DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? - 2021CBRE RESEARCH
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2021 C B R E R E S E A R C H F R A N C E DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? Télétravail et immobilier : les paramètres d’une hybridation réussie, pour en finir avec les approches simplificatrices
SOMMAIRE DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? PAGE 6 TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... - Un bond en avant, sans retour en arrière possible - La question de la productivité, un faux débat ! - En route vers l’entreprise distribuée, pas vers l’entreprise sans bureau… PAGE 20 LA RÉDUCTION DE L’EMPREINTE IMMOBILIÈRE DE L’ENTREPRISE EN TÉLÉTRAVAIL : UNE ÉQUATION COMPLEXE ET MOUVANTE - Le nouveau bureau : un centre de ressources et un lieu de destination - Télétravail et flex office : un mariage réussi, mais complexe… - Des profils de réduction surfacique étroitement liés aux motivations sous-tendant le télétravail PAGE 36 L’IMPACT DU TÉLÉTRAVAIL SUR LE MARCHÉ IMMOBILIER : LA LENTE (R)ÉVOLUTION… - Une phase de transition et d’expérimentation qui s’annonce - Régions, TPE-PME : un télétravail à périmètre immobilier constant ? - Un impact global plus mesuré qu’annoncé et craint
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS 1. L e télétravail est devenu une réalité incontournable, 4. L e télétravail, allié au flex office, induira-t-il des ré- en réponse à la recherche d’optimisation des coûts ductions de surface significatives ? Tout dépend des immobiliers de la part des entreprises, d’un besoin motivations sous-jacentes des utilisateurs. Il s’agit no- fort d’autonomisation et de qualité de vie exprimé tamment de faire la différence entre les entreprises par les salariés. Il représente surtout une nouvelle en recherche forte de réduction de coûts, au prix étape vers l’émergence de l’entreprise distribuée, un d’une certaine rigidité d’organisation, et les entre- nouveau modèle organisationnel plus agile, qui ne prises cherchant à proposer le cadre d’organisation marquera pas la fin de l’immobilier de bureau, mais du travail le plus performant à leurs salariés. Dans l’affirmation d’une hybridation accrue du travail. le premier cas, le potentiel de réduction surfacique moyen se situe entre - 25 et - 30 % ; dans le 2 ème, entre - 10 et - 15 %. Dans le modèle de l’entreprise 2. Q uasiment tous les emplois de bureau sont télétravail- distribuée (encore très marginal), où le bureau siège lables, au moins en partie, à l’échelle d’une année. n’est plus le lieu majoritaire du travail, le gain peut Mais notre conviction est qu’il restera une option pro- devenir encore plus important, mais implique de posée parmi d’autres, en raison de ses limites (produc- mettre à disposition des salariés un réseau d’es- tivité marginale décroissante, risques psycho-sociaux, paces/solutions relais, transférant une partie des be- affectio societatis, impact managérial...) et du besoin soins en m² ailleurs. persistant d’un immobilier physique comme lieu de destination, centre de ressources, d’incarnation et de vie du collectif. Actuellement, il se dégage un relatif 5. Q uel pourrait être l’impact de cette première phase consensus autour de 2 jours de télétravail / semaine de développement du télétravail sur le marché des (à la fois côté collaborateurs et dirigeants), avec des bureaux en France ? Nous privilégions l’hypothèse modalités d’application variable, d’une entreprise à d’une lente (r)évolution. Nous sommes actuellement l’autre. dans une phase d’expérimentation test & learn, ren- forcée par une certaine inertie liée à l’échéancier des baux. En outre, les TPE / PME nous paraissent 3. L e nouveau modèle d’entreprise distribuée et l’hybri- moins en capacité que les grands groupes de déve- dation du travail qui en résulte vont accélérer l’ob- lopper des logiques complexes de télétravail et de solescence des environnements de travail existants : flex office en vue d’économiser des surfaces. Enfin, le bureau, en compétition avec d’autres lieux, va de- l’intérêt du télétravail apparaît fortement lié à la lon- voir offrir plus de qualité, de diversité d’espaces, de gueur et à la pénibilité du trajet domicile / bureau collaboratif… Parallèlement, les épisodes de confi- pour les salariés, au prix de l’immobilier pour les nement ont levé le voile sur une réalité jusqu’alors entreprises : dès lors, nous pensons qu’il aura un assez largement occultée : celle de la sous-utilisa- impact moindre en régions qu’en Ile-de-France. Au tion structurelle des espaces de bureaux. Dans ce total, nous anticipons une réduction des besoins en contexte, le flex office, combiné à l’adoption du télé- m² de -14 à -18 % , étalée sur une période de 5 à 8 travail, apparaît comme la meilleure solution pour al- ans. Un impact certes loin d’être négligeable, mais lier modernisation des aménagements de bureaux et dont l’ampleur et le rythme devraient permettre aux gisement d’économies. Développement du télétravail acteurs de l’immobilier d’adapter progressivement et accélération du passage au flex office vont donc l’offre de bureaux, d’un point de vue qualitatif, quan- aller de pair, non sans une vraie complexité de mise titatif et géographique. en œuvre, souvent méconnue. 4
