LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer

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LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
LES TRÉSORS ENGLOUTIS
    DU PORT DE FOS
LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
Préface de Jean Hetsch, Maire de Fos-sur-Mer. 5

Sommaire   Anne van den Steen et Dominik Barbier : Les trésors engloutis du port de Fos. 6
           Les Amis du vieux Fos. 8
           L’association se présente.
           L’histoire du souterrain de l’Hauture. 10
           Le port antique de Fos. 11
           Laboratoire TELEMMe : Une transformation en images. 16
           Fossae Marianis, la BD sur le port romain de Fos BD. 17
           Avant-propos des contributions scientifiques
           FRÉDÉRIC MARTY. 18
           Historique des recherches de terrain
           FRÉDÉRIC MARTY. 20
           Un paysage mobile
           CLAUDE VELLA. 22
           Recherches récentes sur le canal de Marius
           CORINNE ROUSSE, YOANN QUESNEL. 24
           L’île de la Roque d’Odor
           FRÉDÉRIC MARTY. 26
           Le complexe monumental de l’anse Saint-Gervais
           SOUEN FONTAINE, MOURAD EL AMOURI. 28
           Les hangars du Cavaou : deux immenses bâtiments restant à identifier
           MARIE-BRIGITTE CARRE, KALLIOPI BAIKA. 30
           Les aménagements de la Marronède
           SOUEN FONTAINE, MOURAD EL AMOURI. 32
           Quand la mer cache la forêt : les structures en bois du port romain de Fos
           SANDRA GRECK, FRÉDÉRIC GUIBAL. 34
           L’Estagnon : aménagement d’une zone humide
           FRÉDÉRIC MARTY. 36
           Navires et navigation dans le golfe de Fos à l’époque romaine
           SABRINA MARLIER. 38
           Glossaire. 40
           Des amphores pour l’Empire
           FRÉDÉRIC MARTY. 42
           Des stèles, reflet d’une population cosmopolite
           FRÉDÉRIC MARTY, CYRIL COURRIER. 44
           Orientation bibliographique.   46
           Remerciements. 48
LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
préface.
                                      L    ’aventure de l’exposition Les Trésors engloutis du port de Fos dépasse le cadre d’un projet
                                           culturel, fût-il de grande ambition. Elle touche à l’histoire même de Fos-sur-Mer, à son passé
                                      antique prestigieux, mais également à ses souterrains, que l’on sait avoir été aménagés pendant
                                      l’occupation allemande, mais dont l’origine est certainement plus lointaine.

                                      Les Fosséens sont attachés à ce site atypique, comme ils le sont à toutes les composantes de leur
                                      identité. Des spectacles s’y étaient déjà déroulés mais la grande intuition de René RAIMONDI
                                      en 2017 a été de les équiper de manière optimale en lumière, en son, de les sécuriser et de les
                                      aménager pour en faire un véritable écrin pour la création artistique et l’accueil du public.

                                      Cela a été chose faite et en 2018 les souterrains ont accueilli Rêve d’épaves, œuvre immersive de
                                      Dominik BARBIER et Anne VAN DEN STEEN, avant-goût du propos que nous tenons cette année.
z Jean Hetsch                         Il s’agissait d’une incursion onirique et spectaculaire dans le monde de l’archéologie sous-marine,
Maire de Fos-sur-Mer                  entrée vers les trésors archéologiques découverts dans le golfe de Fos.

Ces trésors vous sont dévoilés cette année, dans une scénographie sur-mesure, troublante, spectaculaire, technologique, Dominik
BARBIER et Anne VAN DEN STEEN y développent un propos ambitieux, à la fois rigoureux historiquement et totalement créatif dans
l’expérience proposée au public. Il est question d’une immersion fascinante dans un monde et une époque où la navigation était une
aventure périlleuse et la mer un univers peuplé de dieux.

Ce monde était celui du commerce, de navires chargés d’amphores, elles-mêmes porteuses de denrées qui traversaient l’ensemble du
monde connu. Ces amphores étaient un langage en elles-mêmes, elles étaient de formes multiples, portaient des marques que nous
savons aujourd’hui déchiffrer. Les bateaux quant à eux devaient se concevoir pour optimiser le transport, la réparation navale était
d’ailleurs à Fos un élément central de l’immense port romain. Roque d’Odor, Canal de Marius, Estagnon, autel du Nauclère, tous ces
mots ouvrent en nous les portes de l’Antique et du mythe, tout comme la hure de sanglier, mascotte de l’exposition. Ils se retrouvent
dans l’exposition et ils entreront en vous par l’expérience vécue à travers ce dispositif immersif unique.

Si le port de Fos était le centre du monde antique comme cela est attesté par la carte de Peutinger, c’est pour des raisons stratégiques et
topographiques : liaison vers l’Europe du Nord par le Rhône et vers l’Afrique et l’Orient par la Méditerranée, il unit les mondes.

J’ai souhaité faire le parallèle avec l’aventure industrielle du XXème siècle et montrer que le port industriel est dans la continuité de ces
enjeux. Ce saut vers le monde moderne et contemporain était également nécessaire pour moi car il est l’occasion de rendre hommage
aux inventeurs, aux plongeurs, aux historiens, aux amoureux de leur ville et de son patrimoine qui nous ont permis de découvrir cette
histoire. Je pense en tout premier lieu aux Amis du Vieux Fos. Mais les découvertes sont loin d’être achevées et les campagnes de
fouilles du DRASSM et du Centre Camille Jullian qui se succèdent mettront certainement au jour des vestiges monumentaux.

Merci à tous ceux qui travaillent sur ces questions, en particulié le DRASSM et le centre Camille Jullian, merci à tous les partenaires
de l’exposition, du Pôle Patrimoine Culturel / Istres Ouest Provence au laboratoire TELEMMe de l’Université, en passant bien entendu
par les services municipaux.
Merci aux artistes, merci à l’équipe municipale qui porte la création au plus haut, merci au public pour sa curiosité et sa fidélité.

Découvrez les trésors engloutis du golfe de Fos et que l’immersion commence ! z
LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
Création video / parcours-spectacle immersif
Écriture et création vidéo : Dominik Barbier
Scénographie image / espace : Anne Van den Steen
Production et diffusion : FEARLESS
Décors et construction : SUDSIDE

ANNE VAN DEN STEEN ET DOMINIK BARBIER
Les trésors engloutis du port de Fos.
I l s’agit d’une création de Dominik Barbier et Anne
  Van den Steen, au croisement de la création vi-
déo et de la scénographie d’exposition, réalisée en
                                                         L’exposition présente les recherches autour du
                                                         port antique de Fos, en le contextualisant dans
                                                         l’immensité de l’Empire romain, où il était l’un des
collaboration avec FEARLESS (production vidéo)           ports les plus importants de Méditerranée, comme
et SUDSIDE (décors et construction), à partir du         le montre la fameuse carte de Peutinger, idéalement
projet scientifique initial de Frédéric Marty, archéo-   positionné entre l’Espagne et l’Italie et assurant les
logue et attaché de conservation du patrimoine au        échanges avec la Gaule et le nord de l’Europe par
Pôle du Patrimoine Culturel Istres Ouest Provence.       Arles et le Rhône.

