Der Wanderer Hommage à Claudio Abbado - Mardi 7 novembre 2017 - 20h30 - Philharmonie ...

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Der Wanderer
Hommage à Claudio Abbado
  Mardi 7 novembre 2017 – 20h30

   salle des concerts – cité de la musique
Hommage à Claudio Abbado

On se souviendra longtemps des dernières apparitions sur scène de
Claudio Abbado. La ferveur du public était palpable, et les très longues
secondes de silence qui suivaient les ultimes notes de ses concerts – qui
tenaient autant de l’expérience musicale que du rituel – saisissantes. Son
charme et son aura, qui lui auront permis de dompter avec la plus grande
économie de paroles les plus prestigieux orchestres de la planète, étaient
encore là tandis que la silhouette semblait toujours plus frêle.

Sensible à la pédagogie et à la transmission, il a créé, ressuscité ou
impulsé pas moins de sept orchestres, dont plusieurs ensembles de
jeunes. Si, durant ses dernières années d’activité, Claudio Abbado s’était
particulièrement concentré sur les œuvres de Mozart, Bruckner et Mahler,
il aura été un acteur incontournable de la création contemporaine, jouant
Ligeti (Atmosphères, Lontano, Ramifications, Concerto pour flûte et
hautbois), Boulez (Notations), Stockhausen (Gruppen), Berio (Requies),
Goubaïdoulina (Hommage à T. S. Eliot), Zimmermann (Omnia tempus
habent), Carter (A Mirror on Which to Dwell), Feldman (Coptic Light),
mais aussi Stroppa, Schnittke, Xenakis, Henze… Il a créé des œuvres de
Manzoni (l’opéra Mort atomique en 1965), Kurtág (Samuel Beckett: What
Is the Word), Pintscher (Herodiade-Fragmente) et Nono (Au grand soleil
d’amour chargé, 1975), avec qui il entretenait une relation privilégiée.

Avec les compositeurs de la génération de 1925, Wolfgang Rihm est sans
doute celui que le chef italien a le plus souvent interprété : il ressentait un
attachement particulier à son endroit, louant l’homme intelligent et cultivé,
s’intéressant à sa musique dès les années 1980. Il assure la première de
Départ en 1988. Suivront trois autres créations : Bildlos/Weglos (1991), son
instrumentation de Der Wanderer de Schubert (1997) et In doppelter Tiefe
(1999). Claudio Abbado a essaimé la musique du compositeur allemand dans
le monde entier, assurant la première américaine de Dämmerung avec le
Chicago Symphony Orchestra ou exécutant In-Schrift aux Proms de Londres.
Et il n’est pas anodin que pour son premier concert en tant que directeur
musical des Berliner Philharmoniker (16 décembre 1989), il ait désiré mettre
une œuvre de Rihm (Erinnerung) au programme. Hölderlin-Fragmente, Erster
Doppelgesang et Zweiter Doppelgesang figuraient aussi à son répertoire.

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Claudio Abbado est resté treize ans à la tête des Berliner Philharmoniker.
À son arrivée, il avait fait part de deux souhaits : jouer davantage de
musique française et d’œuvres contemporaines. Ce dernier objectif a
été pleinement réalisé. Pour rendre hommage à son engagement dans
ce domaine, l’Académie de l’orchestre berlinois a créé en 2006 le prix
de composition Claudio-Abbado. En 2016, elle l’a décerné au Slovène
Vito Žuraj, un disciple de Wolfgang Rihm, qui a en même temps reçu
commande d’Alavò, que l’on entend ce soir. Une partition inspirée de
la vie de Claudio Abbado, un artiste qui se sera engagé, comme peu
d’autres de sa stature et de son charisme, en faveur des créateurs de
son temps.

Bertrand Boissard

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PROGRAMME

Wolfgang Rihm
Chiffre II ‘Silence to Be Beaten’
Mnemosyne

Robert Schumann
Quintette pour piano et cordes

entracte

Vito Žuraj
Alavò

Karajan-Akademie der Berliner Philharmoniker
Stanley Dodds, direction
Rinnat Moriah, soprano
Jean-Frédéric Neuburger, piano

FIN DU CONCERT VERS 22H30.

        Retrouvez le livret en page 24.
        Ce concert est enregistré par France Musique.
LES œuvres

Wolfgang Rihm (1952)
Chiffre II ‘Silence to Be Beaten’

Composition : 1983, pour le London Sinfonietta.
Création : le 30 novembre 1983, à Londres, par le London Sinfonietta, sous la direction
d’Anthony Pay.
Effectif : flûte, hautbois, clarinette, basson – cor, trompette, trombone – percussion –
piano – violon I, violon II, alto, violoncelle, contrebasse.
Durée : environ 14 minutes.

Mnemosyne

Composition : 2006-2009.
Création : le 20 mai 2009, au Kammermusiksaal, par Anna Prohaska (soprano)
et des membres de l’Orchestre Philharmonique de Berlin.
Publication : Universal Edition.
Effectif : soprano solo – flûte, hautbois, clarinette en la – cor – percussion – harpe –
2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse.
Durée : environ 8 minutes.

Vingt-six années séparent Chiffre II de Mnémosyne. Les deux pièces
brossent un émouvant portrait en clair-obscur de l’œuvre de Wolfgang
Rihm, mêlant étroitement les sensations de contraste et d’unité, d’évolution
et de continuité. Chez Rihm, chaque œuvre n’est souvent qu’une étape,
moment donné impossible à revivre mais vers lequel il est souvent bon
de se retourner afin d’y découvrir des choses toujours actuelles. « La
pièce qui naît est la recherche articulée de cette pièce, expliquait ainsi
le compositeur. J’ai toujours été fasciné par l’idée qu’une œuvre, surtout
musicale, qui se déploie dans le temps, qui résulte du temps, représente
également le chemin qu’on parcourt pour la trouver. L’œuvre non seule-
ment comme résultat final mais comme chemin vers sa genèse – voilà
ce qui m’a toujours ému. »

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Chacune à sa façon, Chiffre II et Mnemosyne racontent leur genèse pour
s’inscrire dans un parcours logique ; la première participe ainsi à un
cycle conçu sur quatre ans, de 1982 à 1985, initialement conçu comme
« une suite de signes résonnants, la plupart du temps aux contours
aigus, comme des hiéroglyphes, des caractères cunéiformes, des signes
étrangers mais justement des signes dans le son ». Le terme de « chiffre »
renvoie donc au signe plutôt qu’à une conception numérique qui accom-
pagne la musique depuis les spéculations pythagoriciennes. Mais plus
remarquable est la façon dont Chiffre II s’est introduit dans l’ensemble,
par l’emploi commun du piano, de sorte que l’intégration dans le cycle
a été à la fois inattendue et naturelle.

