MONDE - Scénario macro-économique 2019-2020 - Prévenir plutôt que guérir

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rimestriel – N°19/066 – 12 avril 2019

     MONDE – Scénario macro-économique 2019-2020
     Prévenir plutôt que guérir

             Le cycle de croissance mondiale, forte et synchrone, a pris fin. En espérant que les négociations sino-
             américaines débouchent sur un accord et que la croissance chinoise accélère, sans se bercer d’illusions
             sur sa capacité à tracter le reste du monde, un essoufflement (mais pas un effondrement) se dessine. Il
             faudra essentiellement compter sur la vigueur des demandes domestiques pour atterrir en douceur autour
             de taux de croissance proches de leur potentiel. Et, dans le doute, préférant prévenir plutôt que guérir, les
             Banques centrales ont opté pour des politiques monétaires plus accommodantes qu’anticipé.

             Zoom vidéo              Prévenir plutôt que guérir                                                     Sommaire
                                   Sous réserve d’un accord sino-             Pays développés – Compter sur ses propres forces ?...................3
                                    américain et de l’accélération de
                                                                               Pays émergents – Le plus dur bientôt passé ?..........................9
                                    la croissance chinoise, la fin du
                                    cycle mondial s’annonce encore             Pétrole – Stabilité dans un chaos grandissant......................... 13
                                    « ordonnée ». Les Banques cen-             Politique monétaire – Prévenir plutôt que guérir ...................... 14
                                    trales, se montrant plus accom-            Taux d’intérêt – Entre politique monétaire et politique (tout
                                    modantes qu’anticipé, ont cepen-           court) ...................................................................................... 17
                                    dant préféré prévenir plutôt que
                                                                               Taux de change – Tout est là et pourtant… ............................ 19
                                    guérir.
                                                                               Prévisions économiques et financières ................................... 21

         Fin d’un cycle de forte croissance dont                                Les économies sont, évidemment, très inégalement
         l’inflation aura été absente. Fin de la vigueur                        affectées selon leur exposition au commerce mon-
         synchrone des grandes économies : si, globa-                           dial et la place qu’y occupe encore le secteur
         lement, les fondamentaux d’une croissance                              industriel1 : aux États-Unis, fermés et peu indus-
         essentiellement domestique résistent, le ralen-                        triels, s’oppose l’Allemagne, largement ouverte et
         tissement du secteur manufacturier et l’érosion                        toujours industrielle.
         de la contribution des échanges extérieurs nets
         pèsent déjà sur la croissance.

         1                                                                         Italie 50%, France 45%) ; Industrie (y compris énergie) en
             Échanges extérieurs (exportations + importations de biens) en
             pourcentage du PIB (source : Banque mondiale) : États-Unis 20%,       pourcentage du PIB (source : OCDE) : Allemagne 26%, Japon
             Japon 28%, Chine 34%, zone euro 70% (dont Allemagne 71%,              24%, zone euro 20%, Italie 19%, États-Unis 16%, France 14,5%.

Études Économiques Groupe
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Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
Prévenir plutôt que guérir

    Les États-Unis, la zone euro (tout comme le Japon)            Il ne faut cependant pas compter abusivement
    connaissent donc des fortunes diverses et, même               sur la capacité de la Chine à entraîner dans son
    en supposant un règlement du conflit commercial               sillage le reste du monde. Une accélération de la
    sino-américain et une accélération de la croissance           croissance chinoise se dessine et suggère qu’elle
    chinoise (sans se bercer d’illusions sur sa capacité          pourrait n’être en 2019 que très légèrement infé-
    à tracter le reste du monde), n’emprunteront pas le           rieure à 6,5%. Mais, si le rythme de croissance
    même sentier de croissance.                                   importe, sa forme importe tout autant. Or, le plan
                                                                  de relance dessiné par les autorités chinoises n’est
    Aux États-Unis, la solidité du marché du travail              pas aussi « rustique » que les précédents (investis-
    (taux de chômage historiquement faible alors même             sements publics, infrastructures, aides aux entre-
    que le taux de participation ne se replie pas) finit par      prises d’État). Outre l’assouplissement monétaire, il
    conduire à une hausse du salaire moyen qui, en                vise en effet notamment à stimuler la demande
    l’absence d’accélération de l’inflation, viendra mor-         privée (ménages et entreprises de petite taille) au
    dre sur les marges des entreprises et sur l’investis-         travers de baisses d’impôts et de TVA. Il peut donc
    sement productif. La contribution de la demande               se révéler efficace, mais à « infusion » plus lente et
    extérieure nette ne devrait être que très légè-               éventuellement moins gourmand en importations à
    rement négative, permettant ainsi à la crois-                 brève échéance.
    sance de se replier « en douceur » vers son
    niveau potentiel (2%).                                        À défaut de compter sur une reprise du commerce
                                                                  mondial, on peut en revanche être assuré que les
    En zone euro, le repli marqué de la demande                   conditions monétaires resteront accommo-
    extérieure est responsable de la forte décélération           dantes : il s’agit d’éviter l’erreur monétaire de fin de
    de la croissance. Ce freinage a fait craindre que la          cycle qui en précipite justement la fin. Arguant du
    zone euro, entrée tardivement dans la phase de                ralentissement mondial, la Federal Reserve « a
    forte expansion, n’en sorte prématurément et                  ouvert le bal » et infléchit son discours avec une
    violemment. Mais, les salaires prenant le relais de           rapidité étonnante redoutant, implicitement, que ne
    l’emploi, la demande émanant des ménages                      se reproduisent les tensions financières violentes
    (consommation et investissement logement) résis-              de fin 2018. Elle se déclare désormais encline à la
    te. Un taux de marge des entreprises toujours élevé           patience et ne sera pas allée au terme de la
    et un accès encore facile aux financements dans               normalisation anticipée. Quant à la BCE, elle met un
    des conditions accommodantes sont propices à                  terme prématuré à la « normalisation » qu’elle avait
    l’investissement. En revanche, les perspectives de            seulement timidement entreprise.
    redressement de la demande extérieure sont
    obscures et c’est l’incitation à investir qui cède. En        Ralentissement économique et inflation quasi
    l’absence de reprise des exportations, la crois-              inexistante, Banques centrales déterminées à pilo-
    sance pourrait ne pas excéder 1,2% en 2019.                   ter l’atterrissage pour en promouvoir la douceur, à
                                                                  ne pas heurter les marchés financiers en se mon-
    Sous les auspices de Banques centrales (pres-                 trant bienveillantes, climat politique et économique
    qu’étonnamment « bienveillantes » en particulier en           international encore incertain et propice à des bouf-
    ce qui concerne la Federal Reserve), la résistance            fées d’aversion au risque : les taux longs sans
    des demandes domestiques permet donc encore de                risque resteront prisés et leur remontée très
    brosser un scénario de repli « ordonné » des ryth-            limitée tout comme le sera l’appréciation de
    mes de croissance vers le taux potentiel sous                 l’euro contre dollar.
    réserve, toutefois, qu’une double condition soit
    respectée : les négociations sino-américaines
    débouchent sur un accord et la croissance chinoise
    se redresse.

