Dessine-moi le travail - Quand les jeunes disent ce qu'ils ont sur le coeur Note ASTREES n 11 - mars 2015
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Dessine-moi le travail Quand les jeunes disent ce qu’ils ont sur le coeur COORDONNÉ PAR CLAUDE EMMANUEL TRIOMPHE ET BERTRAND VIAL AVEC LE LAB JEUNES ASTREES Note ASTREES n° 11 - mars 2015
ASTREES remercie très chaleureusement - l’ensemble des membres de son Lab Jeunes, et en particulier l’Association Nationale des Apprentis de France, sans lesquels la démarche « Dessine-moi le travail » et les Rencontres de l’Engagement Professionnel n’auraient jamais vu le jour ; - tous ses adhérents et partenaires qui ont soutenu politiquement et financièrement ce projet ; - celles et ceux qui ont contribué à la présente note et le groupe Alpha grâce à qui elle a été imprimée.
SOMMAIRE PAGE 1 INTRODUCTION PAGE 3 PROFIL DES MOUTONS PAGE 4 ET LES JEUNES S’ENGAGENT À FAIRE ÉVOLUER LE TRAVAIL 4 1. Laissez-moi entrer ! 5 2. Nous c’est Toi + Moi + Ils + Elles 7 3. Protège-moi ! Non laisse-moi ! Protège-moi ! 8 4. Mais surtout, surtout… comprends moi ! PAGE 9 LES MOUTONS DISSÉQUÉS PAR LES MEMBRES DU LAB JEUNES 9 1. A propos des « jeunes » 10 2. Une question de génération ? 10 3. Un engagement…. quels engagements ? 12 4. Jeunes et syndicats : entre ignorance et préjugés 12 5. Ma petite, ma grande entreprise 12 6. Vous avez dit contrat ? PAGE 14 7 PROPOSITIONS PAGE 18 ASTREES, L’ATELIER SOCIAL DU FUTUR
INTRODUCTION Médias et politiques ne cessent de parler de l’emploi des jeunes tandis que les poncifs sur les générations Y ou Z se multiplient. ASTREES, elle, a pris les choses par un autre bout : elle a questionné les jeunes dans leur diversité – étudiants, apprentis, salariés, chômeurs – sur le travail, l’entreprise et leurs possibles engagements professionnels et sociaux. Pour notre association comme pour beaucoup, cette question des rapports de la jeunesse au travail et à l’engagement est cruciale car elle croise aujourd’hui une crise profonde du travail et une société en proie à de multiples doutes. C’est pourquoi nos adhérents - entreprises, partenaires sociaux, cabinets de ressources humaines, personnalités, experts – ont choisi d’y dédier un Lab depuis l’automne 2013. Ce Lab Jeunes (composé de jeunes issus de structures associatives et des représentants du corps social « adultes » d’ASTREES) a suivi, comme les autres Labs d’ASTREES, une démarche originale et a voulu tout à la fois : • nourrir la réflexion des participants • constituer une formation-action Le Lab Jeunes d’ASTREES • être une source d’expérimentation en quelques dates : • proposer des points de vue nouveaux, des scenarii, préconisa- tions pour un public plus large • 19 septembre 2013 : première réunion du C’est dans cet esprit qu’il a travaillé, échangé et produit une démarche Lab Jeunes autour de la thématique « Les autour de cette thématique. Cette exploration a été démultipliée par nouvelles pratiques, nouveaux espaces d’ex- une enquête proposant à des groupes de jeunes de (re)dessiner le tra- pression et l’engagement des jeunes au tra- vail et les formes d’engagement professionnel. vail ». Le Lab Jeunes vous présente aujourd’hui dans ce court livret les résul- • Octobre 2013 : note méthodologique struc- tats de ses deux séries de travaux : turant la réflexion autour de la démarche « Dessine moi un mouton ». • les résultats de l’enquête administrée auprès des moins de 30 ans les questionnant sur leur engagement et leur vision du travail • Novembre 2013 : validation par le groupe • les « Moutons » produits par plusieurs groupes de jeunes, d’âge, des principaux livrables attendus. de niveau de qualification et d’origine sociale différents, qui repré- sentent leurs attentes quant au travail et à l’entreprise de demain. • Février 2014 – Mars 2015 : production de 10 « Moutons » auprès de divers groupes de Plus de 1000 réponses à la grande enquête en ligne et 10 « moutons » Jeunes. ont été produits ces derniers mois. Un cheptel, vous le verrez, riche d’observations multiples : coups de gueule, douces utopies, proposi- • Août 2014 : participation d’ASTREES au tions d’actions concrètes et détonantes peignent un panorama très FOREJE (Forum Européen des Jeunes Enga- large qui reflètent à la fois la diversité et les traits communs des per- gés) à Poitiers. ceptions et opinions de la génération montante vis-à-vis du travail. • Août 2014 : lancement de la grande enquête Parce que quinze pages ne suffiraient pas à détailler chacun des en ligne. moutons, nous avons pris le parti de ne présenter ci-dessous que les grandes catégories qui émergent de cet exercice et de les illustrer par • 8 avril 2015 : les Rencontres de les résultats de l’enquête et les propos des jeunes. l’Engagement Professionnel. 1
COMMENT AVONS-NOUS PROCÉDÉ ? Une enquête en ligne Elaborée au sein du Lab jeunes d’ASTREES, l’enquête a proposé aux jeunes de moins de 30 ans de s’exprimer sur ce que représente pour eux le travail mais aussi un engagement dans la société comme en milieu professionnel. Expérimentée à la fin août 2014, cette enquête a été ensuite diffusée plus largement entre la fin de l’année 2014 et le 20 mars 2015. Elle a recueilli plus de 1000 réponses. Dessine-moi l’entreprise et son fonctionnement social de demain En s’inspirant du Petit Prince de Saint Exupéry, le Lab a demandé à plusieurs groupes de jeunes et de moins jeunes de travailler sur un « mouton » d’un genre nouveau : l’entreprise. « Dessine-moi l’entreprise de demain » est la consigne donnée à la douzaine de groupes qui se sont réunis en atelier de 10 à 30 personnes. Durant en moyenne 3 heures, près de 300 jeunes de moins de 30 ans et d’horizons très divers (de missions locales, de CFA, d’entreprises, d’écoles, d’Universités…) ont essayé de dessiner les contours de l’entreprise qu’ils souhaiteraient intégrer. Le management, le collectif, les horaires, les relations sociales, la rémunération, le contrat travail etc : tout est abor- dé, tout est décortiqué, tout est bousculé… âme sensible s’abstenir ! 2
