Engager les milieux aînés vers la reconnaissance et l'inclusion des personnes aînées LGBTQ+ pour lutter contre la maltraitance - Cyberimpact
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Mémoire de la Fondation Émergence Engager les milieux aînés vers la reconnaissance et l’inclusion des personnes aînées LGBTQ+ pour lutter contre la maltraitance Mémoire présenté par la Fondation Émergence pour l’élaboration d’un plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées PAM 2022-2027 1er mars 2021 Rédaction Laurent Breault Directeur général de la Fondation Émergence Julien Rougerie Chargé de programmes aîné.e.s et proches aidant.e.s LGBTQ+
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Table des matières Introduction ..................................................................................................................................... 3 Objectif du mémoire ................................................................................................................ 3 Note sur le sigle LGBTQ+ .......................................................................................................... 3 Note sur les présentateurs ....................................................................................................... 4 La Fondation Émergence .................................................................................................................. 5 Mission ..................................................................................................................................... 5 Actions ..................................................................................................................................... 5 Programmes ............................................................................................................................. 6 Les réalités des personnes aînées LGBTQ+ ....................................................................................... 7 Une population invisible .......................................................................................................... 7 De l’invisibilité à la vulnérabilité ............................................................................................... 8 De la vulnérabilité à la maltraitance ......................................................................................... 9 Les proches aidant.e.s LGBTQ+ .............................................................................................. 10 Retour sur le dernier Plan d’action ..................................................................................................12 Nos recommandations pour le prochain Plan d’action ....................................................................14 Thème 1 : l’âgisme ................................................................................................................. 14 Thème 2 : la maltraitance psychologique .............................................................................. 15 Thème 3 : la maltraitance organisationnelle .......................................................................... 17 Liste des recommandations .............................................................................................................20 Références ......................................................................................................................................21 2
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Introduction Objectif du mémoire Ce mémoire a pour objectif de rendre le nouveau Plan d’action plus efficace pour lutter contre l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie qui tendent à surexposer les personnes aînées LGBTQ+ à la maltraitance, en particulier dans les milieux et services offerts aux personnes aînées. Ce mémoire rappellera tout d’abord les enjeux spécifiques relatifs aux personnes aînées LGBTQ+ et aux proches aidant.e.s qui les accompagnent. Puis, il reviendra sur le Plan d’action 2017-2022 avant de formuler des recommandations en vue de l’édition 2022- 2027. Il propose une réflexion fondée sur l’idée que la grande majorité des personnes LGBTQ+ aspirent à une pleine inclusion qui leur permettra de ne plus subir de la discrimination ou toutes autres conséquences négatives fondées sur leur orientation sexuelle, leur identité ou expression de genre. Il suppose que la lutte contre l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie doit demeurer une action constante, mais qu’elle ne saura, à elle seule, offrir les garanties nécessaires pour contrer le phénomène de surexposition à la maltraitance visant les personnes aînées des communautés LGBTQ+. Note sur le sigle LGBTQ+ Dans le présent mémoire, le sigle LGBTQ+ est utilisé de manière à inclure toutes les personnes qui se reconnaissent dans la diversité sexuelle et la pluralité des identités et des expressions de genre. Cela inclut, mais ne se limite pas, aux personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queer, intersexes, bispirituelles (2s), etc. Il est généralement admis que 10 % de la population est LGBTQ+. Les récents sondages pancanadiens Léger Marketing commandés par la Fondation Émergence, ainsi que celui de la Fondation Jasmin Roy portant sur réalités LGBT (2017), indiquent même que ce pourcentage se situerait autour de 12 %. La population aînée étant naturellement représentative de la population générale, celle-ci serait composée également du même pourcentage de personnes LGBTQ+, soit de 10 % à 12 %, bien que ces personnes soient majoritairement invisibles, en particulier dans les milieux d’hébergement et du réseau de la Santé et des Services sociaux. 3
