FASCICULE 22 Interrogatoires préalables à l'instruction - Interrogatoires préalables à l'instruction
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
FASCICULE 22 Interrogatoires préalables à l’instruction Geneviève COTNAM Avocate et associée, Stein Monast À jour au 20 août 2014 POINTS- CLÉS 1. Les règles concernant l’assignation et l’audition des témoins, celles relatives à la prise de dépositions et celles concernant la représentation et l’audition d’un mineur ou d’un majeur inapte s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préa- lables à l’instruction (V. nos 1 à 27). 2. Le protocole de l’instance devrait normalement prévoir les conditions entourant la tenue des interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 47 à 49). 3. Les principes directeurs édictés aux ar ticles 17 et suiv. C.p.c. (2014) sous-tendent l’ensemble des décisions qui seront prises en matière d’interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 51 à 54). 4. Les règles de preuve s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préalables à l’instruction au même titre qu’au procès (V. nos 6 et suiv.). 5. Il n’est pas permis d’interroger au préalable dans un dossier où la somme réclamée est inférieure à 30 000 $ et la durée des interrogatoires sera fonction de la nature du recours et de la valeur de la réclamation dans certains cas (V. nos 32 et suiv.). 6. L’interrogatoire préalable à l’instruction porte sur l’ensemble des faits en litige (V. nos 87 et suiv.). 7. Le caractère exploratoire de l’interrogatoire préalable exige que ce dernier demeure confidentiel tant et aussi longtemps que la partie qui y procède n’a pas exercé sa pré- rogative de le produire au dossier de la cour (V. nos 91 et suiv.). 8. La communication de documents est permise lors d’un interrogatoire préalable à l’instruction dans la mesure où les documents existent et sont pertinents au litige. Le témoin devra cependant répondre aux questions malgré une objection soulevée à (6074) 22 / 1 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 1 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse moins qu’elle ne concerne la contraignabilité du témoin, les droits fondamentaux ou un intérêt légitime important. (V. nos 16 et suiv.). 9. L’interrogatoire hors la présence du tribunal déroge au principe que les témoins sont entendus au procès. Il sera notamment utilisé lorsque le témoin ne sera pas en mesure de témoigner devant la cour à la date prévue pour l’audition (V. nos 102 et suiv.). 10. L’interrogatoire écrit vise notamment à obtenir des aveux de la part de la personne interrogée (V. nos 129 et suiv.). TABLE DES MATIÈRES I. Règles applicables à tous les interrogatoires préalables à l’instruction : 1-31 A. Convocation des témoins : 2-5 B. Objections : 6-22 1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire : 7-12 a) Principe : 7-8 b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance : 9-12 2. En cours d’interrogatoire : 13-22 a) À quel moment? : 13-15 b) Principales difficultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire : 16-22 C. Règles relatives à l’audition des témoins : 23-24 D. Conservation du témoignage : 25-27 E. Engagements souscrits lors d’un interrogatoire : 28-31 1. Obligation du témoin : 28 2. Défaut de donner suite : 29-31 II. Interrogatoire préalable (art. 221-230 C.p.c. (2014)) : 32-104 A. Conditions du droit d’interroger et limites : 32-54 1. Montant en jeu et nature du recours : 32-45 2. Entente sur le déroulement de l’instance : 47-49 3. Défense orale : 50 4. Règle de la proportionnalité : 51-54 B. Convocation et formalités : 55-56 1. Assignation : 55-56 C. Qui peut être interrogé? : 57-86 1. Parties : 57-64 2. Représentant, agent ou employé : 65-68 (6074) 22 / 2 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 2 2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction 3. Toute autre partie : 68-70 4. Dans une action en responsabilité, la victime et toute personne impliquée dans la commission du fait générateur du préjudice : 71 5. Personne au nom de qui une partie agit comme administrateur du bien d’autrui, prête-nom, à titre de subrogé ou de cessionnaire : 72 6. Tiers : 73-83 7. Possibilité de réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé : 84-85 8. Possibilité d’interroger plus d’une personne : 86 D. Qui peut interroger? : 87-89 1. Parties principales : 87-88 2. Autres parties : 89 E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 90-98 1. Étendue : 92-93 2. Confidentialité : 94-96 3. Demande de communication de documents : 97-98 F. Utilisation : 99-104 1. Qui peut introduire en preuve l’interrogatoire? : 99-104 III. Interrogatoire des témoins hors la présence du tribunal (art. 295- 296 C.p.c. (2014)) : 105-132 A. Conditions du droit d’interroger et limites : 106-116 1. À quel moment? : 106 2. Convocation : 107-108 3. Motifs : 109-116 B. Convocation des témoins : 117-122 1. Assignation du témoin : 117-119 2. Consignation de la déposition : 120-122 a) Par affidavit : 120 b) Par sténographe : 121-122 C. Qui peut être interrogé? : 123-126 1. Partie : 123 2. Tiers : 124-126 D. Qui peut interroger? : 127-128 1. Toutes les parties : 127 2. Le commissaire : 128 E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 129-131 1. Comme si recueilli à l’audience : 129-131 (6074) 22 / 3 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 3 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse F. Utilisation : 132 1. Comme si le témoignage avait été recueilli à l’audience : 132 IV. Interrogatoire écrit (art. 223-225 C.p.c. (2014)) : 133-150 A. Conditions du droit d’interroger et limites : 133 1. À quel moment? : 133 B. Convocation et formalités : 134-136 1. Formalités : 134 2. Notification : 136 C. Qui peut être interrogé? : 137-139 D. Qui peut interroger? : 140-141 1. Partie ayant requis l’interrogatoire : 140 2. Le tribunal : 141 E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 142-151 1. Quel type de litige? : 142-144 2. Étendue : 145-146 3. Effet de l’interrogatoire : 147-151 INDEX ANALYTIQUE Abus, 5 Sténographie, 25, 122 Défaut du témoin, 5 Document, 11, 12 Action collective, 62-64 Communication, 12 Interrogatoire préalable, 62-64 Confidentiel, 19 Assignation des témoins, 1-3 Déclaration à un expert en sinistre, 12 Frais de déplacement, 2 Dossier médical, 12 Interrogatoire écrit, 135 Expédition de pêche, 97 Interrogatoire hors la présence du tribunal, Notes personnelles, 16 117-122 Possession du témoin, 94 Interrogatoire préalable, 55 Privilège relatif au litige, 19 Régulière, 2 Production, 99-104 Résident hors Québec, 4 Secret professionnel, 19 Sanction, 5 Sous pli cacheté, 11 Confidentialité, 94 Engagement, 28 Autres instances, 94 Impossibilité, 30 Interrogatoire préalable, 94 Portée, 28 Média, 94 Refus, 30 Ordonnance, 11, 95 Sanction, 29, 31 Déclaration antérieure, 10, 93, 100, 103 Expert Défaut de comparaître comme témoin Interrogatoire hors la présence du tribunal, Mandat d’amener, 5 110, 115, 125 Sanction, 5 Interrogatoire préalable, 68, 81 Déposition, 25 Présence, 17 Affidavit, 120 Expert en sinistre Enregistrement, 25, 121 Interrogatoire préalable, 68 (6074) 22 / 4 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 4 2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction Interrogatoire hors la présence du tribunal, Personne morale, 59 105-132 Représentant de l’État, 58 Affidavit, 120 Subrogé, 72 Âge, 112 Tiers, 73-83 Assignation, 117-122 Autorisation du tribunal, 75 Commissaire, 128 Conditions, 80 Consentement, 107 Consentement, 73 Contenu, 130 Critères, 79 Crédibilité, 121, 124, 125 Délai, 77, 78 District, 119 Document, 78 Éloignement, 114 Fardeau de la preuve, 74 Enregistrement, 121 Représentation, 83 État de santé, 111 Victime, 71 Expert, 110, 115, 125 Interrogatoire écrit, 133-150 Familial, 126 Aveu, 147 Handicap, 111 Moment, 133, 134 Motifs, 109, 110 Notification, 135 Objection, 131 Personne morale, 139 Partie, 123 Personne physique, 138 Production au dossier, 132 Preuve supplémentaire, 148 Sténographie, 122 Proportionnalité, 144 Stress, 113 Protocole de l’instance, 134 Tiers, 124 Question, 146 Interrogatoire préalable, 32-104 Réponse, 147 Action collective, 62-64 Sanction, 147, 151 Agent, 65 Mandat d’amener, 5 Assignation, 55 Objection, 6 Cessionnaire, 72 Communication de documents, 11, 12 Confidentialité, 94 Confidentialité, 11 Conseiller municipal, 66 Contraignabilité du témoin, 9, 14, 15, 131 Crédibilité, 93 Déclaration antérieure, 10, 100, 103 Délai, 49 Droits fondamentaux, 14, 15, 19, 94, 97, Employé, 65 131 Exclusion des témoins, 96 Intérêt légitime important, 9, 14, 15, 19, Expédition de pêche, 97 94, 97, 131 Expert, 68 Interrogatoire hors la présence du tribunal, Expert en sinistre, 68 131 Exploratoire, 94 Moment, 7, 8, 13 Extraits indissociables, 101 Moyen de preuve, 22 Garantie, 61, 70, 88 Pertinence, 18, 19, 91, 97 Interdiction, 32-41 Préalable, 7 Calcul du 30 000 $, 32, 38 Secret d’état, 9 Demande reconventionnelle, 36 Secret du délibéré, 9, 21 Document, 41 Secret professionnel, 9, 19 Impact des intérêts courus, 38 Sources journalistiques, 20 Jonction d’actions, 35 Sous réserve, 14 Jonction de recours, 33 Témoin (identité), 22 Sanction, 44, 45 Précisions (demande de), 42 Interruption, 54 Preuve (règles de), 6 Lieu, 56 Application aux interrogatoires, 6 Mineur, 60 Proportionnalité, 7, 51 Parties, 57-64, 69, 86 Assignation hors Québec, 4 (6074) 22 / 5 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 5 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse Décision préalable sur une objection, 7 Interrogatoire préalable, 44, 47 Interrogatoire écrit, 143 Proportionnalité, 47 Interrogatoire hors cour, 110 Secret d’État, 9 Interrogatoire préalable, 51 Secret du délibéré, 9, 21 Interruption d’un interrogatoire, 54 Secret professionnel, 9, 19 Moyens financiers, 52 Témoin, voir aussi Expert; Expert en Nombre de témoins, 86 sinistre Protocole de l’instance, 47 Assignation, 2, 3 Ressources judiciaires, 53 Avocat, 9 Protocole de déroulement de l’instance Contraignabilité, 9, 14, 15, 131 Contenu, 47 Hors Québec, 4 Défaut, 48, 49 Notes personnelles, 16 Interrogatoire écrit, 134 Sanction en cas de défaut, 5 I. RÈGLES APPLICABLES À TOUS LES INTERROGATOIRES PRÉALABLES À l’INSTRUCTION 1. Dispositions générales – Les interrogatoires hors cour répondent à des règles particu- lières en ce qui a trait à leur tenue, à leur étendue et à leur dépôt. Par ailleurs, le législateur a choisi d’appliquer aux interrogatoires hors cour, dans la mesure où elles sont compa- tibles, les dispositions traitant de l’assignation des témoins1, celles référant à l’audition des témoins2, celles concernant la conservation du témoignage3 et, finalement, celles encadrant la représentation et l’audition d’un mineur ou majeur inapte4. Nous ne nous attarderons pas à ces dispositions, car elles font l’objet de commentaires spécifiques dans d’autres sections du présent ouvrage. Nous nous limiterons à souligner certains aspects qui méritent notre attention en ce qui a trait aux interrogatoires hors cour. 1. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section I du Code de procédure civile (2014). 2. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section III du Code de procédure civile (2014). 3. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IX du Code de procédure civile (2014). 4. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IV du Code de procédure civile (2014). A. Convocation des témoins 2. Assignation du témoin – Les interrogatoires préalables à l’instruction sont, à moins que le Code de procédure civile (2014) n’exige l’autorisation du tribunal, généralement tenus de consentement dans la mesure et aux conditions prévues au protocole de l’instance. Dans ces circonstances, le témoin comparaît de plein gré sans qu’il ait été formellement assi- gné. L’assignation régulière du témoin sera cependant nécessaire, notamment si une partie soupçonne que le témoin ne se présentera pas ou s’il s’agit d’un tiers qui n’a pas consenti à l’interrogatoire. Ainsi, pour forcer la comparution d’un témoin, les frais de témoin doivent lui avoir été avancés avant l’interrogatoire1. Cette obligation n’existe plus en vertu du Code si le témoin ainsi convoqué est une partie à l’instance2. Les règles ordinaires d’assignation s’appliqueront donc sous réserve des adaptations nécessaires. 1. Fakhri c. Diapolo, 2012 QCCS 6103 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2012 QCCA 2245). 2. Art. 273 C.p.c. (2014). (6074) 22 / 6 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 6 2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction 3. Témoin résidant au Québec – Lorsque le témoin réside au Québec, il devra être assigné par subpoena pour être interrogé, à moins d’entente entre les procureurs, conformément aux ar ticles 280 et suivants C.p.c. (2014). La partie qui souhaite que le témoin produise des documents lors de cet interrogatoire devra lui transmettre un subpoena duces tecum identifiant les documents recherchés. Rappelons que pour qu’un témoin soit contraignable, il est nécessaire de lui avancer pour la première journée l’allocation pour la perte de temps et pour les frais de déplacement conformément à l’ar ticle 284 C.p.c. (2014). À défaut de ce faire, il ne sera pas possible de forcer le témoin à comparaître à l’interrogatoire ou, à défaut, de sanctionner son absence. 4. Assignation d’un témoin résidant à l’extérieur du Québec – Le Code modifie de façon importante les règles en ce qui a trait à la convocation des témoins qui ne résident pas au Québec. Outre les dispositions particulières en matière de commission rogatoire, lesquelles seront traitées en détail dans un autre fascicule du JurisClasseur Québec1, le législateur a spécifiquement prévu la comparution à distance du témoin résidant dans une autre province ou territoire du Canada2. Ainsi, cette personne comparaîtra à distance à moins qu’il ne soit établi, à la satisfaction du tribunal, que sa présence physique est nécessaire ou est possible sans inconvénient majeur pour le témoin. Cette mesure facilitera certainement la comparution de témoins résidant ailleurs qu’au Québec tout en limitant les coûts inhérents à leur témoignage. Une préparation préalable est cependant essentielle afin de s’assurer que le témoin dispo- sera des documents requis afin de pouvoir répondre de façon efficace et intelligible aux questions posées. La convocation du témoin se fera sur ordonnance expresse du tribunal, laquelle sera ins- crite sur la citation à comparaître. Cette dernière devra être notifiée conformément aux règles applicables au lieu de résidence du témoin et les frais devront avoir été avancés. À moins qu’il ne soit présent au Québec au moment de son défaut, le témoin défaillant ne pourra être sanctionné que par le tribunal du lieu de sa résidence. 1. Frédérique SABOURIN, Geneviève COTNAM et Joséane CHRÉTIEN, « Demandes inté- ressant le droit international privé », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procé- dure civile II, 2e éd., fasc. 8, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, par. 46 à 81. 2. Art. 497 C.p.c. (2014). 5. Défaut de la partie dûment assignée de se présenter à un interrogatoire – Le législa- teur a spécifiquement prévu les conséquences du défaut de se soumettre à un interrogatoire dans le cas d’un interrogatoire de la personne qui a produit une déclaration sous serment1 ou du défaut de répondre à un interrogatoire écrit2. En ce qui concerne l’interrogatoire oral, aucune disposition particulière ne prévoit la sanction applicable. Nous présumons donc que le droit antérieur continuera de trouver application. Ainsi, l’assignation du témoin selon les règles prescrites est essentielle si une partie souhaite se prévaloir des sanctions prévues par le Code de procédure civile (2014) en cas de défaut du témoin de se présenter à un interrogatoire fixé en vertu dudit Code3. Une fois le défaut enregistré, il sera possible de (6074) 22 / 7 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 7 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse contraindre le témoin à se soumettre à un interrogatoire en obtenant de la part du tribunal l’émission d’un mandat d’amener conformément à l’ar ticle 274 C.p.c. (2014). Bien que cela ne soit pas spécifiquement prévu, le refus d’une partie