qui biaise depuis longtemps l’investisse-
     mation, forts de la conviction que la dyna-                ment dans les leviers de fidélisation des
     mique relationnelle et collaborative d’une                 salariés – et par ricochet la mise en œuvre
     organisation constitue son premier levier                  du télétravail avant la crise sanitaire –­, c’est
     de performance. Selon nous, derrière la                    que le travail est rare, et la ressource plé-
     problématique des modalités de travail et                  thorique. Cette idée que l’employeur reste
     du management en entreprise se jouent 3                    en position de force face aux candidats et
     enjeux majeurs :                                           aux salariés demeure profondément ancrée
                                                                chez nombre de décideurs, alors même que
     - la différenciation concurrentielle au travers,
                                                                certains secteurs, comme l’IT, connaissent
        notamment, de la performance opération-
                                                                des difficultés structurelles de recrutement et
        nelle et de la capacité d’innovation ;
                                                                de fidélisation. Il en résulte un sous-investis-
     - l’attractivité et la fidélisation des talents, for-     sement chronique de la part des entreprises
        tement liées à l’expérience de vie salariée ;           françaises sur les questions d’expérience
     - la faculté globale d’adaptation de l’orga-              de vie salariée, comparativement aux ef-
        nisation, impliquant l’amélioration continue            forts consentis, par exemple, pour l’accrois-
        et l’agilité.                                           sement de la productivité. Nous voyons
                                                                moins ce déséquilibre dans des pays qui
     La mise en œuvre du télétravail intera-
                                                                connaissent depuis très longtemps des taux
     git avec ces trois enjeux en induisant des
                                                                moyens de chômage faibles.
     évolutions structurelles (méthodologies,
     organisation, outillage), et organiques (re-               Pourtant, la mondialisation du marché de
     lations interpersonnelles, management, ani-                l’emploi résultant de la digitalisation du
     mation des équipes, culture d’entreprise).                 travail pourrait aboutir à une situation inat-
     On touche ainsi à des questions sensibles :                tendue. Au Canada, par exemple, depuis
     au-delà des enjeux de process ou d’orga-                   quelques années, les meilleurs profils dans
     nisation, on entre dans le domaine des re-                 le secteur tertiaire sont systématiquement
     présentations mentales et des systèmes de                  chassés par les entreprises américaines,
     valeurs, des positionnements statutaires, qui              plus généreuses en matière de rémunéra-
     sont par définition complexes et délicats à                tion, attentives au confort de leurs salariés
     faire évoluer. Nous voyons aussi que l’évo-                et culturellement très à l’aise avec le travail
     lution rapide, voire brutale, des modalités                à distance. Cela crée une situation de pénu-
     de travail vient remettre en cause certains                rie de compétences dans les entreprises lo-
     fondements comme le principe d’équité au                   cales préjudiciable à la création de valeur
     sein de l’entreprise : c’est le cas classique,             sur le plan économique.
     dans la situation liée à la pandémie, où
     seule une part des employés a accès au
     télétravail.

10
LA QUESTION DE LA PRODUCTIVITÉ, UN FAUX DÉBAT !

Si l’expérience du confinement a fourni la preuve de l’effica-       télétravail sur une variable aussi multi-factorielle et informelle,
cité du télétravail pour le maintien de l’activité, la question      voire subjective, que la productivité dans l’ensemble de ses
de sa productivité apparaît loin d’être tranchée. Certes, les        composantes : individuelle à la tâche (celle qui est générale-
salariés se déclarent très majoritairement plus productifs en        ment mesurée), à l’échelle de l’équipe (déjà plus complexe à
télétravail, mais le constat n’est pas toujours partagé par les      cerner, et probablement à maintenir), sans parler de la pro-
chefs d’entreprise... Et les études scientifiques sur la question    ductivité sur des projets inter équipes (celle pour laquelle le
apparaissent souvent contradictoires, tant nous manquons en-         risque de dégradation serait le plus fort). Certains constats
core de recul, pour identifier et isoler précisément l’impact du     semblent cependant se dégager.