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LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
Pour accompagner la démarche scientifique, et évoquer          bien-sûr, mais c’est surtout un concept d’encerclement,
fortement l’ampleur des échanges d’une rive à l’autre          quand enfin tout autour de la Méditerranée, le rivage est
du monde connu et l’extraordinaire entreprise du com-          passé sous le joug romain.
merce de marchandises à travers tout l’empire romain
                                                               Et le rivage, autant que possible, on ne s’en éloigne ja-
et jusqu’à FOSSAE, que concrétisent les chantiers na-
                                                               mais trop ! La mer reste indomptable. Quelle que soit
vals et hangars maritimes du port antique tout comme
                                                               leur maîtrise de l’art et des sciences de la navigation, le
les amphores et une collection remarquable de marques
                                                               voyage en mer reste pour les hommes de l’antiquité une
peintes, la scénographie a tenté d’épouser la géographie
                                                               aventure périlleuse, une traversée de l’inconnu dans un
très particulière des souterrains de l’Hauture, et magni-
                                                               univers soumis aux caprices des dieux et peuplé de créa-
fier le sentiment d’un cheminement et d’une trajectoire
                                                               tures tantôt merveilleuses et tantôt monstrueuses.
de découverte dont elle est porteuse, par la lumière, les
ambiances sonores et une succession d’installations            C’est cet imaginaire fantastique que la mise en scène
jouant la surprise et l’émotion.                               s’est attachée à travailler, dans une démarche qui croise
                                                               la création artistique et scénographique autour du thème
L’exposition se présente comme un parcours-spectacle
                                                               de la traversée. Car il y a « les vivants, les morts et ceux
immersif et spectaculaire dans un labyrinthe souter-
                                                               qui vont sur la mer ».
rain, habité par des dispositifs audiovisuels et scénogra-
phiques tantôt spectaculaires tantôt plus intimistes, qui      La hure de sanglier qui à la proue d’un navire conjurait
proposent un voyage dans la poétique de l’imaginaire           les périls de la traversée, ouvre la section antique, qui se
romain, à travers l’évocation de l’omniprésence des divi-      clôt sur l’autel du Nauclère érigé en remerciement aux
nités et de la dimension fantastique qui fondait la percep-    dieux du commerce : ces deux objets phares de l’exposi-
tion du monde dans l’antiquité.                                tion, magnifiés par la projection vidéo, symbolisent cet
                                                               esprit aventureux et industrieux de l’échange commer-
Dans l’empire romain, on part en guerre ou en exil, on
                                                               cial qui animait les constructeurs et les exploitants du
fait des conquêtes et du commerce, on explore et on re-
                                                               port antique comme il anime 2000 ans plus tard ceux du
pousse les limites du monde connu pour mieux s’empa-
                                                               port actuel.
rer de ses richesses. On ne voyage pas sur la mer, on ne
fait pas de croisière car s’il est un territoire qui échappe   L’exposition se conclue par une deuxième section qui
à l’emprise de l’homme, c’est bien celui de Neptune et         évoque les recherches des Amis du Vieux Fos et la perpé-
des innombrables divinités et abominations marines             tuation de l’activité portuaire à Fos-sur-Mer. z
qui sont dans les profondeurs sombres. Mare Nostrum,

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LES AMIS DU VIEUX FOS
L’association se présente.

C  ’est une association créée le 23 juin 1967
   par quelques Fosséens qui ont marqué leur
époque : Jean-Jacques Feraud Maire de l’époque,
                                                      En 2003 par la volonté du Conseil d’Administra-
                                                      tion présidé par Michel Leroy, le nouveau président
                                                      suite au décès de Paul Gimet, l’Association s’est
Monsieur Léon Arnaud son premier Président,           orientée vers d’autres activités, en particulier sur
Monsieur Eugène Hertsoën, généreux mécène,            l’étude de notre histoire antique et médiévale, par
le Docteur Jacques Parsemain, Monsieur Paul           la lecture des historiens anciens. Il est prévu qu’une
Duval architecte, Monsieur Pierre Orlandi et          bibliothèque sera créée dès que nous serons en pos-
bien d’autres.                                        session d’un local sécurisé. De nombreuses confé-
                                                      rences sont organisées sur différents thèmes régio-
Le but était de promouvoir l’image de Fos et de
                                                      nalistes.
son passé historique très riche.
                                                      Un livre « La merveilleuse histoire des fosses Ma-
Les premières années, (sous la présidence de          riennes et Marius en Provence » a été conçu et pu-
Monsieur Léon Arnaud) furent consacrées à             blié, il n’en reste malheureusement que quelques
l’archéologie sous-marine du Golfe de Fos, avec       exemplaires. Un projet inspiré de notre culture ré-
des plongeurs réputés, sous la direction de Mon-      gionale a été traité : la cuisine du terroir, Avec l’aide
sieur Paul Gimet qui succéda à Monsieur Léon          des Papis et Mamies un livre de recettes en 2 tomes
Arnaud.                                               a été édité, il est toujours à la vente.
D’innombrables objets de valeur furent ramenés        Nous avons réalisé un ouvrage (qui nous a pris deux
par nos plongeurs, amphores, poteries, lampes à       ans de travail) qui a eu un énorme succès (plus de
huile, une pompe de cale unique, (la plupart sont     1000 exemplaires vendus) sur les rues, chemins,
maintenant au Musée d’Istres) et environ 2000         lieu-dit, quartiers aux toponymies provençales.
pièces de monnaies diverses.                          Nous avons également mis en œuvre des opuscules
L’Association des Amis du Vieux Fos, avec la bé-      sur les monuments locaux.
nédiction et l’aide de la Mairie de l’époque, créa    Il a été réalisé des sorties à vocation culturelle,
un Musée dans la Chapelle de la Mer, qui perdu-       comme par exemple la visite des Musées de Quin-
ra pendant des années, jusqu’en 2002.                 son, de Arles, de Mougins et à Saint-Michel l’Obser-
                                                      vatoire, d’autres sont en préparation.Aujourd’hui
Il était essentiellement animé par «Fifi» Crus-
                                                      l’association est constituée de plus de 300 membres,
naire, Paul Gimet, deuxième Président de l’asso-
                                                      elle organise au minimum trois journées récréa-
ciation, et monsieur Bobeda.
                                                      tives dans l’année, avec repas, avec chaque fois que
C’était la fin du Musée, mais notre nom figurait
                                                      nous le pouvons au menu les « Moules Fosséennes »
encore il n’y a pas si longtemps sur le fronton de
                                                      et les « moules de Jean-Mi ».
la porte d’entrée de la chapelle jusqu’à sa restau-
ration, Monsieur le maire s’est engagé à créer en     Il n’y a aucune obligation particulière pour adhérer
remplacement un petit monument a proximité            aux Amis du vieux Fos, sinon d’en avoir envie et
pour rappeler l’engagement de notre association.      d’aimer notre commune. z

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LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
z De gauche à droite : Paul Duval, Léon Arnaud, Eugène Hertsoën, Pierre Orlandi

z Amis du vieux Fos - 2014

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LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
LES AMIS DU VIEUX FOS
L’histoire du souterrain de l’Hauture.