PROFIL DES MOUTONS COSI Paris Solène & co Etudiants (dont 2 étran- Jeunes de missions lo- gers) en Master 2 cales (Conseil en Organisa- 18-26 ans tion, Stratégie et Sys- tème d’information) 20 – 30 ans RTE FOREJE Lab Jeunes Jeunes ingénieurs di- Jeunes volontaires et Jeunes actifs et/ou en- plômés récemment en- engagés dans la vie ac- gagés trés dans la vie active tive 23 – 30 ans 25 – 30 ans 20-30 ans Nanterre CFA Fonderie Etudiants en Psycho- Jeunes non diplômés logie et Ergonomie du 15-21 ans travail 20 – 30 ans CFA AFORP La Poste AG2R La Mondiale Jeunes non diplômés Jeunes actifs plutôt di- Jeunes actifs diplômés 15-21 ans plômés 23 – 30 ans 23 – 30 ans 3
PARTIE 1 ET LES JEUNES S’ENGAGENT A FAIRE ÉVOLUER LE TRAVAIL Dix moutons ! Ce sont dix moutons qui constituent finalement le cheptel du Lab Jeunes d’ASTREES. Dix moutons qui laissent apparaître des attentes très diverses de la part des jeunes interrogés sur l’entreprise – espérée – de demain, sur son fonctionnement, et sur la place qu’ils y occuperont. Cette section vise à présenter leurs attentes sans les juger. Sans trop les commenter non plus (la partie II sera entièrement consacrée à cet exercice). Comme vous allez le découvrir, les moutons ont couvert un nombre très important de thématiques, 1 révélant par là même toute l’étendue des enjeux et des actions possibles en matière d’enga- gement des jeunes au travail. Nous les avons divisées en 4 problématiques principales : 2 • celle de la préparation et de l’entrée dans le monde du travail, • celle des collectifs (sous toutes ses formes) au travail, 3 • celle de la protection et des conditions de travail, • celle, enfin, du sens donné au travail. 4 Vous trouverez également ici et là quelques encadrés permettant d’illustrer le propos par les résultats issus de l’enquête en ligne. 1. Laissez-moi entrer ! Avant d’interroger les notions de travail et d’engagement, c’est bien la problématique de l’accès au monde de l’entreprise qui a d’abord retenu l’attention des jeunes sollicités. Considérée comme très difficile, l’arrivée dans le monde du travail doit selon eux se préparer le plus en amont possible. Laisser le monde économique pénétrer la sphère académique C’est dès l’école que les changements doivent s’opérer. D’une manière générale, les jeunes appellent à faire rentrer l’entre- prise et les métiers beaucoup plus tôt dans les formations initiales. Et ce pour deux raisons principales : • tenir compte des besoins et des attentes des entreprises du territoire concerné dans les choix de formation et d’orien- tation ; • faire connaître la diversité des domaines et des métiers aux futurs travailleurs et leur donner envie. Pour ce faire, plusieurs propositions d’aménagement de l’existant sont formulées : • associer les acteurs économiques aux questions d’orientation (en réalisant notamment des audits sur les attentes et perspectives des entreprises du territoire) • faire des conseillers Missions Locales, très éclairés sur les spécificités du bassin d’emploi et des filières présentes, des relais aux conseillers d’orientation. • proposer des temps d’ateliers « découverte », animés par des professionnels exerçant eux-mêmes les métiers. Cette demande anticipatrice est parfois tempérée par certains jeunes qui regrettent de devoir opérer des choix de carrière trop tôt dans leur vie : l’opportunité de découvrir et tester différents domaines et métiers devrait leur être donnée. La proposition (non partagée par tous) est ainsi faite que les choix d’orientation n’interviennent pas avant 21 ans. Echapper aux stéréotypes et s’adapter aux nouvelles formes de recrutement La phase de recrutement semble redoutée par la plupart des jeunes interrogés. En cause notamment, la discrimination liée aux nombreux stéréotypes accolés à la catégorie « jeunes ». Pour y faire face, • certains proposent que soit généralisée et étendue l’obligation d’anonymisation des principaux outils d’affichage (CV, LinkedIn, Viadeo, etc). • les jeunes de CFA souhaiteraient également que toutes les entreprises aient l’obligation de recruter au moins un apprenti et qu’elles instaurent une prime pour les maîtres d’apprentissage qui s’engagent dans cette voie. 4
Mais au-delà des craintes de discrimination, les jeunes dénoncent les difficultés qu’ils ont à prouver leurs compétences aux recruteurs. Pour faciliter cet affichage, il est proposé : • qu’un bilan faisant l’inventaire des savoir-faire acquis soit réalisé à chaque fin de stage, de mission ou de contrat • qu’une lettre de recommandation destinée à Les compétences, l’effort personnel et les relations sont les conditions les plus importantes pour réussir professionnellement selon les répondants. être adressée aux futurs employeurs potentiels Le diplôme et la chance sont plus importants pour ceux n’ayant pas eu d’emploi soit rédigée Les compétences (savoir-faire / savoir être) Enfin, plusieurs « moutons » font état d’un réel chan- gement dans les méthodes de recrutement où coop- L’effort personnel tation, réseau et e-réputation deviennent primordiaux. Les relations Si certains précisent que les voies classiques de re- cherche d’emploi (Pôle Emploi, etc.) ne doivent pas Le diplôme être