Dans le cas de Mnemosyne, nul cycle mais des retrouvailles avec
Hölderlin, comptant parmi les poètes les plus souvent mis en musique
par Rihm au côté de Nietzsche et de Goethe. Et c’est là-même la reprise
d’un poème déjà emprunté par Rihm en 2006 dans une pièce pour voix
et clarinette sous le titre de Zu singen, cette fois-ci pour un hommage
à Claudio Abbado, à l’occasion de son soixante-quinzième anniver-
saire. « L’évolution de ma façon d’envisager ce que j’ai créé, explique le
compositeur à Josef Häusler, est toujours prétexte chez moi à produire du
nouveau. Cela peut prendre la forme d’une nouvelle pièce, qui sera une
critique du morceau avec lequel elle entretient un rapport latent ; mais
cela peut aussi être une intervention directe sur le morceau en question,
une insertion, le remplacement d’un passage par un autre, une coupure,
une réorganisation, etc. »

Il en résulte des partitions évolutives, aux formes multiples, ici pour
ensemble ou grand orchestre, là avec clarinette ou ensemble instru-
mental. Et Mnemosyne de se rappeler à notre bon souvenir comme
à celui du poète qui n’a cessé de se réfugier auprès de la muse tout
en revendiquant la possibilité d’asseoir son art sur la tradition jusqu’à
prendre exemple sur les Antiques. Un travail sur la mémoire ; quoi de
mieux pour un hommage à un immense chef qui a tant œuvré pour la
musique contemporaine, et a lui aussi exprimé son admiration pour
Wolfgang Rihm ?

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À vingt-six ans d’intervalle, les deux pièces sonnent bien sûr de manières
très différentes. Mnemosyne, selon sa créatrice Anna Prohaska, est
une « œuvre de cristal aussi subtile qu’émotionnelle, à la temporalité si
régulière que ses mesures paraissent s’estomper comme les rayons du
soleil en reflets dans l’eau ». Loin des aspérités de Chiffre II, renvoyant
plutôt à la musique de Varèse et à Arcana par son indication réclamant
une « battue invisible ». Au cœur de la partition, il est en effet une section
où l’on retrouve ce « silence à battre » énigmatique, qui laissera le temps
se figer dans un inquiétant hurlement de timbales. Ainsi, il semble que la
trajectoire de Rihm relève d’une quête de clarté, dessinant opus après
opus une longue ligne vers la simplification et la transparence. Une façon
pour l’œuvre « de changer elle aussi quotidiennement ».

François-Gildas Tual

Robert Schumann (1810-1856)
Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur op. 44

I. Allegro brillante
II. In modo d’una marcia. Un poco largamente
III. Scherzo. Molto vivace
IV. Allegro ma non troppo

Composition : septembre-octobre 1842.
Dédicace : à Clara Schumann, née Wieck.
Création : privée, le 6 décembre 1842, chez les Voigt, à Leipzig, avec Felix
Mendelssohn au piano ; publique, le 8 janvier 1843, au Gewandhaus de Leipzig,
avec le Quatuor David et Clara Wieck-Schumann au piano.
Première publication : Breitkopf & Härtel, Leipzig, 1843.
Effectif : piano – violon I, violon II, alto, violoncelle.
Durée : environ 30 minutes.

Le Quintette op. 44 fait suite aux trois Quatuors op. 41 avec lesquels
Schumann se confronte pour la première fois au genre de la musique
de chambre, cette « musique encore plus musique » qu’il place si haut.
Si le piano était absent des premières pages composées en 1842, son

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intégration dans le corpus chambriste avec le Quintette montre, s’il en
était besoin, l’importance pour Schumann de l’instrument (toutes les
œuvres suivantes y feront appel), à la fois double du compositeur et voix
de la bien-aimée Clara, à qui l’opus est dédié et qui en sera une interprète
infatigable. Partition ample dans ses proportions, riche d’une écriture
instrumentale alliant rigueur et fantaisie, et surtout souveraine par la
qualité de son inspiration, elle se pose comme modèle pour les généra-
tions suivantes, et, chacun à leur manière, les quintettes de Brahms, de
Franck, de Fauré ou de Dvořák en sont tributaires.

Le premier mouvement fait preuve d’un art consommé, notamment dans
les métamorphoses (dès l’exposition) du célèbre premier thème, dont
le profil disjoint et impérieux se pare bientôt d’inflexions caressantes et
rêveuses, mais aussi dans la richesse des degrés et des tonalités parcou-
rus. De mi bémol majeur pour cette forme sonate initiale à ut mineur
pour la marche funèbre qui suit : souvenirs de Beethoven (Symphonie
« Eroica ») et de Schubert (Trio D. 929) ; texture trouée et tessitures
graves dessinent une rhétorique de la déploration ô combien expressive,
entrecoupée de deux trios, le premier en ut majeur bercé de rythmes
flous, le second agitato, directement issu du thème principal, aux accents
épiques. Un scherzo (à nouveau de forme rondo avec deux trios, l’un en
sol bémol majeur, l’autre en la bémol mineur) plein d’une énergie un peu
bruyante mène à un finale époustouflant, qui se joue des formes tradi-
tionnelles (forme sonate et forme rondo) et qui culmine sur une double
fugue combinant le thème du premier mouvement et celui de ce dernier
Allegro : musique à la fois ultra-savante et pleine d’une superbe énergie.

Angèle Leroy

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LE SAVIEZ-VOUS ?

Le quintette pour piano et cordes

Cette formation constituée d’un piano et d’un quatuor à cordes apparut
dans la seconde moitié du xviiie siècle. Au départ, elle fut beaucoup
utilisée pour des transcriptions de concertos pour piano : en réduisant
l’orchestre aux quatre instruments à cordes, on permettait aux œuvres
d’être jouées en famille, dans des salons mondains ou dans des petites
salles de concert (une pratique encore en usage au xixe siècle, dont
bénéficièrent par exemple les concertos de Chopin). Dans de nombreux
quintettes romantiques, le piano possède d’ailleurs un rôle de soliste,
dialoguant et s’opposant au groupe des cordes.

Dès les années 1770, des musiciens composèrent des quintettes entière-
ment « originaux » (ce n’était pas des transcriptions). La plupart du temps,
la partie de piano restait simple pour être accessible aux amateurs. Si les
douze Quintettes op. 56 et op. 57 (1797 et 1799) de Boccherini attestent
des ambitions supérieures, il faut attendre l’Opus 44 de Schumann (1842)
pour que le genre gagne réellement ses lettres de noblesse. De fait, il
se développe surtout dans la seconde moitié du xixe siècle. Les œuvres
deviennent plus nombreuses ; l’écriture s’enrichit et se diversifie ; les
instruments sont traités à égalité, parfois dotés de traits virtuoses. Parmi
les grands quintettes de cette époque, on compte Saint-Saëns (1855),
Brahms (1862), Dvořák (1872) ou encore Franck (1879). Bien que cet
effectif continue d’inspirer certains compositeurs des xxe et xxie siècles
(Chostakovitch, Thomas Adès), il reste avant tout associé au postroman-
tisme d’esthétique germanique.

