Édition spéciale quadrilingue - Le site de Chantal Tauxe
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Les créateurs L’argent Le public www.cultureenjeu.ch n°56 • décembre 2017 édition spéciale quadrilingue
COMING SOON SORTIE DANS LES SALLES EN SUISSE ROMANDE LE 20 DÉCEMBRE 2017 y ndr LL He O in M Flur PA el PA anu M POUR LE CINÉMA SUISSE.
édito Le Contrat asocial Par Frédéric Gonseth, co-président de Par Antoine Duplan p. 13 O n sonne à ma porte le 4 mars ampleur, couvrant aussi bien l’info que la 2018. Un jeune homme bien culture, le divertissement que le sport, dans mis, qui inspire confiance laquelle il faudrait investir au bas mot un S O M M A IR E (« Bonjour, je m’appelle Phillipe milliard pour racheter les dépouilles de N., je suis avocat et conseiller national d’un la RTS et les rénover ? Quel éditeur privé Décembre 2017 - n°56 parti gouvernemental »), me propose de fournirait cette mise, sachant qu’il faut m’offrir 365 frs chaque année, à condi- prévoir un fonctionnement de 500 millions tion que j’appose ma petite signature au par an, alors que dans la balance, les ren- EDITION SPÉCIALE QUADRILINGUE bas d’un contrat écrit en petits caractères. trées du marché publicitaire romand radio- Comment ne pas se laisser tenter ? visuel ne pèsent pas beaucoup plus de Cahier français 1 › 14 cent cinquante millions par an ? Il faudrait Ce n’est toutefois pas un simple cadeau. réintroduire un abonnement. Pour couvrir Édito : Le Contrat asocial 3 C’est un contrat. Et il me vient à l’esprit un même éventail de programmes, on en de lire les petits caractères. J’y vois que La RTS, vecteur d’identité reviendrait très vite au franc par jour qu’on je m’engage à long terme et pas seule- était censé s’éviter... depuis sa naissance 4 ment pour ma petite personne : il s’agit de modifier le code des lois de mon pays, la Le démarcheur, je viens poliment de le ren- Le Mirage « No Billag » 5 Constitution. Je suis aussi censé m’engager voyer. Je sais qu’il va trouver au coin de la envers ma famille, mes amis, mes voisins, rue quelques oreilles complaisantes pour Télévision suisse & cinéma suisse, mes collègues de travail, mes concitoyens entendre que c’est trop cher payé pour des un partenariat de longue date 6 des autres régions, afin qu’à l’avenir, nos radio-TV pas regardées (et nombre sont de La musique aussi relève joies ou nos inquiétudes, notre besoin de mauvaise foi en oubliant les diffusions sur comprendre ce qui nous arrive, nous les internet). Si ces concitoyens l’emportent, à du service public 7 confiions à des chaînes de radio-tv inter- cause d’eux, j’habiterai désormais dans Le chant de nos mers 8 nationales, parce que le contrat prévoit un pays riche, vanté jusqu’alors pour la qu’on ne pourra plus aider les nôtres. (Et douceur d’y vivre, et qui prendra le risque, Il était une fois 9 en tout petits caractères qu’il faut lire à la afin d’économiser un quart du prix d’un loupe). Il n’est pas certain que ces chaînes No Billag 10 › 11 café par jour, de renoncer à se forger étrangères aient beaucoup de place pour une image de lui-même et d’éroder la Un franc pour la SSR est un franc notre petit bout de continent, sauf pour confiance qui y règne. Aux moindres diver- pour la cohésion de la Suisse 12 des faits sanglants, bien entendu. En fait, gences dans la façon de voter, les relations il faut s’attendre à l’oubli, comme pour les avec les autres régions vont s’enflammer, LE BAR DES MAUDITS 13 régions françaises. Le sympathique jeune et le sentiment d’appartenir à une minorité homme tente un dernier argument pour peu considérée par la majorité aléma- extorquer ma signature : selon lui, je n’ai nique s’accroître. Tous les pays proches qui pas à prendre un ton d’enterrement, la ont subi une dégradation de leurs médias suppression de deux tiers de ses moyens radio-visuels, comme l’Italie, l’Espagne, la n’empêcherait nullement le service public Grande-Bretagne, ont connu ces dernières de radio-TV de trouver d’autres moyens années une grave altération de leurs rela- de se financer… tions d’une région à l’autre, comme ces derniers jours, la Catalogne, ou de leurs Quels moyens ? La publicité sur la RTS ne relations avec le reste du monde, comme se développe plus, même en instaurant le Brexit. une désagréable interruption des pro- grammes ; elle préfère internet. D’ailleurs, La SSR et les radio-TV locales ont quelque trop de publicité tire les programmes chose à voir avec le mode vie dans ce petit Frédéric Gonseth vers le bas, la brutalité, le racolage. Sans territoire où on ne fait pas tout comme les Après des études de sociologie, compter une ligne encore plus discrète que autres, où on respecte les minorités, et où Frédéric Gonseth effectue un stage je découvre dans le contrat et qui signale on croit en son destin sans pour autant de journaliste à Zürich. Dès 1980, que le financement public serait inter- souhaiter écraser les voisins. Ce climat il devient réalisateur-producteur rompu d’un coup sec le 1er janvier 2019. vivable, dû en partie à la confiance qu’ins- indépendant. Membre fondateur Une RTS obligée de fermer boutique sans pirent nos médias radio-visuels, il a fallu de nombreuses associations délai en dix mois échapperait difficilement des décennies pour l’instaurer, peut-être liées au cinéma, il est également à la faillite. Quel privé voudrait relancer même plus. On peut le casser en une vota- membre fondateur et président une radio-TV de cette qualité et de cette tion. FG des associations Archimob, Humen, CultureEnJeu et médias pour tous. CultureEnJeu n°56 3