délaissées, la maîtrise de l’outil numérique (et La chance par ce biais le développement de son reflet virtuel) devient cruciale. Plus globalement, la constitution et Ensemble des répondants La filière d’étude En activité professionnelle l’entretien d’un réseau le plus large possible (incluant Sans activité professionnelle et ayant déjà eu un emploi Autre contacts professionnels, personnels, associatifs, etc.) Sans activité professionnelle et 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% semble pour de nombreux jeunes être le meilleur allié n’ayant pas encore eu d’emploi pour décrocher un entretien d’embauche. (Extrait de l’enquête en ligne ASTREES) 2. Nous c’est Toi + Moi + Ils + Elles Le « travail » n’a que très rarement été envisagé par les jeunes sondés comme une activité unipersonnelle. Au contraire, la notion de « collectif » est ressortie dans de très nombreux moutons, qu’elle concerne les relations managers-managés, les équipes de travail ou le syndicalisme. Que mon boss m’entende et qu’il me montre la voie Les relations salariés/managers ont fait l’objet de nombreux commentaires de la part des jeunes. Tous s’accordent sur le fait qu’un bon manager doit savoir décider, coordonner et animer. Une tâche qui semble s’avérer délicate dans la pratique puisque le manque de reconnaissance, d’encouragement, de soutien ou d’autonomie est une critique souvent formulée par les jeunes rencontrés. Ces derniers peuvent aussi regretter un certain manque de proximité de leur hiérarchie, la fixation d’objectifs trop ambitieux ou l’existence d’injonctions paradoxales. Pour dépasser le stade du constat, de nombreuses propositions sont adressées aux managers, parmi lesquelles le cocktail suivant : • être exemplaire : un manager doit montrer l’exemple à ses équipes, et surtout remplir sa fonction centrale qui est de … manager ! • savoir se remettre en question : plusieurs moutons prônent la mise en place d’un management inversé prenant la forme d’une courte période (une journée, une semaine ?) où le salarié prendrait la place du manager et inversement. Plus globalement, l’évaluation des managers par les salariés est une mesure plébiscitée par les jeunes interrogés. • encourager en favorisant l’écoute individualisée des salariés et la « bienveillance » au travail, en dédiant un temps au soutien individuel, aux encouragements et à la reconnaissance, en suscitant la collaboration entre les individus. • écouter et rendre possible : pour certains jeunes, le management doit favoriser l’expression des passions des salariés. Mais plus spécifiquement, il doit faciliter les choses : - communiquant en interne sur les futurs postes disponibles, - favorisant la remontée d’information, que ce soit par la mise en place de « salles à idées » (afin de partager des suggestions d’amélioration) ou la réalisation, par le salarié, d’un reporting mensuel lui permettant de faire état du travail invisible effectué sur la période. Resserrer les liens avec mes collègues de travail Certains jeunes utilisent le terme de « solidarité » pour décrire les relations entre collègues de travail, d’autres lui opposent celui de « compétition ». Tous cependant semblent faire du renforcement du lien social un objectif premier de l’entreprise de demain. Et pour y parvenir, les jeunes misent sur une évolution du cadre de travail (souvent trop strict ou tristounet) et sur le renforcement des relations informelles entre membres d’une même structure. 5
Si certaines propositions ne semblent pas faire l’unanimité (comme le port de l’uniforme pour tous les salariés de l’entreprise), d’autres remportent un large engouement parmi lesquelles : • la mise en place de séminaires d’intégration, là aussi ouverts à tous les jeunes quels que soient leurs statuts (CDI, CDD, alternants, stagiaires..) • l’aménagement d’espaces de vie ou de services dans l’entreprise : création d’espaces de confort et d’échanges (salle de repos, salle de jeux, etc) ; utilisation de ces lieux pour la tenue de réunions sur la vie dans l’entreprise ; mise en place de services à la personne (garderie, pressing, etc.) • l’organisation d’événements hors les murs : événements ou activités extra-professionnelles, prétextes au rapproche- ment des individus et à la création de liens informels. Favoriser les échanges et l’entraide inter-générationnelle La relation paradoxale solidarité/concurrence qui existe selon les jeunes interrogés au sein des équipes de travail est selon eux encore plus prégnante lorsqu’elle concerne des individus de générations différentes, a fortiori appartenant aux extrêmes jeunes/seniors. Pourtant, ces deux catégories d’individus sont de l’avis des jeunes confrontées à des problèmes similaires : ils doivent faire face à de nombreux stéréotypes dans l’entreprise, les dispositifs d’intégration qui leur sont consacrés n’existent pas ou peu, etc. Les jeunes se déclarent ainsi totalement favorables à la création de ponts inter-générationnels. La plupart d’entre eux sont d’ailleurs en attente d’un modèle dans leur travail. Cet appui pourrait leur être apporté par un senior. Ils souhaitent alors que soit assurée une véritable transmission inter-générationnelle permettant au jeune d’apprendre et au senior de bénéficier d’une nette revalorisation de son statut dans l’entreprise. Voilà pourquoi en plus de faciliter l’intégration des jeunes dans l’entreprise, plusieurs moutons proposent de : • créer dans chaque entreprise un « kit de survie » à l’usage des jeunes • systématiser la formation des nouveaux arrivants par les anciens, via une composition inter-générationnelle des équipes ou même