European Review of History: Revue europeenne d'histoire
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
This article was downloaded by: [91.90.103.245] On: 11 December 2013, At: 05:19 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK European Review of History: Revue europeenne d'histoire Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/cerh20 Introduction a b Emmanuel Berger & Heinz-Gerhard Haupt a Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgium b Universität Bielefeld, Bielefeld, Germany Published online: 07 Dec 2013. To cite this article: Emmanuel Berger & Heinz-Gerhard Haupt (2013) Introduction, European Review of History: Revue europeenne d'histoire, 20:6, 937-943, DOI: 10.1080/13507486.2013.852521 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2013.852521 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms- and-conditions
European Review of History—Revue européenne d’histoire, 2013 Vol. 20, No. 6, 937–943, http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2013.852521 Introduction Emmanuel Bergera* and Heinz-Gerhard Hauptb a Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgium; bUniversität Bielefeld, Bielefeld, Germany Les révoltes et violences populaires ont fait l’objet de nombreuses recherches depuis les travaux pionniers menés, entre autres, par George Rudé, Charles Tilly, Louise Tilly, Eric Hobsbawm, Richard Cobb et Edward P. Thompson. Ces noms célèbres de l’histoire sociale et politique ont réussi à sortir de l’ombre les rationalités, les identités et les Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 dynamiques des révoltes populaires qui ont éclaté aux 18ème et 19ème siècles. Dès l’origine, la perspective adoptée s’est voulue comparée et européenne, s’affranchissant d’une histoire nationale figée de même que de barrières chronologiques trop rigides. L’étude des révoltes initiée à partir des années 1960 peut se prévaloir d’une tradition historiographique forte, principalement fondée sur l’histoire sociale, mais qui est restée ouverte aux influences d’autres champs disciplinaires. Aujourd’hui, alors que de nombreux travaux continuent à être menés dans ce domaine, il nous a paru important de présenter les orientations contemporaines prises par l’histoire des protestations populaires. Parmi les nouvelles perspectives de recherche, la problématique des violences populaires et de leur régulation par les institutions judiciaires occupe une place particulière. A vrai dire, le questionnement de ces rapports a été présent dès les premiers travaux consacrés aux briseurs de machines, aux révoltes frumentaires et aux différents soulèvements ruraux et urbains. On remarquera que les historiens britanniques ont développé un intérêt particulièrement vif en la matière. Cette attention ne s’explique pas uniquement par leurs convictions politiques ou par le souvenir de la « Glorieuse Révolution » mais également par la forte tradition juridique du Common Law. La prégnance du droit anglais a conduit « naturellement » l’histoire sociale britannique à s’intéresser au rôle joué par les institutions et les acteurs judiciaires dans la résolution et la répression des violences populaires. La réflexion sur le « social crime » se situe au cœur de cette démarche. Initiée par Edward P. Thompson, elle interroge les liens entre questions sociales et justice pénale, en se démarquant de l’image d’un droit consensuel véhiculée par les travaux de Leon Radzinowicz.1 La publication en 1975 des travaux du « crime group » de la Warwick University a connu un grand retentissement2 et ouvert la voie à de nombreuses études liant étroitement histoire sociale et histoire de la justice. En France, si la publication de Surveiller et punir par Michel Foucault (1975) fait date, il faut attendre l’approche du bicentenaire de la Révolution franc� aise pour que l’histoire sociale s’intéresse pleinement aux questions judiciaires. En Belgique, en Italie ou encore en Allemagne, le champ de la justice reste longtemps une prérogative des historiens du droit. Le déséquilibre entre la situation anglaise et l’Europe continentale commence à changer à partir de la création, en 1978, de l’International Association for the History of Crime and Criminal Justice par Herman Diederiks, Maurice Aymard et Pieter *Corresponding author. Email: emmanuelberger@hotmail.com; heinzgerhard.haupt@eui.eu q 2013 Taylor & Francis
