ÉDITION SPÉCIALE CONSTRUCTIONROMANDE - BG Ingénieurs Conseils
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© FRANÇOIS PERRAUDIN chantier Fin des travaux de surélévation du barrage du Vieux-Emosson (septembre 2014). INFRASTRUCTURES ÉNERGÉTIQUES I I CENTRALE DE POMPAGE-TURBINAGE (VS) Nant de Drance: pharaonique L Tout est monumental dans le chantier e projet Nant de Drance environ 2,5 milliards de kilowattheures Nant de Drance (VS), qui va donner consiste à construire une d’énergie de pointe par an. Sa puissance naissance à l’une des centrales centrale de pompage-turbi- sera équivalente à celle de la centrale hydrauliques les plus puissantes nage dans une caverne située nucléaire de Gösgen. «En fonction des d’Europe: la durée des travaux, entre les deux lacs de rete- besoins, elle pourra produire très rapide- les kilomètres de galeries ou encore nue existants du Vieux-Emosson et ment de grandes quantités d’électricité la taille de la caverne des machines. d’Emosson. Equipée de six turbines ou pomper l’eau du lac d’Emosson dans Visite. Francis à un étage qui pompent et tur- celui du Vieux-Emosson et stocker ainsi binent alternativement, elle atteindra de l’énergie», explique Alain Sauthier, TEXTE: PATRICIA BERNHEIM PHOTOGRAPHIES: VANINA MOREILLON; une puissance de 900 MW et produira directeur adjoint de la société Nant de bâtir MAI-JUIN 2018 77
Fonctionnement de la centrale de Nant de Drance n L’eau est turbinée lorsque les besoins en électricité sont importants pour fournir de l’énergie de pointe. n Lorsque les besoins en électricité sont moindres ou que la production issue des nouvelles énergies renouvelables est excédentaire, l’eau est pompée du barrage inférieur vers le barrage supérieur pour stocker de l’énergie. 1. Lac du Vieux-Emosson 1. Galerie d’accès principale depuis Châtelard 2. Puits verticaux 2. Galerie d’acès et ventilation 3. Caverne (machines et transformateurs) 3. Galerie d’accès aux installations supérieures 4. Galerie d’amenée 5. Lac d’Emosson croiser et avec une pente de 12% maxi- mum pour que, même lourdement char- 2225 m niveau max. gés, ils puissent la gravir sans peine. 1 Bordée par des câbles de 380 000 V qui 2180 m vont jusqu’à Châtelard, cette galerie niveau min. 395 m mène à la caverne de la future centrale 3 250 m 1930 m électrique, située entre les deux bar- niveau max. 2 rages, à 600 m sous la roche. Pour le 425 m moment, elle abrite encore une fabrique 2 1830 m de béton, construite in situ pour limiter 1695 m niveau min. les allées et venues des camions. 4 1695 m Une nouvelle galerie, de 2 km cette fois, 3 1 mène au niveau du collecteur ouest du barrage d’Emosson, à 1930 m d’altitude, où un énorme ventilateur fait reculer le mur de neige dressé devant l’issue. Deux kilomètres de tunnel plus loin, on atteint le barrage du Vieux-Emosson, à 2200 m d’altitude. Celui-ci est ainsi accessible toute l’année en véhicule via les galeries souterraines de Nant de Drance. Caverne principale, emplacement d’une turbine. galerie. C’était un peu comme construire «Le sol a été dynamité couche un bateau dans une bouteille... Comme par couche. C’est la voûte toutes les machines de cette taille, elles qui supporte la pression Drance (en mains des actionnaires Alpiq ont dû être acheminées en pièces déta- de la roche.» 39%, CFF 36%, IWB 15% et FMV 10%). chées puis assemblées sur place.» ALAIN SAUTHIER, DIRECTEUR ADJOINT DE LA SOCIÉTÉ NANT DE DRANCE Un défi de planification Jusqu’à 400 mineurs L’ouvrage a nécessité le recours à cinq A Châtelard, petit village au-dessus de bureaux d’ingénieurs, chargés de la pla- Martigny situé à 1100 m d’altitude, rien nification des différents travaux en cours ou presque ne laisse présumer de l’am- La montagne qui turbine sur le chantier de Nant de Drance. Parmi pleur des travaux qui se sont déroulés La visite se termine par l’impression- eux, le bureau lausannois BG Ingénieurs au cœur de la montagne. Depuis 2008, nante caverne des machines. Longue Conseils SA, en charge de la planifica- des équipes de mineurs – jusqu’à 400 au comme deux terrains de football (200 m), tion des cavernes et du second œuvre. plus fort de l’activité – ont travaillé jour elle mesure 52 m de haut et 32 m de «Le premier défi a consisté à excaver et nuit pour l’excaver, en partie grâce large. «Pour contenir le poids de la la caverne des machines, qui est l’une au tunnelier du Lötschberg, en partie montagne (600 m de roche au-dessus), des plus grandes au monde», souligne à l’explosif, extrayant ainsi 1,7 million elle a été creusée de haut en bas. Une Patrick Heck, ingénieur. «L’accès logis- de mètres cubes de roche. Ils ont com- fois la voûte bétonnée, le sol a été dyna- tique au chantier représentait une cer- mencé par une galerie de 5,6 km, assez mité couche par couche. C’est la voûte taine complexité, puisqu’il n’y a qu’une large pour que deux camions puissent se qui supporte la pression de la roche», 78 MAI-JUIN 2018 bâtir
