DOSSIER PÉDAGOGIQUE ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE
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Paul Cezanne, Autoportrait au chapeau melon (esquisse), 1885-86, huile sur toile 44,5 x 35,5 cm, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothek, © akg-images / Erich Lessing Ce dossier est conçu pour les enseignants et les personnels encadrants des structures socioculturelles. Il propose des questionnements, des outils méthodologiques et des pistes d’exploitation pédagogique. En regard des référentiels de l’Éducation nationale, il a pour mission de favoriser une approche contextualisée des œuvres et des artistes mis en scène dans les programmes numériques de l’Atelier des Lumières.
SOMMAIRE 1. AVANT LA VISITE Les expositions immersives en 2022 4 La fonderie parisienne 5 L’Atelier des Lumières, l’exposition immersive et les programmes scolaires 6 Méthode du dossier : de la préparation au réinvestissement en classe 9 L’Histoire des arts : les mouvements artistiques à la fin du XIX siècle e 10 Biographie de Cezanne 12 Cezanne en quelques dates 13 2. PENDANT LA VISITE Cezanne, lumières de Provence 14 Parcours de l’exposition immersive 15 Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait 24 Recoding Entropia 25 3. APRÈS LA VISITE Découverte des tableaux de Cezanne - Cycle 2 26 Découverte des tableaux de Cezanne - Cycle 3 34 4. ACCOMPAGNER VOTRE VISITE La Fondation Culturespaces 45 Informations pratiques 46
1. AVANT LA VISITE Les expositions immersives en 2022 Situé entre Bastille et Nation, dans une ancienne fonderie du 11e arrondissement parisien, l’Atelier des Lumières propose des expositions immersives monumentales. Avec 140 vidéoprojecteurs et une sonorisation spatialisée, cet équipement multimédia unique en son genre épouse 3 300 m2 de surfaces, du sol au plafond, avec des murs s’élevant jusqu’à 10 mètres. Trois « expositions » sont proposées en permanence dans deux espaces distincts : LA HALLE sur une surface de 1500 m2 et LE STUDIO sur 160 m2. DANS LA HALLE Programme long : « Cezanne, lumières de Provence » Cette nouvelle exposition numérique et immersive propose un voyage au cœur des œuvres majeures de l’artiste aixois, suivant le fil rouge de la nature vers la Provence et la Sainte-Victoire. À travers un parcours thématique, intime et introspectif, l’exposition immersive révèle la tourmente intime de Cezanne, la force de ses constructions, son rapport à la lumière et aux couleurs et son lien avec la nature, qui reste son grand modèle, sa référence obsessionnelle. Le visiteur est immergé dans la nature, sous les grandes frondaisons des arbres et forêts, des parcs et jardins où se reposent les baigneuses pour finir sur la nature cézannienne par excellence : Bibémus, l’Estaque, et, point culminant, la Sainte-Victoire. 35 min. Mise en scène et animation vidéo Cutback sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi. Production CULTURESPACES DIGITAL®. Programme court : « Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait ». Après « Cezanne, lumières de Provence », l’Atelier des Lumières présente une création réalisée à partir des œuvres de l’artiste prolifique et visionnaire, Vassily Kandinsky (1866-1944) et livre sa quête spirituelle, à travers les grandes étapes artistiques de sa vie, de Moscou à Paris. Véritable invitation au voyage dans le cosmos intérieur de Kandinsky, l’exposition immersive invite le visiteur à perdre ses repères pour arriver à une osmose finale abstraite et libérée. 10 min. Mise en scène et animation vidéo Cutback sous la direction artistique de Virginie Martin. Production CULTURESPACES DIGITAL®. DANS LE STUDIO Recoding Entropia : une création originale pour l’Atelier des Lumières Recoding Entropia propose une immersion dans un environnement voulu comme infini et vertigineux. Jouant des matières et de leurs interactions, il nous emmène au cœur d’une poésie crépusculaire dans un drame envoûtant. 10 min. Par François Vautier. Production CULTURESPACES DIGITAL®. Espace dédié à la création contemporaine, le STUDIO donne carte blanche à des artistes du numérique. Dossier pédagogique - Élémentaire 4 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
La fonderie parisienne Fonderie de fer du Chemin Vert en 1891 © Culturespaces / Famille Plichon Lorsque l’ancienne fonderie du XIXe siècle devient lieu d’expositions numériques, l’Atelier des Lumières écrit l’histoire d’une revalorisation patrimoniale, celle de l’ancienne fonderie de fer PLICHON. Créée au XIXe siècle au cœur de l’Est parisien, la fonderie est pour Culturespaces une composante essentielle de l’expérience artistique. Plus qu’un simple support, le lieu forge l’identité du projet, par ses volumes, son histoire, son caractère industriel. Grâce à son architecture monumentale, soulignée par la structure métallique originelle qui scande la grande halle, l’ancienne fonderie de fer offre un cadre de choix aux expérimentations numériques. Au sein de la halle, les visiteurs trouvent des éléments monumentaux (cheminée, tour de séchage, bassin, réservoir d’eau...) aménagés pour développer les interactions avec le public. Dossier pédagogique - Élémentaire 5 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