    La datation :
On n’en connait ni l’usage ni la datation, il est en
revanche pratiquement certain qu’il a été réali-
sé au moyen-âge, vraisemblablement pendant la
période médiévale, au cours de la construction
du Castrum, d’autres historiens pensent qu’il a
été creusé postérieurement, on donc peut situer
sa création entre le 9eme et 12eme siècle.

    Son usage :
Certains chercheurs pensent qu’il servait d’issue
en cas d’attaques ou de sièges du château, d’autres
soutiennent qu’il servait au transport du sel, den-
rée très recherchée à cette époque, qui servait de
monnaie lors des trocs, il existe d’ailleurs un tun-       z L’équipe employée au creusement du souterrain de l’Hauture en 1943
                                                           (coll. Union des Anciens Combattants de Fos-sur-Mer)
nel du même genre entre l’étang de Lavalduc et le
port antique de Tholon à Martigues.
Le Président des Amis du Vieux Fos raconte que
quand il était enfant, par temps de mistral, du haut
de l’hauture, il discernait un sillon sous les eaux, (Il
y avait moins de pollution à l’époque) qui traversait
l’étang pour rejoindre la pointe de Mourre-pous-
siou ou le vallon d’Entessane, la sortie n’a jamais
été retrouvée.
Pendant la deuxième guerre mondiale, en 1943, les
allemands ont fait nettoyer et déblayer ce souter-
rain par les membres du S.T.O de la Commune pour
créer un dépôt de munitions, c’est la photo ci-jointe.
Dans les années suivant la deuxième guerre mon-
diale, un ancien prisonnier Allemand, Wilfrid, qui
était resté à Fos, créa une champignonnière dans
le souterrain, l’expérience coupa court car il se tua
lors d’un accident.
Il est possible que les Allemands aient créé une des
salles et la cheminée ! z                                  z Les écoliers de Jean Giono rendent hommage à leurs ancêtres, mai 2019.

10 /
LES AMIS DU VIEUX FOS
Le port antique de Fos.

FOSSA MARIANNA (jusqu’au 1er siècle)                         naviguaient pour faire du commerce à l’inverse des
FOSSA MARIANIS PORTUS                                        Romains qui étaient des guerriers et conquérants.
                                                             Lorsque Phocée, la ville mère située en Asie mineure,
LES FOSSES MARIENNES
                                                             plus précisément au nord d’Izmir fut évacuée par ses
LE PORT ANTIQUE DE FOS                                       habitants du fait des dévastations d’Arpagus le Mède,
La traduction littérale donne les : « fosses de Marius ».    lieutenant de Cyrus, maître de la totalité de l’Asie ci-
En effet le Général Marius est indissociable du port         vilisée, sa population se réfugia presque en totalité
auquel il a donné son nom.                                   sur nos côtes.
J’aurai le plaisir plus loin d’évoquer ce personnage.        Les denrées rares recherchées à l’époque étaient
                                                             l’étain et l’ambre.
En effet Il est difficile de parler du port de Fos antique
sans évoquer Marius, Grand général romain oublié de          Or notre port permettait d’accéder par les étangs et
l’histoire.                                                  des canaux naturels jusqu’à Arelate ou plutôt Erga-
Les historiens du XIXème siècle se sont beaucoup que-        ninum, aujourd’hui Saint-Gabriel, cela permettait
rellés sur l’origine et l’emplacement exact de ce canal.     de remonter ensuite la vallée du Rhône ou même
                                                             vers l’ouest jusqu’à Agde, à la recherche du pré-
Il est vrai qu’à cette époque, l’archéologie sous-ma-        cieux métal.
rine n’existait pas et qu’ils ne pouvaient s’appuyer         Rappelons qu’à l’époque le plus sûr moyen de com-
que sur les vestiges apparents et les écrits des au-         munication était les voies d’eau. Les chemins ou
teurs anciens à savoir Strabon, Plutarque, Tite-Live,        routes n’existaient pratiquement pas dans notre ré-
Festus Arenius, Polybe, Pomponius Mela, Pline, et les        gion avant la venue des Romains.
autres… En conclusion si l’existence d’un port an-           En outre, le conditionnement essentiel était l’am-
tique ne fait plus aucun doute c’est son importance          phore et les navires de l’époque étaient conçus pour
qui pose question. Pour cela il nous faut rentrer dans       ce mode de transport.
l’histoire et la géographie locale.                          Il faut maintenant définir les limites géographiques
                                                             de ce port.
La géographie
À cette époque, les alentours de Fos n’étaient que           Cela serait une erreur de penser qu’il ne se circons-
marais jusqu’à Arelate qui était pratiquement une            crit que sur la plage de Fos et à Saint-Gervais.
presqu’île.                                                  Avant l’arrivée des Romains, le port crée par les
Je suis de ceux qui pensent que l’existence de notre         grecs (vers -650 av J.-C) est essentiellement situé sur
port était antérieure à Massalia.                            le grau du Galejon appelé aussi par les anciens Grau
                                                             de Fos et la Roque d’Odor.
Les peuples méditerranéens : Étrusques, Phocéens,            Rappelons, si besoin est, en provençal un grau est un
Ioniens, Phéniciens et autres Grecs étaient d’extraor-       chenal naturel allant de la mer vers les étangs ou in-
dinaires marins et des commerçants pacifiques qui            versement.

