DYNAMIQUE DE LA DETTE ET SES CONSÉQUENCES
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DYNAMIQUE DE LA DETTE ET SES 2 CONSÉQUENCES MESSAGES CLÉS • La pandémie de COVID-19 a causé une augmentation des besoins de financement public, les gouvernements étant contraints de dépenser plus pour atténuer les conséquences socio-économiques de la crise sanitaire. En 2020, les gouvernements africains ont eu besoin d’un financement brut supplémentaire de 125 à 154 milliards d’USD pour faire face à la crise de la COVID-19. • À court terme, le ratio moyen dette/PIB de l’Afrique devrait considérablement augmenter et passer de 60 % en 2019 à plus de 70 %. La plupart des pays africains devraient subir une augmentation significative de leur ratio dette/PIB en 2020 et 2021, en particulier les économies à forte intensité en ressources. • La décomposition de la dette indique que la dynamique de la dette reposent principale- ment sur la dépréciation cumulative des taux de change, la hausse des charges d’intérêt et des déficits primaires élevés. La forte croissance enregistrée au fil des ans a cependant contribué à freiner le taux de croissance du ratio dette/PIB. Les autres principaux facteurs de la dynamique de la dette concernent une forte inflation, une faible gouvernance, les dépenses de sécu- rité et la faible mobilisation des recettes. • La composition de la dette africaine indique une orientation vers les créanciers commer- ciaux et les créanciers non membres au Club de Paris, et des sources extérieures vers les sources intérieures. Les créanciers commerciaux et les créanciers officiels non membres du Club de Paris ont de plus en plus accordé de nouveaux financements aux gouvernements africains. Entre 2000 et 2019, 18 pays africains ont fait leurs débuts sur les marchés internationaux de capitaux, et ont émis plus de 125 instruments d’euro-obligations évalués à plus de 155 milliards d’USD. La dette en devise locale a augmenté depuis 2019, atteignant aujourd’hui près de 40 % de l’encours total de la dette. • Les perspectives sur la soutenabilité de la dette africaine sont fragilisées par des vulnéra- bilités et des risques émergents. En décembre 2020, six pays étaient en situation de surendette- ment et quatorze présentaient un risque élevé de surendettement. Parmi les autres facteurs de risque émergents figurent la croissance rapide des charges d’intérêts rapportés aux revenus, les risques de refinancement dus à des échéances plus courtes, une réduction de l’écart entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance, l’augmentation des passifs éventuels et le manque de transparence sur les garanties de la dette. • À l’avenir, le renforcement des liens entre le financement par la dette et les bénéfices de la croissance devrait permettre de garantir la soutenabilité de la dette sur le continent. Une amélioration de l’efficience des investissements financés par la dette devrait assurer que la dette a été utilisée pour financer des projets les plus productifs et générateurs de croissance et d’effets de complémentarités suffisantes pour rembourser la dette. De plus, les faibles taux d’intérêt mondiaux offrent une opportunité pour recourir à des capitaux bon marché pour des investissements publics très rentables qui accélèreraient la croissance sur le continent. 49
N ombre de gouvernements africains ont adopté un large éventail de mesures pour atténuer les perturbations socio-économiques causées par la coût varie d’environ 0,02 % du PIB pour le Soudan du Sud à près de 10,4 % du PIB pour l’Afrique du Sud (voir figure 1.10). Les besoins de financement pandémie de COVID-19, ce qui a eu des implications public ont fortement augmenté, les pays devant importantes sur la soutenabilité de la dette. Ces financer des programmes visant à aider leurs mesures comprennent une augmentation des citoyens à surmonter les impacts sociaux et écono- dépenses de santé, de vastes plans de relance bud- miques de la pandémie. La Banque estime que les gétaire, des transferts monétaires directs aux gouvernements africains ont besoin en 2020/2021 groupes vulnérables, des stabilisateurs budgétaires d’un financement brut supplémentaire d’environ automatiques et des injections directes de liquidités. 154 milliards d’USD pour faire face à la crise. En Ces interventions ont été mises en œuvre de pourcentage du PIB, les besoins bruts de finance- diverses manières, notamment via des paiements ment varient d’un pays à l’autre et dépassent le seuil forfaitaires aux ménages, des allégements fiscaux critique de 15 % pour la plupart des pays, avec des généralisés, des subventions salariales et aux ser- niveaux dépassant 30 % du PIB en Somalie, au vices publics, des allocations chômage, des prêts et Soudan, à Maurice et en Tunisie (figure 2.1). garanties de prêts aux entreprises et des prises de Dans leur ensemble, ces plans de relance participation de l’État dans les entreprises en diffi- budgétaire ont eu des implications immédiates et Avec le durcissement culté. Si elles ne sont pas correctement gérées, sur- directes sur les dépenses publiques, les soldes bud- des conditions de veillées et progressivement réduites après la pandé- gétaires, les besoins d’emprunt et les niveaux d’en- financement extérieur, mie, ces interventions, nécessaires, mais coûteuses, dettement des pays. Si près d’un quart des pays ont il est devient plus pourraient avoir des implications considérables sur la adopté des mesures fiscales du côté du revenu — soutenabilité de la dette, c’est-à-dire sur la capacité allégement fiscal et report de paiement des impôts coûteux pour les des gouvernements à s’acquitter seuls de leurs obli- — la plupart ont utilisé