la création de binômes jeunes/seniors. • développer et mieux prendre en compte le tutorat ou mentoring (formation des tuteurs, échanges réguliers, mentoring inversé où les jeunes apprennent aux moins jeunes etc..) Les syndicats ? Mais encore ? La question de l’engagement syndical n’a été que très peu abordée dans les moutons. Certains jeunes (ceux n’ayant jamais travaillé surtout) n’ont d’ailleurs que peu conscience de ce qu’est le syndicalisme et ce qu’il recouvre. Mais au-delà de cette méconnaissance globale, les préjugés des jeunes à l’égard des syndicats sont forts. S’ils leur reconnaissent un rôle de dé- fense des salariés, ils ne se retrouvent pas dans une contestation systématique et peu constructive et les jugent dépassés. Ils regrettent par ailleurs l’absence d’interactions/de dialogue entre les jeunes et les syndicats, sans compter la difficulté (voire le risque) pour un salarié pas encore en CDI de « se frotter » au monde syndical. Voilà pourquoi, en cas de conflit, certains des jeunes interrogés auraient plutôt tendance à s’organiser collectivement ou à s’adresser directement à la direction plutôt que de solliciter l’intermédiaire syndical. 60% pratiquent le bénévolat associatif Afin de faire évoluer la situation, les jeunes proposent Plus de la moitié s’engage en partageant sur les réseaux sociaux plusieurs pistes : Bénévolat associatif • envisager d’autres formes d’expression : favori- ser les relations de personne à personne, s’échap- Partages sur Facebook, Twitter, par mail des documents relatifs à l’actualité politique, économique, environnementale ou « like » per des rôles prédéfinis et ainsi libérer les relations de pages consacrées à une cause de travail Participation à une manifestation • l’institution de forums d’expression libre et col- lective ouvert à tous les jeunes de l’entreprise, Signature de pétitions quels que soient leurs statuts • faire connaître et rendre accessible la fonction Boycotts (d’une marque, …) syndicale : en accordant un temps aux délégués du personnel pour qu’ils parlent de leur rôle aux nou- Autre veaux arrivants ; en permettant aux DP de débattre Ensemble des répondants 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% avec les salariés autour de thématiques propres à (Extrait de l’enquête en ligne ASTREES) 6
l’entreprise ; en réévaluant les priorités des syndicats (de l’emploi et du pouvoir d’achat aux conditions de travail ?) • faire rentrer les jeunes dans les syndicats : en mettant en place des quotas de jeunes DP dans les grandes entreprises ; en limitant la durée des mandats syndicaux de façon à permettre à tous les salariés de jouer un rôle dans le syndicalisme. 3. Protège-moi ! Non laisse-moi ! Protège-moi ! La production des moutons a laissé apparaître des attentes parfois contradictoires de la part des jeunes envers l’entreprise. Ils attendent en effet que leur soit offerte une protection forte afin de pouvoir prendre totalement en main leur avenir. Mais ils réclament dans le même temps une liberté comme principe absolu. Retour sur ce qu’attendent de façon récurrente les jeunes sondés en matière de contrat, de libertés et de formation : L’idée d’un contrat unique : fracture entre les jeunes Le contrat de travail a été relativement peu abordé dans les moutons. Quand il l’a été, les constats à son égard ont été unani- mement partagés : les stages et les CDD ne sont plus des passerelles vers le CDI, ce contrat qui constitue le graal absolu tant il symbolise la stabilité et l’autonomie de par les droits qu’il débloque (accès au logement, au crédit, etc.). Cette toute puissance du CDI sur les autres contrats est aussi vue comme problématique : ceux qui le détiennent s’en sortent, les autres sont exclus du système et ne peuvent évoluer. Forts de ces constats, les propositions recueillies pour faire évoluer les choses ne font pas l’unanimité (y compris auprès des jeunes eux-mêmes) : • certains souhaitent faciliter l’obtention du CDI en rendant une vraie place à la période d’essai : moins chargée adminis- trativement, plus courte ou un peu moins rémunérée. • d’autres estiment au contraire que la protection que représente le CDI n’est pas essentielle tant les jeunes d’aujourd’hui font du respect de leurs propres valeurs leur principal critère d’évaluation. Ces mêmes jeunes proposent alors de suppri- mer le CDI soit en favorisant le fonctionnement par mission ou projet ; soit en fusionnant CDI et CDD sous la forme d’un contrat unique. Une proposition qui fait clairement débat entre jeunes et jeunes, jeunes et moins jeunes, et moins jeunes et moins jeunes ! Donnez-moi du temps ! Cette demande de liberté de la part des jeunes passe également par une meilleure gestion du temps de travail. Ils sont ainsi nombreux à dénoncer la confusion de plus en plus prégnante entre vie privée et vie professionnelle. Le développement du té- létravail, et l’utilisation de plus en plus systématique des outils numériques, vient renforcer ce sentiment en établissant une relation quasi permanente entre le salarié et l’entreprise et en allongeant les horaires de travail. Tous prônent donc un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Mais les propositions vont plus loin : • certains proposent d’encadrer strictement les pratiques des entreprises (en bloquant l’utilisation du matériel informa- tique et du téléphone professionnel en dehors des heures de travail ou en instaurant des journées « déconnexion »). • d’autres proposent au contraire d’accroître les libertés et la souplesse des horaires de travail qui pourraient devenir fonction des contraintes et objectifs du moment. • d’autres