ÉDITO Christelle Bastard Directrice, Responsable des études transverses et prospectives, CBRE Research Les périodes de crise ont ceci de particulier : elles constituent Or, les révolutions technologiques apparaissent toujours des opportunités, des moments de plasticité uniques, qui ca- en avance sur les évolutions sociétales, culturelles, inévita- talysent, infléchissent, parfois profondément, les tendances. blement longues, lentes : c’est bien là tout leur pouvoir dis- L’avènement du digital dans nos vies représente l’innovation rupteur, déstabilisateur. La révolution managériale dans les majeure de cette première partie du 21ème siècle. Après entreprises, notamment, reste en France encore largement à avoir bousculé nos façons de consommer, de nous divertir, faire… A ce décalage de phase se superposent la rigidité, de communiquer, en ouvrant la voie à la personnalisation et l’immobilité inhérentes aux lieux d’ancrage, et donc à l’im- à la facilitation, il semblait inéluctable qu’elle réinvente nos mobilier. Alors oui, rien ne redevient jamais comme avant, organisations et nos lieux de travail. Les épisodes successifs mais tout ne va pas pour autant s’en trouver totalement bou- de confinement n’ont donc qu’accéléré le mouvement vers un leversé. Le marché des bureaux, notamment, ne sera pas confronté à un brutal assèchement des besoins en m² des nouveau modèle, un nouveau rapport au travail, en réponse utilisateurs : ce ne sera pas le krach, annoncé et craint par aux aspirations croissantes de libre choix, de valorisation et certains. La phase d’apprentissage, d’expérimentation du té- d’équilibre de vie de populations toujours plus éduquées, à létravail qui s’ouvre dans les entreprises constitue ainsi pour la recherche de sens et de formes renouvelées d’engagement les acteurs de l’immobilier une véritable opportunité : celle collectif. d’approfondir leur réflexion sur les moyens d’adapter l’ou- til immobilier aux nouveaux besoins qui émergent. Bref de Le développement du télétravail apparaît donc comme une s’engager toujours plus avant dans la révolution de l’usage, étape : celle vers une hybridation croissante de nos modes qui transforme, les uns après les autres, tous les secteurs de de travail, qui ira de pair avec de nouveaux modèles organi- l’économie. sationnels, plus participatifs, adaptables, agiles. Plus déma- térialisés aussi, mais pas totalement désincarnés : l’humain S’adapter, évoluer pour perdurer… N’en oublions pas pour reste avant tout un animal social, et les communautés auront autant le seul horizon qui vaille : celui de la durabilité, et les toujours besoin de lieux pour se donner à voir, échanger, principes de robustesse, de mutualisation et de sobriété qui créer, bref pour vivre. Comme tout changement, cette hy- en découlent. Car la liberté de choix qu’offre le télétravail bridation du travail va susciter des réticences, des tâtonne- peut devenir un luxe couteux : imaginons l’impact sur le parc ments d’une part ; des impatiences, des effets de mode de de logements si demain nous devenions tous bi-résidents…. l’autre. Mais si on ne peut pas aller contre le sens de l’his- Et la recherche d’optimisation à outrance (de son parc im- toire, il n’est jamais bon de trop le hâter: les Révolutions, mobilier, de la présence de ses collaborateurs…) un facteur lorsqu’elles sont trop brutales, ou prématurées, sont toujours de complexification des systèmes, donc de lourdeur et de suivies d’épisodes de Restauration… fragilité des organisations. Les solutions pour naviguer entre tous ces écueils restent aujourd’hui à inventer : si l’histoire est en route, ses chapitres sont encore loin d’être écrits ! C’est ce qui la rend si passionnante… ÉDITO 5
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? Télétravail : pour, contre, plus, moins ? Un débat d’ores et déjà dépassé... En lui-même, le télétravail n’est ni plus ou moins productif, ni néfaste ou bénéfique : en la matière comme en tant d’autres, tout est question de dosage, et surtout de modalités de mise en œuvre. Et si comme tout changement, il interroge, bouscule, suscite des réticences, le télétravail apparaît comme le produit d’un processus inéluctable : celui de la digitalisation croissante de nos modes de vie, qui gagne progressivement la sphère du travail, ouvrant un nouvel horizon de choix, de liberté aux collaborateurs. Car ces derniers aspirent toujours à davantage d’autonomie et de qualité de vie : ils voudront donc demain choisir leur lieu et leur moment de travail. Mais s’ils se voudront plus libres, les travailleurs ne se souhaiteront pas pour autant désengagés, déracinés, sans attache : demain, ils auront plus que jamais besoin de trouver du sens, une finalité autre que financière à leur travail, de participer à une aventure collective et humaine. Pour perdurer, l’entreprise devra donc évoluer pour leur proposer un cadre et une organisation en adéquation avec ces nouvelles priorités. Ainsi, le développement du télétravail n’apparaît que comme une étape vers un nouveau modèle d’entreprise, plus souple, agile, adaptable, plus dématérialisée, mais pas totalement hors sol. Et l’immeuble de bureau devra demain se réinventer, pour pleinement incarner le corps de ce collectif de travail revisité. 6