› NO BILLAG FRANçAIS La RTS, vecteur d’identité depuis sa naissance Par Chantal Tauxe Si la Suisse romande existe, on le doit beaucoup à la radio qui, depuis 1922, a relié les populations des cantons francophones en les fédérant autour de programmes communs. Le leitmotiv ressurgit Méfions-nous de la suite du raisonne- Chantal Tauxe périodiquement dans ment : si la Suisse romande n’existe pas, Journaliste passionnée par la le débat politique, tel alors il ne serait pas si épouvantable politique, l’histoire, les enjeux un scotch dont on d’anéantir le financement de la SSR par européens et l’Italie. Membre ne parvient pas à se débarrasser : « La la redevance. Il devient « salonfähig » de de Médias pour tous et de Suisse romande n’existe pas ». Démon- remettre en cause la clé de répartition qui www.bonpourlatete.com. trer qu’entre les six cantons francophones avantage les régions latines (la Suisse ro- De 2009 à 2017, rédactrice les intérêts ne sont parfois pas communs mande fournit 23 % de recettes, et perçoit en chef adjointe de L’Hebdo. ouvre d’irrésistibles perspectives : si la 33 % des ressources de la SSR, la Suisse www.chantaltauxe.ch Suisse romande n’existe pas, alors il n’y italophone donne 4 % et touche 22 %. a pas de Roestigraben non plus, cette Pour la RTS, le gain représente 120 mil- affreuse différence de sensibilités entre lions sur un budget total de 393,3 millions Les abonnés se comptent vite par dizaines Alémaniques et Romands que certains de francs). À la fin, si la RTS n’existait plus de milliers. Ce succès spectaculaire sus- dimanches soirs de votation la carte des ou venait à être drastiquement amputée, cite des vocations, les stations poussent cantons s’obstine à dessiner. Si la Suisse ce ne serait donc pas si grave. Le fédé- comme des champignons, mais la ren- romande n’existe pas, alors tout va bien ralisme n’est-il pas la concurrence des tabilité n’est pas au rendez-vous. Le dans le meilleur des mondes helvétiques, solutions entre cantons ? C’est oublier que Conseil fédéral met de l’ordre, il autorise il n’y a pas de crises de nerfs, pas de le fédéralisme repose tout autant sur la un seul émetteur par région linguistique: scènes de ménage, pas de revendications solidarité entre les régions et le respect – Beromünster, Sottens et le Monte Ceneri. insistantes. pas seulement rhétorique – des minorités. La radio est reconnue comme un service public à but non lucratif. Nous sommes Notez le paradoxe : la Suisse s’enorgueillit d’être le fruit de quatre cultures, mais la La radio devient en 1931 et la SSR (Société suisse de ra- diodiffusion) est créée. deuxième en importance, la francophone, un ciment entre les ne serait qu’un fantasme. Peu à peu, alors que les journaux restent populations romandes orientés sur l’actualité cantonale, la radio devient un ciment entre les populations qui écoutent les romandes qui écoutent les mêmes pro- mêmes programmes. grammes. Dès 1954, la télévision ren- force encore le sentiment d’un destin Il n’est pas inutile de se souvenir commun qui naît des émotions partagées. que la radio romande a joué un rôle Dans un essai consacré à « La question prépondérant dans l’émergence d’une romande », François Cherix concluait en conscience supra-cantonale. Dans la 2009 « qu’on ne naît pas Romand, mais Suisse romande, une histoire à nulle qu’on le devient. » Cette identité d’Helvète autre pareille, l‘historien Georges Andrey parlant français continue à se forger tous narre d’une plume enjouée les débuts de les jours en écoutant la radio, en regar- la TSF : « En ce domaine comme en tant dant la télévision, en consultant le site in- d’autres, la Romandie est pionnière en ternet de la RTS (qui s’est séparée de son Suisse. La première station est inaugurée adjectif « romande » en 2012). Elle n’en- le 26 octobre 1922 à Lausanne. » L’ins- lève rien aux autres liens d’appartenance tallation de téléphonie sans fil est rendue que chaque individu peut éprouver selon nécessaire par la conférence internatio- ses origines ou son parcours de vie. nale sur la Turquie. Il faut que les diplo- mates puissent communiquer avec leurs Ne nous y trompons pas, en s’attaquant à chancelleries. Entre deux messages, Ro- la seule institution nationale linguistique- land Pièce, en charge du poste émetteur, ment décentralisée, NoBillag, sous ses diffuse de la musique. Quelques mois atours comptables, est bien une torpille plus tard, en décembre 1923, sera fon- contre les valeurs suisses les plus pré- dée la Société romande de radiodiffusion. cieuses. ChT 4 CultureEnJeu n°56
Le mirage « No Billag » Par Jean-Jacques Lagrange Au début des années cinquante, les pion- niers qui créent la télévision en Suisse peuvent s’appuyer sur le service public de la SSR pour lancer le nouveau média. Un service public qui vit d’une redevance péenne de Radio-Télévision, à l’Eurovision et au sein des réseaux francophones et germanophones de TV5Monde, 3Sat et Swissinfo. Partout dans le monde la presse et les médias sont aujourd’hui bouleversés et Merci la TSR, Merci la SSR ! Par Jean-Luc Bideau, acteur menacés par la révolution technologique, La TSR reste le producteur incontournable répartie équitablement entre les régions du cinéma suisse romand. Sans elle, le ci- internet, les réseaux sociaux, la numéri- linguistiques. néma suisse n’existerait peut-être pas. sation et les algorithmes. Avec l’illusion En soixante ans, nous avons pleinement que tout est gratuit ou qu’au mieux on Il suffit de se rappeler « Le Groupe 5 » pour rempli notre rôle culturel de créateurs ne paie que ce que l’on consomme… ce constater cette évidence. Les cinéastes et notre profession sociale et citoyenne qui sera toujours plus cher que la rede- Lagrange, Soutter, Tanner, Goretta et Roy d’informateurs libres et indépendants en vance unique ! Ce 21e siècle est celui de ont débuté à la TSR par des documentaires. réalisant une offre programme avec des la connectivité et de l’interdisciplinarité. Forts de cette expérience, ils ont sollicité milliers de reportages, de documentaires, Aucun acteur ne peut seul résoudre ces une aide pour passer à la fiction. Berne d’émissions d’information et d’enquêtes problèmes. Il faut réfléchir et trouver col- n’était alors que pourvoyeur de modiques d’investigation qui ont fait découvrir