des mesures du côté des gouvernements gations actuelles et futures en matière de dette1. dépenses, notamment les investissements publics d’obtenir les Ce chapitre analyse la dynamique de la dette, y directs dans le secteur de la santé, un soutien aux financements compris ses tendances récentes et l’évolution de petites et moyennes entreprises (PME) et des trans- nécessaires pour la dette publique africaine, les conditions de finan- ferts monétaires (figure 2.2). Des mesures telles cement et les stratégies de gestion de la dette. La que les garanties publiques accordées aux entre- se remettre de première section examine les évolutions récentes prises, les injections de capitaux propres et les prêts la pandémie et de la dette et du financement en Afrique en lien pourraient également exposer les gouvernements refinancer la dette avec l’environnement évolutif des dépenses et du à des passifs éventuels à moyen et long terme. venant à échéance financement. La deuxième section analyse l’évo- La forte croissance des besoins de finance- lution de la structure et des déterminants de la ment public due aux dépenses liées à la COVID- dette africaine. La troisième section examine les 19 entraînera une accumulation rapide de la dette. vulnérabilités émergentes liées à l’endettement et Bien que le ratio moyen dette/PIB, une mesure les perspectives pour la dette en Afrique. La qua- standard de la soutenabilité de la dette, se soit trième section traite des épisodes de surendette- stabilisé à environ 60 % à la fin 2019, estimations ment et de recouvrement. indiquent que les dépenses liées à la pandémie ont entraîné, fin 2020, une hausse du ratio moyen dette/PIB de 10 points de pourcentage. Les pays LE NOUVEAU PAYSAGE DE LA susceptibles de contribuer de façon significative à DETTE ET DU FINANCEMENT l’augmentation du niveau moyen global de la dette EN AFRIQUE africaine sont les économies à forte intensité en ressources autres que le pétrole (figure 2.3). Les besoins bruts de financement public ont fortement augmenté depuis Des conditions de financement le début de la pandémie globales difficiles dans un contexte Depuis l’apparition de la pandémie de COVID-19 de grande incertitude au début de l’année 2020, les gouvernements ont L’accès aux marchés internationaux de capitaux, annoncé des plans de relance budgétaire dont le qui a été une source croissante de financement 50 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
FIGURE 2.1 Besoins bruts de financement en 2020 Bénin Éthiopie Comores Gambie São Tomé et Príncipe Côte d’Ivoire Madagascar Malawi Burundi Pays non intensifs en ressources eSwatini Ouganda Lesotho Cap Vert Rwanda Togo Kenya Guinée-Bissau Djibouti Maroc La flambée des Mozambique dépenses publiques Seychelles Mauritanie résultant de la Tunisie pandémie entraînera Maurice Somalie une accumulation rapide de la Rép. Dém. du Congo dette publique Autres pays à forte intensité en ressources Guinée Tanzanie Niger Mali Centrafrique Botswana Sierra Leone Zambie Ghana Namibie Zimbabwe Afrique du Sud Soudan Pays exportateurs de pétrole Tchad Nigéria Congo Cameroun Gabon Angola Dette à court terme Déficit budgétaire Égypte Algérie 0 20 40 60 80 Pourcentage du PIB Source : Statistiques de la Banque africaine de développement et le base de données WDI de la Banque mondiale. de la dette dans de nombreux pays africains, se fuite des capitaux vers des placements sûrs. La resserre à mesure que la perception des risques fuite de capitaux hors de l’Afrique, estimée à plus par les investisseurs augmente, entrainant une de 90 milliards d’USD depuis janvier 2020, et D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 51
FIGURE 2.2 Mesures de dépenses et mesures de revenu des gouvernements africains Mesures de dépenses Mesures de revenu Investissement public dans la santé Report du paiement de l’impôt Transferts monétaires Allégement fiscal (entreprises) Soutien financier Réduction de l’impôt sur les sociétés Distribution de nourriture Exonérations fiscales Subventions salariales Exonérations d’arriérés d’impôts Soutien sectoriel Promotion des transactions électroniques Subventions à l’énergie Report de la déclaration de revenus Paiement aux services publics Réduction ou exonération de TVA Avantages au personnel de santé Création d’une taxe de solidarité Approvisionnement en produits de base Exonération fiscale sur les dons 0 20 40 60 80 0 10 20 30 40 Pourcentage de pays utilisant les mesures de dépenses Pourcentage de pays utilisant des mesures de revenu Source : Calculs des services de la Banque basés sur l’outil de suivi des politiques du FMI. FIGURE 2.3 La dette publique brute a augmenté depuis 2010 Pourcentage du PIB 90 Autres pays à forte intensité de ressources 80 Afrique 70 60 50 Pays non intensifs en ressources Pays exportateurs de pétrole 40 30 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données des Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international. l’aversion au risque des investisseurs ont provo- bien même il y a eu une certaine modération au qué des fluctuations sur les marchés et un élargis- dernier trimestre 2020. Avec le durcissement des sement des écarts de taux des obligations sou- conditions de financement extérieur, il est devient veraines africaines (voir figure 2.4). Les écarts se plus coûteux pour les gouvernements d’obtenir sont creusés d’environ 700 points de base depuis les financements nécessaires pour se remettre février 2020, les hausses les plus fortes s’affichant de la pandémie et refinancer la dette venant à dans les pays exportateurs de pétrole — quand échéance. 52 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