Hélène Cao

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Vito Žuraj (1979)
Alavò, cycle de lieder sur quatre ordres de rêve

I. A la vo’
II. Allein. Leer
III. Qui si racconta
IV. Eine Stunde habe ich nicht
V. Qui si racconta, Signori
VI. Solange ich
VII. A la vo’
VIII. Come hai passato la notte?
IX. weißt du
X. Voi, Signora
XI. reue
XII. Siete da sposare?
XIII. A la vo’
XIV. die glocken fingen so stark an zu läuten
XV. Dummheit regiert die Welt

Composition : 2016-2017, sur un texte de Patrick Hahn (né en 1980), à partir de berceuses
siciliennes et de motifs empruntés au conte sicilien Caterina la Sage, tel que l’a raconté
la conteuse Agatuzza Messía.
Effectif : soprano solo – piano – ensemble.
Durée : environ 35 minutes.

Alavò est un mot que l’on rencontre dans divers textes de berceuses
siciliennes et qui veut dire « Fais dodo ». L’œuvre de Vito Žuraj portant
ce titre est une musique féerique écrite en hommage à Claudio Abbado,
dont la mère était originaire de Palerme, en Sicile, et auteur de livres
d’enfants. Les contes de fées étaient donc son quotidien. Et c’est en Sicile
que se situe le monde de contes de fées dans lequel s’est transporté
l’auteur du texte d’Alavò, Patrick Hahn : Catherine la Sage, des Contes
populaires italiens d’Agatuzza Messía, et La Sapia, du recueil de contes
Pentamerone, vieux de plus de trois siècles, de Giambattista Basile, sont
tous les deux des variations de l’histoire d’une jeune fille qui séduit le
prince de Palerme par son intelligence et sa beauté, et fait avec lui un
cheminement singulier. Dans le texte d’Alavò, le nom de Sapia est mêlé à

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l’intrigue de Catherine la Sage, et le conte est transporté dans un monde
onirique. En état d’éveil, Sapia pleure sa mère décédée. En rêve, elle
épouse le prince Carluccio et chemine avec lui. Dans un « rêve dans le
rêve », elle est enfermée dans un cachot, et ses pensées se décomposent
petit à petit. Elle trouve finalement l’apaisement au fond de son incons-
cient, où résonne la voix de sa mère qui lui chante comme par magie
une berceuse. Un tendre adieu, de plus en plus doux, qui débouche sur
un long silence. Aucun interprète ne savait mieux apprécier le silence
que Claudio Abbado.

Des parties essentielles d’Alavò ont vu le jour durant l’été 2017 en Italie :
en juillet, dans la Villa Massimo de Rome, siège de l’Académie allemande,
et en août, dans la Villa Orfeo de Positano, où se trouve la fondation
Wilhelm-Kempff. Les merveilleux parcs de ces deux institutions, le charme
de la Ville Éternelle et les paysages époustouflants de la côte amalfitaine
ont donné à la nouvelle œuvre un peu de la magie de l’Italie.

Le travail du librettiste sur Alavò

« Qui a confiance dans la culture peut penser l’avenir », disait le chef
d’orchestre Claudio Abbado. Rares sont ceux à avoir autant que lui fait
confiance à la puissance de cohésion sociale de la musique, de la littérature
et des beaux-arts. Et pratiquement aucun interprète du xxe siècle n’a en
même temps autant pensé l’avenir que lui. Son action et son œuvre ne se
réduisent pas aux concerts qu’il a dirigés et aux disques qu’il a enregistrés.
Elles se manifestent également dans les nombreuses compositions qu’il
a initiées, les festivals qu’il a créés, et une conception qu’il a transmise à
des générations de musiciens dans les multiples orchestres qu’il a fondés
et qui continuent d’exister. « Quand on fait de la musique ensemble, il est
bien plus important de savoir écouter que de savoir jouer » était l’une de
ses idées maîtresses qu’il ne se lassait pas de répéter. « Cela ne vaut pas
uniquement pour la musique mais aussi pour la vie », ajoutait-il.

La commande, en avril 2016, d’une œuvre au lauréat du prix de composi-
tion Claudio-Abbado, Vito Žuraj, qui m’a chargé du texte, a coïncidé avec
le transfert des archives du chef italien à Berlin et une grande exposition,

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ce qui offrait non seulement la possibilité, mais pour ainsi dire l’obligation
d’inclure dans la conception de la partition une réflexion sur la pensée
d’Abbado et sur sa personnalité.

À l’époque où il était directeur musical des Berliner Philharmoniker, il a
sans cesse cherché à fluidifier les frontières entre musique et littérature
en prenant des œuvres littéraires ou des projets de metteurs en scène
comme point de départ de « voyages » musicaux. Lui qui adorait la litté-
rature, il a évoqué avec force la manière dont la lecture peut contribuer à
former la pensée : « Lorsqu’on aime la littérature, on se crée sans cesse
de nouveaux mondes intérieurs dans lesquels on peut entreprendre de
longs voyages. J’ai fait mes premiers voyages de ce genre dès l’enfance.
Je crois que pour chacun d’entre nous naît en parallèle à la vie réelle
un récit de rencontres avec des personnages fictifs peuplant des situa-
tions imaginaires. Ils deviennent aussi familiers que certaines personnes
que l’on rencontre dans la vie et vous suivent dans votre parcours. La
littérature me forme et forme ma pensée musicale pour le meilleur, elle
m’encourage à faire de nouvelles expériences. »

Dans mon travail avec Vito Žuraj, j’ai souhaité commencer par chercher
dans la biographie et les lectures d’Abbado des éléments sur lesquels
m’appuyer afin de créer une œuvre qui se donne pour mission utopique
« d’écouter l’autre ». Le compositeur Luigi Nono, qui fut longtemps un
compagnon de route d’Abbado, a décrit ainsi la difficulté de « rencon-
trer l’autre » : « Au lieu d’écouter les autres, on espère se réentendre
soi-même, […] on adore entendre sans cesse la même chose avec ces
petites différences qui permettent de faire la preuve de sa propre
intelligence. » Ce qu’exige Nono – « sensibiliser l’ouïe, la vue, la
pensée, l’intelligence » – semble plus important que jamais à notre
époque où la vie collective en liberté est menacée par la méfiance,
la peur et la suspicion. Permettre la rencontre avec l’autre est devenu
une mission utopique.

