Etude prospective : Quel jardin en 2020 ? Interviews menés auprès des faiseurs de tendance - Mars 2010

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Etude prospective : Quel jardin en 2020 ? Interviews menés auprès des faiseurs de tendance - Mars 2010
Etude prospective :
 Quel jardin en 2020 ?

Interviews menés auprès
des faiseurs de tendance

              Mars 2010

                   Kheolia
   44 rue René Boulanger – 75010 PARIS
             contact@kheolia.fr
            Tél : 01 43 42 21 26
    27 allée du Roussillon – 31770 COLOMIERS
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Etude prospective : Quel jardin en 2020 ? Interviews menés auprès des faiseurs de tendance - Mars 2010
Estelle Faure, présidente de l’UNEP Midi-Pyrénées : « Un
jardin libre et maîtrisé »

Le jardin de 2020 est épuré et champêtre.

C’est le retour à des choses simples, sans sophistication, avec utilisation de matériaux bruts,
issus de récupération, de transformation. L’intérêt pour l’environnement va pousser à
réutiliser des objets avec bon sens dans les créations. Le particulier est en recherche de
simplicité et d’authenticité. L’image des jardins de nos grands parents, avec des objets bien
réutilisés et bien aménagés qui en faisaient tout l’attrait est une tendance forte, c’est un type
d’aménagement qui accentue le charme des petits espaces.

On revient à des formes libres et naturelles, en laissant faire la nature, moins artificielles,
sans trop d’interventionnisme. Même dans la création, on utilise des matériaux simples,
comme le tressage de certaines plantes pour servir de supports à d’autres.

Dans le jardin de 2020, on pratique peu voire pas de traitement : on introduit la vie et la
biodiversité dans les petits espaces. Les professionnels anticipent déjà cette tendance en
préconisant la réduction de l’usage des produits phytosanitaires.

Des plantes disparues ou mal aimées réapparaissent, en laissant la part belle aux plantes
qu’on avait tendance à éradiquer, comme les chardons ou les orties, à l’instar des
coquelicots remis au goût du jour. On va également rechercher des plantes pour leurs vertus
thérapeutiques.
On assiste au retour des cucurbitacées, des pâtissons, une culture potagère et ouvrière
pratiquée pour ses côtés plaisants et utiles. Il suffit de regarder le succès du site des
légumes oubliés, développé à côté de Bordeaux. Les gens sont ravis de retrouver des
légumes anciens, qu’on ne trouve pas sur les marchés.

Les variétés sont simples, robustes, elles correspondent au graphisme, à l’esprit et à
l’esthétique champêtre, ne demandent pas d’efforts pour l’entretien.
Les périodes de « mode » de certaines espèces, comme celle des pins parasols ou des
magnolias disparaissent. On choisit des plantes variées, plus petites. Les plantes exotiques
ne sont pas rejetées, mais elles sont simples, comme les figuiers de barbarie.

On prend le temps de voir grandir les plantes, dans des espaces libres mais maitrisés

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Une nouvelle répartition géographique des espèces végétales

Les zones climatiques se déplaçant du sud vers le nord, les professionnels se préparent et
anticipent ces phénomènes ; ils orientent les choix et observent bien les comportements des
végétaux. Dans la création, la conception et la production, en tenant compte des
changements climatiques et notamment des évolutions de la répartition en eau, on va
chercher des espèces plus endurantes.

Le concept de « jardin utile »

On va observer dans les jardins la création d’espaces réservés à l’alimentaire : petits arbres
fruitiers, légumes… même dans des espaces de dimension réduite : « Je produis mes
légumes et mes fruits, j’ai plaisir à les récolter ». Les plantes ont une fonction dans le jardin
de 2020 ; les fruits et légumes pour s’alimenter, les fleurs pour leurs couleurs, leurs arômes
et leur rôle dans la chaine de biodiversité, le grand arbre pour son ombrage.

On assiste à un vrai retour aux évidences et aux valeurs simples. Tant par recherche de
goût, mais aussi par souci d’économie et de protection de l’environnement, il est probable
que de plus en plus de gens possédant un espace, même réduit, exploitent eux-mêmes ce
que la terre peut leur proposer.

De l’art utile dans les jardins

On intègre des objets de récupération dans nos jardins, mais aussi des matériaux dont on
détourne l’usage. Par exemple, des troncs sculptés servent de support, deviennent des
lampes ou des nichoirs. Dans le même esprit, je pense que les couleurs sont naturelles,
chaudes, comme le vert anis ou le chocolat. C’est un retour au cocooning.

Continuité entre intérieur et extérieur

Le jardin est une pièce à vivre. Si c’est une terrasse, c’est un lieu qu’on exploite et qu’on
utilise à part entière. De la même manière, l’extérieur entre dans les maisons, avec des
zones « nature ». Il existe des interactions entre les zones de l’habitat. Les designers vont
loin dans l’insertion de la nature dans la maison : des poteries réceptacles de plantes
retombantes, des sphères suspendues avec des plantes à l’intérieur, dans un style 60’s
remis au goût du jour.
Le mobilier est plurifonctionnel : on voit de plus en plus des mobiliers qui conviennent tant à
l’extérieur qu’à l’intérieur, les matériaux utilisés résistent à des usages extérieurs. Le mobilier
de jardin se sophistique et s’embellit, à tel point qu’il peut être utilisé aussi à l’intérieur. Cette
tendance s’accentue, elle s’ancre dans nos modes de vie. On profite de plus en plus de
l’extérieur.L’éclairage est aussi un élément ambivalent, utile et esthétique. Il devrait continuer
à se développer.
Le jardin, le balcon ou la terrasse sont des espaces bien conçus, bien fait, quelle que soit
leur taille. D’ailleurs, le jardin de 2020 est plus réduit que celui d’aujourd’hui.