       LA PRODUCTIVITÉ DU TÉLÉTRAVAIL,
       UN RESSENTI SUBJECTIF…

                                                                             8%                                                9%

                                                                                                        39 %
                                                         52 %          40 %
                                                                                                                       52 %

        En télétravail                                Les collaborateurs                             Les managers
             Moins productif(ve)s
                                                      se considèrent                                 estiment leurs équipes

             Inchangé(e)s
             Plus productif(ve)s

                                                                Source : CBRE Workforce Sentiment Survey 2020, sondage réalisé de juin à juillet 2020
                                                                                   auprès de 32 grandes entreprises et 10 000 salariés dans 18 pays

                                                        TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...                11
DEMAIN,
                          TOUS AU BUREAU ?

 CONSTAT 1 :
 Si l’expérience du confinement a permis de constater que plus d’activités sont télé-
 travaillables qu’initialement imaginé, toutes ne le sont pas également. Les missions
 de back office ou les tâches de production individuelles programmées, récurrentes,
 automatisables sont très télétravaillables. Moins les activités créatives ou relation-
 nelles, car les moments de collaboration les plus complexes ne peuvent se passer
 du face à face, de la présence des corps, au risque d’une distorsion de la qualité
 informationnelle de l’échange, d’une perte de créativité comme du sens de l’ac-
 tion collective. C’est la raison pour laquelle, les fonctions support, pourtant très
 sédentaires, apparaissent plus éligibles que les fonctions commerciales, certes plus
 mobiles mais qui ont davantage besoin du bureau pour le collaboratif. De la même
 façon, les moments d’hyper-concentration ne sont pas toujours compatibles avec la
 présence à domicile : rares sont les salariés à disposer d’un espace de travail dédié
 et confortable où s’isoler au calme. Nous frémissons tous au souvenir du télétra-
 vail improvisé sur un coin de table, avec les enfants qui crient autour, qu’ont vécu
 nombre de salariés durant le premier confinement…

 CONSTAT 2 :
 Le télétravail induit une surcharge managériale réelle, en raison de la nécessité
 de recréer activement ce que le présentiel provoque spontanément : des espaces
 d’expression de l’informel, d’adaptation à l’imprévu, du non-écrit, qui sont les fon-
 dements même des mécanismes de création de valeur et sans lesquels aucune or-
 ganisation ne peut fonctionner. Michel Crozier nous le rappelle, avec son principe
 de l’organisation « fantôme », tout comme l’exemple fameux de la grève du zèle : il
 faut souvent savoir contourner, interpréter, assouplir, parfois même transgresser les
 règles, les process pour solutionner… Or, les lieux ainsi que les moments de liberté
 et de parole collective ouverte et critique disparaissent dans une organisation milli-
 métrée et limitée à la coopération à distance via des outils numériques. Le télétravail
 amène ainsi inévitablement du formalisme, de la rigidité, en raison notamment de
 la prééminence de la culture écrite, qui peuvent affecter la productivité si des dis-
 positifs d’accompagnement spécifiques ne sont pas mis en place pour améliorer la
 fluidité et la synchronicité des échanges.

 Par ailleurs, une trop grande fragmentation du lieu de travail induit un risque de bi-
 latéralisation de la relation managériale : par souci de rapidité et d’efficacité, le ma-
 nager finit par ne s’adresser qu’aux salariés un à un (et possiblement au fil du temps
 toujours les mêmes), ce qui appauvrit, voire rend impossible, le travail en équipe.
 Autant de réalités qui impliquent de faire fortement évoluer le rôle du manager :
 il ne s’agit plus seulement d’organiser la collaboration en distribuant, facilitant et
 contrôlant la réalisation des missions, mais aussi de créer les conditions de l’émer-
 gence de l’informel, de provoquer de l’effervescence, de la coopération ouverte
 intra et inter-équipes, de remplacer l’ambiance par de la convivialité volontaire, bref
 d’animer en plus de manager.