938 E. Berger and H-G. Haupt Spierenburg. L’IAHCCJ offre en effet le cadre scientifique nécessaire au développement européen d’une approche pluridimensionnelle de l’histoire du crime et de la justice. En l’espace de quelques années, les travaux se multiplient, embrassant à la fois les instruments et les acteurs du maintien de l’ordre ( policing), les modes de régulations sociales et les différents types de violences. Dans le contexte d’une historiographie renouvelée, les contributions du numéro spécial ont pour objectif de mettre en évidence les nombreux apports des recherches récentes menées dans différentes disciplines: histoires du genre (J. Rowbotham), du crime (P. King), de la justice (X. Rousseaux), politique (J. Eibach et M. Cottier), sociale (F. Jarrige) et économique (R. Bianchi et M. Streng). L’identification disciplinaire de chaque contribution est sans aucun doute réductrice dans la mesure où leurs auteurs s’attachent à multiplier les angles d’analyse. A travers des approches croisées, les articles soulignent en réalité la polysémie des violences populaires, qu’elles soient événementielles ou de longue durée, collectives ou individuelles, locales ou nationales, réprimées ou tolérées. Etant donné l’ampleur du sujet, le champ géographique des Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 recherches publiées dans le présent numéro s’est limité à six pays européens: la Grande- Bretagne, l’Italie, l’Allemagne, la Suisse, la France et la Belgique. Cette diversité nationale témoigne de l’intérêt historiographique continu suscité par l’histoire des révoltes populaires dans l’Europe du long 19ème siècle. Dans sa contribution relative au « gendering protest » en Grande-Bretagne, Judith Rowbotham met en lumière l’importante du genre dans l’interprétation de la violence individuelle et collective. Elle relève, à partir de la 2ème moitié du 19ème siècle, une modification des attitudes socialement admises. Alors qu’au 18ème siècle, la violence féminine était encore acceptée, celle-ci est désormais illégitime. Une telle évolution s’explique par l’image terrifiante des « tricoteuses » de la Révolution franc� aise et surtout par l’affirmation de nouvelles normes culturelles: les femmes doivent rester cantonnées à la sphère domestique et leurs instincts pacifiques sont censés contenir la violence masculine. Le développement de ce stéréotype a plusieurs conséquences. Dans le domaine de la criminalité ordinaire et quotidienne, on constate une « masculinisation » de l’appareil judiciaire qui considère progressivement la présence féminine comme anormale. Cette anormalité provoque une réinterprétation constante du droit et de ses normes à propos du degré d’acceptabilité sociale des violences perpétrées ou subies par les femmes. Les stéréotypes féminins empêchent également la participation des femmes aux manifestations et les excluent de la sphère publique. L’un des premiers mouvements à contester le monopole masculin de la force et de la protestation est celui des fameuses suffragettes qui décidèrent de recourir délibérément à une stratégie d’actions violentes. La rupture constatée dans la représentation culturelle et sociale des femmes entre les 18ème et 19ème siècles s’inscrit dans le vaste débat relatif au monopole de la violence légitime de l’Etat et au procès de civilisation. Les deux problématiques initiées par Max Weber et Norbert Elias ont profondément influencé les recherches portant sur l’homicide. Depuis les travaux pionniers menés dans les années 1980 par Ted Gurr3 et Lawrence Stone4, la question de l’homicide fait l’objet de nombreuses interprétations. L’un des enjeux consiste à mesurer, à l’échelle de l’Europe, les taux d’homicide et d’expliquer les différences relevées tant géographiquement que chronologiquement. Dans sa contribution, Peter King s’interroge sur les conclusions tirées notamment par Manuel Eisner décrivant, pour le long 19ème siècle, des taux d’homicide bas dans les nations industrialisées du nord de l’Europe et élevés dans les pays de la périphérie (Europe de l’est et Méditerranée). Le facteur décisif serait l’impact de l’urbanisation. A partir de l’étude de plusieurs régions de la Grande-Bretagne, Peter King parvient cependant à des conclusions opposées. Les