la lectivement les réponses à ces défis. Les sommes d’argent uniquement consacrées Suisse aux Suisses et amené la diversité médias, presse et audiovisuels suisses, aux films documentaires. Il a fallu toute des images du monde dans tous les foyers. publics et privés, sont condamnés à se l’énergie et la ténacité des réalisateurs du Les spectateurs de la TV romande ont pu remettre en question mais ne survivront « Groupe 5 », encore une fois aidés à la aussi suivre plus de six-cents dramatiques qu’en se réorganisant et en collaborant base par des fonds de la TSR, pour que originales et une centaine de téléfilms iné- activement. Berne admette que l’on pouvait joindre le dits avec des acteurs suisses, des opéras, documentaire à la fiction. Ce n’est hélas pas ce qui se passe avec des concerts, des divertissements, une l’initiative « No Billag ». Elle veut purement Aujourd’hui, et sans citer tous les cinéastes offre cinématographique et des évène- et simplement supprimer la redevance SSR suisses qui prolongent les qualités de leurs ments culturels ou sportifs qui ont rassem- pour céder la place au libre marché pri- prédécesseurs, il est évident que, sans une blé devant le petit écran les Suisses dans vé de la concurrence qui soi-disant ferait télévision nationale avec ses antennes ré- un sentiment d’appartenance citoyenne à mieux et meilleur marché. On passerait gionales comme pivot financier et diffuseur la communauté helvétique. Sans oublier du « nous » de la communauté au « je » des de presque toutes les productions ciné- que depuis 1960, situation unique en Eu- consommateurs. Un oui à « No Billag » matographiques suisses, le cinéma helvé- rope, la Suisse était complètement arrosée signifierait la disparition rapide et totale tique se réduirait à peau de chagrin. C’est par les chaînes étrangères qui font encore du service public suisse, la perte d’un pourquoi, il est indispensable de défendre une terrible concurrence à notre service précieux savoir professionnel et péna- une redevance. Non à une initiative NO public helvétique. liserait aussi les radios et tv locales qui BILLAG, démagogique et inconsciente des Face aux géants des chaînes publiques et reçoivent une part de la redevance. Le vide dégâts qu’elle provoquerait. JLB privées en une seule langue de nos grands créé laisserait le champ libre aux chaînes voisins, les réalisateurs, les journalistes, les étrangères qui privent déjà chaque année techniciens et cinq mille autres collabora- les médias suisses de plus de cent millions teurs du service public suisse réussissent à de francs de revenus publicitaires sans Jean-Luc Bideau gérer des chaînes radio et tv en quatre lan- investir en retour un seul centime dans des Acteur fétiche du nouveau gues pour le petit marché de notre pays de productions suisses. cinéma suisse, comédien huit millions d’habitants. Ils apportent une incontournable et ancien On nous demande de lâcher la proie pour contribution globale à notre société et à sociétaire de la Comédie- l’ombre. Un dicton populaire nous rap- la démocratie par leur professionnalisme Française, a participé à pelle « qu’un tien vaut mieux que deux tu qui est reconnu internationalement par 91 films de cinéma, l’auras ». C’est pourquoi je voterai NON à une participation active à l’Union Euro- 8 court-métrages, 63 films « No Billag ». JJL ou séries de télévision et 47 pièces de théâtre. Jean-Jacques LAGRANGE (1929) Pionnier TV Genevoise (1952-1954) Cinéaste et réalisateur TSR (1954-1994) Membre du Groupe 5 (1968) Web editor et historien des archives RTS (1995-2015) CultureEnJeu n°56 5
› NO BILLAG FRANçAIS Télévision suisse & cinéma suisse, un partenariat de longue date Par Denis Rabaglia C’est le cas dans tous les « petits » pays européens. En Belgique, aux Pays-Bas, dans les pays nordiques : en-dessous d’un bassin inférieur à 10 millions d’habitants, les télévisions publiques sont des alliées incontournables de leurs cinématographies nationales. Pourquoi cela ? P arce qu’une télévision natio- Cette collaboration est formalisée au sein nale a besoin de produire et de d’un accord intitulé « le Pacte de l’Audio- diffuser des récits de sa nation. visuel » négocié entre les parties chaque Elle ne peut se contenter de 4 ans et dont l’édition en cours comprend reprendre indéfiniment des séries amé- un montant de 27,5 millions de francs ricaines, si brillantes soient-elles. Elle a suisses. Ces moyens financiers vont se pour mandat de raconter des histoires répartir entre les entités sur des œuvres Alain Tanner, Claude Goretta et Michel Soutter, et l’allocation de moyens de pro- ductions à leurs premiers films de cinéma a permis l’émergence sur la scène inter- nationale du « nouveau cinéma suisse ». Ce succès a été mis à profit par les pro- fessionnels des autres régions du pays pour tous ses publics et pas seulement de télévision (pour lesquelles le pouvoir pour mettre sur pied une collaboration pour les insomniaques qui dévorent des éditorial est essentiellement dans les régulière avec les autres entités de la SSR. films et séries en VOD. Le fait est que mains des responsables de chaque uni- Dans le cas de la Suisse alémanique, le diffuser des œuvres nationales de fiction té) et des œuvres cinématographiques dialecte va devenir une pierre angulaire et de documentaire (des films danois au (pour lesquelles le pouvoir éditorial est de cette politique car si la SF (Schweizer Danemark, des films finnois en Finlande) dans les mains des producteurs dits indé- Fernsehen) ne produit pas d’œuvres de dépasse simplement les notions de « di- pendants). Logiquement, les entités vont fictions en dialecte alémanique, qui va le versité culturelle » ou de « mandat de mettre plus de moyens financiers dans faire ? Certainement pas les télévisions service public » et répond à un profond une œuvre de télévision que dans une allemandes ! besoin sociétal : celui d’offrir un reflet du œuvre cinématographique