FIGURE 2.4 Écart de taux des obligations à 10 ans, Janvier–Novembre 2020 Points de base Points de base (Maroc et Maurice) 1 600 400 Égypte 1 200 Kenya 300 Namibie 800 200 Afrique du Sud Maurice (axe de droite) Maroc (axe de droite) 400 100 Nigéria 0 0 janv. 2020 févr. mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov. Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données Bloomberg. FIGURE 2.5 Recettes publiques en pourcentage du PIB, 2017–2021 Comme indiqué au Chapitre 1, la contrac- tion des influx financiers nets (investissements Pourcentage du PIB 2017–19 2020 2021 50 directs étrangers (IDE), aide publique au déve- loppement (APD), investissements de portefeuille et envois de fonds) affectera le financement et 40 l’endettement des entreprises et des ménages. Les sources intérieures de financement telles 30 que les recettes publiques fiscales et non fis- cales, déjà modestes, devraient se contracter à mesure que le PIB se contracte et que les expor- 20 tations et importations baissent. Les recettes publiques, principale source de financement du 10 budget des gouvernements, atteignaient 20 % du PIB avant la pandémie, et étaient inférieures à celles d’autres régions comme l’Asie et l’Amé- 0 rique latine et les Caraïbes (voir figure 2.5). Les Afrique Asie Amérique latine Europe et Caraïbes chocs d’offre et de demande dus à la pandémie ont directement affecté les recettes de nombreux Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données des Pers- pays africains en réduisant les recettes d’expor- pectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international. tations et les recettes fiscales. L’effondrement de la demande et du prix du pétrole et des autres LA STRUCTURE CHANGEANTE matières premières (représentant plus de 60 % DE LA DETTE AFRICAINE ET des recettes publiques de 17 pays africains SES LEVIERS classés comme pays producteurs de pétrole et à forte intensité en ressources) signifie que les La composition de la dette africaine gouvernements n’ont pas la capacité financière continue de s’orienter vers les créanciers requise pour faire face à la pandémie et devraient commerciaux et les créanciers non par conséquent avoir recours à des instruments membres du Club de Paris de dette. La base des créanciers de la dette africaine continue de s’éloigner des prêteurs multilatéraux D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 53
FIGURE 2.6 Dette décaissée par type de créancier, 2000–2019 Créanciers multilatéraux Créanciers bilatéraux Banques commerciales Obligations Autres créanciers Pourcentage du PIB Pays africains 50 40 30 20 10 La base des créanciers de la dette 0 africaine continue 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 de s’éloigner des Pays africains à faible revenu 80 prêteurs multilatéraux traditionnels et ceux du Club de Paris au 60 profit de créanciers commerciaux 40 20 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Source : Calculs des services de la Banque basés sur les statistiques de la Banque africaine de développement et les Statistiques de la dette internationale de la Banque mondiale. traditionnels et ceux du Club de Paris au profit de pour la plupart membres du Club de Paris, repré- créanciers commerciaux et de bailleurs de fonds sentaient 52 % de l’encours de la dette extérieure officiels non membres au Club de Paris. La part de l’Afrique, mais à la fin 2019, ils représentaient de la dette multilatérale dans la dette extérieure seulement 27 %. totale de l’Afrique est restée relativement stable En revanche, les créanciers commerciaux au cours des deux dernières décennies, à envi- (créanciers obligataires et banques commer- ron 30 % (voir figure 2.6). Par ailleurs, la part de ciales) ont plus que doublé leur part au cours la dette bilatérale dans la dette extérieure totale des deux dernières décennies. En 2000, 17 % a chuté de près de moitié au cours de la même de la dette extérieure de l’Afrique étaient détenus période. En 2000, les bailleurs de fonds bilatéraux, par des banques commerciales, des créanciers 54 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
obligataires privés et d’autres créanciers. Cette en 2000. On ignore encore si la pandémie ren- part a augmenté rapidement depuis 2011, à forcera ou diminuera cette tendance, les marchés mesure qu’un grand nombre de pays africains financiers et les créanciers traditionnels du Club accédèrent aux marchés financiers internationaux. de Paris et les bailleurs de fonds multilatéraux Fin août 2020, environ 21 pays africains avaient ayant tous été impactés par la pandémie. émis des instruments d’euro-obligations évalués Depuis 2015, les cinq principaux créan- à plus de 155 milliards d’USD. En 2001, seuls ciers de l’Afrique sont les créanciers obligataires trois pays africains ont fait recours aux créan- (27 % de la dette extérieure du continent à la ciers commerciaux. Cependant, à la fin 2019, les fin 2019), la Chine (13 %), l’Association internatio- créanciers commerciaux représentaient 40 % de nale de développement du Groupe de la Banque la dette extérieure totale de l’Afrique, contre 17 % mondiale (IDA) (12 %), la Banque africaine de FIGURE 2.7 Les cinq principaux créanciers des économies africaines, 2015–2019 Pourcentage de l’encours total de la dette extérieure Les cinq principaux créanciers Banque africaine de développement Autres bailleurs de fonds multilatéraux Depuis 2015, les cinq Association internationale de développment de la Banque mondiale (IDA) Chine Créanciers obligataires principaux créanciers 80 de l’Afrique sont les créanciers obligataires, 60 la Chine, la Banque mondiale–IDA, la Banque africaine 40 de développement et d’autres prêteurs 20 multilatéraux 0 2015 2016 2017 2018 2019 Les cinq principaux créanciers bilatéraux Royaume-Uni Arabie saoudite France États-Unis Chine 30 20 10 0 2015 2016 2017 2018 2019 Source : Statistiques de la dette internationale de la Banque mondiale. D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 55
