Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres

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Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
écrire et lire l’Enseignement catholique
                                                                                                                          / n°141 / septembre 2019

                                                                                                   rencontre

                                                                                                  Amélie
dossier
                                                                                                  NOTHOMB
Université d’été
Éducation
et neurosciences

Compétences transversales :
retour vers le futur
                                                                                                                                                       © stocklib

     entrées libres n°141 - septembre 2019 - mensuel - ne parait pas en juillet/aout - bureau de dépôt : 1099 Bruxelles X - n° d’agréation : P302221
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
sommaire

    éDITO                                                                         3
       • Gratuité : qui la financera ?

    Des soucis et des hommes                                                      4
       • Continuer à valoriser le qualifiant

    Entrez, c’est ouvert !                                                        5
       • De jeunes (futurs) chefs très prometteurs
       • Le climat à la loupe
       • Un projet créatif et (quasi) professionnel avec IKEA                                                                                            8
                                                                                            l’exposé du moi(s)
    l’exposé du moi(s)                                                            8
       • Amélie NOTHOMB                                                                    Amélie NOTHOMB
         On a tous un prof qui nous a sauvé la vie !
                                                                                            On a tous un prof qui nous a sauvé la vie !
    mais encore...                                                           10
       • Pénurie d’enseignants : en Flandre aussi !

    Dossier
       • Université d’été
         Éducation et neurosciences
         Une alliance au service des apprentissages ?

    outil                                                                    11
       • S’autoriser à penser différemment

    zoom	12
       • Un humanisme tourné vers la promotion
         de tout homme et de tout l’homme                                                   dossier
    avis de recherche                                                        14             Université d’été
       • Compétences transversales :                                                       Éducation et neurosciences
         retour vers le futur
                                                                                            Une alliance au service des apprentissages ?
    entrées livres                                                           16
       • A
          lbin Michel ■ Concours
       • A
          ffrontements armés
       • S
          olidarité

    service compris                                                          17
       •    P
             astorale scolaire : c’est reparti !
       •    P
             arution ■ Inter-internats
       •    Formation ■ Orientation
       •   Un jeu pour apprendre la gestion d’entreprise
       •    M
             usée Royal de l’Armée
       •    C
             inéastes en classe
                                                                                                                           14
    hume(o)ur                                                                20             AVIS DE RECHERCHE
       • L ’humeur de... Luc AERENS
                                                                                            Compétences transversales :
                                                                                            retour vers le futur

    entrées libres                              Secrétariat et abonnements            Gengoux GOMEZ                   Tarifs abonnements
                                                Nadine VAN DAMME (02 256 70 37)       Jennifer Henneuse               1 an : B
                                                                                                                              elgique : 16€ / Europe : 26€ / Monde : 30€
    Septembre 2019 / N°141 / 15e année                                                Thierry HULHOVEN
                                                nadine.vandamme@segec.be                                              2 ans : B elgique : 30€ / Europe : 50€ / Monde : 58€
    Périodique mensuel (sauf juillet et aout)                                         Anne LEBLANC
    ISSN 1782-4346                              Création graphique                                                    À verser sur le compte n°
                                                                                      Marie-Noëlle LOVENFOSSE         BE74 1910 5131 7107 du SeGEC
                                                PAF!                                  Bruno MATHELART
    entrées libres est la revue                                                                                       avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles
    de l’Enseignement catholique                Mise en page et illustrations         Luc MICHIELS                    avec la mention « entrées libres »
                                                Anne HOOGSTOEL                        Christophe Mouraux
    en Communautés francophone
                                                                                      Elise PELTIER                   Les articles paraissent sous la responsabilité de
    et germanophone de Belgique.                Membres du comité de rédaction        Guy SELDERSLAGH                 leurs auteurs. Les titres, intertitres et chapeaux
                                                Charline CARIAUX                      Stéphane VANOIRBECK             sont de la rédaction.
    www.entrees-libres.be                       Frédéric COCHÉ
    redaction@entrees-libres.be                 Vinciane DE KEYSER                    Publicité
    Rédacteur en chef et éditeur responsable    Alain DESMONS                         02 256 70 30
                                                Hélène GENEVROIS
    Conrad van de WERVE (02 256 70 30)          Brigitte GERARD                       Impression
    avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles      Fabrice GLOGOWSKI                     IPM Printing SA Ganshoren

2     entrées libres | n°141 - septembre 2019
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
Édito
   Gratuité : qui la financera ?

                      La fin de l’été a vu un de ses rituels traditionnels bien respecté :
                      dans sa communication de rentrée, la Ligue des familles a pré-
                      senté son attente de voir le principe de gratuité de l’enseignement
                      mieux assuré ; en effet, même si les frais réclamés aux parents sont
        généralement limités et calculés « au plus juste », certains couts associés à la vie
        scolaire et parascolaire peuvent parfois s’avérer significatifs. On pense en par-
        ticulier à certains voyages scolaires, aux repas de midi ou à l’encadrement des
        enfants avant ou après l’école et durant le temps de midi, voire aux manuels et
        outils scolaires.
        Toutes ces dépenses doivent-elles être mises à charge des budgets des écoles ? C’est un
        débat de politique publique, et si le législateur souhaitait évoluer dans cette direction,
        il devrait en assurer le financement. Le moins que l’on puisse écrire est que c’est loin
        d’être le cas actuellement. Un progrès est toutefois intervenu en cette rentrée 2019 :
        les écoles percevront cette année une subvention de 60 EUR par élève pour assurer
        une plus grande gratuité aux élèves de première maternelle et aux élèves des mater-
        nelles spécialisées. Les deux prochaines années verront cette disposition s’étendre aux
        deuxièmes et troisièmes maternelles.
        Sera-t-il à l’avenir possible d’aller plus loin ? Rien ne permet à ce stade de le penser,
        même si le Pacte pour un enseignement d’excellence a posé un principe : « Le degré
        d’ambition qu’on se donne en matière de gratuité est indissociable de la question des mo-
        dalités de financement des écoles en fonction de la spécificité des réseaux dans le respect
        du prescrit constitutionnel ». En clair, il n’y aura pas de plus grande gratuité possible sans
        une application plus effective du principe d’égalité de traitement dans le financement
        des écoles. Actuellement, en effet, les élèves de l’enseignement subventionné promé-
        ritent des subventions de fonctionnement deux fois moins élevées que les dotations
        que la Fédération Wallonie-Bruxelles octroie aux écoles dont elle est le Pouvoir organi-
        sateur (réseau WBE).
        On se souviendra que lors des accords de la Saint-Boniface, un décret avait planifié
        une évolution des subventions pour les porter progressivement à 75% des dotations du
        réseau WBE. La période transitoire pour la mise en œuvre de cet engagement a toutefois
        été reportée, et récemment, a même été prolongée de… vingt années supplémentaires.
        La perspective de voir respecté l’engagement initialement programmé pour 2011 est
        donc portée, au plus tôt, à l’année 2039, ce qui doit évidemment être interprété comme
        un refus d’appliquer l’accord dans un délai raisonnable. C’est pourquoi, le Conseil
        d’administration du SeGEC a décidé, le 23 aout dernier, de saisir la Cour constitution-
        nelle en vue, nous l’espérons, de rétablir un droit plus conforme au principe constitu-
        tionnel d’égalité. ■