Le mot sicilien « alavò » recèle l’expression d’une forme très particu-
lière de sensibilité attentive et vigilante (et c’est là que je trouve un
premier élément sur lequel m’appuyer). Cette expression provient de
la culture dont Abbado s’est nourri dès le berceau et qui a marqué

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son enfance. Il ne sera cependant pas question de sommeil dans
l’œuvre mais de cette forme supérieure de l’attention propre à l’état
de celui qui rêve.

Alavò va être le point de départ d’un voyage qui mène au présent depuis
des sources populaires musicales et littéraires. L’œuvre établit un dialogue
délibéré avec la tradition, qui a toujours été un important point de repère
pour Abbado, mais doit être reliée à la modernité contemporaine selon
lui : « Ce qui est connu est souvent trop connu ; la tradition tourne à
vide lorsqu’elle n’est pas reliée à la modernité, lorsque les évolutions ne
deviennent pas visibles. »

Avec Vito Žuraj, nous pouvons nous appuyer dans Alavò sur le succès
de nos projets musico-littéraires communs Schub’rdy G’rdy et La Femme
100 têtes, dans lesquels l’invention de la forme et le façonnement du
contenu ont été menés de front.

C’est également au sens propre que cette partition va être un « voyage »,
de par sa conception spatiale : la soprano se déplacera entre différentes
« îles sonores ». Alavò cherche ainsi délibérément une nouvelle défini-
tion de l’espace du concert, d’autres hiérarchies de l’écoute passive et
active, de l’interaction et de la rencontre entre l’auditeur et l’interprète.
Abbado requérait pour les œuvres traditionnelles ce qui est accepté
sans contradiction pour les partitions contemporaines, la participation
active de l’auditeur, estimant : « Il n’y a pas loin entre la riche imagination
du compositeur ou de l’interprète et la force créatrice de l’auditeur. »

Patrick Hahn, Cologne, juillet 2016

Les citations de ce texte proviennent du livre d’entretiens de Frithjof Hager, Claudio
Abbado. Die Anderen in der Stille hören [Entendre les autres dans le silence], illus-
tré avec des photographies de Cordula Groth, Suhrkamp Verlag, Francfort, 2000.

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LES COMPOSITEURS

Wolfgang Rihm                                très diverses, écrits par Nietszche,
Né en 1952 à Karlsruhe (Allemagne),          Rimbaud ou Artaud, développant avec
Wolfgang Rihm étudie la composition          ces derniers de multiples correspon-
dès ses années de lycée avec Eugen           dances entre texte et son. Wolfgang
Werner Welte. Très jeune, il rencontre       Rihm a depuis écrit un corpus de plus
Karlheinz Stockhausen à Cologne,             de quatre cents œuvres mêlant œuvres
ce dernier lui faisant la plus grande        lyriques, symphoniques, concertantes,
impression, et part finir ses études à       quatuors à corde et œuvres pour piano,
Fribourg, où il acquiert une connais-        violon, violoncelle ou orgue solo. Ses
sance encyclopédique du répertoire           opéras sont devenus très célèbres en
baroque, classique et moderne. Dès           Allemagne, dont Die Hamletmaschine
les années 1970, le compositeur              (1986), Œdipus (1987), Die Eroberung
amorce un changement esthétique              von Mexico (1991), Das Gehege (2006),
majeur dans la musique contemporaine         Dionysos (2010). Il écrit également
allemande, adoptant une vision plus          plusieurs textes sur la musique, dont
flexible de la structure et revenant à       les fondamentaux ont été traduits en
l’émotion, avec ses pièces Lichtzwang        français et rassemblés sous le titre
(1977) pour violon et orchestre et les       Fixer la liberté : écrits sur la musique
pièces symphoniques Morphonie                (Décitre, 2013). En 1987, à l’occasion
(1974), Dis-Kontur (1975) et Sub-Kontur      de la création américaine de son
(1976). Dans un célèbre manifeste de         opéra Jakob Lenz, il déclare au New
1981, Pour une nouvelle simplicité, il       York Times : « Je pense que la raison
rejette d’ailleurs implicitement l’avant-    pour laquelle ma musique n’est pas
garde sérielle et plaide, avec d’autres      si connue est liée à ma personnalité.
compositeurs de sa génération, pour          Comme je ne voyage pas beaucoup,
que la musique renoue avec le lyrisme,       ma personnalité est difficilement saisis-
la mélodie et l’expressivité. La musique     sable. » Depuis 1985, il enseigne la
de Wolfgang Rihm est de ce fait nourrie      composition à la Hochschule für Musik
d’une constellation d’influences, allant     de Karlsruhe. En 2006, il écrit Vigilia,
des romantiques comme Beethoven,             pour orgue, ensemble instrumental
Schubert, Schumann et Brahms aux             et six voix solistes à l’église Saint-
contemporains tels que Feldman,              Eustache de Paris, qu’il conçoit en
Webern, Killmayer, Lachenmann et             tenant compte de l’acoustique du
Nono. Il puise également son inspi-          lieu. Il vit aujourd’hui encore dans sa
ration chez des artistes d’autres disci-     ville natale, près des frontières suisse
plines, dont l’artiste plasticien Kurt       et française. Sa pièce Reminiszenz –
Kocherscheidt, à des textes d’origines       Triptychon und Sprunch, pour ténor et
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grand orchestre, est créée en janvier        une idylle passionnée, que le père de
2017 l’occasion de l’inauguration de         la pianiste tente de contrarier par tous
l’Elbphilharmonie de Hambourg.               les moyens. Robert et Clara s’uniront
                                             finalement le 12 septembre 1839. Le
Robert Schumann                              temps des œuvres pour piano cède
Né en 1810 à Zwickau, le jeune               alors la place à celui des lieder (L’Amour
Schumann grandit au milieu des               et la vie d’une femme, Dichterliebe…)
ouvrages de la librairie de son père,        de l’année 1840, puis à l’orchestre pour
qui exerce aussi les activités d’éditeur,    l’année 1841 (Symphonie no 1 créée
de traducteur et d’écrivain. Bien vite,      par Mendelssohn au Gewandhaus
il écrit drames et poèmes, s’enthou-         de Leipzig) et enfin à la musique
siasme pour Goethe, Shakespeare,             de chambre en 1842 (Quatuors à
Byron et surtout Jean-Paul, son héros        cordes op. 41, œuvres avec piano).
en littérature. En parallèle, il découvre    Schumann jouit dorénavant d’une
la musique, s’adonne aux plaisirs de         véritable considération ; en 1843, la
l’« improvisation libre plusieurs heures     création de son oratorio Le Paradis et
par jour » et compose diverses œuvres        la Péri est un succès. Il prend poste
qui accusent un « manque de théorie,         au tout nouveau Conservatoire de
de technique ». À 18 ans, il part à          Leipzig et refuse la direction de l’All-
Leipzig étudier le droit, mais prend         gemeine musikalische Zeitung qu’on
conscience qu’il veut devenir musicien.      vient de lui proposer. L’année 1844
Il esquisse ses premières véritables         assombrit les horizons. Schumann, qui
compositions et commence les leçons          souffre depuis longtemps d’angoisses
de piano avec Friedrich Wieck, dont          et d’insomnies, s’enfonce dans la
la fille Clara, enfant prodige née           dépression. Il abandonne sa revue,
en 1819, est la meilleure vitrine. Un        et le couple déménage à Dresde.
problème à la main anéantira ses             Des pages essentielles voient tout
rêves de pianiste. L’année 1831 le           de même le jour : le Concerto pour
voit publier ses premières œuvres            piano op. 54, la Symphonie no 2. La
pour piano et signer sa première             fin de la décennie, attristée par la
critique musicale dans l’Allgemeine          mort de leur premier fils et celle de
musikalische Zeitung. Il prolonge cette      Mendelssohn en 1847, marque un
expérience avec la fondation, en 1834,       regain d’énergie et d’inspiration : le
de sa propre revue, la Neue Zeitschrift      compositeur reprend son projet sur
für Musik, qu’il dirigera presque dix        Faust (achevé en 1853), commence
ans et dans laquelle il fera paraître        Manfred et trouve un nouveau langage,
des articles essentiels sur Schubert,        profondément personnel, dans ses
Berlioz ou Chopin. Petit à petit, le         compositions pour piano, pour voix
jeune homme noue avec Clara Wieck            et surtout pour petits ensembles.