Vers un âge d’or des bassins d’agrément

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Les espaces d’eau ont davantage vocation à rafraîchir qu’à proposer un support de
baignade. La piscine nécessite de l’entretien et s’intègre mal dans le paysage : elle constitue
aujourd’hui une contrainte. Il est probable qu’elle évolue, voire qu’elle cède du terrain aux
bassins pour baignade, par filtration naturelle. Ces derniers fonctionnent mieux au nord de la
Loire qu’au sud, du fait des températures. Un enjeu de 2020 est sans doute d’améliorer les
techniques de filtration naturelle pour promouvoir ce type d’aménagement dans les jardins,
même dans les petits espaces et à adapter selon les régions.
Les petits bassins devraient changer d’allure, demander moins d’entretien et s’intégrer dans
le paysage.

Le retour des animaux dans les jardins

J’imagine une orientation vers l’adoption d’animaux dans les jardins. Dans la recherche
d’authenticité, le particulier intègre des poules et leurs abris, récolte les œufs. En fonction de
la taille des jardins, on peut imaginer un mouton, une chèvre, un âne. L’animal de ferme
redevient animal de compagnie, y compris dans les milieux urbains. C’est une tendance que
l’on constate dans l’aménagement des espaces urbains par les collectivités.

L’entretien du jardin, enjeu de 2020 :

L’entretien du jardin se mesure au travers de son aménagement, au travers des matériaux
qu’on va utiliser, des végétaux qu’on va y trouver.

2 axes se profilent, parfois contradictoires:

   -   Créer des espaces libres et champêtres, qui privilégient le naturel et allègent
       l’entretien. Les tailles seront douces, sans formatage.

   -   Développer des outils qui gèrent à la place de l’homme, comme les tondeuses
       autonomes. La technologie fait son entrée dans les jardins.
       En complément de l’ultra technique, on met à disposition des particuliers des outils
       plus ergonomiques, moins lourds, qui occasionnent moins de nuisances sonores,
       utilisent moins d’énergie. L’énergie sera davantage solaire, hydraulique, électrique.
       Les avancées sont déjà sensibles dans le domaine professionnel.

Le jardin, reflet socio-économique de nos modes de vie

En France, les jardins sont très fermés, bordées de haies et de clôtures. La conjoncture
économique actuelle renforce la tendance au repli sur soi, avec un décalage entre les
discours prônant ouverture et solidarité et des attitudes plutôt individualistes.

En 2020, on devrait voir cohabiter deux tendances :
   - L’aménagement de son jardin, de son balcon, de sa terrasse comme une bulle, une
      sphère privée, un espace où l’on cultive ses racines et son besoin de retour aux
      sources ;
   - La mutualisation de certains espaces, par exemple pour créer des potagers, en
      périphérie des villes et le développement des jardins familiaux.

Il faut également tenir compte de l’influence de l’aménagement des espaces publics qui sont
de nature à créer du lien social.

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A l’heure actuelle, le nombre de projets d’aménagement est en nette diminution. On dépense
peu pour son jardin. Une fois cette conjoncture de crise passée, le jardinier amateur
organisera des phases de travaux et des priorités dans ses aménagements. Il réalisera lui-
même les aménagements les plus plaisants. Le « coaching » a été tenté il y a quelques
années, sans succès. En 2020, le jardinier amateur devrait être plus réceptif à ce type
d’offres. Dans tous les cas, la terre reprend sa valeur.

2020 : âge mûr de l’écologie, vers une réflexion plus raisonnée

L’information est complexe, parfois paradoxale, sur les « bons gestes » et les « bons
usages », dans une recherche de protection de l’environnement auquel on se montre de plus
en plus sensible. Si les réflexions sont encore balbutiantes, les particuliers commencent à se
poser des questions sur la production de leur propre énergie. Par exemple, l’offre de
réservoir d’eau, de filtration et de purification devrait s’accentuer.
Les messages devraient se clarifier et la tendance vers l’attitude écologique va se renforcer,
sans les excès que l’on connaît aujourd’hui. On est encore dans l’apparence, « être écolo »
est une attitude valorisante. En 2020, cette attitude sera devenue un mode de vie, les
concepts seront acquis et intégrés. On demandera à justifier l’origine des produits, leur
composition. Les références au bilan carbone, à la déforestation, aux conséquences de
l’usage des produits seront naturelles.

Le décloisonnement des filières

Aujourd’hui, les acteurs des domaines de la conception, de la production et de la réalisation
mènent des travaux communs au service des collectivités. Les liens se renforcent, on
mutualise les connaissances. Ce modèle est transposable aux métiers plus dédiés aux
particuliers, qui sont en demande d’informations. Sans confondre toutes les filières, on crée
des passerelles qui influencent les choix et les tendances. Dans ce domaine, les plateformes
d’expérimentation, comme « plante & cité », permettent d’orienter les tendances.
Dans la perspective de contribuer à la protection de l’environnement, on rend l’offre plus
cohérente et plus harmonieuse sur l’ensemble des filières, au niveau des produits, des
mobiliers, des plantes, les modes d’alimentation et de traitement.