                                                                                    étienne MICHEL
                                                                            Directeur général du Segec
                                                                                   13 septembre 2019

                                                                  entrées libres | n°141 - septembre 2019   3
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
des soucis et des hommes

    Continuer à valoriser le qualifiant
                                                                                                                                     Brigitte GERARD

    Thierry CASTAGNE a succédé à Luc WILLAME en tant que Président de la Fonda-
    tion pour l’Enseignement1. Son credo ? Poursuivre l’objectif de la Fondation en
    favorisant les liens entre le monde professionnel et l’enseignement, comme il
    l’a toujours fait au cours de sa carrière.

    Quel a été votre parcours ?                      Le Pacte doit être mis en œuvre avec
    Thierry CASTAGNE : J’ai commencé ma              rationalité et continuité au-delà des lé-
    carrière à Fabrimétal, devenu Agoria, la         gislatures. La Fondation joue un rôle de
    fédération d’entreprises qui représente          facilitateur, de stabilisateur sur des dos-
    les secteurs de la technologie et de l’in-       siers aux enjeux plus larges que l’école, et
    dustrie. Pendant dix ans, j’y ai été en          cela au-delà des soubresauts institution-
    charge des questions d’emploi, de forma-         nels et politiques. Elle a, par ailleurs, mis
    tion et d’enseignement. J’ai ensuite passé       en place des actions de terrain, comme
    dix ans à la Direction provinciale d’Ago-        « Entr’apprendre », qui permet aux ensei-
    ria du Hainaut, de Namur et du Brabant           gnants de faire des stages en entreprise
    wallon, avant de reprendre en 2010 la            ou les rentrées numériques, projet-pilote
    Direction générale pour la Wallonie.             lancé en collaboration avec l’association
                                                     Educ’IT, qui vise à soutenir une approche       budgétaire soutenable. Il y a beaucoup
    J’ai quitté Agoria le 1er janvier dernier
                                                     technopédagogique à l’école. Le numé-           d’ambition et d’attente, mais il reste la
    pour devenir administrateur-délégué de
                                                     rique bouscule notre vie, et cette dimen-       question des moyens. La réforme de la for-
    Technifutur, centre de compétences pour
                                                     sion doit se trouver naturellement au           mation initiale des enseignants va, en effet,
    la Wallonie et Bruxelles, qui développe
                                                     cœur de l’enseignement.                         conduire à une augmentation de la masse
    des activités de formation et de sensibili-
                                                                                                     salariale des futurs enseignants. Les ex-
    sation touchant 20 000 personnes par an.         Deux autres facettes importantes de
                                                                                                     perts montrent qu’on en sera à potentielle-
    J’ai aussi été actif dans de nombreux            notre travail me motivent particuliè-
                                                                                                     ment plusieurs centaines de millions EUR
    PO, conseils d’administration, comités           rement : l’enseignement qualifiant et
                                                                                                     d’augmentation d’ici quelques années.
    d’orientation, surtout au niveau des             tout ce qui concerne l’orientation sco-
                                                                                                     Pour la Fondation, les autorités devraient
    Hautes Écoles et universités, et dans les        laire et professionnelle. Comment faire
                                                                                                     réaliser un audit de l’impact budgétaire
    Instances Bassins. Je me suis toujours           en sorte que cette orientation positive
                                                                                                     que cela va représenter et s’accorder sur
    fortement impliqué dans le monde de              tienne compte de l’évolution des mé-
                                                                                                     une trajectoire soutenable globale.
    l’enseignement et au niveau des liens en-        tiers en pénurie et du marché du travail
    seignement-entreprise. J’ai aussi toujours       en répondant notamment aux défis de
                                                                                                     Quelle perspective pour l’avenir
    combiné implication au plus haut niveau          la transition numérique et des métiers
                                                                                                     de la Fondation ?
    et actions de terrain. C’est un peu le sens      en pénurie ? Comment le monde autour
                                                     de l’école (associations, secteurs, entre-      ThC : Il y a un héritage précieux à culti-
    de mon engagement dans la Fondation
                                                     prises, etc.) peut-il apporter un soutien       ver et à développer. L’idée est de faire en
    pour l’Enseignement, qui émet des pro-
                                                     aux pédagogues qui ont la charge d’édu-         sorte que la Fondation soit davantage
    positions et recommandations mais met
                                                     quer et d’orienter ? C’est une priorité qui     reconnue, visible, active dans des do-
    également en place des actions de terrain.
                                                     sera certainement renforcée à l’avenir          maines impactant la relation écoles-en-
    La Fondation fête cette année                    par la Fondation. Quant à l’enseigne-           treprises, qu’elle soit un interlocuteur à
    ses 5 ans d’existence. Quel bilan                ment qualifiant, il est au cœur de la rela-     part entière tant au niveau de sa mission
    tirez-vous de son action ?                       tion entre le monde de l’entreprise et les      de proposition, de recommandation que
                                                     écoles, et nous devons continuer à nous         des actions menées sur le terrain. L’enga-
    ThC : C’est un lieu unique, qui rassemble
                                                     investir pour le valoriser.                     gement et l’enthousiasme des membres
    les patrons de l’enseignement et ceux
                                                                                                     fondateurs sont en tout cas intacts, ce
    du monde de l’entreprise. La Fondation
                                                     Que faut-il retenir du mémorandum               qui m’encourage à réaliser un nouveau
    accompagne la mise en place du Pacte
                                                     que la Fondation a publié à l’occa-             plan stratégique. ■
    pour un enseignement d’excellence, non
    pas dans une perspective politique mais          sion des dernières élections ?
    en restant à l’écoute et en soutien des ac-      ThC : Que nous souhaitons garder le cap         1. La Fondation pour l’Enseignement réunit toutes les
                                                                                                     fédérations de Pouvoirs organisateurs de l’enseigne-
    teurs, au-delà d’ailleurs des employeurs de      en ce qui concerne le Pacte pour un en-         ment obligatoire en FWB et les fédérations d’entreprises
    l’école et de l’entreprise qu’elle représente.   seignement d’excellence, dans un cadre          wallonne et bruxelloise.

4    entrées libres | n°141 - septembre 2019
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
entrez, c’est ouvert !