et tout aussi Ainsi, au fil des décennies, une fruc- monde dans lequel nous vivons et pas logiquement, ce financement va déter- tueuse collaboration entre la télévision seulement de celui dans lequel nos voi- miner leur première utilisation publique : suisse et le cinéma suisse s’est ainsi sins vivent. télévision ou cinéma. nouée. Certes, celle-ci n’a pas la même Les rapports entre cinéma suisse et télé- couleur à Genève, à Zurich ou à Lugano vision suisse relèvent eux aussi de cette Offrir un reflet du car elle épouse les réalités sociocultu- logique mais avec une réalité multicul- turelle plus complexe. Chacun sait que monde dans lequel relles respectives. L’initiative NO BILLAG attaque le cœur la SSR est constituée de quatre entités, nous vivons et pas de ce dispositif en entraînant de facto la chacune étant dédiée à une langue nationale. Chaque entité a pour mandat, seulement de celui disparition de la SSR et en supprimant ainsi environ 25 % des moyens financiers notamment, de produire ou coproduire des œuvres de fiction et de documentaire dans lequel nos du cinéma suisse fiction et documentaire, tout en réduisant à néant la production dans sa langue, cela avec des moyens voisins vivent. d’œuvres de télévision. Au lendemain adaptés à son bassin de population et de la votation, si elle devait emporter la en collaboration avec les auteurs, pro- Cette forme de collaboration - qui est majorité, qui montrerait nos films, qui ducteurs, interprètes et techniciens de sa identique à celle des autres « petits » pays raconterait nos histoires ? Certainement zone linguistique. européens - prend sa source dans les an- pas les télévisions des autres pays ! DR nées 70 : à la RTS de l’époque travaillent Denis Rabaglia Auteur-réalisateur entre autres des films « Azzurro » (2000) et « Marcello Marcello » (2008). Président de la Société Suisse des Auteurs depuis août 2012, coopérative de gestion de droits d’auteur représentant 3000 auteurs de la scène et de l’audiovisuel en Suisse. 6 CultureEnJeu n°56
La musique aussi relève du service public Par 1500 membres de la Suisa Plus de 1500 compositeurs, paroliers et éditeurs de musique en Suisse se sont engagés pour le service public. Dans une résolution, ils ont attiré l’attention des parlementaires suisses sur l’importance des chaînes de radio et de télévision financées par la redevance. Cette résolution a été lancée lors de l’Assemblée générale 2017 de SUISA, la coopérative des compositeurs, paroliers et édi- teurs de musique en Suisse et au Liechtenstein. En vue de la session d’automne des Chambres fédérales, les signataires ont demandé aux parlementaires de prendre en compte le rôle des chaînes financées par la rede- vance et de ne pas affaiblir leur position dans le débat concer- nant l’initiative « No Billag » ainsi qu’en cas d’offensives visant la SSR. Cela représente en moyenne plus du double de ce que pro- gramment les diffuseurs privés. Une réduction de l’offre de la SSR aurait un impact considérable sur les créateurs de musique. Cet état de fait est menacé, d’une part, par l’initiative « No Bil- lag », mais aussi par une volonté parfois exprimée sur le plan politique de réduire le nombre de chaînes de la SSR. Les consé- Les chaînes et stations financées par la redevance garantissent quences pour les artistes suisses seraient dramatiques, puisqu’ils une grande diversité culturelle. ne trouveraient plus leur public. Par leur résolution, les membres Pour les créateurs suisses de musique, les chaînes de la SSR de SUISA ont donc mis le monde politique en garde contre un ont une importance capitale. Elles leur permettent de faire dé- appauvrissement des médias financés par la redevance. Ceux- couvrir leurs œuvres et leur fournissent une plateforme incom- ci renforcent l’identité culturelle des minorités linguistiques et parable. Financées par la redevance, elles ont un mandat de régionales et favorisent l’échange entre elles. Cet aspect est de service public qui porte aussi sur la musique et la culture. Cette première importance pour la cohésion d’un pays multilingue. mission oblige la SSR à contribuer à l’émergence d’une créa- La liste des personnes ayant signé la résolution peut être consultée tion artistique riche et diversifiée. Les stations de radio de la sur www.suisa.ch/fr_resolution SSR diffusent 20 % de musique suisse, tous genres confondus. Texte de la résolution Un engagement clair en faveur du Rendez possible la création artistique la proportion de musique suisse est service public... et de ceux qui offrent dans notre pays au lieu de la freiner ! supérieure à 20 %. C’est en moyenne le une plateforme à la musique suisse ! double de ce que diffusent les stations • Les stations financées par la redevance privées. Les stations de radio financées par la re- accomplissent un mandat de service devance sont extrêmement importantes public. Le divertissement, la musique et • Les stations contribuent également au pour les membres de SUISA – à savoir la culture en font partie. succès de la musique suisse grâce à les compositeurs, paroliers et éditeurs de des interviews, des retransmissions de musique en Suisse et au Liechtenstein – et • Grâce à la SSR, la musique suisse de concerts et des émissions en direct. tous les genres est diffusée. pour la culture suisse en général. En effet, Les membres de SUISA mettent en garde elles découvrent et diffusent notre mu- • Qui d’autre que la SSR, avec des contre un appauvrissement des médias sique, notre culture, notre identité sonore. stations comme Option Musique, Radio financés par la redevance, dont les pro- SRF Virus, Musikwelle, Radio Swiss Pop, Dans le cadre du débat sur l’initia- grammes respectent le mandat de service Radio Swiss Jazz ou Radio Swiss Classic, tive « No Billag » et face aux offensives public : ils renforcent l’identité culturelle offre une plateforme également aux visant à supprimer certaines stations de des minorités linguistiques et régionales artistes suisses moins célèbres? la SSR, nous invitons tous les membres et favorisent l’échange entre elles. Cet du Conseil national et du Conseil des • Certaines stations de la SSR diffusent aspect est de première importance pour États à penser au rôle de ces stations et jusqu’à 50% de musique suisse. En la cohésion de notre pays multilingue. à en souligner l’importance. considérant la totalité des stations SSR, CultureEnJeu n°56 7