                                                 N°19/066 – 12 avril 2019                                               2
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
     Prévenir plutôt que guérir

                              Pays développés – Compter sur ses propres forces ?
                                  Fin d’un cycle de forte croissance dont l’inflation aura été absente ; fin de la vigueur synchrone des
                                  grandes économies. Le constat est général : les fondamentaux d’une croissance essentiellement
                                  domestique résistent. En revanche, l’érosion de la contribution des échanges extérieurs contraint la
                                  croissance au ralentissement vers son rythme potentiel.

                                                                       États-Unis : ralentissement de la croissance vers son
                                                                       niveau potentiel en 2019
                                                                       Après avoir été fin 2018 à 3% en glissement annuel2, la croissance
                                                                       devrait ralentir vers son rythme potentiel (2%) fin 2019 puis se
              USA : un marché du travail                               replier vers 1,4% fin 2020. L’inflation sous-jacente devrait approcher
           porteur soutient la consommation                            2% ; elle reste assortie d’un risque légèrement baissier, les
12                                                               67
      cvs, %                                            cvs, %         anticipations d’inflation étant bien ancrées.
10                                                               66
                                                                       Les mesures budgétaires, incluant des baisses d’impôts et une hausse
                                                                       des dépenses, ont contribué à doper la croissance en 2018. Or, les
8                                                                65
                                                                       effets de ce stimulus budgétaire (financé par le déficit) vont s’estomper
                                                                       cette année. En 2018, la croissance a également bénéficié de la
6                                                                64
                                                                       vigueur synchrone de l’économie mondiale, vigueur qui s’est depuis
                                                                       lors infléchie avec le ralentissement en Chine, en Europe et dans de
4                                                                63
                                                                       nombreux pays émergents.
2                                                                62
     04     06     08        10      12     14     16     18           Les données économiques du début d'année ont été affaiblies en
                                                                       raison des effets transitoires liés à la fermeture du gouvernement
                                   Taux de chômage
Source : BLS                                                           fédéral. Les risques sur la croissance américaine sont actuellement
                                   Taux de participation (dr.)
                                                                       plutôt baissiers. La croissance, soutenue par des fondamentaux macro-
                                                                       économiques solides, devrait toutefois être proche de 2,4% en
                                                                       moyenne annuelle.

                                                                       La solidité du marché du travail devrait continuer à soutenir la
                                                                       consommation. Le nombre d'offres d'emplois dépasse actuellement le
             USA : croissance modérée des
                                                                       nombre de chômeurs. Les créations nettes d’emplois ont atteint un
            salaires, pas de risque d’inflation
4,0                                                                    rythme mensuel de près de 180 000 au cours des trois derniers mois ;
       a/a, %                                                          un ralentissement est toutefois attendu en 2019. Mais le taux de
3,5
                                                                       chômage (3,8% en mars) est inférieur au taux prévalant en période de
3,0                                                                    plein emploi estimé par la Fed (4,3%) ; alors même que les tensions
                                                                       sur le marché du travail ont conduit à une hausse du taux de
2,5
                                                                       participation, de nombreux travailleurs se présentant de nouveau sur le
2,0                                                                    marché. Le marché de l’emploi devrait donc rester tendu et la
                                                                       croissance des salaires accélérer cette année, contribuant ainsi à
1,5
                                                                       soutenir les dépenses de consommation.
1,0
      12      13        14        15      16      17       18     19   Différentes mesures indiquent en effet que la hausse du salaire horaire
                                   Salaire horaire moy. dans le        moyen tend à accélérer. L’économie devrait certes continuer d’évoluer
                                   secteur privé
Sources : BLS,                                                         dans la partie relativement plate de la courbe de Phillips 3 : une évolution
                                   Indice reflétant l’évolution des
Atlanta Fed, Haver                 salaires (tous secteurs, mm3m)      vers des rémunérations globales plus « généreuses » peut cependant
                                                                       créer des pressions haussières sur le coût du travail. Or, la capacité
                                                                       des entreprises à fixer les prix reste limitée en raison de la globalisation
                                                                       et de changements structurels imposés par la recherche de
                                                                       compétitivité. En conséquence, les marges bénéficiaires des
                                                                       sociétés devraient se contracter. Cela est susceptible de nuire aux
                                                                       dépenses d'investissement jusqu'en 2020 et de peser ainsi sur la

                                                                       2
                                                                         Il s’agit de glissements annuels au dernier trimestre de chacune des années. En
                                                                         variation trimestrielle annualisée, la croissance a culminé à près de 4,2% au 2e trimestre
                                                                         2018. En moyenne annuelle, la croissance a atteint 2,9% en 2018 et atteindrait 2,4%
                                                                         en 2019 puis 1,7% en 2020.
                                                                       3
                                                                         Relation inverse entre le taux de chômage et la progression des salaires.

                                                                       N°19/066 – 12 avril 2019                                                 3
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
      Prévenir plutôt que guérir

                                                                                croissance, croissance s’affaissant progressivement pour se
                                                                                situer sous son potentiel.