12
Ce n’est pas tant
                                                          le télétravail en soi,
                                                          que la manière dont
                                                          on le donne à vivre,
                                                          qui influe sur
                                                          la productivité.
       Clément Duport,
       Président Associé, Anima Néo

Les entreprises abordent aujourd’hui trop souvent la question
du télétravail par les coûts et les process et insuffisamment par
l’humain. Alors même que, concernant les avantages supposés
du travail à distance en matière de productivité, de coûts et
même d’impacts écologiques, on peut lire à peu près tout et
son contraire. Ma conviction : ce n’est pas tant le télétravail
en soi, que la manière dont on le donne à vivre, qui influe
sur la productivité. Chez Anima Néo, nous avons réalisé une
enquête qualitative auprès des 37 entreprises que nous avons
accompagnées dans leur transformation depuis 2015, afin de
bénéficier de leur retour d’expérience sur le passage en 100  %
télétravail, suite aux confinements.
Nous avons observé que les entreprises qui s’en sont sorties
le mieux étaient celles qui avaient développé une démarche
préalable d’amélioration continue, de décentralisation des dé-
cisions et une culture d’interactions directes entre les collabora-
teurs. Cela induit :
- des réflexions et un accompagnement sur les postures et pra-
   tiques managériales. Il faut pouvoir renoncer au contrôle au
   profit de la confiance, évoluer vers un management par objec-
   tif, facteur d’autonomisation et de responsabilisation. L’adap-
   tation des pratiques d’animation d’équipe, la ritualisation des
   temps collectifs, le soutien aux collaborateurs constituent des
   facteurs de réussite essentiels.
- l’adaptation des processus de décision en faveur d’une plus
   grande délégation aux équipes opérationnelles. Il s’agit de
   développer l’auto-organisation, de prendre les décisions
   plus près des réalités opérationnelles, en évitant les gou-
   lots d’étranglements liés aux validations hiérarchiques. Les
   équipes qui prennent leurs décisions développent par ailleurs
   l’engagement individuel et collectif des collaborateurs qui les
   composent.
- favoriser l’oralité dans les interactions. La tradition écrite est un
   facteur de rigidité et d’asynchronicité : la question des délais
   de feedback induits par la culture de l’email constitue l’un des
   principaux facteurs de baisse de la productivité en télétravail.
   Le problème n’est pas tant la distance, que le décalage dans
   le temps : la proximité physique permet une synchronisation
   naturelle des rythmes, perdue en distanciel. Travailler sur la
   ritualisation, la structuration de la communication et des temps
   de parole permet le plus souvent de remédier à ces biais.

            TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...   13
DEMAIN,
                           TOUS AU BUREAU ?

 CONSTAT 3 :
 Même si nous ne sommes pas tous égaux face au phénomène,
 le télétravail subi et à haute intensité présente des risques psy-
 cho-sociaux qui sont désormais bien documentés : anomie
 collective et individuelle, déréalisation, e-taylorisation, perte
 de sens, fuite des relations sociales et au final paupérisation.
 En effet, les biais induits dans la perception du réel liés à la
 mise à distance créent une passivité accrue, une vision réduite
 et tronquée de la réalité inhibant l’action. Et l’assignation à
 des tâches déterminées précises restreint le travail à sa dimen-
 sion productive automatique, ce qui induit un fort risque de
 perte de sens, de sentiment d’aliénation et d’inutilité néfastes
 à l’implication, l’engagement et plus globalement à la santé
 des collaborateurs. Car l’on sait désormais combien le sens
 perçu et donné à son travail joue un rôle prédominant dans
 l’efficacité et le plaisir à travailler.
 L’ensemble de ces risques nécessite en retour de sensibiliser
 et de former les managers, pour leur permettre de développer
 une posture d’écoute active susceptible de les aider à détecter
 les signaux faibles annonciateurs d’un décrochage. Nombre
 d’entreprises ont d’ailleurs fait l’expérience des limites psycho-
 logiques du télétravail subi, lors du premier confinement : face
 à la forte demande de retour au bureau d’une part importante
 de leurs salariés, elles ont dû rouvrir des sites, malgré les diffi-
 cultés inhérentes aux protocoles sanitaires.