L’Atelier des Lumières, l’exposition immersive et les programmes scolaires Dans le cadre de la visite des publics scolaires, l’Atelier des Lumières propose une découverte aussi riche qu’originale aux élèves de l’école élementaire, tant dans le domaine artistique et culturel que par la découverte du site, un patrimoine architectural étonnant. L’exposition immersive de l’Atelier des Lumières est une source pédagogique pour l’initiation à l’art et à la culture, adaptée à une initiation artistique des élèves. Immergé dans l’image et le son, l’élève peut se plonger dans l’œuvre d’un peintre… Au cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2 : CP, CE1 et CE2), l’exposition immersive s’adresse aux domaines de l’éducation humaine et artistique. 1. Découvrir le monde : La vision d’un artiste en rupture avec la peinture de son temps, qui fut parmi d’autres aux sources de l’art moderne. Cezanne symbolise bien une époque où s’ébaucha une nouvelle forme d’art. 2. Arts visuels et première initiation à l’Histoire des arts : • L’image est utilisée ici sous ses formes animées (thème des programmes : l’environnement familier ou non). • Étude de tableaux, composantes, structuration du paysage et de l’espace (thème des programmes le monde proche et lointain). • Le patrimoine régional est mis en valeur par l’étude d’un artiste inspiré par les lieux et la culture locale. • Le patrimoine local est évoqué par l’architecture de l’Atelier des Lumières. Cycle des approfondissements (cycle 3 : CM1 et CM2) : domaines de l’éducation humaine et artistique. 1. Histoire : Aux XIXe et XXe siècles, le spectacle évoque la vision d’artistes en rupture avec l’expression traditionnelle de la peinture, qui en feront des pionniers de l’art moderne. Cezanne incarne bien la richesse d’une époque où, à la suite de l’impressionnisme, il entame une recherche qui établira les codes de la modernité. Dossier pédagogique - Élémentaire 6 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
2. Arts visuels : • L’image animée est utilisée ici sous toutes ses formes. • Étude de tableaux, avec leurs composantes, la structuration du sujet et de l’espace. • Sensibilisation à une expression originale, celle de l’artiste et de sa vision personnelle. • Patrimoine régional mis en valeur par l’étude d’un artiste inspiré par les lieux et la culture locale. 3. Histoire des arts : L’Histoire des arts est un enseignement de culture artistique, concernant tous les arts. Ce dossier concerne parmi les six domaines prévus au programme : • Les « arts de l’espace » : architecture de l’Atelier des Lumières. • Les « arts du visuel » : arts plastiques à travers les œuvres du peintre. • Les « arts du son » : évocation musicale de divers compositeurs et époques. Les objectifs d’apprentissage 1. Acquisition de capacités : • Les fiches de travaux à réaliser à partir des différentes œuvres, observées dans l’exposition immersive et fournies ensuite sur les fiches des élèves, proposent une démarche progressive. • Les questionnements s’y réfèrent avec une démarche fondée sur deux niveaux de difficulté en cycle 2 et 3. L’Histoire des arts est au carrefour de diverses disciplines et s’appuie sur les compétences communes mises en jeu dans les apprentissages : • Formes d’expression, matériaux, techniques et outils avec leur vocabulaire spécifique. • Découverte de diverses œuvres d’art appartenant aux différents domaines étudiés. • Repères spatiaux et temporels dans les ères historiques abordées. L’Histoire des arts suggère une étude de diverses œuvres, reliées dans un contexte donné, c’est pourquoi ce dossier réunit des œuvres complémentaires pour le site et le peintre étudié. • Le questionnement de chacune de ces petites fiches coordonne l’échange entre ces œuvres, et développe leur compréhension réciproque. • La démarche sollicite les apports de diverses disciplines et de leurs acquis. • L’étude se fonde d’abord sur une identification, précédant l’analyse et enfin l’interprétation plus libre d’une œuvre appartenant au même espace culturel ou au même type d’expression. Dossier pédagogique - Élémentaire 7 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
2. Quatre critères au moins guident ce travail : • Les formes : il s’agit de les identifier, de les comprendre et de les situer dans un ensemble. • Les techniques : comment ces œuvres ont-elles été créées, par qui, avec quels outils, sur quels supports ? • Les significations : que signifient ces œuvres, quel a été le message du créateur, pour quels destinataires ? Que disent ces œuvres d’une époque, des mentalités ? • Les usages : à quoi servaient ces objets et à qui ? Dans quelles circonstances ? 3. Activités de l’élève et compétences de difficulté progressives mises en œuvre au cycle 2 : • Pour percevoir le support de l’œuvre… Approcher le sujet de l’œuvre à l’aide de son titre. • Pour réfléchir aux éléments de l’œuvre… Faire la différence entre les éléments des différents plans. Trouver l’élément essentiel dans chaque plan, sans tenir compte de sa taille (près ou loin). Faire des liens entre des éléments de même nature quelle que soit leur situation dans l’œuvre. • Pour établir des liens entre les différents éléments. Regrouper les éléments par thème, en tenant compte de la consigne. Comprendre quel est le thème le plus important ou celui à sélectionner par la consigne. 4. Activités de l’élève et compétences de difficulté progressives mises en œuvre au cycle 3 : • Pour percevoir le support de l’œuvre, le contexte de sa création… Approcher le sujet de l’œuvre à l’aide de son titre. Trouver l’auteur et l’époque de création s’ils sont mentionnés. • Pour réfléchir aux éléments de l’œuvre… Faire la différence entre les éléments des différents plans. Trouver l’élément essentiel dans chaque plan, sans tenir compte de sa taille (près ou loin). Faire des liens entre des éléments de même nature quelle que soit leur situation dans l’œuvre. Donner un nom à chaque renseignement prélevé pour pouvoir le citer en le localisant précisément. • Pour établir des liens entre les différents éléments. Regrouper les éléments par thème, en tenant compte de la consigne. Comprendre quel est le thème le plus important ou celui à sélectionner par la consigne. Pour analyser l’œuvre par rapport à son contexte et l’intention de l’artiste… Par quel procédé l’artiste a-t-il mis son sujet en valeur (lumière, mouvement, situation dans le tableau) ? Quel est l’élément principal définissant l’œuvre et son genre ? Quelle était l’intention de l’artiste ? Dossier pédagogique - Élémentaire 8 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Méthode du dossier : de la préparation au réinvestissement en classe Deux modes de découverte (le site et l’exposition immersive), et trois étapes pour organiser le travail de l’élève. Parcours de l’élève : Présentation du site, de l’itinéraire de la visite, avant de faire observer le cadre environnant par l’élève au moyen des exercices suivants : Étape 1 : la visite de l’Atelier des Lumières Les élèves vont être conviés dans la grande Halle pour découvrir l’exposition immersive « Cezanne, lumières de Provence ». Les projections multiples et en très grand format, avec une ambiance musicale suggestive, sensibilisent les élèves à l’expression artistique. Les murs animés de visions colorées et changeantes provoquent une initiation aussi intuitive que variée à l’œuvre du peintre. Étape 2 : Pour prolonger le travail en classe • Fiche de réinvestissement en classe sur des œuvres du peintre • Fiche d’interprétation de tableaux (exercice d’Histoire des arts) • Fiche de juxtaposition et de comparaison questionnée de deux tableaux du peintre. Étape 3 : Qu’as-tu retenu ? Quiz bilan Dossier pédagogique - Élémentaire 9 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
L’Histoire des arts : les mouvements artistiques à la fin du XIXe siècle Cloisonnisme : ce courant artistique s’est développé à la fin du XIXe siècle, dans le sillage d’Émile Bernard (1868-1941), peintre et écrivain, qui prônait une peinture cernant chaque plan intérieur du tableau. Divisionnisme : procédé pictural mis au point à la fin du XIXe siècle et visant à juxtaposer des touches de couleur pure sur les parcelles du tableau, à l’infini, pour composer des éléments de l’ensemble, Ce divisionnisme avait inspiré les impressionnistes mais plus encore le mouvement pointilliste de Signac et Seurat. Estampes japonaises : l’art japonais fut longtemps inconnu des artistes européens, tant ce pays vécut isolé jusqu’à la fin du XIXe siècle et l’ère Meiji. Néanmoins de grands artistes, tels Hokusai et Hiroshige, peintres et graveurs, eurent connaissance des techniques européennes, comme la perspective. En échange, leur art de l’estampe connut un grand succès en Europe, avec ses aplats de couleurs, des traits simples, suggestifs, composant des œuvres populaires et narratives, des paysages et des scènes de rues. Cet art allait considérablement influencer les impressionnistes et toutes les écoles artistiques de la modernité, à la fin du XIXe siècle. École de Pont-Aven : ce petit port breton abrita à la fin du XIXe siècle une colonie d’artistes, que Gauguin rejoignit en 1886. Il en devint le chef de file, encore que cette « école de Pont- Aven » ne se définisse à partir de 1889 que par sa rupture avec les codes traditionnels de la peinture. Denis, Vuillard, Bonnard en firent partie. Expressionnisme : forme d’expression picturale qui veut souligner l’importance du sujet traité par l’intensité des couleurs, du trait, du style, de le la forme des sujets. Ce style se développera au début du XXe siècle, mais Van Gogh en est un des précurseurs. L’expressionnisme trouva en Allemagne un terreau fertile. Fauvisme : à partir de 1905, cette école de peintres met en avant la couleur au détriment de la forme, l’émotion domine le sujet traité. Réunis autour de Matisse, ces peintres s’affranchissant des volumes et des formes, des couleurs de la réalité, furent nommés ainsi par un critique d’art, suite à une exposition. Matisse, Derain, Van Dongen illustrèrent ce mouvement. Impressionnisme : vers 1860, de jeunes peintres – Monet, Pissarro, Sisley – choisirent de peindre la nature, dans un cadre réel, en privilégiant la couleur, les sensations de l’instant, au détriment des codes académiques alors en vigueur. D’abord rejetés des salons officiels, ces peintres prirent par défi le mot « impressionnistes » comme signe de ralliement. En effet un critique d’art avait qualifié ainsi leur style en voyant le tableau de Monet « Impression, soleil, levant » (1872). Valorisant la couleur, l’impression transmise par des touches de couleur pure juxtaposées, les peintres laissaient au spectateur le soin de reconstituer l’ensemble avec ses émotions. Ces grands peintres s’imposèrent au début du siècle suivant, à l’exemple de Monet. Dossier pédagogique - Élémentaire 10 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Cezanne s’intégrera à ses débuts dans le courant impressionniste, reprenant à son compte le travail sur la lumière et la couleur primant sur la reproduction des formes, mais il s’en détachera dès 1876 pour affirmer une recherche personnelle dans une démarche post-impressionniste. Nabis : nom issu du mot hébreu signifiant « prophète », ce mouvement artistique fut constitué en 1888 par les peintres Vuillard, Bonnard et le sculpteur Maillol ; ces artistes voulaient dépasser la simple illustration de l’apparence du réel. Van Gogh et Gauguin les avaient influencés, par leurs couleurs vives, les aplats, le dépassement des formes. Post–impressionnisme : Paul Cezanne est une des personnalités les plus en vue de ce qui n’est pas véritablement un mouvement, mais plutôt l’évolution à travers quelques grands artistes de l’influence de l’impressionnisme vers d’autres formes picturales. Ainsi Cezanne délaisse le travail sur la couleur et les atmosphères qui résultent de cette observation primordiale pour s’attacher à rendre les formes, leur densité, par le travail de la couleur et le retour à une organisation plus classique des volumes dans le tableau. Peu à peu le travail sur les volumes se dirigera vers une simplification, une