                                                                                À court terme, l'optimisme des entreprises reste relativement
                                                                                élevé. Elles prévoient un rythme satisfaisant (quoiqu’un peu plus lent)
                                                                                de croissance de la demande intérieure cette année, ainsi qu’une
                                                                                baisse des contraintes réglementaires et le maintien des incitations
                                                                                fiscales à l'investissement. Mais l'impact des droits de douane et des
                                                                                négociations commerciales sur les chaînes d'approvisionnement
         USA : maintien de l'investissement,                                    suscite des inquiétudes.
       inquiétudes s/ la politique commerciale
                                                                       2,0      Les négociations entre la Chine et les États-Unis semblent progresser,
108
                                                                       1,5      ce qui réduit le risque d’escalade dans la guerre commerciale. Les
                                                                                exportations de produits agricoles sont à l’origine de la bonne
103                                                                    1,0
                                                                                performance commerciale des États-Unis au premier semestre 2018.
98
                                                                       0,5      La détérioration du commerce extérieur au second semestre s’explique
                                                                       0,0
                                                                                par la progression des importations et par une baisse des exportations
93                                                                              liée aux droits de douane. À moins d'une guerre commerciale étendue,
                                                                       -0,5     la contribution des exportations nettes à la croissance réelle en 2019
88                                                                     -1,0     sera seulement légèrement négative.
       13         14     15         16           17        18
                                     Contrib. investis. privé non               Le récent ralentissement synchronisé de l’économie mondiale a
                                     résidentiel à la croissance (dr.)          conduit les dirigeants mondiaux (à commencer par les Banques
 Sources : NFIB,                     Indice NFIB de confiance des               centrales) à prendre des mesures de soutien à la croissance.
 BEA, Haver                          PME                                        L'analyse de la Federal Reserve sur l'évolution de la situation intérieure
                                                                                et internationale l'a conduite à un changement important de sa politique
                                                                                monétaire : celle-ci est passée d’un « resserrement graduel » à la
                                                                                « patience ». En effet, les membres de la Fed estiment désormais que
                                                                                les données économiques ne suggèrent plus ni hausse ni baisse des
                 USA : résorption des tensions                                  taux directeurs cette année.
-0,3
                  sur les marchés financiers                           -0,3
                                                                                La Fed n'est pas la seule à adopter une approche plus prudente :
-0,5
                                                                       -0,4     d'autres Banques centrales, au premier rang desquelles figure la BCE,
-0,7                                                                            ont décidé de repousser toute hausse des taux directeurs. Quant aux
-0,9                                                                   -0,5     autorités chinoises, elles ont réagi au ralentissement en adoptant des
                                                                                mesures de relance budgétaires et monétaires qui devraient permettre
-1,1                                                                   -0,6     une baisse contrôlée et plus équilibrée de la croissance tant cette
-1,3                                                                            année que l'année prochaine.
                                                                       -0,7
-1,5
                                                                                Bien qu'elles se soient généralement améliorées depuis le
-1,7                                                                   -0,8     resserrement observé en décembre, les conditions sur les
      juil.-17    nov.-17 mars-18     juil.-18        nov.-18 mars-19
                              Indice de tension fin. Fed de St L ouis (>0 :
                                                                                marchés financiers sont moins favorables qu'à l'automne 2018.
 Sources : St. Louis          tensions > moy.)                                  L'inversion de certains segments de la courbe des taux américaine est
 Fed, Chicago Fed,
 Hav er
                              Indice ajusté des co nditions fin. n atio nales   historiquement considérée comme un indicateur avancé de ralentis-
                              (dr., + : tension s > moy.)
                                                                                sement économique. Compte tenu des mesures (liées au QE en
                                                                                particulier) qui ont délibérément eu pour effet d’abaisser les taux longs,
                                                                                le risque de récession traditionnellement annoncé par l’inversion de la
                                                                                courbe n’est peut-être pas aussi significatif aujourd’hui. L'évolution de
                                                                                la courbe des taux devra néanmoins être suivie de très près.

                                                                                Zone euro : l’autarcie ne suffit pas
                                                                                La zone euro est rentrée tardivement dans ce cycle de croissance et
                                                                                les signaux récents pourraient laisser penser qu’elle est en train d’en
                                                                                sortir plus précocement aussi. Le rythme de croissance s’est infléchi
                                                                                très rapidement : le taux de croissance du PIB a été divisé par deux en
                                                                                un an (en glissement annuel, il est passé de 2,7% fin 2017 à 1,1% fin
                                                                                2018). Peut-on d’ores et déjà conclure que le dernier cycle de
                                                                                croissance mondiale a été gâché ? Et, si tel est le cas, qui doit-on
                                                                                blâmer ? On savait qu’en présence d’un décalage cyclique, des
                                                                                asymétries entre pays leader (les États-Unis) et pays suiveur (zone

                                                                                N°19/066 – 12 avril 2019                                   4
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
       Prévenir plutôt que guérir

                                                             euro) font que le second importe la politique monétaire du premier
                                                             engendrant une fin de cycle prématurée due à des conditions
                                                             monétaires trop restrictives et injustifiées pour sa propre position
                                                             cyclique. Mais on sait aussi désormais que la BCE a réussi à dissocier
                                                             les évolutions des taux dans la zone euro de celles des États-Unis : le
                                                             durcissement des conditions financières qui aurait pu être importé
                                                             des États-Unis n’a pas imprimé sa marque dans la zone. Cette
                                                             contagion a cependant joué ailleurs, notamment dans certains
                                                             pays émergents et les tensions subies n’ont pas été sans consé-
                                                             quences pour les exportations et la croissance de la zone euro.
              UEM : perte de la contribution                 Au cours de l’année 2018, la demande intérieure n’a montré que des
                    des exportations                         signes limités d’affaiblissement, passant de 1,7% sur un an fin 2017 à
3,0
        a/a, %
                                                             1,4% en fin 2018. C’est donc surtout l’érosion marquée de la
2,0                                                          contribution des exportations nettes qui a causé la décélération
                                                             (expliquant 0,8 point de croissance en 2017 et seulement 0,2 en 2018).
1,0                                                          Le rythme de croissance des exportations a été divisé par quatre depuis
                                                             la fin 2017 du fait de la baisse progressive des exportations hors zone
0,0
                                                             euro. Ce repli est principalement imputable à la baisse des exportations
                                                             vers le Royaume-Uni, la Russie et la Turquie, ainsi qu’au ralentisse-
                                                             ment des importations chinoises. On peut donc espérer que le
-1,0
         2016     2017        2018        2019      2020     redressement attendu de ces économies (à l’exception du Royaume-
        Consommation                 Investissement          Uni) et que les mesures de relance des autorités chinoises, inscrites
        Exportations nettes          Variations des stocks
                                                             dans notre scénario, conduiront à stimuler les exportations de la zone
                                                             à destination de ces partenaires importants.
        PIB                    Sources : Eurostat, CA S.A.