› NO BILLAG FRANçAIS Le chant de nos mers Par Daniele Finzi Pasca S’il n’était pas obligatoire de payer la redevance, et que cela restait seulement un choix individuel, alors je la payerais certainement. Je suis né sur une île. Au sud nous avons des frères et des cousins. Nous sommes faits de la même pâte, mais le fil subtil qui nous divise est suffisant à nous faire sentir que l’air que nous respirons a un autre parfum, et que, d’ici et de l’autre côté des rives de cette mer, nous sommes habitués à des règles et à des traditions différentes. Les détails changent, mais ce la culture. Nos radios et nos télévisions servent à cela et doivent rester les nôtres. Elles doivent nous appartenir et de- vraient continuer à générer la vibration sonore de cette mer imaginaire qui nous protège. J’ai quelques petites idées personnelles que parfois je partage au bar avec des amis : faire jouer l’équipe nationale de foot contre le Portugal, créer une nouvelle organisation du trafic sont précisément ces derniers qui différencient les diverses urbain devant chez moi, proposer la radio et la télévision que je tribus. Au nord, il y a également une mer invisible qui nous voudrais. J’ai mes idées et j’aimerais tant qu’elles soient un peu sépare de frères et de cousins de sang, qui parlent une langue prises en compte. Je pense que la redevance devrait être distri- autre que la nôtre, qui épicent leurs plats de manière spéciale, buée différemment, soutenant plus fortement les radios et les qui rient de blagues que je ne comprends pas, mais que, aux télévisions privées. Je pense que nous devrions continuer à nous grandes fêtes officielles, j’embrasse comme s’étreignent les mettre en question, en essayant d’innover, en utilisant un autre proches et les membres de la famille réunis autour du repas mode de raisonner avec des idées nouvelles. Ceci dit, je ne rê- de Noël. verais jamais de « faire sauter » l’équipe nationale parce qu’elle En courant d’un côté à l’autre des trottoirs, on traverse ce pas- ne joue pas comme j’aimerais, ni de supprimer le son sourd du sage de mer imaginaire. va et vient des vagues d’une mer qui m’accompagne depuis que je suis gamin, qui me défend et me rappelle d’où je viens. C’est une mer que nous souhaiterions sereine, magique, enrichis- sante. Une mer qui nous permette aussi de nous sentir uniques Il y a des prix à payer pour vivre sur une île entourée d’étendues et originaux comme se ressentent habituellement tous les d’eau. Mers imaginaires si belles qu’on les traverses à la nage insulaires. sans se mouiller, mers faites d’eau tellement légère et douce qu’on peut aussi la boire. Pour nous rappeler qui nous sommes et pour pouvoir le raconter à qui veut nous entendre, il faut que nous ayons des moyens Il serait insensé d’étouffer ce chant répétitif et mélodieux qui en et des outils adéquats. Nous avons besoin de voix pour le dire, fin de compte est la sonorité de notre identité et la respiration de d’histoires à raconter, d’une mémoire à conserver et à trans- notre mode d’exister. J’adore vivre sur cette île qui pour exister a mettre. besoin du chant de cette mer imaginaire que nous tous devrons savoir protéger en le réinventant chaque jour. Notre pays est un petit pays et nous italophones au sein de ce micro univers, nous avons besoin de porteurs de paroles qui Moi, ce prix-là, je suis disposé à le payer. DFP nous présentent, qui génèrent des pensées, de la réflexion, de Traduction : Gérald Morin Daniele Finzi Pasca 33 % Part des ressources de Clown, auteur, metteur en scène et la SSR dévolue à la Suisse romande chorégraphe, Daniele Finzi Pasca est (population = 23%) cosmopolite d’esprit. Avec sa Compagnie il a signé, entre autres, la création et 43 % Part des ressources de la la direction d’événements majeurs tels SSR dévolue à la Suisse alémanique que la Cérémonie de clôture des Jeux (population = 73%) Olympiques de Turin 2006, celle de Sotchi 2014, la Cérémonie d’ouverture des 22 % Part des ressources de la Jeux Paralympiques de Sochi 2014, deux SSR dévolue à la Suisse italophone spectacles pour le Cirque du Soleil en (population = 4%) 2005 et 2016... À l’horizon, la prochaine Fête des Vignerons de Vevey pour 2019. 2% Part des ressources de la SSR dévolue à la Suisse rhéto-romanche (population = 0,5%) 8 CultureEnJeu n°56
Pedro Lenz Originaire du canton de Berne, Pedro Lenz vit depuis 2001 de son activité d’écrivain, poète et chroniqueur pour divers journaux. Habitué des performances scéniques, il est membre du groupe de poètes spoken words Bern ist überall et auteur de textes pour des compagnies de théâtre et la radio alémanique. Son best seller Der Goalie bin ig, écrit en suisse-allemand, a déjà été traduit en allemand, français, anglais et italien, a été adapté au cinéma par Sabine Boss. Voir www.pedrolenz.ch Il était une fois Par Pedro Lenz Ceux qui s’étaient Il fait connaître était une fois une Suisse qui se portait plutôt bien, en tout cas jours aussi raisonnables ? », se deman- daient-ils. « Ça serait tellement plus capti- en piétinant mieux que beaucoup d’autres vant », pensaient-ils, « si nous cultivions un les anciennes pays. Il y avait un tas de raisons commerce agressif entre nous ! Ça serait à ce bien-être. Les gens qui vivaient dans si beau si nous pouvions diffamer des ad- valeurs suisses cette Suisse-là étaient braves et parfois même malins. Ils investissaient dans la versaires politiques et cesser de maintenir notre traditionnel