LES TRÉSORS ENGLOUTIS DU PORT DE FOS - Fos-sur-mer
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Préface de Jean Hetsch, Maire de Fos-sur-Mer. 5 Sommaire Anne van den Steen et Dominik Barbier : Les trésors engloutis du port de Fos. 6 Les Amis du vieux Fos. 8 L’association se présente. L’histoire du souterrain de l’Hauture. 10 Le port antique de Fos. 11 Laboratoire TELEMMe : Une transformation en images. 16 Fossae Marianis, la BD sur le port romain de Fos BD. 17 Avant-propos des contributions scientifiques FRÉDÉRIC MARTY. 18 Historique des recherches de terrain FRÉDÉRIC MARTY. 20 Un paysage mobile CLAUDE VELLA. 22 Recherches récentes sur le canal de Marius CORINNE ROUSSE, YOANN QUESNEL. 24 L’île de la Roque d’Odor FRÉDÉRIC MARTY. 26 Le complexe monumental de l’anse Saint-Gervais SOUEN FONTAINE, MOURAD EL AMOURI. 28 Les hangars du Cavaou : deux immenses bâtiments restant à identifier MARIE-BRIGITTE CARRE, KALLIOPI BAIKA. 30 Les aménagements de la Marronède SOUEN FONTAINE, MOURAD EL AMOURI. 32 Quand la mer cache la forêt : les structures en bois du port romain de Fos SANDRA GRECK, FRÉDÉRIC GUIBAL. 34 L’Estagnon : aménagement d’une zone humide FRÉDÉRIC MARTY. 36 Navires et navigation dans le golfe de Fos à l’époque romaine SABRINA MARLIER. 38 Glossaire. 40 Des amphores pour l’Empire FRÉDÉRIC MARTY. 42 Des stèles, reflet d’une population cosmopolite FRÉDÉRIC MARTY, CYRIL COURRIER. 44 Orientation bibliographique. 46 Remerciements. 48
préface. L ’aventure de l’exposition Les Trésors engloutis du port de Fos dépasse le cadre d’un projet culturel, fût-il de grande ambition. Elle touche à l’histoire même de Fos-sur-Mer, à son passé antique prestigieux, mais également à ses souterrains, que l’on sait avoir été aménagés pendant l’occupation allemande, mais dont l’origine est certainement plus lointaine. Les Fosséens sont attachés à ce site atypique, comme ils le sont à toutes les composantes de leur identité. Des spectacles s’y étaient déjà déroulés mais la grande intuition de René RAIMONDI en 2017 a été de les équiper de manière optimale en lumière, en son, de les sécuriser et de les aménager pour en faire un véritable écrin pour la création artistique et l’accueil du public. Cela a été chose faite et en 2018 les souterrains ont accueilli Rêve d’épaves, œuvre immersive de Dominik BARBIER et Anne VAN DEN STEEN, avant-goût du propos que nous tenons cette année. z Jean Hetsch Il s’agissait d’une incursion onirique et spectaculaire dans le monde de l’archéologie sous-marine, Maire de Fos-sur-Mer entrée vers les trésors archéologiques découverts dans le golfe de Fos. Ces trésors vous sont dévoilés cette année, dans une scénographie sur-mesure, troublante, spectaculaire, technologique, Dominik BARBIER et Anne VAN DEN STEEN y développent un propos ambitieux, à la fois rigoureux historiquement et totalement créatif dans l’expérience proposée au public. Il est question d’une immersion fascinante dans un monde et une époque où la navigation était une aventure périlleuse et la mer un univers peuplé de dieux. Ce monde était celui du commerce, de navires chargés d’amphores, elles-mêmes porteuses de denrées qui traversaient l’ensemble du monde connu. Ces amphores étaient un langage en elles-mêmes, elles étaient de formes multiples, portaient des marques que nous savons aujourd’hui déchiffrer. Les bateaux quant à eux devaient se concevoir pour optimiser le transport, la réparation navale était d’ailleurs à Fos un élément central de l’immense port romain. Roque d’Odor, Canal de Marius, Estagnon, autel du Nauclère, tous ces mots ouvrent en nous les portes de l’Antique et du mythe, tout comme la hure de sanglier, mascotte de l’exposition. Ils se retrouvent dans l’exposition et ils entreront en vous par l’expérience vécue à travers ce dispositif immersif unique. Si le port de Fos était le centre du monde antique comme cela est attesté par la carte de Peutinger, c’est pour des raisons stratégiques et topographiques : liaison vers l’Europe du Nord par le Rhône et vers l’Afrique et l’Orient par la Méditerranée, il unit les mondes. J’ai souhaité faire le parallèle avec l’aventure industrielle du XXème siècle et montrer que le port industriel est dans la continuité de ces enjeux. Ce saut vers le monde moderne et contemporain était également nécessaire pour moi car il est l’occasion de rendre hommage aux inventeurs, aux plongeurs, aux historiens, aux amoureux de leur ville et de son patrimoine qui nous ont permis de découvrir cette histoire. Je pense en tout premier lieu aux Amis du Vieux Fos. Mais les découvertes sont loin d’être achevées et les campagnes de fouilles du DRASSM et du Centre Camille Jullian qui se succèdent mettront certainement au jour des vestiges monumentaux. Merci à tous ceux qui travaillent sur ces questions, en particulié le DRASSM et le centre Camille Jullian, merci à tous les partenaires de l’exposition, du Pôle Patrimoine Culturel / Istres Ouest Provence au laboratoire TELEMMe de l’Université, en passant bien entendu par les services municipaux. Merci aux artistes, merci à l’équipe municipale qui porte la création au plus haut, merci au public pour sa curiosité et sa fidélité. Découvrez les trésors engloutis du golfe de Fos et que l’immersion commence ! z
Création video / parcours-spectacle immersif Écriture et création vidéo : Dominik Barbier Scénographie image / espace : Anne Van den Steen Production et diffusion : FEARLESS Décors et construction : SUDSIDE ANNE VAN DEN STEEN ET DOMINIK BARBIER Les trésors engloutis du port de Fos. I l s’agit d’une création de Dominik Barbier et Anne Van den Steen, au croisement de la création vi- déo et de la scénographie d’exposition, réalisée en L’exposition présente les recherches autour du port antique de Fos, en le contextualisant dans l’immensité de l’Empire romain, où il était l’un des collaboration avec FEARLESS (production vidéo) ports les plus importants de Méditerranée, comme et SUDSIDE (décors et construction), à partir du le montre la fameuse carte de Peutinger, idéalement projet scientifique initial de Frédéric Marty, archéo- positionné entre l’Espagne et l’Italie et assurant les logue et attaché de conservation du patrimoine au échanges avec la Gaule et le nord de l’Europe par Pôle du Patrimoine Culturel Istres Ouest Provence. Arles et le Rhône. 6/