                                                                                                                / 11
La Roque d’Odor
Il s’agissait de mamelons, promontoires ou émer-            dié à Diane d’Artémise d’Ephèse. Les Massaliètes ont
gences rocheuses de quelques mètres de haut par rap-        quant à eux construit trois moulins dont des ruines
port au niveau de la mer et seulement sur quelques          importantes étaient encore visibles au XIXème siècle.
sept hectares.                                              La Roque d’Odor a disparu, sacrifiée aux grands tra-
Les Grecs avaient établi un campement avec quais,           vaux d’aménagement, elle se situait sur l’emplacement
débarcadères et abris. Ils faisaient même de la culture     de la darse 1. Il faut savoir que le radeau utriculaire
(vigne et céréales, on a trouvé une aire de battage sur     était employé dans tous les grands ports antiques (Os-
les lieux). Ils déposaient les marchandises des ba-         tie, Alexandrie, sur le Gange, le Tibre et l’Euphrate).
teaux de charge qui ne pouvaient aller plus loin du         Le port avait une grande importance avant l’arrivée
fait du peu de profondeur de l’eau, elles étaient en-       des Romains qui se situe en 154 av. J.-C.
suite remontées sur des radeaux de type utriculaire
qui remontaient les étangs à la « partégue » jusqu’à Er-    De l’histoire
ganinum au travers des étangs et chenaux. Les utri-         À cette époque, l’Europe bouge, les peuples se dé-
culaires ont créé une confrérie qui a perduré jusqu’au      placent en particulier ceux du Nord qui ont à affron-
IVème siècle, c’est dire l’importance qu’ils ont pu avoir   ter un climat rude et diverses inondations. En 115 av.
sur la navigation locale. Un fronton en témoigne dans       J.-C. ils décident d’entreprendre une migration vers le
la magnifique chapelle de saint Gabriel.                    sud, les Teutons, les Ambrons s’allient aux Cimbres, ils
Les Grecs avaient même bâti sur le site un temple dé        constituent une troupe de plus de 300 000 personnes.

12 /
Inquiet, le Sénat romain envoi pour remonter la val-       Marius va pouvoir entrer en scène
lée du Rhône une armée de 40 000 légionnaires. Elle        Il est issu d’une famille de Plébéiens, il naît en 157
rencontre la horde barbare aux alentours de Macon,         avant J.C. près d’Arpinum petite ville du Latium.
après plusieurs heures de bataille sa défaite est totale   En 114 av. J.-C., Marius obtient la Préture et se voit
il n’y a pratiquement aucun survivant.                     confier le gouvernement de l’Espagne.
En désespoir de cause, Rome renvoi de nouveau en           Avec une ardeur inlassable, une activité sans faille, il pa-
107 av. J.-C. une autre armée en narbonnaise. Celle-ci     cifie le pays. Son succès fait de lui un homme en vue :
est également anéantie. Devant ce nouveau désastre,        il constitue une force politique, il devient l’ami de nom-
Rome se voit contrainte de prendre des mesures ex-         breuses familles praticiennes et épouse Julie, fille de
ceptionnelles. En 105 av. J.-C. les barbares décident de   l’une des plus importantes familles de Rome (elle devien-
descendre la vallée du Rhône. Avertie, Rome délègue        dra la tante de Jules César).
deux légions. Les belligérants se retrouvent dans la       En 110 av. J.-C., l’Afrique de Nord se soulève, Le Sénat
plaine d’Orange.La bataille s’engage et malgré la va-      confie à Marius la responsabilité de la guerre en Afrique
leur, la supériorité technique et tactique, les légions    du Nord, qu’il finira par gagner.
romaines sont laminées par le nombre et totalement         En 107 av. J.-C, Marius est nommé Consul, en novembre
massacrées. Rome constate avec effroi qu’elle n’a plus     105 av. J.-C. Marius devient Consul pour la seconde fois,
rien à opposer à l’adversaire. Inexplicablement, les       il retourne en triomphateur à Rome. Le Sénat confie au
barbares au lieu de marcher sur Rome, décident de se       grand général le soin d’anéantir la coalition barbare, qui
rendre en Ibérie. Rome pour un temps est sauvée.           est une menace terrible pour Rome.

                                                                                     z © Évocation du port antique de Fos J.-M Gassend

                                                                                                                               / 13
Marius en Provence
En 104 av. J.-C., Marius arrive à Massallia, il décide    Quand ceux-ci remontent vers le camp ils ont gagné
de reconnaître le pays, il parcourt la contrée de Mas-    cette première bataille puisque 10 à 20 000 barbares
sallia à Arelate.                                         sont morts et ils n’ont perdu que quelques dizaines
Il étudie les possibles sites de bataille et en retient   de soldats.
deux : Eguilles et la plaine de Pourrières qui pré-       Au petit matin il constate que les barbares quittent
sentent des similitudes géographiques.                    leur camps et infléchissent leur direction vers l’est
Il sait que les batailles perdues précédemment            ce qui veut dire qu’ils évitent Eguilles. La bataille
étaient dues à des défauts d’approvisionnement et à       aura donc lieu à Pourrières, ainsi en a décidé le
des anomalies de préparation.                             grand Marius.
                                                          Le problème de Marius réside dans le fait qu’il a
Les Massaliètes lui confirment que l’accès aux Rhô-       seulement 45 000 hommes contre environ 150 000
ne pour remonter jusqu’à Arelate est très dangereux       guerriers barbares, sinon plus, car les femmes se
par vent d’est car le golfe de Fos est grevé de nom-      battent aussi. Il dispose son armée en haut de la col-
breux theys (des bancs de sable qui se déplacent se-      line et sur les versants, il offre ainsi un front rac-
lon les courants du Rhône), ce qui explique les nom-      courci de moins de 2000 mètres aux barbares. Il
breux écarts de position sur les cartes de l’époque.      sait que ceux-ci n’ont pas de tactique, qu’ils foncent
C’est pour cela que Marius, s’employa à faire creu-       droit sur l’adversaire, de plus leur armement n’est
ser un canal par son armée inoccupée pendant deux         pas adapté au combat rapproché.
ans, pour permettre un accès paisible et pratique         Dans le dispositif astucieux choisi par Marius, la
aux bateaux de charge, pour rejoindre l’étang du          première ligne barbare combat, alors que les autres
Galéjon ou ils déposaient leurs marchandises sur le       à l’arrière sont spectatrices. Le général Romain fait
site de la roque d’Odor à l’entrée du grau, pour les      rabattre ses ailes sur les flancs, il s’agit alors d’une
recharger ensuite sur des radeaux utriculaires qui        véritable nasse, cela devient un massacre, les légion-
remontaient jusqu’à Erganinum.                            naires comme à l’exercice font une boucherie des
Nous sommes en 102 av. J.-C. Alerte ! les ennemis         barbares, c’est la débandade, ils s’enfuient dans la
arrivent ! Toute l’armée romaine est partie s’instal-     plaine mais sont achevés : plus de 100 000 cadavres
ler dans le camp retranché de Glanum (Saint-Rémy          couvrent la plaine.
de Provence).
                                                          L’armée romaine reprend la route vers Rome, Ma-
Marius décide de suivre et rattraper l’armée ad-          rius se rend à Massalia pour embarquer, il est reçu
verse pour provoquer la bataille devant Eguilles. Les     en triomphateur. La bataille de Pourrières est incon-
barbares marchent au plus 10 km par jour, les mu-         nue du grand public, c’est portant une victoire qui
lets, c’est le surnom des soldats de Marius, peuvent      a sauvé la civilisation romaine et la civilisation gal-
parcourir 30 km par jour avec plus de 30kgs de bar-       lo-romaine.
da sur le dos.                                            Dès lors Marius rentre à Rome pour jouir de sa
Les Romains rattrapent l’armée barbare en fin             gloire, il renonce au commandement en 89 av. J.-C.
d’après-midi dans les gorges de Roquefavour, où elle
                                                          L’importance du port
a pris ses quartiers.
                                                          Il nous faut maintenant revenir au port et a son
Il s’ensuit entre les deux armées, une échauffourée
                                                          importance. C’est la carte de PEUTINGER qui pose
crépusculaire au bord de la rivière l’Arc, qui tourne
                                                          l’énigme des Fosses Mariennes.
à l’avantage des Romains