développement (7 %) et d’autres prêteurs multila- Les émissions commerciales privées sont téraux (7 %) (voir figure 2.7). Les cinq principaux devenues une source de financement de plus en créanciers bilatéraux de l’Afrique sont la Chine plus populaire, car elles sont souvent dépourvues (13 %), les États-Unis (4 %), la France (2,9 %), de conditionnalités attachées aux prêts multilaté- l’Arabie saoudite (2,5 %) et le Royaume-Uni raux et bilatéraux. Cependant, Morsy et Moustafa (2,4 %). Les autres grands créanciers sont l’Alle- (2020) ont mis en évidence la mauvaise évaluation magne (2 %), le Japon (1,7 %), le Koweït (1,6 %), du risque souverain africain due aux comporte- les Émirats arabes unis (1,5 %), l’Inde (0,7 %) et ments grégaires de certains investisseurs inter- l’Italie (0,6 %) (voir figure 2.7). nationaux et leur tendance à regrouper toutes les Bien que les créanciers commerciaux jouent obligations africaines dans une seule classe d’ac- un rôle de plus en plus important dans les éco- tifs, ce qui les rend très vulnérables aux volatili- nomies de marchés frontières, les économies de tés du marché. Si elles ne sont pas correctement marché non frontières et des pays bénéficiaires gérées, les émissions d’euro-obligations pour- du Fonds africain de developpement (FAD) conti- raient accroître la vulnérabilité de la dette, comme nuent de dépendre des créanciers officiels, en le montre la récente étude expérimentale utilisant particulier des créanciers multilatéraux et des la méthode de contrôle synthétique de Chuku et Le nombre d’émissions créanciers non membres du Club de Paris. Les Mustafa (à paraître). Ces derniers ont montré que d’obligations économies de marché non frontières et les pays l’impact estimé sur le ratio dette/PIB, pendant la internationales par à faible revenu bénéficiaires du FAD, qui n’ont pas période post-intervention d’émissions d’euro-obli- les pays africains a accès aux marchés internationaux des capitaux, gations, avait entraîné une augmentation d’en- ont continué de recourir au crédit concession- viron 13 points de pourcentage en moyenne par fortement augmenté, nel multilatéral. Certains pays ont fait recours à rapport au niveau de la dette dans le scénario atteignant un total d’autres bailleurs de fonds, notamment la Chine, contrefactuel. estimé à plus au détriment des prêteurs traditionnels du Club de de 155 milliards Paris (voir figure 2.7). Pour ces pays, le volume de Les émissions d’obligations d’USD fin 2019 prêts concédés hors Club de Paris a augmenté, nationales et les passifs éventuels des mais le manque de transparence ne permet pas partenariats public-privé deviennent de connaître avec précision l’ampleur de ces des composantes importantes de la emprunts. dette africaine Malgré une hausse des émissions d’obligations Au cours de la dernière décennie, nationales au cours de la dernière décennie, le les émissions souveraines d’euro- financement de la dette en devise locale n’a aug- obligations ont accru l’importance menté que légèrement en proportion du volume des créanciers privés total de la dette depuis 2007, atteignant 38 % de Les émissions d’euro-obligations ont augmenté la dette totale en 2019 (voir figure 2.9). Cette ten- depuis 2003. Environ 19 pays ont fait leur appa- dance reflète la récente percée des marchés obli- rition sur les marchés internationaux des capi- gataires intérieurs en Afrique, ce qui a permis aux taux avec des émissions d’obligations atteignant pays de mobiliser des ressources nationales et jusqu’à 3 % du PIB. Le nombre d’émissions d’obli- de puiser dans l’épargne intérieure dormante (voir gations internationales par les pays africains a figure 2.10). Bien que l’augmentation des emprunts fortement augmenté, atteignant un total estimé intérieurs aide à mobiliser l’épargne intérieure dor- à plus de 155 milliards d’USD fin 2019 (voir figure mante, le risque est que les gouvernements pour- 2.8). Ces émissions ont contribué à faire évoluer la raient faire baisser la dette en termes nominaux composition de la dette africaine. Viennent en tête en dévaluant la monnaie locale, une situation qui des émissions d’euro-obligations, les pays « poids ourrait être préjudiciable à la santé de l’économie lourds » à revenu intermédiaire tels que l’Égypte, nationale et entrainer une potentielle instabilité l’Afrique du Sud et le Nigéria, suivis de « poids bancaire. moyens » à forte intensité en ressources comme Les prêts syndiqués et le financement de pro- la Zambie, l’Angola et le Ghana (voir figure 2.8). jets de partenariat public-privé (PPP) jouent un rôle 56 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