de se présenter à un interrogatoire, alors que dûment convoquée, pourrait donner ouverture à une sanction pour abus de procédure en vertu des ar ticles 51 à 54 C.p.c. (2014) et entrainer, selon le cas, le rejet de la demande en justice ou la forclusion du droit de produire une défense. En effet, par le passé, les tribunaux n’ont pas hésité à assimiler le défaut de se présenter à un interrogatoire à un refus d’être interrogé4. En ce qui concerne le témoin résidant dans une autre province ou territoire du Canada, l’ar ticle 497 C.p.c. (2014) prévoit spécifiquement que la sanction du défaut appartiendra au tribunal du lieu de résidence du témoin qui pourra déterminer la sanction applicable sur le vu de l’attestation de défaut délivrée par le tribunal saisi, à moins que le témoin n’ait été présent au Québec à la date où le défaut a été enregistré. 1. Art. 105 et 222 C.p.c. (2014). 2. Art. 225 C.p.c. (2014). 3. Ruggles c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal, J.E. 2001-249 (C.S.); Thurlow c. Wedel, [1968] R.P. 396 (C.A.). 4. I.A. c. N.B., [2006] R.D.F. 248, [2006] J.Q. no 2203 (C.A.); Gaudet c. Maguelone Construc- tion Ltée, [1992] R.J.Q. 3, [1991] J.Q. no 2044 (C.A.); Burnett c. Banque Royale du Canada, [1992] R.J.Q. 261 (C.A.). B. Objections 6. Application des règles de preuve au stade des interrogatoires préalables à l’ins- truction – Les règles de preuve s’appliquent aux interrogatoires préalables à l’instruction au même titre qu’au procès, avec les adaptations nécessaires1. Nous ne reprendrons pas ici l’ensemble des motifs possibles d’objection à la preuve. À cet égard, nous vous référons à la section pertinente du présent ouvrage2. Nous nous contenterons de discuter de quelques principes s’appliquant spécifiquement aux interrogatoires hors cour. 1. Textiflex Inc. c. Blumenthal, 2005 QCCA 1001, [2005] J.Q. no 15726. 2. Stéphane REYNOLDS, « Audition des témoins », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procédure civile I, 2e éd., fasc. 28, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles. 1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire a) Principe 7. Interrogatoire préalable – Antérieurement, l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien) permettait à une partie de soumettre à un juge, avant la tenue d’un interrogatoire préalable, toute objec- tion anticipée pour qu’il en décide. Cette disposition s’inscrivait dans la foulée des amende- ments apportés à l’ancien Code qui visaient à promouvoir la proportionnalité et le respect des témoins. Le législateur espérait ainsi éviter débats, pertes de temps ou déplacements inutiles de témoins en soumettant à l’avance certaines objections à un juge pour décision. (6074) 22 / 8 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 8 2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction L’ar ticle 228 du Code de procédure civile (2014) va encore plus loin en prévoyant, dans le cas d’un interrogatoire oral, que les parties pourront non seulement soumettre à l’avance des objections anticipées, mais pourront également requérir d’un juge des directives pour la conduite de l’interrogatoire. 8. Application du principe à d’autres types d’interrogatoires – Le droit de soumettre à l’avance une objection à un juge pour décision ou directive semble cependant limité, de par la situation « géographique » de l’ar ticle 228 C.p.c. dans le Code de procédure civile (2014), uniquement aux interrogatoires oraux. Nous croyons cependant que rien n’empê- cherait une partie de s’inspirer des principes sous-jacents à l’ar ticle 228 C.p.c. (2014) pour l’appliquer à d’autres types d’interrogatoires tel un interrogatoire tenu en vertu des ar ticles 105 ou 222 C.p.c. (2014). En effet, les larges pouvoirs de gestion accordés par le législateur au tribunal semblent militer en faveur d’une telle approche. Dans la mesure où les parties se rendent compte, avant même d’entreprendre l’interrogatoire, qu’une telle difficulté se présentera inévitablement ou que des directives sont nécessaires pour encadrer la tenue d’un tel interrogatoire, nous ne voyons pas ce qui les empêcherait de soumettre immédiatement l’objection pour adjudication. Cette approche a d’ailleurs indirectement été retenue par le tribunal dans l’affaire Mulroney1, le juge, en autorisant la commission rogatoire, ayant voulu s’assurer au préalable que le témoin était bel et bien contraignable dans sa juridiction. 1. Mulroney c. Canada (Procureur général), J.E. 96-2151 (C.S.). b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance 9. Contraignabilité du témoin – La contraignabilité du témoin est, à sa face même, une question qui devrait être soumise au tribunal avant le début d’un interrogatoire afin d’éviter un déplacement inutile ou de circonscrire l’étendue de l’interrogatoire. Le principe de base énoncé à l’ar ticle 276 C.p.c. (2014) est à l’effet que toute personne peut être contrainte à témoigner à moins d’être inapte à relater les faits dont elle a connaissance, et ce, en raison de son âge ou de son état physique ou mental. Outre ces cas, certaines situations sont susceptibles de poser problème, tels le secret pro- fessionnel1 ou le secret d’État2. Les circonstances particulières de chaque cas devront être considérées et la teneur de l’interrogatoire devra parfois être connue avant que le tribunal ne puisse se prononcer sur cette question. Ainsi, le simple fait que le témoin soit avocat ne permet