Pour accompagner la démarche scientifique, et évoquer bien-sûr, mais c’est surtout un concept d’encerclement, fortement l’ampleur des échanges d’une rive à l’autre quand enfin tout autour de la Méditerranée, le rivage est du monde connu et l’extraordinaire entreprise du com- passé sous le joug romain. merce de marchandises à travers tout l’empire romain Et le rivage, autant que possible, on ne s’en éloigne ja- et jusqu’à FOSSAE, que concrétisent les chantiers na- mais trop ! La mer reste indomptable. Quelle que soit vals et hangars maritimes du port antique tout comme leur maîtrise de l’art et des sciences de la navigation, le les amphores et une collection remarquable de marques voyage en mer reste pour les hommes de l’antiquité une peintes, la scénographie a tenté d’épouser la géographie aventure périlleuse, une traversée de l’inconnu dans un très particulière des souterrains de l’Hauture, et magni- univers soumis aux caprices des dieux et peuplé de créa- fier le sentiment d’un cheminement et d’une trajectoire tures tantôt merveilleuses et tantôt monstrueuses. de découverte dont elle est porteuse, par la lumière, les ambiances sonores et une succession d’installations C’est cet imaginaire fantastique que la mise en scène jouant la surprise et l’émotion. s’est attachée à travailler, dans une démarche qui croise la création artistique et scénographique autour du thème L’exposition se présente comme un parcours-spectacle de la traversée. Car il y a « les vivants, les morts et ceux immersif et spectaculaire dans un labyrinthe souter- qui vont sur la mer ». rain, habité par des dispositifs audiovisuels et scénogra- phiques tantôt spectaculaires tantôt plus intimistes, qui La hure de sanglier qui à la proue d’un navire conjurait proposent un voyage dans la poétique de l’imaginaire les périls de la traversée, ouvre la section antique, qui se romain, à travers l’évocation de l’omniprésence des divi- clôt sur l’autel du Nauclère érigé en remerciement aux nités et de la dimension fantastique qui fondait la percep- dieux du commerce : ces deux objets phares de l’exposi- tion du monde dans l’antiquité. tion, magnifiés par la projection vidéo, symbolisent cet esprit aventureux et industrieux de l’échange commer- Dans l’empire romain, on part en guerre ou en exil, on cial qui animait les constructeurs et les exploitants du fait des conquêtes et du commerce, on explore et on re- port antique comme il anime 2000 ans plus tard ceux du pousse les limites du monde connu pour mieux s’empa- port actuel. rer de ses richesses. On ne voyage pas sur la mer, on ne fait pas de croisière car s’il est un territoire qui échappe L’exposition se conclue par une deuxième section qui à l’emprise de l’homme, c’est bien celui de Neptune et évoque les recherches des Amis du Vieux Fos et la perpé- des innombrables divinités et abominations marines tuation de l’activité portuaire à Fos-sur-Mer. z qui sont dans les profondeurs sombres. Mare Nostrum, /7
LES AMIS DU VIEUX FOS L’association se présente. C ’est une association créée le 23 juin 1967 par quelques Fosséens qui ont marqué leur époque : Jean-Jacques Feraud Maire de l’époque, En 2003 par la volonté du Conseil d’Administra- tion présidé par Michel Leroy, le nouveau président suite au décès de Paul Gimet, l’Association s’est Monsieur Léon Arnaud son premier Président, orientée vers d’autres activités, en particulier sur Monsieur Eugène Hertsoën, généreux mécène, l’étude de notre histoire antique et médiévale, par le Docteur Jacques Parsemain, Monsieur Paul la lecture des historiens anciens. Il est prévu qu’une Duval architecte, Monsieur Pierre Orlandi et bibliothèque sera créée dès que nous serons en pos- bien d’autres. session d’un local sécurisé. De nombreuses confé- rences sont organisées sur différents thèmes régio- Le but était de promouvoir l’image de Fos et de nalistes. son passé historique très riche. Un livre « La merveilleuse histoire des fosses Ma- Les premières années, (sous la présidence de riennes et Marius en Provence » a été conçu et pu- Monsieur Léon Arnaud) furent consacrées à blié, il n’en reste malheureusement que quelques l’archéologie sous-marine du Golfe de Fos, avec exemplaires. Un projet inspiré de notre culture ré- des plongeurs réputés, sous la direction de Mon- gionale a été traité : la cuisine du terroir, Avec l’aide sieur Paul Gimet qui succéda à Monsieur Léon des Papis et Mamies un livre de recettes en 2 tomes Arnaud. a été édité, il est toujours à la vente. D’innombrables objets de valeur furent ramenés Nous avons réalisé un ouvrage (qui nous a pris deux par nos plongeurs, amphores, poteries, lampes à ans de travail) qui a eu un énorme succès (plus de huile, une pompe de cale unique, (la plupart sont 1000 exemplaires vendus) sur les rues, chemins, maintenant au Musée d’Istres) et environ 2000 lieu-dit, quartiers aux toponymies provençales. pièces de monnaies diverses. Nous avons également mis en œuvre des opuscules L’Association des Amis du Vieux Fos, avec la bé- sur les monuments locaux. nédiction et l’aide de la Mairie de l’époque, créa Il a été réalisé des sorties à vocation culturelle, un Musée dans la Chapelle de la Mer, qui perdu- comme par exemple la visite des Musées de Quin- ra pendant des années, jusqu’en 2002. son, de Arles, de Mougins et à Saint-Michel l’Obser- vatoire, d’autres sont en préparation.Aujourd’hui Il était essentiellement animé par «Fifi» Crus- l’association est constituée de plus de 300 membres, naire, Paul Gimet, deuxième Président de l’asso- elle organise au minimum trois journées récréa- ciation, et monsieur Bobeda. tives dans l’année, avec repas, avec chaque fois que C’était la fin du Musée, mais notre nom figurait nous le pouvons au menu les « Moules Fosséennes » encore il n’y a pas si longtemps sur le fronton de et les « moules de Jean-Mi ». la porte d’entrée de la chapelle jusqu’à sa restau- ration, Monsieur le maire s’est engagé à créer en Il n’y a aucune obligation particulière pour adhérer remplacement un petit monument a proximité aux Amis du vieux Fos, sinon d’en avoir envie et pour rappeler l’engagement de notre association. d’aimer notre commune. z 8/