                                        16
L’installation à Düsseldorf, en 1850, où         et à Lucerne. Vito Žuraj reçoit égale-
Schumann prend ses fonctions en tant             ment le prix de composition de la
que Generalmusikdirektor, se fait sous           Ville de Stuttgart et le prix Prešeren,
de bons augures. Genoveva, l’opéra               plus haute décoration accordée à un
tant rêvé, est un échec, mais la création        artiste en Slovénie. En 2014, il est
de la Symphonie « Rhénane », en 1851,            accueilli comme pensionnaire à la Villa
panse la blessure. En 1853, la rencontre         Massimo de Rome, à l’Académie des
du jeune Brahms (il a alors 20 ans)              arts de Berlin et au ZKM de Karlsruhe.
prend des allures d’épiphanie : « Un             Vito Žuraj étudie la composition avec
génie », s’exclame-t-il. Cependant,              Marko Mihevc à Lubiana avant de
l’état mental du compositeur empire              poursuivre sa formation après de
gravement. Il se jette dans le Rhin en           Lothar Voigtländer à Dresde et de
février 1854 et est interné à sa propre          Wolfgang Rihm à Karlsruhe. Il s’acquiert
demande quelques jours plus tard. Il y           une solide expérience en technologie
passera les deux dernières années de             et esthétique du son électronique
sa vie et meurt le 29 juillet 1856.              lors de son master d’informatique
                                                 musicale avec Thomas A. Troge et au
Vito Žuraj                                       ZKM de Karlsruhe, expérience qu’il
Des compositions puissantes à                    consolide auprès de l’Experimental-
la facture méticuleuse, taillées sur             studio de la SWR et de l’Ircam, et qui
mesure pour leurs interprètes et                 lui sert aujourd’hui dans son travail de
incluant souvent des éléments de                 compositeur comme de professeur. Il
mise en scène et de spacialisation               enseigne depuis 2015 la composition
sonore, tel est le travail de Vito Žuraj.        et la théorie musicale à l’Académie
Les œuvres de ce jeune compositeur               de musique de Lubiana et, parallè-
né à Maribor (Slovénie) en 1979 ont              lement, à Karlsruhe. Suite à sa parti-
rapidement trouvé leur place dans les            cipation à l’Académie internationale
plus grandes salles de concert et les            de l’Ensemble Modern (2009-2010),
meilleurs festivals, interprétées notam-         il débute avec ce groupe de solistes
ment par le New York Philharmonic                une collaboration étroite menant à la
Orchestra, le BBC Scottish Symphony              création notamment de Runaround
Orchestra, l’Ensemble Modern et                  (2014), Übürall (2013), Restrung (2012)
le RIAS Kammerchor. Au printemps                 et Warm-up (2012). Passionné par le
2016, Vito Žuraj se voit remettre le             tennis, Vito Žuraj s’appuie sur l’expé-
prix de composition Claudio-Abbado               rience de certaines situations de jeu
de l’Académie d’orchestre des Berliner           pour composer une série toujours
Philharmoniker. Ce prix est assorti de           plus fournie d’ouvrages parmi lesquels
la commande d’Alavó, pièce créée à               Changeover, pour groupes instru-
la Philharmonie de Berlin puis à Paris           mentaux et orchestre symphonique,

                                            17
créé en 2011 par l’Ensemble Modern        orchestre à cordes de chambre, sur des
et l’Orchestre Symphonique de la          textes du poète slovène Aleš Šteger.
Radio de Francfort sous la direc-         En tant que compositeur en résidence
tion de Johannes Kalitzke. Parmi les      de l’Orchestre Philharmonique du
temps forts de la dernière saison,        Théâtre d’Erfurt, Vito Žuraj a écrit
citons deux concerts à l’Elbphilhar-      Drive, pour trio de percussions et
monie de Hambourg : la création de        groupes instrumentaux, dont la
Stand up, commande de l’Orchestre         création est programmée début 2018.
Philharmonique de la NDR, ainsi           Le Klangforum Wien, sous la direction
qu’un concert-portrait donné par          d’Emilio Pomárico, interprétera une
l’Ensemble Modern avec le compo-          nouvelle pièce pour ensemble lors des
siteur à la baguette. On trouve des       Wittener Tage für Neue Kammermusik
enregistrements des œuvres de Vito        avant de la reprendre en mai, à
Žuraj chez divers labels, dont Neos.      Vienne, sous la direction de Peter
Un disque-portrait a récemment            Rundel. Le Philharmonia Orchestra
paru chez Wergo. La saison actuelle       de Londres lui dédiera un concert en
est l’occasion de plusieurs créations     avril 2018 avec Aftertouch ainsi que
mondiales, parmi lesquelles celle         la première mondiale de la version
d’Interfret, pour guitare solo. L’année   anglaise d’Ubuquity.
2018 s’ouvrira avec la première de
Buch der Körper, pour soprano et