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Note sur les présentateurs La Fondation Émergence est un organisme à but non lucratif créé en 2000. Elle a une mission éducative et elle a exercé un leadership en créant la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie en 2003. Elle a été l’initiatrice de la Politique québécoise de lutte contre l’homophobie et a joué un rôle de premier plan lors des consultations qui ont conduit à son adoption. La Fondation Émergence a également été consultée pour l’élaboration du Plan d’action gouvernementale pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022. Laurent Breault est directeur général de la Fondation Émergence. Il est également membre du comité scientifique de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et de genre (UQÀM), ainsi qu’administrateur et président du comité de la programmation d’Égides : l’Alliance internationale francophone pour l’Égalité et les Diversités. Julien Rougerie est chargé des programmes aînés et proches aidants de la Fondation Émergence. Il a rejoint la Fondation Émergence en 2017 et il offre notamment les formations pour aider les professionnels à offrir des services plus accueillants et plus inclusifs. Fondation Émergence Tél. : 438 384-1058 Courrier@fondationemergence.org CP 55510 Centre Maisonneuve Montréal (Québec) H1W 0A1 4
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 La Fondation Émergence Mission La Fondation Émergence, créée en 2000, a pour mission d’éduquer, d’informer et de sensibiliser la population aux réalités des personnes qui se reconnaissent dans la diversité sexuelle et la pluralité des identités et des expressions de genre. Cela inclut, mais ne se limite pas aux personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queer, intersexes, bispirituelles (2s), etc. À cet effet, la Fondation vise au Québec, au Canada et à l’échelle internationale à : favoriser l‘inclusion des personnes LGBTQ+ dans la société; contrer l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie, la transphobie, la discrimination et les préjugés envers ces personnes; promouvoir leur égalité juridique et sociale et le respect de leurs droits; contribuer à leur bien-être et leur épanouissement, ainsi qu’à celui de leurs proches tout au cours de leur vie; identifier les enjeux et les besoins émergents afin d’y répondre. Actions 1. Création d’outils de sensibilisation et d’information La Fondation Émergence se démarque par son expertise dans la création d’outils de sensibilisation et d’information. Chaque année, elle produit et distribue partout au Québec et au Canada, des milliers d’affiches et de dépliants, des guides d’information, des capsules vidéos, des expositions, etc., dans le but de démystifier les préjugés et de lutter contre les discriminations envers les personnes LGBTQ+. Dans le cadre du programme Pour que vieillir soit gai, ces outils ont été adaptés spécifiquement pour les milieux et services offerts aux personnes aînées. 2. Service de formation La Fondation Émergence offre également un service de formation adapté pour le milieu de travail et les milieux aînés. Ces formations, qui présentent les réalités LGBTQ+ et le témoignage d’une personne LGBTQ+, visent à démystifier les préjugés et à transmettre les bonnes pratiques en matière d’inclusion. 3. Promotion des droits La Fondation Émergence est devenue un acteur incontournable au Québec et au Canada pour la promotion des droits des personnes LGBTQ+. Elle participe à un grand nombre de tables de concertation, de recherches ou de comités concernant les enjeux LGBTQ+. Elle est régulièrement invitée par les élu.e.s à partager son expertise lors de commissions parlementaires ou lors de la rédaction de mémoires, de politiques gouvernementales et de plans d’action. La Fondation Émergence soutient également ses partenaires communautaires LBGTQ+. 5
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Programmes Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie La Fondation Émergence a créé en 2003, pour la première fois au monde, la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Depuis, le 17 mai est souligné partout au Canada et dans de nombreux pays. Pour que vieillir soit gai Créé en 2009, ce programme est devenu une référence au Québec, au Canada et à l’échelle internationale en ce qui concerne la sensibilisation des milieux et des services offerts aux personnes aînées. À travers son offre de formation et d’outils de sensibilisation, il vise la reconnaissance et la bientraitance des personnes aînées LGBTQ+. Depuis 2020, Pour que vieillir soit gai est financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour se déployer dans toutes les régions du Québec. Famille choisie Famille choisie vise à rejoindre depuis 2019 les proches aidant.e.s LGBTQ+ pour les soutenir, les renseigner sur les services existants et les aider à développer des connaissances qui leur seront utiles dans leur rôle. ProAllié ProAllié a pour objectif d’accompagner les milieux de travail vers une meilleure inclusion des personnes LGBTQ+ par une offre de formations et d’outils adaptés. Nos sites web www.fondationemergence.org www.homophobie.org 6
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Les réalités des personnes aînées LGBTQ+ Une population invisible On estime que les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou trans (LGBTQ+) représentent au moins 10 % de la population, donc environ 857 500 personnes au Québec. La population aînée est bien évidemment représentative de la population générale, il y a donc au moins 10 % de la population aînée qui est LGBTQ+. Malgré la logique de cette déduction, ce chiffre peut surprendre, car cette population reste très largement invisible dans les milieux aînés, dans la société en général et même au sein des communautés LGBTQ+. Pour comprendre ce phénomène, il est nécessaire de revenir sur leur parcours de vie. Les personnes aînées LGBTQ+ ont connu une société extrêmement hostile à la diversité sexuelle et de genre; elles n’ont donc souvent pas eu d’autre choix que de cacher ou renier leur identité. Sur le plan juridique tout d’abord, les actes homosexuels commis en privé et entre adultes consentants étaient passibles d’emprisonnement jusqu’en 1969 et l’on pouvait discriminer une personne sur la base de son orientation sexuelle jusqu’en 1977 au Québec et en 1996 au Canada. Pour les personnes trans, les discriminations basées sur l’identité de genre ou l’expression de genre sont interdites seulement depuis 2016 au Québec et 2017 au Canada. Sur