14 /
Il est nécessaire de la voir dans son détail pour ap-       La décadence
précier l’importance du port de Fos. Sur ce document,       Apres la victoire de Pourrières, Marius donne, en re-
les villes sont représentées par des logos différents,      connaissance aux Massaliètes, le canal qu’il a réalisé.
selon leur importance. Or le port de Rome (Ostie) est       Ceux-ci l’utilisèrent commercialement (et créèrent
figuré par un bâtiment semi-circulaire, le seul logo        un péage) en faisant d’importants profits jusqu’à la
identique est le port de Fossa Marianis, c’est-à-dire le    fin du 4ème siècle.
port de Fos, mais il faut le voir dans un ensemble.         La contrée pacifiée, les Romains délaissèrent Mar-
Nous nous trouvons en présence d’une façade mari-           seille et ses annexes. Les mouvements commerciaux
time de quelques kilomètres de large depuis le grau         commencèrent à se faire par les voies terrestres de
du Galéjon a l’Ouest, puis en allant vers l’Est où il y a   plus en plus perfectionnées. L’amphore n’est plus
d’abord le port de Saint-Gervais qui est relié au site      l’unique conditionnement, la barrique en bois fait son
de la Roque d’Odor par le canal de Marius. Nous avons       apparition.
ensuite le rocher de l’Hauture, l’étang de l’Estomac,       Les Fosses Mariennes sont délaissées au profit direct
les habitats de Mourre Poussiou, Entessane, puis            d’Arelate.
l’Engrenier qui était relié à la mer. Enfin il existait     Ils construisirent également une voie faisant le tour
dans l’anse de la Baumasse (Port-de-Bouc), une ville        de l’étang de Berre en passant par le Pont Flavien de
que nous pensons être Avaticorum.                           Saint-Chamas, et une autre directement de Martigues
Autant de points où il y avait des feux (les fanons ou      à Istres par Tholon et le long de l’étang de Pourra.
fanaux), une vingtaine sur 7 km environ, ce qui ex-         Le commerce de Marseille et de Fos vers l’ouest est
plique peut-être que la ville de Fos était appelée par      ainsi détourné en grande partie par Arles et Nar-
les premiers Grecs « Limnothalatai » ce qui veut dire       bonne. L’entretien des Fosses Mariennes n’étant plus
littéralement « ville des lumières ».                       assuré, il s’ensuivit un ensablement du canal, le ren-
À tous ces éléments viennent s’ajouter les recherches       dant difficilement navigable.
archéologiques sous-marines.                                Il perdit beaucoup de son importance, toutefois, on
En 1967, l’association locale que j’ai l’honneur de         sait qu’il restera en activité jusqu’au IVème siècle – le
présider (les Amis du Vieux Fos) a constitué une            dernier relevé aux archives communales d’Arles en
équipe de plongeurs sous la direction de Monsieur           atteste.
Paul Gimet président de l’époque. Il y avait là en par-     C’est sous Antonin que les Romains décidèrent de
ticulier de véritables professionnels qui s’illustreront    créer une voie le long de la Marronède, Saint-Blaise
quelques décennies plus tard en allant explorer les         n’étant plus qu’un ensemble de ruines. z
fonds de plusieurs ports antiques en particulier celui
d’Alexandrie, et qui puisèrent des quantités d’objets
anciens, des amphores surtout, qui témoignent de la
grande activité des lieux.                                                                      Michel LEROY
Enfin, dernier élément peut-être le plus important, le
colonel Manguilan, pour la SNIAS (Société nationale
industrielle aérospatiale), devenue Eurocopter puis
Airbus Helicopters, a effectué des prises de vues aé-
riennes dans le Golfe en 1964 et 1973. Ceci qui a per-
mis la découverte des vestiges des Navalias chantiers
navals antiques.

                                                                                                                / 15
LABORATOIRE TELEMMe
Une transformation en images.

A     u tournant des années 1970, le territoire de Fos-sur-
      Mer connait un grand séisme qui le fait entrer de
plain-pied dans les turbulences de l’économie industrielle
                                                                 de recherche en sciences humaines et sociales de la Mai-
                                                                 son méditerranéenne des sciences de l’homme. L’équipe
                                                                 porteuse de ce projet rassemble plusieurs disciplines :
mondiale. En l’espace de quelques années, une des plus           histoire, géographie, sociologie, spécialistes de l’analyse
grandes zones industrialo-portuaires d’Europe est bâtie de       de l’image photographique, de la valorisation scientifique,
toute pièce sur des rivages voués jusque-là à la récolte du      de la conservation des fonds patrimoniaux et de la for-
sel, à la chasse, à la pêche, à la cueillette, aux manades et    mation des enseignants. Elle présentera le 20 septembre
aux loisirs balnéaires. Dans l’esprit des pouvoirs publics et    2019 à la population fosséenne l’ensemble du site internet
des élites économiques locales, la création de la zone indus-    qui sera dédié à la mise en valeur de ce fonds. Au-delà du
trialo-portuaire de Fos, rêvée comme la future Rotterdam         «mur d’images», celui-ci comprendra aussi des textes d’ac-
méditerranéenne ou l’Europort du Sud, doit compenser, et         compagnement sur l’histoire économique, sociale et envi-
même davantage, les pertes d’emplois industriels subies          ronnementale du territoire de Fos-sur-Mer, des archives
par la région marseillaise depuis les années 1960 avec la        de télévision proposées par l’INA évoquant quelques-uns
disparition des marchés coloniaux et la création de la CEE.      des moments forts de cette histoire (inauguration du port,
L’hypothèse la plus optimiste évoque alors la création de        conflits sociaux etc.), un film retraçant les approches du
40 000 emplois directs et de 200 000 emplois indirects à         travail de Jacques Windenberger et des pistes d’exploita-
l’horizon 1985. Jacques Windenberger, photographe in-            tion pédagogiques à l’attention des enseignants du secon-
dépendant formé à l’école documentaire, a observé cette          daire (collèges et lycées), conçues en interaction avec le
transformation radicale et l’a photographiée pour témoi-         service pédagogique des archives départementales. L’ex-
gner de l'importance des mutations en cours et de leurs ré-      position et la soirée de restitution du 20 septembre seront
percussions sur la vie quotidienne des populations. Il a ainsi   l’occasion pour l’équipe porteuse de ce projet d'échanger
constitué un fonds documentaire de première importance           avec la population de Fos-sur-Mer, notamment avec celles
pour l’étude des transformations économiques, sociales et        et ceux qui ont vécu cette période des années 1970 : vos
environnementales des espaces littoraux de notre région          témoignages viendront ensuite enrichir le site. z
au cours d’une période - les « Trente glorieuses » - marquée
par une forte croissance, mais aussi par une accélération
de la transformation par l'homme des milieux et des res-
sources. On y trouve des vues de chantiers, d’infrastruc-
tures, des logements précaires, des usines, des ateliers,
des vues sur la vie quotidienne des travailleurs français
ou étrangers et des reportages sur différents mouvements
sociaux. C’est une partie de ce fonds – plus de 2 000 clichés
– qui sera présentée du 14 juin au 27 septembre dans le
cadre de l’exposition Les trésors engloutis du golfe de Fos
à travers un « mur d’images », un outil numérique convi-
vial et ludique développé au sein de TELEMMe, laboratoire

16 /
À DÉCOUVRIR AUSSI : FOSSAE MARIANAE,
la BD sur le port romain de Fos aux éditions du Rocher.