 De jeunes ( futurs) chefs
très prometteurs                                                                                           Interview : Conrad van de WERVE
                                                                                                           Texte : Marie-Noëlle LOVENFOSSE

Les verra-t-on un jour en finale de Top Chef ? Possible… Ce qu’on leur souhaite en tout cas, c’est de devenir des profes-
sionnels heureux et fiers de leur savoir-faire. Et ça a l’air bien parti pour ces élèves de 6e année « Restaurateur » de l’École
hôtelière Notre-Dame de Heusy 1, dont le projet vient d’être primé lors du récent Prix Reine Paola pour l’Enseignement.

                                                                                                      notamment cuisiner un menu trois ser-
                                                                                                      vices qu’ils ont eux-mêmes créé, précise M.
                                                                                                      REMACLE. L’obtention de ce certificat est
                                                                                                      l’élément crucial d’une formation qualifiante.
                                                                                                      C’est l’aboutissement de quatre années de
                                                                                                      formation. L’élève va devenir un profession-
                                                                                                      nel et se lancer dans la vie active. »
                                                                                                      Ce projet a amené les élèves à devenir véri-
                                                                                                      tablement acteurs de leurs apprentissages
                                                                                                      et à s’approprier le processus d’obtention
                                                                                                      du certificat, dont les dimensions sont à
                                                                                                      la fois créatives, techniques et humaines.
                                                                                                      « Ils ont choisi de travailler des produits du
                                                                                                      terroir. Ils sont allés à la rencontre des pro-
                                                                                                      ducteurs sur le terrain. Chacun a sélectionné
                                                                                                      un produit et un exploitant et a créé sa re-
                                                                                                      cette, sélectionnée après plusieurs essais,
                                                                                                      jusqu’à satisfaire leur envie d’excellence et de
                                                                                                      respect du produit et du producteur. »
                                                                                                      La réalisation d’un livre de recettes origi-
                                                                                                      nales a été l’occasion de dépasser le cadre
                                                                                                      de l’épreuve scolaire par le biais d’une ini-
                                                                                                      tiative qui a réellement motivé les jeunes.
                                                                                                      La préface a été écrite par un chef étoilé,
                Premier lauréat pour la Fé-        de qualification ? « Nous avons bénéficié de       Philippe FAUCHET, régulièrement membre
                dération Wallonie-Bruxelles,       l’aide de la section « Graphisme » de l’Institut   du jury des épreuves organisées dans l’école.
                c’est une réelle fierté pour       Saint-Luc à Liège pour réaliser une présen-
                                                                                                      « La reconnaissance du monde profession-
                notre école, ses élèves, ses       tation particulièrement soignée, résume M.         nel est très importante dans l’enseignement
professeurs, ses cheffes d’atelier et son direc-   REMACLE. J’ai également contacté des ensei-        qualifiant, souligne M. REMACLE. Ce pre-
teur !, s’exclame Marianne REMACLE, en-            gnants de la section « Transition » de l’école     mier prix est une belle valorisation d’une fi-
seignante porteuse du projet, à l’occasion         en néerlandais, anglais et allemand pour           lière réellement porteuse. Notre projet d’éta-
de la remise du prix. Les élèves de 6e année       traduire les recettes des élèves dans les trois    blissement, c’est : ensemble, une étoile pour
« Restaurateur » obtiennent, en fin de par-        langues et les rendre accessibles via des QR       chacun. Nous sommes tous différents, mais
cours, leur certificat de qualification. Face au   codes. Cela a pris un an pour tout coordon-        il est important que chaque élève trouve sa
défi que cela représente, nous avions envie de     ner et aboutir au livre présenté aujourd’hui. »    place. L’un aura une grande facilité à créer sa
les motiver un peu différemment et de trouver      C’est l’ensemble du projet, intitulé « De          recette, un autre à la rédiger, un troisième à
une façon de faire qui sorte de l’ordinaire. »     nous à vous, du terroir à l’assiette, suivez nos   la réaliser, à l’aménager sur l’assiette. Un réel
Et pourquoi pas demander à ces futurs pro-         jeunes chefs », qui vient d’être primé.            esprit d’équipe est indispensable. Les élèves
fessionnels des fourneaux de réaliser une                                                             se sont tous entraidés et sont très fiers de leur
recette originale en partant d’un produit à        Produits du terroir                                travail commun. Ils ont vécu une expérience
transformer, avec la participation de pro-         « Notre objectif, en lançant le projet, n’était    humaine particulièrement riche ! » ■
ducteurs locaux, et regrouper ensuite ces          pas du tout qu’il gagne un prix, mais bien
idées dans un livre, tout cela sans rien ou-       d’aider les jeunes à réussir leur certificat de
blier des exigences du schéma de passation         qualification, à l’occasion duquel ils doivent     1. http://secondaire.notredameheusy.net/

                                                                                                               entrées libres | n°141 - septembre 2019    5
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
entrez, c’est ouvert !

    Le climat à la loupe                                                                                                               Brigitte GERARD

    Le changement climatique, c’est LE sujet qui est omniprésent aujourd’hui dans les médias. De quoi interpeler, inquiéter
    et questionner les élèves de 5e primaire de la Petite École de Gentinnes1, qui ont choisi l’an dernier de travailler sur ce
    thème en classe, en partenariat avec une école de Kinshasa.

