Dossier Pédagogique - Les heures sombres de Joe Wright
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Les heures sombres Fiche technique Titre original Darkest Hour Production Tim Bevan, Lisa Bruce, Eric Fellner, Anthony McCarten, Douglas Urbanski Producteur Délégué James Biddle Société de production Working Title Films Réalisation Joe Wright Scénario Anthony McCarten Direction artistique Nick Gottschalk Photographie Bruno Delbonnel Montage Valerio Bonelli Décors Sarah Greenwood Costumes Jacqueline Durran Musique Dario Marianelli 1
Interprétation Winston Churchill Gary Oldman Le Roi Georges VI Ben Mendelsohn Clémentine Churchill Kristin Scott Thomas Elizabeth Nel née Layton, secrétaire de Churchill Lily James Neville Chamberlain Ronald Pickup Vicomte d’Halifax Stephen Dillane Film : Couleurs Format 1 : 85 Durée : 125 minutes Année : 2017 Pays de production : Etats-Unis Genre : drame historique Sociétés de distribution : Focus Features, Universal Pictures Sortie Etats-Unis : 1er septembre 2017 Sortie France : 3 janvier 2018 2
Synopsis Royaume-Uni, 1940. Alors qu’Hitler étend sa conquête de territoires dans toute l’Europe et menace d’envahir la Grande-Bretagne, la vie politique britannique est divisée entre les partisans de la négociation de paix avec l’Allemagne et ceux pour qui la guerre contre le joug odieux des Nazis apparait comme un choix inéluctable. Au Premier Ministre Neville Chamberlain, affaibli et accusé de ne pas avoir anticipé la guerre succède Winston Churchill. Alors que le premier se montre favorable aux discussions avec l’Allemagne, Churchill, homme érudit aux humeurs difficiles et au parcours politique tumultueux se pose, lui, comme un adversaire farouche de la barbarie nazie. A l’heure où l’Europe connaît des heures bien sombres, Churchill va prendre des décisions qui feront basculer le destin de toute une nation. Ses célèbres discours du 13 mai et du 28 mai 1940 qui ont marqué, alors, l’Histoire, encadrent le film. Filmographie de Joe Wright Joe/Joseph Wright est un réalisateur anglais né le 25 août 1972 à Londres. Cinéma Télévision 2017 Les heures sombres 2016 Série Black Mirror, ep «Chute Libre» 2015 Pan 2014 Publicité Coco Mademoiselle (avec Keira Knightley) 2012 Anna Karénine 2011 Publicité Coco Mademoiselle 2011 Hanna (avec Keira Knightley) 2010 Cut Movie, publicité dénonçant 2009 Le Soliste la violence conjugale 2007 Reviens-moi 2008 Publicité Coco Mademoiselle (avec Keira Knightley) 2005 Orgueil et préjugés 2003 Charles II : The Power and the passion The End (court métrage) (mini-série) 1998 2002 Bodily Harm (mini-série) 1997 The Snap (court métrage) 2000 Nature Boy (mini-série) Approches thématiques Nous proposons ici une lecture globale du film avant de proposer trois approches thématiques, en lien avec les programmes de français et d’anglais de niveau première. Chaque focus sur le film est aussi associé à un corpus de photogrammes, des séquences fléchées et des questionnements pour réfléchir avec la classe, en amont et en aval à la projection, à la mise en scène et ses significations. Avant la projection du film, il sera utile de mettre au jour avec précision la première année de conflit. 3
Approche globale du film Le genre du biopic propose de relire un moment de l’histoire à travers un personnage- clef. Le choix de personnages masculins a marqué l’histoire du genre et s’associe alors souvent à la notion de pouvoir. Le personnage au centre du biopic Les Heures sombres est l’homme politique Winston Churchill. A la possibilité d’un récit qui retracerait le parcours politique complexe de Churchill, le réalisateur Joe Wright substitue le choix d’une intrigue resserrée dans le temps, focalisée sur deux célèbres discours. Si La Seconde Guerre Mondiale et les terribles batailles qui font tomber l’Europe de l’Ouest se déroulent au moment des faits du film, le réalisateur choisit de les donner à voir de façon métaphorique, délaissant ainsi toute dimension épique. En effet, hormis un plan séquence qui donne à voir aux spectateurs le tragique destin