L   a série Ad Romam, créée par Boris Tilijancic, Hubert
    Prolongeau, Arnaud Delalande, Eric Stoffel et Yvon
Bertorello consacrera un tome entier de la saga à Fos-sur-
Mer. Elle fera connaître au grand public un patrimoine ro-
main exceptionnel à travers des allers et retours entre l’An-
tiquité et le présent, le long des célèbres voies romaines.
Le tome 2, signé par Yvon Bertorello et Eric Stoffel, nous
fera voyager dans le temps à travers une intrigue aux nom-
breux rebondissements prenant pour décor l’Hauture, le
port de Fos ou le canal de Marius. z

                                                                / 17
z Évocation du port antique de Fos (© J.-M. Gassend)

AVANT-PROPOS
DES CONTRIBUTIONS SCIENTIFIQUES
FRÉDÉRIC MARTY / Métropole Aix-Marseille Provence / Territoire Istres Ouest Provence / Pôle du Patrimoine Culturel Chercheur associé sous convention, Aix Marseille Université, CNRS, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence, France.

« On n'imagine pas le grouillement d'activité mari-                            l'Empire. Ce port a tout d'abord été reconnu sur les                           Cette vitalité économique et commerciale ne faiblit
time qu'il y avait dans cette ville [de Fos] ». C'est en                       itinéraires antiques tels que la carte de Peutinger sur                        pas jusqu'aux alentours de 230 après J.-C. Les ves-
ces termes qu'André Tchernia, interviewé en 2004                               laquelle il est illustré par une vignette figurant des                         tiges reconnus sont dispersés au fond du golfe
pour le documentaire « Parcours d'amphores »,                                  entrepôts en forme de fer à cheval surmontés de la                             de Fos et au niveau de la pointe de Saint-Ger-
évoque le port antique de Fos. L'activité maritime                             mention des fossae marianae. Ceci sous-entend que                              vais. Ils sont mentionnés par les érudits et les
actuelle, liée à l'immense complexe industrialo-por-                           le port est lié à l'existence du canal creusé par les                          plongeurs depuis le XIXe siècle, au moins. Par
tuaire, draine en effet d'énormes porte-conteneurs et                          troupes du général romain Caius Marius, à la fin du                            ailleurs, pendant des dizaines d'années, le
pétroliers, mais en comparaison, à l'époque romaine,                           IIe siècle avant J.-C., et qui semble être à l'origine du                      mythe de la pêche miraculeuse aux amphores
les navires marchands, de taille bien plus modeste,                            nom actuel de la ville de Fos-sur-Mer.                                         s'est ancré dans l'imaginaire fosséen. Les as-
n'en étaient pas moins beaucoup plus nombreux et                                                                                                              sociations locales et les archéologues ont réa-
requéraient l'emploi d'une main-d'œuvre abondante                              Pour autant, l’archéologie semble démontrer que la                             lisé des prospections et fouilles sous-marines,
pour le contrôle des marchandises, leur transborde-                            station portuaire de Fos a pris son essor bien plus tard,                      constituant des collections extrêmement riches
ment entre navires de haute mer et chalands aptes                              aux alentours de 20 avant J.-C. Cette période est mar-                         dont les pièces les plus remarquables étaient
à naviguer sur le Rhône ainsi que pour l'application                           quée par une profonde réforme territoriale et politique                        auparavant exposées dans la chapelle Notre-
des droits et taxes afférents au transport. En effet,                          impulsée par Auguste. De toute évidence, le projet de                          Dame-de-la Mer et au musée d'Istres.
dans l'Antiquité, le port de Fos se révèle être l'un                           cet avant-port d'Arles a été conçu par l'administration
des plus grands ports de Méditerranée occidentale                              impériale afin de faciliter les échanges économiques                           Aujourd'hui, le promeneur de bord de mer ne
après Rome. Il s'agit de l'un des avant-ports d'Arles,                         entre la Méditerranée et les colonies romaines éta-                            voit rien de tout cela. Et pour cause, l'essen-
idéalement situé au carrefour de la route maritime                             blies à proximité de l'axe rhodanien et d'assurer le                           tiel se trouve immergé sous quelques mètres
reliant l'Italie et l'Espagne et de l'axe rhodanien, voie                      ravitaillement des militaires installés dans les camps                         d'eau. Cette histoire aurait pu en rester là
de pénétration vers les provinces septentrionales de                           à la frontière germanique et en Grande-Bretagne.                               jusqu'à ce qu'une nouvelle impulsion soit don-

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née aux recherches. En effet, depuis 2014, une
équipe pluridisciplinaire composée de plus
                                                                                                                                                                                    N
d'une quarantaine de chercheurs issus d'insti-
                                                                Cavaou
tutions variées, réunie dans un programme col-                                      complexe
                                                                                   monumental
lectif de recherche intitulé « Fossae marianae :                                      A
                                                                                                               Estagnon

le système portuaire antique du golfe de Fos et                                       C
                                                                                          B

le canal de Marius », tente de redéfinir les pro-                                                                                         Marronède
blématiques liées au sujet en reprenant l'étude
                                                                                                      Saint-Gervais
de la documentation ancienne et des collections
conservées par le Pôle du Patrimoine Culturel
Istres Ouest Provence, ainsi qu'en développant les
recherches paléo-environnementales, historiques
et archéologiques, aussi bien à terre qu'en mer.