                         I l y a une productivité marginale décroissante
                         qui arrive avec un télétravail à 100 %,
                         raison pour laquelle nous ne préconisons pas
                         un recours total à cette pratique dans notre étude,
                         mais plutôt 2 à 3 jours par semaine
                         (ratio optimal selon nos estimations).
                         Erwann Tison,
                         directeur des études de l’Institut Sapiens

 Pour toutes ces raisons, il est désormais admis qu’il existe une       et au niveau d’acceptabilité des managers selon les multiples
 productivité marginale décroissante du télétravail tandis qu’à         enquêtes publiées récemment (Opinion Way, Malakoff Huma-
 court terme, et à dose mesurée, il se traduit généralement             nis, Chaire Immobilier de l’Essec… ). En outre, ce « seuil »
 par une hausse de la productivité mesurable. Ainsi, un relatif         s’avère être considéré par les psychologues et les sociolo-
 consensus au sein des entreprises, mais aussi des adminis-             gues, à l’instar de Danièle Linhart du CNRS ou Christophe
 trations et des services publics, émerge autour de l’octroi de         Nguyen du cabinet Empreinte Humaine, comme critique pour
 2 jours de télétravail par semaine. Ce nouveau « standard »            le plus grand nombre au regard des risques psycho-sociaux.
 répond en effet à la fois à l’attente de la majorité des salariés

14
EN ROUTE VERS L’ENTREPRISE DISTRIBUÉE,
PAS VERS L’ENTREPRISE SANS BUREAU…

Les grands comptes ont donc intégré l’inéluctabilité de l’ins-       polycentrique du travail, reposant sur un mix d’espaces et de
tallation durable du télétravail et de la digitalisation des or-     modalités de choix, dont des tiers lieux, des espaces relais du
ganisations d’entreprises, indépendamment des convictions            télétravail, mais aussi et surtout des immeubles sièges !
personnelles des dirigeants. Car ce qui se joue aujourd’hui,         Le lieu physique apparaît en effet comme irremplaçable au
c’est la mutation d’une situation où le travail se vivait dans un    regard des multiples dimensions relationnelles et symboliques
même lieu et un même temps pour l’ensemble de l’entreprise,          qu’il permet de déployer, car l’humain est, et restera, avant
à celle d’une fragmentation, d’un nouveau rapport à l’espace         tout un animal social : la distanciation physique, si elle va
temps et à l’action. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir tra-      nous obliger à repenser l’acceptabilité de certains modèles de
vailler depuis son domicile, mais de virtualiser les activités :     densité, ne fera pas disparaitre l’envie et le besoin de travail-
nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition, vers           ler physiquement ensemble, ni de matérialiser les marqueurs
l’émergence à terme d’un modèle d’organisation réellement            de valeurs.

                      Comme l’entreprise sans usine a montré ses limites
                      

                      (délocalisation, perte de savoir-faire, de brevets,
                      voire disparition pure et simple),
                      l’entreprise sans bureau, si elle est désormais
                      techniquement possible, n’est tout simplement pas
                      souhaitable pour la très grande majorité des structures.
                      Car le bureau continuera à remplir les fonctions
                      qui lui sont spécifiques.
                      Olivier Cros,
                      Head of Workplace Strategy,
                      CBRE France Advisory & Transaction Occupier

                                                        TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...   15
DEMAIN,
                           TOUS AU BUREAU ?

 Plus qu’un simple espace de travail, le bureau est un lieu de séren-    envers l’aventure collective de l’entreprise, cette dernière ne se
 dipité, un lieu de co-construction, car la communication passe aus-     réduisant jamais à l’addition d’individus isolés mais s’exprimant
 si par la présence des corps. C’est un lieu de « sublimation » des      à travers ce qu’ils créent et mobilisent ensemble. Car sans lien
 capacités cognitives, notre fonctionnement cérébral ne pouvant          autre qu’abstrait, sans corps, l’entreprise se retrouve totalement
 s’abstraire de l’environnement dans lequel nous évoluons selon la       déracinée : au collectif de travail, à l’appartenance construite
 notion d’Enaction. C’est un lieu de représentation, de pouvoir et       se substitue alors une logique de service, un fonctionnement en
 d’influence : à ce sujet, il n’apparaît pas neutre que les managers     plateforme d’indépendants. Face à la fragmentation croissante
 soient les premiers à revenir en nombre au bureau, et pas toujours      des temps, des lieux et des équipes de travail, les enjeux autour
 pour encadrer des équipes restées souvent clairsemées.                  du sentiment d’engagement vont donc devenir de plus en plus
 Le bureau est aussi un creuset culturel, un lieu de construction        prégnants. Et le collectif, qui se vivait auparavant de façon plus
 de l’histoire commune, un vecteur d’égalité et de nivellement so-       instinctive, devra demain être davantage préparé, organisé et mis
 cial qui incarne le sentiment d’appartenance et d’engagement            en avant, à travers le bureau.