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Etude prospective : Quel jardin en 2020 ? Interviews menés auprès des faiseurs de tendance - Mars 2010
Jean-Yves Puyo, architecte DPLG, urbaniste OPQU, vice-
président de l’association des professionnels de
l’urbanisme de Midi-Pyrénées : « Le jardin, lieu de
créativité, d’écologie et de lien social »

Le retour de la nature en ville

Le rapport à la terre est différent selon qu’on évoque le jardin ou les balcons et terrasses.
Dans l’univers des balcons et des terrasses, on est aujourd’hui dans des décors, avec des
plantations réalisées hors sol, en pot, « sous intraveineuse », et une utilisation excessive
d’eau.
Du fait du réchauffement climatique, les approches vont évoluer : on va notamment
davantage planter en pleine terre en faisant grimper des végétaux à partir des jardins de rez-
de-chaussée pour protéger du soleil les terrasses, balcons et les appartements des étages
supérieurs. Les plantes, comme les glycines, vont courir d’un balcon à l’autre. Ces évolutions
vont participer du retour de la biodiversité en ville. Le rapport à la terre, même en ville, va se
renforcer.

En effet, l’une des problématiques de 2020 est de retrouver des espaces de nature dans la
ville, y compris en façade. Les façades vont s’épaissir. Des immeubles collectifs vont être
réhabilités en réalisant des isolations par l’extérieur, qui permettent de diminuer la
consommation d’énergie. Il sera alors envisageable d’ajouter des balcons et des terrasses,
avec des structures indépendantes, ainsi que des options de végétalisation par l’extérieur.
Les balcons peuvent aussi devenir des loggias, des vérandas, où l’on peut réguler les
ambiances, voire cultiver des plantes en décalage avec les saisons.

On assistera aussi au retour de la « nourriture naturelle dans la ville ». Même si les
plantations alimentaires restent anecdotiques, elles vont contribuer à redonner un sens aux
saisons et aller à l’encontre d’une certaine artificialisation de nos vies. La tendance à la
culture de tomates ou de fraises se renforce, on cultive des citronniers, des clémentines,
avec un prolongement sur les jardins partagés et jardins familiaux.

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Le retour de la nature dans les villes passe par la baisse de l’utilisation de produits
phytosanitaires qui nuisent à la biodiversité et alimentent les pollutions. Sur ce concept et
sous un autre aspect, on note par exemple l’émergence de listes de végétaux à privilégier,
pour leur rusticité et leur faible besoin en arrosage, et ceux à éviter dans les éco-quartiers.

Les villes denses ne peuvent se construire qu’avec des espaces de compensation et des
espaces de nature de grande dimension, publics. Ces espaces de compensation ont
vocation à constituer des zones de promenade et de loisir, mais aussi à être des lieux
d’accueil de la faune et de la flore. Bien situés, ils tempèrent la chaleur des cœurs de ville.

La taille des espaces extérieurs privés diminue, les espaces partagés se multiplient

Du fait des lois qui s’imposent d’ici 2020, tant dans le domaine de l’utilisation de l’espace –loi
SRU-, mais également de limitation de la consommation d’énergie et d’une prise de
conscience des coûts dans leur globalité, les particuliers accepteront d’avoir un jardin de
dimension réduite mais réellement intime, ou un simple balcon, si celui permet d’accueillir
une table et devient ainsi une pièce supplémentaire.

Les habitats individuels évoluent. On assiste au retour des maisons individuelles mitoyennes
avec façade sur la rue et de vrais jardins privés à l’arrière. Ce type de constructions est en
effet bien moins consommateur d’espace, de voierie et de réseaux que la réalisation de
maison au centre de terrain. On pourra optimiser le nombre de maisons individuelles sans
gaspiller d’espace.

Un « bon jardin » se divise en trois éléments : un espace terrasse, véritable séjour
supplémentaire, un espace de jeu et un espace de production potagère, forme d’agriculture
de proximité, qui peut se prolonger dans les jardins partagés, voire sur des espaces publics.
Par exemple, sur la réalisation d’un éco-hameau, les futurs propriétaires ont choisi de limiter
la surface de leurs jardins privés à 3 fois la superficie de leur habitat, pour privilégier un
espace partagé de 7 hectares pour développer potagers, vergers et grandes cultures.

Ces jardins, plus petits, seront d’autant plus raffinés. C’est l’enseignement que l’on tire de
l’observation des jardins des pays voisins, ceux du nord en particulier. Plus l’espace est
limité, plus s’y développe la qualité.

Le développement durable, une préoccupation intégrée par les architectes et les
urbanistes

Dans ses trois dimensions sociale, économique et écologique, le développement durable est
une préoccupation de plus en plus intégrée par les professionnels de l’aménagement du
territoire et de l’habitat, qui devancent les problématiques. Les efforts pédagogiques sont
initiés auprès de la population, avec de nombreuses actions auprès des plus jeunes, comme
celle lancée par l’association Format A4 dans le domaine des micro jardins à l’école. Si
aujourd’hui on peut estimer que la prise de conscience écologique concerne 15% de la
population, cette part devrait évoluer dans les années à venir, notamment auprès des plus
jeunes qui grandissent avec cette préoccupation.

En 2020, avec les logiques d’éco-quartiers notamment, l’espace public devrait influencer
l’espace privé, alors que c’est aujourd’hui le contraire : le public singe le privé par manque
d’intervention des concepteurs paysagistes.

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Dans les années à venir, on devrait voir les particuliers prendre en charge la gestion
d’espace, qu’il soit public ou privé, sous l’influence des usages dans les pays nordiques.

Sous l’influence des lois, contraignantes en matière de protection de l’environnement et
d’utilisation économe de l’espace, et d’une dimension pédagogique renforcée, les particuliers
vont évoluer dans leurs attitudes et traduire en acte leur prise de conscience écologique. La
part de population concernée devrait augmenter.

Les concepts de nature, de territoire, de cycle de vie sont davantage partagés par les gens
qui possèdent un jardin. Ils sont mieux sensibilisés aux problématiques environnementales,
du fait de leur confrontation quotidienne au milieu naturel.