                                                             Cependant, les coupables ne sont pas encore tous identifiés, car
                                                             on a également assisté à un effondrement des exportations à
                                                             l’intérieur de la zone euro au quatrième trimestre 2018. Lors de notre
                                                             dernier exercice de prévision, le rôle important joué par des facteurs
                                                             temporaires a été largement évoqué : les nouvelles normes
                                                             environnementales sur les véhicules et le bas niveau du Rhin ont
                                                             impacté très négativement la production automobile, chimique et
                                                             pharmaceutique allemande4. La production industrielle dans la zone
                 UEM : le relais des salaires                euro a subi une importante dislocation. Les dernières données
                        sur l'emploi                         disponibles sur la production de janvier montrent un rebond dans tous
  6
        a/a, %                                               les pays à l’exception de l’Allemagne : une normalisation est visible
  4                                                          dans la chimie et la pharmacie, mais l’activité est encore en baisse dans
                                                             l’automobile. Des retards dans les tests d’homologation sont signalés
  2                                                          et des stocks de produits finis ont été cumulés au cours des derniers
                                                             mois. Ces facteurs semblent retarder la reprise de l’activité dans le
  0                                                          secteur et vont peser sur la performance économique au premier
                                                             trimestre 2019.
 -2
                                                             Une question mérite alors d’être posée : le bruit apporté par ces
 -4                                                          perturbations n’a-t-il pas occulté une faiblesse plus profonde et
       04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18          tendancielle du cycle européen ?
          Masse salariale        Salaire par tête
          emploi               Sources : Eurostat, CA S.A.   Des éléments spécifiques pèsent certes sur la dynamique de
                                                             croissance de certains pays (aux difficultés allemandes s’adjoignent la
                                                             politique économique du gouvernement italien et la crise des gilets
                                                             jaunes en France). Cependant, globalement, la demande intérieure
                                                             est restée vive et a progressé à un rythme toujours soutenu (y
                                                             compris en Italie) au quatrième trimestre 2018. Le revenu disponible
                                                             des ménages n’a pas perdu de sa vigueur en 2018 ; en termes réels, il
                                                             s’est redressé en fin d’année avec le ralentissement des prix à la
                                                             consommation. La nette accélération des salaires négociés (de 1,7%
                                                             sur un an au premier trimestre 2018 à 2,2% au quatrième trimestre

                                                             4
                                                                 Les instituts de conjoncture allemands en ont estimé l’impact négatif sur la croissance
                                                                 du PIB d’outre-Rhin à 0,5 et à 0,3 point aux 3e et 4e trimestres, respectivement.

                                                             N°19/066 – 12 avril 2019                                                  5
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
      Prévenir plutôt que guérir

                                                               2018) a plus que compensé la perte de vitalité progressive des
                                                               créations d’emplois (de 1,7% sur un an au quatrième trimestre 2017 à
                                                               1,3% au quatrième trimestre 2018). Pourtant, tout au long de l’année,
                                                               la consommation a continué de croître à un rythme inférieur à celui du
                                                               pouvoir d’achat. La remontée du taux d’épargne, en cours depuis le
                                                               printemps 2018, s’est en effet poursuivie et le taux d’épargne a quitté
                                                               le palier sur lequel il s’était installé depuis la mi-2016. La « collusion »
                                                               d’un cycle de consommation de biens durables qui arrive à lente
          UEM : contribution à la croissance
                  des exportations                             maturation est évidente, ainsi que celle de la hausse des prix de
 12                                                            l'immobilier qui rend plus onéreuse chaque acquisition et plus important
 10                                                            l'effort préalable d'épargne. Cet effet ne remet cependant pas en cause
  8                                                            le dynamisme de l’investissement logement : il retrouve une
  6
                                                               nouvelle vigueur en fin d’année et stabilise le taux d’investissement des
                                                               ménages sur l’année à son plus haut niveau depuis 2012 (9%). La
  4
                                                               richesse immobilière a encore crû au rythme de 5% en fin d’année,
  2                                                            compensant ainsi la perte de valorisation des actifs financiers, liée à la
  0                                                            baisse des cours des actions intervenue au cours du dernier trimestre.
         a/a, %
 -2                                                            La baisse de la richesse nette en pourcentage du PIB peut avoir justifié
                                                               une remontée du taux d’épargne dans le but de reconstituer les
                                                               encaisses réelles. Cette baisse n’est pas préoccupante dans un
         Intra Zone euro            Hors Zone euro             contexte où, d’une part, notre scénario ne prévoit pas un ajustement
         Total exportations      Sources : Eurostat, CA S.A.
                                                               massif des cours boursiers et où, d’autre part, le taux d’endettement
                                                               des ménages de la zone euro baisse et reste globalement faible.

                                                               La consommation des ménages continuera d’être soutenue par
                                                               des fondamentaux solides. Le ralentissement naturel des créations
                                                               d’emplois n’entravera pas la poursuite de la baisse du taux de
                                                               chômage ; le revenu disponible continuera d’être soutenu par la
                                                               progression des salaires (même si la forte accélération de ceux-ci
                                                               observée au milieu de l’année 2018 ne pourra pas être reproduite).
                                                               Mais, c’est surtout la faiblesse de l’inflation qui contribuera aux gains
                                                               de pouvoir d’achat. Dans plusieurs pays, une réorientation – non
            UEM : contribution à la croissance                 concertée et non coordonnée – de la politique budgétaire dans une
a/a, %        des exportations hors zone                       direction plus expansionniste apportera un soutien important au revenu
10
                                                               des ménages. Tout ne sera cependant pas consommé : nous
 8
                                                               prévoyons une nouvelle remontée du taux d’épargne propre à satisfaire
 6
                                                               une demande d’investissement logement qui, grâce à des conditions
 4
                                                               monétaires toujours très accommodantes, ne se tarira pas.
 2
 0
                                                               Le maillon faible de la demande intérieure reste l’investissement
-2
                                                               productif et les interrogations portent sur sa vigueur et sa
                                                               longévité. Malgré son départ tardif (en 2014), la faiblesse de l’activité
                                                               place le taux d’investissement à un niveau élevé (le plus haut depuis
          Chine                         US
          UK                            Turquie
                                                               2008). Les perspectives de rentabilité (le taux de marge est en baisse
          Russie                        Japon                  depuis la mi-2017, mais reste encore élevé) ou les conditions de
          Autres                        Total hors zone euro   financement (toujours accommodantes) ne constituent pas des sources
 Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
                                                               de préoccupation : celles-ci émanent surtout des interrogations sur la
                                                               solidité de la demande (notamment étrangère) adressée aux
                                                               entreprises et sur la réaction de la confiance aux révisions à la baisse
                                                               des perspectives de production, révisions récentes et répétées. Le
                                                               ralentissement modéré de l’investissement à l’horizon de la prévision
                                                               se justifie par le maintien des échanges intra-zone et par une très
                                                               modeste reprise des exportations hors zone euro. Sans contribution
                                                               plus substantielle des importations du reste du monde, la zone euro
                                                               reste encore incapable de produire une dynamique endogène apte à
                                                               fournir une croissance supérieure au rythme potentiel. Sans l’indis-
                                                               pensable soutien de la contribution extérieure, notre prévision de
                                                               croissance plafonne à 1,2% en 2019 et 1,4% en 2020.