z De gauche à droite : Paul Duval, Léon Arnaud, Eugène Hertsoën, Pierre Orlandi z Amis du vieux Fos - 2014 /9
LES AMIS DU VIEUX FOS L’histoire du souterrain de l’Hauture. La datation : On n’en connait ni l’usage ni la datation, il est en revanche pratiquement certain qu’il a été réali- sé au moyen-âge, vraisemblablement pendant la période médiévale, au cours de la construction du Castrum, d’autres historiens pensent qu’il a été creusé postérieurement, on donc peut situer sa création entre le 9eme et 12eme siècle. Son usage : Certains chercheurs pensent qu’il servait d’issue en cas d’attaques ou de sièges du château, d’autres soutiennent qu’il servait au transport du sel, den- rée très recherchée à cette époque, qui servait de monnaie lors des trocs, il existe d’ailleurs un tun- z L’équipe employée au creusement du souterrain de l’Hauture en 1943 (coll. Union des Anciens Combattants de Fos-sur-Mer) nel du même genre entre l’étang de Lavalduc et le port antique de Tholon à Martigues. Le Président des Amis du Vieux Fos raconte que quand il était enfant, par temps de mistral, du haut de l’hauture, il discernait un sillon sous les eaux, (Il y avait moins de pollution à l’époque) qui traversait l’étang pour rejoindre la pointe de Mourre-pous- siou ou le vallon d’Entessane, la sortie n’a jamais été retrouvée. Pendant la deuxième guerre mondiale, en 1943, les allemands ont fait nettoyer et déblayer ce souter- rain par les membres du S.T.O de la Commune pour créer un dépôt de munitions, c’est la photo ci-jointe. Dans les années suivant la deuxième guerre mon- diale, un ancien prisonnier Allemand, Wilfrid, qui était resté à Fos, créa une champignonnière dans le souterrain, l’expérience coupa court car il se tua lors d’un accident. Il est possible que les Allemands aient créé une des salles et la cheminée ! z z Les écoliers de Jean Giono rendent hommage à leurs ancêtres, mai 2019. 10 /
LES AMIS DU VIEUX FOS Le port antique de Fos. FOSSA MARIANNA (jusqu’au 1er siècle) naviguaient pour faire du commerce à l’inverse des FOSSA MARIANIS PORTUS Romains qui étaient des guerriers et conquérants. Lorsque Phocée, la ville mère située en Asie mineure, LES FOSSES MARIENNES plus précisément au nord d’Izmir fut évacuée par ses LE PORT ANTIQUE DE FOS habitants du fait des dévastations d’Arpagus le Mède, La traduction littérale donne les : « fosses de Marius ». lieutenant de Cyrus, maître de la totalité de l’Asie ci- En effet le Général Marius est indissociable du port vilisée, sa population se réfugia presque en totalité auquel il a donné son nom. sur nos côtes. J’aurai le plaisir plus loin d’évoquer ce personnage. Les denrées rares recherchées à l’époque étaient l’étain et l’ambre. En effet Il est difficile de parler du port de Fos antique sans évoquer Marius, Grand général romain oublié de Or notre port permettait d’accéder par les étangs et l’histoire. des canaux naturels jusqu’à Arelate ou plutôt Erga- Les historiens du XIXème siècle se sont beaucoup que- ninum, aujourd’hui Saint-Gabriel, cela permettait rellés sur l’origine et l’emplacement exact de ce canal. de remonter ensuite la vallée du Rhône ou même vers l’ouest jusqu’à Agde, à la recherche du pré- Il est vrai qu’à cette époque, l’archéologie sous-ma- cieux métal. rine n’existait pas et qu’ils ne pouvaient s’appuyer Rappelons qu’à l’époque le plus sûr moyen de com- que sur les vestiges apparents et les écrits des au- munication était les voies d’eau. Les chemins ou teurs anciens à savoir Strabon, Plutarque, Tite-Live, routes n’existaient pratiquement pas dans notre ré- Festus Arenius, Polybe, Pomponius Mela, Pline, et les gion avant la venue des Romains. autres… En conclusion si l’existence d’un port an- En outre, le conditionnement essentiel était l’am- tique ne fait plus aucun doute c’est son importance phore et les navires de l’époque étaient conçus pour qui pose question. Pour cela il nous faut rentrer dans ce mode de transport. l’histoire et la géographie locale. Il faut maintenant définir les limites géographiques de ce port. La géographie À cette époque, les alentours de Fos n’étaient que Cela serait une erreur de penser qu’il ne se circons- marais jusqu’à Arelate qui était pratiquement une crit que sur la plage de Fos et à Saint-Gervais. presqu’île. Avant l’arrivée des Romains, le port crée par les Je suis de ceux qui pensent que l’existence de notre grecs (vers -650 av J.-C) est essentiellement situé sur port était antérieure à Massalia. le grau du Galejon appelé aussi par les anciens Grau de Fos et la Roque d’Odor. Les peuples méditerranéens : Étrusques, Phocéens, Rappelons, si besoin est, en provençal un grau est un Ioniens, Phéniciens et autres Grecs étaient d’extraor- chenal naturel allant de la mer vers les étangs ou in- dinaires marins et des commerçants pacifiques qui versement. / 11