Evolution des clôtures des jardins

On devrait davantage s’orienter vers des systèmes de clôture plus subtils : des haies
composées d’arbustes de différentes essences qui varient au fil des saisons; esthétiquement
et en accueil de biodiversité, des systèmes de bois tressé…
Une alternative est également la construction de murs, sur lesquels on fait pousser des
arbres fruitiers : vignes, pêches… Le mur sert de conduite végétale, il permet de faire mûrir
les fruits plus vite, puisqu’il restitue de la chaleur. L’enjeu est de retrouver dans nos villes
une cohérence et une qualité de séparation entre voisins. Le mur a l’avantage de constituer
une barrière phonique entre voisins, il permet de mieux cohabiter et d’assurer une vraie
liberté individuelle.

Le jardin, pièce de vie extérieure et espace de créativité

Le jardin de 2020 est composé d’un bel arbre qui procure de l’ombre, il est planté de prairies
fleuries qui ne nécessitent d’être tondues que deux fois par an, il a un aspect champêtre, il
accueille une petite faune. On choisit davantage des essences locales, qui nécessitent peu
d’arrosage. On travaille avec les paillis pour limiter l’évaporation du sol. On s’oriente vers
une certaine rusticité des plantations. On évite les pelouses, consommatrices d’eau, les
plantes allergènes et les invasives. On privilégie des plantes aromatiques, des plantes à
vertus curatives.

On trouve dans le jardin de 2020 différents matériaux qui jouent avec le végétal et l’eau. On
fait de l’ombre avec des toiles tendues, on détourne l’usage des matériaux. Le jardin est un
lieu de créativité, bien plus libre que l’intérieur des maisons.

Concernant l’eau, on l’imagine en cascade ou stagnante, comme des « mini mares »,
sources de biodiversité. La récupération de l’eau pluviale va se généraliser très rapidement
pour l’arrosage, l’alimentation des WC voire du lave-linge. La piscine devrait décliner : elle
suppose une gestion, un entretien, un coût et une pollution sonore pour seulement quelques
mois d’utilisation. On devrait s’orienter davantage vers des bassins plus petits, comme des
jaccuzzis, pour se rafraîchir, dans une recherche de bien-être. On imagine aussi un
développement des brumisateurs, y compris sur les balcons et terrasses.

Le jardin, les balcons et terrasses comprennent des espaces de rangement pour les vélos,
leur rangement doit se situer au plus près de l’entrée du jardin ou de l’immeuble collectif.

Pour l’arrosage, les systèmes de détection d’humidité dans le sol pour ne déclencher les
arrosages automatiques qu’en cas de nécessité se généralisent. Ce type de système
procède de la volonté d’économiser l’eau, même lorsque l’eau de pluie est récupérée.

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Le compostage individuel, y compris sur les balcons, va également se généraliser. Il est
intégré dans les nouveaux programmes d’habitat.

Le jardin espace écologique et catalyseur de lien social

Le jardin d’aujourd’hui est parfois devenu un produit. Il est le reflet de nos modes de vie et de
consommation. Comme on change de cuisine, on change de jardin, sans respecter
l’évolution lente nécessaire. En voulant aller vers la nature, on crée des espaces artificiels.
C’est l’un des paradoxes de nos sociétés actuelles.
Les prises de conscience écologiques devraient influer sur ces comportements dans les
années à venir et contribuer à redonner de l’authenticité aux espaces extérieurs. Les
particuliers, amateurs éclairés, membres d’associations, lecteurs de revues militantes dont le
nombre croît, vont avoir une influence sur les politiques et les professionnels en faveur de la
création d’espaces plus écologiques.
L’autre conséquence de ces évolutions est l’incitation à l’échange : les particuliers vont
davantage partager les bonnes pratiques, mais aussi leurs surproductions ; le jardin devient
vecteur de lien social.

Déclin des zones commerciales à horizon 2030

L’usage de la voiture individuelle diminuant, du fait des coûts et des pollutions engendrées,
les commerces de proximité vont continuer à se développer. Les grandes surfaces des
zones commerciales commencent à subir des baisses de fréquentation.

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Frédéric Denhez, journaliste scientifique, conférencier,
écrivain– « Pour évoluer, il faut apprendre à expérimenter »
Le jardin français, identique en toute région

Le jardin français d’aujourd’hui n’est pas représentatif de son territoire. Il est identique, quel
que soit l’endroit où l’on se trouve, planté des mêmes thuyas, des mêmes troènes, de
plantes hybrides qui poussent vite et font écran avec les jardins voisins. Les essences
natives sont oubliées, au profit de plantes hybrides vendues uniformément sur l’ensemble du
territoire. On les fait pousser sans tenir compte des sols, on y adjoint des engrais, des
pesticides, pour les adapter au milieu, quel qu’en soit le prix.
Ce jardin est très représentatif de notre société, où, depuis une trentaine d’années, on a
artificialisé les milieux pour les adapter à quelques variétés. On met la terre en situation de
supporter toutes nos plantations, sans égard pour les nécessités naturelles.

Des évolutions contraintes par la diminution de la disponibilité en eau

Demain, le jardin va changer. L’un des facteurs de ce changement est la contrainte de la
disponibilité de l’eau en été. La masse d’eau déversée aujourd’hui pour l’arrosage ne sera
plus disponible. L’amenuisement de cette disponibilité va sélectionner les espèces rustiques,
qu’elles soient locales ou non.
C’est ainsi que le gazon va disparaître, au profit de plantes qui s’enracinent mieux dans le
sol et s’avèrent moins gourmande en eau. C’est le cas de certaines prairies, qui, de plus
accueillent une biodiversité accrue.