le plan médical, l’homosexualité était considérée comme une maladie mentale et plusieurs praticiens ont tenté de traiter des patient.e.s pour ce motif. Ce n’est qu’en 1973 que l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales du DSM (Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a adopté la même position le 17 mai 1990. C’est d’ailleurs en référence à cette date que la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie est célébrée tous les 17 mai. Pour ce qui est des personnes trans ce n’est qu’en 2013 que le DSM a retiré de sa liste « le trouble de l’identité de genre »et que l’OMS a adopté une position similaire en 2019. Sur le plan religieux, on parlait à l’époque de l’homosexualité comme d’un péché mortel, les personnes homosexuelles pouvaient alors se voir excommunier de leur communauté tout entière. Aujourd’hui, l’Église a certes moins d’influence dans la société, mais elle conserve souvent une attitude de condamnation. Sur le plan social, révéler son identité LGBTQ+ exposait les personnes à un fort risque de rejet de la part de la société en général, mais aussi de la part de leur famille, de leur milieu de travail, de leurs collègues et de leurs ami.e.s. En plus de ce rejet, il fallait également composer avec les clichés, les stéréotypes, ainsi que les violences verbales, physiques et 7
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 sexuelles. Des violences dont les personnes LGBTQ+ sont toujours plus à un risque aujourd’hui. Bien sûr, le contexte en 2021 est beaucoup plus favorable aux personnes LGBTQ+, mais les évolutions décrites ci-dessus restent récentes et ne sont pas forcément ancrées dans les mœurs et la culture. De plus, plus l’on reste longtemps « dans le placard », plus il peut être difficile d’en sortir et de rompre avec l’image que la société a de soi. Plus une personne est âgée, plus elle a vécu dans un contexte hostile à la diversité sexuelle et de genre, et plus grandes sont les chances qu’elle divulgue tard, ou jamais, son orientation sexuelle ou son identité de genre. Il faut aussi prendre en compte que l’âgisme constitue un obstacle supplémentaire, la population aînée est ainsi parfois réduite à des stéréotypes qui laissent peu de place à la diversité. Par ailleurs, on continue à tort de réduire les enjeux des personnes LGBTQ+ à une simple question de sexualité. Or, la sexualité des aîné.e.s constitue souvent un tabou et cela renforce l’effacement de la diversité sexuelle et de genre. De l’invisibilité à la vulnérabilité Un vécu d’exclusion Plusieurs études se sont intéressées à cette population. Un enjeu qui revient souvent est celui de l’isolement. Les personnes aînées LGBTQ+ tendent à avoir un soutien familial plus limité pour faire face aux défis du vieillissement (Chaire de recherche sur l’homophobie, UQAM, 2016). Ceci peut s’expliquer par le fait que certaines ont subi le rejet de leur famille ou de leur communauté, ou encore par le fait qu’elles tendent à avoir moins d’enfants que les personnes hétérosexuelles. Elles sont aussi plus susceptibles de vivre seules et d’être célibataires; en effet, former un couple de même sexe comportait d’énormes obstacles à l’époque. En plus de la problématique de l’acceptation sociale, c’est seulement depuis 1999 que le Québec reconnaît le statut de conjoint de fait aux couples de même sexe et seulement depuis 2005 que ces couples ont accès au mariage. Problématique de santé mentale Cet isolement, combiné entre autres à leur parcours de vie difficile, constitue des facteurs de fragilisation de leur santé mentale (Beauchamp et Chamberland, 2015). Les personnes aînées LGBTQ+ ont en effet de 2 à 3 fois plus de risques de souffrir de problème de santé mentale, allant de la dépression, aux troubles d’anxiété, jusqu’aux idéations suicidaires (Grant & al., 2009). Problème d’accessibilité et le tabou de la diversité sexuelle et de genre Des études montrent aussi que la divulgation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre constitue un obstacle pour accéder aux services sociaux et de la santé (Chaire de recherche sur l’homophobie, UQAM, 2016). En effet, la question très anxiogène de divulguer ou de taire l’identité LGBTQ+ se présente très vite. Que ce soit en répondant à 8
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 un formulaire ou à des questions a priori anodines sur sa situation familiale ou conjugale, les occasions de divulguer son orientation sexuelle ou son identité de genre sont nombreuses. Il est alors délicat pour les personnes aînées LGBTQ+ de le faire sans être mises préalablement en confiance par rapport à l’ouverture de leur interlocuteur, surtout si, dans son approche ou son langage, l’intervenant présume que la personne est hétérosexuelle par défaut. Cette appréhension est aussi renforcée par le fait que la diversité sexuelle et de genre demeure un tabou dans le milieu aîné. D’un côté, les intervenants ne voient pas spontanément la nécessité d’adapter leurs pratiques face à une clientèle invisible et, de l’autre, sans démonstration manifeste d’ouverture sur ce sujet, les personnes aînées LGBTQ+ pensent qu’il est préférable de taire leur réalité. De la vulnérabilité à la maltraitance La maltraitance et l’intimidation sont aussi des enjeux recensés dans les études. Le plan d’action gouvernementale pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017- 2022 reconnaît d’ailleurs que les personnes aînées LGBTQ+ font face à un risque accru de maltraitance. L’isolement social Ce risque accru s’explique en partie par l’isolement social particulièrement prononcé chez les personnes aînées LGBTQ+. En effet, une personne isolée devient une cible plus facile pour les auteur.e.s de maltraitance. Cette personne aura plus de difficulté à se défendre si elle n’est pas suffisamment accompagnée ou si elle évolue dans un milieu où elle ne se sent pas en sécurité par rapport à son identité LGBTQ+. Aussi, le fait que la personne craigne de dévoiler son orientation sexuelle ou son identité de genre peut ouvrir la porte à des menaces de divulgation. Le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre En plus de s’exprimer sur le plan physique, psychologique et financier, la maltraitance envers les personnes aînées LGBTQ+ est souvent renforcée sur le plan organisationnel. En effet, dans les milieux aînés et dans ceux de la santé et des services sociaux, il persiste un certain déni de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Celui-ci peut s’exprimer par une approche hétéronormative, c’est-à-dire une approche à travers laquelle on considère par défaut que toutes les personnes ne sont pas LGBTQ+. Cette approche peut se manifester dès le début d’une interaction avec un.e professionnel.le, en remplissant un formulaire ou en consultant les plateformes de communication d’un organisme ou d’une résidence (site internet, publicité, dépliant, etc.). Une approche hétéronormative vient alors renforcer les craintes des personnes aînées LGBTQ+ par rapport à la divulgation de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Le déni de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre s’exprime aussi dans les milieux par un maintien passif du tabou autour de la diversité sexuelle et de genre. Devant la 9
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 crainte des personnes aînées de divulguer leur identité LGBTQ+, il est primordial d’être au contraire proactif dans sa démonstration d’ouverture. Face à une minorité invisible, il est d’autant plus nécessaire d’exprimer et de rappeler clairement aux intervenenant.e.s et aux usager.e.s que les milieux et les services offerts accueillent la diversité sexuelle et de genre. Il faut en outre signaler que l’on protégera les droits des personnes concernées en cas de discrimination. Les proches aidant.e.s LGBTQ+ S’identifier en tant que personne proche aidante est un enjeu pour tout le monde, mais les personnes LGBTQ+ connaissent des difficultés supplémentaires. En effet, les représentations communes des personnes proches aidantes s’inscrivent quasi systématiquement dans le cadre de couples hétérosexuels ou dans un cadre familial. Aussi, l’utilisation du terme « aidant naturel » persiste de nos jours et il sous-entend la nécessité de liens dits « biologiques » dans le rôle de proche aidant. Exclusion des proches aidant.e.s LGBTQ+ d’aîné.e.s Ces représentations du rôle de proche aidant sont particulièrement inadaptées, car les personnes proches aidantes LGBTQ+ apportent souvent de l’aide à un.e. ami.e ou à un.e ex-conjoint.e. Cette tendance s’explique par le fait que de nombreuses personnes LGBTQ+ ont subi un rejet de leur famille; lorsqu’elles se retrouvent confrontées aux défis du vieillissement ou à la perte d’autonomie, elles ne peuvent pas ou ne veulent pas compter sur leur réseau familial. Pour plusieurs personnes LGBTQ+, cette rupture subie avec leur famille d’origine est compensée par leur réseau d’ami.e.s, d’ex-conjoint.e ou de membres des communautés LGBTQ+. Ce réseau social est souvent appelé la « famille choisie ». Problème d’accessibilité aux services pour proches aidant.e.s Les personnes LGBTQ+ ne s’auto-identifiant pas comme proches aidant.e.s n’accèdent pas, ou moins, aux services d’aide et de soutien dédiés aux proches aidant.e.s. De plus, la discrimination, anticipée ou vécue, constitue un obstacle à leur utilisation de ces services. Le fait que les personnes aînées LGBTQ+ hésitent particulièrement à fréquenter les services sociaux et de santé apporte alors son lot de conséquences pour les proches aidants, avec un risque accru d’épuisement. Pression particulière sur les proches aidant.e.s LGBTQ+ Les personnes proches aidant.e.s LGBTQ+ sont aussi sollicitées par leur famille d’origine. Certaines nous disent d’ailleurs que le fait d’être LGBTQ+ tend à les voir « désignées d’office » par leur famille comme la personne devant, par exemple, devenir proche aidante pour les parents, car elles sont plus susceptibles d’être célibataires et sans enfant. Cet argument est alors difficile à contre-argumenter, surtout lorsqu’elles ne sont pas ouvertement LGBTQ+ au sein de leur famille ou que le sujet est soigneusement évité depuis des années. Endosser un rôle aussi prenant au sein d’une famille où une personne 10
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 doit entretenir le secret de son identité, ou la dissimuler au maximum, représente également un facteur de risque psychologique et d’épuisement. Défis du coming out des proches aidant.e.s LGBTQ+ Un autre enjeu que rencontrent certain.e.s participant.e.s à notre programme de soutien pour les proches aidant.e.s LGBTQ+ (Famille Choisie) est celui du double enjeu de divulgation dans le cadre d’un couple homosexuel ou lesbien. L’enjeu de dire ou de taire son orientation sexuelle ou son identité de genre est présent dans chaque interaction pour toute personne LGBTQ+. Dans une situation de proche aidance au sein d’un couple de même sexe, les deux personnes doivent se sentir à l’aise vis-à-vis des intervenant.e.s des milieux aînés. Le manque d’inclusion de la diversité sexuelle et de genre dans ces milieux peut donc créer des conflits à l’intérieur des couples. 11
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Retour sur le dernier Plan d’action Une mention des réalités aînées LGBTQ+ difficile à cerner sans contexte Le dernier plan d’action avait le mérite de porter une attention particulière aux personnes aînées LGBTQ+ et de mentionner que ces personnes présentent un facteur de vulnérabilité face à la maltraitance. Cependant, sans explication ou mise en contexte, il est fort probable que les acteurs du réseau ne comprennent pas en quoi cela peut constituer un facteur de risque particulier. En effet, lorsque nous sollicitons les milieux pour leur offrir nos services de formation et de sensibilisation, nous remarquons que nos interlocuteurs ne saisissent pas immédiatement la nécessité d’aborder ce sujet. C’est pourquoi il nous faut constamment prendre le temps d’expliquer en quoi le fait d’être une personne LGBTQ+ représente un facteur de vulnérabilité afin d’obtenir l’attention et la collaboration des milieux. Le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre restreint