Le double constat de l'existence de collections
publiques riches et d'un dossier scientifique dont
les connaissances sont actuellement renouvelées
a conduit à organiser une exposition qui, nous
l'espérons, permettra au public d'imaginer ce que            z Répartition des vestiges antiques du littoral de Fos-sur-Mer (© F. Marty / Métropole AMP)
pouvait être le « grouillement d'activité mari-
time » du port romain de Fos. z

                                                                                                                                                      grande voile
                                                                                                                                                                               étambot

                                                                         dolon

                                                              PROUE                                                                                                             POUPE

                                                                                                               bittons
                                                              étrave

                                                                                                                                                                      gourvernail
                                                                                                                                                                      latéral

                                                                                                                                              préceinte de livet de pont
                                     0           5 cm                                                                     préceinte basse
                                                                                                             flottaison
z Graffito de navire gravé sur une tuile plate aménagée en
plateau de jeu quadrillé, découverte à Saint-Gervais
                                                                         enture en trait de Jupiter
(© F. Marty / Métropole AMP)                                                                           z Proposition de restitution du graffito (© F. Marty / Métropole AMP)

                                                                                                                                                                                / 19
HISTORIQUE DES RECHERCHES DE TERRAIN
FRÉDÉRIC MARTY / Métropole Aix-Marseille Provence / Territoire Istres Ouest Provence / Pôle du Patrimoine Culturel Chercheur associé sous convention, Aix Marseille Université, CNRS, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence, France.

                                                                                                                       Lors d’un vol en hélicoptère, le lieutenant-colonel Louis Monguilan réalise en 1965
                                                                                                                       des clichés révélant l’existence de deux grands hangars, près de la plage du Ca-
                                                                                                                       vaou, et de taches sombres dans l’anse Saint-Gervais. Entre 1975 et 1977, des
                                                                                                                       plongées permettent à la Direction des Recherches Archéologiques Sous-Marines
                                                                                                                       d’identifier un gisement de stèles et autels funéraires. Par ailleurs, les archéolo-
                                                                                                                       gues de la DRASM et du CNRS conduisent la fouille de plusieurs épaves dans les
                                                                                                                       années 1970 et 1980 : épave Fos 1 arrivant avec des amphores à vin de Cam-
                                                                                                                       panie ; épave Saint-Gervais 1 chargée de barre de fer et de lingots de plomb ;
                                                                                                                       épave Saint-Gervais 2 transportant du blé en vrac ; épave Saint-Gervais 3 remplie
                                                                                                                       d’amphores à huile et à sauces de poisson du sud de l’Espagne... Entre 1987 et
z Ramassages sous-marins sur la plage de Saint-Gervais en 1955                                                         1994, plusieurs campagnes de prospections et de sondages menées par diffé-
  (© Ch. Michon / Amis du Vieil Istres)
                                                                                                                       rentes équipes associant professionnels et amateurs ont pour objectif de carto-
Les fosses mariennes, mentionnées dans les textes et itinéraires grecs et latins,                                      graphier les vestiges immergés, de préciser leur nature et de tenter de restituer
suscitent l’intérêt des érudits et des chercheurs depuis le XVIe siècle, mais les                                      l’environnement général du secteur de l’anse Saint-Gervais. Après le milieu des
recherches de terrain restent embryonnaires jusqu’aux premières fouilles réalisées                                     années 1990, les opérations de terrain cessent jusqu’à la fouille de sauvetage
à Fos en 1948, avec une équipe conduite par le président des Amis du Vieil Istres,                                     urgent entreprise dans l’ancien étang de l’Estagnon par le Pôle Intercommunal
René Beaucaire et avec l’aide des frères Conil, pêcheurs de la pointe de Saint-Ger-                                    du Patrimoine Culturel qui met en évidence les vestiges spectaculaires de travaux
vais. Dans un courrier du 15 novembre 1949, Fernand Benoit, Directeur de la XIIe                                       réalisés au Ier siècle pour assainir un secteur marécageux. Il faut ensuite attendre
circonscription archéologique, soutient cette initiative : « J’ai été très heureux d’ap-                               2012 pour que des initiatives soient engagées sur le secteur de Fos et sur celui des
prendre que votre société avait entrepris l’exploration du golfe de Fos et inauguré                                    marais du Vigueirat, débouchant sur une problématique commune prenant depuis
les fouilles sous-marines à la pioche ». La discipline n’en étant qu’à ses balbutie-                                   2016 la forme d’un programme collectif de recherche piloté par le DRASSM et le
ments, Fernand Benoit nomme dès 1949 René Beaucaire directeur des fouilles                                             Centre Camille Jullian plus de quarante chercheurs. Fos-sur-Mer est aussi devenu,
sous-marines de la bande côtière s’étendant des Saintes-Maries-de-la-Mer à                                             depuis 2014, un chantier-école annuel dédié au Master of Maritime and Coastal
Carry-le-Rouet. Il est entendu que le produit issu des ramassages sous-marins                                          Archaeology de l’Université d’Aix-Marseille. z
doit intégrer le musée d’Istres, inauguré en 1955, et peut à tout moment être resti-
tué à l’Etat, seul propriétaire légal. L’association compte bon nombre de passionnés
auxquels René Beaucaire délivre des autorisations de fouille jusqu’en 1965. C’est
l’époque de la chasse aux amphores dans un lieu devenu mythique. Dès 1962, le
club culturel et sportif de Port-de-Bouc se joint aux recherches.

En 1967, naissent les Amis du Vieux Fos. Après leurs premières plongées en 1970,
les membres organisent, le 13 juin 1971, une opération réunissant près de 70 par-
ticipants afin de prospecter les fonds marins. Plusieurs amphores rejoignent alors
la Chapelle Notre-Dame-de-la-Mer, devenue musée en 1978. Peu après, lors des
travaux de construction du port de plaisance, l’association est autorisée « à collec-
ter dans les déblais de dragage [...] le matériel archéologique qui peut s’y trouver ».
A la même époque, une équipe fouille, près du phare actuel, les vestiges d’un atelier
de fabrication de gobelets et de lampes à huile.                                                                      z La pêche aux amphores dans les années 1950 (© R. Beaucaire / Amis du Vieil Istres)

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LA TABLE
                                                                                                          DE PEUTINGER :
                                                                                                          une carte des itinéraires
                                                                                                          routiers romains
                                                                                                          La carte de Peutinger, du nom de son second propriétaire, l’éditeur
                                                                                                          Konrad Peutinger, a été découverte en 1507 par l’humaniste allemand
                                                                                                          Conrad Celtes. Ce document, réalisé au XIIIe siècle par un copiste bava-
                                                                                                          rois, est conservé à la bibliothèque nationale autrichienne de Vienne. Il
                                                                                                          constitue l’itinéraire antique peint le plus complet qui nous soit parvenu.
                                                                                                          Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une carte géographique, mais
                                                                                                          de la représentation du réseau routier de l’Empire romain et de ses
                                                                                                          marges, avec l’indication des distances entre les différentes localités fi-
                                                                                                          gurées par des icônes en forme d’édifices stylisés. Ceci explique l’aspect
                                                                                                          allongé de la carte composée d’un assemblage de douze segments –
                                                                                                          dont le premier est perdu – formant un rouleau large de 37 cm et long
                                                                                                          de 7,40 m. Le modèle d’origine est issu de la compilation de différents
                                                                                                          itinéraires romains. Il a dû être réalisé par l’administration impériale
z Fouille d’une fondation sur pieux en 2017 (© L. Damelet / AMU - CNRS - Centre Camille Jullian)
                                                                                                          au milieu du IVe siècle. C’est un document officiel, et non une carte
                                                                                                          pour l’usage privé des commerçants et pèlerins, destinée aux fonc-
                                                                                                          tionnaires, militaires et diplomates de l’Empire. En effet, les vignettes
                                                                                                          correspondent aux édifices publics que l’on trouve le long du parcours
                                                                                                          de la poste impériale, tandis que les informations commerciales sont
                                                                                                          absentes et les lieux de culte en nombre insuffisant. On peut ainsi repé-
                                                                                                          rer 5 autels, 44 temples, 10 entrepôts, 429 paires de tours, 52 édifices
                                                                                                          à cour centrale, 6 enceintes urbaines, 3 villes personnifiées (Rome,
                                                                                                          Constantinople et Antioche), 2 phares et 2 ports. Ces deux ports sont
                                                                                                          ceux de Rome et de Fos, signalés par des entrepôts en forme de fer à
                                                                                                          cheval. L’importance de Fos à l’échelle de la Méditerranée occidentale
                                                                                                          est donc, ici, clairement mise en exergue.