UN BOND EN AVANT, SANS RETOUR EN ARRIÈRE POSSIBLE La crise de la Covid a fait soudainement basculer le monde marqueur de la confiance de l’employeur envers ses équipes. du travail en mode digital et distanciel, alors que la France À ce titre, il va rester une demande forte des collaborateurs. témoignait en la matière d’un retard important. Nombre de Il sera ainsi difficile, à l’issue de la période actuelle de restric- salariés, en particulier les cadres et les habitants des grandes tions sanitaires, de leur demander d’y renoncer totalement. métropoles, ont pu goûter un certain confort du travail à dis- Plus généralement, la montée en puissance des probléma- tance : disparition du temps de transport, autonomie accrue, tiques RSE dans les grands groupes y a définitivement imposé décontraction des codes vestimentaires… Certes, ils ont éga- les questions de bien-être et de santé au travail. Sans compter lement dû expérimenter les désagréments inhérents à l’impro- que l’évolution de la pyramide des âges, combinée à notre visation du confinement, ils ont parfois souffert du sentiment spécialisation économique sur les secteurs à forte valeur ajou- d’isolement décuplé par le couvre-feu et les différentes mesures tée et capacité d’innovation (dont la remise en cause restera de restriction. La période n’étant pas totalement représentative marginale), va dans le sens d’une intensification de l’acuité de l’expérience du télétravail telle qu’elle sera vécue dans des problématiques RH : demain, il importera plus que jamais l’après-crise, il apparaît un peu difficile de tirer des conclu- pour les entreprises de travailler la marque employeur, tant sions définitives sur la réalité des ressentis des collaborateurs pour favoriser l’engagement des salariés que pour contrer la face au télétravail. raréfaction de certains profils. Certes, les difficultés écono- Il n’en demeure pas moins que les sondages sont unanimes : miques risquent durant quelques temps de remettre au sommet le télétravail est aujourd’hui plébiscité par les salariés comme de la pile des urgences les priorités plus directement finan- un facteur facilitant tant l’organisation de la vie personnelle cières. Néanmoins, la tendance reste structurellement inchan- qu’une ambiance de travail moins formaliste, davantage dans gée : la problématique d’attraction et de rétention des talents l’air du temps, mais aussi (et peut-être même surtout) comme un va devenir de plus en plus cruciale pour les employeurs. TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 7
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? LES MODALITÉS DE TÉLÉTRAVAIL, PRINCIPAL FACTEUR DE DIFFÉRENCIATION DE LA QUALITÉ DE L’ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL ENTRE EMPLOYEURS DEMAIN Top 3 des critères de choix liés à l’environnement de travail entre employeurs à l’avenir : 79 % 72 % 40 % des conditions de télétravail la localisation la qualité de l’aménagement souples et confortables des bureaux des locaux Source : sondage CBRE France réalisé en mars 2021 auprès de 404 salariés via Linkedin Du côté des dirigeants et des managers, les réticences face au télétravail, de nature essentiellement culturelle, ont dû cé- der face à l’évidence : même improvisé, le télétravail a per- mis d’assurer la continuité du business pour l’ensemble de la sphère de l’emploi de bureaux ; parfois même d’augmenter la productivité... Dans le même temps, la plupart des entre- prises doivent faire face à un ralentissement de leur activité, voire à des difficultés sérieuses. Et toutes doivent apprendre à avancer avec une visibilité réduite. L’heure est donc plus que jamais à la maîtrise ou à la réduction des coûts, dans un souci de préservation des marges de manœuvre pour l’avenir. Quand l’on sait que l’immobilier représente le 2ème poste de dépenses, derrière les salaires, on comprend que la tentation soit grande pour les entreprises de se saisir de la question du télétravail, dans une logique d’apparence imparable : de- main, si mes collaborateurs passaient moitié moins de temps au bureau, je devrais pouvoir réduire sensiblement mon em- preinte surfacique, et donc ma facture immobilière… Pour l’ensemble de ces raisons, il n’y aura pas de retour en ar- rière possible : le télétravail va définitivement s’installer comme l’une des modalités qui sera demain proposée à la majorité des salariés de bureaux, mais sous des formats divers. 8
Le full remote, un positionnement de niche pour organisations atypiques Sur le marché du recrutement, le télétravail constitue d’ores et déjà un facteur de différenciation : il permet notamment de mener une véritable politique de chasse à l’échelle nationale, voire internationale. Il s’agit là d’un atout majeur, à l’heure où les viviers de compétence se sont fortement décentralisés, avec l’explosion de la population étudiante dans les grandes métropoles régionales, et où attirer une famille en région pari- sienne devient de plus en plus compliqué... Le full-remote ap- paraît en revanche fortement clivant : ce profil d’organisation marginal se révèle particulièrement excluant pour la majorité des salariés et des entreprises. Il peut cependant devenir l’expression du choix d’un marqueur identitaire fort, de la volonté de développer une expérience exclusive, donc valorisante, dans certaines entreprises où le socle culturel y apparaît favorable. Des individus ou organisa- tions atypiques, dont les modèles économiques apparaissent « scalables », « autoportants », et donc culturellement propices, comme l’édition de logiciels, à l’image de la société Automat- tic (éditrice du logiciel WordPress), qui a fait le choix de deve- nir une Remote Company. Cependant, full remote ne signifie pas absence totale de cadre ou anarchie : certaines sociétés assortissent cette liberté de choix du lieu de travail du respect d’horaires collectifs… Et l’exemple des GAFAM, un temps sé- duits par la tentation du 100 % télétravail avant de revenir en arrière, illustre la difficulté de transposer le modèle à des échelles organisationnelles d’ampleur. TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 9