La Roque d’Odor Il s’agissait de mamelons, promontoires ou émer- dié à Diane d’Artémise d’Ephèse. Les Massaliètes ont gences rocheuses de quelques mètres de haut par rap- quant à eux construit trois moulins dont des ruines port au niveau de la mer et seulement sur quelques importantes étaient encore visibles au XIXème siècle. sept hectares. La Roque d’Odor a disparu, sacrifiée aux grands tra- Les Grecs avaient établi un campement avec quais, vaux d’aménagement, elle se situait sur l’emplacement débarcadères et abris. Ils faisaient même de la culture de la darse 1. Il faut savoir que le radeau utriculaire (vigne et céréales, on a trouvé une aire de battage sur était employé dans tous les grands ports antiques (Os- les lieux). Ils déposaient les marchandises des ba- tie, Alexandrie, sur le Gange, le Tibre et l’Euphrate). teaux de charge qui ne pouvaient aller plus loin du Le port avait une grande importance avant l’arrivée fait du peu de profondeur de l’eau, elles étaient en- des Romains qui se situe en 154 av. J.-C. suite remontées sur des radeaux de type utriculaire qui remontaient les étangs à la « partégue » jusqu’à Er- De l’histoire ganinum au travers des étangs et chenaux. Les utri- À cette époque, l’Europe bouge, les peuples se dé- culaires ont créé une confrérie qui a perduré jusqu’au placent en particulier ceux du Nord qui ont à affron- IVème siècle, c’est dire l’importance qu’ils ont pu avoir ter un climat rude et diverses inondations. En 115 av. sur la navigation locale. Un fronton en témoigne dans J.-C. ils décident d’entreprendre une migration vers le la magnifique chapelle de saint Gabriel. sud, les Teutons, les Ambrons s’allient aux Cimbres, ils Les Grecs avaient même bâti sur le site un temple dé constituent une troupe de plus de 300 000 personnes. 12 /
Inquiet, le Sénat romain envoi pour remonter la val- Marius va pouvoir entrer en scène lée du Rhône une armée de 40 000 légionnaires. Elle Il est issu d’une famille de Plébéiens, il naît en 157 rencontre la horde barbare aux alentours de Macon, avant J.C. près d’Arpinum petite ville du Latium. après plusieurs heures de bataille sa défaite est totale En 114 av. J.-C., Marius obtient la Préture et se voit il n’y a pratiquement aucun survivant. confier le gouvernement de l’Espagne. En désespoir de cause, Rome renvoi de nouveau en Avec une ardeur inlassable, une activité sans faille, il pa- 107 av. J.-C. une autre armée en narbonnaise. Celle-ci cifie le pays. Son succès fait de lui un homme en vue : est également anéantie. Devant ce nouveau désastre, il constitue une force politique, il devient l’ami de nom- Rome se voit contrainte de prendre des mesures ex- breuses familles praticiennes et épouse Julie, fille de ceptionnelles. En 105 av. J.-C. les barbares décident de l’une des plus importantes familles de Rome (elle devien- descendre la vallée du Rhône. Avertie, Rome délègue dra la tante de Jules César). deux légions. Les belligérants se retrouvent dans la En 110 av. J.-C., l’Afrique de Nord se soulève, Le Sénat plaine d’Orange.La bataille s’engage et malgré la va- confie à Marius la responsabilité de la guerre en Afrique leur, la supériorité technique et tactique, les légions du Nord, qu’il finira par gagner. romaines sont laminées par le nombre et totalement En 107 av. J.-C, Marius est nommé Consul, en novembre massacrées. Rome constate avec effroi qu’elle n’a plus 105 av. J.-C. Marius devient Consul pour la seconde fois, rien à opposer à l’adversaire. Inexplicablement, les il retourne en triomphateur à Rome. Le Sénat confie au barbares au lieu de marcher sur Rome, décident de se grand général le soin d’anéantir la coalition barbare, qui rendre en Ibérie. Rome pour un temps est sauvée. est une menace terrible pour Rome. z © Évocation du port antique de Fos J.-M Gassend / 13
Marius en Provence En 104 av. J.-C., Marius arrive à Massallia, il décide Quand ceux-ci remontent vers le camp ils ont gagné de reconnaître le pays, il parcourt la contrée de Mas- cette première bataille puisque 10 à 20 000 barbares sallia à Arelate. sont morts et ils n’ont perdu que quelques dizaines Il étudie les possibles sites de bataille et en retient de soldats. deux : Eguilles et la plaine de Pourrières qui pré- Au petit matin il constate que les barbares quittent sentent des similitudes géographiques. leur camps et infléchissent leur direction vers l’est Il sait que les batailles perdues précédemment ce qui veut dire qu’ils évitent Eguilles. La bataille étaient dues à des défauts d’approvisionnement et à aura donc lieu à Pourrières, ainsi en a décidé le des anomalies de préparation. grand Marius. Le problème de Marius réside dans le fait qu’il a Les Massaliètes lui confirment que l’accès aux Rhô- seulement 45 000 hommes contre environ 150 000 ne pour remonter jusqu’à Arelate est très dangereux guerriers barbares, sinon plus, car les femmes se par vent d’est car le golfe de Fos est grevé de nom- battent aussi. Il dispose son armée en haut de la col- breux theys (des bancs de sable qui se déplacent se- line et sur les versants, il offre ainsi un front rac- lon les courants du Rhône), ce qui explique les nom- courci de moins de 2000 mètres aux barbares. Il breux écarts de position sur les cartes de l’époque. sait que ceux-ci n’ont pas de tactique, qu’ils foncent C’est pour cela que Marius, s’employa à faire creu- droit sur l’adversaire, de plus leur armement n’est ser un canal par son armée inoccupée pendant deux pas adapté au combat rapproché. ans, pour permettre un accès paisible et pratique Dans le dispositif astucieux choisi par Marius, la aux bateaux de charge, pour rejoindre l’étang du première ligne barbare combat, alors que les autres Galéjon ou ils déposaient leurs marchandises sur le à l’arrière sont spectatrices. Le général Romain fait site de la roque d’Odor à l’entrée du grau, pour les rabattre ses ailes sur les flancs, il s’agit alors d’une recharger ensuite sur des radeaux utriculaires qui véritable nasse, cela devient un massacre, les légion- remontaient jusqu’à Erganinum. naires comme à l’exercice font une boucherie des Nous sommes en 102 av. J.-C. Alerte ! les ennemis barbares, c’est la débandade, ils s’enfuient dans la arrivent ! Toute l’armée romaine est partie s’instal- plaine mais sont achevés : plus de 100 000 cadavres ler dans le camp retranché de Glanum (Saint-Rémy couvrent la plaine. de Provence). L’armée romaine reprend la route vers Rome, Ma- Marius décide de suivre et rattraper l’armée ad- rius se rend à Massalia pour embarquer, il est reçu verse pour provoquer la bataille devant Eguilles. Les en triomphateur. La bataille de Pourrières est incon- barbares marchent au plus 10 km par jour, les mu- nue du grand public, c’est portant une victoire qui lets, c’est le surnom des soldats de Marius, peuvent a sauvé la civilisation romaine et la civilisation gal- parcourir 30 km par jour avec plus de 30kgs de bar- lo-romaine. da sur le dos. Dès lors Marius rentre à Rome pour jouir de sa Les Romains rattrapent l’armée barbare en fin gloire, il renonce au commandement en 89 av. J.-C. d’après-midi dans les gorges de Roquefavour, où elle L’importance du port a pris ses quartiers. Il nous faut maintenant revenir au port et a son Il s’ensuit entre les deux armées, une échauffourée importance. C’est la carte de PEUTINGER qui pose crépusculaire au bord de la rivière l’Arc, qui tourne l’énigme des Fosses Mariennes. à l’avantage des Romains 14 /