des soldats de Calais, ce sont des cartes militaires, des vues aériennes, des télégrammes qui évoquent la guerre. Ainsi, si la personnalité de Winston Churchill se trouve au cœur du film, ce sont les temps et espaces d’écriture que la mise en scène place le plus souvent dans le cadre de l’image, laissant une part belle à la pensée qui émerge et au verbe qui s’incarne, ensuite, dans le discours public. La mise en scène d’un homme politique et des sphères du pouvoir n’exclut pas, ici, l’émotion. Pour quels publics ? Le film Les Heures sombres est conseillé aux élèves de niveau première. Les trois approches thématiques proposées croisent « La question de l’homme dans les genres de l’argumentation », ainsi que « la question de l’éducation aux médias », objets d’étude en français. Trois approches thématiques en lien avec les programmes Première approche Un portrait intimiste, resserré dans le temps. Quand le verbe s’incarne. Le film suit Winston Churchill depuis son arrivée au rang de Premier Ministre et son premier discours au Parlement jusqu’au discours dans lequel il se positionne en faveur d’un conflit armé contre l’Allemagne. Sur un calendrier de seulement 4 semaines tumultueuses de la sombre année 1940, le réalisateur ne choisit quelques dates précises dont les chiffres s’égrènent sur le cadre de l’image, au son métallique d’une horloge géante. Les positionnements et décisions de l’homme politique et de sa destinée personnelle croisent ici le cours d’une Histoire où chaque heure compte. L’image alterne des plans où Churchill écrit ses discours avec sa secrétaire, prend la parole au Parlement ou encore siège au conseil de guerre. Alors que les différents lieux d’écriture des discours et de prises de décision donnent un cadre à l’action, des gros plans ou très gros plans mettent en valeur les émotions que les événements historiques suscitent chez Churchill. On peut prendre ici pour exemple la séquence où Winston Churchill tente d’écrire la lettre en faveur des négociations de paix avec l’Italie et l’Allemagne. Sa pensée est interrompue par ce que sa secrétaire désigne comme des « marmonnements ». Churchill ne peut s’empêcher alors, en effet, d’exprimer sa haine envers Hitler entre deux mots qui sont dictés à sa collaboratrice. Les gros plans sur le visage de Churchill permettent, en quelques secondes, d’exprimer de nombreuses émotions - 4
- entre stupéfaction, dégoût, désespoir, effroi ou encore colère. Dans un contexte historique terrible, c’est toute la complexité de l’homme de pouvoir face à des décisions irrévocables que le cadre dévoile. La séquence où Churchill ne lâche pas du regard la ville de Calais de la carte militaire est révélatrice de ces choix : la caméra ne cesse de se rapprocher de Churchill, laissant peu à peu la carte hors-champ pour ne garder que l’homme dans le cadre. Car c’est face à lui-même que Churchill se trouve avant tout, face à ses doutes et ses hésitations, ceux-là même qui font de lui quelqu’un de « sage » comme le soulignera sa femme Clémentine dans une autre séquence. C’est bien sûr par là-même toute la richesse d’interprétation de l’acteur oscarisé Gary Oldman, véritablement métamorphosé pour le rôle, que la caméra donne à voir ici. La caméra de Joe Wright prend son temps pour filmer combien les terribles décisions que l’Histoire exige sont révélées par les métamorphoses expressives de l’acteur. La succession de gros plans va également créer une intimité entre le spectateur et ce grand homme qu’il suit dans ses tâtonnements. 5