orchestration des formes simplifiées qui mènera aux prémices du cubisme. Symbolisme : mouvement artistique, littéraire en France avec Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, qui offre la primauté à la sensation. Dans le domaine de la peinture, Gustave Moreau est un représentant de ce symbolisme privilégiant des formes issues de l’inconscient, qui influença l’école de Pont-Aven et Gauguin. Synthétisme : influencé par le symbolisme, Gauguin mit en avant cette idée, centrée sur la mise en valeur de l’idée centrale d’un tableau, avec des contours cernés, des couleurs non pas liées à la représentation de la réalité mais à l’idée traitée avec le sujet principal, occupant le tableau au détriment d’une copie de la réalité observée. Dossier pédagogique - Élémentaire 11 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Biographie de Paul Cezanne (1839-1906) Paul Cezanne est né à Aix-en-Provence en 1839 ; il appartient par sa famille à la bourgeoisie aixoise et vit une jeunesse aisée, son père est un banquier connu de la ville. C’est ainsi qu’il fréquente le collège où il se lie d’amitié avec Émile Zola, futur grand écrivain réaliste, avec qui il gardera des liens jusqu’en 1886… Rapidement le jeune Paul montre un goût certain pour le dessin, la peinture et va suivre des cours à l’académie municipale de peinture, ce qui ne constitue pas en soi une véritable formation artistique mais l’influence paternelle lui commande de suivre un circuit classique d’études et de commencer des études de droit afin de prendre la succession familiale. L’affirmation de sa vocation artistique n’ira pas de soi mais Paul Cezanne va se fixer à Paris dès 1863 et va peu à peu convaincre sa famille de son talent artistique. C’est en découvrant les œuvres des grands maîtres de son temps, Delacroix, Courbet ou Corot, que le jeune Cezanne va chercher sa voie, loin de la peinture académique du milieu du XIXe siècle, toute dévolue aux sujets historiques et aux thèmes mythologiques, dont il s’inspire tout de même pour quelques tableaux d’apprentissage. Il admire pourtant les grands peintres classiques, comme Rubens ou le Tintoret et il en gardera toute sa vie une attirance certaine pour la composition rigoureuse des tableaux, une mise en valeur des formes et des volumes. Il s’inspire de Delacroix et produit des tableaux dans la veine du temps. Mais dans ces années 1870, c’est l’impressionnisme de Pissarro qui le guide dans une nouvelle voie, celle où la couleur prend le pas sur la copie réaliste, où la subjectivité du ressenti du peintre s’exprime librement. Il travaille à l’Atelier Suisse avec ses amis. Cependant le primat de la couleur, le fondu des couleurs dans le tableau impressionniste le laisse insatisfait au bout de quelques années et il va s’en détacher pour tenter de joindre la force des couleurs et la composition équilibrée des formes, d’un format adapté des grands maîtres de la peinture classique. La vie à Paris ne l’inspire guère, il ne goûte pas le fait d’appartenir à une école artistique même s’il fréquente les impressionnistes et expose avec eux, en dehors des salons officiels. Sa peinture ne rencontre guère de succès et il repart dans le midi, où il ne cessait de rendre à intervalles réguliers, pour se fixer aux environs de Marseille, à l’Estaque, puis Aix-en-Provence. Les années futures le verront s’établir au mas familial du Jas de Bouffan. Il trouve toujours davantage de motivation dans l’observation de la nature et son style se précise, entre utilisation de la couleur et des formes dans une combinaison visant à donner de la tonicité au tableau, composé avec soin dans ses lignes directrices. Peu à peu les formes géométriques des constructions, des reliefs ou des ensembles naturels le conduisent à une simplification remarquable des paysages (la montagne Sainte-Victoire si souvent peinte) et loin de la copie illusoire du réel, il donne à voir une interprétation qui influencera fortement les premiers adeptes du cubisme, Braque et Picasso. Il expose ses œuvres en 1889 à l’Exposition universelle et gagne peu à peu en notoriété ; ses recherches le guident, notamment dans ses portraits de groupes ou les natures mortes vers une autre innovation, conjuguer divers plans de visions dans le même tableau, encore une audace picturale qui va ouvrir la voie à l’art moderne. Invité au Salon d’automne de 1905, il voit désormais ses recherches reconnues avant de décéder en 1906 après avoir tenté une dernière fois de saisir sur le terrain l’âme même de la Sainte- Victoire. Il va figurer rapidement comme une source d’inspiration pour Matisse ou Picasso, au confluent des impressionnistes remettant en cause la peinture traditionnelle et des courants nouveaux qui exprimeront plus hardiment leur vision révolutionnaire de l’art, que ce soit les fauves avec Matisse, ou le cubisme et l’abstraction avec Picasso. Dossier pédagogique - Élémentaire 12 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Cezanne en quelques dates 1839 : naissance de Paul Cezanne, à Aix-en-Provence, dans une famille de la bourgeoisie. 1852 : élève du collège Bourbon, le jeune collégien est un ami de Zola. 1857 : inscrit au cours de dessin municipal, le jeune Cezanne révèle sa volonté de devenir un artiste, loin des rêves de son père, qui souhaitait qu’il devienne banquier, comme lui. 1859 : pour suivre la demande paternelle, Paul Cezanne devient un étudiant en droit 1861 : Cezanne fuit Aix et rejoint Paris où il découvre les impressionnistes et surtout Pissarro, qui l’influencera durablement durant sa jeunesse. 1863 : sans faire véritablement de formation artistique, il fréquente l’Académie Suisse et commence à exposer avec ses amis impressionnistes, au Salon des Refusés par exemple. 1864 : Cezanne n’aime pas la ville et quitte fréquemment la capitale pour s’établir dans le quartier de l’Estaque, à Marseille. 