                  Ce sont les élèves qui ont choisi    sur la déforestation, avec comme projet            Après la marche, ils ont tous exprimé leur
                  le sujet qui les occuperait tout     concret de planter des arbres, les élèves de       fierté, leur bonheur d’y avoir été. »
                  au long de l’année, explique         Gentinnes ont décidé d’inviter quatre in-          Le projet a ainsi duré toute l’année dernière,
    Alix MEURON, institutrice en 5e primaire.          tervenants en classe pour les interviewer.         jusqu’à l’apothéose, le 2 mai, jour de l’émis-
    En septembre, ils ont lu un tas de journaux et     Jean-Marie THIRY, conseiller communal              sion radio à Louvain-la-Neuve, sur LN Fm.
    ont opté pour la question du climat. »             Écolo à Chastre, est venu expliquer ce que         Les élèves y ont donné la parole aux enfants
    L’idée était de participer au projet « Le Son      la commune met en œuvre en matière                 de Kinshasa, qui leur ont raconté leur mode
    d’Enfants », porté par l’asbl Geomoun2, dont       d’environnement. Michel ERPICUM, cli-              de vie, et à leurs invités. « Pendant plus d’une
    l’objectif est de cultiver l’esprit critique des   matologue fraichement retraité de l’ULg, a         semaine, la classe a travaillé par groupes sur
    enfants, leur optimisme et leur volonté            éclairci les choses à propos du changement         la présentation de l’émission. Ils ont ainsi
    d’agir en leur permettant de préparer une          climatique. Alain HUBERT s’est exprimé sur         parlé de notre partenariat avec les élèves de
    émission radio, en partenariat avec une            la fonte des glaciers et le rôle de la Station     Kinshasa, de nos différentes rencontres et de
    école du Sud. Ici, le choix s’est porté sur une    Reine Elisabeth en Antarctique. Et, dernier        la marche pour le climat, en diffusant aussi
    école primaire de Kinshasa, La Colombe.            invité, Tanguy DUMORTIER, présentateur             bien du direct que des sons enregistrés. Les
    « Le but de « Le Son d’Enfants » est de leur       du « Jardin extraordinaire », ne s’est pas         enfants se sont relayés dans le studio et ont
    donner une voix, de montrer qu’ils peuvent         fait prier pour raconter ce qu’il savait sur       animé quasiment toute l’émission. »
    prendre des décisions, donner leur avis,           les animaux en voie de disparition et sur          Ils sont à présent incollables sur le réchauf-
    mener des actions eux-mêmes. »                     ce que l’on peut faire pour les sauver. « Les      fement climatique et ont découvert le quo-
    Et la classe a mêlé ce projet à la CNV, Com-       enfants avaient chaque fois préparé tout un        tidien et la culture de leurs camarades afri-
    munication Naturelle et Vivante, mise en           questionnaire, et cela s’est très bien passé ! »   cains. « À l’école, les enfants ont l’habitude de
    œuvre à l’école depuis longtemps. Son prin-                                                           travailler par projets, de s’exprimer. Ici, c’était
    cipe ? Exprimer un sentiment, parler en-           Objectif radio                                     très riche. Ils ont dû écrire, poser des ques-
    suite d’un besoin et, enfin, faire une propo-      Les élèves ont également voulu se bou-             tions, s’exprimer oralement, recevoir des invi-
    sition. « Mes élèves ont choisi le climat, parce   ger concrètement. En pleine vague des              tés. Ceux-ci ont d’ailleurs été ravis et impres-
    que ça les inquiétait. Leur besoin était d’être    marches pour le climat, cela allait de soi :       sionnés par la pertinence de leurs propos ! » ■
    rassurés et de savoir qu’ils pouvaient agir, en    ils ont souhaité y participer. « Les enfants
    tant qu’enfants. Leur proposition étant de         ont confectionné des affiches, imaginé des
    réfléchir sur ce thème à l’école. »                slogans et sont allés marcher à Bruxelles. Ils     1. www.petiteecole.be
    Si, de son côté, La Colombe a travaillé            étaient les plus jeunes, mais les plus motivés !   2. www.geomoun.org

6    entrées libres | n°141 - septembre 2019
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
entrez, c’est ouvert !

     Un projet créatif
      et (quasi) professionnel
      avec IKEA                                                                                                          Marie-Noëlle LOVENFOSSE

     Quelle habitation ne compte pas aujourd’hui, dans nos contrées, un fauteuil, une lampe, un vase ou au moins un mug de
     ce géant de l’ameublement et de la déco qu’est IKEA ? Alors, quand cette enseigne mondialement connue vous propose
     de plancher, avec vos élèves, sur un projet mettant en avant savoir-faire, originalité et compétences artistiques, sans
     parler d’une visibilité inespérée, comment refuser l’offre ?

    C’
               est avec beaucoup d’enthousiasme         5e Arts et les 5e Publicité, ainsi qu’avec le      charges particulièrement « béton ». « La
               que Mélanie van der MEER, en-            Centre de technologie avancée présent              firme a l’habitude de collaborer avec des
               seignante en Histoire de l’art et        dans l’école, qui dispose d’un matériel de         designers internationaux et les critères, ain-
     Histoire et Pascale LORÉA, enseignante en          pointe (imprimantes 3D, machines à dé-             si que les échéances à respecter, sont stricts.
     Arts plastiques à l’Institut Marie-Thérèse         coupe). « Cela fait partie de notre ADN de         Un tel projet demande énormément de temps
     à Liège1, ont retenu la proposition d’IKEA,        travailler ensemble par projets, souligne M.       et d’investissement, d’autant plus que l’école
     qui souhaitait confier à des jeunes d’une          van der MEER. Dans ce cas-ci, les élèves           a un rythme différent de celui du monde de
     école artistique la mission de personnaliser       étant particulièrement emballés à l’idée de        l’entreprise. Pour nos jeunes, c’était une réelle
     et customiser une série d’objets basiques          voir leurs réalisations exposées plusieurs         occasion de se confronter aux réalités profes-
     proposés dans ses rayons. « L’objectif était       semaines dans le magasin IKEA d’Hognoul.           sionnelles », insiste P. LORÉA.
     de viser plus particulièrement la clientèle des    Elles ont été mises en valeur par une très         Mais l’apport le plus important de ce type
     15-25 ans avec de nouveaux produits, ex-           belle scénographie. Nos jeunes ont reçu énor-      de collaboration est sans doute la valori-
     pliquent les deux collègues. De notre côté,        mément de compliments de la part du ma-            sation de l’enseignement technique, du
     nous souhaitions accentuer la visibilité du        gasin et des clients (appelés à voter pour leur    geste, d’un secteur encore trop méconnu.
     secteur Arts de notre école, dont on connait gé-   objet coup de cœur), et les médias se sont         « Beaucoup d’élèves arrivent chez nous au
     néralement assez peu le dynamisme et le tra-       également intéressés à l’initiative. De quoi les   3e degré suite à un parcours scolaire difficile
     vail, concrétisés dans de nombreux projets. »                                                         marqué par des réorientations successives
                                                        rendre très fiers ! »
                                                                                                           qu’ils ont mal vécues, constatent les deux
     Les élèves de la quasi-totalité des sections
     artistiques de l’IMT ont eu l’occasion de          Trouver sa voie et s’épanouir                      enseignantes. Nous faisons le maximum,
                                                                                                           par le biais de projets favorisant l’accrochage
     personnaliser un objet fourni par la firme,        De décembre 2018 à avril 2019, les élèves,
                                                                                                           scolaire, pour les aider à prendre conscience
     en alternant travail individuel et en équipe.      tout en poursuivant la finalisation de pro-
                                                                                                           de ce que peut leur apporter ce type d’ensei-
     Les 5e Arts plastiques ont notamment pu            jets individuels avec différents professeurs,
                                                                                                           gnement, qui offre de réels débouchés profes-
     travailler en collaboration étroite avec les       ont consacré une bonne partie de leur
                                                                                                           sionnels. Le secteur artistique, chez nous, est
                                                                                         énergie à         extrêmement dynamique. Nous avons de très
                                                                                          mener à          nombreuses options (arts, architecture, arts
                                                                                          bien       le    plastiques, publicité, infographie, en transi-
                                                                                           travail en      tion, qualification et/ou en professionnelle).
                                                                                            lien avec      Les jeunes retrouvent confiance en eux et
                                                                                             IKEA, en      sont valorisés par un processus créatif qui
                                                                                              respec-      les aide à (re)trouver leur identité. Des pa-
                                                                                               tant un     rents viennent régulièrement nous remercier
                                                                                                cahier     d’avoir permis à leur enfant de trouver sa
                                                                                                d e s      voie et de s’épanouir. » ■