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? La mondialisation du marché de l’emploi résultant de la digitalisation du travail pourrait aboutir à une pénurie de compétences dans les entreprises insuffisamment investies sur les questions d’expérience salarié. Clément Duport, Président Associé, Anima Néo Chez Anima Néo, nous accompagnons les Je pense qu’en France, l’une des croyances entreprises dans leurs projets de transfor- qui biaise depuis longtemps l’investisse- mation, forts de la conviction que la dyna- ment dans les leviers de fidélisation des mique relationnelle et collaborative d’une salariés – et par ricochet la mise en œuvre organisation constitue son premier levier du télétravail avant la crise sanitaire –, c’est de performance. Selon nous, derrière la que le travail est rare, et la ressource plé- problématique des modalités de travail et thorique. Cette idée que l’employeur reste du management en entreprise se jouent 3 en position de force face aux candidats et enjeux majeurs : aux salariés demeure profondément ancrée chez nombre de décideurs, alors même que - la différenciation concurrentielle au travers, certains secteurs, comme l’IT, connaissent notamment, de la performance opération- des difficultés structurelles de recrutement et nelle et de la capacité d’innovation ; de fidélisation. Il en résulte un sous-investis- - l’attractivité et la fidélisation des talents, for- sement chronique de la part des entreprises tement liées à l’expérience de vie salariée ; françaises sur les questions d’expérience - la faculté globale d’adaptation de l’orga- de vie salariée, comparativement aux ef- nisation, impliquant l’amélioration continue forts consentis, par exemple, pour l’accrois- et l’agilité. sement de la productivité. Nous voyons moins ce déséquilibre dans des pays qui La mise en œuvre du télétravail intera- connaissent depuis très longtemps des taux git avec ces trois enjeux en induisant des moyens de chômage faibles. évolutions structurelles (méthodologies, organisation, outillage), et organiques (re- Pourtant, la mondialisation du marché de lations interpersonnelles, management, ani- l’emploi résultant de la digitalisation du mation des équipes, culture d’entreprise). travail pourrait aboutir à une situation inat- On touche ainsi à des questions sensibles : tendue. Au Canada, par exemple, depuis au-delà des enjeux de process ou d’orga- quelques années, les meilleurs profils dans nisation, on entre dans le domaine des re- le secteur tertiaire sont systématiquement présentations mentales et des systèmes de chassés par les entreprises américaines, valeurs, des positionnements statutaires, qui plus généreuses en matière de rémunéra- sont par définition complexes et délicats à tion, attentives au confort de leurs salariés faire évoluer. Nous voyons aussi que l’évo- et culturellement très à l’aise avec le travail lution rapide, voire brutale, des modalités à distance. Cela crée une situation de pénu- de travail vient remettre en cause certains rie de compétences dans les entreprises lo- fondements comme le principe d’équité au cales préjudiciable à la création de valeur sein de l’entreprise : c’est le cas classique, sur le plan économique. dans la situation liée à la pandémie, où seule une part des employés a accès au télétravail. 10
LA QUESTION DE LA PRODUCTIVITÉ, UN FAUX DÉBAT ! Si l’expérience du confinement a fourni la preuve de l’effica- télétravail sur une variable aussi multi-factorielle et informelle, cité du télétravail pour le maintien de l’activité, la question voire subjective, que la productivité dans l’ensemble de ses de sa productivité apparaît loin d’être tranchée. Certes, les composantes : individuelle à la tâche (celle qui est générale- salariés se déclarent très majoritairement plus productifs en ment mesurée), à l’échelle de l’équipe (déjà plus complexe à télétravail, mais le constat n’est pas toujours partagé par les cerner, et probablement à maintenir), sans parler de la pro- chefs d’entreprise... Et les études scientifiques sur la question ductivité sur des projets inter équipes (celle pour laquelle le apparaissent souvent contradictoires, tant nous manquons en- risque de dégradation serait le plus fort). Certains constats core de recul, pour identifier et isoler précisément l’impact du semblent cependant se dégager. LA PRODUCTIVITÉ DU TÉLÉTRAVAIL, UN RESSENTI SUBJECTIF… 8% 9% 39 % 52 % 40 % 52 % En télétravail Les collaborateurs Les managers Moins productif(ve)s se considèrent estiment leurs équipes Inchangé(e)s Plus productif(ve)s Source : CBRE Workforce Sentiment Survey 2020, sondage réalisé de juin à juillet 2020 auprès de 32 grandes entreprises et 10 000 salariés dans 18 pays TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 11