1869 : rencontre d’Hortense Fiquet, sa compagne, dont il aura un fils – Paul – en 1872. 1872-1876 : sans se fixer à Paris, Cezanne participe aux expositions des impressionnistes, mais sans grand succès ; le mouvement en est alors à ses débuts et reste incompris du public. 1876 : rupture avec les impressionnistes, Cezanne va persévérer dans un style personnel et demeurer désormais en Provence, au Jas de Bouffan, propriété acquise par son père. 1882 : début de reconnaissance au Salon annuel, exposition officielle des peintres à Paris. 1886 : il fréquente Monet et Renoir dans le midi mais s’éloigne de Zola à la suite de la publication de son livre L’œuvre. Après la mort de son père il vit souvent au domaine du Jas de Bouffan mais vivra ses dernières années à Aix-en-Provence. 1895 : Cezanne a enfin du succès, avec une grande exposition du marchand Vollard à Paris ; il s’attache à peindre le site de la montagne Sainte-Victoire près d’Aix-en-Provence. 1901 : il construit son atelier près d’Aix-en-Provence, au plus près de cette nature qu’il ne cesse plus de peindre. 1905 : Cezanne est invité au salon d’Automne ; l’école de la peinture nouvelle, avec les impressionniste, est désormais reconnue. 1906 : décès de Paul Cezanne, une rétrospective lui sera consacrée l’année suivante au salon d’Automne. Dossier pédagogique - Élémentaire 13 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
2. PENDANT LA VISITE « CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE » Une création sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi En 2022, l’Atelier des Lumières s’illumine des œuvres célèbres de Cezanne (1839- 1906) tels que ses natures mortes aux pommes, Les joueurs de cartes (1890-95) et Les grandes baigneuses (vers 1906). Peintre autodidacte aux 900 toiles et 400 aquarelles, Cezanne représente des portraits, des natures mortes, des paysages, des scènes historiques… et réalise de multiples versions d’un même sujet, expérimentant sans cesse les possibilités de la matière picturale. D’abord rejeté au Salon puis reconnu tard par ses contemporains, lors d’une rétrospective organisée en 1895 par Ambroise Vollard, Cezanne est aujourd’hui considéré comme le pionnier de la modernité. Fortement inspiré à ses débuts par Delacroix et Courbet, il délaisse ensuite son atelier pour se tourner vers les impressionnistes, suivant l’exemple de Pissarro en peignant sur le motif. Sa construction unique des formes et de la couleur et sa tendance à l’abstraction l’amènent à dépasser l’impressionnisme, jusqu’à influencer les cubistes, les fauves et les avant-gardes. Père de l’art moderne, il inspire Zola, Van Gogh, Pissarro, Monet, Renoir, Matisse… Picasso le désigne comme « notre père à tous ». À travers un parcours thématique, intime et introspectif, l’exposition immersive créée et mise en scène par Cutback sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi, révèle la tourmente intime de Cezanne, la force de ses constructions, son rapport à la lumière et aux couleurs et son lien avec la nature, qui reste son grand modèle, sa référence obsessionnelle. Le visiteur est alors immergé dans la nature, sous les grandes frondaisons des arbres et forêts, des parcs et jardins où se reposent les baigneuses pour finir sur la nature cézannienne par excellence : Bibémus, l’Estaque, et, point culminant, la Sainte-Victoire. Sa peinture est aussi d’une profonde et entière sincérité, entretenant l’incertain, la passion. Le visiteur porte son regard sur le paysage intime de l’artiste : les autoportraits de son tourment intérieur, la tempérance apportée par l’apaisant quotidien aixois, l’intimité de l’atelier... La force des traits, le jeu sur la matière et son évolution, la présence permanente de la nature, la suspension du temps, l’évolution vers une réalité abstraite de couleurs et de formes… Cezanne est un homme au travers duquel se jouent quantités de dialogues picturaux. « Cezanne, lumières de Provence » propose un voyage au cœur des œuvres majeures de l’artiste aixois, suivant le fil rouge de la nature vers la Provence et la Sainte-Victoire. Dossier pédagogique - Élémentaire 14 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Parcours de l’exposition immersive PROLOGUE « Le Louvre est un bon livre à consulter, mais il ne doit être qu’un intermédiaire. L’étude réelle et immense qui doit être prise est l’image multiple de la nature. » « Avec une pomme, je veux étonner Paris ! » Paul Cezanne L’exposition immersive s’ouvre d’abord sur l’ambiance des expositions officielles de la fin du XIXe siècle : tableaux de maîtres, dorures, jury... envahissent l’espace de l’Atelier, en hommage aux heures passées par Cezanne à contempler des œuvres du Louvre. Le calme apparent de cette séquence est soudain interrompu par le motif de la pomme issu de ses natures mortes : les fruits bousculent alors la tranquillité préétablie, cassent les attendus et créent une rupture avec ce premier décor, clin d’œil à l’esprit frondeur de Cezanne. Se regroupant, ces pommes forment des compositions de natures mortes de Cezanne sur la musique jazz et dynamique Songe d’Automne de The Rosenberg Trio composée par Django Reinhardt. Paul Cezanne : Pommes et oranges, 1895–1900, huile sur toile, 74 x 93 cm, RF 1972, musée d’Orsay, Paris, © akg- images / Erich Lessing ; Un coin de table, 1895–1900, huile sur toile, 47 x 56 cm, et, Le vase paille, vers 1895, huile sur toile, 73 x 60 cm, the Barnes Foundation, Merion (Pa), Usa, © akg-images ; Sept pommes et un tube de peinture, 1878/79, huile sur toile, 17,2 × 24 cm, musée Cantonal des Beaux-Arts, Lausanne Suisse, © akg-images ; Maurice Denis, Hommage à Cezanne (de gauche à droite : Redon, Vuillard, Mellerio, Vollard, Denis, Sérusier, Ranson, Roussel, Bonnard