DOSSIERS Web COMMENT FAIRE LE TRI DANS LES MAUX DE DOS ? - Pompiers.fr
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Santé / SSSM Lombalgies aiguës : comment faire le tri dans les maux de dos ? Le mal du siècle, c’est lui. Le mal de dos. Et il n’épargne aucun âge de la vie. Fréquent chez les personnes âgées, il prend parfois la forme de lombalgies aiguës. Dans quels cas, et comment les reconnaître ? Ce dossier vous aide à y voir clair. Texte Pierre Frances*; Aïda Tall, interne en médecine générale Montpellier Thomas Cavailhes, interne en médecine générale Montpellier Caroline Piechon, externe Nimes Photos Hakim OUTTIGHIR L es sapeurs-pompiers doivent fréquemment intervenir chez des patients présentant des douleurs au dos. La symptomatologie d’une lombalgie aiguë est parfois déroutante car les douleurs peuvent être intenses et laisser perplexes ces professionnels. Compte tenu de la fréquence importante de cette plainte chez nos concitoyens, nous développons ici le chapitre des lombalgies aiguës en distinguant celles qui sont provoquées par un tassement vertébral, les lombalgies tumorales, les lombalgies ayant pour origine des patho- logies infectieuses comme la spondylo- discite, et les autres étiologies pouvant provoquer une lombalgie aiguë. Le tassement vertébral, près de 50 000 cas par an Le tassement vertébral conduit souvent les pompiers à intervenir rapidement du fait d’une douleur importante. Nous ne devons pas perdre de vue que le tasse- ment vertébral représente près de 50 000 cas par an en France, et que cette *Responsable des lits halte soins santé (structure en charge des sans-domicile), référent des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Solidarité Pyrénées de Céret et de Perpignan, médecin généraliste à Banyuls-sur-mer (66). frances.pierre66650@gmail.com 1 Septembre 2021 ESPF
Santé / SSSM situation concerne le plus souvent les plus de 65 ans. Parmi les étiologies responsables de cette fracture, nous retrouvons l’ostéoporose (que l’on observe plus fréquemment chez les femmes) qui est un facteur induisant une fragilité osseuse. Ainsi, cette fragilité osseuse est responsable de 1,5 million de fractures chaque année. Autre origine possible d’un tassement vertébral : les traumatismes, qui peuvent être plus ou moins violents et qui surviennent sur un terrain fragilisé au niveau osseux. Dans ces cas, pour une chute paraissant souvent anodine, il est possible d’observer un tassement concernant parfois plusieurs vertèbres. Par ailleurs, il peut être important de rechercher un éventuel terrain favo- rable. Ainsi, une plus grande fragilité de l’os est observée chez les patients alcoo- liques ou tabagiques, mais aussi chez ceux ayant un poids peu important. Enfin, il faut également connaître les traitements des patients car certains, comme les corticoïdes, favorisent les tassements vertébraux du fait d’une implication dans la genèse de l’ostéoporose. Clinique, diagnostic et prise en charge Le plus souvent, le sujet présente une douleur intense de type mécanique, qui se manifeste lors de la mobilisation. On peut retrouver une douleur lors de la sur une durée courte du fait de sa palpation des vertèbres. Cette douleur toxicité rénale en cas d’utilisation est souvent intermittente, et elle est prolongée). Par ailleurs, il faut prendre Distinguer associée à une irradiation en ceinture vers la face antérieure de l’abdomen. en compte les facteurs de risque (alcool, tabac et poids), et il est nécessaire de douleur au dos Le diagnostic repose avant tout sur les examens d’imagerie qui vont être deman- traiter une éventuelle ostéoporose associée par des traitements adaptés et lombalgie dés. Ceux-ci permettront de mettre en évidence des tassements qui appa- (le plus souvent des biphosphonates). Dans les cas où le tassement aiguë raissent comme l’écrasement d’une ou est important, il peut s’avérer utile de plusieurs vertèbres. Ils prennent de recourir à la cimentoplastie. La lombalgie est fréquente chez l’aspect de déformations qui peuvent la personne âgée, et sa prévalence avoir plusieurs formes : cunéiforme, Les lombalgies tumorales, est de 40 %, bien que ce sujet ne biconcaves ou en galette (clichés 1 et 2). à déceler rapidement soit pas réellement étudié chez Dans certains cas, notamment si la radio- Les pathologies cancéreuses touchent les patients ayant plus de 65 ans. graphie est peu contributive et si le sujet le plus souvent les personnes âgées (plus