-> Les enseignants pourront croiser cette approche avec les axes suivants : - L’homme face à lui-même. - L’homme et sa place dans l’histoire. - L’homme et le pouvoir. - Mise en récit du pouvoir : l’homme politique médiatisé. - Les publics et la réception des médias. Les pouvoirs des publics. Les séquences à analyser La séquence d’écriture du premier discours au Parlement avec le montage alterné des moments d’écriture qui lui ont permis de voir le jour jusqu’au discours public, la séquence d’écriture de la lettre en faveur de la négociation pour la paix, la séquence où Churchill fixe la carte militaire dans le cabinet de guerre, la séquence du discours radiophonique sur l’avancement des armées allemandes. Les questionnements Identifiez les lieux, précisez avec les élèves s’il s’agit d’espace privé de réflexion où le discours se pense, ou bien d’espaces publics où le discours se transmet. Identifiez les plans où Churchill est seul dans le cadre, les choix de cadrage, et quels sont les effets sur le spectateur dans un contexte de décision politique âpre. 6
Deuxième approche Filmer les mots. Hommage à la pensée. Les Heures sombres est un film sur les mots, les mots qu’on lit dans les journaux, les mots qu’on cherche, les mots qu’on écrit, les mots qu’on adresse, aussi, à un public. Les gros plans sur les papiers de natures plurielles - télégrammes, lettres ou encore Une de journaux -, mais aussi les doigts de la secrétaire Layton qui tapent à la machine sont omniprésents dans le film. La récurrence de ces plans vient appuyer le choix d’un scénario resserré dans le temps. Derrière ces choix de mise en scène se cache un bel hommage à l’homme qui pense et écrit. 7
-> Les enseignants pourront croiser cette approche avec les axes suivants : - L’homme et la société. - L’homme et le savoir. - Les publics et la réception des médias. Les pouvoirs des publics - Histoire des supports de l’écriture et des médias. Les séquences à analyser Choisir une séquence où Churchill et sa secrétaire Layton formulent et tapent ensemble ce qui va devenir un discours historique et observer la récurrence des gros plans sur le papier et la machine, la séquence du discours radiophonique sur l’avancement des armées allemandes filmé qui donne à voir les dernières corrections, l’allocution publique et en montage alterné sa réception par le roi, Clémentine, la femme de Churchill, Halifax. Les questionnements en amont au film, projeter un corpus de plans en lien avec l’écriture. Identifiez le type de papier, la place de la caméra et l’effet produit sur le spectateur. En aval à la séance, interrogez les élèves sur la fréquence de ces plans et là encore l’effet produit sur le spectateur. Quel est aussi l’effet produit par le choix de plongée ou de contre- plongée ? Quelle est la place de celui qui écrit par rapport au mot, ainsi filmé ? Il serait aussi intéressant de faire réfléchir les élèves sur le choix des Une de presse : toujours critiques par rapport à Hitler, elles préfigurent la scène d’immersion de Churchill dans le métro en donnant à lire de façon prémonitoire la volonté du peuple britannique de se battre contre le fascisme. 8
Troisième approche Filmer la guerre et sa barbarie de manière métaphorique. Le scénario du film s’étale sur quelques jours seulement d’une semaine où les tumultes de la guerre font chaque heure des ravages en Europe de l’Ouest. Joe Wright pourrait choisir de représenter par séquences les combats qui se déroulent. Une mise en scène plus sobre se substitue à cette tentation de l’épique : alors que des vues aériennes, des gros plans sur des cartes montrent les conflits en montage alterné, les images d’archives sont parfois mêlées à la fiction. Adopter le point de vue militaire pour représenter le conflit (quelques plans font exception) pourrait en donner une vision lointaine, et représenter les hommes qui la décident comme des personnages froids. Mais les choix de montage, avec notamment la bande son qui donne à entendre le discours qui s’écrit d’une voix hésitante, les plans sur les visages de Churchill et sa secrétaire et les gros plans sur les mains qui tapent, tremblant, à la machine créent une forte émotion chez le spectateur. Deux gros plans et le plan séquence à Calais viennent cependant apporter un contre-point contrasté à ces plans en montrant les dégâts humains que provoque la guerre. La violence de la guerre est donc le plus souvent laissée hors champ. On peut penser aussi aux images d’archive du générique de début du film qui donnent à voir l’armée et les chars allemands, sans aucune musique. 9