et madame Denis), 1900, huile sur toile, 180 x 240 cm, RF 1977-137, musée d’Orsay, Paris, © akg-images / Erich Lessing Simulation © Culturespaces / Cutback Dossier pédagogique - Élémentaire 15 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA CONFIANCE : SOUS LES VOÛTES DE LA TRANQUILLITÉ « Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles. » Paul Cezanne Cette première partie entraîne d’emblée le visiteur dans la nature, au milieu des arbres, ces « chers amis » de Cezanne. C’est la révélation du plein air. Comme une ode à la nature, cette séquence mêle plusieurs périodes picturales, de l’impressionnisme aux dernières œuvres du peintre. Après la forêt, la promenade continue dans des parcs et jardins au son vif et joyeux de guitares. Les espaces s’ouvrent, les panoramas se dégagent et le visiteur est entraîné au milieu de scènes de vie en extérieur, de déjeuners et de virées au bord de l’eau. Musique : Arpeggione Sonata D.821 de Franz Schubert interprété par Anne Gastinel, Claire Desert Song Without Words, Book VI Opus 67: No. 2 ine F-Sharp Minor de Felix Mendelssohn interprété par Bertrand Chamayou Paul Cezanne, Le Pont, 1877-79, huile sur toile, 47 x 56,2, musée des Beaux-Arts de Boston, USA © akg-images Dossier pédagogique - Élémentaire 16 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA PLÉNITUDE : L’INTIMITÉ DES CORPS « Je voudrais marier des courbes de femmes aux épaules des collines. Si j’arrivais à faire ça, j’aurai touché le but. » Paul Cezanne Dans les interstices des arbres apparaissent des corps, sensuels, étranges et énigmatiques. « Ici, au bord de la rivière, les motifs se multiplient, le même sujet vu sous un angle différent, offre un sujet d’étude du plus puissant intérêt » écrivait le peintre à son fils en 1906. Le visiteur se trouve au milieu des baigneuses et des baigneurs, fascinants et mystérieux per- sonnages, aux traits extraordinairement variés et aux touches de couleurs douces et légères. Le groupe des baigneurs se fond à la végétation et au paysage. Les différentes études préparatoires et l’œuvre Les Grandes Baigneuses (1899-1906) conser- vée aujourd’hui au Philadelphia Museum of Art, se forment sur les murs de l’Atelier. Ce qui prime désormais c’est l’ensemble pictural, l’harmonie de la forme et de la couleur, des personnages et de la nature. Les formes diagonales des arbres se fondent avec celles des corps sur la musique jazzy Lone- some Blues de Woody Allen. Musique : Lonesome Blues de Eddy Davis, Greg Cohen, Woody Allen. Paul Cezanne, Baigneuses, 1899-1904, huile sur toile, 51,3 x 61, 7 cm, The Art Institute of Chicago, IL, USA © Amy McCormick Memorial Collection / Bridgeman Images musée des Beaux-Arts de Boston, USA © akg-images Dossier pédagogique - Élémentaire 17 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA TORTURE INTÉRIEURE : LA TOURMENTE DES PORTRAITS « Le monde ne me comprend pas et je ne comprends pas le monde... C’est pourquoi je me suis retiré. » Paul Cezanne Dans cette séquence, le cadre idyllique des Baigneurs se transforme brusquement en une ambiance cauchemardesque : des peintures de scènes d’enlèvement, de crimes et de peurs remplissent les murs. Cette transition brutale révèle la tourmente intérieure de Cezanne et rappelle ses nombreuses réinterprétations des peintures des maîtres anciens. Les images dures et angoissantes se dégagent peu à peu pour laisser place aux autoportraits de l’artiste qu’il peint d’après des photographies. Le regard du visiteur croise sous tous les angles celui de Cezanne, partage son humeur, l’intensité de sa torture intérieure et de son interrogation intime sur ses contemporains. 1 2 L’artiste peindra au total 26 autoportraits au cours de sa vie. Ces œuvres soulignent une face plus obscure et tourmentée de Cezanne qui attaque la toile avec des coups de pinceau vigoureux et des touches de couleurs brutales. En voyant un portrait de l’artiste exposé au Salon en 1866, un membre du jury déclare alors qu’il est : « peint, non seulement au couteau, mais encore au pistolet. » Par ces peintures en pleine pâte, rugueuses et obscures, Cezanne, au début de son art (il est âgé de 23 ans lorsqu’il réalise son premier autoportrait) s’éloigne de la peinture conventionnelle et dé- veloppe la peinture qu’il qualifie de « couillarde », déterminante dans son approche à la couleur et à la représentation de ses sujets. « On ne peint pas des âmes. On peint des corps, et quand les corps sont bien peints … l’âme transparaît. » Musique : King Arthur or the British Worthy - Act III : What Power art thou (Cold Genius) de Henry Purcell - par Emmanuelle Haïm 1. Paul Cezanne, La Tentation de saint Antoine, 1870, huile sur toile, 56 x 76 cm, Zurich, collection G. Bührle, © akg-images 2. Paul Cezanne, Autoportrait au chapeau melon (esquisse), 1885-86, huile sur toile, 44,5 x 35,5 cm, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothek, © akg-images / Erich Lessing Dossier pédagogique - Élémentaire 18 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA SÉRÉNITÉ : L’APAISEMENT DU QUOTIDIEN « Le génie est la capacité à renouveler ses émotions dans l’expérience quotidienne. » Paul Cezanne Dans cette nouvelle séquence, la tension s’apaise et le visiteur se retrouve au cœur des villages de Provence. Aix-en-Provence et ses alentours se dessinent sur les murs de l’Atelier des Lumières. Dans sa ville natale, Cezanne retrouve la sérénité. Maisons et paysages colorés s’alternent dans une ambiance méridionale et populaire. En Provence, Cezanne peint ses proches, ses voisins et les personnes qui l’entourent. Ses dernières toiles représentent des paysans, des fumeurs de pipe, des joueurs de cartes, des employés de café... Ces portraits des « gens de peu » se côtoient et peuplent le lieu, quotidien rassurant du peintre. Ses compositions sont dépouillées de détails, les couleurs et les traits sont réduits : Cezanne aborde le portrait comme une nature morte. Ses modèles, patients, posent immobiles pendant des heures pour le peintre rigoureux et minutieux : « Malheureux, vous dérangez la pose ! Je vous le dis, en vérité, il faut tenir comme une pomme. Est-ce que cela remue, une pomme ? » Paul Cezanne, La Maison du Jas de Bouffan, 1882-85, huile sur toile, collection privée, Photo © Christie’s Images / Bridgeman Images Dossier pédagogique - Élémentaire 19 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