European Review of History – Revue européenne d’histoire 939 villes, à l’exception de Londres, enregistrent proportionnellement à la population le plus grand nombre d’homicides. Le facteur ruralité/urbanisation se révèle dès lors insuffisant et ne permet pas d’établir une corrélation entre le taux d’homicide et le degré de « modernité » d’un territoire. L’interprétation de l’évolution de l’homicide nécessite en réalité une approche multifactorielle prenant en compte les codes d’honneur, le degré d’implantation de l’Etat, la culture de la masculinité, le type de propriétés, etc. Peter King propose enfin que cette approche plurielle s’accompagne d’une plus grande attention portée aux variations régionales dans la mesure où celles-ci transcendent souvent les frontières nationales. Les questions de la porosité des frontières et du contrôle de la violence légitime par l’Etat moderne se situent au cœur de l’une des problématiques les plus connues de l’histoire sociale à savoir celle du brigandage. A travers l’analyse de la répression du banditisme dans les territoires belges depuis la fin de l’Ancien Régime jusqu’aux lendemains de la 1ère guerre mondiale, Xavier Rousseaux revisite les voies empruntées par l’Etat dans sa recherche de légitimation populaire et questionne par conséquent l’existence Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 du « bandit social » popularisé par Eric Hobsbawm.5 Lors de chaque crise (Ancien Régime, Révolution franc� aise, 1850 – 60, 1ère guerre mondiale), le gouvernement s’attache à stigmatiser les bandes de brigands en criminalisant leurs actions et en refusant de les considérer comme une forme de protestation sociale ou politique. Ce processus de construction de la marginalité s’opère grâce à la « modernisation » des instruments de régulation et au renforcement sans précédent des structures du maintien de l’ordre public, reposant principalement sur la justice et la gendarmerie. La fixation des frontières des nouveaux Etats modernes facilite également la répression des bandits qui ne peuvent plus profiter, comme sous l’Ancien Régime, du morcellement territorial pour se forger des sanctuaires. Toutefois, la réapparition du banditisme lors de chaque crise majeure atteste de la fragilité de l’autorité de l’Etat belge. Il ne parviendra à imposer sa légitimité qu’au cours des années 1919 – 20, du fait de l’ « union sacrée » entre les différentes composantes de la société dans le but d’éradiquer les bandes de voleurs. L’article de Joachim Eibach et Maurice Cottier met en valeur une étonnante forme de stratégie politique dans la Suisse de la première moitié du 19ème siècle. Dans le contexte d’un large mouvement en faveur d’un gouvernement représentatif suisse, le recours à la tradition de la démocratie directe de la « Landsgemeinde » a joué un rôle important. Ce recours apparaı̂t remarquable moins par le mélange entre les formes anciennes et modernes de la protestation populaire que par ses objectifs: les bourgeois libéraux utilisaient les symboles et rituels de la « Landsgemeinde » afin de mobiliser les classes rurales et inférieures et de soutenir leur projet politique contre les gouvernements conservateurs des cantons. Chants, drapeaux et arbres de la liberté sont mis, sans crainte, au service d’une politique de mobilisation. A la différence d’autres sociétés européennes où la mobilisation des masses est identifiée, depuis la Révolution franc� aise, à la Terreur, à la guerre civile et à l’anticléricalisme, en Suisse cette interprétation ne semble pas avoir joué le même rôle. Il est surprenant de constater l’assurance montrée par la bourgeoisie libérale dans sa capacité à canaliser et contrôler la violence symbolique et effective des mouvements de masse. Même lorsque ceux-ci prennent une tournure agressive et militaire à la fin des années 1830, cette conviction ne semble pas ébranlée. Le recours au modèle politique de la « Landsgemeinde » qui subit un changement et un élargissement sémantique en devenant le « Volk » semble dès lors être un moyen commode pour légitimer des actions et les intégrer dans une histoire longue. Si les stratégies libérales de mobilisation sont spécifiques à la Suisse, il semble néanmoins que le phénomène se