à une question de sexualité Le dernier plan d’action stipulait également que le déni de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre constituait une violation des droits et une forme de maltraitance. Cependant, cet élément a été placé dans le chapitre sur la maltraitance sexuelle alors que ce déni relève davantage de la maltraitance organisationnelle et psychologique. Relier ces enjeux seulement à la question de la maltraitance sexuelle vient renforcer le tabou, l’invisibilité et la stigmatisation des personnes aînées LGBTQ+ (hypersexualisation). Cela peut donc accentuer leur exposition à la maltraitance, car on réduit la question de l’inclusion des personnes LGBTQ+ à la question de la sexualité et, de ce fait, à la sphère intime. De plus, le Plan d’action 2017-2022 présente la maltraitance sexuelle comme la forme la plus rare parmi les cas rapportés (0,63 %), ce qui ne rend pas compte de l’ampleur du problème pour les personnes aînées LGBTQ+. Actions et orientations trop limitées pour l’inclusion des personnes aînées LGBTQ+ Dans les orientations du plan d’action gouvernemental pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées (2017-2022), la question des personnes aînées LGBTQ+ n’était soulevée que dans l’orientation 3 « Favoriser et faciliter la divulgation des situations de maltraitance », focalisant principalement sur les recours, et dans l’orientation 4 « Développer les connaissances et améliorer le transfert des savoirs ». Malheureusement, aucune mention particulière sur les populations LGBTQ+ n’a été évoquée dans les 2 autres orientations, à savoir : Orientation 1 : Prévenir la maltraitance et promouvoir la bientraitance (sensibiliser la population, adapter les environnements, valoriser la bientraitance) 12
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Orientation 2 : Favoriser un repérage précoce et une intervention appropriée (informer, former et outiller les acteurs, reconnaître et agir sur les différents facteurs de risque et de vulnérabilité.) Malgré l’orientation 4, concernant le « développement des connaissances sur la façon dont est vécue la maltraitance spécifiquement par les personnes aînées des minorités ethnoculturelles, autochtones, LGBT, handicapées ou inaptes », il est resté très difficile pour un organisme comme le nôtre d’offrir nos formations sur le terrain. En effet, sans consigne claire émanant du réseau ou même sans un meilleur référencement de la part des autorités ministérielles, il demeure difficile pour nous de démarcher et de convaincre seuls les milieux. Si l’on ne souligne pas avec force l’importance de cette formation à l’intérieur du réseau et si l’on n’accorde pas un soutien constant aux organismes communautaires comme la Fondation Émergence, cela contribue à minimiser l’enjeu des personnes aînées LGBTQ+. Absence des réalités aînées LGBTQ+ dans la formation des intervenant.e.s contre la maltraitance Un autre exemple de cette difficulté à rejoindre les milieux a été l’impossibilité pour nous d’offrir notre formation aux 10 000 nouveaux préposé.e.s aux bénéficiaires dans les CHSLD. Après plusieurs échanges encourageants avec le ministère la Santé et des Services sociaux, notre offre a été finalement écartée. Ces milliers de nouvelles recrues n’ont donc reçu aucune notion LGBTQ+, ni acquis aucune pratique inclusive envers les 10 % des personnes aînées qui sont LGBTQ+. Quel est leur degré d’ouverture à la diversité sexuelle et de genre? Comment vont-ils s’assurer que leur milieu soit manifestement inclusif? Comment vont-ils reconnaître et intervenir devant une situation d’homophobie, de biphobie, de lesbophobie et de transphobie? Comment vont-ils interagir avec les personnes aînées trans? Comment vont-ils reconnaître la famille choisie? Ce sont quelques-unes des questions qui font partie de l’ensemble de nos nombreuses préoccupations. Malgré les obstacles évidents à nos interventions dans les milieux aînés et le travail énorme de démarchage nécessaire, nous avons réussi à offrir 180 formations à 4 200 intervenant.e.s depuis avril 2017. Nous aurions pu en former bien davantage avec le soutien d’une directive plus explicite des différents ministères vers les milieux aînés pour l’inclusion des personnes aînées LGBTQ+. Absence de représentation des personnes aînées LGBTQ+ Enfin, sur une note plus subsidiaire, le dernier Plan d’action a pris soin de représenter dans les photographies une certaine diversité culturelle. La même chose aurait pu être faite en qui concerne la diversité sexuelle et de genre, avec la photo d’un couple de même sexe par exemple. Bien que ce soit sur le plan symbolique, cela communique un message fort aux milieux aînées qui ne sont pas habitués à ces représentations. 13
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Nos recommandations pour le prochain Plan d’action Thème 1 : l’âgisme Nous trouvons très pertinent de mettre cette thématique de l’avant, car l’âgisme constitue selon nous un terrain fertile à la maltraitance, notamment en ce qui concerne les populations LGBTQ+. L’âgisme se déploie par les mêmes mécanismes que l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie, c’est-à-dire en réduisant une personne à son âge, à son orientation sexuelle, à son identité de genre et à tous les stéréotypes qui s’y rapportent. Lorsque l’on y est exposé sur une base plus régulière, cela vient progressivement déshumaniser et marginaliser la personne. Le danger particulier de l’âgisme vient du fait qu’il reste très majoritairement accepté dans notre société. Les stéréotypes sur les personnes âgées sont toujours largement véhiculés dans les médias ou exprimés ouvertement par les personnes. Cette accumulation de stéréotypes réduit les personnes aînées à des clichés et efface progressivement leur individualité. Ainsi, dans les milieux aînés encore plus qu’ailleurs, on s’attend vraiment à ce que la clientèle soit uniquement hétérosexuelle, cisgenre (non trans), mariée, et que les personnes soient grands-parents. Non seulement les milieux aînés ne s’attendent-ils pas à servir des personnes LGBTQ+, mais les clichés âgistes vont même