pas de conclure que son interrogatoire violera nécessairement le secret profession- nel3. Le procureur de la partie adverse sera même contraignable s’il est en état de rapporter certains faits dont il a eu connaissance4. Par contre, il ne sera pas possible d’interroger le membre d’un tribunal statutaire qui est protégé par le secret du délibéré5. Certaines restric- tions existent également au niveau du témoignage d’un notaire, d’un arpenteur-géomètre, d’un huissier6 et d’un conjoint7. Notons qu’en vertu de l’ar ticle 228 du Code, la question de la contraignabilité du témoin, tout comme celle de l’atteinte à un droit fondamental ou à un intérêt légitime, fait partie des rares objections pouvant justifier le refus du témoin de répondre à une question. Il (6074) 22 / 9 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 9 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse serait donc intéressant de faire déterminer à l’avance la contraignabilité d’un témoin pour ne pas retarder la tenue de l’interrogatoire. 1. 2. Art. 284 C.p.c. (2014). 3. Art. 283 C.p.c. (2014). 3. De Grandpré, Chait c. 167363 Canada Inc., J.E. 2005-169, [2004] J.Q. no 14452 (C.A.); Cinar Corporation c. Weinberg, 2007 QCCS 4380, [2007] J.Q. no 10830; Jolicoeur c. Plomberie Saint- Jovite Inc., 2006 QCCS 5069, [2006] J.Q. no 24459; Société d’habitation du Québec c. Hébert, J.E. 2005-1916, [2005] J.Q. no 14749 (C.S.). 4. ABN Amro Bank Canada c. Performance Guarantees (Quebec) Inc., J.E. 98-176 (C.A.). 5. Comité de révision de l’aide juridique c. Denis, 2007 QCCA 126, [2007] J.Q. no 630. 6. Art. 270 C.p.c. (2014). 7. Art. 282 C.p.c. (2014). 10. Déclaration antérieure – La possibilité de référer, lors d’un interrogatoire, à des déclarations antérieures d’un témoin peut également faire l’objet d’une demande de déci- sion anticipée. Si, en principe, l’interrogatoire préalable ne doit pas avoir pour seul but de reprocher un témoin1, il demeure permis de le questionner sur des déclarations antérieures incompatibles après avoir pris soin de poser des questions introductives d’usage. Le tribunal doit cependant veiller à ce que les règles d’administration de la preuve soient respectées durant un interrogatoire préalable et donc s’assurer que l’usage de ces décla- rations antérieures est permis. Ainsi, dans la mesure où le Code des professions2 prévoit à son ar ticle 149 que le témoignage rendu par un professionnel devant le comité de disci- pline ne peut être retenu contre lui, il ne sera pas davantage permis d’introduire les notes sténographiques de cet interrogatoire lors d’un interrogatoire préalable3. La notion de déclaration antérieure est interprétée largement et pourra inclure la déclaration faite à un expert en sinistre, celle faite à un policier, le témoignage rendu dans une autre instance et même au cours d’une commission d’enquête. Si la déclaration antérieure est utilisée, il appartiendra au juge du fond de déterminer la force probante qu’il accordera à celle-ci compte tenu de l’ensemble de la preuve administrée4. 1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.). 2. RLRQ, c. C-26. 3. Société Coopérative Agricole de Montmagny c. Cloutier, 2008 QCCS 1493, [2008] J.Q. no 3070. 4. Canada (Procureur général) c. Groupaction Marketing Inc., 2008 QCCS 216, [2008] J.Q. no 488. 11. Demande de production d’un document ou d’interrogatoire sous pli cacheté – L’interrogatoire et les documents communiqués à l’occasion de celui-ci sont considérés comme confidentiels tant et aussi longtemps que l’interrogatoire n’est pas produit par la partie qui y a procédé1. Les seules exceptions à ce principe sont celles énoncées aux ar ticles 2870 et suivants C.c.Q. La demande préalable d’une ordonnance visant à s’assurer qu’un interrogatoire ou un document communiqué lors d’un interrogatoire soit produit sous scellés, alors que l’interrogatoire n’a pas encore eu lieu, sera donc considérée comme (6074) 22 / 10 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 10 2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction prématurée2. Par ailleurs, des demandes d’ordonnance de confidentialité pour protéger certains renseignements sensibles, tels le secret industriel ou une pathologie intime, peuvent être présentées avant le dépôt des notes sténographiques3. Cette question pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une demande de directive en vertu de l’ar ticle 228 C.p.c. (2014). L’ar ticle 16.1 C.p.c. (2014), qui s’inspire de l’ar ticle 815.4 C.p.c. (ancien), prévoit d’ailleurs certain types de document devant être produits sous pli cacheté. 1. Art. 227 C.p.c. (2014). 2. Marois c. Taillon, 2008 QCCS 4473, [2008] J.Q. no 9295. 3. Lamarre c. Trois-Rivières (Ville de), 2013 QCCS 1814. 12. Communication d’un document requis pour l’interrogatoire – L’ar ticle 228 C.p.c. (2014) pourra également servir à trancher à l’avance une objection à la communication d’un document dont une partie soutient avoir besoin pour les fins de préparer l’interrogatoire et d’interroger le témoin. Ainsi, dans l’affaire Dallaire c. Éli Lilly Canada Inc.1, la Cour supérieure, saisie d’une demande en vertu de l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien), a permis de poser des questions relativement à l’état médical du témoin et, par le fait même, a ordonné que copie de son dossier médical soit communiquée à la partie qui désirait l’interroger. La même question a été soulevée relativement aux déclarations à un expert en sinistre2. Le tribunal pourrait également à cette occasion se prononcer à l’avance sur le caractère confidentiel ou privilégié d’un document ou sur sa pertinence3. Les documents ainsi demandés devront être utiles, appropriés et susceptibles de faire progresser le débat pour être considérés pertinents4. Si une objection à la communication d’un document est jugée prématurée, elle pourra être soulevée de nouveau durant l’interrogatoire5. 