Les contraintes des prairies

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la prairie ne facilite pas l’entretien. Certes, on
n’entretient pas une prairie avec la régularité avec laquelle on tond un gazon, mais les
périodes de fauche, environ deux fois par an, se révèlent indispensables pour ne pas mettre
le sol à nu. L’exercice est aussi plus difficile que la tonte.

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Le fauchage a pour résultat l’augmentation des déchets, dont il faut tenir compte. Si l’espace
est suffisamment vaste, on laisse un tas de compost, en alternative au dépôt en déchetterie.
Cette gestion des déchets constitue une contrainte, qui est éloignée de la conception du
jardin plaisir, espace qui nous éloigne des contraintes de la vie. Paradoxalement, moins on
entretient un jardin, plus il faut l’entretenir, le laisser faire doit être encadré.

Au niveau industriel, il pourrait être imaginé la création d’une filière de valorisation organique,
comme il en existe à Lille. L’enjeu serait d’organiser une filière intégrée, avec ramassage des
déchets verts, pour alimenter en permanence des usines de méthanisation et dont les
résidus seraient utilisés à des fins de compost, revendus aux agriculteurs ou aux particuliers.

Conséquences de la limitation des biocides

Les réglementations européennes et françaises limitent l’utilisation des produits
phytosanitaires en agriculture. Si elle n’existe pas encore, cette réglementation devrait
s’étendre aux jardins privés dans les prochaines années, pour encadrer plus strictement les
utilisations. Il faut ajouter à cela que le coût de ces produits étant indexé sur le prix du
pétrole, leur cherté va diminuer le nombre des utilisateurs.
Sans ces produits, les contraintes du jardin vont s’accroître et être de plus en plus
chronophages. Le vrai naturel, ce n’est pas le produit bio –mal utilisé, il s’avère toxique- mais
la main et le râteau.

On devrait en conséquence voir se développer les emplois de jardinier, comme dans le
monde agricole. Il faudra nécessairement plus de jardiniers pour entretenir les jardins.
Il faut également prendre en considération les évolutions vers des échaudages automnaux et
les coups de gels tardifs, qui ne vont pas disparaître. Les fruitiers, les plantes à fleur devront
faire l’objet d’attention renouvelée.

L’enjeu des prochaines années sera d’opérer un retour à des plantes plus rustiques, peu
gourmandes en eau, plus robustes, plus résistantes, notamment aux coups de gels tardifs, et
qui nécessitent peu ou pas d’entretien. Parmi ces plantes plus rustiques, notons que les
essences locales ne résisteront pas forcément au défaut de disponibilité en eau, il faudra
peut-être les réadapter. Il faudra aussi veiller aux effets des plantes invasives.

Le potager, redécouverte de la terre

C’est à travers le potager que l’on redécouvre le rapport à la terre, son aspect charnel. Il
procure un bien-être psychologique dont on redécouvre les vertus calmantes. Il est aussi un
objet d’observation enthousiasmant pour les enfants. Toutefois, compte tenu de l’entretien
qu’il exige, il reste une activité marginale. Le potager est un phénomène de mode mais ne
devrait pas perdurer en l’état.

Le jardin, reflet de notre société en modèle réduit

Pour parvenir à un jardin plus authentique, composés d’essences locales, de plantes
résistantes, il faut réapprendre la notion de temps, regarder les choses se faire et
s’abandonner à un certain laisser faire maîtrisé. Il faut aussi envisager d’y consacrer un
temps plus important. Or, ce type d’attitude est très éloigné de nos mœurs actuelles, en
recherche de « jardin facile et satisfaisant». Notre société refuse l’effort, à moins qu’il soit
couronné d’un succès immédiat. Nous ne sommes pas prêts à supporter les contraintes de

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la nature. Notre société est davantage basée sur des concepts d’artificialité, de recherche de
satisfaction immédiate et d’hygiénisme.
Ces valeurs se traduisent dans les jardins par leur apparence : lisse, propre, contrôlée. C’est
un lieu reposant, qu’aucun élément dissonant ne vient perturber. Il constitue un lieu
d’isolement, de jeu, d’accueil de sa sphère privée. Il est le reflet de l’individualisme de
masse, un lieu de repli sur soi, mais semblable à tous les autres. Dans l’idéal social, le jardin
est grand et très entretenu. C’est à travers cette analyse que l’on constate le décalage entre
la prise de conscience environnementale et sa mise en œuvre, chez soi.

Un vaste champ des possibles

Nous traversons actuellement une période où nous nous situons entre deux civilisations.
Notre notion du temps, linéaire, nous condamne à attendre une fin apocalyptique. Cette
notion s’oppose à celle, cyclique, qui régit les sociétés orientales. Cette dernière acception
s’avère plus adaptée à un monde qui change.
Il faut apprendre à oser expérimenter, s’autoriser l’échec, se confronter au fragile, à
l’aléatoire. Le jardin peut devenir un champ expérimental. L’enjeu est de parvenir à ressentir
du bonheur dans un espace qui ne sera valorisant que sur le long terme, en ayant laissé la
nature se développer selon ses propres cycles, en acceptant de découvrir chaque année un
lieu nouveau. Or, le jardin est devenu une véritable pièce supplémentaire, que l’on entend
maîtriser comme son intérieur.

On peut envisager deux évolutions opposées :
   - Le jardin devient le dernier endroit artificiel et maîtrisé, à une époque où tout nous
      échappe ;
   - Le jardin devient une terre d’expérimentation aléatoire.

C’est tout l’enjeu de l’évolution de notre système qu’illustre le jardin. Nous sommes au début
de la phase de recherche.