Il est nécessaire de la voir dans son détail pour ap- La décadence précier l’importance du port de Fos. Sur ce document, Apres la victoire de Pourrières, Marius donne, en re- les villes sont représentées par des logos différents, connaissance aux Massaliètes, le canal qu’il a réalisé. selon leur importance. Or le port de Rome (Ostie) est Ceux-ci l’utilisèrent commercialement (et créèrent figuré par un bâtiment semi-circulaire, le seul logo un péage) en faisant d’importants profits jusqu’à la identique est le port de Fossa Marianis, c’est-à-dire le fin du 4ème siècle. port de Fos, mais il faut le voir dans un ensemble. La contrée pacifiée, les Romains délaissèrent Mar- Nous nous trouvons en présence d’une façade mari- seille et ses annexes. Les mouvements commerciaux time de quelques kilomètres de large depuis le grau commencèrent à se faire par les voies terrestres de du Galéjon a l’Ouest, puis en allant vers l’Est où il y a plus en plus perfectionnées. L’amphore n’est plus d’abord le port de Saint-Gervais qui est relié au site l’unique conditionnement, la barrique en bois fait son de la Roque d’Odor par le canal de Marius. Nous avons apparition. ensuite le rocher de l’Hauture, l’étang de l’Estomac, Les Fosses Mariennes sont délaissées au profit direct les habitats de Mourre Poussiou, Entessane, puis d’Arelate. l’Engrenier qui était relié à la mer. Enfin il existait Ils construisirent également une voie faisant le tour dans l’anse de la Baumasse (Port-de-Bouc), une ville de l’étang de Berre en passant par le Pont Flavien de que nous pensons être Avaticorum. Saint-Chamas, et une autre directement de Martigues Autant de points où il y avait des feux (les fanons ou à Istres par Tholon et le long de l’étang de Pourra. fanaux), une vingtaine sur 7 km environ, ce qui ex- Le commerce de Marseille et de Fos vers l’ouest est plique peut-être que la ville de Fos était appelée par ainsi détourné en grande partie par Arles et Nar- les premiers Grecs « Limnothalatai » ce qui veut dire bonne. L’entretien des Fosses Mariennes n’étant plus littéralement « ville des lumières ». assuré, il s’ensuivit un ensablement du canal, le ren- À tous ces éléments viennent s’ajouter les recherches dant difficilement navigable. archéologiques sous-marines. Il perdit beaucoup de son importance, toutefois, on En 1967, l’association locale que j’ai l’honneur de sait qu’il restera en activité jusqu’au IVème siècle – le présider (les Amis du Vieux Fos) a constitué une dernier relevé aux archives communales d’Arles en équipe de plongeurs sous la direction de Monsieur atteste. Paul Gimet président de l’époque. Il y avait là en par- C’est sous Antonin que les Romains décidèrent de ticulier de véritables professionnels qui s’illustreront créer une voie le long de la Marronède, Saint-Blaise quelques décennies plus tard en allant explorer les n’étant plus qu’un ensemble de ruines. z fonds de plusieurs ports antiques en particulier celui d’Alexandrie, et qui puisèrent des quantités d’objets anciens, des amphores surtout, qui témoignent de la grande activité des lieux. Michel LEROY Enfin, dernier élément peut-être le plus important, le colonel Manguilan, pour la SNIAS (Société nationale industrielle aérospatiale), devenue Eurocopter puis Airbus Helicopters, a effectué des prises de vues aé- riennes dans le Golfe en 1964 et 1973. Ceci qui a per- mis la découverte des vestiges des Navalias chantiers navals antiques. / 15
LABORATOIRE TELEMMe Une transformation en images. A u tournant des années 1970, le territoire de Fos-sur- Mer connait un grand séisme qui le fait entrer de plain-pied dans les turbulences de l’économie industrielle de recherche en sciences humaines et sociales de la Mai- son méditerranéenne des sciences de l’homme. L’équipe porteuse de ce projet rassemble plusieurs disciplines : mondiale. En l’espace de quelques années, une des plus histoire, géographie, sociologie, spécialistes de l’analyse grandes zones industrialo-portuaires d’Europe est bâtie de de l’image photographique, de la valorisation scientifique, toute pièce sur des rivages voués jusque-là à la récolte du de la conservation des fonds patrimoniaux et de la for- sel, à la chasse, à la pêche, à la cueillette, aux manades et mation des enseignants. Elle présentera le 20 septembre aux loisirs balnéaires. Dans l’esprit des pouvoirs publics et 2019 à la population fosséenne l’ensemble du site internet des élites économiques locales, la création de la zone indus- qui sera dédié à la mise en valeur de ce fonds. Au-delà du trialo-portuaire de Fos, rêvée comme la future Rotterdam «mur d’images», celui-ci comprendra aussi des textes d’ac- méditerranéenne ou l’Europort du Sud, doit compenser, et compagnement sur l’histoire économique, sociale et envi- même davantage, les pertes d’emplois industriels subies ronnementale du territoire de Fos-sur-Mer, des archives par la région marseillaise depuis les années 1960 avec la de télévision proposées par l’INA évoquant quelques-uns disparition des marchés coloniaux et la création de la CEE. des moments forts de cette histoire (inauguration