FIGURE 2.8 Émissions d’euro-obligations en Afrique, 2000–2019 Milliards d’USD Évolution des émissions d’obligations souveraines 30 20 10 La percée des 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 marchés obligataires locaux permet aux Taille cumulée des émissions d’euro-obligations par pays pays de mobiliser 40 des ressources nationales et de 30 puiser dans l’épargne intérieure dormante 20 10 0 te d a ria ola ire roc a e l on ie bie ie n ie nin a s ga lle an ny isi nd Su rou mb iop an yp b gé vo g né mi Bé Ma n he Ke Gh Ga a Ég An nz me du Tu Éth d’I Za Rw Ni Sé Na yc Ta Ca ue te Se Cô riq Af Source : Base de données Bloomberg. croissant dans la composition des financements de l’énergie et des transports11. Les défaillances de l’Afrique. Le total des investissements dans les du marché et les graves problèmes structurels infrastructures de type PPP a été multiplié par près dans ces secteurs renforcent les risques de pas- de six, passant de 1,2 milliard d’USD en 2004 à sifs éventuels, qui ne surviennent que lorsqu’un 6,9 milliards d’USD en 2019, tandis que le nombre événement futur se produit. Par exemple, un gou- de projets PPP a doublé de 16 à 30. Rien qu’en vernement peut être amené à garantir des prêts 2012, plus de 59 nouveaux projets de PPP ont vu le contractés par une entreprise publique ou un jour en Afrique, pour une valeur totale de 17,2 mil- PPP. Si ce gouvernement doit rembourser un prêt liards d’USD (voir figure 2.11). Ces investissements garanti en défaut, il devra probablement emprun- sont principalement concentrés dans les secteurs ter, ce qui augmentera son stock de dettes. D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 57
FIGURE 2.9 Dette intérieure et extérieure en Afrique, 2007–2019 Pourcentage de la dette publique totale Extérieure Intérieure 100 80 60 40 20 0 Les prêts syndiqués 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 et le financement de Source : Calculs des services de la Banque basés sur les bases de données du Fonds monétaire international et de projets de partenariat la Banque mondiale. public-privé jouent FIGURE 2.10 Les marchés obligataires domestiques africains se développent, 2006–2018 un rôle croissant dans la composition Milliards d’USD Obligations nationales en pourcentage du PIB des financements 300 15 de l’Afrique 200 12 Obligations nationales en pourcentage du PIB (axe de droite) 100 9 0 6 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Source : Base des données de Marchés Financiers Africains de la Banque africaine de développement. L’analyse de la décomposition de et le niveau élevé des déficits primaires. Au la dette montre que les leviers de fil des ans, la forte croissance économique a la dynamique de la dette ont été la contribué à freiner le taux de croissance du ratio dépréciation des taux de change, dette/PIB, mais cela n’a pas suffi à réduire la l’augmentation des charges d’intérêt et dette en raison de la hausse des charges d’inté- le niveau élevé des déficits primaires rêts (voir figure 2.12). Pour les pays exportateurs La décomposition de la dette africaine identifie de pétrole et d’autres économies à forte inten- trois principaux leviers : la dépréciation cumula- sité en ressources, la décomposition montre que tive des taux de change, la hausse des intérêts la dynamique de la dette a été principalement 58 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
FIGURE 2.11 Projets de partenariat public-privé en Afrique, 2001–2019 Investissement total en PPP Milliards d’USD Nombre de projets 300 80 60 200 Nombre de projets (axe de droite) 40 100 20 La mauvaise 0 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 gouvernance et la faiblesse Nombre de projets par secteur des capacités Nombre de projets 500 institutionnelles sont aussi responsables 400 de la récente Électricité augmentation 300 de la dette dans certains pays 200 TIC 100 Ports Chemins de fer Gaz naturel 0 0 20 40 60 80 Investissement total (milliards d’USD) Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données de la Banque mondiale sur la participation privée aux infrastructures. tirée par la dépréciation des taux de change Les problèmes de gouvernance, les et les déficits primaires, dus en grande partie grands programmes d’investissement à la volatilité des prix des matières premières. public et les dépenses liées à la Toutefois, pour les économies non intensives défense sont d’autres facteurs en ressources et dépendantes du tourisme, les d’accumulation de la dette dépenses d’intérêt et d’autres facteurs (passifs Dans certains pays, la mauvaise gouvernance et éventuels, prélèvements sur les réserves) ont la faiblesse des capacités institutionnelles sont été les principaux leviers de la dynamique de aussi responsables de la récente augmentation de la dette. la dette. Certains pays avaient aussi une « dette D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 59
FIGURE 2.12 Décomposition des leviers la dette africaine, 2013–2020 Changement cumulatif Dépréciation des taux de change Dépenses d’intérêt (points de pourcentage) Déficit primaire Croissance du PIB réel Déflateur du PIB Autres 150 100 50 Variation du ratio dette/PIB 0 –50 Le renforcement –100 du lien dette- 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 investissement Source : Statistiques de la Banque africaine de développement et base de données des Perspectives de l’économie pourrait jouer un mondiale du Fonds monétaire international. rôle important dans cachée », à savoir des obligations absentes des investissements publics en capital dans le total la garantie de la comptes publics, par exemple au Mozambique, des dépenses a augmenté plus rapidement que la soutenabilité de la au Cameroun et au Tchad où la découverte de part des dépenses courantes. Les bénéfices pour dette sur le continent « dettes cachées » a engendré une augmentation la croissance des investissements financés par soudaine du fardeau de la dette. Les problèmes la dette sont plus faibles en Afrique que dans les de gouvernance économique, la corruption et la autres économies à revenu faible et intermédiaire4. mauvaise gestion ont été identifiés comme à l’ori- De récents modèles sur le lien dette-investis- gine des épisodes de surendettement récemment sement-croissance élaborés par la Banque afri- enregistrés en Gambie, en République démo- caine de développment et le Fonds monétaire cratique du Congo et en République du Congo2. international (FMI) identifient des