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? CONSTAT 1 : Si l’expérience du confinement a permis de constater que plus d’activités sont télé- travaillables qu’initialement imaginé, toutes ne le sont pas également. Les missions de back office ou les tâches de production individuelles programmées, récurrentes, automatisables sont très télétravaillables. Moins les activités créatives ou relation- nelles, car les moments de collaboration les plus complexes ne peuvent se passer du face à face, de la présence des corps, au risque d’une distorsion de la qualité informationnelle de l’échange, d’une perte de créativité comme du sens de l’ac- tion collective. C’est la raison pour laquelle, les fonctions support, pourtant très sédentaires, apparaissent plus éligibles que les fonctions commerciales, certes plus mobiles mais qui ont davantage besoin du bureau pour le collaboratif. De la même façon, les moments d’hyper-concentration ne sont pas toujours compatibles avec la présence à domicile : rares sont les salariés à disposer d’un espace de travail dédié et confortable où s’isoler au calme. Nous frémissons tous au souvenir du télétra- vail improvisé sur un coin de table, avec les enfants qui crient autour, qu’ont vécu nombre de salariés durant le premier confinement… CONSTAT 2 : Le télétravail induit une surcharge managériale réelle, en raison de la nécessité de recréer activement ce que le présentiel provoque spontanément : des espaces d’expression de l’informel, d’adaptation à l’imprévu, du non-écrit, qui sont les fon- dements même des mécanismes de création de valeur et sans lesquels aucune or- ganisation ne peut fonctionner. Michel Crozier nous le rappelle, avec son principe de l’organisation « fantôme », tout comme l’exemple fameux de la grève du zèle : il faut souvent savoir contourner, interpréter, assouplir, parfois même transgresser les règles, les process pour solutionner… Or, les lieux ainsi que les moments de liberté et de parole collective ouverte et critique disparaissent dans une organisation milli- métrée et limitée à la coopération à distance via des outils numériques. Le télétravail amène ainsi inévitablement du formalisme, de la rigidité, en raison notamment de la prééminence de la culture écrite, qui peuvent affecter la productivité si des dis- positifs d’accompagnement spécifiques ne sont pas mis en place pour améliorer la fluidité et la synchronicité des échanges. Par ailleurs, une trop grande fragmentation du lieu de travail induit un risque de bi- latéralisation de la relation managériale : par souci de rapidité et d’efficacité, le ma- nager finit par ne s’adresser qu’aux salariés un à un (et possiblement au fil du temps toujours les mêmes), ce qui appauvrit, voire rend impossible, le travail en équipe. Autant de réalités qui impliquent de faire fortement évoluer le rôle du manager : il ne s’agit plus seulement d’organiser la collaboration en distribuant, facilitant et contrôlant la réalisation des missions, mais aussi de créer les conditions de l’émer- gence de l’informel, de provoquer de l’effervescence, de la coopération ouverte intra et inter-équipes, de remplacer l’ambiance par de la convivialité volontaire, bref d’animer en plus de manager. 12
Ce n’est pas tant le télétravail en soi, que la manière dont on le donne à vivre, qui influe sur la productivité. Clément Duport, Président Associé, Anima Néo Les entreprises abordent aujourd’hui trop souvent la question du télétravail par les coûts et les process et insuffisamment par l’humain. Alors même que, concernant les avantages supposés du travail à distance en matière de productivité, de coûts et même d’impacts écologiques, on peut lire à peu près tout et son contraire. Ma conviction : ce n’est pas tant le télétravail en soi, que la manière dont on le donne à vivre, qui influe sur la productivité. Chez Anima Néo, nous avons réalisé une enquête qualitative auprès des 37 entreprises que nous avons accompagnées dans leur transformation depuis 2015, afin de bénéficier de leur retour d’expérience sur le passage en 100 % télétravail, suite aux confinements. Nous avons observé que les entreprises qui s’en sont sorties le mieux étaient celles qui avaient développé une démarche préalable d’amélioration continue, de décentralisation des dé- cisions et une culture d’interactions directes entre les collabora- teurs. Cela induit : - des réflexions et un accompagnement sur les postures et pra- tiques managériales. Il faut pouvoir renoncer au contrôle au profit de la confiance, évoluer vers un management par objec- tif, facteur d’autonomisation et de responsabilisation. L’adap- tation des pratiques d’animation d’équipe, la ritualisation des temps collectifs, le soutien aux collaborateurs constituent des facteurs de réussite essentiels. - l’adaptation des processus de décision en faveur d’une plus grande délégation aux équipes opérationnelles. Il s’agit de développer l’auto-organisation, de prendre les décisions plus près des réalités opérationnelles, en évitant les gou- lots d’étranglements liés aux validations hiérarchiques. Les équipes qui prennent leurs décisions développent par ailleurs l’engagement individuel et collectif des collaborateurs qui les composent. - favoriser l’oralité dans les interactions. La tradition écrite est un facteur de rigidité et d’asynchronicité : la question des délais de feedback induits par la culture de l’email constitue l’un des principaux facteurs de baisse de la productivité en télétravail. Le problème n’est pas tant la distance, que le décalage dans le temps : la proximité physique permet une synchronisation naturelle des rythmes, perdue en distanciel. Travailler sur la ritualisation, la structuration de la communication et des temps de parole permet le plus souvent de remédier à ces biais. TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 13