                                                               N°19/066 – 12 avril 2019                                    6
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
      Prévenir plutôt que guérir

                                                                 Royaume-Uni : Brexit décalé une fois de plus !
                                                                 Le Royaume-Uni et l'UE ont convenu de reporter le Brexit au 31 octobre
                                                                 2019, avec la possibilité pour le Royaume-Uni de partir plus tôt si
                                                                 l'accord de retrait est ratifié par le Parlement britannique. La date du
                                                                 Brexit a donc été décalée deux fois cette année, ce qui confirme que
                                                                 l’UE et le Royaume-Uni ont tous deux pour objectif d’éviter un « no-
                                                                 deal » (bien qu’un retard du Brexit crée des problèmes pour les
                                                                 élections européennes), scénario auquel nous avons toujours accordé
                                                                 une probabilité relativement faible. Cela dit, une sortie sèche sans
                                                                 accord ne peut toujours pas être totalement exclue, et reste l'option par
                                                                 défaut, en l’absence de ratification par le Parlement britannique.
     R-U : le climat des affaires s’améliore dans
      l’industrie, grâce aux créations de stocks                 L'accord de retrait étant impossible à renégocier avec l'UE, une
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                                                                 modification de la déclaration politique sur la relation à long terme
           Solde                                                 en vue par exemple d’une union douanière (ou une version plus soft
         d'opinions
65                                                               du Brexit) est probablement le seul moyen de sortir de l'impasse
                                                                 parlementaire. Theresa May est actuellement à la recherche d'un
60
                                                                 consensus avec l’opposition, mais cela n'a pas encore donné de
55                                                               résultat. La demande du parti Travailliste de créer une union douanière
                                                                 entre le Royaume-Uni et l’UE nécessite de renoncer à l’ambition de la
50
                                                                 souveraineté des Conservateurs en matière de politique commerciale,
45                                                               compromis qui semble très difficile, voire impossible, à accorder par la
                                                                 Première ministre sans risquer de nouvelles démissions au sein de son
40                                                               parti. Le risque d'élections anticipées et/ou de deuxième référendum
  2013    2014        2015     2016    2017      2018     2019
Sources : Markit,                                                est particulièrement élevé dans le contexte actuel d'impasse politique.
                             Indice PMI des stocks des achats
CA S.A.                      Indice PMI de l’activité globale
                                                                 Il n’est clairement pas certain que de nouvelles élections aideraient à
                                                                 sortir de l'impasse actuelle, dans la mesure où elles pourraient à
                                                                 nouveau conduire à un Parlement sans majorité. Un deuxième
                                                                 référendum est également très problématique, car il ne devrait que
                                                                 confirmer la division de la société britannique sur la question du Brexit.

                                                                 Le climat des affaires a fortement baissé en réaction aux fortes
                R-U : pouvoir d’achat &                          incertitudes politiques. Même si une reprise est probable dans les
            consommation des ménages                             prochains jours, une sortie sans accord ayant été évitée pour le
8
       a/a, %                                           prév.    moment, l'incertitude entourant la date exacte et les termes précis du
6                                                                départ du Royaume-Uni de l'UE devrait continuer d'exercer une
4                                                                pression à la baisse sur la confiance et les intentions d'investissement.
2                                                                L’indice PMI composite du Royaume-Uni est tombé à 50 en mars : ce
0                                                                niveau est le plus bas depuis le référendum sur l’adhésion à l’UE et est
-2                                                               a priori synonyme de stagnation de l'activité. Cette faiblesse est liée au
-4                                                               secteur des services dont l’indice a plongé sous la barre des 50, ce qui
-6                                                               suggère une récession. Le climat s'est à l’inverse nettement amélioré
      05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19               dans le secteur manufacturier, grâce à une forte reprise de la demande
 * Revenu brut des ménages déflaté par le déflateur des          intérieure provoquée par une reconstitution des stocks. Nous avons
 dépenses des ménages
                                  Revenu disponible réel brut*
                                                                 abaissé notre prévision de croissance à 1,2% cette année, mais
 Sources : ONS, CAS.A.            Conso. ménages                 continuons de tabler sur 1,4% l'an prochain, sur la base de notre
                                                                 scénario de Brexit ordonné et sans heurt. La consommation des
                                                                 ménages devrait se montrer « résiliente » (soutenue par le
                                                                 resserrement du marché du travail et l'accélération de la croissance des
                                                                 revenus réels). En revanche, l’investissement des entreprises devrait
                                                                 rester faible à court et moyen termes, en raison des incertitudes liées
                                                                 aux futures relations avec l'UE, incertitudes auxquelles s'ajoutent les
                                                                 inquiétudes sur le ralentissement de la croissance mondiale. Le
                                                                 commerce extérieur devrait continuer à contribuer négativement à la
                                                                 croissance. Le policy mix restera accommodant : la politique budgétaire
                                                                 a été assouplie et le resserrement de la politique monétaire devrait être
                                                                 revu à la baisse.

                                                                 N°19/066 – 12 avril 2019                                   7
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
      Prévenir plutôt que guérir

                                                                    Japon : attention à la faiblesse passagère des exportations
                   Japon : la trajectoire de la                     L’année 2018 s’est achevée sur une croissance du PIB en volume de
                    croissance reste fragile                        1,9% (en variation trimestrielle annualisée). Au quatrième trimestre
 4                                                                  2018, l’économie s’est donc remise partiellement de la contraction de
                                                 prévisions
 3                                                                  2,4% enregistrée au cours du trimestre précédent. Cette reprise n’est
 2
                                                                    toutefois pas le résultat d’une nouvelle dynamique de l’économie : elle
                                                                    n’est en réalité qu’un rebond technique, normal après les catastrophes
 1                                                                  naturelles qui ont frappé le pays au cours du troisième trimestre. Ce
 0                                                                  manque de dynamisme se reflète sur les principales composantes de
-1
                                                                    la demande : en variation trimestrielle au quatrième trimestre, la
          t/t                                                       consommation privée et l’investissement ont respectivement progressé
-2     annualisé,                                                   de 0,4% et de 2,7%, après des reculs respectifs de 0,2% et de 2,6% au
          %
-3                                                                  troisième.
       T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
           2017               2018                  2019            La dynamique de l’économie restera faible au cours des prochains
 Sources : Cabinet Office, CA CIB                                   mois : au premier trimestre 2019, le PIB en volume pourrait reculer de
                                                                    0,4% (en variation trimestrielle annualisée). En 2019, la croissance
                                                                    pourrait reproduire le schéma observé depuis le quatrième trimestre
                                                                    2017, marqué par une alternance de chiffres positifs et négatifs et, in
                                                                    fine, une trajectoire demeurant fragile. Après avoir atteint 0,8% (en
            Japon : attention à la faiblesse
               des exportations réelles                             moyenne annuelle) en 2018, la croissance est ainsi susceptible de se
120                                                           5     replier vers 0,5%, tant en 2019 qu’en 2020.
           2015=100
115                                                           0
                                                                    Côté demande, parmi les facteurs qui freineront le plus sévèrement
110                                                           -5
                                                                    l’activité au premier trimestre, figure la faiblesse des exportations
105                                                           -10   réelles. En effet, l’indice de diffusion de l’offre et de la demande
100                                                           -15   étrangères (qui est l’une des composantes de l’enquête Tankan de la
 95                                                           -20
                                                                    Banque du Japon) présente une forte corrélation avec les exportations
                                                                    réelles et suggère clairement un passage à vide à court terme. Bien
 90                                                           -25
                                                                    que nous prévoyions une stabilisation (voire un fort rebond) des
 85                                                      -30        fondamentaux macro-économiques mondiaux, principalement grâce au
      11   12 13 14 15 16 17 18 19
                                                                    plan de relance budgétaire chinois, la faiblesse des exportations
         Exportations réelles
                                                                    japonaises en volume observée au cours des derniers trimestres
         Indice diffusion offre & demande étrangères (dr.)
                                                                    indique que l’impact des tensions affectant le commerce mondial
 Sources : BoJ, CA CIB
                                                                    ne doit pas être sous-estimé.