                           Les INterprètes

Rinnat Moriah                             Mozart), Violetta (La Traviata, Verdi)
L a jeune s o p r ano is r aélie nne      ainsi que le rôle-titre du Rossignol de
Rinnat Moriah fait ses débuts à la        Stravinski. Au cours de ces dernières
Scala de Milan, au Concertgebouw          années, on a pu l’applaudir à la
d’Amsterdam et aux BBC Proms de           Staatsoper de Berlin, au Theater an
Londres sous la baguette de Daniel        der Wien de Vienne, à la Deutsche
Barenboim. Son vaste répertoire,          Oper de Berlin, à l’Opéra de Chicago
réunissant les registres de soprano       et au Théâtre national de Mannheim.
lyrique et colorature, comprend           En Italie, elle s’est produite au Festival
Zerbinette (Ariane à Naxos, Strauss),     Rossini, au Festival Pergolesi Spontini
Adina (L’Élixir d’amour, Donizetti), La   et au Cantiere Internazionale d’Arte
Reine de la nuit (La Flûte enchantée,     de Montepulciano en Zerbinette.
Mozart), Suzanne (Les Noces de Figaro,    Elle a également été l’invitée du

                                      18
Festival d’Aix-en-Provence. Au cours       2011 Das kleine Latinum de Georg
de ses études au Curtis Institute of       Katzer, cycle de mélodies composé
Music de Philadelphie (dont elle est       pour elle et le Scharoun Ensemble, avec
diplômée cum laude), elle a chanté         lequel elle se produit régulièrement
La Reine de la nuit avec le Fort Worth     depuis. Parmi ses projets, citons ses
Symphony, collaboré avec l’Opera           débuts au Festival de Baden-Baden
Company de Philadelphie dans Le            et à l’Elbphilharmonie de Hambourg
Viol de Lucrèce de Britten et incarné      avec l’Ensemble Modern. Tout autant
Héro (Béatrice et Bénédict, Berlioz) à     à son aise dans le répertoire baroque,
l’Opéra de Chicago. En concert, elle       Rinnat Moriah a chanté la création
a eu l’occasion de se produire avec        allemande de Polifemo de Porpora,
la Staatskapelle Berlin, l’Orchestre       le rôle-titre de Didone abbandonata
Philharmonique d’Essen, le Rundfunk        de Vinci au Festival Haendel de Halle,
Sinphonieorchester Berlin, l’Orchestre     Iphigénie en Tauride de Traetta au
à Cordes du Festival de Lucerne,           Winter in Schwetzingen et enregistré
l’Orchestre Philharmonique de              le rôle de Salomena (Sardanapalus,
Wroclaw, le New World Symphony de          Boxberg). Cette année, la soprano
Miami, l’Orchestre Symphonique de          fera ses débuts avec l’Orchestre
la Radio de Sarrebruck, le Kansas-City     Philharmonique d’Israël en Suzanne
Symphony et le Richmond Symphony.          sous la baguette de Dan Ettinger.
En récital, on a pu l’applaudir au
Kennedy Center et à la Bibliothèque du     Jean-Frédéric Neuburger
Congrès de Washington, au Rolandseck       Jean-Frédéric Neuburger s’impose
Festival, à l’Académie américaine          rapidement comme l’un des plus
de Berlin et à Rome. Fer vente             brillants musiciens de sa génération.
interprète du répertoire moderne et        Il découvre la musique à l’âge de 8 ans
contemporain, Rinnat Moriah a chanté       et reçoit alors une première éduca-
la Lulu Suite de Berg à la Philharmonie    tion musicale intense et variée en
de Berlin sous la direction de Daniel      piano, composition et orgue, avant
Barenboim, a été doublure du rôle de       de rejoindre le Conservatoire de Paris
Morgan le Fay dans Gawain d’Harrison       (CNSMDP), d’où il ressort muni de
Birtwistle au Festival de Salzbourg et     cinq premiers prix en 2005. Finaliste
a interprété des œuvres de nombreux        remarqué au Concours international
compositeurs contemporains dont            Long-Thibaud en 2004, il commence
Elliott Carter, Sofia Goubaïdoulina,       par se concentrer sur sa carrière de
Dominick Argento, Luciano Berio et         pianiste et devient rapidement un
Jacob Druckman. Elle a enregistré          interprète demandé et reconnu pour
Postcard from Morocco de Dominick          l’extrême variété de son répertoire,
Argento (Albany Records) et créé en        de Bach aux compositeurs du xxie

                                      19
siècle. Il joue avec bon nombre des       d’Anthéron ; en 2012 est donnée sa
plus prestigieux orchestres au monde.     Cantate profane sur deux poèmes
Il travaille avec des chefs d’orchestre   d’Aimé Césaire par le Chœur et
tels que Lorin Maazel, Michael Tilson     l’Orchestre Philharmonique de Radio
Thomas, Jonathan Not t, Osmo              France sous la direction de Pascal
Vänskä, Ingo Metzmacher, Pascal           Rophé ; en 2013, son quatuor Plein
Rophé et Pierre Boulez, avec qui il a     Ciel est créé en France puis donné
collaboré étroitement sur la compo-       au Japon. Il est publié aux éditions
sition de la Sonate pour piano no 2.      Durand. Ses nombreux disques ont
En juin 2012, il donne la première        été salués par la critique française et
mondiale du concerto pour piano           internationale. Le Live at Suntory Hall,
Echo-Daimonon de Philippe Manoury,        paru en 2008, a obtenu un « Choc » du
avec l’Orchestre de Paris dirigé par      Monde de la musique, et son enregis-
Ingo Metzmacher. En octobre 2014,         trement des concertos pour piano de
il présente la première mondiale du       Ferdinand Herold a reçu un « Choc »
concerto pour piano de Philipp Maintz     de Classica. Citons également son
avec l’Orchestre Philharmonique de        disque consacré à des œuvres de Ravel.
Luxembourg (Festival Musica). Parmi       Depuis 2009, Jean-Frédéric Neuburger
les grandes dates à venir, citons deux    est professeur au Conservatoire de
concerts pour la saison d’ouverture       Paris (CNSMDP), où il enseigne dans
de la Philharmonie de Paris avec          la classe d’accompagnement.
l’Orchestre de Paris et Christoph von
Dohnányi. En tant que chambriste,         Stanley Dodds
Jean-Frédéric Neuburger se produit        Né au Canada en 1970, Stanley Dodds
avec les plus brillants musiciens de      débute l’étude du violon en Australie,
sa génération – Renaud Capuçon,           où il passe ses premières années. Il
Bertrand Chamayou, Tatjana Vassiljeva,    intègre en 1988 les classes de violon
les Quatuors Modigliani et Ébène… En      et de direction du Conservatoire
janvier 2014, l’Auditorium du Louvre      de Lucerne, et obtient un double
lui a consacré, en tant qu’interprète     diplôme de pratique et de pédagogie.
et compositeur, une série de sept         Il complète sa formation auprès de
concerts. Vainqueur en 2010 du prix       Rainer Sonne, à l’Académie d’orchestre
Nadia et Lili Boulanger de l’Aca-         des Berliner Philharmoniker, avant
démie des beaux-arts, Jean-Frédéric       d’intégrer en 1994 le pupitre des
Neuburger reçoit régulièrement des        seconds violons de l’orchestre.
commandes de la part de festivals et      Violoniste remarquable aux multiples
d’institutions musicales : en 2010, il    talents, il s’est produit en musique
crée sa Sinfonia pour deux pianos et      de chambre au sein du Breuninger-
percussions au Festival de La Roque       Quartett et des Philharmonischen