                                                                                                           1. www.imt-liege.be

                                                                                                               Un projet à faire connaitre ?
                                                                                                               redaction@entrees-libres.be

Projet des 5e Arts sur les gourdes
                                                                                                                    entrées libres | n°141 - septembre 2019    7
Dessin nature numérisé puis imprimé et découpe sur vinyle
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
l’exposé du moi(s)

                                                                                              Amélie NOTHOMB
                                                                                                On a tous
                                                                                              un prof qui nous
                                                                                                a sauvé la vie !
                                                                                                                         Interview et texte : Marie-Noëlle LOVENFOSSE

                                                                                  Que n’a-t-on pas déjà écrit à propos d’Amélie NOTHOMB ? Son 27e roman
Photo : Giuseppina MINISTRU

                                                                                  vient de sortir, mais elle témoigne en avoir écrit plus de nonante, dont la
                                                                                  plupart disparaitront avec elle. On la dit fantasque, chaleureuse ou complè-
                                                                                  tement allumée. Très présente dans les médias, elle ne refuse aucune ques-
                                                                                  tion et donne à voir et entendre ce qu’elle est sans faux-semblants1. À moins
                                                                                  que ce ne soit sa manière, à la fois polie, cash et pleine d’humour, de cacher
                                                                                  l’essentiel pour mieux se dérober… Allez savoir, avec elle !

                                  Votre parcours scolaire a été                  énormément apporté ! Très vite, j’ai com-        qu’il n’allait jamais rien m’arriver. C’est
                                  quelque peu chaotique ou, pour                 pris. Je me suis dit : « Bon, ben voilà, c’est   très difficile d’être jeune. En plus, ça fait
                                  le moins, atypique, puisqu’il s’est            ça être l’Autre ! » Et par la suite, chaque      l’effet de durer longtemps. On a l’impres-
                                  déroulé dans différents pays. Qu’en            fois que j’étais scolarisée dans un autre        sion qu’on ne va jamais s’en sortir. C’est
                                  retenez-vous ? Vous en reste-t-il              pays que le mien, j’étais l’étrangère. Être      inextricable. Et il y a des tas d’adultes qui
                                  une image précise, ou le voyez-vous            tout le temps dans cette position d’étran-       vous annoncent : « Vous allez voir, c’est
                                  plutôt comme un véritable puzzle ?             ger est une situation extrêmement enri-          affreux ! Un avenir terrible vous attend ! »
                                  Amélie NOTHOMB : C’est vraiment écla-          chissante. Ce n’est pas facile. Ça oblige à      On nous disait la même chose. On avait
                                  té comme un puzzle. J’ai fait beaucoup de      se construire autrement, à tenir énormé-         raison, mais pas que… C’est vrai que ça a
                                  choses dans le système français et dans le     ment compte du regard de l’autre. C’est          été dur, mais beaucoup d’entre nous ont
                                  système belge, et j’en ai tiré la conclusion   très intéressant.                                survécu et sont convaincus que ça valait
                                  que finalement, ce n’était pas mal d’être                                                       la peine. Je me souviens qu’à l’époque,
                                  Belge ! On sait que les enfants ne sont pas    Qu’auriez-vous envie de dire à ces               j’aurais tellement aimé que quelqu’un
                                  toujours très sympas entre eux. En tant        jeunes qui sont venus vous entendre ?
                                                                                                                                  vienne me dire : « Tu sais, en fait, c’est très
                                  que Belge, on ne parle pas de la même fa-      AN : D’abord, j’ai envie de leur dire que        supportable et on peut s’en sortir ! »
                                  çon que les Français, on n’a pas les mêmes     je me souviens combien c’est dur d’être
                                  chiffres, on a un accent, on n’emploie pas     jeune ! Vous m’auriez rencontrée quand           Et à ceux qui auraient peut-être
                                  les mêmes mots, donc forcément, on s’en        j’avais 17 ans, vous n’auriez pas misé un        l’ambition de devenir écrivain, quel
                                  prend plein la gueule… Eh bien, ça m’a         demi-centime sur moi. J’étais convaincue         conseil pourriez-vous donner ?

                              8    entrées libres | n°141 - septembre 2019
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
l’exposé du moi(s)