chantier Vue d’ensemble de la caverne principale avec les emplacements des futures turbines. bâtir MAI-JUIN 2018 79
ÉNERGIE HYDRAULIQUE Une centrale indispensable La première question que le visiteur peut se poser, c’est pourquoi construire une usine hydraulique qui représente un investissement de 2 milliards de francs sur dix ans, soit 500 000 francs par jour, alors que les conditions du marché ne sont pas favorables à l’énergie hydraulique. Le prix de vente de l’électri- cité sur les marchés, actuellement très bas, ne per- mettra pas aux exploitants de rentabiliser leur ins- tallation les premières années. Pour Alain Sauthier, la question ne se pose pas. «Le pompage-turbinage s’avère très utile dans le contexte des énergies re- nouvelables qui, en fonction de la météo, entraînent une grande variation dans la production. Une cen- trale telle que Nant de Drance permet de rééquilibrer le réseau et de compenser cette variabilité dès que le besoin s’en fait sentir.» n souligne Alain Sauthier. La caverne accueille les six turbines Francis de 150 MW chacune. Commencé en 2014, leur montage a été retardé d’environ une année en raison de pièces défectueuses fabriquées en Chine par l’un des fournis- seurs et qu’il a fallu entièrement refaire en Europe. Aujourd’hui, plus de 300 ouvriers s’attèlent notamment à assembler des pièces aux dimensions démesurées grâce à deux ponts roulants pouvant supporter une charge de 160 t chacun. Forage remontant Aux 14 km de galeries d’accès et aux deux cavernes s’ajoute tout ce que l’on ne voit pas, comme les deux puits verticaux de 425 m de hauteur et 7 m de diamètre qui permettront à l’eau du lac du Vieux- Emosson de chuter dans les turbines, qu’elle fera tourner avant de s’écouler dans le lac d’Emosson. L’eau prendra le chemin inverse après avoir été pompée De haut en bas, tunnel d’accès, poste de couplage isolé au gaz de 380 kV de Swissgrid, du lac d’Emosson vers le Vieux-Emosson. dans la caverne des transformateurs, et local de survie (à gauche). Au fond, la centrale à béton. Pour creuser ces puits verticaux, le maître d’ouvrage a choisi la technique de forage dite raise drill, ou forage 80 MAI-JUIN 2018 bâtir
chantier LES INTERVENANTS LES MAÎTRES D’OUVRAGE Alpiq; CFF; IWB – Industrielle Werke Basel; FMV SA – Forces motrices valaisannes, Sion LES PLANIFICATEURS Planification générale AF-Consult Switzerland AG, Baden-Dättwil Planification de la surélévation du barrage du Vieux-Emosson Stucky SA, Martigny Planification du génie civil des cavernes et du second œuvre BG Ingénieurs Conseils SA, Sion Planification de la chaudronnerie Pöyry Suisse SA, Vevey Gestion des matériaux SRP Ingenieur AG, Brig-Glis; PRA Ingénieurs Conseils SA, Sion Planification du raccordement au réseau Swissgrid AG, Laufenburg LES ENTREPRISES Entreprise de génie civil principale Groupement Marti Implenia, Finhaut Fournisseurs des pompes-turbines et générateurs GE Renewable (Switzerland) GmbH, Birr Transformateurs, disjoncteurs machines et contrôle-commande ABB Schweiz AG, Baden En haut, caverne des vannes supérieures. Chaudronnerie Andritz Hydro AG, Kriens Entrée de la voie d’accès. Service interne et technique du bâtiment et second œuvre Alpiq Burkhalter Technik AG, Zurich Alimentation électrique et informatique du chantier remontant, qui se déroule en trois étapes. au fond du lac d’Emosson lorsqu’il était Kummler+Matter SA, Zurich La première a consisté à forer un trou de à son niveau le plus bas. Le barrage du Hydromécanique au barrage du Vieux-Emosson, équipements IT 30 cm, qui a été élargi ensuite à 2,50 m Vieux-Emosson a été surélevé de 20 m, et télécommunication et téléphonie de diamètre. Le reste de l’élargissement ce qui a permis de doubler le volume Hydro Exploitation SA, Sion a été obtenu grâce à l’explosif. La struc- du lac artificiel, passé de 12 millions à Installations électriques du barrage ture a ensuite été bétonnée sans arrêt, de 25 millions de mètres cubes, soit autant du Vieux-Emosson manière à éviter la formation de joints, d’énergie stockée. Il a également fallu Grichting & Valterio Electro SA, Sion possibles points faibles. Le bétonnage a remplacer la ligne 220 kV entre Le Châte- duré trois mois, 24 h/24. Un mélange de lard et la vallée du Rhône par une ligne ciment et d’eau a finalement été injecté 380 kV. Pour autant, «on ne va produire entre la roche et le béton, afin que celui- plus qu’avant! En revanche, l’avantage ci colle à la paroi. réside dans le fait qu’on pourra utiliser cette électricité dès que les besoins sont Capacité du lac doublée importants et la stocker quand la demande Nant de Drance a aussi nécessité d’autres est faible», souligne Alain Sauthier. travaux que ceux réalisés dans la mon- La mise en service devrait se faire pro- tagne. Il a fallu déposer des prises d’eau gressivement à partir de 2019. n bâtir MAI-JUIN 2018 81
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