Parmi ces lombalgies, peu (moins est très algique, il est important de de la moitié des cancers sont observés de 5 %) nécessitent une prise demander la réalisation d’examens com- chez des personnes ayant plus de en charge rapide. plémentaires, comme un scanner rachi- 65 ans). Classiquement, il y a cinq On parle de lombalgie aiguë dès lors dien ou une scintigraphie. En effet, il organes dont les cancers donnent des que la personne ayant une douleur n’est pas rare d’avoir des tassements métastases osseuses: le sein, le rein, du dos se plaint d’une vertébraux non visibles sur un cliché la prostate, le poumon et la thyroïde. gêne au niveau d’une zone comprise radiographique. Dans près de 30 % des cas, ce sont les entre la 12e côte et la région La prise en charge repose sur l’utilisa- métastases osseuses qui vont révéler la fessière (durée d’apparition tion d’antalgiques et d’anti-inflamma- pathologie néoplasique sous-jacente. inférieure ou égale à six semaines). toires (ce traitement doit être prescrit Les lombalgies engendrées par des ESPF Septembre 2021 2
Santé / SSSM métastases osseuses doivent donc être nécessaire de recourir à un traitement rapidement appréhendées, car les consé- fondé sur les biphosphonates. Enfin, quences peuvent être importantes. pour réduire les douleurs de ces patients, il est important d’utiliser des antalgiques Quels examens Clinique, diagnostic et prise en charge puissants comme la morphine car le sou- pour le On retrouve le plus souvent un sujet ayant une importante altération de l’état lagement se doit d’être une priorité. diagnostic ? général (perte importante de poids, Le myélome : des douleurs anorexie, fatigue démesurée). lombaires brutales • Les clichés radiographiques : En effet, la localisation secondaire Parmi les hémopathies (pathologies permettent de révéler des tasse- osseuse est le plus souvent tardive (le malignes du sang), le myélome ments (déformations vertébrales), cancer se dissémine malgré les traite- représente 10 %, et l’incidence de cette destructions osseuses, déminérali- ments administrés). Mis à part les signes affection avoisine les 3 500 cas par an sation diffuse, etc. généraux, on note la douleur qui est en France. • le scanner rachidien ou l’IRM : souvent intense et présente un carac- Cette pathologie hématologique se aident à déterminer le retentisse- tère inflammatoire (elle est présente manifeste par une multiplication impor- ment au niveau médullaire, la chez le sujet qui ne se mobilise pas). tante des plasmocytes (lesquels sont à présence d’un abcès, la réduction Le diagnostic repose sur l’imagerie du l’origine d’un développement exagéré du canal rachidien. rachis qui permet de montrer des images d’anticorps). • la scintigraphie : précise la de destruction osseuse (ostéolyse), des localisation des lésions tumorales condensations au niveau des vertèbres, Clinique, diagnostic et prise en charge sur le rachis. ou parfois une déminéralisation diffuse Les douleurs lombaires traduisent la • le bilan biologique : met en évi- (cliché 3). présence du myélome dans 70 % des dence un syndrome inflammatoire. Il est parfois nécessaire de compléter cas. La douleur est souvent brutale et ces examens par une IRM ou un elle peut être mécanique ou inflamma- scanner du rachis afin de déterminer toire. Bien entendu, le sujet peut éga- le retentissement au niveau médullaire, lement présenter d’autres manifestations l’électrophorèse des protéines plasma- ou par une scintigraphie qui permet cliniques qui témoignent de cette tiques, qui peut mettre en évidence une de mieux identifier la localisation hémopathie (fatigue et pâleur importante augmentation de certaines des lésions tumorales sur le rachis. traduisant une anémie). immunoglobulines (variétés d’anticorps). La prise en charge est avant tout celle Le bilan biologique est ici d’un grand L’imagerie (radiographie, scanner ou de la pathologie responsable des métas- intérêt car il met en évidence un IRM) a également un grand intérêt car tases. Tout comme dans le cas du syndrome inflammatoire (élévation de elle permet de révéler des destructions tassement vertébral, il est possible de la vitesse de sédimentation et des autres osseuses (cliché 4). La confirmation du recourir à la cimentoplastie, ou facteurs inflammatoires), et différentes diagnostic est obtenue à la suite d’une à la radiothérapie si le patient est anomalies liées à cette prolifération : ponction au niveau du sternum