jusqu’à sous-entendre que les personnes aînées sont forcément plus homophobes, biphobes, lesbophobes ou transphobes que la moyenne. Ce n’est pourtant pas notre observation sur le terrain. Parfois, certain.e.s intervenant.e.s pensent qu’il est même préférable de ne pas aborder ce sujet ou encore que cette situation relève de la supposée ignorance et intolérance qu’ils prêtent aux personnes âgées. Une autre forme d’âgisme a un impact important sur les personnes aînées des communautés LGBTQ+ : le tabou de la sexualité des aîné.e.s. De façon générale, les pratiques sexuelles qui s’écartent de celles permettant la procréation restent stigmatisées et il n’est pas rare que le public y réagisse par le dégout, la honte ou l’hypersexualisation. Ce phénomène peut donc doublement concerner les personnes aînées LGBTQ+ et il vient alourdir, dans les milieux aînés, le tabou de la diversité sexuelle. De plus, beaucoup de personnes confondent diversité sexuelle et sexualité; il n’est pas rare que, dans les milieux d’hébergement, on estime répondre à l’inclusion de la diversité sexuelle en garantissant simplement l’intimité dans les chambres. Garantir l’intimité des personnes est évidemment une bonne pratique, mais cela ne répond en aucun cas à l’inclusion des personnes aînées LGBTQ+. Au contraire, si on réduit cette question à un enjeu de sexualité, on participe à la stigmatisation des personnes aînées LGBTQ+ en les sursexualisant dans des milieux où la sexualité demeure un tabou. 14
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Recommandation no 1 Déployer des campagnes de sensibilisation contre l’âgisme et y inclure les réalités aînées LGBTQ+ Auprès du grand public et dans les milieux aînés. Pour répondre aux besoins et enjeux développés ci-dessus, ces campagnes devront : 1- Représenter les personnes aînées dans leur diversité, en incluant le 10 % d’entre elles qui sont LGBTQ+; 2- Valoriser la contribution (passée ou présente) de la personne. Exemple : capsules vidéo Devoir de mémoire de la Fondation Émergence où des personnes aînées partagent leur apport à la cause LGBTQ+; 3- Déconstruire les clichés âgistes; 4- Briser le tabou de la sexualité. Thème 2 : la maltraitance psychologique La maltraitance psychologique est certainement la forme la plus directe et la plus fréquente de maltraitance subie par les personnes aînées LGBTQ+. Recommandation no2 Considérer le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre comme maltraitance psychologique Pour faire face à cette forme de maltraitance, il est important de la nommer clairement dans le futur plan d’action afin que les milieux mesurent l’importance de cet enjeu. Cela portera aussi les milieux à vouloir comprendre en quoi consiste exactement ce déni et en quoi il mène à la maltraitance psychologique ou organisationnelle. À partir de là, il sera plus facile de faire suivre une formation relative à ces enjeux, comme celle que nous proposons. Recommandation no3 Former massivement les intervenant.e.s et les futur.e.s intervenant.e.s des milieux aînés et du réseau de la santé et des services sociaux aux réalités LGBTQ+ et aux pratiques de la bientraitance des personnes aînées LGBTQ+ Une formation sur les enjeux des personnes aînées LGBTQ+ permet tout d’abord aux intervenant.e.s de prendre en considération le parcours de vie des personnes aînées LGBTQ+ et d’ainsi comprendre la destruction systémique de l’estime de soi ou le sentiment d’insécurité subséquent. Par exemple, notre formation actuelle rappelle que nos personnes aînées ont été particulièrement ciblées par les thérapies de conversion, 15
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 d’où une certaine méfiance envers le réseau de la santé et des milieux aînés. Une formation permet aussi de prendre en compte les raisons et les conséquences de leur invisibilité (voir partie « Les réalités des personnes aînées LGBTQ+ ») et en quoi celle-ci peut déboucher sur la maltraitance. Aujourd’hui, la grande majorité des intervenant.e.s sur le terrain ne sont pas formés par rapport aux enjeux des personnes aînées LGBTQ+. Sans s’en rendre compte, ils ou elles peuvent confirmer leurs craintes et commettre des actes de maltraitance. Par exemple : faire remplir un formulaire ou poser des questions hétéronormatives ou cisnormatives, en présumant que la personne est hétérosexuelle ou cisgenre (non- trans); utiliser un langage non inclusif ou dévalorisant; ne pas respecter l’identité de genre de la personne (utiliser les mauvais pronoms, assigner des toilettes genrées qui ne correspondent pas à l’identité de genre de la personne, etc.); adopter une attitude négative, stigmatisante ou embarrassée par rapport à la diversité sexuelle et de genre; omettre de réagir face à des propos ou à des comportements homophobes, biphobes, lesbophobes ou transphobes (donc, les valider par l’inaction et maintenir ainsi un environnement non sécuritaire); divulguer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sans son consentement, en répétant l’information ou en l’inscrivant au dossier; privilégier le rôle des membres de la famille traditionnelle plutôt que celui de la famille choisie (les ami.e.s, les ex-conjoint.e.s). Comme expliqué plus haut, les relations avec la famille sont souvent amoindries et complexes chez les personnes LGBTQ+. Il n’est pas rare que la famille souhaite soudainement prendre beaucoup de place à la fin de la vie de la personne aînée LGBTQ+. Les intervenant.e.s sur place doivent alors respecter et faire respecter le choix du ou de la proche aidant.e reconnu.e par la personne aînée. D’autant plus qu’une famille qui ressurgit à la fin de la vie d’une personne aînée peut être motivée par des intérêts financiers (risque accru de maltraitance financière). Pour être en mesure d’assurer la bientraitance des personnes aînées LGBTQ+, de prévenir et de contrer la maltraitance envers ces personnes, les prestataires de services doivent suivre une formation sur les enjeux des personnes aînées LGBTQ+. Cette formation doit concerner les intervenant.e.s des milieux aînés, de la santé et des services sociaux ainsi que toute personne offrant des services aux personnes aînées (exclusivement ou non). Les intervenant.e.s à domicile doivent bien entendu être inclus dans cette démarche, car les réticences des personnes aînées à recevoir des services à domicile sont grandes. Cette situation est encore plus vraie pour les personnes LGBTQ+, car leur domicile constitue parfois le seul espace sécuritaire où elles ne dissimulent pas leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. 16