                                      20
Stradivari-Solisten. Parmi les person-    débuteront ou poursuivront leur
nalités ayant marqué son parcours         période d’essai au sein du fameux
de chef, citons en premier lieu Jorma     orchestre berlinois. Après une rude
Panula, dont il a suivi de nombreux       sélection, de jeunes instrumentistes
enseignements, Claudio Abbado             extrêmement talentueux suivent
et Sir Simon Rattle. Son répertoire       ce cycle de deux ans avant de se
englobe des ouvrages symphoniques         présenter au concours d’entrée de
des xixe et xxe siècles ainsi que des     l’orchestre, où ils seront confrontés à
pièces contemporaines. Depuis 2002,       des musiciens venus du monde entier.
Stanley Dodds assure la direction         Ils auront alors toutes leurs chances,
musicale du Sibelius Orchester de         ayant intégré le son et le style de
Berlin. De 2006 à 2014, il a été direc-   jeu des Philharmoniker, capables de
teur musical du Sinfonie Orchester        porter dans la continuité les valeurs de
Schöneberg et a pris, en 2012, la         l’ensemble, défenseurs de sa tradition
direction de l’Orchestre des Jeunes       et bâtisseurs d’avenir. Les diplômés de
de Mecklenburg-Vorpommern. En             l’Académie Karajan – autour de trente
tant que chef invité, Stanley Dodds a     au total – pèsent de manière décisive
notamment eu l’occasion de diriger        sur l’évolution générationnelle de
le Sinfonie Orchester Berlin, le          l’orchestre. Portés par une vision large
Melbourne Symphony Orchestra et           et généreuse, les fondateurs de l’Aca-
le Scharoun Ensemble. Soutenu par la      démie n’ont pas voulu limiter la forma-
Fondation des Berliner Philharmoniker,    tion de ces jeunes musiciens au seul
il a dirigé en janvier 2013 un concert    cadre des Berliner Philharmoniker et
jeune public sur l’Histoire du soldat     l’ont orientée vers d’autres orchestres
de Stravinski ainsi qu’un concert de      symphoniques majeurs, considérant
l’Académie d’orchestre fin mars 2014      que leur soutien favorisait « le charisme
avec des pièces de Britten, Schönberg     et le pouvoir d’attraction de Berlin en
et Adams.                                 tant que centre musical ». De ce fait,
                                          l’Académie favorise le partage d’un
Karajan-Akademie                          concept orchestral et d’une sonorité
der Berliner Philharmoniker               partout appréciés. Nombreux sont
D e p uis mai 2017, l’Ac a d é mie        ses diplômés à avoir intégré par la
d’orchestre des Berliner Philharmoniker   suite de grands orchestres internatio-
a pris le nom d’Académie Karajan.         naux. Que ce soit en répétition et en
Selon la vision chère à Herbert von       concert, au plus près des membres
Karajan, près d’un étudiant intègre       du Philharmoniker, en cours particu-
chaque année les Philharmoniker. Au       lier avec les chefs de pupitre et lors
cours de la saison 2017-2018, deux        d’ambitieux concerts de musique de
diplômés de l’Académie Karajan            chambre organisés par l’Académie

                                      21
Karajan, ces jeunes musiciens se voient    Violons
proposer chaque jour de nouveaux           Ohad Cohen
défis. À la fin de cette formation,        Ho-Hsuan Feng
de nouvelles auditions permettent          Hye Jin Kim
d’obtenir un poste permanent à             Olivier Robin
l’orchestre. L’activité profession-
nelle intense qu’ils ont connue à la       Altos
Philharmonie constitue la meilleure        Karolina Errera
préparation à ces auditions, décisives     Kei Tojo
pour leur carrière musicale. Durant
cette période, les jeunes musiciens        Violoncelles
profitent de la sécurité de l’Académie     Jakob Stepp
et des conseils avisés de leurs profes-    François Thirault
seurs. Ceci est rendu possible grâce
au soutien de l’association à but non      Contrebasse
lucratif qui porte l’Académie Karajan,     Pablo Santa Cruz
avec la contribution exclusive d’entre-
prises, de fondations et de particuliers   Flûte
soucieux de maintenir l’excellence         Zofia Neugebauer
musicale. Ce soutien est indissociable
d’une obligation envers le futur des       Hautbois
jeunes musiciens. Herbert von Karajan,     Bunkichi Arakawa
Claudio Abbado et Sir Simon Rattle
ont pensé ce modèle, rejoints par de       Clarinettes
nouveaux membres à l’engagement            Leandra Brehm
exemplaire. Les concerts offrent au        Julius Engelbach
public une impression d’ensemble des       Daniel Kurz
élèves de l’Académie. En plus de leur
série de musique de chambre, ceux-ci       Basson
se produisent également en soliste lors    Javier Biosca Bas
de concerts « carte blanche » organisés
chaque mois à la Kammermusiksaal,          Cor
dans un programme choisi par le            Cristiana Neves Brandao Custódio
soliste.
                                           Trompettes
                                           Manuel Mischel
                                           Samuel Walter

                                       22
Trombone
Wojtek Jelinski

Tuba
Nora Held

Percussions
Vincent Vogel
Leonard Weiss

Piano, célesta
Nikolaus Resa

Harpe
Manuela Colella

                  23
livret

Vito Žuraj
Alavò
Texte de Patrick Hahn

I. A la vo’
A la vo’,                               A la vo’,
figghia mia, figghia d’amari,           Ma fille, ma fille chérie,
La naca ti cunzai supra lu mari.        J’ai fait ton lit sur la mer,
Vo’ e fa la vo’…                        Doucement balance, doucement berce…

II. Allein. Leer
Allein. Leer                            Seul. Vide
Abgetrennt                              Séparé
Verlassen                               Abandonné
Ohnmächtig                              Impuissant

Eingeschlossen                          Enfermé
im Haus wie                             dans la maison comme
eine Katze die                          un chat qui
ihre Nasenspitze                        ne veut
nicht heraus-                           pas pointer
strecken will                           le bout de son nez
ich am Fenster                          moi à la fenêtre
wie in Essig                            comme confit
eingelegt.                              dans du vinaigre.
Seit sie tot ist…                                Depuis qu’elle est morte…
Seit sie tot ist.                                Depuis qu’elle est morte…

Meine Tränen                                     Mes larmes
fließen wie das Blut                             coulent comme le sang
einer Frisch                                     d’un pampre
geschnittenen Rebe                               fraîchement coupé
der Saft schmeckt bitter                         le jus est amer
ich am Fenster                                   moi à la fenêtre
die Flüssigkeit brennt.                          le liquide brûle.