et d’une très algique. insuffisance rénale, anémie, réduction biopsie du bassin qui retrouvent les ano- Nous ne devons pas oublier une probléma- du nombre de globules blancs et de malies de production des cellules tique pouvant survenir dans ce cadre : plaquettes, hypercalcémie. L’examen sanguines. l’hypercalcémie. Dans ce cas, il est très important à demander est La prise en charge repose sur la chimio- thérapie pour les formes sévères. Pour les formes moins importantes, il est pos- sible de se contenter d’une surveillance. Bien entendu, il est également impor- tant de soulager avec des antalgiques le sujet présentant des douleurs. Le mal de dos d’origine infectieuse, ou spondylodiscite La spondylodiscite est une infection qui concerne la vertèbre. Elle est rare, et représente entre 2 et 4 % des infections ostéo-articulaires. Son incidence est actuellement en France de 2,4 cas pour 100.000 habitants. La moitié des personnes concernées a plus de 65 ans. Ce problème infectieux peut être d’origine chirurgicale. En effet, le fait d’intervenir dans le cadre d’une chirurgie rachidienne peut être un facteur responsable d’une infection. D’autres 3 Septembre 2021 ESPF
Santé / SSSM 1 2 3 4 5 Tassement du plateau supérieur Tassement ostéoporotique consolidé de 5 5 Métastases multiples donnant au niveau 5 Lyse de la 4e vertèbre lombaire du fait de la 2e vertèbre lombaire la 1re vertèbre lombaire (flèche rouge). du rachis l’aspect d’une déminéralisation d’un myélome. (flèche verte). des vertèbres (flèches bleues). 5 6 7 8 5 IRM du rachis lombaire objectivant Arthrose importante du rachis 5 5 Réduction du calibre du canal Perforation vésicale secondaire à la pose 5 une destruction des 2e et 3e lombaire avec déformation des 2e, 3e, lombaire (canal lombaire étroit). d’une sonde urinaire donnant un tableau vertèbres lombaires (flèches noires). 4e et 5e vertèbres lombaires. de lombalgie aiguë. La sonde est située au niveau abdominal (flèche mauve). facteurs intriqués, comme une De plus, cet examen permet également souffrent de cette pathologie. La immunodépression due à des traitements de déterminer les répercussions médul- localisation rachidienne demeure la plus ou des pathologies cancéreuses, un alcoo- laires de cette infection. fréquente (70 à 75 % des cas). Le plus lisme ou un diabète, peuvent également Enfin, si le clinicien souhaite effectuer souvent cette entité est à l’origine de conduire à cette problématique. des biopsies, il est important d’avoir un douleurs chroniques. Cependant, dans scanner du rachis lombaire. En effet certains cas la douleur est mécanique, Clinique, diagnostic et prise en charge cette imagerie va permettre de repérer et elle est aiguë du fait d’un conflit La douleur est le signe cardinal qui est toute zone suspecte, et donc par la suite disco-vertébral survenant à la suite observé dans 90 % des cas. Elle est per- d’avoir le geste le plus sûr sur le rachis. d’une activité mal adaptée pour le rachis. manente, souvent très intense, et sur- Le traitement repose sur une antibio- L’imagerie permet d’objectiver des défor- vient de manière brutale. La mobilisation thérapie qui doit être réalisée durant mations vertébrales avec des «becs de du rachis majore la douleur. En paral- deux à trois mois. perroquet», ou des déformations des lèle, il est important de rechercher des En parallèle, il est important d’immobi- disques intervertébraux (cliché 6). signes généraux comme une hyperther- liser le patient durant quelque temps Le traitement repose sur l’administration mie. Chez le patient ayant été opéré (maximum quatre semaines) avec un d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires. d’une hernie discale, toute cicatrice corset. Dans le cas d’une compression En parallèle, un programme d’économie ayant un caractère inflammatoire doit médullaire, il peut être nécessaire d’in- du dos doit être effectué. Il est égale- faire penser à ce diagnostic. tervenir chirurgicalement. ment important de miser sur la rééduca- On doit mettre en avant un syndrome tion qui permet d’améliorer un conflit à inflammatoire, mais il faut également L’arthrose rachidienne, fréquente chez l’origine d’une décompensation. rechercher l’origine de cette infection : les personnes âgées urinaire (ECBU), générale avec hémo- Parmi les autres étiologies responsables Le canal lombaire étroit, possible cultures si hyperthermie. L’imagerie est d’une lombalgie aiguë, citons tout responsable de douleurs au dos parfois peu contributive (retard de deux d’abord l’arthrose, une pathologie très Le canal lombaire étroit est une patho- à trois semaines). Cependant, il est pos- fréquente chez le sujet âgé. Près de logie fréquente qui concerne plus de sible d’objectiver une destruction des 65 % des patients de plus de 65 ans sont 1 cas pour 1.000 patients. Il découle le plateaux vertébraux sur la radiographie. concernés par cette pathologie. plus souvent d’une arthrose qui affecte Le scanner met en évidence l’abcès à L’incidence est de deux cas pour les articulaires postérieures. Ce phéno- l’origine de la symptomatologie (cliché 5). 