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 La Fondation Émergence offre ce type de formation dans le cadre de son programme Pour que vieillir soit gai. En mesurant l’efficacité de cette formation sur le terrain auprès de 4 200 intervenantes depuis avril 2017, nous recommandons une approche et un format similaires, à savoir: Introduction à la diversité sexuelle et de genre (définitions et concepts) Les réalités des personnes aînées LGBTQ+ (vécu, études, etc.) Les bonnes pratiques inclusives et la bientraitance Témoignage d’une personne aînée LGBTQ+ Outils Questions-réponses L’offre de formation et de sensibilisation proposée dans la recommandation 3 doit être accessible et, dans les milieux privés, prévoir la compensation du salaire des employé.e.s durant la formation. Cette formation doit également être prescrite par le réseau et soutenue directement par le gouvernement dans tous les milieux offrant des services aux personnes aînées, qu’ils soient publics ou privés. Cette formation doit rejoindre les milieux d’hébergement, de santé, de services sociaux, les organismes communautaires, la Santé publique et les ordres professionnels s’y rattachant. Elle doit également rejoindre le personnel en poste, mais aussi être incluse dans les programmes de formation. Les autorités ministérielles doivent aussi mettre en place un système de suivi et de contrôle pour que les milieux soient à jour dans cette formation. Thème 3 : la maltraitance organisationnelle La situation vulnérable des personnes aînées LGBTQ+ les expose davantage à la maltraitance, sur le plan psychologique, sexuel ou financier et, dans le pire des cas, sur le plan physique. Dans la définition que propose le document de consultation, on présente la maltraitance psychologique comme « la destruction systémique de l’estime de soi ou du sentiment de sécurité d’une personne ». Nous avons vu dans la partie 2 sur les réalités des personnes aînées LGBTQ+, les origines de cette destruction dans leur vécu. Dans le thème 1 de cette partie, nous avons démontré les effets de l’âgisme dans la maltraitance et, dans le thème 2, comment cette destruction peut prendre forme dans les milieux aînés. Il est alors extrêmement important d’avoir une approche systémique, donc organisationnelle, pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées LGBTQ+. Recommandation no4 Considérer le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre comme maltraitance organisationnelle 17
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Les milieux aînés favorisent, souvent à leur insu, le tabou et le déni de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Ce déni, pourtant stipulé comme forme de maltraitance dans le dernier Plan d’action, nous le rencontrons dans la grande majorité des milieux aînés auxquels nous proposons nos programmes de formation. Dans la majorité des cas, les milieux nous laissent sans réponse. Probablement ne voient-ils pas spontanément la nécessité de s’intéresser au sujet de la diversité sexuelle ou considèrent-ils qu’il y a d’autres enjeux de maltraitance plus urgents ? Dans la première hypothèse, c’est l’enjeu systémique de l’invisibilité des personnes aînées LGBTQ+ qui ressort et, dans la seconde, c’est plutôt celui du manque de ressources humaines et financières (un enjeu organisationnel majeur dans la maltraitance). Ce dernier élément nous est souvent présenté comme motif par les établissements qui nous répondent et cela équivaut, selon nous, à un aveu de maltraitance organisationnelle. Recommandation no5 Soutenir et protéger les intervenant.e.s des milieux aînés qui sont LGBTQ+ Un autre enjeu systémique et organisationnel qui nous préoccupe est celui de l’inclusion des employé.e.s LGBTQ+ eux-mêmes. Les employé.e.s des milieux aînés sont les principaux agents de changement et vecteurs d’ouverture. Or, nombreuses sont les personnes LGBTQ+ qui ne se sentent pas à l’aise d’être elles-mêmes dans leur milieu de travail. Nous nous en rendons compte régulièrement dans nos interventions sur le terrain, car certaines personnes en profitent pour nous en parler, et parfois même, certaines font le choix de divulguer publiquement leur identité LGBTQ+, après avoir entendu quelques messages positifs de la part de leurs collègues. C’est la preuve que lorsqu’on fait l’effort de sensibiliser et de briser le tabou, les personnes LGBTQ+ ne tardent pas à se faire connaître, et on assiste alors à un cercle vertueux qui finit par toucher l’ensemble du milieu. Une personne ouvertement LGBTQ+ dans son milieu de travail peut non seulement être plus productive (car elle se sent mieux au travail), mais aussi projeter un modèle positif pour l’ensemble de son environnement. Cela peut encourager d’autres collègues ainsi que des usagers et des résidents à se sentir en sécurité de divulguer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Au-delà des bonnes pratiques à adopter qui sont abordées dans l’offre de formation (recommandation 3), il est aussi crucial que les employé.e.s qui sont LGBTQ+ puissent l’être ouvertement auprès de leurs collègues et des personnes aînées. Pour cela, une offre de formation sur l’inclusion en milieu de travail est nécessaire dans les milieux aînés. Ce type de formation est d’ores et déjà offert par la Fondation Émergence (programme ProAllié) et peut même être combiné à la formation sur les enjeux des personnes aînées LGBTQ+ (programme Pour que vieillir soit gai). Cette formation pourrait aussi promouvoir la pratique d’avoir une personne référente au sein du personnel pour les questions d’inclusion de la diversité sexuelle et de genre. Il pourrait s’agir de la même personne pour le personnel et pour les usagers et résidents, ou de deux personnes distinctes, mais elle doit être connue et identifiable par tous. 18