1. Groupe Radio Astral Inc. c. Lavoie, J.E. 2002-1400 (C.A.); Dallaire c. Eli Lilly Canada Inc., 2008 QCCS 1422, [2008] J.Q. no 2940. 2. L’Unique Compagnie d’Assurances Générales c. Osborne, J.E. 2004-1837, [2004] J.Q. no 8217 (C.S.); Ouellette c. La Capitale Compagnie d’Assurances, [1998] R.R.A. 505, [1998] J.Q. no 5534 (C.S.); Boiler Inspection Insurance c. St- Louis de France, [1994] R.D.J. 95, [1993] J.Q. no 2022 (C.A.); Drouin c. Axa Assurances Inc., J.E. 2007-1911, [2007] J.Q. no 10970 (C.Q.). 3. Evaporateurs Waterloo Inc. c. Intégra Environmental Inc., B.E. 2004BE-732, no AZ- 50258732 (C.S.); Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007] J.Q. no 274. 4. Roy c. Bégin, 2013 QCCS 1858. 5. Dunn c. Wightman, no AZ-50185050 (C.S.). 2. En cours d’interrogatoire a) À quel moment? 13. Importance de soulever les objections en temps opportun – Il est essentiel qu’une partie soulève en temps opportun les objections à la preuve qui semblent s’imposer. Sous réserve des dispositions particulières en matière de commission rogatoire dans lesquelles le législateur a spécifiquement prévu que le défaut de ce faire n’empêchera pas la partie de soulever l’objection ultérieurement lors de l’audition1, le défaut de soulever l’objection (6074) 22 / 11 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 11 2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse en temps utile pourrait être interprété comme une renonciation à soulever ce moyen ulté- rieurement2. De la même façon, une partie pourrait être présumée avoir renoncé implici- tement à la confidentialité d’un document qu’elle a communiqué lors de l’interrogatoire3. 1. Art. 502 C.p.c. (2014) 2. Caisse populaire Desjardins Centre-Est du Témiscamingue c. Viandes Abitémis, 2006 QCCS 6385, [2006] J.Q. no 15237. 3. Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007] J.Q. no 274. 14. Objection prise sous réserve – Sous l’ancien Code, un témoin pouvait en principe refuser de répondre à une question lorsqu’une objection était soulevée à moins que les parties ne consentent à ce qu’il ne réponde sous réserve, étant entendu qu’elles pourraient soumettre la question à la cour ultérieurement si cela devenait pertinent1. Le législateur a choisi d’aller plus loin en adoptant l’ar ticle 228, al. 2 C.p.c. (2014) lequel prévoit spécifi- quement que, à moins que l’objection ne porte sur la contraignabilité du témoin, ou qu’elle soit relative aux droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important, le témoin ne pourra refuser de répondre. L’interrogatoire se poursuivra alors normalement et l’objection sera éventuellement tranchée lors de l’instruction à moins qu’elle ne puisse être entendue sur le champ par le tribunal. En pratique, si l’interrogatoire n’est pas produit, la réponse à la question ayant fait l’objet de l’objection n’aura plus d’importance. Ce n’est donc que si l’interrogatoire est produit que le juge saisi du fond aura à déterminer la légalité et la pertinence de la question 2. Notons que cette disposition est conforme à la pratique où les tribunaux rendaient d’office des ordonnances au même effet3. 1. Art. 395 C.p.c. (ancien). 2. Croteau c. Perreault Mathieu Cie, [1990] R.D.J. 217, [1990] J.Q. no 640 (C.A.). 3. Banque HSBC Canada c. Khurana, 2012 QCCS 4108, no AZ-50889973, (2012) J.Q. no 8152. 15. Soumettre l’objection pour adjudication – L’ar ticle 228 C.p.c. (2014) prévoit qu’une objection soulevée relativement à la contraignabilité du témoin, aux droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important devra être soumise pour adjudication au tribunal dans les cinq jours pour qu’il en décide. Les autres objections seront, nous l’avons vu, soumises au juge qui présidera l’instruction lors de celle-ci à moins qu’elles ne puissent être enten- dues par le tribunal sur le champ. L’objectif poursuivi est clairement d’éviter des délais importants et le report d’interrogatoires en raison d’objections non fondamentales. Ce souci d’efficacité du législateur transparaît également à l’ar ticle 324 C.p.c. (2014) où il a pris soin de prévoir un délai de deux mois pour rendre un jugement en cours d’instance, mais qui réduit ce délai à un mois lorsque le tribunal est appelé à rendre jugement relati- vement à une objection à la preuve soulevée lors d’un interrogatoire au préalable portant sur la contraignabilité du témoin, sur les droits fondamentaux ou sur une question mettant en cause un intérêt légitime important. b) Principales difficultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire 16. Référence à un document lors de l’interrogatoire – Un témoin témoigne norma- lement de mémoire. La partie qui, au cours de son interrogatoire, se réfère à des notes (6074) 22 / 12 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 12 2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction personnelles ou à des écrits pour se rafraichir la mémoire doit en donner communication à la personne qui l’interroge1. Cela n’implique