                                             LE POIDS DE LA DIMENSION SYMBOLIQUE DU BUREAU
                                             ENCORE TRÈS PRÉSENT…

                                             Pour
                                             53 %
                                             des salariés, un bureau individuel est le signe
                                             qu’un collaborateur a des responsabilités importantes.

                                                                              Source : Sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et Selkis, mars 2021

     Le télétravail, porte ouverte
     à l’externalisation et à l’automatisation
     des emplois de bureaux ?
     Avec la fragmentation croissante du collectif de l’entreprise inhérente au télé-
     travail, le risque est réel de voir apparaître des travailleurs-décrocheurs, des
     travailleurs du dehors, de deuxième cercle, des salariés chez qui le sentiment
     d’inutilité peut émerger avec force. Cette dynamique pourrait sans doute satis-
     faire certains employeurs, qui y verraient l’opportunité d’explorer les pistes de
     l’externalisation ou de l’automatisation des emplois tertiaires de back office à
     plus faible valeur ajoutée.
     Maintenant, la réalité du marché de l’emploi n’est pas encore totalement in-
     ternationale. L’idée que le télétravail va faire exploser le recours aux recrute-
     ments à très longue distance se heurte encore à des difficultés administratives,
     juridiques, fiscales et de protection sociale réelles, en raison du manque d’har-
     monisation des législations nationales. Or cette harmonisation n’apparaît
     peut-être pas totalement souhaitable, tant le jeu se révèle à double tranchant :
     il existe aussi un risque de fuites des profils les plus pointus, désormais chassés
     par des pays à plus haut niveau de rémunération...
     Par ailleurs, l’évolution actuelle des relations sociales au sein des entreprises
     plateformes, qui ont émergé ces dernières années dans la sphère du service
     aux consommateurs, témoigne bien des limites pour une entreprise d’un fonc-
     tionnement dans la seule logique de minimisation des contraintes inhérentes
     au droit du travail. Quant à la question de l’automatisation des emplois, elle
     ne soulève pas moins d’un triple questionnement : celui de son impact réel
     (destruction ou transfert ?), celui de notre vision du travail (vecteur d’émancipa-
     tion ou facteur d’aliénation ?) et donc, in fine, celui du modèle de société que
     nous souhaitons développer (qui, de l’humain ou de l’économie, est au service
     de qui ?). Bref, le débat est loin d’être tranché, et l’avenir est loin d’être écrit !

16
Ce nouveau modèle de l’entreprise distribuée n’implique donc                 de-France et régions… Et ces espaces de ressources doivent
pas forcément toujours moins de m² : au contraire, offrir de la              demeurer facilement accessibles, la possibilité de télétravailler
souplesse dans les choix de lieu de travail à ses salariés limite            ayant fortement réduit l’acceptabilité de temps de trajet longs
fortement les possibilités d’optimisation immobilière… En re-                entre le domicile et le lieu de travail pour les collaborateurs.
vanche, cette nouvelle organisation nécessite des m² plus qua-               Il en résultera inévitablement, à terme, une nouvelle politique
litatifs, et surtout distribués différemment : entre postes fixes et         immobilière des entreprises : plus décentralisée, maillée et ar-
positions libres, entre espaces de travail et espaces collabora-             ticulée.1
tifs, entre siège central et réseau de satellites / relais, entre Ile-

                                                                         Suite au déploiement du télétravail,
                                                                         

                                                                         nous enregistrons déjà, dans notre
                                                                         équipe Grands Projets,
                                                                         quelques demandes d’espaces
                                                                         satellites de la part de grands
                                                                         groupes, soucieux de favoriser
                                                                         ainsi le retour au bureau
                                                                         de leurs collaborateurs.
                                                                         La majorité se concentre sur
                                                                         le bénéfice que leurs collaborateurs
                                                                         auront à revenir au travail,
                                                                         notamment en termes serviciel.
                                                                         D’autres, à l’image de l’Oréal,
                                                                         se tournent vers la signature
                                                                         de partenariats avec des prestataires
                                                                         de coworking pour, d’une part,
                                                                         s’assurer une forme de flexibilité, et,
                                                                         d’autre part, offrir à leurs salariés -
                                                                         quand cela est possible - l’accès
                                                                         à un réseau de lieux partenaires
                                                                         à la carte.