2 1 Cezanne peint également les membres de sa famille : sa mère, sa sœur, son père puis sa femme Hortense et son fils Paul. À travers cette multiplication de portraits, le visiteur est invité à découvrir l’univers intime du peintre qui traite figure et décor comme un tout. « L’aboutissement de l’art c’est la figure. » C’est ensuite le quartier du Jas de Bouffan qui est représenté : le visiteur se promène dans le jardin du Jas de Bouffan, découvre la bastide, le bassin et l’allée des marronniers. Dans cette séquence, peinture et photographies se croisent. Musique : Blessed Are The Peacemakers by Woody Jackson Tournesol (Live) by Stephane Grappelli 1. Paul Cezanne, Madame Cezanne au fauteuil jaune, vers 1888-90, huile sur toile, 81 x 65 cm, Riehen / Bâle, Fondation Beyeler, © akg-images 2. Paul Cezanne, Paul Cezanne, fils de l’artiste, vers 1883-85, huile sur toile, 35 x 38 cm, Paris, musée de l’Orangerie © akg- images / Erich Lessing Dossier pédagogique - Élémentaire 20 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA STRUCTURATION : L’ATELIER, COMPOSITION & NATURES MORTES « Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône. » Paul Cezanne L’Atelier des Lumières se transforme en l’atelier de Cezanne, « grand atelier d’artiste à la campagne », sur l’air d’ouverture des Noces de Figaro de Mozart. Installé à Aix-en-Provence, sur la colline des Lauves, l’atelier fait face à la montagne Sainte-Victoire. De 1902 à 1906, Cezanne s’y installe tous les matins parmi les objets qui lui sont chers, les modèles de ses ultimes natures mortes, son mobilier, ses croquis, ses dessins... C’est alors que le peintre compose, structure des scènes, étudie la perspective, expérimente les couleurs, les traits. Ces images créent une rupture : le visiteur assiste à cet art de la structuration, à la force moderne de la composition. S’en suit une profusion de natures mortes : les cadrages, les variations de couleurs, le jeu de lignes verticales et horizontales, les perspectives dénotent une réelle modernité. Cezanne peint parfois ses sujets à partir de plusieurs points de vue, lui permettant de rechercher et d’étudier l’incidence de la lumière sur les objets. Par ses représentations du réel, l’artiste ouvre la voie au cubisme. Des compositions florales viennent enrichir le décor et emportent le visiteur dans un tourbillon de couleurs. Musique : Waltz In A Minor opus Posth. Kk4B No 11 - Allegretto - Frédéric Chopin - interprété par Alice Sara Ott Cello Concerto in A Minor, RV 419: III. Allegro - Antonio Vivaldi - interprété par Christophe Coin, Giovanni Antonini, Il Giardino Armonico Ezra Was Right - Ghost Clock - Erol Sarp, Lukas Vogel - interprété par Grandbrothers Sunset On M. by Sunset On M. Dardust Rameau : Les Indes galantes, Quatrième entrée « Les sauvages » : « Forêts paisibles » (Zima, Adario, Sauvages) - Jean-Philippe Rameau - interprété par Aimery Lefèvre, Alexis Kossenko, Le Jeune Chœur de Paris, Les Ambassadeurs, Sabine Devieilhe Paul Cezanne, Nature morte aux pommes, vers 1893-94, huile sur toile, 65,4 x 81,6 cm, J. Paul Getty Museum, Los Angeles, USA, © Bridgeman Images Dossier pédagogique - Élémentaire 21 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
LA MATURITÉ : LES PAYSAGES DE PROVENCE « Je cherche à rendre la perspective uniquement par la couleur. » Paul Cezanne L’exposition immersive s’ouvre à présent vers de vastes panoramas maritimes, des couleurs irradiantes de l’Estaque, dans un rappel de la tradition du paysage classique. Le soleil brûle, la lumière est crue, éblouissante, la puissance des couleurs et leur modulation sont mises en avant. « Le soleil est si effrayant qu’il me semble que les objets s’élèvent en silhouette, non pas seulement en blanc et en noir, mais en bleu, en rouge, en brun, en violet. » 1 Au fur et à mesure, le paysage maritime laisse place à celui des carrières de Bibémus. C’est une nouvelle vision, où priment la sensation que procurent les couleurs des paysages de Provence dans lesquels Cezanne trouve les structures essentielles et immuables de la nature. « La nature pour nous, hommes, est plus en profondeur qu’en surface, d’où la nécessité d’introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme savante de bleutés pour faire sentir l’air. » Musique : Valse Triste - Sibelius – par Berliner Philharmoniker Herbert von Karajan 2 1. Paul Cezanne, Vue de l’Estaque à travers les arbres, 1879, huile sur toile, 44,7 x 53,4 cm, collection privée, Photo © Christie\’s Images / Bridgeman Images 2. Paul Cezanne, Les Carrières de Bibémus, vers 1895, huile sur toile, 92,1 x 73,3 cm, The Barnes Foundation, Philadelphia, Pennsylvania, USA, © Bridgeman Images Dossier pédagogique - Élémentaire 22 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