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? CONSTAT 3 : Même si nous ne sommes pas tous égaux face au phénomène, le télétravail subi et à haute intensité présente des risques psy- cho-sociaux qui sont désormais bien documentés : anomie collective et individuelle, déréalisation, e-taylorisation, perte de sens, fuite des relations sociales et au final paupérisation. En effet, les biais induits dans la perception du réel liés à la mise à distance créent une passivité accrue, une vision réduite et tronquée de la réalité inhibant l’action. Et l’assignation à des tâches déterminées précises restreint le travail à sa dimen- sion productive automatique, ce qui induit un fort risque de perte de sens, de sentiment d’aliénation et d’inutilité néfastes à l’implication, l’engagement et plus globalement à la santé des collaborateurs. Car l’on sait désormais combien le sens perçu et donné à son travail joue un rôle prédominant dans l’efficacité et le plaisir à travailler. L’ensemble de ces risques nécessite en retour de sensibiliser et de former les managers, pour leur permettre de développer une posture d’écoute active susceptible de les aider à détecter les signaux faibles annonciateurs d’un décrochage. Nombre d’entreprises ont d’ailleurs fait l’expérience des limites psycho- logiques du télétravail subi, lors du premier confinement : face à la forte demande de retour au bureau d’une part importante de leurs salariés, elles ont dû rouvrir des sites, malgré les diffi- cultés inhérentes aux protocoles sanitaires. I l y a une productivité marginale décroissante qui arrive avec un télétravail à 100 %, raison pour laquelle nous ne préconisons pas un recours total à cette pratique dans notre étude, mais plutôt 2 à 3 jours par semaine (ratio optimal selon nos estimations). Erwann Tison, directeur des études de l’Institut Sapiens Pour toutes ces raisons, il est désormais admis qu’il existe une et au niveau d’acceptabilité des managers selon les multiples productivité marginale décroissante du télétravail tandis qu’à enquêtes publiées récemment (Opinion Way, Malakoff Huma- court terme, et à dose mesurée, il se traduit généralement nis, Chaire Immobilier de l’Essec… ). En outre, ce « seuil » par une hausse de la productivité mesurable. Ainsi, un relatif s’avère être considéré par les psychologues et les sociolo- consensus au sein des entreprises, mais aussi des adminis- gues, à l’instar de Danièle Linhart du CNRS ou Christophe trations et des services publics, émerge autour de l’octroi de Nguyen du cabinet Empreinte Humaine, comme critique pour 2 jours de télétravail par semaine. Ce nouveau « standard » le plus grand nombre au regard des risques psycho-sociaux. répond en effet à la fois à l’attente de la majorité des salariés 14
EN ROUTE VERS L’ENTREPRISE DISTRIBUÉE, PAS VERS L’ENTREPRISE SANS BUREAU… Les grands comptes ont donc intégré l’inéluctabilité de l’ins- polycentrique du travail, reposant sur un mix d’espaces et de tallation durable du télétravail et de la digitalisation des or- modalités de choix, dont des tiers lieux, des espaces relais du ganisations d’entreprises, indépendamment des convictions télétravail, mais aussi et surtout des immeubles sièges ! personnelles des dirigeants. Car ce qui se joue aujourd’hui, Le lieu physique apparaît en effet comme irremplaçable au c’est la mutation d’une situation où le travail se vivait dans un regard des multiples dimensions relationnelles et symboliques même lieu et un même temps pour l’ensemble de l’entreprise, qu’il permet de déployer, car l’humain est, et restera, avant à celle d’une fragmentation, d’un nouveau rapport à l’espace tout un animal social : la distanciation physique, si elle va temps et à l’action. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir tra- nous obliger à repenser l’acceptabilité de certains modèles de vailler depuis son domicile, mais de virtualiser les activités : densité, ne fera pas disparaitre l’envie et le besoin de travail- nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition, vers ler physiquement ensemble, ni de matérialiser les marqueurs l’émergence à terme d’un modèle d’organisation réellement de valeurs. Comme l’entreprise sans usine a montré ses limites (délocalisation, perte de savoir-faire, de brevets, voire disparition pure et simple), l’entreprise sans bureau, si elle est désormais techniquement possible, n’est tout simplement pas souhaitable pour la très grande majorité des structures. Car le bureau continuera à remplir les fonctions qui lui sont spécifiques. Olivier Cros, Head of Workplace Strategy, CBRE France Advisory & Transaction Occupier TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 15
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? Plus qu’un simple espace de travail, le bureau est un lieu de séren- envers l’aventure collective de l’entreprise, cette dernière ne se dipité, un lieu de co-construction, car la communication passe aus- réduisant jamais à l’addition d’individus isolés mais s’exprimant si par la présence des corps. C’est un lieu de « sublimation » des à travers ce qu’ils créent et mobilisent ensemble. Car sans lien capacités cognitives, notre fonctionnement cérébral ne pouvant autre qu’abstrait, sans corps, l’entreprise se retrouve totalement s’abstraire de l’environnement dans lequel nous évoluons selon la déracinée : au collectif de travail, à l’appartenance construite notion d’Enaction. C’est un lieu de représentation, de pouvoir et se substitue alors une logique de service, un fonctionnement en d’influence : à ce sujet, il n’apparaît pas neutre que les managers plateforme d’indépendants. Face à la fragmentation croissante soient les premiers à revenir en nombre au bureau, et pas toujours des temps, des lieux et des équipes de travail, les enjeux autour pour encadrer des équipes restées souvent clairsemées. du sentiment d’engagement vont donc devenir de plus en plus Le bureau est aussi un creuset culturel, un lieu de construction prégnants. Et le collectif, qui se vivait