1 000 adultes, et 10 millions de Français mène induit un rétrécissement du canal ESPF Septembre 2021 4
Santé / SSSM lombaire qui concerne généralement une amélioration clinique que dans l’origine est traumatique ou dégénérative plusieurs étages lombaires. 40 à 70 % des cas. (arthrose). Cependant, il ne faut pas Sur un plan clinique, on met en évidence sous-estimer la lombalgie aiguë du patient des douleurs qui sont fréquemment Les lombalgies aiguës… âgé qui peut être en rapport avec une chroniques (elles peuvent être aiguës qui n’en sont pas pathologie infectieuse ou néoplasique. en cas de mobilisation rachidienne Certaines pathologies peuvent faire pen- Aussi est-il important et nécessaire de inadaptée). En parallèle, le sujet décrit ser à une lombalgie aiguë, alors qu’il bien interroger le patient avant sa prise également des paresthésies (fourmis s’agit d’autres pathologies donnant en charge, afin d’avoir l’attitude la plus au niveau des cuisses) qui donnent des manifestations similaires. appropriée vis-à-vis d’une situation qui l’impression d’une paralysie imminente. L’identification de l’origine est un élé- peut sembler très simple. t Lorsque le sujet prend appui, il lui est ment important, et dans ce contexte la possible de noter une amélioration clinique et parfois l’imagerie sont utiles Bibliographie clinique. pour ne pas se tromper. 1. Mazières B., Laroche M., Constantin A., Le diagnostic repose sur l’imagerie qui Parmi ces différentes étiologies, nous Cantagrel A. Rhumatologie pour le praticien. Éd. Elsevier Masson, 2018. permet de mettre au jour des manifes- devons notamment penser à l’anévrisme 2. CNEG. Gériatrie: Réussir les ECNi. Éd. tations en rapport avec une arthrose de l’aorte abdominale, qui se traduit par- Elsevier Masson, 2014. (discopathie). Le scanner ou l’IRM fois par une lombalgie du fait d’une com- 3. COFER. Rhumatologie: Réussir les ECNi. donnent une idée très précise en ce qui pression neurologique qui peut faire Éd. Elsevier, 2018. concerne la réduction du canal rachi- penser à tort à une lombalgie aiguë, mais 4. Rozenberg S., Bray M.-G., Rosenberg C. dien, et une éventuelle compression qui également aux pathologies des voies uri- Lombalgie chronique du sujet âgé. Données en découle. naires, comme un calcul (le plus souvent épidémiologiques et cliniques. Revue du rhumatisme Monographies, 2011; 78 (1): 8-10. Le traitement repose sur l’utilisation il existe une douleur qui irradie vers 5. Trivalle C. Éléments de prévention du d’antalgiques et parfois d’anti-inflam- l’aine), ou une pathologie vésicale (réten- vieillissement pathologique. Éd. Elsevier matoires. Il est possible de réaliser des tion ou perforation vésicale) (cliché 8). Masson, 2016. infiltrations épidurales, mais les études 6. Rachialgies. Item 215. http://www.mede- effectuées sur ce sujet montrent que Bien interroger le patient cine.ups-tlse.fr/DCEM2/module13/2010/ l’efficacité n’est que relative (elle avant sa prise en charge M13_Item_215_Rachialgie.pdf. concerne moins de 50 % des cas). Intervenir chez des patients âgés pour une 7. Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Un traitement chirurgical est entrepris « lombalgie aiguë » reste donc assez vague Éd. Vivactis plus, 2018. 8. Genevay S. Spondylodiscite infectieuse: dès lors que le sujet présente un handi- quant à la nature réelle de la pathologie. le regard du rhumatologue. https://www. cap fonctionnel important. Cependant, Comme nous l’avons vu, de nombreux revmed.ch/RMS/2006/RMS-57/31153. ce traitement n’est pas toujours diagnostics peuvent en effet être associés 9. Mazières B. Le canal lombaire étroit. miraculeux car il ne permettra à cette symptomatologie. Le plus souvent, Rhumatos, 2015; 110 (12): 236-242. 5 Septembre 2021 ESPF
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