enfin désirent, à l’instar de Google, qu’un pourcentage du temps de travail puisse être consacré à un projet autre que celui de l’entreprise ou de sa fonction. Une bonne paie mais méritée En matière de rémunération, ou plus globalement de reconnaissance, certains jeunes dénoncent un manque d’équité, des dis- parités, voire même des situations de précarité entrainant un sentiment de dévalorisation. Si quelques-uns rejettent le système de prime à la performance, d’autres regrettent que la rémunération soit trop souvent fonction du poste plutôt que des compé- tences détenues. C’est pourquoi : • deux moutons proposent de remplacer les compensations ou jours de récupérations dus au titre des heures supplémen- taires par un système de points échangeables contre des services, des pièces de théâtre, etc. • un autre propose que chaque entreprise dispose d’un compte bancaire propre sur lequel les salariés pourraient épar- gner à un taux très avantageux. 7
Penser la formation, mais tout au long de la vie professionnelle Les jeunes interrogés voient aussi le travail comme l’opportunité de se former, et de le faire régulièrement au cours de leur vie professionnelle. Si quelques-uns dénoncent des plans de formation trop souvent conçus afin de servir les intérêts de l’entre- prise plus que ceux des salariés ou des besoins en compétences pas toujours recensés, tous s’accordent sur la nécessité de penser la formation tout au long de la vie et ce dès l’entrée en entreprise et la prise de poste. Pour ce faire, ils interpellent tous les acteurs : • le management : les managers sont appelés à cibler systématiquement les évolutions de compétences attendues et de les communiquer à leurs collaborateurs ; • les salariés eux-mêmes : le système tout entier doit être repensé afin de donner la capacité aux salariés d’identifier pourquoi, où et comment se former et leur donner l’envie d’apprendre tout au long de leur vie ; • l’Etat : plusieurs moutons proposent de remplacer (ou substituer une partie) des indemnités de licenciement par de la formation. 4. Mais surtout, surtout… comprends moi ! Bien entendu, les jeunes entre eux n’ont pas toujours les mêmes attentes concernant leur vie professionnelle. Il existe pourtant un critère, commun à tous les moutons et faisant l’unanimité auprès des jeunes sondés (quels que soient leur âge, leur niveau de qualification, leur (non) expérience professionnelle) c’est celui du sens donné au travail. Le travail doit être porteur de sens. De sens et d’éthique. « S’engager c’est aussi donner du sens à notre travail, selon les valeurs qui sont les nôtres. S’engager c’est porter ses convictions et s’impliquer » nous a-t-on dit. L’engagement au travail est donc aussi considéré comme un fac- teur d’accomplissement personnel. Beaucoup disent que l’engagement devrait se réaliser autour d’un projet, mais aussi sur la base de valeurs. Ils considèrent en cela qu’il est positif que les entreprises choisissent de plus en plus souvent d’afficher leurs valeurs au grand public. Un grand public de plus en plus sensible aux politiques d’entreprises en matière de problématiques sociales, fiscales et écologiques. Les propositions sur le sujet paraissent parfois ambitieuses mais aussi pragmatiques : • certains souhaitent que chaque salarié devienne actionnaire de son entreprise ; • d’autres que les objectifs de l’entreprise soient partagés par la direction, • une proposition fait l’unanimité et ils appellent à la mettre en œuvre dès aujourd’hui : celle de sourire au travail ! Pour les ¾ des répondants, le plus important dans un emploi est d’être dans une ambiance de travail agréable, faire quelque chose d’intéressant et avoir un bon équilibre vie professionnelle vie privée. Être dans une ambiance de travail agréable Faire quelque chose d’intéressant Avoir un bon équilibre vie professionnelle vie privée Apprendre des choses Développer des compétences Bien gagner sa vie Faire quelque chose d’utile pour la société ou les autres Rencontrer des gens Plus on vieillit moins « bien Se sentir reconnu gagner sa vie » est important et plus « Voyager faire quelque chose Avoir du pouvoir d’utile pour la société.. » est Autre important 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Ensemble des répondants Moins de 20 ans De 20 à 24 ans 25 ans et plus Extrait de l’enquête en ligne ASTREES 8
PARTIE 2 LES MOUTONS DISSÉQUÉS PAR LES MEMBRES DU LAB JEUNES Nous venons de le voir : les Moutons – ces « dessins » du travail et de l’engagement réalisés par des groupes de jeunes de moins de 30 ans - sont riches, parfois déroutants, et souvent très différents les uns des autres. Les membres du Lab ont été surpris par la diversité et la richesse du contenu de l’expression qui leur a été re- montée. Cette expression a laissé apparaître des propos parfois inattendus, potentiellement porteurs de grands bouleversements dans le monde du travail. Mais elle a aussi fait apparaître des propositions étonnamment très policées. Ce mélange des genres a généré de nombreuses questions et réflexions dont voici les grandes carac- téristiques et tendances. 