du port, L’hypothèse la plus optimiste évoque alors la création de conflits sociaux etc.), un film retraçant les approches du 40 000 emplois directs et de 200 000 emplois indirects à travail de Jacques Windenberger et des pistes d’exploita- l’horizon 1985. Jacques Windenberger, photographe in- tion pédagogiques à l’attention des enseignants du secon- dépendant formé à l’école documentaire, a observé cette daire (collèges et lycées), conçues en interaction avec le transformation radicale et l’a photographiée pour témoi- service pédagogique des archives départementales. L’ex- gner de l'importance des mutations en cours et de leurs ré- position et la soirée de restitution du 20 septembre seront percussions sur la vie quotidienne des populations. Il a ainsi l’occasion pour l’équipe porteuse de ce projet d'échanger constitué un fonds documentaire de première importance avec la population de Fos-sur-Mer, notamment avec celles pour l’étude des transformations économiques, sociales et et ceux qui ont vécu cette période des années 1970 : vos environnementales des espaces littoraux de notre région témoignages viendront ensuite enrichir le site. z au cours d’une période - les « Trente glorieuses » - marquée par une forte croissance, mais aussi par une accélération de la transformation par l'homme des milieux et des res- sources. On y trouve des vues de chantiers, d’infrastruc- tures, des logements précaires, des usines, des ateliers, des vues sur la vie quotidienne des travailleurs français ou étrangers et des reportages sur différents mouvements sociaux. C’est une partie de ce fonds – plus de 2 000 clichés – qui sera présentée du 14 juin au 27 septembre dans le cadre de l’exposition Les trésors engloutis du golfe de Fos à travers un « mur d’images », un outil numérique convi- vial et ludique développé au sein de TELEMMe, laboratoire 16 /
À DÉCOUVRIR AUSSI : FOSSAE MARIANAE, la BD sur le port romain de Fos aux éditions du Rocher. L a série Ad Romam, créée par Boris Tilijancic, Hubert Prolongeau, Arnaud Delalande, Eric Stoffel et Yvon Bertorello consacrera un tome entier de la saga à Fos-sur- Mer. Elle fera connaître au grand public un patrimoine ro- main exceptionnel à travers des allers et retours entre l’An- tiquité et le présent, le long des célèbres voies romaines. Le tome 2, signé par Yvon Bertorello et Eric Stoffel, nous fera voyager dans le temps à travers une intrigue aux nom- breux rebondissements prenant pour décor l’Hauture, le port de Fos ou le canal de Marius. z / 17
z Évocation du port antique de Fos (© J.-M. Gassend) AVANT-PROPOS DES CONTRIBUTIONS SCIENTIFIQUES FRÉDÉRIC MARTY / Métropole Aix-Marseille Provence / Territoire Istres Ouest Provence / Pôle du Patrimoine Culturel Chercheur associé sous convention, Aix Marseille Université, CNRS, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence, France. « On n'imagine pas le grouillement d'activité mari- l'Empire. Ce port a tout d'abord été reconnu sur les Cette vitalité économique et commerciale ne faiblit time qu'il y avait dans cette ville [de Fos] ». C'est en itinéraires antiques tels que la carte de Peutinger sur pas jusqu'aux alentours de 230 après J.-C. Les ves- ces termes qu'André Tchernia, interviewé en 2004 laquelle il est illustré par une vignette figurant des tiges reconnus sont dispersés au fond du golfe pour le documentaire « Parcours d'amphores », entrepôts en forme de fer à cheval surmontés de la de Fos et au niveau de la pointe de Saint-Ger- évoque le port antique de Fos. L'activité maritime mention des fossae marianae. Ceci sous-entend que vais. Ils sont mentionnés par les érudits et les actuelle, liée à l'immense complexe industrialo-por- le port est lié à l'existence du canal creusé par les plongeurs depuis le XIXe siècle, au moins. Par tuaire, draine en effet d'énormes porte-conteneurs et troupes du général romain Caius Marius, à la fin du ailleurs, pendant des dizaines d'années, le pétroliers, mais en comparaison, à l'époque romaine, IIe siècle avant J.-C., et qui semble être à l'origine du mythe de la pêche miraculeuse aux amphores les navires marchands, de taille bien plus modeste, nom actuel de la ville de Fos-sur-Mer. s'est ancré dans l'imaginaire fosséen. Les as- n'en étaient pas moins beaucoup plus nombreux et sociations locales et les archéologues ont réa- requéraient l'emploi d'une main-d'œuvre abondante Pour autant, l’archéologie semble démontrer que la lisé des prospections et fouilles sous-marines, pour le contrôle des marchandises, leur transborde- station portuaire de Fos a pris son essor bien plus tard, constituant des collections extrêmement riches ment entre navires de haute mer et chalands aptes aux alentours de 20 avant J.-C. Cette période est mar- dont les pièces les plus remarquables étaient à naviguer sur le Rhône ainsi que pour l'application quée par une profonde réforme territoriale et politique auparavant exposées dans la chapelle Notre- des droits et taxes afférents au transport. En effet, impulsée par Auguste. De toute évidence, le projet de Dame-de-la Mer et au musée d'Istres. dans l'Antiquité, le port de Fos se révèle être l'un cet avant-port d'Arles a été conçu par l'administration des plus grands ports de Méditerranée occidentale impériale afin de faciliter les échanges économiques Aujourd'hui, le promeneur de bord de mer ne après Rome. Il s'agit de l'un des avant-ports d'Arles, entre la Méditerranée et les colonies romaines éta- voit rien de tout cela. Et pour cause, l'essen- idéalement situé au carrefour de la route maritime blies à proximité de l'axe rhodanien et d'assurer le tiel se trouve immergé sous quelques mètres reliant l'Italie et l'Espagne et de l'axe rhodanien, voie ravitaillement des militaires installés dans les camps d'eau. Cette histoire aurait pu en rester là de pénétration vers les provinces septentrionales de à la frontière germanique et en Grande-Bretagne. jusqu'à ce qu'une nouvelle impulsion soit don- 18 /