Avant tout, travaillez ? Écrivez                  Vous insistez aussi sur l’importance
beaucoup ?                                        d’entretenir, d’exercer l’inspiration…                        Enseignante,
AN : Surtout : « Lisez, lisez, lisez ! » Je       AN : L’inspiration, c’est comme l’amour :                     j’aurais eu peur
pense qu’on n’est pas écrivain si on n’est        le jour où vous l’avez trouvée, vous ne la                    de la tentation
pas d’abord lecteur. Ça parait une évi-           lâchez plus ! Tout le monde peut trouver
                                                                                                                d’assassiner
dence, mais ce n’en est pas une du tout.          l’inspiration un jour. Il y a un moment où,
Vous n’imaginez pas le nombre de gens             tout à coup, ça vous rencontre, vous êtes                     un élève !
que j’ai rencontrés et qui m’ont dit : « Ah       possédé par quelque chose qui vous dé-
non non, je n’aime pas lire, en fait ! » Dans     passe, une énergie formidable. Le jour où
ce cas-là, je suis formelle : arrêtez tout                                                         temps, j’aurais attendu les moments
                                                  ça m’est arrivé, j’ai eu une heureuse intui-
de suite ! Comment voulez-vous être                                                                – car ces moments se produisent forcé-
                                                  tion : consciente que je n’étais pas grand-
possédé par l’écriture si vous n’avez pas                                                          ment – où on sent qu’un élève est en train
                                                  chose, je me suis dit : « Ma vieille, ne lâche
déjà été possédé par la lecture ? Ce sont                                                          de se dépasser, et où on a vraiment envie
                                                  pas ce truc, parce que si tu le lâches, ça ne
deux actes qui se ressemblent tellement !                                                          de lui dire : « Bravo ! Je t’aime, tu es formi-
                                                  reviendra plus ! » Et pour la garder, il faut
Je ne parle pas du livre qui vous tombe                                                            dable ! » Et ces moments-là, je les aurais
                                                  écrire absolument tous les jours, même
des mains, mais de celui qui est fait pour        si on n’est pas au sommet de soi-même.           guettés. Donc, j’aurais été tour à tour un
vous, qui vous prend et vous met en état          J’ai tellement conscience que ce qui m’est       professeur parfaitement timoré (Mr Hyde
de feu sacré. On espère pour vous que             arrivé est une grâce qui pourrait très bien      cachant son désir d’assassinat sous une
quand vous écrirez un livre, vous serez           me quitter que jamais je n’aurais la folie       attitude complètement coincée), puis un
dans le même état.                                de le laisser partir !                           professeur tout à coup extatique, portant
Tout commence par l’amour de la lecture,                                                           aux nues certains élèves.
qui n’est pas une condition suffisante,           Vos études supérieures auraient
mais qui est absolument indispensable.            pu vous conduire à devenir ensei-                Croyez-vous au caractère prédictif
Quant à savoir si on a le don… Je ne              gnante. Le destin, et surtout vous-              de l’écriture ? Plusieurs écrivains
                                                  même, en avez décidé autrement.                  ont déjà évoqué le fait qu’il leur
crois pas beaucoup au don. J’aime énor-
                                                  Quelle enseignante auriez-vous                   est arrivé ce qu’ils avaient écrit,
mément la formule de Jacques BREL,
                                                  pu être ? Vous dites que les mots                parfois des évènements très
« Le talent, ça n’existe pas ; le talent, c’est
                                                  peuvent sauver autant que tuer.                  négatifs, d’ailleurs…
d’avoir envie. » C’est tellement vrai ! Ce
qu’on appelle « talent », c’est seulement         Dans la bouche d’un prof, les mots               AN : Ça, c’est vrai. Quand on écrit au de-
l’ampleur de votre désir. Si vous avez vrai-      n’ont-ils pas une importance toute               gré absolument profond qui doit être
ment un désir d’écrire phénoménal, vous           particulière ?                                   celui de l’écriture, tout ce qu’on écrit est
finirez bien par avoir du talent. Donc, li-       AN : Mon Dieu, oui ! Je me souviens du           prophétique. C’est, en effet, effrayant ! Et
sez beaucoup ! Écrivez beaucoup ! C’est           rôle que certains professeurs ont eu dans        en même temps, il ne faut pas avoir peur,
très difficile, vous allez en prendre plein       ma vie. Nous avons tous eu un prof qui           même quand on écrit la mort. Dans mes
la gueule, mais il ne faut pas avoir peur         nous a assassiné, et nous avons tous eu          livres, je me suis déjà tuée trois fois ! Il y a
de cela. Je suis la preuve que c’est pos-         un prof qui nous a sauvé la vie… Je ne fais      déjà eu trois morts d’Amélie NOTHOMB,
sible. Voilà un bon conseil pratique que je       pas exception. Plus d’un prof m’ont as-          et pourtant, je suis toujours là… C’est vrai,
peux donner : ne soyez pas susceptible !          sassinée, et au moins un m’a sauvé la vie !      oui, c’est dangereux, mais on ressuscite ! ■
Si vous êtes susceptible, vous vous met-          Je crois que j’aurais été une enseignante
trez à l’abri de toutes les bonnes leçons         timorée, consciente de ce risque, vivant         Nous présentons le dernier roman
que vous pourriez apprendre.                      dans la peur d’assassiner quelqu’un. La          d’Amélie NOTHOMB, Soif, à la rubrique
                                                  peur n’exclut pas la tentation. J’imagine        « entrées livres » de ce numéro.
… Et cultivez l’autodérision ?                    qu’un professeur a régulièrement la ten-         Tentez de remporter un exemplaire
AN : Voilà. Et là aussi, être Belge peut          tation d’assassiner un élève ! J’aurais eu       en participant au concours livre de
beaucoup apporter !                               peur de cette tentation… Et en même              ce mois, en page 16 !

                                                                                                   1. Merci à Gabriel RINGLET, grâce à qui cette rencontre
                                                                                                   a pu avoir lieu, en mai dernier, après son interview pu-
                                                                                                   blique d’Amélie NOTHOMB dans le cadre du Prix Ringlet
                                                                                                   récompensant des rhétoriciens du Collège Sainte-Croix et
                                                                                                   Notre-Dame d’Hannut pour leur travail littéraire.

                                                                                                             entrées libres | n°141 - septembre 2019          9
Éducation et neurosciences - Université d'été dossier - Entrées Libres
mais
                       rubrique
                           encore...

     Pénurie d’enseignants
                                                   En Flandre aussi !
                                                                                                           Interview : Conrad van de WERVE
                                                                                                                     Texte : Brigitte GERARD

           La presse en a parlé. Nous y              23/08/2019
               revenons. À partir d’une                             À l’image de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Flandre n’est
       information ou d’un évènement                                pas épargnée par une pénurie de professeurs. Tel est le constat
                                                     de l’ensemble des Pouvoirs organisateurs flamands lors de cette rentrée
        récent, entrées libres interroge
                                                     scolaire, des postes vacants dans plusieurs écoles risquant, en effet, de ne
           une personnalité, du monde                pas être pourvus. Pour lutter contre ce phénomène, les Pouvoirs organisateurs
                       scolaire ou non.              demandent au gouvernement flamand de réagir.

     Et vous, qu’en dites-vous ?
                                                     d’hétérogénéité, trop grandes classes, des       d’allongement de la carrière ? Il s’agit de
                                                     parents qui ne font plus confiance au pro-       travailler sur la formation, sur les oppor-
                                                     cessus pédagogique… La mauvaise image            tunités de professionnalisation et l’inno-
                                                     du métier dans la société ne motive pas          vation de la fonction. Les enseignants se
                                                     d’éventuels nouveaux candidats. Il y a, dès      plaignent, en effet, souvent du fait que leur
                                                     lors, une baisse des inscriptions dans les       travail n’évolue pas beaucoup. Autre piste :
                                                                            écoles supérieures        permettre à des masters d’enseigner en pri-
                                  Lieven BOEVE, Directeur général de qui forment les en-              maire s’ils le souhaitent. Pour le moment,
                                  Katholiek Onderwijs Vlaanderen,           seignants. Et puis,       seuls les bacheliers peuvent donner cours à
                                  réseau des écoles de l’enseigne-         il y a de plus en plus
     © BELGA