1. A propos des « jeunes » Questionner le comportement de la jeunesse vis-à-vis du travail et de l’entreprise a naturellement conduit le Lab à s’interroger sur l’objet même que constitue la notion de « jeunes »… Très vite s’est posée la question : les jeunes, c’est quoi ? S’il s’agit bien d’une partition de la société sur un critère d’âge, cela va bien au-delà d’une simple catégorie sociologique, tant son périmètre est instable et tant la conflictualité structure la relation qu’entretient la jeunesse avec la société. Dans l’exercice du mouton, les jeunes sont jeunes parce qu’ils ont moins de 30 ans. Point barre. Il y a bien sûr « des » jeunes qui partagent les mêmes convic- tions, les mêmes aspirations. Ou qui ne les partagent pas du tout. L’important demeure de savoir si les thèmes de la relation au travail, à l’entreprise et à l’engagement permettent de révéler des traits particuliers de la jeunesse et en quoi ils pourraient être des facteurs de tensions. Jusqu’alors cette tension tendait à se résoudre par une socialisation par le travail qui demeure la forme d’intégration sociale majeure en mobilisant la sociabilité des individus. La contribution du travail au processus d’intégration sociale n’est plus à dé- montrer. Source de revenus, de relations humaines, de reconnaissance et de valeurs symboliques, le travail participe de toute sa force à la formation d’une identité sociale. Ce processus de socialisation semble rencontrer quelques difficultés. Depuis quelques années, les comportements d’incivilité au travail tendent à se multiplier, certains secteurs (comme celui des centres d’appels) doivent faire face à une augmentation des abandons de postes notamment chez les moins de 30 ans, les rapports des cadres au temps de travail et à l’information évoluent. A cela s’ajoutent les difficultés, de plus en plus grandes, d’accès des jeunes à l’emploi. Le chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, retarde mécaniquement cette structuration dans le temps. Enfin, de l’aveu même des organisations syndicales, le comportement des jeunes vis-à-vis du syndicalisme (ainsi que la perception qu’ils en ont) questionne le renouvel- lement générationnel des confédérations. Est-ce à dire que la jeunesse a changé au point que ses comportements pourraient être caractérisés par des marqueurs spéci- fiques à notre époque et distinctifs des époques précédentes ? Certes, la frontière instable entre jeunesse et âge adulte nous in- vite à éviter un jugement trop simpliste sur cet état d’une partie de la société. Son renouvellement permanent pourrait conduire à voir s’estomper ces comportements aujourd’hui désignés comme si distinctifs au point de les identifier à une génération datée dite « Y » à défaut d’avoir su la cerner. A contrario, la trame continue que constitue depuis bientôt 20 ans le chômage des jeunes particulièrement élevé, l’importance d’une dette incluant le poids du financement des retraites à la charge des générations montantes, l’émergence de formes va- riées de défiance des jeunes vis-à-vis des formes instituées de représentation syndicales ou politiques est si forte et suffisam- ment permanente qu’il serait utile d’interroger ses traces et ses impacts dans les générations montantes. Ces circonstances constituent-elles de nouveaux marqueurs générationnels ? Quels seraient les autres marqueurs déterminant les comporte- ments des nouvelles générations ? 9
2. Une question de génération ? Les différents moutons produits par le Lab nous questionnent. Que cachent-ils vraiment ? Quelle est la spécificité génération- nelle de la vision de ces jeunes qui ont participé à l’exercice à partir d’une expérience du monde du travail limitée dans le temps et/ou indirecte du fait d’un mélange du vécu et des récits parentaux ? Dit autrement, les projections de l’entreprise de demain qui ont été présentées, ne sont-elles pas simplement le reflet de ce que pensent (ou pourrait penser) l’ensemble de tous ceux qui travaillent ou qui aspirent à travailler ? Certaines propositions ont d’ailleurs suscité une certaine tension entre les membres représentant les générations antérieures. Les uns considérant que la recherche d’une meilleure intégration et une meilleure reconnaissance des compétences des jeunes est en place, d’autres considérant au contraire que les aspirations des jeunes en la matière sont légitimes aujourd’hui. Autre illustration, si l’idée d’une suppression des indemnités de licenciement au profit du financement de la formation a parfois trouvé un écho favorable, d’autres au contraire y ont vu l’expression d’une utopie au regard du changement de paradigme que cela impliquerait. De la même façon, faut-il voir dans les questions posées autour de l’inter-générationnel (transmission senior-jeune, tensions générationnelles, rémunération compétence/performance plutôt qu’ancienneté) l’expression d’un conflit entre générations ou bien plus largement le désir de questionner (voire de s’opposer) au pouvoir et à ceux qui en disposent dans l’entreprise ? Reste que les propositions orientées vers une dynamique de mobilité professionnelle et de gestion des emplois par projet (sup- pression du CDI, valorisation des parcours de cumul d’expériences) semblent en rupture avec la vision du travail et de la car- rière que peuvent entretenir les générations antérieures. Mais ici encore le Lab se questionne : ces propositions illustrent-elles un état d’esprit propre à la nouvelle génération entrant sur le marché du travail, ou sont-elles plus largement partagées au sein des générations antérieures elles-mêmes au cœur d’un questionnement sur la réalité du travail et de ses relations avec les ressources humaines ? Reste une question relative au niveau de connaissance ou de méconnaissance de l’entreprise et du travail : jusqu’à quel point les propositions recueillies illustrent-elles l’opinion de la jeunesse et fédèrent-elles une vision com- mune ? Ou, au contraire, ces propositions nous révèleraient-elles l’écart qui sépare aujourd’hui la jeunesse de la ré- alité de l’entreprise et du travail ? En poussant la réflexion encore plus loin: les 16-30 ans se sentent-ils fédérés par une vision homogène et les propositions formulées constituent-elles un ensemble de revendications communes ? Sont- elles vouées à évoluer au fur et à mesure de leur avancement dans la vie active pour au final se diluer dans la réalité ? 