née aux recherches. En effet, depuis 2014, une équipe pluridisciplinaire composée de plus N d'une quarantaine de chercheurs issus d'insti- Cavaou tutions variées, réunie dans un programme col- complexe monumental lectif de recherche intitulé « Fossae marianae : A Estagnon le système portuaire antique du golfe de Fos et C B le canal de Marius », tente de redéfinir les pro- Marronède blématiques liées au sujet en reprenant l'étude Saint-Gervais de la documentation ancienne et des collections conservées par le Pôle du Patrimoine Culturel Istres Ouest Provence, ainsi qu'en développant les recherches paléo-environnementales, historiques et archéologiques, aussi bien à terre qu'en mer. Le double constat de l'existence de collections publiques riches et d'un dossier scientifique dont les connaissances sont actuellement renouvelées a conduit à organiser une exposition qui, nous l'espérons, permettra au public d'imaginer ce que z Répartition des vestiges antiques du littoral de Fos-sur-Mer (© F. Marty / Métropole AMP) pouvait être le « grouillement d'activité mari- time » du port romain de Fos. z grande voile étambot dolon PROUE POUPE bittons étrave gourvernail latéral préceinte de livet de pont 0 5 cm préceinte basse flottaison z Graffito de navire gravé sur une tuile plate aménagée en plateau de jeu quadrillé, découverte à Saint-Gervais enture en trait de Jupiter (© F. Marty / Métropole AMP) z Proposition de restitution du graffito (© F. Marty / Métropole AMP) / 19
HISTORIQUE DES RECHERCHES DE TERRAIN FRÉDÉRIC MARTY / Métropole Aix-Marseille Provence / Territoire Istres Ouest Provence / Pôle du Patrimoine Culturel Chercheur associé sous convention, Aix Marseille Université, CNRS, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence, France. Lors d’un vol en hélicoptère, le lieutenant-colonel Louis Monguilan réalise en 1965 des clichés révélant l’existence de deux grands hangars, près de la plage du Ca- vaou, et de taches sombres dans l’anse Saint-Gervais. Entre 1975 et 1977, des plongées permettent à la Direction des Recherches Archéologiques Sous-Marines d’identifier un gisement de stèles et autels funéraires. Par ailleurs, les archéolo- gues de la DRASM et du CNRS conduisent la fouille de plusieurs épaves dans les années 1970 et 1980 : épave Fos 1 arrivant avec des amphores à vin de Cam- panie ; épave Saint-Gervais 1 chargée de barre de fer et de lingots de plomb ; épave Saint-Gervais 2 transportant du blé en vrac ; épave Saint-Gervais 3 remplie d’amphores à huile et à sauces de poisson du sud de l’Espagne... Entre 1987 et z Ramassages sous-marins sur la plage de Saint-Gervais en 1955 1994, plusieurs campagnes de prospections et de sondages menées par diffé- (© Ch. Michon / Amis du Vieil Istres) rentes équipes associant professionnels et amateurs ont pour objectif de carto- Les fosses mariennes, mentionnées dans les textes et itinéraires grecs et latins, graphier les vestiges immergés, de préciser leur nature et de tenter de restituer suscitent l’intérêt des érudits et des chercheurs depuis le XVIe siècle, mais les l’environnement général du secteur de l’anse Saint-Gervais. Après le milieu des recherches de terrain restent embryonnaires jusqu’aux premières fouilles réalisées années 1990, les opérations de terrain cessent jusqu’à la fouille de sauvetage à Fos en 1948, avec une équipe conduite par le président des Amis du Vieil Istres, urgent entreprise dans l’ancien étang de l’Estagnon par le Pôle Intercommunal René Beaucaire et avec l’aide des frères Conil, pêcheurs de la pointe de Saint-Ger- du Patrimoine Culturel qui met en évidence les vestiges spectaculaires de travaux vais. Dans un courrier du 15 novembre 1949, Fernand Benoit, Directeur de la XIIe réalisés au Ier siècle pour assainir un secteur marécageux. Il faut ensuite attendre circonscription archéologique, soutient cette initiative : « J’ai été très heureux d’ap- 2012 pour que des initiatives soient engagées sur le secteur de Fos et sur celui des prendre que votre société avait entrepris l’exploration du golfe de Fos et inauguré marais du Vigueirat, débouchant sur une problématique commune prenant depuis les fouilles sous-marines à la pioche ». La discipline n’en étant qu’à ses balbutie- 2016 la forme d’un programme collectif de recherche piloté par le DRASSM et le ments, Fernand Benoit nomme dès 1949 René Beaucaire directeur des fouilles Centre Camille Jullian plus de quarante chercheurs. Fos-sur-Mer est aussi devenu, sous-marines de la bande côtière s’étendant des Saintes-Maries-de-la-Mer à depuis 2014, un chantier-école annuel dédié au Master of Maritime and Coastal Carry-le-Rouet. Il est entendu que le produit issu des ramassages sous-marins Archaeology de l’Université d’Aix-Marseille. z doit intégrer le musée d’Istres, inauguré en 1955, et peut à tout moment être resti- tué à l’Etat, seul propriétaire légal. L’association compte bon nombre de passionnés auxquels René Beaucaire délivre des autorisations de fouille jusqu’en 1965. C’est l’époque de la chasse aux amphores dans un lieu devenu mythique. Dès 1962, le club culturel et sportif de Port-de-Bouc se joint aux recherches. En 1967, naissent les Amis du Vieux Fos. Après leurs premières plongées en 1970, les membres organisent, le 13 juin 1971, une opération réunissant près de 70 par- ticipants afin de prospecter les fonds marins. Plusieurs amphores rejoignent alors la Chapelle Notre-Dame-de-la-Mer, devenue musée en 1978. Peu après, lors des travaux de construction du port de plaisance, l’association est autorisée « à collec- ter dans les déblais de dragage [...] le matériel archéologique qui peut s’y trouver ». A la même époque, une équipe fouille, près du phare actuel, les vestiges d’un atelier de fabrication de gobelets et de lampes à huile. z La pêche aux amphores dans les années 1950 (© R. Beaucaire / Amis du Vieil Istres) 20 /