z Sondage sur un probable entrepôt immergé en 2017 (© L. Damelet / AMU - CNRS - Centre Camille Jullian)   z Le port de Fos sur la table de Peutinger (facsimilé K. Miller 1887)

                                                                                                                                                                             / 21
UN PAYSAGE MOBILE
CLAUDE VELLA / Aix Marseille Univ, CNRS, IRD, INRA, Coll France, CEREGE, Aix-en-Provence, France.

L’environnement dans lequel a été implanté le port                            montre deux stabilisations : la première entre 5000                              maux marins fixés sur les quais antiques indique un
antique de Fos était fort différent de l’actuel. Le fait                      et 4000 ans av. J.-C., la seconde entre 2000 et                                  léger décalage de quelques centimètres, au plus une
même qu’une grande partie des vestiges soit actuel-                           1400 av. J.-C. Pour la période romaine, les fouilles                             dizaine. Cet écart peut être facilement expliqué par
lement recouverte par plusieurs mètres d’eau suffit                           de la bonification de l’Estagnon indiquent pour la                               les effets de tassement différentiels des sols, tandis
à prendre conscience de l’ampleur des phénomènes                              première fois un niveau précis du plan d’eau. Les                                que les balanes du port antique de Marseille peuvent
naturels ayant façonné le paysage. Ce dernier est, en                         aménagements en bois et en amphores surmontés                                    être légèrement surélevées compte tenu de l’écolo-
effet, soumis au double effet de la mobilité latérale                         d’une couche de chaux, réalisés dans la zone ma-                                 gie de ces espèces vivant dans la zone médiolittorale
du littoral et de la mobilité verticale du plan d’eau.                        récageuse vers 65/85 ap. J.-C., sont compris entre                               supérieure. Un niveau marin de l’ordre de -0,70 m
Le site doit faire face successivement à l’avancée                            -1,38 et -0,72 m. Le rehaussement des sols de la                                 est alors envisageable. Au final, les phases de sta-
littorale à l’ouest de la pointe de Saint-Gervais, à                          fin du IIe s. et du début du IIIe s., lui, est situé entre                       bilisation et d’accélération, au même titre que la
l’érosion à l’est, ainsi qu’aux effets de la remontée                         -0,75 et -0,53 m. La comparaison de ces données                                  dynamique fluviale, ont joué un rôle important dans
du niveau marin liée aux changements climatiques.                             avec celles recueillies à Marseille à partir des ani-                            l’évolution du rivage sur les sociétés.
À l’échelle du delta du Rhône, au début de l’An-                                                                                                                                  Ly-8447
tiquité, le fleuve s’écoule par deux bras actifs : un                                                                                             Âge calibré
                                                                                             5000             4000           3000            2000            1000             0             1000           2000
bras central baptisé Rhône de Saint-Ferréol et un
                                                                                                                                                                                                                  0 m NGF
bras oriental, le Rhône d’Ulmet, le plus proche de
Fos. Au Ier siècle av. J.-C., apparait un troisième che-                                                                                                                Ly-7591

nal à l’ouest, le Rhône de Daladel. Entre le Rhône                                                                                                                  Ly-7860
                                                                                                                                                                                                                  1m
d’Ulmet et Fos, le littoral forme un golfe au nord du                                                                                                               Ly-1493
                                                                                                                                                    Ly-1494
rivage actuel. Depuis la fin de l’âge du Bronze et le                                                                          Ly-8020
                                                                                                                             Ly-7592 Ly-524 Ly-7862
                                                                                                                      Ly-1496
début de l’âge du Fer (VIIIe – VIe siècles avant J.-C.),                                                          Ly-8731           Ly-5249LGQ-1059                                                               2m
                                                                                                                Ly-8621       LGQ-1064 LGQ-1055
son comblement progresse à une vitesse annuelle                                                                                LGQ-1057

                                                                                                                                                                                                                          Profondeur en m NGF
moyenne de 7 m par l’apport de sédiments sableux                                                                  Ly-8670
                                                                                                        Ly-7018
rhodaniens véhiculés par la houle. La Roque d’Odor                                                                       Ly-8150
                                                                                                                                                                                                                  3m

apparait donc comme une île jusqu’à la fin du Haut
Moyen Age. Après cette date, le Rhône d’Ulmet est                                                   Ly-8446
                                                                                                                                                                                                                  4m
toujours actif mais le Grand Rhône devient le chenal
                                                                                               Ly-364
principal. Le mouvement d’avancée du rivage sur la
                                                                                         Ly-8218
mer s’inverse entre le VIIIe et le IXe siècles. On as-
                                                                                                                     code laboratoire                                                                             5m
siste alors à un recul significatif.                                                                                 de datation
                                                                                                                                        Ly-8447                                          Courbe enveloppe de la
                                                                                         Ly-8671                                             barre                                       position du plan d’eau
Parallèlement, le niveau de la mer monte, de manière                                                                 incertitude             d’incertitude    position
                                                                                                                     verticale               d'âge            probable
non linéaire. Vers 16000 av. J.-C., le niveau situé                                                                                                           du plan d'eau                                       6m

alors à -120 m monte très rapidement (1 cm / an)
suite à la fin de la dernière période glaciaire. Cette                                                 Position altimétrique du drain d’amphores de
                                                                                                                                                                                  Position altimétrique du remblai
                                                                                                                                                                                  IIe et IIIe s. ap. J.-C. à l’Estagnon
élévation diminue à 1 mm / an à partir de 7000 av.                                                     l’Estagnon et sa couche de chaux sommitale
J.-C., contribuant à créer le delta du Rhône. La courbe
générale établie à partir des données camarguaises                            z Courbe de remontée du niveau marin (© C. Vella / CEREGE)

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