                                                                    La dernière phase de reprise économique, entamée après le point bas
                                                                    de novembre 2012, devait atteindre un record de longévité en janvier
        Japon : indice composite coïncident
110                                                                 2019. Il existe toutefois un risque que cette phase d'expansion soit
       2015=100                                                     considérée comme ayant pris fin vers octobre 2018, en raison de la
105                                                                 perte de dynamisme de la production industrielle, elle-même
                                                                    provoquée par la faiblesse des exportations.
100                                                                 Techniquement, le Cabinet Office utilise l’indice composite des
                                                                    indicateurs coïncidents comme un outil permettant d'évaluer les phases
95
                                                                    du cycle économique. Or, les principales mesures de cet indice (les
                                                                    moyennes mobiles sur trois et sept mois) sont toutes orientées à la
90
                                                                    baisse. Si le Cabinet Office estime officiellement que la dernière
                                                                    phase d'expansion économique a pris fin avant janvier 2019, il
85
      11      12      13   14    15     16     17    18       19    aura manqué quelques mois à celle-ci pour être la plus longue de
                                                                    l'après-guerre. Bien que cette estimation intervienne a posteriori et
 Sources :                  Indice composite indic. coïncidents
 Cabinet Office,            Moy.mobile 3 mois                       n'ait pas d'impact économique, elle risque tout de même d’avoir des
 CA CIB                     Moy.mobile 7 mois                       conséquences politiques non négligeables dans la mesure où les
                                                                    élections municipales auront lieu en avril et, point plus important, que
                                                                    les élections sénatoriales auront lieu en juillet.

                                                                    N°19/066 – 12 avril 2019                                 8
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
    Prévenir plutôt que guérir

                              Pays émergents – Le plus dur bientôt passé ?
                               Le ralentissement provoqué par les exportations a été plus marqué que prévu au premier trimestre,
                               mais la stabilisation en Chine, une croissance américaine satisfaisante et le maintien de conditions
                               monétaires relativement favorables devraient permettre une stabilisation au second semestre. Des
                               points faibles demeurent, au premier rang desquels la Turquie.

                                                                   Le printemps arrive
                                                                   Trois changements importants sont intervenus dans la sphère
                                                                   émergente depuis la fin de l'année dernière, dont deux ont été
                                                                   favorables. Tout d'abord, la Fed est devenue nettement plus
                                                                   dovish, comme en atteste le dot plot qui montre que les membres de
                  Émergents : prévisions de                        la Fed n’envisagent plus de hausse des taux cette année. Cela devrait
                    croissance pour 2019                           être favorable aux pays émergents qui ont besoin de financements
8                                                                  extérieurs. Par ailleurs, le ton des négociations commerciales entre
    %                                           7,4
7
                                      6,2
                                                                   les États-Unis et la Chine s'est adouci et les deux parties semblent
6                                                                  à présent déterminées à trouver un compromis. Il nous semble que les
                                                                   dirigeants chinois ont compris que la détermination des États-Unis à
5
                                                                   redéfinir leurs relations avec la Chine n’est pas un phénomène
4                                                                  passager lié à la seule administration Trump, mais qu’elle est durable,
3                        2,4                                       d'où une volonté plus forte de conclure un accord. On peut
2
            1,8                                                    raisonnablement s’attendre à ce que des discussions constructives se
                                                                   poursuivent entre les États-Unis et la Chine et qu’un compromis
1
                                                                   commercial soit trouvé plus tard cette année, dans quelques semaines
0                                                                  ou quelques mois.
     Russie          Brésil          Chine            Inde
Source Persp. de l’économie
mondiale du FMI                         PIB, prix constants        Enfin, le troisième facteur qui, pour sa part, a été négatif : le passage
                                                                   à vide de l’activité manufacturière et du commerce mondial a été
                                                                   plus prononcé que prévu. Les exportations des économies émer-
                                                                   gentes ont reculé par rapport à l’année précédente. La baisse des
                                                                   exportations au premier trimestre a été accentuée par des facteurs
                                                                   ponctuels (comme les changements réglementaires dans le secteur
                                                                   automobile ou le gonflement par anticipation des importations chinoises
                   Émergents : prévisions                          fin 2018 au détriment des chiffres du premier trimestre). Le résultat n’en
                    d’inflation pour 2019                          reste pas moins une décélération des exportations plus marquée que
6                                                                  prévu au cours des derniers mois, ce qui a alimenté les craintes d'un
        %
                                                                   atterrissage économique plus douloureux que prévu.
5

4                                                                  Le pire de la détérioration est cependant probablement passé et le
                                                                   commerce extérieur des économies émergentes devrait se
3                                                                  stabiliser à partir du deuxième trimestre ou de la mi-2019. En
                        5,1           4,9
         4,2
                                                                   Chine, les récentes mesures de relance (parmi lesquelles l'aug-
2                                                                  mentation des financements depuis le début de l'année et des mesures
                                                      2,4          budgétaires) contribuent progressivement à la stabilisation de l'écono-
1
                                                                   mie. Du côté de l'économie américaine, un ralentissement est certes en
0                                                                  cours, mais notre scénario table sur une poursuite de la croissance à
        Brésil         Russie        Inde          Chine           un niveau proche du potentiel. Au total, cela constitue un contexte
Source Persp. de l’économie            Inflation (prix moy. à la   raisonnablement favorable pour la sphère émergente : la demande en
mondiale du FMI                        conso.)                     provenance des États-Unis devrait se maintenir à des niveaux
                                                                   satisfaisants alors que la Fed devrait simultanément prendre son temps
                                                                   avant de relever les taux. Les enquêtes PMI de février et mars dans
                                                                   l'industrie manufacturière émergente suggèrent également qu'une
                                                                   stabilisation de la dynamique économique est une hypothèse réaliste.