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Louis Benech, paysagiste – « Le jardin de 2020 reflète nos
priorités »
Le jardin s’adapte à un contexte

Pas un jardin ne se ressemble. Il est fonction des situations géographiques –exposition, taux
d’humidité, climat en général-, de contraintes d’espace et de lumière. En ville il faut par
exemple s’adapter à une certaine gamme de contraintes, au manque de lumière, à des
environnements restreints. Les jardins des villes est différent du jardin des périphéries,
fausses ou vraies ruralités, sans même aller jusqu’à des considérations scientifiques,
relatives à des écosystèmes ou des notions de biodiversité. L’adaptation au contexte est
aussi fonction de période. Dans les jardins que je crée, se mêlent des plantes sophistiquées,
horticoles, à des plantes trouvées sur les talus des bords de route.

Une tendance à la simplicité, des plantes natives et de cycle long privilégiées

Actuellement, l’heure est au retour à une certaine simplicité, une envie de moins d’artifice, ou
d’un artifice ayant une capacité à autosuffisance, voire autogestion. Il s’agit de concevoir des
jardins où l’on minimise l’entretien.

Cette tendance est liée au fait que le nombre de personnes qui jardinent augmente, tout en
étant de plus en plus éloignés de la terre. Les jardiniers d’aujourd’hui, dans leur grande
majorité, ne sont plus des ruraux et n’ont qu’une connaissance partielle et superficielle de la
terre. Ils ne sont plus habitués au monde végétal. Il faut ajouter à cela le fait que le rythme
de nos vies s’accélère, avec peu de temps à consacrer à l’entretien de nos jardins.
On choisit, mêlées à des plantes plus sophistiquées, des flores de proximité, des plantes
natives, adaptées à un biotope. Dans ce sens, les graminées connaissent, depuis 20 ans, un
certain succès. Elles sont reconnues pour leur esthétisme, pour leur aspect libre et sauvage
qui les rend sympathique, mais aussi parce qu’elles ont un effet allongé dans le temps. Leur
cycle, donc leur présence végétale, dure 6 mois environ, contre 3 semaines maximum de
floraison pour n’importe quelle fleur.

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Faciles d’entretien, les graminées ne nécessitent une taille qu’une fois par an, et répondent
donc à l’exigence de simplicité de nos modes de vie d’aujourd’hui. Elles s’adaptent au climat
de toutes les régions de France, aussi bien en milieu méditerranéen que montagnard, en
privilégiant les essences locales et les variétés en fonction des sols et des besoins en eau.
Certaines sont considérées comme des mauvaises herbes, mais sont jolies et requièrent un
entretien minimum.

De plus, sur les marchés, de nouveaux clones sont régulièrement disponibles, qui
permettent de multiplier les variétés. Par exemple, en milieu urbain, on cherche des
feuillages persistants ; or ceux-ci sont souvent sombres. On découvre donc avec plaisir
l’existence de feuillages persistants panachés, qui rendent les jardins d’hiver moins tristes.

Une envie de douceur, un entretien facile

Dans un monde perçu comme dur, l’envie est de donner de la douceur, de la sérénité, du
calme, d’éviter l’agression. Ce ne sont pas les couleurs qui importent, elles sont fonction des
circonstances, en nuançant les gammes. Il s’agit d’une impression générale, d’inscrire un
jardin dans un paysage, avec des entretiens faciles, ou faciles à déléguer. Il convient de
toujours tenir compte de la longévité d’un jardin qui ne pourrait plus être entretenu, par
défaut d’argent, par exemple ; ce peut être le cas chez un particulier, mais aussi pour des
pouvoirs publics. Souvent, le jardinier répare, il est plus rarement appelé pour prévoir ou
concevoir.

Tendance à l’économie

Il avait été proposé, au stade concours pour la cour du Carrousel du Jardin des Tuileries, au
début des années 90, de concevoir un jardin « exemplaire » qui se contenterait de la
pluviométrie ordinaire, donc sans pelouse, où la nécessité d’arroser disparaitrait. Si ces
propositions avaient fait rire, à l’époque, elles sont devenues une nécessité. On passe donc
du « green » au « brown », une apparence en devenir dans les jardins.

Globalement, la tendance à l’économie s’ancre : économie d’eau, mais aussi de l’énergie en
général, disparition progressive d’une certaine chimie. Dans les rayons des magasins, les
produits chimiques vont disparaître, sauf cas extrême. Un marché disparait, laissant la place
à un autre, plus adapté, non néfaste à l’homme, dans une idée de progrès. L’homme est en
capacité d’inventer, y compris pour réparer les erreurs du passé.

Le jardin, terre d’expérience

Le jardin est un espace expérimental. Chaque expérience sert à valider une hypothèse et
autorise de nouvelles expériences, tant dans le domaine public que privé. Dans d’autres
parties du monde, avec d’autres cultures, les façons de jardiner sont différentes. Par
exemple, au Japon, sur des surfaces équivalentes, on compte 10 fois plus de jardiniers. On
a copié des jardins japonais, sans réussir à les égaler. Quand les apparences ne sont pas
ridicules, ces jardins à la japonaise adoptent parfois un comportement propre ; le défaut
d’entretien offre des possibilités de développement différent. Ce goût de la synthèse et de
l’introduction- bon nombre de nos plantes sont d’origine étrangère et se sont adaptées-,
associé à une curiosité certaine, ont crée nos jardins actuels. Aujourd’hui, la tendance est à
conserver la plante là où elle vit spontanément, dans son site. Notre rapport à la nature
évoluant, nous allons chercher à réparer nos erreurs, en privilégiant les plantes qui ont

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survécu et sont devenues locales. Nous allons utiliser ce qui fonctionne pour dépolluer puis
évoluer, une fois les sols assainis, vers des essences natives ou devenues spontanées,
mêlées à des plantes plus exotiques et plus sophistiquées.