                                                                                                      tous les niveaux. Les masters sont canton-
                                  ment catholique flamand                  d’élèves en primaire,      nés au 3e degré du secondaire. Si un master
                                                                          et on prévoit encore        veut enseigner dans une école primaire,
                                                     une augmentation de 50 000 élèves en se-         pourquoi ne pas le lui permettre ? Il faut,
                                                     condaire ces prochaines années ! On a donc
                                                                                                      par ailleurs, que les personnes qui veulent
                       La pénurie, dans l’ensei-     besoin de bien davantage de professeurs.
                                                                                                      entrer dans le monde de l’éducation aient
                       gnement flamand, tou-         En outre, de nombreux enseignants partent
                       chait auparavant surtout                                                       l’opportunité de le faire, en facilitant le pas-
                                                     à la retraite. Et, autre raison, peut-être la
     les professeurs de français, de maths,                                                           sage du privé à l’enseignement. Il faudrait
                                                     plus importante, l’économie étant plutôt
     parfois de sciences et aussi de cours tech-                                                      alors qu’elles puissent valoriser leur an-
                                                     florissante, de nombreux professeurs ont
     niques, mais elle devrait s’étendre à l’ave-                                                     cienneté et combiner carrière et formation.
                                                     l’opportunité de travailler dans d’autres
     nir à tous les postes d’enseignants, de         secteurs. Ce sont en général des personnes       Comme du côté francophone, nous connais-
     primaire et de secondaire. Nous avons           qui ont de bonnes capacités relationnelles,      sons également une pénurie de directions.
     constaté une aggravation de la situation        de larges connaissances. Ces compétences         L’âge des directeurs débutants est plus bas
     lors de cette rentrée, qui a été plus difficile sont prisées dans le privé. La pénurie           qu’auparavant. Il y en a de plus en plus qui
     que ces dernières années. Les directeurs ne     touche d’ailleurs les emplois dans tous les      deviennent directeurs à 30-35 ans. Avant,
     rencontraient alors pas de réel problème        secteurs, au-delà de l’enseignement.             la moyenne d’âge était plutôt de 40-45 ans.
     pour trouver des enseignants à tous les         La pénurie d’enseignants a suscité pas mal       Et il y a moins de candidats. Souvent, les
     postes vacants. Aujourd’hui, il n’y a plus      de débats, et nous avons émis différentes        écoles doivent relancer un appel à candida-
     qu’un, deux ou trois candidats pour un          pistes de solutions. Une première série de       tures à deux ou trois reprises. En primaire,
     poste, et il arrive qu’il n’y en ait aucun !    mesures viseraient à améliorer l’image du        les directeurs ne sont pas bien soutenus, ils
     Parmi les raisons à cette pénurie, on peut      métier d’enseignant. Il faut aussi réfléchir à   manquent de moyens sur le plan logistique,
     d’abord pointer la dégradation de l’image       la manière d’accompagner les professeurs         mais aussi administratif et au niveau de la
     du métier d’enseignant en Flandre. Quand        au moment de leur entrée en fonction, de         politique pédagogique. En secondaire, c’est
     on évoque l’enseignement dans les médias,       même que plus tard. Comment organiser            un peu différent, il y a plus de moyens pour
     on ne parle que de ce qui ne va pas : trop      au mieux leur travail dans une perspective       le soutien aux directions. » ■

10       entrées libres | n°141 - septembre 2019
DOSSIER

                                                                                             Illustration : Luc AERENS

              université d’été
éducation et neurosciences
Une alliance au service des apprentissages ?

                                   É
repères                                 duquer l’être humain, et non le cerveau : le dessin de Luc AERENS résume très
Motivation, attention et mémoire        bien l’esprit dans lequel s’est tenue la dernière Université d’été de l’enseignement
au cœur de l’apprentissage              catholique, sur le thème des neurosciences. Pour reprendre Laurence RIS, si dans
                                   les romans de science-fiction, on peut éduquer les neurones, le pédagogue veut, lui,
Des neurosciences
                                   éduquer la personne. Alain CONTENT ne dit rien d’autre lorsqu’il rappelle que les ap-
à prendre avec des pincettes
                                   ports des neurosciences doivent être contextualisés : « Il serait dangereux et illusoire
pratiques                          d’attendre de la science qu’elle puisse prescrire quoi faire et comment faire dans la classe ».
Et après ?                         Un pont plus loin, Bernard FELTZ estime aussi que si les neurosciences peuvent chan-
                                   ger la manière d’aborder la condition humaine, elles n’écartent pas pour autant d’autres
(R)évolution                       disciplines ou traditions. Il voit ainsi une convergence avec l’humanisme chrétien :
Être libre, c’est agir             « La responsabilité de la communauté chrétienne, c’est de proposer une identité chrétienne
en fonction de ses valeurs         dans un nouveau système culturel. La science change la donne dans la manière d’abor-
                                   der la condition humaine, mais ce n’est pas pour ça que la tradition chrétienne n’a rien à
conclusions                        (nous) dire ». Nous reviendrons encore sur la thématique dans notre prochain numéro.
Un apport (nouveau)                Bonne lecture ! ■
                                                                                                         Conrad van de WERVE
Repères

    Motivation, attention et mémoire
    au cœur de l’apprentissage
                                                                                                                                  Anne LEBLANC

                                                      S
          Que sait-on vraiment du                            oyons clair : il y a un fossé entre ce que la société attend des neurosciences et ce
                                                             qu’elles peuvent réellement apporter. Modestes, les chercheurs étudient la struc-
      fonctionnement du cerveau,
                                                             ture des neurones tout en reconnaissant qu’« on n’y est pas encore ». Ils sont déjà
           et comment utiliser les                    fiers de pouvoir observer l’activité d’un neurone à la fois et de l’associer à une tâche par-
    neurosciences en pédagogie ?                      ticulière. Mais lier neurone, patrimoine génétique et compor-
       Laurence RIS, vice-doyenne                     tement, on est loin du compte ! Retenons que pour en arriver
                                                      à l’image détaillée du cerveau, on part d’une seule cellule em-
     de la Faculté de Médecine et                     bryonnaire. In utero, celle-ci se développe – dans un tout petit
     Pharmacie de l’Université de                     espace – pour devenir de plus en plus complexe. 3000 nouveaux
     Mons, nous dresse l’état réel                    neurones sont produits par seconde. Finalement, 100 milliards
                                                      de neurones vont se ranger, s’organiser à partir du programme
               des connaissances.
                                                      génétique et faire fonctionner le cerveau.