auparavant de façon plus de l’histoire commune, un vecteur d’égalité et de nivellement so- instinctive, devra demain être davantage préparé, organisé et mis cial qui incarne le sentiment d’appartenance et d’engagement en avant, à travers le bureau. LE POIDS DE LA DIMENSION SYMBOLIQUE DU BUREAU ENCORE TRÈS PRÉSENT… Pour 53 % des salariés, un bureau individuel est le signe qu’un collaborateur a des responsabilités importantes. Source : Sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et Selkis, mars 2021 Le télétravail, porte ouverte à l’externalisation et à l’automatisation des emplois de bureaux ? Avec la fragmentation croissante du collectif de l’entreprise inhérente au télé- travail, le risque est réel de voir apparaître des travailleurs-décrocheurs, des travailleurs du dehors, de deuxième cercle, des salariés chez qui le sentiment d’inutilité peut émerger avec force. Cette dynamique pourrait sans doute satis- faire certains employeurs, qui y verraient l’opportunité d’explorer les pistes de l’externalisation ou de l’automatisation des emplois tertiaires de back office à plus faible valeur ajoutée. Maintenant, la réalité du marché de l’emploi n’est pas encore totalement in- ternationale. L’idée que le télétravail va faire exploser le recours aux recrute- ments à très longue distance se heurte encore à des difficultés administratives, juridiques, fiscales et de protection sociale réelles, en raison du manque d’har- monisation des législations nationales. Or cette harmonisation n’apparaît peut-être pas totalement souhaitable, tant le jeu se révèle à double tranchant : il existe aussi un risque de fuites des profils les plus pointus, désormais chassés par des pays à plus haut niveau de rémunération... Par ailleurs, l’évolution actuelle des relations sociales au sein des entreprises plateformes, qui ont émergé ces dernières années dans la sphère du service aux consommateurs, témoigne bien des limites pour une entreprise d’un fonc- tionnement dans la seule logique de minimisation des contraintes inhérentes au droit du travail. Quant à la question de l’automatisation des emplois, elle ne soulève pas moins d’un triple questionnement : celui de son impact réel (destruction ou transfert ?), celui de notre vision du travail (vecteur d’émancipa- tion ou facteur d’aliénation ?) et donc, in fine, celui du modèle de société que nous souhaitons développer (qui, de l’humain ou de l’économie, est au service de qui ?). Bref, le débat est loin d’être tranché, et l’avenir est loin d’être écrit ! 16
Ce nouveau modèle de l’entreprise distribuée n’implique donc de-France et régions… Et ces espaces de ressources doivent pas forcément toujours moins de m² : au contraire, offrir de la demeurer facilement accessibles, la possibilité de télétravailler souplesse dans les choix de lieu de travail à ses salariés limite ayant fortement réduit l’acceptabilité de temps de trajet longs fortement les possibilités d’optimisation immobilière… En re- entre le domicile et le lieu de travail pour les collaborateurs. vanche, cette nouvelle organisation nécessite des m² plus qua- Il en résultera inévitablement, à terme, une nouvelle politique litatifs, et surtout distribués différemment : entre postes fixes et immobilière des entreprises : plus décentralisée, maillée et ar- positions libres, entre espaces de travail et espaces collabora- ticulée.1 tifs, entre siège central et réseau de satellites / relais, entre Ile- Suite au déploiement du télétravail, nous enregistrons déjà, dans notre équipe Grands Projets, quelques demandes d’espaces satellites de la part de grands groupes, soucieux de favoriser ainsi le retour au bureau de leurs collaborateurs. La majorité se concentre sur le bénéfice que leurs collaborateurs auront à revenir au travail, notamment en termes serviciel. D’autres, à l’image de l’Oréal, se tournent vers la signature de partenariats avec des prestataires de coworking pour, d’une part, s’assurer une forme de flexibilité, et, d’autre part, offrir à leurs salariés - quand cela est possible - l’accès à un réseau de lieux partenaires à la carte. Caroline Nachtwey, Directeur Pôle Grands Projets, CBRE France Advisory & Transaction Services 1 our creuser le sujet, cf. « Coworking, l‘âge de la maturité. Flexibilité, P nomadisme, optimisation : vers une hybridation des modèles ? » TÉLÉTRAVAIL : POUR, CONTRE, PLUS, MOINS ? UN DÉBAT D’ORES ET DÉJÀ DÉPASSÉ... 17
DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? Entreprise libérée, entreprise distribuée ? Chez Onepoint, nous accompagnons nos clients dans la transformation digitale de leur modèle organisationnel. Notre force de conviction : expérimenter sur nous-mêmes nos préconisations… Matthieu Fouquet, Secrétaire Général et Partner RH, Onepoint Dès la création de Onepoint, l’ambition était passage en 100 % télétravail, nos collabo- de monter une entreprise qui fonctionne à rateurs ont clairement exprimé le souhait la motivation plutôt qu’au contrôle, dans de pouvoir continuer à bénéficier de cette une logique entrepreneuriale où le désir de souplesse du choix du lieu et du moment collaborer dans un but commun se substi- de travail, pour notamment concrétiser des tue au lien de subordination. Dans notre désirs de mobilité. Nous avons donc décidé contrat social, le collectif de l’entreprise met d’élaborer un nouveau cadre totalement à à disposition de chacun les moyens de sa la carte. C’est un enjeu de fidélisation et de réussite, à charge pour lui de transformer recrutement fondamental pour nous : per- l’essai et de délivrer des