Dans l’idée de bon sens, le mur végétal ne devrait pas se démultiplier, car il nécessite un
entretien et une biodiversité peu naturels. Il vaut mieux imaginer un retour de la plante au
sol, qui fabrique ses propres racines.

Observation des cycles différenciés

Aujourd’hui, on constate une tendance à la surplantation. Dans la course contre le temps,
nos envies de visualiser les résultats s’accélèrent, on ne se projette que dans un futur assez
proche. C’est pourquoi dans les jardins, on a tendance à mélanger des plantes à cycle de vie
court et d’autres à vie lente. A terme, ce mélange provoque une disparition, accélérée mais
normale, de certaines plantes. Il s’agit simplement d’assurer une bonne cohabitation entre
espèces et de choisir des plantations en fonction des usages. Le jardin informel, jouant sur la
nature et la campagne pour se l’approprier, peut apparaître comme un laisser aller, mais est
travaillé en soustrayant des espèces pour créer des vides, des fuites, de l’horizon. Ce n’est
pas une reproduction de la nature, mais une observation des écosystèmes, pour s’approcher
d’un entretien minimum. Ce concept s’oppose aux jardins d’après-guerre, artificiels, utilisant
de la chimie et de la mécanique. Les goûts évoluent, l’esthétique d’aujourd’hui est ce qui
apparaissait hier comme un laisser-aller.

Un potager, par goût du goût

C’est sans doute davantage par plaisir, par envie de légumes et fruits ayant le goût de ce
que l’on a soi-même cultivé, que par nécessité économique, que les jardiniers amateurs
retrouvent l’envie de créer des potagers. Ce qui a du sens et constitue une réalité
économique, c’est de cultiver des herbes aromatiques. Cette tendance devrait s’ancrer.

Le jardin, reflet de nos priorités

Aujourd’hui encore, les gens ont envie de tout avoir, avec toujours moins de moyens et de
temps. Dans les 10 à venir, on ne devrait pas gagner en sagesse, mais on devrait savoir
mieux définir nos priorités et affiner nos choix. Le jardin aura une fonction principale : un
usage « épicurien », un usage « sérénité », un usage « dérivatif ». Comme le vocabulaire
s’est allégé dans les maisons, le décor s’est épuré – on est passé du concept de l’armoire à
celui du placard, puis du porte-manteau-, le jardin va se simplifier. Les espaces, de plus en
plus restreints, incitent à organiser ses priorités, en améliorant la qualité. La concurrence sur
les produits se fera, sur le marché, sur la qualité. Le lieu raconte une histoire à la fois, mais
évolue au fil du temps : au potager succède le jardin des enfants, puis à celui du calme, de la
créativité, de la rêverie, de la fantaisie. Le jardin répond à un besoin à un instant T puis
évolue vers une autre destination.

Enfin, dans le jardin, les éléments vont répondre à des besoins pratiques : une chaise qui se
déplace facilement, un transat dont la durée de vie est allongée… Là encore, la qualité
devrait primer sur le jetable. L’éclairage va évoluer vers le « tout photovoltaïque », les gaines
dans le sol vont disparaître. Les jardins vont être équipés de plus en plus de compostières,
ce qui est au moins souhaitable. De même, les récupérateurs d’eau devraient se multiplier.

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Patrick Nadeau, designer– « Le monde du vivant est dans
tous les espaces »
Des frontières poreuses entre les espaces

Le mouvement naturel est celui de l’intégration : les différents espaces de vie quotidienne,
domestique, travail, commercial, public, intègre le vivant. Le plus souvent, il s’agit de végétal,
mais le vivant ne se réduit pas au végétal.
Auparavant, on trouvait la maison au centre du jardin. Par proximité, la serre s’est approchée
de l’espace intérieur. Les techniques de plus en plus sophistiquées permettent d’imbriquer
de plus en plus intimement les différents espaces. Le concept de jardin évolue à partir de
cette idée d’imbrication, de mixité, de contagion, même si l’on peut considérer qu’il restera
un concept à part entière.

A l’échelle de la ville, les jardins publics, autrefois enclaves dans la ville s’intègrent de plus
en plus. Le végétal est présent sur des lieux comme les marchés, les lieux de concert. Les
espaces urbains vont même jusqu’à traverser les bâtiments, pour former des passages,
proposer des placettes… Les frontières entrent les espaces sont de plus en plus poreuses,
ils s’interpénètrent.

A une échelle plus petite, on retrouve également cette interpénétration. C’est le cas par
exemple du mobilier, mixte, qui contient des matières organiques permettant de le faire
changer de couleurs, grâce à la lumière.

Le jardin, une notion refondée

Dans le jardin, on trouve d’autres éléments que du végétal. C’est par essence un lieu où l’on
s’évade, où le mobilier peut contribuer à la création de rêve, par ses composants organiques
qui s’intègrent dans un rythme.

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La notion même de jardin est en cours de refondation. Nous sortons d’une période de
mouvement moderne, avec les planificateurs de la ville qui ont fait disparaitre la notion de
jardin au profit de celle d’espaces verts. Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans un moment
d’expérimentation. L’Allemagne en est une bonne illustration, avec ses espaces laissés en
friche, où la nature reprend ses droits. Mais il ne faut pas oublier que la nature peut être
hostile, que la ville a été conçue pour s’en protéger. Une des conséquences de cette
évolution, positive, est la tendance au rapprochement les différents corps de métier –
architectes, urbanistes, paysagistes, designers- mais aussi les habitants pour concevoir
globalement les lieux de vie, en assurer une composition cohérente, plus harmonieuse, plus
réfléchie.