3. Un engagement…. quels engagements ? Présente tout au long du Lab d’ASTREES, la notion « d’engagement des jeunes au travail » n’a pas été précisément définie. Il s’agissait là en partie d’une difficulté à circonscrire le sujet, mais aussi d’une volonté de ne pas enfermer l’expression des jeunes interrogés sur une thématique particulière. Et les différents retours obtenus au travers des « moutons » montrent que cette notion est effectivement ouverte à de multiples interprétations. Petit tour d’horizon : S’engager oui, mais jusqu’où ? L’idée d’engagement au travail peut d’abord être vue comme la disposition individuelle d’un jeune à s’investir dans le travail ou au service d’une entreprise. Et dans ce cadre là, force est de constater que les jeunes rencontrés, qu’ils soient qualifiés ou non, en emploi ou non, ne témoignent d’aucune forme de réticence de principe, de « désengagement générationnel ». Mais qu’entendent-ils réellement lorsqu’ils se disent prêt à s’engager ? Et qu’attendons-nous de leur part ? Parle-t-on d’un engagement « normal » dans le travail au regard de conditions d’emploi particulières, ou d’un investissement allant implicite- ment au-delà ? Nombre de jeunes, plutôt qualifiés, demandent à s’affranchir totalement des horaires et lieux de travail, au profit d’une logique de projet par exemple ; est-ce le synonyme d’une forme d’engagement différente des générations précédentes, voire d’un engagement « sans limite » ? La question renvoie à un débat ancien sur la position optimale du curseur entre protection et liberté, notions souvent mises en opposition, de façon plus implicite qu’explicite, par les jeunes rencontrés. Pour autant un bref 10
regard sur le passé suffit à montrer que la création des instruments de protection sociale a au contraire pleinement participé à l’essor des libertés. Le débat sur la dialectique liberté/protection n’est donc pas clos. Que les jeunes reprennent aujourd’hui cette question sur de nouvelles bases est à la fois normal (c’est précisément ce qui ne fonctionne plus actuellement) et très stimulant. Notons également que le « sur investissement » semble presque assumé par certains jeunes ayant assimilé qu’ils doivent prouver, plus que d’autres, qu’ils ne sont pas là juste pour travailler mais pour adhérer à un projet productif. Ils rejoignent en cela un certain discours managérial mettant l’accent sur l’implication totale, la motivation, la prise d’initiative etc… Et en même temps ce discours peut déranger, par son apparente naïveté et la remise en cause des standards de travail qu’il sous-entend. S’engager peut-être, mais pourquoi ? La question des raisons de l’engagement est transversale, mais pas forcément traitée explicitement dans les moutons. Peut-on identifier des moteurs spécifiques aux nouvelles générations s’agissant de leur investissement dans la réalisation de leur travail et / ou vis-à-vis de leurs collègues ? Ont-ils un rapport au travail différent de leurs prédécesseurs ? Quelles places occupent ainsi la rémunération, le type de contrat de travail, ou encore les modalités de travail dans ces motivations ? Les réponses apportées ici sont incomplètes même si on dénote ici et là des revendications de reconnaissance financière (et symbolique) individuelle par certains groupes de jeunes, sur la base de leurs compétences et performances, quitte à remettre en question un ordre salarial plus favorable à une logique d’ancienneté. S’engager… ou se faire engager ? De nombreuses réflexions et propositions entendues sont relatives à l’insertion dans le monde du travail, au recrutement (dis- crimination, rôle des réseaux…), aux compétences permettant de s’insérer dans l’emploi, à l’accompagnement des transitions entre deux emplois. Il est alors en fait question « d’être engagé » par une entreprise, même si cela n’est pas sans lien avec l’engagement au sens d’implication : comment les jeunes concilient-ils les difficultés d’accès à l’emploi, la précarité des contrats proposés et l’attente d’engagement qu’on fait porter sur eux ? Certains semblent avoir a priori renoncé à la pérennité du contrat, leur engagement étant lié à un projet bien défini, ou à la perspective d’une accumulation d’expériences professionnelles valorisables. Mais s’agit- il là d’une prédisposition générationnelle ou liée à l’inexpérience ? Un engagement frustré ? De nombreuses interrogations se sont exprimées sur le fait que les entreprises offrent, aujourd’hui, les conditions permettant l’expression de cette capacité d’engagement des jeunes. Une tension apparaît entre une demande d’autonomie/de responsabilité et l’insuffisance de confiance, de communication, de reconnaissance ou de latitude laissée par les salariés plus âgés. D’autres expriment un sentiment « d’exploitation », se jugeant insuffisamment intégrés, formés ou encadrés, ce qui peut susciter un désengagement. Sont également perçus comme freins à l’engagement les moyens techniques inadaptés (équipement informatique par exemple), l’organisation du travail ou encore les systèmes hiérarchiques rigides. Enfin la question de l’engagement pose la question de la compatibilité entre le projet de l’entreprise et les valeurs ou engage- ments sociaux nouveaux que portent les jeunes. Certains revendiquent un engagement professionnel qui ait un sens social ou, à minima, qui ne soit pas dissonant