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Recommandation no6 Rendre obligatoires la formation et la sensibilisation des milieux, notamment, en ajoutant cette exigence comme critère de certification dans les différentes sections du Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés et toutes autres lois connexes Les services et les milieux inclusifs en matière de diversité sexuelle et de genre ne peuvent pas constituer une option réservée à quelques milieux seulement. Bien qu’elles constituent une minorité souvent invisible, les personnes aînées LGBTQ+ représentent environ 10 % de la clientèle dans tous les milieux et dans toutes les régions. Et ce sont dans les milieux où ces personnes sont le plus invisibles qu’elles s’exposent le plus à la maltraitance. Nous pensons donc que la formation et la sensibilisation des milieux doivent-être imposées partout au nom des principes d’égalité de la Charte des droits de la personne. Pour ce faire, il faut ajouter cette exigence aux réglementations en vigueur dans les milieux notamment, en ajoutant cette exigence comme critère de certification dans les différentes sections du Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés et toutes autres lois connexes. Recommandation no7 Sensibilisation des personnes aînées aux réalités LGBTQ+ La bientraitance des personnes aînées LGBTQ+ étant un enjeu profondément systémique, il est donc nécessaire de prévoir aussi des actions de sensibilisation ciblant directement les personnes aînées. Cela peut se faire avec une offre de sensibilisation comme celle déjà proposée par la Fondation Émergence à savoir : des formations et des ateliers sur la diversité sexuelle et de genre pour les personnes aînées; des représentations de personnes LGBTQ+ dans les moyens et les outils de communication; l’inclusion de la diversité sexuelle et de genre dans les politiques de l’établissement (ex. : Charte de la bientraitance envers les personnes aînées LGBTQ+ de la Fondation Émergence); souligner le 17 mai : Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie; utiliser des outils comme des expositions de sensibilisation, des affiches, des autocollants, des dépliants, etc. Il est cependant important de noter que la sensibilisation des personnes aînées doit se faire en parallèle avec ou après la sensibilisation du personnel, afin que celui-ci puisse réagir en cas de gestes ou propos discriminatoires. Une sensibilisation des personnes 19
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 aînées seule reviendrait à faire porter la responsabilité de l’inclusion de la diversité sexuelle seulement aux personnes aînées. Cela constituerait, comme nous l’avons expliqué précédemment, une vision âgiste et un déni de la dimension organisationnelle et psychologique que sous-entend cet enjeu. Liste des recommandations Recommandation no1 Déployer des campagnes de sensibilisation contre l’âgisme et y inclure les réalités aînées LGBTQ+. Recommandation no2 Considérer le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre comme maltraitance psychologique. Recommandation no3 Former massivement les intervenant.e.s et les futur.e.s intervenant.e.s des milieux aînés et du réseau de la santé et des services sociaux aux réalités LGBTQ+ et aux pratiques de la bientraitance des personnes aînées LGBTQ+. Recommandation no4 Considérer le déni de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre comme maltraitance organisationnelle. Recommandation no5 Soutenir et protéger les intervenant.e.s des milieux aînés qui sont LGBTQ+. Recommandation no6 Rendre obligatoires la formation et la sensibilisation des milieux, notamment, en ajoutant cette exigence comme critère de certification dans les différentes sections du Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés et toutes autres lois connexes. Recommandation no7 Sensibilisation des personnes aînées aux réalités LGBTQ+. 20
Mémoire de la Fondation Émergence – Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 Références Beauchamp et Chamberland (2015). Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes. Santé mentale au Québec, Université de Montréal. Brotman, S., Ryan, B., & Cormier, R. (2003). The health and social service needs of gay and lesbian elders and their families in Canada. The Gerontologist, 43, 192-202. Building Community Assets. (2000). Lesbian, Gay, Transgender, and Bisexual New Yorkers and Their Families, State of the State Report. The New York State LGTB Health and Human Services Network and the Empire State Pride Agenda Foundation. Chamberland, L., Beauchamp, J. et al (2016). Ainé.e.s LGBT : favoriser le dialogue sur la préparation de leur avenir et de leur fin de vie, et la prise en charge communautaire- volet montréalais. Chaire de recherche sur l’homophobie, UQAM, Résumé du rapport de recherche. Cronin, A.,Ward, R., Pugh, S., King, A.,&Price, E. (2011). Categories and their consequences: Understanding and supporting the caring relationships of older lesbian, gay and bisexual people. International Social Work, 54, 421-435. Grant & al. (2009). Rapport basé sur 5 études. Fredriksen-Goldsen, K. I., Kim, H.-J., Emlet, C. A., Muraco, A., Erosheva, E. A., Hoy-Ellis, C. P., Goldsen, J., Petry, H. (2011). The Aging and Health Report: Disparities and Resilience among Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Older Adults. Seattle: Institute for Multigenerational Health. Sondage auprès de 2 560 personnes LGBT de plus 50 ans. Site de la Fondation Émergence www.fondationemergence.org Programme Pour que vieillir soit gai www.fondationemergence.org/pourquevieillirsoitgai Programme Devoir de mémoire www.youtube.com/playlist?list=PL34k2RJRfm8JAF3slCqV1kDD0WR-gTsFw Programme Famille choisie www.fondationemergence.org/famillechoisie Programme ProAllié www.fondationemergence.org/proallie Programme de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie www.homophobie.org 21
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