liens entre la De plus, la mauvaise gestion des entreprises dette et l’investissement dans les infrastructures publiques a contribué à la récente accumulation sociales et économiques en tenant compte de la de la dette3. De nombreux pays africains ont enre- segmentation du marché du travail. En augmen- gistré au cours des cinq dernières années une tant simplement les rendements, les pays afri- détérioration de leur note selon l’évaluation de la cains peuvent optimiser les résultats des inves- politique et des institutions nationales (CPIA) de tissements sans augmenter les dépenses (voir la Banque mondiale sur la gestion et la politique encadré 2.1). À l’avenir, le renforcement du lien de la dette, alors que seuls quelques-uns se sont dette-investissement pourrait jouer un rôle impor- améliorés (voir figure 2.13). tant dans la garantie de la soutenabilité de la dette Des investissements publics importants et sur le continent. L’amélioration de l’efficience des ambitieux, quoique nécessaires, ont largement investissements financés par la dette pourrait être contribué à l’augmentation récente de la dette, une garantie que la dette servira à financer les en particulier dans les pays à faible revenu. Bien projets les plus productifs et générateurs de crois- que les soldes budgétaires se soient détériorés sance et de complémentarités suffisantes pour dans la plupart des pays africains entre 2015 et rembourser la dette à l’avenir. 2020, il s’agissait principalement d’emprunts des- L’augmentation des dépenses de défense tinés à accroître les investissements (voir enca- afin d’endiguer la montée des conflits et du ter- dré 2.1). Pour la plupart des pays, la part des rorisme dans les pays du Sahel et certains États 60 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
FIGURE 2.13 Les notations CPIA sur la gestion de la dette sont en déclin ou inchangés pour la plupart des pays africains, 2015–2019 Changement de notation 2 1 Évolution négative 0 Pas de changement Évolution positive –1 De nombreux pays –2 pourraient ne pas mb o Ca que Ce Tc rt afr d Éth ue Ga pie Ke ie Ma Lib a da éria Ni ar Si Sén ia ud Le l du e Za ud Bu Bur ie Cô na F di p. C d’Ivo o Dé am ire Co n Co ngo Dj res Gu G outi e- ée Le sau tho ur ali Ma ie Ni i Rw ger om S anda t P dan Ta cipe ba ie Bé e Ér nin Gh e Ou ana a go So erra éga law za ng ny an on te as bw ré nd ntr ha du rou e mb r mb n Zim zan rki un sc Ma M iné uin iq To gé S pV io ita mo so yth Bis ib Mo Co i é e ou ga rín ga m. e n disposer des liquidités oT nécessaires pour Ré Sã Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données WDI de la Banque mondiale. assurer le service de la dette arrivant à ENCADRÉ 2.1 Dette, investissement et croissance échéance au premier semestre 2021 Les programmes d’investissement public de grande envergure expliquent en grande partie la récente augmentation de la dette, en particulier chez les pays bénéficiaires du FAD. La corréla- tion positive entre déficit budgétaire et investissement public dans les pays bénéficiaires du FAD indique qu’une part croissante de la dette publique a permis de financer d’ambitieux programmes d’investissement nationaux (figure 2.1.1). Cela est particulièrement vrai dans les économies non intensives en ressources et les économies non productrices de pétrole et à forte intensité en res- sources, mais pas nécessairement dans les pays exportateurs de pétrole. Alors que certains pays ayant emprunté pour financer des projets d’investissement ont enre- gistré des taux de croissance élevés (comme l’Éthiopie, le Kenya et le Rwanda), il est également démontré que le lien entre le financement par emprunt et le rôle stimulant de l’investissement public dans la croissance est affaibli par une faible efficience. Pour évaluer l’impact des pro- grammes d’investissement public en capital financés par la dette sur la croissance, nous utilisons le modèle Dette-Investissement-Croissance (DIC), un modèle de prévoyance parfaite d’économie ouverte, d’équilibre général à trois secteurs, dans lequel les investissements publics dans le capi- tal physique et humain jouent un rôle complémentaire dans l’augmentation de la productivité des différents secteurs. Le modèle utilise différentes options budgétaires pour combler les déficits de financement des grands investissements publics. Lorsque les recettes sont inférieures aux dépenses, le déficit qui en résulte peut être financé par des emprunts intérieurs, des emprunts commerciaux extérieurs ou des emprunts concessionnels. La réaction du secteur privé (entreprises et ménages) commande la transmission et l’impact global de la hausse des investissements publics sur l’économie. (suite) D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 61
ENCADRÉ 2.1 Dette, investissement et croissance (suite) FIGURE ENCADRÉ 2.1.1 Investissement et déficit budgétaire primaire Évolution des investissements Pays exportateurs de pétrole Autres pays à forte intensité en ressources Pays non intensifs en ressources 10 5 y = 0.4345x – 0.2697 0 y = 0.3057x – 1.4322 –5 y = –0.2463x – 4.4178 –10 –15 –10 –5 0 5 10 15 Évolution du déficit budgétaire primaire Note: Moyennes des périodes 2016–2019 contre 2012–2015. Source: Calculs des services de la Banque basés sur la base de données des Perspectives économiques mondiales du FMI. Le modèle est calibré pour correspondre à un pays africain moyen et utilisé pour simuler les conséquences sur la crois- sance, la dette et les effets redistributifs de dépenses d’investissements dans le capital physique et humain. Les principales conclusions sont les suivantes : • L’investissement en capital physique et humain entraine un effet à long terme favorable sur la