FINAL : LA SAINTE-VICTOIRE « Pour l’artiste, voir c’est concevoir, et concevoir c’est composer. » Paul Cezanne Le parcours se termine sur les représentations de la montage Sainte- Victoire par Cezanne. Véritable muse de l’artiste, il va la peindre jusqu’à la fin de sa vie. Cezanne réalise au total 44 huiles et 43 aquarelles de ce paysage. « J’ai besoin de connaître la géologie, comment Sainte-Victoire s’enracine, la couleur géologique des terres, tout cela m’émeut, me rend meilleur. » 1 Fasciné, Cezanne reproduit sans cesse ce décor, développant sa manière de peindre et sa technique, révolutionnant la peinture. Jouant sur la lumière, les oppositions de couleurs, l’artiste dessine son thème de prédilection avec des touches tantôt empâtées, tantôt fluides, conjuguant rigueur de construction et liberté absolue de la touche. « Longtemps je suis resté sans pouvoir, sans savoir peindre la Sainte-Victoire parce que je l’imaginais l’ombre concave, comme les autres qui ne regardent pas, tandis que, tenez, regardez, elle est convexe, elle fuit de son centre. Au lieu de se tasser, elle s’évapore, se fluidise. Elle participe toute bleutée à la respiration ambiante de l’air. » Musique : Royer : Pièces de clavecin, Book 1 (1746): No. 11 Le Vertigo - Joseph- Nicolas-Pancrace Royer - par Jean Rondeau Générique : Vremena goda, Op. 67: L’Automne: Petit Adagio - Alexander Glazunov - interpreted by Neeme Järvi Royal Scottish National Orchestra 2 1. Paul Cezanne, La Montagne Sainte-Victoire et le Château noir, vers 1904-06, huile sur toile, 65,5 x 81 cm, Ishibashi Foundation, Tokio, Bridgestone Museum of Art, © akg-images / André Held 2. Paul Cezanne, La Montagne Sainte-Victoire, 1904, huile sur toile, musée Pouchkine, Moscou, Russie, Photo © Photo Josse / Bridgeman Images Dossier pédagogique - Élémentaire 23 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait Après « Cezanne, lumières de Provence », l’Atelier des Lumières présente une création d’une dizaine de minutes, réalisée à partir des œuvres de l’artiste prolifique et visionnaire, Vassily Kandinsky (1866-1944). Peintre, poète, théoricien de l’art et fondateur de l’art abstrait, Kandinsky révolutionne l’histoire de l’art avec ses nombreuses compositions, aujourd’hui exposées à travers le monde. Comme Cezanne, il se révèle relativement tard, à l’âge de 30 ans. Né à Moscou, après des études de droit, il voyage à travers toute l’Europe et découvre les artistes avant-gardistes, Cezanne, Monet, Matisse... Kandinsky peint d’ailleurs lui aussi, à sa façon, la montagne Sainte-Victoire. Ses recherches sur la symbolique de la couleur et des formes font écho à celles de Cezanne : les deux artistes contestent la perception objective et privilégient l’intériorité du peintre, l’essence même de la création. « Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait » livre cette quête spirituelle de Kandinsky, à travers les grandes étapes artistiques de sa vie, de Moscou à Paris. L’exposition immersive se déroule en deux temps, scindée par l’avènement majeur de l’invention de l’abstraction. La première partie évoque les débuts figuratifs de l’artiste, teintés d’impressionnisme, de fauvisme onirique et d’une touche de pointillisme. Le visiteur est d’abord plongé dans les souvenirs de Kandinsky, le folklore russe, son capital mythique. La seconde partie est plus expérimentale, dévoilant la force de mouvement et de rythme des formes et de la couleur. Plongé dans une explosion chromatique, le visiteur découvre les œuvres les plus significatives de cet élan de modernité - Composition VIII (1923), Jaune, rouge, bleu (1925) - jusqu’à ses créations biomorphiques de ses dernières années. S’approchant de la musique, la peinture s’affranchit progressivement de la contrainte de la représentation et ne prend plus pour référence le monde réel mais l’intérieur de l’être. Véritable invitation au voyage dans le cosmos intérieur de Kandinsky, l’exposition immersive invite le visiteur à perdre ses repères pour arriver à une osmose finale abstraite et libérée. Exposition « Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait » - Simulation : © Culturespaces / Cutback Dossier pédagogique - Élémentaire 24 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
Recoding Entropia Un néant insondable, des horizons sans limite, des formes inertes aux soubresauts pourtant violents, présumant du vivant, de l’organique en devenir, d’une vie par-delà l’entendement... Voilà comment, dans sa proposition, Recoding Entropia, le film immersif de François Vautier, se révèle. Partant d’une géométrie spécifique, perdue dans une étendue spatiale, qui ne cessera de se transformer tout au long du récit, pour finalement apparaître sous une autre figure, l’histoire prétend raconter une évolution de forme, d’espèce, d’intelligence. Après I Saw The Future, film qui donnait à décrypter dans un champ artificiel les prédictions de l’écrivain Arthur C. Clarke, et Odyssey 1.4.9, conçu comme un hommage au film de 2001: A Space Odyssey, le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, Recoding Entropia est le dernier opus d’une anthologie consacrée à l’évolution. Prolongeant son cycle de réalisations, François Vautier entend proposer cette fois une immersion dans un environnement voulu comme infini et vertigineux. Jouant des matières et de leurs interactions, il nous emmène au cœur d’une poésie crépusculaire dans un drame envoûtant. Recoding Entropia est un film immersif dont la proposition est essentiellement axée sur les espaces et les valeurs d’échelles. En intime liaison avec la thématique exploitée - celle du devenir, elle rend compte de l’immensité des possibles inhérents à la pensée. À l’unisson de ce que suggère son récit, le film joue du trouble et de la surprise afin de déployer une boucle dans laquelle se plonger. « Initialement pensé et réalisé pour la réalité virtuelle, nous avons souhaité adapter le dispositif à un format multi-écrans, permettant à un groupe (et non plus à un seul individu) de vivre une expérience collective au sein d’un même espace. » Exposition « Recoding Entropia » © François Vautier Dossier pédagogique - Élémentaire 25 CEZANNE, LUMIÈRES DE PROVENCE
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