Seit sie tot ist…                                Depuis qu’elle est morte…
Seit sie tot ist,                                Depuis qu’elle est morte,
die Mutter.                                      la mère.

Alles Leben                                      Toute vie
ausgewischt,                                     effacée,
verloren,                                        perdue,
Oleibig…                                         desséchée…

III. Qui si racconta
Qui si racconta, Signori, che c’era una volta,   Ici l’on raconte, Messieurs, qu’il était une fois
una figlia, ein Mädchen, das war so schlau,      une fille, une fille qui était si intelligente
dass beim Denken aus ihren Haarspitzen Funken    que lorsqu’elle pensait des étincelles fusaient
            [schlugen.                                      [de ses cheveux.

…                                                …
…                                                   …

Ihr Verstand war so scharf,                         son esprit était si affuté
dass man damit Tomaten schneiden konnte.            qu’on aurait pu couper des tomates avec.

Qui si racconta, Signori,                           Ici l’on raconte, Messieurs,
che questa figlia, dieses Mädchen hatte ein Haus,   que cette fille, cette fille avait une maison
in das alle kommen durften                          dans laquelle pouvaient entrer
die ihrem Oberstübchen ein Licht                    tous ceux qui voulaient allumer une bougie
           [aufstecken wollten,                                [dans leur ciboulot,
um ihren schweren Gedanken Flügel zu geben,         pour donner des ailes à leurs lourdes pensées,
ihre Denkgrotten zu erhellen,                       pour éclairer la grotte de leur esprit,
eine Karaffe Wissens zu schlürfen,                  pour siroter une carafe de savoir,
und schwere Denkübungen in eine Caprese             et transformer de difficiles raisonnements
           [zu verwandeln.                                     [en une Caprese.

Qui si racconta, Signori,                           Ici l’on raconte, Messieurs,
dass dieses Mädchen keinen Unterschied machte,      que cette fille ne faisait aucune différence
wer zu ihr kommt,                                   entre ceux qui venaient à elle,
ob arm oder reich,                                  pauvre ou riche,
chi primo viene, primo macina il grano.             celui qui arrive le premier, c’est lui qui moud
Nur diese Währung zählt                                        [le grain.
für die kluge Sapia,                                cette seule monnaie a cours
die so schlau war, wie sie schön:                   pour Sapia la sage,
wer faul ist oder träge,                            aussi intelligente que belle :
der bekommt ihre zarte Hand hart zu fühlen.         qui est paresseux ou indolent
                                                    sentira sur sa joue la marque de sa tendre main.
E verò, Signori,                                   Il est vrai, Messieurs,
es ist wahr, dass sie keine Unterschiede machte,   il est vrai, qu’elle ne faisait aucune différence,
denn als der Königssohn Carluccio                  car lorsque Carluccio, le fils du Roi,
in ihren Unterricht kam                            vint suivre son enseignement
und ihr auf ihre Frage keine Antwort gab,          et, au lieu de répondre à sa question,
sondern ihr ein Kompliment machte,                 lui adressa un compliment,
da langte sie ihm eine, dass seine Wange brannte   elle lui en colla une si forte, que ses joues brûlèrent
          [wie Feuer.                                          [comme du feu.

Qui si racconta, Signori,                          Ici l’on raconte, Messieurs,
so wie sie schlau war, so war sie schön.           qu’elle était aussi intelligente que belle,
So wie sie schön war, so war sie streng.           aussi belle que sévère.

IV. Eine Stunde habe ich nicht
Eine Stunde habe ich nicht                         Pendant une heure
in die Welt mehr geschaut.                         je n’ai plus regardé le monde.
Stumm starrt sie mich daraus an.                   Aussi me fixe-t-il, muet.

Lichtinseln blenden,                               Des îles de lumières aveuglent,
die schwarze Gischt braust,                        L’écume noire bouillonne,
Möwen kreischen am Mückenbüffett.                  des mouettes crient au festin de moustiques.

Eingeschlossen die Träume                          Enfermés, les rêves,
im Meer des Vergessens.                            dans la mer de l’oubli.

…                                                  …
…                                                        …
V. Qui si racconta, Signori
Qui si racconta, Signori,                                Ici l’on raconte, Messieurs,
dass der Königssohn Carluccio                            que le fils du Roi, Carluccio,
nach dieser krachenden Ohrfeige                          après cette gifle retentissante
den Wunsch verspürte, Sapia zu heiraten                  exprima le vœu d’épouser Sapia.

“Mi voglio sposare! Voglio in Moglie Sapia la            « Je veux me marier ! Je veux prendre pour femme
Sapiente!”                                               Sapia la Sage ! »

Allein mit seiner Braut sagt er in der Hochzeitsnacht    Seul avec son épouse, la nuit des noces, il lui dit :
zu ihr:

“Sapia, ti ricordi di quel manrovescio che m’hai         « Sapia, te souviens-tu de cette gifle
dato? Ti sei pentita?                                    Que tu m’as donnée ? Tu la regrettes ?
– Pentita? Se volete, ve ne do un altro!                 – La regretter ? Si vous voulez, je vous en donne une
– Come? Non sei pentita?                                 autre !
– Manco per sogno.                                       – Comment ? Tu ne te repens pas ?
E non ti vuoi pentire?                                   – Pas même en rêve.
Eh chi ci pensa?                                         – Et tu ne veux pas te repentir ?
Ah, così? Ora ti faccio vedere io.”                      – Je n’y pense même pas.
                                                         – Ah ! c’est ainsi ? Je vais te montrer, moi… »

Qui si racconta, Signori,                                Ici l’on raconte, Messieurs,
dass er ein Seil zurechtlegt, um sie durch die Falltür   qu’il tendit une corde pour la faire tomber
ins Kellerverlies herabzulassen.                         par la trappe dans les oubliettes.
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