dette, lequel se reflète dans les gains de croissance et de recettes. • L’investissement dans le capital humain est beaucoup plus efficace que l’investissement dans les infrastructures pour promouvoir une croissance économique à long terme. • Les effets d’un investissement dans le capital humain sur la productivité du travail se font sentir à plus longue échéance : il faut plus de 15 ans pour que les résultats d’un tel investissement dépassent les résultats d’un investissement équivalent réalisé principalement dans les infrastructures physiques. Par conséquent, le rôle stabilisateur de la croissance sur la dette n’apparaît que plus tard dans les programmes d’inves- tissement dans le capital humain, contrairement aux programmes d’investissement dans les infrastructures. Cependant, les programmes combinant des investissements dans le capital humain et dans les infrastructures s’avèrent plus rentables que les programmes ne comprenant qu’un seul type d’investissement, étant donné la présence d’effets de renforcement mutuel entre les deux types d’investissement1. Il est donc possible que les effets de stabilisation de la dette soient plus importants. Selon les estimations des Perspectives économiques en Afrique 2020, l’efficience des dépenses d’éducation est beaucoup plus faible en Afrique, soit 58 % pour l’enseignement primaire. Les rendements de la croissance par rapport aux investisse�- ments financés par la dette sont également plus faibles en Afrique que dans d’autres pays à revenu faible et intermédiaire2. Ceci suggère que les pays africains pourraient optimiser les résultats des investissements publics sans avoir à augmenter les dépenses. Par exemple, l’Afrique pourrait atteindre la scolarisation primaire universelle en comblant l’écart d’efficience des dépenses d’éducation. Une meilleure efficience des dépenses publiques pourrait également contribuer à stabiliser la dette. Notes : 1. Banque africaine de développement 2020. 2. Morsy et Moustafa 2020. 62 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
en transition a contribué à augmenter les niveaux tandis que les dégradations sont courantes. En d’endettement. Déjà avant la pandémie, l’insécu- 2010, 12 pays étaient considérés à faible risque rité était croissante dans de multiples zones du de surendettement ; dix ans plus tard, seuls trois continent. La crise sanitaire n’a fait qu’aggraver les d’entre eux ont conservé cette note. Depuis 2017, tensions sécuritaires : le nombre d’incidents liés sept pays à faible revenu ont vu leur notation de aux conflits, notamment les violences politiques, l’ASD se dégrader, et passer d’un risque faible à un les manifestations et les émeutes, a ainsi aug- risque moyen, ou d’un risque moyen à un risque menté dans 43 pays. élevé, mais principalement d’un risque élevé à un risque de surendettement. Seuls trois pays ont réussi à passer d’une situation de surendettement VULNÉRABILITÉS ÉMERGENTES à celle d’un risque élevé de surendettement. ET PERSPECTIVES DE LA DETTE EN AFRIQUE L’augmentation des dépenses d’intérêt sur la dette publique et les Les vulnérabilités de la dette échéances plus courtes des nouvelles augmentent avec la détérioration des dettes ont exposé les pays à des L’accumulation de notations de la soutenabilité de la risques plus élevés de refinancement dette, et d’autres déclassements sont La récente augmentation des charges d’intérêt en dettes arrivera à attendus à la suite de la COVID-19 proportion des recettes pour de nombreux pays échéance juste Au cours de la dernière décennie, les notations de compromet leur capacité à assurer le service de au moment où les la soutenabilité de la dette selon le cadre de l’ana- la dette arrivant à échéance. La baisse des liquidi- pays devraient lyse de soutenabilité de la dette (ASD) indiquent tés disponibles pour de nombreux pays constitue qu’un grand nombre de pays sont tombés en une vulnérabilité majeure aux perspectives de la surmonter les situation de surendettement (incapacité à respec- dette en Afrique. Les fardeaux des intérêts aug- récessions causées ter leurs obligations) — et d’autres déclassements mentent rapidement et les recettes publiques dimi- par la pandémie sont attendus à la suite de la pandémie. Les nuent. Pour certains pays, le fardeau des intérêts de COVID-19 niveaux d’endettement croissants au cours de la a doublé au cours des cinq dernières années (voir dernière décennie ont eu un effet négatif sur les figure 2.16). La COVID-19 devrait encore réduire les notations de la soutenabilité de la dette des pays recettes publiques, et de nombreux pays pourraient africains à faible revenu. Sur les 38 pays pour les- ne pas disposer des liquidités nécessaires pour quels des notations de l’ASD sont disponibles, assurer le service de la dette arrivant à échéance au 14 étaient considérés comme à risque élevé de premier semestre 2021 (voir figure 2.17). Les défauts surendettement à la fin décembre 2020 et six de paiement et les accords de restructuration pour- autres étaient déjà en situation de surendettement raient se généraliser, à mesure que les pays ne res- (voir figure 2.14)5. Seize pays présentent un risque pectent pas les échéances de paiement. modéré de surendettement, tandis que deux sont considérés à faible risque. Les marges de sécu- Le recours accru au financement rité sont érodées par la COVID-19 en raison de extérieur non concessionnel sur le l’augmentation des dépenses et de la baisse des marché expose les pays à des risques recettes, et même les pays disposant de marges plus élevés en matière de taux de confortables, si elles ne sont pas correctement change et de refinancement gérées, pourraient épuiser leurs réserves pendant La composition évolutive de la dette africaine la crise. En outre, la plupart des pays voient leur vers une dette extérieure non concessionnelle et notation de crédit souverain abaissée par rapport financée par le marché — principalement libellée à leurs débuts sur les marchés internationaux des en devises étrangères (USD et euro) — implique capitaux (voir figure 2.15). que les pays sont de plus en plus exposés à des Il est plus difficile pour les pays de passer d’une risques de taux d’intérêt réels plus élevés (voir figure notation faible à une notation élevée — les amé- 2.18) et, plus important encore, à des risques de liorations de notations progressent difficilement dépréciation des taux de change. La dépréciation D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 63