                                                                         Caroline Nachtwey,
                                                                         Directeur Pôle Grands Projets,
                                                                         CBRE France Advisory & Transaction Services

                                                                             1
                                                                                  our creuser le sujet, cf. « Coworking, l‘âge de la maturité. Flexibilité,
                                                                                 P
                                                                                 nomadisme, optimisation : vers une hybridation des modèles ? »

                                                             TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...                      17
DEMAIN,
           TOUS AU BUREAU ?

                                                        Entreprise libérée, entreprise
                                                        distribuée ? Chez Onepoint,
                                                        nous accompagnons nos clients
                                                        dans la transformation digitale de leur
                                                        modèle organisationnel. Notre force
                                                        de conviction : expérimenter sur
                                                        nous-mêmes nos préconisations…
     Matthieu Fouquet,
     Secrétaire Général et Partner RH,
     Onepoint

     Dès la création de Onepoint, l’ambition était        passage en 100 % télétravail, nos collabo-
     de monter une entreprise qui fonctionne à            rateurs ont clairement exprimé le souhait
     la motivation plutôt qu’au contrôle, dans            de pouvoir continuer à bénéficier de cette
     une logique entrepreneuriale où le désir de          souplesse du choix du lieu et du moment
     collaborer dans un but commun se substi-             de travail, pour notamment concrétiser des
     tue au lien de subordination. Dans notre             désirs de mobilité. Nous avons donc décidé
     contrat social, le collectif de l’entreprise met     d’élaborer un nouveau cadre totalement à
     à disposition de chacun les moyens de sa             la carte. C’est un enjeu de fidélisation et de
     réussite, à charge pour lui de transformer           recrutement fondamental pour nous : per-
     l’essai et de délivrer des résultats. Nous           mettre à chacun de vivre là où il le souhaite,
     considérons nos collaborateurs comme une             ou de s’épargner la contrainte des trajets
     ressource rare et précieuse : nous avons             domicile/travail, pour ne se couper d’au-
     donc très tôt réfléchi aux moyens de fidé-           cun vivier potentiel de compétences.
     liser cette population jeune (la moyenne             Nous n’avons pas pour autant renoncé à
     d’âge chez nous est de 35 ans), exigeante            faire de notre parc immobilier un vecteur
     et ultramobile, qui exprime une forte de-            d’attractivité, bien au contraire : nous
     mande d’individualisation et d’autonomi-             croyons en la nécessité de continuer à incar-
     sation. Nos collaborateurs souhaitent s’af-          ner physiquement le collectif de l’entreprise.
     franchir de la contrainte du collectif imposé        Cette volonté, couplée à nos ambitions de
     pour librement choisir leurs affiliations, leurs     croissance, signifie que nous continuons
     appartenances. Nous avons donc souhaité              à développer une politique immobilière
     totalement revoir notre modèle organisa-             expansionniste. Seulement, nos bureaux
     tionnel, pour supprimer son caractère pyra-          deviennent de moins en moins un lieu de
     midal et aplanir les niveaux statutaires.            production pure : nous les concevons dé-
     Notre réflexion sur le télétravail s’inscrit         sormais avant tout comme des espaces de
     dans cette philosophie globale. Nous                 liberté, de créativité, de socialisation, ou-
     avions signé il y a 10 ans un premier ac-            verts et divers. Pour que nos salariés conti-
     cord, qui offrait la possibilité de travailler       nuent à avoir envie de s’y rendre, nous pri-
     ponctuellement depuis le domicile, après             vilégions les localisations en hyper-centre,
     négociation avec le manager. Cette facilité          et nous recherchons des locaux premium.
     était essentiellement exploitée par nos colla-       Ils constituent également en quelque sorte
     borateurs à certaines périodes particulières         notre vitrine : ainsi, nous avons conçu notre
     de leur vie (retour de congé maternité ou            nouveau siège social, rue des Sablons à Pa-
     paternité, besoin de changer d’air… ), et            ris, comme un étendard pour notre marque,
     concernait au final approximativement 5 %            la concrétisation de ce que en quoi nous
     de notre masse salariale. Puis la pandémie           croyons, et que nous professons à nos
     est arrivée : suite à l’expérience réussie du        clients.