résultats. Nous mettre à chacun de vivre là où il le souhaite, considérons nos collaborateurs comme une ou de s’épargner la contrainte des trajets ressource rare et précieuse : nous avons domicile/travail, pour ne se couper d’au- donc très tôt réfléchi aux moyens de fidé- cun vivier potentiel de compétences. liser cette population jeune (la moyenne Nous n’avons pas pour autant renoncé à d’âge chez nous est de 35 ans), exigeante faire de notre parc immobilier un vecteur et ultramobile, qui exprime une forte de- d’attractivité, bien au contraire : nous mande d’individualisation et d’autonomi- croyons en la nécessité de continuer à incar- sation. Nos collaborateurs souhaitent s’af- ner physiquement le collectif de l’entreprise. franchir de la contrainte du collectif imposé Cette volonté, couplée à nos ambitions de pour librement choisir leurs affiliations, leurs croissance, signifie que nous continuons appartenances. Nous avons donc souhaité à développer une politique immobilière totalement revoir notre modèle organisa- expansionniste. Seulement, nos bureaux tionnel, pour supprimer son caractère pyra- deviennent de moins en moins un lieu de midal et aplanir les niveaux statutaires. production pure : nous les concevons dé- Notre réflexion sur le télétravail s’inscrit sormais avant tout comme des espaces de dans cette philosophie globale. Nous liberté, de créativité, de socialisation, ou- avions signé il y a 10 ans un premier ac- verts et divers. Pour que nos salariés conti- cord, qui offrait la possibilité de travailler nuent à avoir envie de s’y rendre, nous pri- ponctuellement depuis le domicile, après vilégions les localisations en hyper-centre, négociation avec le manager. Cette facilité et nous recherchons des locaux premium. était essentiellement exploitée par nos colla- Ils constituent également en quelque sorte borateurs à certaines périodes particulières notre vitrine : ainsi, nous avons conçu notre de leur vie (retour de congé maternité ou nouveau siège social, rue des Sablons à Pa- paternité, besoin de changer d’air… ), et ris, comme un étendard pour notre marque, concernait au final approximativement 5 % la concrétisation de ce que en quoi nous de notre masse salariale. Puis la pandémie croyons, et que nous professons à nos est arrivée : suite à l’expérience réussie du clients. 18
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DEMAIN, TOUS AU BUREAU ? La réduction de l’empreinte immobilière de l’entreprise en télétravail : une équation complexe et mouvante L’épisode du confinement a levé le voile sur une réalité jusqu’alors assez largement occultée : celle de la sous-utilisation structurelle des espaces de bureaux, qui va aller croissante avec le développement de la mobilité des collaborateurs. Dans le même temps, il apparaît désormais nécessaire, pour tourner la page de la crise sanitaire, d’inciter et de favoriser le retour au bureau des salariés. Les besoins d’adaptation aux nouveaux modèles organisationnels découlant de l’adoption du télétravail, mais aussi aux attentes accrues de bien- être et d’autonomie des collaborateurs, apparaissent, de ce fait, importants : il s’agit de favoriser des environnements plus collaboratifs, adaptables et qualitatifs. La crise a donc accéléré l’obsolescence des anciens aménagements de bureaux et va amplifier le rythme de passage au flex office qui, combiné à l’adoption du télétravail, apparaît comme la meilleure solution pour allier modernisation des environnements de travail et gisement d’économies. La réduction surfacique de l’empreinte immobilière des entreprises liée à la généralisation du télétravail apparaît donc à terme inéluctable. En revanche, son ampleur et son rythme dépendront de la maturité des entreprises face à la problématique des nouveaux aménagements, mais surtout de l’acuité de la question financière, qui détermineront in fine la position du curseur entre optimisation immobilière et souplesse organisationnelle dans les modalités de mise en œuvre. 20
LE NOUVEAU BUREAU : UN CENTRE DE RESSOURCES ET UN LIEU DE DESTINATION Plus les échanges réels seront sélectifs, plus les lieux phy- siques deviendront précieux, à la fois de manière symbolique Après plus d’une année et de manière réelle, à l’image des « Hyper Lieux » décrits passée à travailler par Michel Lussault dans « Les nouvelles géographies de la mondialisation ». Ainsi, la fin de la logique de fréquentation depuis la maison, régulière des bureaux implique d’y développer, en contrepar- tie, une expérience collaborateurs hyper qualitative. Dans le la dernière chose nouveau modèle d’entreprise distribuée, basée sur le principe dont j’ai envie, de la rupture de l’unité de temps, de lieu, d’action, le bureau doit devenir un véritable centre de ressources et une destination c’est de me retrouver pour les collaborateurs, où ces derniers viennent chercher ce qu’ils ne trouvent pas ailleurs : se changer les idées et échan- coincé dans un bureau ger spontanément, coopérer plus intensément, retrouver des individuel quand rituels structurants, ou encore s’isoler dans des bulles d’hyper concentration… L’enjeu de la qualité, en termes de confort et je retournerai au siège ! d’équipements, s’affirmera donc de façon croissante dans les immeubles, qui devront s’inspirer du modèle hôtelier pour offrir Noel Quinn, de l’animation, de la diversité, de la technologie, des services. CEO d’HSBC LA RÉDUCTION DE L’EMPREINTE IMMOBILIÈRE DE L’ENTREPRISE EN TÉLÉTRAVAIL : UNE ÉQUATION COMPLEXE ET MOUVANTE 21
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