                                                                   N°19/066 – 12 avril 2019                                   9
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
      Prévenir plutôt que guérir

                                                                                Sur le plan des économies domestiques, les pressions inflation-
                                                                                nistes sont le plus souvent limitées dans les pays émergents, ce
                                                                                qui suggère qu’il n’existe aucune urgence à relever les taux directeurs
                                                                                dans la plupart des cas. C’est plus des taux de change que de l'inflation
                                                                                que pourraient venir des pressions susceptibles de mettre certaines
                                                                                Banques centrales émergentes sur leur garde. À cet égard, la situation
                                                                                reste précaire en Turquie, par exemple. Si le gouvernement Erdogan
                                                                                réagit aux résultats mitigés des dernières élections en soutenant la
                                                                                croissance économique, la progression de la demande intérieure
                                                                                pourrait favoriser un retour des déficits extérieurs, ce qui maintiendrait
                                                                                probablement la livre turque sous pression.
            Exportations de 21 pays émergents
 40%                                                                            Les élections générales au deuxième trimestre en Inde seront
              a/a,
             mm3m                                                               également un événement-clé. Les sondages récents suggèrent que la
 30%
                                                                                coalition dirigée par le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple
 20%                                                                            indien, droite nationaliste) pourrait rester au pouvoir, mais l'élection
                                                                                pourrait également conduire à un parlement sans majorité, ce qui
 10%                                                                            rendrait la mise en œuvre d’une politique et la conduite de réformes
                                                                                plus difficiles.
     0%
                                                                                Nous ne prévoyons qu’une baisse marginale de la croissance des
-10%
                                                                                pays émergents, de 4,4% en 2018 à 4,2% en 2019. L’Asie restera la
-20%                                                                            région la plus performante avec une croissance de 5,9% selon nos
                                                                                prévisions (6,4% pour la Chine). La croissance serait inférieure à ce
-30%                                                                            niveau de plus de moitié en Amérique latine, en Europe émergente et
     06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
                                                                                au Moyen-Orient.
Source : Bloomberg

                                                                                Chine : dans l’attente d’un rebond de l’activité en milieu
                                                                                d’année
                                                                                Le plan de relance et les progrès dans les négociations
                                                                                commerciales sont porteurs d’espoir. L’activité économique reste
24
            Chine : nouveau social financing                                    sous pression et cette situation devrait perdurer jusqu’en milieu
             12m                                                                d’année, période à laquelle les mesures de relance du crédit devraient
20        glissants                                                             faire sentir leurs effets, lesquels seront renforcés par le maintien de
16        000' Mds
             CNY                                                                politiques monétaire et budgétaire accommodantes. Autre facteur
12                                                                              positif, les discussions constructives avec les États-Unis sur les
8                                                                               questions commerciales devraient se poursuivre et ouvrir la voie à la
4                                                                               conclusion d’un accord plus tard dans l’année. De telles perspectives
                                                                                sont de nature à stabiliser la confiance des agents économiques au
0
                                                                                cours du printemps, puis à susciter un redémarrage de l’activité
-4                                                                              économique pendant l’été. Nous tablons en conséquence sur une
     08      09   10    11    12       13   14   15    16    17    18      19
              Crédit bancaire                         Trust loans
                                                                                croissance proche de 6,4%. Le prix à payer pour un tel résultat sera
              Entrusted loans                         Oblig. entreprises        une augmentation des ratios d’endettement, augmentation qui restera
              Obligations coll. loc.                  Actions                   toutefois modérée.
              ABS                                     Autres
              Total                         Source : Crédit Agricole CIB        Ce contexte est favorable aux entrées de capitaux en Chine, et ce
                                                                                d’autant plus que les obligations chinoises ont fait leur entrée dans
                                                                                l’indice obligataire Bloomberg Barclays et que le poids des actions
                                                                                chinoises dans l’indice MSCI s’est renforcé. Ces flux sont favorables à
                                                                                une baisse des taux d’intérêt des obligations d’État chinoises (le taux à
                                                                                dix ans devrait terminer l’année à 2,75%) ainsi qu’au yuan, qui devrait
                                                                                s’apprécier à 6,65 contre le dollar.

                                                                                N°19/066 – 12 avril 2019                                  10
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
       Prévenir plutôt que guérir

                                                               Brésil : la réalité frappe de nouveau
                                                               Alors que le 100e jour de l’administration Bolsonaro vient juste d’être
                                                               franchi, les difficultés de mise en œuvre du programme ambitieux de
                                                               son équipe économique (clairement libérale) commencent à apparaître.
                                                               La température monte à Brasilia : l'ancien président Michel Temer a été
                                                               arrêté et les relations entre l'exécutif et le Congrès deviennent moins
                                                               prévisibles. Alors que l’élément central du programme économique est
                                                               la réforme du système de retraites, la fragilité des relations entre le
                                                               pouvoir exécutif, le ministère des Finances et le Congrès se traduit par
                                                               des retards et une révision à la baisse des attentes sur l’ampleur de la
                                                               réforme. Alors que l'on s'attendait initialement à ce que cette réforme
                                                               franchisse les trois étapes habituelles de validation à la Chambre basse
                                                               d'ici fin juin, les marchés parlent désormais de septembre. Le
                                                               processus se révélant moins simple qu'initialement attendu, les
                                                               marchés révisent à la baisse leurs prévisions de croissance et la
                                                               probabilité d'un choc de confiance positif lié à la réforme dès 2019 est
                                                               désormais réduite.
                Brésil : nouvelle baisse
                   de la croissance                            Notre scénario central table sur l'adoption d'une réforme des
2,5                                                     1,5
2,0                                                            retraites légèrement « édulcorée », mais encore favorable : non
                                                        1,0    une réforme qui éliminera complètement les déséquilibres du système
1,5
1,0                                                     0,5
                                                               de retraites, mais une réforme qui rendra le système viable dans un
0,5
                                                               avenir prévisible. En termes de chiffres, la proposition initiale du
                                                        0,0    gouvernement prévoyait des économies allant jusqu’à 1 000 milliards
0,0
                                                               de réais brésiliens en dix ans. En réalité, le gouvernement sera en
-0,5                                                    -0,5
                                                               mesure de faire passer une réforme qui permettra d'économiser entre
-1,0
                                                        -1,0   650 et 750 milliards de réais. Par ailleurs, plusieurs autres réformes
-1,5
                                                               importantes mais de moindre envergure, telles que la simplification de
-2,0                                                    -1,5
    janv.-17   juin-17   nov.-17   avr.-18   sept.-18          la fiscalité et du Code du travail, ainsi que des privatisations et le
                                                               lancement de partenariats public-privé devront attendre : les retards
               m/m mm3m (dr.)                a/a mm3m
                                                               pris par la réforme des retraites retardent l'ensemble de l’agenda
 Source : INGE, CA CIB, IBC-Br PIB mensuel proxy %             économique du gouvernement.