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TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ...   19
DEMAIN,
                   TOUS AU BUREAU ?

     La réduction de
     l’empreinte immobilière
     de l’entreprise en
     télétravail : une équation
     complexe et mouvante
     L’épisode du confinement a levé le voile sur une réalité jusqu’alors assez
     largement occultée : celle de la sous-utilisation structurelle des espaces de
     bureaux, qui va aller croissante avec le développement de la mobilité des
     collaborateurs. Dans le même temps, il apparaît désormais nécessaire, pour
     tourner la page de la crise sanitaire, d’inciter et de favoriser le retour au bureau
     des salariés. Les besoins d’adaptation aux nouveaux modèles organisationnels
     découlant de l’adoption du télétravail, mais aussi aux attentes accrues de bien-
     être et d’autonomie des collaborateurs, apparaissent, de ce fait, importants :
     il s’agit de favoriser des environnements plus collaboratifs, adaptables et
     qualitatifs. La crise a donc accéléré l’obsolescence des anciens aménagements
     de bureaux et va amplifier le rythme de passage au flex office qui, combiné
     à l’adoption du télétravail, apparaît comme la meilleure solution pour allier
     modernisation des environnements de travail et gisement d’économies.
     La réduction surfacique de l’empreinte immobilière des entreprises liée à la
     généralisation du télétravail apparaît donc à terme inéluctable. En revanche,
     son ampleur et son rythme dépendront de la maturité des entreprises face à
     la problématique des nouveaux aménagements, mais surtout de l’acuité de
     la question financière, qui détermineront in fine la position du curseur entre
     optimisation immobilière et souplesse organisationnelle dans les modalités de
     mise en œuvre.
20
LE NOUVEAU BUREAU :
UN CENTRE DE RESSOURCES
ET UN LIEU DE DESTINATION

Plus les échanges réels seront sélectifs, plus les lieux phy-
siques deviendront précieux, à la fois de manière symbolique
                                                                                            Après plus d’une année
                                                                                            

et de manière réelle, à l’image des « Hyper Lieux » décrits                                 passée à travailler
par Michel Lussault dans « Les nouvelles géographies de la
mondialisation ». Ainsi, la fin de la logique de fréquentation                              depuis la maison,
régulière des bureaux implique d’y développer, en contrepar-
tie, une expérience collaborateurs hyper qualitative. Dans le
                                                                                            la dernière chose
nouveau modèle d’entreprise distribuée, basée sur le principe                               dont j’ai envie,
de la rupture de l’unité de temps, de lieu, d’action, le bureau
doit devenir un véritable centre de ressources et une destination                           c’est de me retrouver
pour les collaborateurs, où ces derniers viennent chercher ce
qu’ils ne trouvent pas ailleurs : se changer les idées et échan-
                                                                                            coincé dans un bureau
ger spontanément, coopérer plus intensément, retrouver des                                  individuel quand
rituels structurants, ou encore s’isoler dans des bulles d’hyper
concentration… L’enjeu de la qualité, en termes de confort et                               je retournerai au siège !
d’équipements, s’affirmera donc de façon croissante dans les
immeubles, qui devront s’inspirer du modèle hôtelier pour offrir                            Noel Quinn,
de l’animation, de la diversité, de la technologie, des services.                           CEO d’HSBC

                          LA RÉDUCTION DE L’EMPREINTE IMMOBILIÈRE DE L’ENTREPRISE EN TÉLÉTRAVAIL : UNE ÉQUATION COMPLEXE ET MOUVANTE   21
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