consensus. Il serait telle- se nommaient culture et la recherche. Ils étaient restés ment excitant d’avoir – à l’instar d’autres dorénavant patriotes. longtemps épargnés par les guerres et pays – » nos démagogues et populistes ! autres grandes catastrophes. Mais sur- Comme notre pays pourrait être plus at- Mais à un moment ou à un autre, les tout ils pratiquaient une convivialité par- trayant si nous étions plus égoïstes et si, gens de cette opinion remarquèrent que ticulière entre eux. Leur histoire leur avait au lieu de rechercher la concordance, le mépris affiché envers les traditionnelles enseigné à prendre égard les uns envers nous cultivions la division. » valeurs de l’aptitude au dialogue ou de les autres et à respecter la diversité des la solidarité leur faisait perdre peu à peu Alors, de plus en plus de gens dans le opinions. Il faisait partie des traditions de la patrie. Ils tentèrent de compenser ce pays se mirent à diaboliser des réalisa- ce pays de pratiquer l’art du dialogue, de manque de patriotisme par une haine tions constitutives de ce pays. À cet effet, l’échange et de l’écoute. Durant de nom- quasi religieuse de l’Europe et du Monde il fallut introduire de nouveaux concepts breuses décennies, les Suissesses et les entier. En même temps, on assista à une et leur conformer notre langue, ce qui finit Suisses s’étaient habitués à ne pas exclure floraison de signes extérieurs et symboles bientôt par se produire. Les nécessiteux des minorités et des personnes d’opinions qui auraient dû masquer ce manque de devinrent des parasites sociaux, des pro- différentes mais à les intégrer. Ils s’étaient patriotisme. Cependant, le Swissness bri- fiteurs. Les requérants d’asile devinrent exercés à rechercher des consensus. Et colé avec des vaches de plastique, de la des réfugiés économiques. On fit de ceux quand subsistaient, malgré tout, des dé- pop patriotique, des films de montagne qui s’engageaient pour le bien commun saccords, on ne prenait pas des décisions et chemise à Edelweiss ne parvint pas à une « Classe-Politique ». Et la population radicales, mais on cherchait le compro- remplacer le sens perdu du bien commun. se transforma en peuple. Et pour diffé- mis. Parfois, c’était ennuyeux, mais en rencier ceux qui possèdent un passeport La bande qui dirigeait ce patriotisme au- règle générale, ça fonctionnait plutôt bien. suisse depuis la naissance de ceux qui ne to-proclamé commença à comprendre Et c’était important parce que ce pays l’ont acquis que plus tard, on réactiva, en ce qu’elle avait semé. « Si, de toute façon, n’était pas unifié par la langue, l’ethnie, la Suisse alémanique, le terme de Confédé- nous avons déjà diabolisé presque tout religion voire la géographie. rés pour les premiers. ce qui assure la cohésion nationale », se La Suisse n’était un pays uni, uniquement dirent-ils, « nous pourrions maintenant Ceux qui s’étaient fait connaître en piéti- parce que ses habitants et habitantes le aussi nous attaquer à la radio et télévision nant les anciennes valeurs suisses se nom- voulaient. de service public ! Qu’on en finisse avec maient dorénavant patriotes. Et, quand à À un moment ou à un autre, d’aucuns l’occasion d’une votation populaire ils tout ce qui donne à ce pays encore un peu commencèrent à s’ennuyer dans ce pays. obtenaient plus du 50 % des voix, il fallait de cohésion. » PL « Pourquoi les Suisses doivent-ils être tou- que l’autre moitié de la population se plie. Traduction : Marco Polli CultureEnJeu n°56 9
› NO BILLAG FRANçAIS Vu par Marco Solari et Raphaël Brunschwig Interviewés par Ivo Silvestro, journaliste, culture et société, à LaRegione C’est un Marco Solari plus étonné qu’inquiet, que nous avons rencontré pour parler de l’initiative No Billag dont les conséquences seraient particulièrement préoccupantes pour la Suisse italienne Marco Solari Il s’agit d’un vote que parce que la culture italienne fait partie jourd’hui, certes, on a parfois de la peine j’ai de la peine à comprendre. D’autres de la Suisse. N’oublions pas que nous à se comprendre de canton à canton, personnes peut-être ne l’approuvent pas, avons trois cent mille italophones vivant mais il existe certainement une sensibilité mais au moins en comprennent le sens. hors du Tessin et des Grisons d’expres- plus forte à l’encontre des autres régions Ici nous sommes dans une situation où sion italienne et, surtout, que plus d’un linguistiques. une confusion incroyable s’est insérée tiers de la population suisse parle italien dans cette voie sans issue du « comme comme seconde ou troisième langue ! IS - Les temps ont cependant changé : sont antipathiques les responsables de Et ce serait illusoire de penser que, pri- le service public n’est-il pas devenu la redevance Billag ! » Nous payons 4 et vées de ressources financières, la SRF ou superflu, étant donné que grâce à la nous recevons 20 : cet argument devrait la RTS continueraient à promouvoir la technologie d’aujourd’hui il est très être suffisant pour convaincre les Tessi- culture italienne : elles n’en auraient plus facile aussi bien de créer des contenus nois et les Rhéto-romanches de langue les forces nécessaires et se concentre- audio-visuels que d’utiliser d’autres italienne. Pensons également aux em- raient avant tout sur les aspects socié- contenus créés partout dans le monde ? plois et aux postes de travail pour nos en- taux et culturels de leurs propres publics. Bref, quel besoin y a-t-il d’avoir un fants qui disparaîtraient... C’est comme téléjournal national si je ne peux lire le Le deuxième aspect est, bien sûr, la cohé- New York Times ? avoir un oncle d’Amérique qui te finance sion nationale, le fait de tenir ensemble une vie au-delà de tes moyens, mais que tous les Suisses. La SSR est la « Cementit » MS - Mais de quelles informations tu rejettes parce qu’il te semble antipa- de ce pays. La seule structure qui soit res- parlons-nous ? Nous avons besoin d’un thique ! tée, étant donné qu’au cours des dernières journalisme de qualité lié à notre réalité. Ivo Silvestro - Il est évident, Marco décennies nous avons perdu de nom- Le New York Times ne s’intéresse pas à Solari, que l’importance des services breux symboles de notre « helveticité » : la Suisse en particulier. Et en plus, nous publics ne peut être réduite à l’impact nous pensons entre autres à Swissair, avons besoin d’un journalisme impar- économique de la RSI. aux PTT... tial : les médias privés, légitimement, apportent souvent leur propre ligne édi- MS - Certainement : il y a au moins ici IS - Il y a des personnes qui ont affirmé, toriale, tandis que la SSR a, de par son deux aspects très importants. Le premier même au Parlement, que la cohésion statut, une approche neutre, et cela est est la défense de l’italianité. Et l’italia- nationale existait avant l’arrivée de la très important pour la démocratie. nité est importante, pas seulement pour radio et de la télévision publiques... le canton du Tessin, mais pour tout le IS - Toutefois, cela n’empêche pas une pays ! L’esprit italien est défendu et se fait MS - Non, il n’y avait pas beaucoup de remise en question des missions du cohésion nationale, il y avait le patrio- service public. connaître non seulement par le RSI, mais tisme des cantons, et les distances géo- aussi par les autres chaînes de la SSR graphiques étaient aussi mentales ! Au- MS - Absolument, mais ici, nous ouvrons 10 CultureEnJeu n°56
i m p r e s su m un autre chapitre. La définition du service pense que Raphaël Brunschwig, direc- public est certainement interprétable : ce teur opérationnel du festival, voudra bien CultureEnJeu n°56 qui est service public pour les uns ne l’est ajouter quelque chose. Décembre 2017 pas nécessairement pour d’autres. Pour certains, une transmission culturelle est IS - Raphaël Brunschwig, pour vous Éditeur responsable Association CultureEnJeu inutile alors que pour d’autres elle est es- quels seraient les risques d’un festival Association pour la sauvegarde des ressources sentielle car elle enrichit le public. de Locarno sans cinéma suisse ? financières des artistes de toute la Suisse IS - Habituellement, c’est le divertisse- Raphaël Brunschwig - Les festivals Rédaction CultureEnJeu • Rue du Petit-Chêne 25 ment qui est mis en discussion… sont des lieux de rencontre... À Locarno, ch-1003 Lausanne les cinéastes suisses sont confrontés avec +41 (0)21 311 18 77 • info@cultureenjeu.ch MS - Bien sûr ! Dans le divertissement le monde et le monde est confronté à la www.cultureenjeu.ch il y a des programmes qu’il est difficile Suisse. Perdre cette fonction de rencontre de considérer de service public, mais et d’échange serait désastreux surtout Rédacteur en chef ils peuvent aussi se justifier parce qu’ils dans un moment où on a tendance à Gérald Morin • gerald.morin@cultureenjeu.ch aident à soutenir financièrement la SSR consommer les mêmes contenus audio- Comité de rédaction à travers les revenus publicitaires qu’ils visuels dans le monde entier. Joël Aguet • Vincent Arlettaz • Christian Campiche • engendrent. Frédéric Gonseth • Corinne Jaquiéry • Nous devons réaliser que l’industrie Gérald Morin • Marco Polli • Nadine Richon • IS - Il y a ensuite tout le chapitre cinématographique suisse - et en géné- Christine Salvadé concernant le cinéma : de votre obser- ral celle européenne - est trop petite pour Direction artistique vatoire de président du festival du film voler de ses propres ailes. Pour la main- Françoise Morin • francoise.morin@cultureenjeu.ch de Locarno, quels dangers voyez-vous tenir compétitive face à une concurrence Identité visuelle & maquette pointer à l’horizon ? internationale toujours plus féroce, un Elise Gaud de Buck • www.lelgo.com apport financier de la SSR est vital à tra- Auteurs invités MS - Le festival du film de Locarno est vers le Pacte de l’audiovisuel qui est un Voir sur www.cultureenjeu.ch section Auteurs un festival suisse et ne peut qu’avoir un des piliers du cinéma suisse. Renoncer à Administration & abonnements regard bienveillant envers le cinéma ce soutien ferait entre autres de la Suisse Micaela Campiche • secretariat@cultureenjeu.ch suisse. Mais c’est seulement grâce au une exception au niveau européen, sinon mondial. Parution quatre fois par an soutien de la SSR qu’il est possible d’avoir ISSN 1660-7678 • Reproduction des textes autori- un cinéma suisse. Un appauvrissement sée uniquement avec l’accord de l’éditeur et avec la de notre cinéma national signifierait IS - N’y a-t-il pas une méfiance exces- citation de la source. aussi un appauvrissement de l’identité sive envers le marché ? Vous pensez vrai- Impression suisse. Probablement, le dommage ne ment que sans la SSR on ne trouverait Gasser Media SA • CH - 2400 Le Locle serait pas si facilement mesurable, mais plus d’argent pour un cinéma de qualité ? Illustrations & crédits photographiques il ne serait certainement pas seulement Couverture et illustration : © Pitch Comment économique ; il concernerait aussi ce que RB - Ce n’est pas juste une question de financement, mais aussi de compétences 3 Frédéric Gonseth © DR nous ressentons à l’intérieur de nous- et de diffusion, parce que ne l’oublions 4 Chantal Tauxe © DR même, notre « être Suisse ». pas : le Pacte de l’audiovisuel concerne 5 Jean-Jacques Lagrange © DR Attention cependant : Locarno est un aussi les droits de commercialisation. 