pas que le document sera nécessairement produit en preuve, mais confère à la partie adverse le droit d’en prendre connaissance. Ce droit ne se limite pas à la partie du document consultée par le témoin et pourra s’étendre à l’ensemble du document. Somme toute, en consultant un document en cours d’interro- gatoire, le témoin peut se trouver à renoncer à son caractère privilégié2. Le fait de faire référence à un rapport d’enquête dans un affidavit n’implique pas néces- sairement renonciation implicite au caractère confidentiel de ce rapport, car il ne faut pas présumer trop facilement qu’une partie a abandonné le bénéfice de la confidentialité d’un document3. Par contre, s’il est allégué pour prouver la bonne foi de celui qui l’allègue, le rapport cesse de bénéficier de son privilège de confidentialité4. Si le témoin a, à son dos- sier, des notes personnelles mais qu’il n’y réfère pas lors de son interrogatoire, il ne sera alors pas possible pour la partie adverse d’en forcer la production5. 1. Kansa General International Insurance Company Ltd. c. Ogilvy Renault, [1999] J.Q. no 819 (C.S.), j. Claude Guérin; Point Virgule communication Inc. c. Communications Québecor Inc., C.Q. Longueuil, no 505-22- 003302-983, 28 mai 1999, j. Rémillard. 2. Commercial Union c. Nacan Products Limited, [1991] R.D.J. 394 (C.A.); Smith c. Équipe- ment Fédéral Inc., no AZ-50206224 (C.S.); Lessard c. Nappert, 2007 QCCS 5038, [2007] J.Q. no 14820. 3. CIBC Mellon Trust Company c. Stolzenberg, 2006 QCCA 10, [2006] J.Q. no 74; 3312402 Canada Inc. c. Accounts payable Chexs Inc., J.E. 2005-1645, [2005] J.Q. no 12030 (C.S.). 4. Fortier Auto (Montréal) Ltée c. Brizard, J.E. 2000-177, [2000] J.Q. no 5 (C.A.). 5. Système Internationale Gemnar c. Multidev Tehnologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009] J.Q. no 3757; Hamel c. Sainte-Anne-de- Beaupré (Ville de), B.E. 2005BE- 898, no AZ- 50327286 (C.S.). 17. Présence d’un expert lors de l’interrogatoire – Un avocat peut se faire assister par un expert lors du procès et, en principe, ce dernier pourra être présent lors des interroga- toires préalables. La cour a même reconnu à une partie le droit d’être accompagnée par un psychologue lors d’un tel interrogatoire afin de lui permettre de mieux cibler ses questions. L’expert ne sera pas considéré comme un membre du public assistant à l’interrogatoire, mais comme un auxiliaire de l’avocat lié par le même secret professionnel1. 1. Duchesne c. Fondation Duchesne, 2006 QCCS 2779, [2006] J.Q. no 4876. 18. Pertinence – L’objection sur la pertinence n’a plus lieu d’être au stade de l’interro- gatoire préalable au procès compte tenu du texte clair de l’ar ticle 228 C.p.c. Il convient cependant de rappeler que cela n’implique pas que la partie qui interroge pourra sortir impunément du cadre raisonnable des procédures, le tribunal ayant toujours la possibilité, sur demande présentée en vertu de l’ar ticle 230 C.p.c. (2014), de mettre un terme ou de limiter un interrogatoire qu’il estime abusif ou inutile. Au niveau pratique, le fait que de nombreuses objections soient ainsi prises sous réserve peut soulever certaines difficultés au niveau de la transcription de l’interrogatoire. Il serait sans doute souhaitable d’obtenir une transcription intégrale des notes sténographiques pour fin de compréhension quitte à caviarder les passages pertinents suite aux décisions rendues (6074) 22 / 13 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 13 2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse sur les objections. Un cahier séparé pourrait également être préparé pour les questions sous objection qui devront être débattues ultérieurement. 19. Caractère confidentiel d’un document – Une partie peut en principe choisir de caviar- der l’information de nature confidentielle dans un document au stade de l’interrogatoire préalable. Ceci avait notamment été reconnu lorsque la divulgation de cette information aurait pour effet de procurer un avantage commercial indu à une partie1. Ainsi, l’informa- tion confidentielle, si elle était pertinente, n’était pas communiquée au stade préliminaire, mais sa divulgation pouvait se faire devant le juge au moment de l’audition sur le fond du litige, le juge du fond étant alors davantage en mesure d’apprécier la preuve à la lumière des véritables enjeux du dossier2. Notons que le simple fait que le document puisse contenir des informations de nature confidentielle n’empêchera pas automatiquement une partie d’en obtenir copie dans la mesure où celui-ci est pertinent au litige et où, le cas échéant, des mesures sont prises pour assurer la confidentialité de l’information3. Ainsi, certains documents, par leur nature, sont protégés contre une communication éven- tuelle. Ce sera le cas notamment d’un rapport ou autre document4 préparé pour l’usage des avocats en cas de poursuite, incluant un rapport qui n’est pas spécifiquement requis par le procureur, tel celui d’un enquêteur5 ou celui de l’expert en sinistre6. Ce privilège ne s’étend toutefois pas au rapport préparé par un employé et destiné à son employeur, alors que l’employé est un témoin personnel des faits7, à moins que le document ne soit également rédigé dans le but de préparer un litige. Les tribunaux considèrent qu’il y a lieu d’assurer la confidentialité des documents lorsqu’un « objet important, l’objet principal ou le seul objet est la préparation du litige »8. Ainsi, s’il appert que le