                                                      Lorsque l’enfant parait…
       Photo : François TEFNIN

                                                      Les bébés sont capables de dénombrer, reconnaitre les phonèmes,
                                                      les visages et les émotions. Et ils font des prédictions ! Si un bébé
                                                      observe trois objets bleus et un jaune se déplaçant dans un vase
                                                      renversé, il est surpris quand l’objet jaune tombe dans le goulot.
                                                      Son cerveau avait anticipé qu’il y avait plus de probabilités que ce
                                                      soit un bleu. Cette potentialité innée s’enrichit avec les apprentis-
                                                      sages et la capacité de mémorisation. À la naissance, il y a donc
                                                      100 milliards de neurones au bon endroit. Chaque neurone va
                                                      entrer en connexion avec plus ou moins 10 000 autres pour faire
                                                      transiter l’information. Si elle est utile, la connexion se renforce
                                 À la naissance,      et se stabilise. Si elle ne sert à rien, elle disparait. Un million de
                                 il y a donc          nouvelles connexions par seconde se font les deux premières an-
                                 100 milliards        nées. Seules 10% des connexions sont gardées, celles qui traitent
                                                      efficacement une information venant de l’environnement.
                                 de neurones
                                                      Fini le déterminisme génétique, place à un système se dévelop-
                                 au bon endroit.
                                                      pant par essais et erreurs. Chaque zone du cerveau prend en
                                                      charge la gestion d’informations. Ainsi, dans le système visuel,
                                                      les informations des deux yeux sont envoyées dans les deux
                                                      hémisphères et traitées dans la zone occipitale. De manière pro-
                                                      portionnelle, des neurones s’occupent de l’œil gauche et d’autres de l’œil droit. Si un œil
                                                      ne voit pas, la partie du cerveau qui s’en occupait se désengage et se connecte à l’autre
                                                      œil. C’est la plasticité cérébrale. On dit aussi qu’on perd des neurones avec l’âge. En
                                                      vérité, c’est la densité des connexions qui diminue. Le cerveau se spécialise. Il renforce
                                                      ce qui fonctionne et efface ce qui n’est pas utilisé. Plus on se spécialise, moins on ouvre
                                                      le champ des possibles.

                                                      L’attention
                                                      L’attention, c’est d’abord de la vigilance. La biologie montre que des molécules sont syn-
                                                      thétisées à des moments de la journée. La mélatonine a un pic de production pendant la
                                                      nuit lié à l’état de veille le lendemain. Pour être attentif, il faut bien dormir ! Le sommeil
                                                      joue aussi un rôle dans la consolidation de la mémoire à long terme. La vigilance pen-
                                                      dant une journée est liée au cycle de la température corporelle : pic de vigilance vers 11h,
                                                      creux après le repas et vers 16h.
                                                      Il ne faut pas confondre attention et concentration. Un enfant inattentif à ce qu’on lui

2   entrées libres | dossier n°141 - septembre 2019
DOSSIER

dit est sans doute très attentif à autre chose. Il est concentré quand on maintient son attention sur un sujet précis. Par ailleurs, les
émotions perturbent les schémas habituels de fonctionnement du cerveau. Connaitre l’état émotionnel des enfants au cours de
l’apprentissage est essentiel. Enfin, retenons que le cerveau, pour certaines tâches, à force d’exercer les connexions, passe en mode
automatique. Ainsi, nous pouvons lire un texte où les lettres sont en désordre grâce à ces automatismes.

La boucle vertueuse de la motivation
Le système limbique évalue nos besoins et met en place les stratégies pour y répondre. Si ça ne fonctionne pas, on change. Si ça
fonctionne, le cerveau libère de la dopamine donnant une sensation de plaisir. On renforce le comportement qui a conduit à cette
récompense. On entre dans une boucle vertueuse. Le risque, en cas d’échecs répétés, c’est de renoncer à chercher des stratégies. La
boucle vertueuse s’arrête. La motivation la plus efficace, endogène, est en nous, mais c’est la plus compliquée à installer. Elle dépend
aussi du contexte. Entouré de gens non motivés, il sera difficile de l’être.
Un atout pour provoquer la motivation : la curiosité. Elle suscite la recherche de connaissances, qui génèreront la satisfaction, la mo-
tivation et le retour de la boucle vertueuse. Dernier élément, on l’a vu : le cerveau automatise. Il faut donc envoyer les signaux d’erreur
                           rapidement, pour éviter le renforcement de mauvais comportements lors des apprentissages.

                             Les différentes mémoires
                             Il y a beaucoup de formes de mémoire et… c’est complexe. Retenons que la mémoire de travail est celle qui
                             fonctionne le plus en classe. Elle structure les connaissances et fait le lien avec la mémoire à long terme.
                             Si on est distrait du travail scolaire, le fil est perdu. Pour relancer le processus, il faut reprendre au début.
                             La mémoire procédurale, motrice, inconsciente, elle, nécessite la répétition : apprendre à nager, à rouler à
                             vélo… Pour celle-ci, l’apprentissage massé est efficace. Pas pour la mémoire déclarative, sémantique, qui est
                             consciente. Elle fait des liens avec tout pour retrouver facilement l’information. C’est une mémoire flexible,
                             sensible à l’oubli et à l’interférence. Elle a besoin de répétitions, mais dans des délais précis et variables, selon
                             les apprentissages.
                             Il n’y a donc pas de « clé sur porte ». Pour réaliser une tâche, plusieurs chemins sont possibles dans le cer-
                             veau, et plus on en crée, mieux on peut se sortir de situations compliquées. Notre mémoire sémantique
                             consolide ces connexions utiles. On peut les réactiver à tout moment, en y ajoutant des informations et/ou
                             en en perdant d’autres.

                             Que retenir ?
                             Dans les romans de science-fiction, on peut éduquer les neurones. Le pédagogue veut éduquer la personne.
                             Utilisons donc les neurosciences pour ce qu’elles sont : un outil de compréhension parmi tous ceux du
                             domaine des sciences de l’éducation. ■

                                      Des neurosciences
 Illustration : Luc AERENS   à prendre avec des pincettes
                                                                                                                                 Brigitte GERARD

L’intérêt, voire la fascination pour les neurosciences sont-ils justifiés ? Quels sont les apports réels des
nouvelles connaissances dans ce domaine, les espoirs qu’elles peuvent susciter, les dangers éventuels ?
C’est sur ces questions qu’Alain CONTENT, professeur à la Faculté des Sciences psychologiques et de
l’éducation de l’ULB, s’est penché lors de l’Université d’été.

            Les neurosciences constituent un champ de recherche extrêmement vaste, qui couvre
            tous les aspects des systèmes nerveux des organismes vivants, depuis les plus pe-
                                                                                                                                                        Photo : Stéphane VANOIRBECK

            tits jusqu’aux plus sophistiqués », rappelle Alain CONTENT. Il y a, d’une part, les
neurosciences fondamentales, dont l’objet est de décrire et de comprendre l’organisation et le
fonctionnement des systèmes nerveux, et d’autre part, les neurosciences cognitives, qui tentent
de comprendre comment le cerveau produit l’activité mentale et couvrent les relations entre le
fonctionnement du cerveau et l’esprit.
Pour faire le point sur l’intérêt et le bienfondé de ces neurosciences cognitives, le professeur
                                                                                                      entrées libres | dossier n°141 - septembre 2019                                 3
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