LA TABLE DE PEUTINGER : une carte des itinéraires routiers romains La carte de Peutinger, du nom de son second propriétaire, l’éditeur Konrad Peutinger, a été découverte en 1507 par l’humaniste allemand Conrad Celtes. Ce document, réalisé au XIIIe siècle par un copiste bava- rois, est conservé à la bibliothèque nationale autrichienne de Vienne. Il constitue l’itinéraire antique peint le plus complet qui nous soit parvenu. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une carte géographique, mais de la représentation du réseau routier de l’Empire romain et de ses marges, avec l’indication des distances entre les différentes localités fi- gurées par des icônes en forme d’édifices stylisés. Ceci explique l’aspect allongé de la carte composée d’un assemblage de douze segments – dont le premier est perdu – formant un rouleau large de 37 cm et long de 7,40 m. Le modèle d’origine est issu de la compilation de différents itinéraires romains. Il a dû être réalisé par l’administration impériale z Fouille d’une fondation sur pieux en 2017 (© L. Damelet / AMU - CNRS - Centre Camille Jullian) au milieu du IVe siècle. C’est un document officiel, et non une carte pour l’usage privé des commerçants et pèlerins, destinée aux fonc- tionnaires, militaires et diplomates de l’Empire. En effet, les vignettes correspondent aux édifices publics que l’on trouve le long du parcours de la poste impériale, tandis que les informations commerciales sont absentes et les lieux de culte en nombre insuffisant. On peut ainsi repé- rer 5 autels, 44 temples, 10 entrepôts, 429 paires de tours, 52 édifices à cour centrale, 6 enceintes urbaines, 3 villes personnifiées (Rome, Constantinople et Antioche), 2 phares et 2 ports. Ces deux ports sont ceux de Rome et de Fos, signalés par des entrepôts en forme de fer à cheval. L’importance de Fos à l’échelle de la Méditerranée occidentale est donc, ici, clairement mise en exergue. z Sondage sur un probable entrepôt immergé en 2017 (© L. Damelet / AMU - CNRS - Centre Camille Jullian) z Le port de Fos sur la table de Peutinger (facsimilé K. Miller 1887) / 21
UN PAYSAGE MOBILE CLAUDE VELLA / Aix Marseille Univ, CNRS, IRD, INRA, Coll France, CEREGE, Aix-en-Provence, France. L’environnement dans lequel a été implanté le port montre deux stabilisations : la première entre 5000 maux marins fixés sur les quais antiques indique un antique de Fos était fort différent de l’actuel. Le fait et 4000 ans av. J.-C., la seconde entre 2000 et léger décalage de quelques centimètres, au plus une même qu’une grande partie des vestiges soit actuel- 1400 av. J.-C. Pour la période romaine, les fouilles dizaine. Cet écart peut être facilement expliqué par lement recouverte par plusieurs mètres d’eau suffit de la bonification de l’Estagnon indiquent pour la les effets de tassement différentiels des sols, tandis à prendre conscience de l’ampleur des phénomènes première fois un niveau précis du plan d’eau. Les que les balanes du port antique de Marseille peuvent naturels ayant façonné le paysage. Ce dernier est, en aménagements en bois et en amphores surmontés être légèrement surélevées compte tenu de l’écolo- effet, soumis au double effet de la mobilité latérale d’une couche de chaux, réalisés dans la zone ma- gie de ces espèces vivant dans la zone médiolittorale du littoral et de la mobilité verticale du plan d’eau. récageuse vers 65/85 ap. J.-C., sont compris entre supérieure. Un niveau marin de l’ordre de -0,70 m Le site doit faire face successivement à l’avancée -1,38 et -0,72 m. Le rehaussement des sols de la est alors envisageable. Au final, les phases de sta- littorale à l’ouest de la pointe de Saint-Gervais, à fin du IIe s. et du début du IIIe s., lui, est situé entre bilisation et d’accélération, au même titre que la l’érosion à l’est, ainsi qu’aux effets de la remontée -0,75 et -0,53 m. La comparaison de ces données dynamique fluviale, ont joué un rôle important dans du niveau marin liée aux changements climatiques. avec celles recueillies à Marseille à partir des ani- l’évolution du rivage sur les sociétés. À l’échelle du delta du Rhône, au début de l’An- Ly-8447 tiquité, le fleuve s’écoule par deux bras actifs : un Âge calibré 5000 4000 3000 2000 1000 0 1000 2000 bras central baptisé Rhône de Saint-Ferréol et un 0 m NGF bras oriental, le Rhône d’Ulmet, le plus proche de Fos. Au Ier siècle av. J.-C., apparait un troisième che- Ly-7591 nal à l’ouest, le Rhône de Daladel. Entre le Rhône Ly-7860 1m d’Ulmet et Fos, le littoral forme un golfe au nord du Ly-1493 Ly-1494 rivage actuel. Depuis la fin de l’âge du Bronze et le Ly-8020 Ly-7592 Ly-524 Ly-7862 Ly-1496 début de l’âge du Fer (VIIIe – VIe siècles avant J.-C.), Ly-8731 Ly-5249LGQ-1059 2m Ly-8621 LGQ-1064 LGQ-1055 son comblement progresse à une vitesse annuelle LGQ-1057 Profondeur en m NGF moyenne de 7 m par l’apport de sédiments sableux Ly-8670 Ly-7018 rhodaniens véhiculés par la houle. La Roque d’Odor Ly-8150 3m apparait donc comme une île jusqu’à la fin du Haut Moyen Age. Après cette date, le Rhône d’Ulmet est Ly-8446 4m toujours actif mais le Grand Rhône devient le chenal Ly-364 principal. Le mouvement d’avancée du rivage sur la Ly-8218 mer s’inverse entre le VIIIe et le IXe siècles. On as- code laboratoire 5m siste alors à un recul significatif. de datation Ly-8447 Courbe enveloppe de la Ly-8671 barre position du plan d’eau Parallèlement, le niveau de la mer monte, de manière incertitude d’incertitude position verticale d'âge probable non linéaire. Vers 16000 av. J.-C., le niveau situé du plan d'eau 6m alors à -120 m monte très rapidement (1 cm / an) suite à la fin de la dernière période glaciaire. Cette Position altimétrique du drain d’amphores de Position altimétrique du remblai IIe et IIIe s. ap. J.-C. à l’Estagnon élévation diminue à 1 mm / an à partir de 7000 av. l’Estagnon et sa couche de chaux sommitale J.-C., contribuant à créer le delta du Rhône. La courbe générale établie à partir des données camarguaises z Courbe de remontée du niveau marin (© C. Vella / CEREGE) 22 /
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