                                                               Au-delà des difficultés liées aux procédures politiques nécessaires pour
                                                               réformer le système de retraites, notre scénario est très modérément
                                                               positif. Notre scénario central table, en effet, sur l'adoption d'une
                                                               réforme des retraites suffisamment satisfaisante pour conduire à
                                                               la stabilité des marchés, condition essentielle au maintien de
                                                               conditions monétaires et financières un tant soit peu favorables à un
                                                               rebond de la croissance. Début 2019, en raison d'éléments essen-
                                                               tiellement cycliques, une croissance plus forte semblait se dessiner.
                                                               Bien que les conditions restent favorables (taux d'intérêt et inflation
                                                               faibles, importantes capacités inemployées dans l'économie), l'activité
                                                               est encore assez faible et nous conduit à anticiper une croissance de
                                                               seulement 1,8% en 2019, contre 2,4% précédemment. Plusieurs
                                                               années d'investissements insuffisants ont vraisemblablement
                                                               entraîné une forte baisse de la croissance potentielle du Brésil qui
                                                               serait désormais proche de 2%. Avec une croissance encore
                                                               poussive et malgré le niveau vraisemblablement plus faible de la
                                                               croissance potentielle, il est peu probable que la BCB (Banque centrale
                                                               du Brésil) relève ses taux directeurs avant le premier trimestre 2020.
                                                               L’échec de l'équipe de Bolsonaro dans la mise en place des réformes
                                                               structurelles annoncées constitue le principal risque : en suscitant une
                                                               chute des marchés, un tel échec pourrait amener la BCB à agir plus tôt.
                                                               Sous réserve que les conditions de marché le permettent, d’éventuelles
                                                               nouvelles déceptions sur la croissance pourraient en revanche
                                                               conduire à de nouvelles baisses des taux directeurs.

                                                               N°19/066 – 12 avril 2019                                11
Monde – Scénario macro-économique 2019-2020
     Prévenir plutôt que guérir

                                                                     Inde : des élections très incertaines
                                                                     Les élections législatives vont se tenir (avril-mai) dans un contexte
                                                                     géopolitique tendu. Un scénario dans lequel N. Modi perdrait le
                                                                     pouvoir – au profit du parti du Congrès ou d’un leader régional –
                                                                     serait une surprise pour les marchés et une source de volatilité du
                                                                     change.
           Inde : contributions à la croissance
15
                                                                     Les sondages pointent une remontée de la popularité de Modi grâce
10
                                                                     aux frappes contre le Pakistan. Mais sa cote personnelle est supérieure
                                                                     à celle de son parti, qui paie le prix des réformes. Certes, ces dernières
                                                                     ont stimulé la digitalisation de la classe moyenne urbaine et une plus
5
                                                                     grande inclusion financière de la population. Mais elles sont
                                                                     douloureuses pour l’Inde rurale, où les agriculteurs surendettés
0                                                                    souffrent de la baisse des prix agricoles. Les réformes ont aussi accru
                                                                     les différences de richesse entre États et les difficultés des PME. Au
-5                                                                   final, elles ont accéléré la fragmentation économique et donc
     T1 14       T1 15     T1 16     T1 17      T1 18      T1 19
                                                                     politique du pays.
          Imports biens & services        Exports biens & services
          Stocks                          Investissement             Si l’Inde n’entre pas dans une phase d’instabilité politique, elle a
          Conso. publique                 Conso. ménages             de fortes chances de connaître une reprise de l’investissement,
          PIB                               Sources : nationales
                                                                     favorisée par des taux d’utilisation élevés et par le désendettement des
                                                                     entreprises. Elle sera, de plus, peu touchée par la faiblesse du cycle
                                                                     manufacturier mondial, sa croissance étant plus liée à celle de sa
                                                                     demande intérieure. Au total, la croissance est susceptible de s’établir
                                                                     à 7,3% en 2019 (après 6,7% en 2018).

                                                                     Russie : macro-économie contre sanctions
             Cours du Brent en roubles/baril
6 000                                                                L'économie russe bénéficie de cours du pétrole relativement
                                                                     favorables, en particulier si on exprime ces cours en rouble. Cela
5 000                                                                soutient l'économie, le budget de l’État et le compte courant.
                                                                     L'économie russe n'a certes pas échappé au trou d’air qu’a connu
4 000                                                                l’économie mondiale au cours des derniers mois, mais nous prévoyons
                                                                     cependant une croissance satisfaisante pour 2019, à 1,6%, un chiffre
3 000                                                                proche de la croissance potentielle du pays.

2 000                                                                L'inflation a accéléré au cours des derniers mois, en partie à cause
                                                                     de la hausse de la TVA intervenue en janvier. La CBR (la Banque
1 000                                                                centrale russe) a toutefois déjà resserré sa politique monétaire à titre
                                                                     préventif l'an dernier et n'aura peut-être pas besoin de le faire à
      0                                                              nouveau cette année pour des raisons purement macro-économiques.
     00 02 04             06   08    10    12   14   16    18
Source : Bloomberg                                                   Le facteur géopolitique n’a cependant pas disparu : le Sénat américain
                                                                     a présenté un nouveau projet de loi visant à introduire de nouvelles
                                                                     sanctions contre la Russie. Il n'est pas certain que cette loi aboutisse à
                                                                     des sanctions effectives, mais si tel était le cas et si la loi était adoptée
                                                                     dans une version dure (touchant certaines banques, certaines
                                                                     entreprises du secteur de l'énergie et le marché des obligations d’État,
                                                                     les OFZ), elle pourrait mettre les marchés russes sous pression et
                                                                     pousser la CBR à relever ses taux de manière défensive. L'impact
                                                                     macro-économique resterait toutefois limité.

                                                                     N°19/066 – 12 avril 2019                                    12
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