5 Jean-Luc Bideau © DR 6 Denis Rabaglia © DR festival suisse ; il n’est pas un festival du Grâce à ce système, on assure une conti- 8 Daniele Finzi Pasca cinéma suisse. Nous ne sommes pas le © Viviana Cangialosi / Cie Finzi Pasca nuité qu’un privé, seul, ne pourrait pas festival de Soleure qui est une vitrine de 9 Pedro Lenz © Philipp Zinniker garantir. Et ainsi on arrive à permettre tous les films qui ont été réalisés dans 11 Raphaël Brunschwig © Locarno Festival la réalisation de films qui, sur le marché, 11 Marco Solari notre pays. Nous, à Locarno, nous pour- auraient difficilement du succès mais © Locarno Festival / Reza Kathir rions même éventuellement ne pas avoir racontent des réalités qui existent et mé- 12 Christine Bulliard-Marbach © DR un seul film suisse à présenter si, dans 13 BD Le Bar des Maudits © Antoine Duplan ritent d’être valorisées. l’absurde, aucun n’atteignait la qualité que nous exigeons. Mais là-dessus, je Traduction : Gérald Morin Marco Solari diplômé en sciences sociales à l’Univer- sité de Genève, a été nommé en 1972 directeur de l’Office du Tourisme tessinois. Raphaël Brunschwig Depuis 1988, il occupe le poste de dé- a commencé sa carrière à Publisuisse légué du Conseil fédéral suisse pour les où il y resta 9 ans. En 2013, il entre au célébrations des 700 ans de la Confédé- Festival de Locarno initialement en tant ration. En 1997, il devient vice-président que coordinateur Sponsoring et fut éga- de l’Executive Board du groupe Ringier. lement responsable du projet de réno- Depuis 2000, il est président du Festival vation du cinéma Ex * Rex. En 2016, il de Locarno. Il a également été président est nommé vice directeur des opérations de l’Office du Tourisme tessinois de du Festival pour en devenir directeur dès 2007 à 2015. septembre 2017. CultureEnJeu n°56 11
› NO BILLAG FRANçAIS Un franc pour la SSR est un franc pour la cohésion de la Suisse Par Christine Bulliard-Marbach L’ initiative populaire « NoBillag » constitue un véri- table danger pour la Suisse. En voulant supprimer la redevance audiovisuelle de réception radio et télévision en Suisse, elle s’en prend à l’existence même de notre service public. Soyons-en sûrs : la SSR ne survi- vrait pas au choc de l’abolition de la redevance, contrairement à ce qu’affirment les initiants. Elle disparaîtrait, et avec elle en- sions privées qui peuplent le paysage médiatique de notre pays. N’oublions pas que ces entités profitent chaque année de plu- sieurs dizaines de millions de francs de subventions fédérales, prélevées sur le montant de la redevance. Sans ce soutien de taille, presque aucune télévision privée de la Suisse ne pourrait se maintenir et les radios privées se retrouveraient dans une situation précaire. D’innombrables emplois sont ici aussi dans viron 6’000 emplois. En un dimanche de votation, on tirerait un la balance. trait définitif sur SRF, RTS, RSI, RTR et Swissinfo, aussi bien la Et que dire du cinéma suisse ? Ce dernier profite chaque année radio que la télévision. C’est pour éviter ce naufrage qu’il faut d’environ 40 millions de francs, versés sur le rejeter l’initiative NoBillag. montant de la redevance en vertu du «pacte Certes, les voix favorables à cette initiative L’initiative NoBillag de l’audiovisuel», par lequel la SSR soutient néfaste prétendent tout le contraire. Les ini- la création cinématographique suisse. Ce tiants estiment que la SSR pourra se mainte- est en réalité une domaine soumis à une rude concurrence nir à flot en augmentant ses recettes publici- initiative NoSSR internationale est tributaire de ce soutien. Et taires. Mais un simple coup d’œil à la réalité la Suisse entière profite des succès cinéma- des faits permet de désarmer cette argumentation. Aujourd’hui, tographiques produits sur son sol par des artistes du cru. la redevance représente 75% des revenus de la SSR. Il lui serait Le service public radiophonique et télévisuel est une richesse impossible de rattraper un tel manque à gagner via les revenus importante pour notre pays. Il apporte une plus-value indé- publicitaires, même en coupant brutalement dans les presta- niable à notre société. D’abord, la SSR est un formidable vec- tions. Si on supprime la redevance, on condamne du même teur de cohésion pour notre pays. Elle met en valeur les spécifi- coup la SSR. On le voit, l’initiative NoBillag est en réalité une cités de nos cultures et de nos régions linguistiques. Elle soude initiative NoSSR. les communautés de la Suisse. Ensuite, la SSR renforce notre Le coup porté aux régions francophones et italophones de la démocratie, en offrant une plateforme d’information neutre qui Suisse serait particulièrement dévastateur. Ces régions n’ont permet à nos citoyens et citoyennes de former leur opinion sur pas la taille critique nécessaire pour pouvoir financer par elles- les sujets politiques. Enfin, la SSR structure notre société, car mêmes des radios et télévisions suprarégionales, même en in- c’est à travers les canaux du divertissement et de l’information troduisant une redevance romande et une redevance tessinoise. qu’une communauté négocie chaque jour un nouveau contrat La Suisse romande et le Tessin profitent de la solidarité de la social. Bref, chaque franc investi dans la SSR est un franc investi Suisse alémanique, qui leur verse une partie de la redevance pour la cohésion de la Suisse. récoltée outre-Sarine. Maintenons donc un service public de qualité, doté des moyens Mais la suppression pure et simple de la redevance implique- nécessaires pour assurer sa mission importante. Le 4 mars rait également un grave affaiblissement des radios et télévi- 2018, je voterai Non à NoBillag. DR 2500 Nombre de films soutenus par la SSR depuis la création du Pacte de l’audiovisuel en 1997 13,3 millions de francs Christine BULLIARD-MARBACH somme versée aux artistes pour représente le canton de Fribourg au Conseil national les droits d’auteurs par la RTS depuis 2011. Démocrate-chrétienne, elle est 605,1 millions de francs actuellement vice-présidente de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC-N). Dépenses de la SSR pour le domaine de Présidente du Groupement pour les régions de l’information en 2016, 39 % de son budget montagne (SAB), elle défend les intérêts des régions de 43 % montagne et des Préalpes, et des régions périphériques. part féminine des collaborateurs de la SSR 12 CultureEnJeu n°56
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