avec leurs aspirations personnelles. L’entreprise peut alors être tenue de les concilier : soit par les valeurs qu’elle porte elle-même (responsabilité sociale), pour peu qu’elle ne se contredise pas dans ses agissements ; soit par la valorisation et la reconnaissance des projets que portent certains jeunes. S’engager avec ou pour les autres ? La notion d’engagement renvoie également au lien des jeunes avec le collectif qu’est l’entreprise, ou à leur volonté d’y faire entendre leur voix. L’aspiration à faire partie d’un collectif est présente chez les jeunes, la logique d’équipe demeurant forte et l’envie de partager des intérêts au-delà du travail existant. Néanmoins, elle pourrait se construire sur une base plus fragile, avec une solidarité plus temporaire et limitée à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise. N’est-ce pas là la contrepartie d’une relation contractuelle plus instable ? Un plus faible engagement des entreprises à l’égard des salariés les plus jeunes n’induit-il pas un moindre sentiment de fidélité, d’appartenance et de confiance chez ces derniers ? Chez d’autres jeunes, il existe une attente réelle d’expression individuelle et collective dans l’entreprise et d’espace de relations interpersonnelles dans lesquels ils pourraient s’impliquer sans forcément s’engager de façon durable. 11
4. Jeunes et syndicats : entre ignorance et préjugés Si les jeunes rencontrés démontrent une grande ma- Plus de la moitié des répondants s’engageraient dans un tissu associatif C’est près de 70% pour ceux dont un parent est engagé dans une association turité dans la description qu’ils font de l’entreprise ou un syndicat et de leurs attentes en matière d’amélioration des conditions de travail, il apparaît que les formes tra- Le tissu associatif ditionnelles de représentation collective, telles que Les ONG (nationales et internationales) le syndicalisme, font pour le moins l’objet d’une forte distanciation voire d’une ignorance totale de leur part. Rien de tout cela Les jeunes sondés semblent en effet se tenir à Les syndicats l’écart d’un engagement syndical qui, lorsqu’ils en connaissent l’existence, est jugé trop politique et pas Autre assez crédible. A cela s’ajoutent les risques individuels Ensemble des répondants Parent engagé dans un syndicat Les partis politiques qui, attachés à l’image négative du syndicalisme, ont Parents non engagés Parent engagé dans une association tout l’air de l’emporter sur ses bénéfices collectifs Parent engagé dans un parti politique 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% (Extrait de l’enquête en ligne ASTREES) potentiels. Les jeunes rencontrés semblent pourtant vouloir s’impliquer davantage dans les processus de consultation. Mais ils souhaitent le faire au travers de processus nouveaux. Un syndicalisme, même rénové, pourra-t-il répondre à leurs attentes ? La distance est donc bien réelle mais les aspirations d’engagement social des jeunes aussi. Une dynamique d’engagement collectif est prête à s’enclencher. Quelles leçons entreprises et syndicats doivent-ils tirer de ces constats ? Comment redonner du sens au dialogue social et revaloriser les parcours syndicaux à hauteur de leurs enjeux ? 5. Ma petite, ma grande entreprise Mais de quelle entreprise ont envie les jeunes interrogés par notre Lab ? Il est intéressant de noter qu’en se projetant dans le monde du travail, une très grande partie des jeunes sondés s’imagine travailler dans une grande entreprise. En témoignent les multiples références, par ailleurs bien françaises, à la hiérarchie et à ses innombrables niveaux. Et ils lui demandent beaucoup, et en tout cas beaucoup plus qu’un emploi : de la reconnaissance et du sens, des services, du temps pour faire autre chose que travailler, un bilan régulier de leurs savoir-faire. Certes ils sont quelques-uns à vouloir autre chose qu’un grand groupe : l’économie sociale et solidaire, les formes plus coopératives ou collaboratives d’entreprise font parfois rêver. Quant à être son propre patron, ou bien devenir manager, il y a un pas que très peu franchissent. Mais si l‘entreprise qu’ils se représentent est souvent de grande taille, ils/elles ne s’y voient reconnu(e)s, chacun(e) pour ce qu’ils/elles sont, que dans des équipes soudées et à taille humaine, avec une organisation aussi horizontale et transversale que possible. Bref l’entreprise doit être tout à la fois un grand groupe et une PME où personne n’est anonyme. 6. Vous avez dit contrat ? S’agissant des jeunes et des contrats, les éléments accumulés par le Lab d’ASTREES militent en faveur d’un fort bousculement des règles et des pratiques. Ce n’est pas tant les notions de CDI, de CDD ou de stages qui sont remises en cause – encore que certains se prononcent ouvertement pour l’uniformisation des contrats voire la suppression du CDI perçu certes comme un passeport pour l’autonomie (accès au logement, au crédit, etc.) mais aussi comme un privilège réservé à certains – mais celles de la course d’obstacles successifs qu’il leur faut surmonter. A leurs désirs de projets et de passerelles leur sont trop souvent opposées normes, grilles et barrières. Mais les remises en cause vont bien au-delà et c’est la nature même des contrats qui est interrogée : • Une prestation de travail ? Oui mais pas n’importe laquelle et certainement pas quelque chose qui soit défini uniquement par l’entreprise. Une prestation qui puisse être discutée, qui ait un sens pour le salarié, qui s’exprime en termes de mis- sion, de projet, qui ait un contenu beaucoup plus coopératif. 12
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