940 E. Berger and H-G. Haupt rencontre dans d’autres pays européens, tels que la Savoie et le Wurtemberg bien qu’à une moindre échelle.6 Un moment crucial de l’historiographie des violences populaires est le passage d’une histoire considérant celles-ci comme menées de manière aveugle et autodestructrice par une populace irrationnelle à une analyse de leurs écrits, des processus d’action, des « logiques des foules » (Arlette Farge/Jacques Revel) et de leur « répertoire d’action » (Charles Tilly). Dès l’entre-deux guerre, Georges Lefebvre a jeté les jalons de cette réinterprétation par une étude de cas qui a été généralisée après 1945 par George Rudé. Georges Lefebvre souligne que les acteurs de la « Grande Peur » du début de la Révolution franc� aise n’étaient pas des marginaux mais des artisans et des paysans qui craignaient un complot aristocratique et contrerévolutionnaire tendant à restaurer la « féodalité ». Leurs moyens d’action tenaient de ceux pratiqués sous l’Ancien Régime: attaque des châteaux, destruction des archives, occupation des terres, etc.7 En s’inscrivant dans cette tradition historiographique, l’article de Franc� ois Jarrige démontre clairement que le bris de machine et surtout la menace d’en user sont un phénomène largement répandu en Europe durant la Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 première moitié du 19ème siècle. Seule l’Italie semble avoir échappé à cette vague de protestations. Au cours de celles-ci, les ouvriers d’abord du textile, puis d’autres métiers protestent contre l’innovation technologique accusée de provoquer un accroissement du chômage. Ce type de protestation fut en Angleterre moins vive parmi les artisans indépendants qui étaient moins liés aux marchands que dans le « putting out system ». Pour saisir la complexité des violences, Franc� ois Jarrige souligne à quel point l’analyse du langage est devenue incontournable. L’attention portée à l’acte même de la violence préconisée par Trutz von Trotha permet de reconstruire nombre de constellations d’action.8 Il est également utile de prolonger la réflexion menée par Eric Hobsbawm qui inclut le bris de machines parmi le « bargaining by riot » pratiqué au sein des communautés. Dans ce contexte, le rapport des pouvoirs locaux, les traditions de révolte et surtout l’analyse des forces de l’ordre deviennent importants. En France, l’appréciation publique des bris de machines change autour de 1830 passant d’un acte de défense populaire accepté par la communauté à sa criminalisation. Le changement apparaı̂t notamment dans la prononciation de peines plus sévères. Suivant Franc� ois Jarrige, le bris de machine n’est dès lors plus seulement un effet des conditions de production et de la technologie, mais également un facteur constitutif des projets de société antagonistes. En effet, si le bris de machines a permis de freiner leur introduction en France, sa criminalisation a au contraire contribué au développement d’une culture de production. Le concept d’« économie morale » proposé par Edward P. Thompson a joué un rôle important dans le débat relatif aux violences populaires.9 Thompson soutient qu’à l’intérieur de la société anglaise d’Ancien Régime, les relations sociales de même que les droits et devoirs des élites et des classes populaires sont fondés sur le droit à la subsistance. Le recours à la violence comme moyen de protestation populaire se situe à l’intérieur de certaines limites acceptées. La notion de justice dans les rapports sociaux fait alors partie intégrante de la morale publique. Dans sa contribution, Roberto Bianchi inscrit les révoltes populaires qui ont éclaté en Italie à la suite de la première guerre mondiale comme une survivance de ce type de rapports publics « justes ». Il souligne l’étendue d’un mouvement de protestation nationale contre la vie chère appelé « Bocci-Bocci », son assise sociale parmi les femmes et les jeunes hommes, mais aussi ses rapports étroits avec les mouvements socialistes et ouvriers. Basé sur l’étude des procès et des rapports de police, l’article signale l’allégresse provoquée par un mouvement pour la défense de la subsistance de la population. La revendication d’un minimum de nourriture et de bien-être déjà défendue durant la première guerre mondiale contre les conceptions libérales d’une