Le végétal, matière architecturale

Par ses qualités structurales, formelles, plastiques, sensibles, le végétal est une matière
architecturale très contemporaine. Il peut être utilisé pour réaliser des toitures, des façades,
des séparations à l’origine même des projets, et non a posteriori. C’est une matière utilisable
tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Dans les recherches sur les matériaux, qui ont des textures
particulières et permettent d’organiser des flous, des changements de couleurs…, il serait
intéressant d’approfondir celles sur le végétal en tant que matériau architectural.

La purification de l’air par les plantes, un leurre marketing

Le discours sur les plantes pour purifier l’air est très marketing, car pour y parvenir, les
techniques sont très complexes. Il ne suffit pas d’un mur végétal pour purifier l’air, c’est faux.
Il semble que la promotion de ces techniques soit assurée dans la seule recherche de
rentabilité. Or l’écologie est à l’opposée de ce concept. L’écologie consiste à regarder
comment une plante fonctionne, comment elles s’adaptent à un milieu, optimisent les
qualités du milieu et en tirer des enseignements. C’est cette logique qu’il faut privilégier.
Avant de vouloir leur faire remplir un rôle, les faire travailler pour nous procurer de l’air frais,
il faut considérer les plantes pour leurs qualités intrinsèques, pour ce qu’elles procurent en
termes de qualités environnementales, psychiques, mentales.

L’évolution des murs végétaux

Les murs végétaux ont connu un grand succès à travers le monde. Visuellement, les
résultats sont très spectaculaires, mais la composition est peu naturelle : les plantes utilisées
sont pour la plupart exotiques, ils sont donc peu économes en eau, utilisent beaucoup
d’engrais… Par ailleurs, ils sont très semblables les uns aux autres. L’évolution consisterait à
concevoir ce même type de réalisation mais avec des plantes locales, plus petites, celles qui
poussent naturellement sur les murs, celles que le vent porte. Les murs seraient ainsi bien
plus singularisés. C’est le design qui pourrait contribuer à en faire des réalisations
spectaculaires, grâce à la lumière, la mise en forme, la superposition de strates. Le résultat
pourrait être tout aussi fabuleux mais beaucoup plus écologique : moins exigeant en eau, en
substrat, sans entretien. C’est une réappropriation du naturel, auquel on associe une
technique et une apparence contemporaine. On magnifie le naturel, la simplicité, grâce à une
mise en scène, en s’inspirant de l’ikebana. Le design a toute sa place pour assurer un lien
entre essences locales, écologie et aspect visuel contemporain. On pourrait même imaginer
une mise en scène de la façon dont les murs évoluent, par la lumière, un dévoilement petit à
petit, voire des éléments artificiels biodégradables, qui s’effaceraient au moment où les
plantes naturelles poussent.

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Ce type de mise en scène permet de ne pas négliger la notion d’instantanéité dont on a
besoin. Ces murs, tous différents, contribuerait à casser l’uniformité de villes qui ont toute
tendance à se ressembler.

L’intégration du minéral dans les jardins

Le végétal n’est pas l’unique composante des jardins. C’est à travers lui qu’on est relié aux
saisons, au rythme du temps. Le minéral pourrait aussi être mis en valeur, à l’image des
jardins zen japonais. C’est un matériau qui valorise les éléments extérieurs, l’environnement
sensible : ombres, chant des oiseaux…Sur un balcon, une forme d’architecture pourrait
permettre d’entendre le bruit du vent, de voir le passage des nuages…Par exemple, on peut
imaginer des peintures, des textures qui changent avec les saisons, auxquelles on intègre du
végétal. Ces techniques organiques s’inspirent d’ailleurs directement du vivant.

Redonner du sens à l’espace extérieur, un enjeu pour 2020

On a actuellement tendance à reproduire à l’extérieur exactement ce qu’on trouve à
l’intérieur. La cuisine à l’intérieur est reproduite à l’extérieur, la chaise club est la même.
Cette conception revient à ne pas se poser la question du confort, qui n’est pourtant pas le
même entre ces deux espaces. Les émotions procurées par l’extérieur –odeur, chaleur,
lumière- ne sont plus mises en valeur, elles sont même oubliées. C’est pourtant dans des
subtilités qu’on pourrait faire des recherches de mobilier extérieur, comme la conception
d’une couverture qui pourrait permettre de sentir l’herbe sans avoir le désagrément d’être
mouillé par une terre humide. La matière plastique a en ce sens fortement contribué à cette
assimilation. Les recherches sur les matériaux résistants aux contraintes climatiques,
utilisant des techniques différentes, ont été stoppées du fait d’une production massive de
mobilier en plastique.

L’éclairage par les plantes

Aujourd’hui, des recherches sont en cours pour faire de l’éclairage à partir de certaines
algues phosphorescentes. Avec un stimuli électrique très limité, on parvient à créer des
éclairages qui qualifient la lumière. Le végétal est ainsi utilisé comme réflecteur et diffuseur
de lumière. Les sources lumineuses sont placées à l’intérieur des végétaux, qui modifient
des ambiances. Dans les villes, on cherche à baisser le niveau de luminosité, en privilégiant
la qualité de l’éclairage, différencié selon les lieux. Cette recherche s’applique aussi aux
espaces des particuliers.

L’étalement de l’espace urbain

Depuis une vingtaine d’année, l’espace urbain a fortement progressé. La ville est de plus en
plus désirable. La tendance est à créer de nouvelles centralités dans les villes, dans les
périphéries. Il existe des pays où les mégapoles englobent des parcelles de campagne, on
voit des fermes faire partie intégrante des villes. On a inversé une tendance, en créant des
campagnes dans les villes. L’enjeu politique consiste à développer une qualité urbaine en
s’éloignant de plus en plus du centre originel.

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