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-> Les enseignants pourront croiser cette approche avec les axes suivants : - La barbarie - L’homme et la mort Les séquences à analyser La séquence sur l’avancée d’Hitler en conseil de guerre avec pour arrière-plan des images d’archive, le plan-séquence de Calais. Les questionnements En aval à la séquence, demandez à la classe comment le conflit mondial est représenté dans le film. Notez les impressions des élèves, des souvenirs de plans. Revenez sur certains plans pour identifier les choix de cadrage, de montage et leurs effets. Définissez et identifiez les images d’archives, réfléchir à leur rôle dans une fiction et leur utilisation ici, au sein d’un plan. Isolez les images du générique, le plan-séquence à Calais et les deux gros plans (représentés sur les photogrammes) pour expliquer, par contraste, les effets et enjeux. Réfléchir in fine à la question du point de vue adopté dans ces différents plans et aux choix de mise en scène. Autre approche possible Observer le fonctionnement des instances législatives britanniques, les lieux de discours et prises de décision : le chambre, le Parlement, le conseil de guerre. Pour aller plus loin Certaines phrases prononcées par Churchill sont restées célèbres, comme celle de son discours du 13 mai 1940 donnée à entendre dans le film : « Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Avant son discours du 28 mai 1940, Churchill est vraiment descendu dans le métro londonien pour échanger avec ses concitoyens qu’il a cités ensuite dans son allocution publique. Si Winston Churchill avait vu juste en la personnalité d’Hitler, il n’a pas été dupe non plus de Staline en qui il voyait aussi un dictateur. Autres ressources : des films à mettre en dialogue Faites dialoguer le biopic avec d’autres films dans lesquels la force de la rhétorique est centrale : Diplomatie de Volker Schlöndorff (2014) Douze hommes en colère de Sidney Lumet (1957) Du Silence et des ombres de Robert Mulligan (1963) En prolongement au film, proposez aux élèves la lecture du roman de Robert Merle Week-end à Zuydcoote, Gallimard, 1949 : ce roman historique raconte le vie d’un groupe de soldats français pris au piège pendant deux jours pendant la Bataille de Dunkerque, appelée aussi « Opération Dynamo », présente dans le film. 12
Bibliographie DEWEY John Le Public et ses problèmes, Folio essais, Gallimard, 2010 MAIGRET Eric Sociologie de la communication et des médias, Armand Colin, 2015 LAZARSFELD Katz et Paul Influence personnelle. Ce que les gens font des médias, Armand Colin, 2008. MOURRE Michel Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Bordas, Nouvelle Edition 1996. Petit lexique de cinéma Cadrages, échelles de plan, ou valeurs de cadres : Du plan d’ensemble au très gros plan (ou insert), le réalisateur choisit de placer sa caméra plus ou moins près de l’élément filmé. Plus la caméra est proche de l’élément, plus une relation intime se crée entre celui-ci et le spectateur. S’il s’agit d’un personnages, les émotions sont davantage perceptibles voire même au cœur du cadre. Point de vue : Se demander, avec les élèves, s’il s’agit d’un personnage qui regarde ou si les actions filmées le sont de l’extérieur. La question du point de vue a des effets sur la matière filmée. Plongée et contre-plongée : Orientée vers le bas ou vers le haut, la caméra est positionnée en plongée ou contre-plongée sur l’élément filmé. Les effets produits sur l’élément ainsi filmé sont à débattre : effet de malaise, de déséquilibre ou bien de puissance. https://www.cineclubdecaen.com/analyse/plongeeetcontreplongeeaucinema. htm Montage parallèle : Associe deux plans sans simultanéité temporelle, c’est-à-dire sans continuité diégétique, pour mettre en place une comparaison et créer un effet de sens. Montage alterné : Fait se succéder deux plans ou séries de plans qui ont un lien temporel. https://www.cineclubdecaen.com/analyse/montageparallele.htm 13
Fiche rédigée par Marie Horel
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