European Review of History – Revue européenne d’histoire 941 économie du marché a joué un rôle important. Dans une certaine mesure, Roberto Bianchi voit se réaliser une « nouvelle économie morale » en Italie après 1918. Il serait intéressant d’approfondir cette interprétation et de montrer la pertinence du concept dans l’analyse des villages italiens en s’appuyant sur les suggestions de James C. Scott. Ce dernier soutient que les villages du sud-est asiatique maintiennent grâce à la défense d’un système communautaire de dépendance mutuelle, un standard minimal de subsistance et de bien-être.10 Une des dates clés de l’histoire des violences populaires est sans aucun doute l’année 1848. L’historiographie traditionnelle y voit la fin des révoltes annonaires et le début d’une organisation des mouvements violents populaires. La chronologie a depuis été remise en question et de nouvelles recherches ont insisté sur un retour des « food riots » durant la deuxième moitié du 19ème siècle et le 20ème siècle.11 L’article de Marcel Streng reprend cette hypothèse et la développe à partir de travaux menés sur la consommation. Il met en lumière l’importance des changements de la géographie commerciale et du « local » comme lieu de confrontation. L’accent est également mis sur la place des experts dans la Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 distribution des marchandises et sur les découvertes scientifiques dont se servent tant les producteurs que les distributeurs. A travers l’étude d’un conflit autour de la viande à Berlin, Marcel Streng différencie les dynamiques propres aux mouvements pacifiques (boycott) et aux actions violentes de même que le rôle joué par les différents acteurs: les femmes forment le gros des protestataires dans les marchés tandis que les jeunes hommes dominent les rues. Le présent volume n’a pas pu couvrir la totalité du cadre européen dans lequel s’est produit, au cours des dernières années, un renouveau historiographique. Malgré des articles consacrés à l’Angleterre et à l’Italie, les travaux se concentrent sur l’Europe de l’Ouest. L’intégration des études sur d’autres pays de la Méditerranée ainsi que sur l’Europe du Nord, du Centre et de l’Est reste à faire.12 Les articles privilégient également le cadre urbain soulignant ainsi que, dans le champ des violences rurales, un important travail reste à faire pour la deuxième moitié du 19e siècle et le 20e siècle.13 Si les travaux publiés dans ce numéro s’inscrivent principalement dans un cadre national, ils restent ouverts à une approche comparative ou à des micro-études locales qui révèlent la diversité des pratiques violentes. Ils démontrent que la littérature relative à la violence protestataire est à réécrire et appellent à de nouvelles investigations afin de saisir davantage les rituels et les symboliques, les discours et les actions propres à chaque communauté. Dans sa critique de Edward P. Thompson, John Bohstedt insiste avec raison sur cette perspective.14 Une autre lacune des recherches réside dans la quasi-absence de la prise en compte des relations transnationales. Joachim Eibach et Maurice Cottier citent l’importance des mercenaires suisses comme médiateurs culturels entre la France et la Suisse. Ici s’ouvre un champ important de nouvelles recherches déjà perceptible dans les études sur l’exil et les migrations internationales.15 Enfin, la perspective globale qui reprend certaines problématiques de recherche développées dans le volume produira les outils d’analyse nécessaires à une meilleure interprétation des conditions et des formes de la violence protestataire. Notes 1. Radzinowicz, A History of the English Criminal Law. 2. Douglas et al., Albion’s Fatal Tree. 3. Gurr, “Historical Trends in Violent Crime.” 4. Stone, “Interpersonal Violence in English Society.” 5. Hobsbawm, Bandits.
942 E. Berger and H-G. Haupt 6. Milbach, L’éveil politique de la Savoie; Delivré, “Giustizia popolare.” 7. Lefebvre, La Grande Peur de 1789; Rudé, The Crowd in the French Revolution; Rudé, The Crowd in History. 8. von Trotha, ed., Soziologie der Gewalt. 9. Thompson, “The Moral Economy of the English Crowd;” Thompson, Customs in Common; Fassin, “Les économies morales revisitées.” 10. Scott, The Moral Economy of the Peasant. 11. Haupt, “Gewalt in Teuerungsunruhen.” 12. L’étude de Steve Smith souligne l’intérêt des recherches menées en Europe de l’Est: Smith, “Moral Economy.” 13. Corbin, Le village des cannibales; Chauvaud and Mayaud, Les violences rurales au quotidien; Cobo Romero, Fascismo o democracia. 14. Bohstedt, The Politics of Provision. 15. Hoerder, “Migrationen und Zugehörigkeiten.” Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 Notes on contributors Emmanuel Berger is Marie Curie Fellow at the Université catholique de Louvain (Belgium). He led several research projects at the Université Paris 1-Sorbonne, CESDIP (CNRS), Université de Montréal, National Archives (Belgium), European University Institute and University of Leicester. His main research fields are the history of criminal justice during the French Revolution and the Napoleonic Empire and the history of popular justice in eighteenth- and nineteenth-century Europe. He published Le tribunal correctionnel de Bruxelles sous le Directoire (Archives générales du Royaume, 2002) and La justice pénale sous la Révolution. Les enjeux d’un modèle judiciaire liberal (Presses universitaires de Rennes, 2006). He edited L’acculturation des modèles policiers et judiciaires franc� ais en Belgique et aux Pays-Bas (1795 – 1815) (Archives générales du Royaume, 2010). Heinz-Gerhard Haupt is Professor of History at Bielefeld University. He has taught in several universities: Bremen, Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, Lyon 2, European University Institute and Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg. He has published books and articles dedicated to the history of nationalism (nineteenth and twentieth centuries), the “petite bourgeoisie” in Europe (nineteenth and twentieth centuries), the history of consumption, the history of political violence and methodology in comparative and transnational history. He recently co-edited Control of Violence: Historical and International Perspectives on Violence in Modern Societies (2010) and Comparative and Transnational History: Central European Approaches and New Perspectives (2012). Bibliography Bohstedt, John. The Politics of Provision. Food Riots, Moral Economy and Market Transition in England, c. 1550 – 1850. Farnham: Ashgate Publishing, 2010. Chauvaud, Frédéric, and Jean-Luc Mayaud, eds. Les violences rurales au quotidien. Paris, 2005. Cobo Romero, Francisco. Fascismo o democracia? Campesinado y politica en la crisis del liberalismo europeo, 1870 – 1939. Granada: Universidad de Granada, 2012. Corbin, Alain. Le village des cannibales. Paris: Aubier, 1990. Delivré, Emilie. “Giustizia popolare e transizione giuridica: i Rügegerichte nella Sattelzeit.” In La transizione come problema storiografico, edited by Paolo Pombeni and Heinz-Gerhard Haupt, 249 – 272. Bologna: Il Mulino, 2013. Fassin, Didier. “Les économies morales revisitées.” Annales HSS, no. 6 (novembre-décembre 2009): 1237– 66. Gurr, Ted. “Historical Trends in Violent Crime: A Critical Review of the Evidence.” Crime and Justice: An Annual Review 3 (1981): 295– 353. Haupt, Heinz-Gerhard. “Gewalt in Teuerungsunruhen in europäischen Grobstädten zu Beginn des 20. Jahrhunderts: Ein U¨ berblick.” In Kollektive Gewalt in der Stadt. Europa 1890 – 1939, edited by Friedrich Lenger, 167– 186. Munich: Oldenbourg Wissenschaftsverlag, 2013.
European Review of History – Revue européenne d’histoire 943 Hay, Douglas, Peter Linebaugh, John G. Rule, Edward P. Thompson, and Cal Winslow, eds. Albion’s Fatal Tree: Crime and Society in Eighteenth Century England. London: Pantheon Books, 1975. Hobsbawm, Eric. Bandits. London: Weidenfeld & Nicolson, 1969. Hoerder, Dirk. “Migrationen und Zugehörigkeiten.” In Geschichte der Welt 1870 – 1945, edited by Akira Iriye and Jürgen Osterhammel. 433 – 589. Munich: C. H. Beck, 2012. Lefebvre, Georges. La Grande Peur de 1789. Paris: A. Colin, 1988. Milbach, Sylvain. L’éveil politique de la Savoie. Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848 – 1853). Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. Radzinowicz, Leon. A History of the English Criminal Law and Its Administration from 1750, 5 vols. London: Stevens and sons, 1948 – 86. Rudé, George. The Crowd in the French Revolution. Oxford: Clarendon Press, 1959. Rudé, George. The Crowd in History. A Study of Popular Disturbances in France and England. New York: J. Wiley and sons, 1964. Scott, James C. The Moral Economy of the Peasant: Rebellion and Subsistence in Southeast Asia. New Haven: Yale University Press, 1976. Smith, Steve A. “Moral Economy and Peasant Revolution in Russia: 1861 – 1918.” Revolutionary Downloaded by [91.90.103.245] at 05:19 11 December 2013 Russia 24 (2011): 143– 171. Stone, Lawrence. “Interpersonal Violence in English Society 1300 – 1980.” Past and Present 101 (1983): 22 – 33. Thompson, Edward P. “The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century.” Past and Present 50 (1972): 76 – 181. Thompson, Edward P. Customs in Common: Studies in Traditional Popular Culture. New York: New Press, 1991. von Trotha, Trutz, ed. Soziologie der Gewalt. Opladen/Wiesbaden: Westdeutscher Verlag, 1997.
Vous pouvez aussi lire