FIGURE 2.14 Évolution du risque de surendettement extérieur, de la devise locale entraîne une réévaluation à la 2010–2020 hausse de la dette d’un pays et rend également le service de la dette en devise étrangère plus coû- Nombre de pays teux. Cette exposition à la non-concordance des Faible Modéré Élevé En situation de surendettement devises explique une part importante de la dyna- 5 6 2 2 2 2 3 6 7 7 6 mique de détérioration de la dette montrée par la 6 5 4 6 7 décomposition. La COVID-19 a provoqué récem- 6 4 17 9 11 14 ment de fortes fluctuations dans la valeur des 14 9 21 13 devises de nombreux pays, en particulier les éco- 11 19 10 nomies exportatrices de pétrole. Les perspectives 15 des ratios d’endettement de ces pays devraient se 14 15 détériorer simplement en raison de la dépréciation 16 de leur monnaie. Ce problème serait moins grave 12 12 12 12 11 pour les pays dépendants davantage du marché national des capitaux pour leurs emprunts et de 6 6 dettes concessionnelles à taux d’intérêt réduits. 5 5 4 2 Les échéances plus courtes de la 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 dette ont créé une concentration de Note : Les données datent du 31 décembre 2020. remboursements de prêts extérieurs Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données arrivant à échéance dans les cinq de l’analyse de la soutenabilité de la dette des pays à faible revenu du Fonds prochaines années monétaire international. L’augmentation des emprunts auprès des créan- ciers commerciaux et non membres du Club de Paris s’est traduite par des échéances plus courtes et des risques de refinancement plus élevés6. La FIGURE 2.15 Notations de crédit souverain Notation de crédit souverain 2018 2020 ou l’année disponible la plus récente BBB– Dégradation Stabilité Amélioration BB+ BB BB– B+ B B– CCC CC RD a sie e on s d t o ie ria oc in n ire ie na a da e o ue r lle ol bi ny pt ou th ng Su Ve ib op n Ivo gé ar ha q ab an ni g Bé m he so y m Ke er bi Co An hi Ég M Tu p du Ni Za G ug G d’ Na m yc Le m Ca Ét a O Ca te Se e oz qu Cô M ri Af Note : Fitch utilise un système à lettres ; un pays noté AAA présente le risque de défaillance le plus faible, tandis qu’un pays noté RD a un paiement en souffrance. Source : Calculs des services de la Banque basés sur les notations Fitch (en novembre 2020). 64 D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences
forte augmentation de l’émission d’euro-obligations FIGURE 2.16 Dépense d’intérêts en pourcentage des recettes, 2010–2019 à 10 ans par de nombreux pays africains depuis 2013 et l’augmentation des prêts hors Club de Pourcentage des recettes 20 Paris aux échéances plus courtes que les prêts multilatéraux concessionnels à long terme typiques provoqueront une concentration de dettes souve- 15 raines arrivant à échéance en 2024 et 2025. Cette accumulation de dettes arrivera à échéance juste au moment où les pays devraient surmonter les récessions causées par la pandémie de COVID- 10 19 (voir figure 2.19), et augmentera les risques de surendettement. Les pays touchés devraient enta- mer des négociations sur la résolution et la res- 5 tructuration de la dette avant que les risques se concrétisent. Le point positif est que, depuis 2010, les échéances de plusieurs marchés de la dette 0 en monnaie locale se sont allongées de 1,75 an à 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2,5 ans. Le Ghana, le Kenya et la Tanzanie ont émis Source : Calculs des services de la Banque basés sur la base de données PEM du FMI. des obligations en monnaie locale à des échéances supérieures à 15 ans, et le Nigéria a émis une pre- marchés émergents et des économies avancées au mière obligation en nairas à 30 ans en avril 20197. cours des deux dernières décennies, il a augmenté en Afrique (voir figure 2.20). Des taux d’intérêt réels La hausse des taux d’intérêt réels et plus élevés impliquent des dépenses d’intérêts plus les perspectives de croissance à la importantes pour le service de la dette. L’écart s’est baisse impliquent un affaiblissement réduit depuis 2011, en partie en raison de la hausse de la soutenabilité de la dette et des taux d’intérêt des emprunts contractés sur le budgétaire à long terme marché, notamment par les économies de marché Alors que le différentiel entre les taux d’intérêt réels frontières africaines. Il reflète également des taux et la croissance a diminué pour la plupart des de croissance plus faibles que prévus dans des FIGURE 2.17 Profil du service de la dette à court terme pour l’Afrique Milliards d’USD 5 4 3 2 1 0 janv. févr. mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov. dec. janv. févr. mars avril mai juin juil. 2020 2021 Source : Calculs des services de la Banque basés sur Statistiques de la dette internationale de la Banque mondiale. D ynami q ue de la de t t e e t ses consé q uences 65
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