rapport aurait été préparé, peu importe qu’une poursuite ait été intentée ou non, dans le but d’informer les dirigeants de l’entreprise d’une situation, force est de conclure que le document avait une utilité propre avant même que la poursuite ne soit intentée et qu’il ne peut, dans ces circonstances, avoir un caractère privilégié9. Le fait d’invoquer l’existence d’un règlement à l’amiable10 dans une procédure ou de faire état de certains échanges entre procureurs11 peut être interprété comme une renonciation implicite de la part de la partie justifiant d’autoriser des questions à cet égard. Cela étant dit, l’ar ticle 228 du Code est, selon nous, susceptible de modifier la pratique à cet égard. En effet, le fait que le contenu d’un document ne soit pas pertinent au litige ne devrait pas justifier le témoin de refuser de le produire dans son intégralité, l’objection soulevée quant à la pertinence du document étant soumise au juge du fond. La plupart des cas énumérés précédemment seront, selon nous, couverts par l’exception visant les droits fondamentaux et l’intérêt légitime important. Bien que cette dernière notion devra être définie par les tribunaux, nous pouvons croire que le secret commercial, le privilège relatif au litige, etc., seront visés par cette exception. 1. Système International Genmar c. Multidev Technologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009] J.Q. no 3757; Instruments scientifiques Cleanearth Inc. c. V.W.R. Canlab, J.E. 2002- 1033 (C.A.). 2. Havana Club Holding, s.a. c. Bacardi & Co., J.E. 2001-1884, [2001] J.Q. no 4513 (C.S.). (6074) 22 / 14 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 14 2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction 3. Tate & Lyle North American Sugars c. Somavrac Inc., 2005 QCCA 458, [2005] J.Q. no 4997; Mapei c. Tri-Tex co Inc., 2006 QCCS 4612, [2006] J.Q. no 8321. 4. Allendale Mutual Insurance Company c. St- Georges (Ville de), J.E. 2004-2229, [2004] J.Q. no 11106 (C.S.); Axor Construction Canada Inc. c. McCormick Rankin Corporation, REJB 2003- 45465 (C.S.); Québec (Procureur général) c. Roche ltée, groupe- conseil, 2012 QCCS 5844. 5. Société coopérative agricole de St-Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596; Champagne c. Scotia McLeod, [1992] R.D.J. 247, [1991] J.Q. no 2301 (C.A.); Lab Chrysotile c. Société Asbestos Ltée, [1993] R.D.J. 641, [1993] J.Q. no 1426 (C.A.); Montréal c. Chubb du Canada, REJB 1998- 04956, [1998] J.Q. no 470 (C.A.); Biochem Pharma Inc. c. Pouliot, [1997] R.J.Q. 1, [1996] J.Q. no 3827 (C.A.); Ciment du St-Laurent c. Barette, REJB 1997- 01469, [1997] J.Q. no 2048 (C.A.). 6. Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989] R.D.J. 93, [1989] J.Q. no 236 (C.A.). 7. Société coopérative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596; Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989] R.D.J. 93, [1989] J.Q. no 236 (C.A.). 8. Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319; au même effet : Compagnie Montréal Trust du Canada c. 2732-1413 Québec Inc., J.E. 2000-1938 (C.A.). 9. Société d’énergie de la Baie- James c. Lafarge Canada Inc., [1991] R.J.Q. 645 (C.A.); Société coopérative agricole de St-Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596. 10. Boisvert c. Corporation Planagex Ltée, J.E. 2000-1062 (C.A.); Gillet c. Arthur, 2007 QCCS 2885, [2007] J.Q. no 6283; Marcotte c. Collège des médecins, 2006 QCCS 285, [2006] J.Q. no 455. 11. Pothier c. Raymond, 2008 QCCA 1931, [2008] J.Q. no 9993; Repentigny (Ville de) c. Carignan, J.E. 2003-72, [2002] J.Q. no 5289 (C.A.); St-Alban c. Récupération Portneuf Inc., [1999] R.J.Q. 2268, [1999] J.Q. no 3058 (C.A.). 20. Protection des sources – Un journaliste ou un animateur de radio ou de télévision ne sera pas tenu de révéler ses sources au stade d’un interrogatoire préalable1. 1. Grenier c. Arthur, J.E. 2001-698, [2001] J.Q. no 1170 (C.S.); Landry c. Diffusion Métromédia C.M.R. Inc., REJB 1999-12769, [1999] J.Q. no 2069 (C.S.); Tremblay c. Hamilton, [1995] R.J.Q. 2440, [1995] J.Q. no 2949 (C.S.). 21. Secret du délibéré – Les tribunaux reconnaissent que le décideur ne peut en principe être interrogé sur son délibéré1. La Cour d’appel a cependant considéré que ce privilège ne peut s’étendre à un organisme exerçant une fonction administrative2. 1. Québec (Commission des affaires sociales) c. Tremblay, [1992] 1 R.C.S. 952, [1992] A.C.S. no 20. 2. Autorité des marchés financiers c. Assomption Compagnie d’assurance, 2007 QCCA 1062, [2007] J.Q. no 8263. 22. Droit de ne pas communiquer un moyen de preuve ou le nom de ses témoins – Il est de jurisprudence constante qu’une partie n’a pas à divulguer lors d’un interrogatoire préalable ses moyens de preuve ni le nom de ses témoins indépendants1. Il existe cependant certaines exceptions à ce principe. Ce sera notamment le cas en matière de diffamation, de personnes ayant participé aux faits en litige, ou de témoins à qui un aveu judiciaire aurait été fait2. (6074) 22 / 15 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 15 2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse Le texte de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) précise désormais qu’une personne pourra être inter- rogée sur tous les faits pertinents se rapportant au litige et sur les éléments de preuve qui les soutiennent. Cette référence aux éléments de preuve pourrait possiblement donner ouver- ture à certaines questions visant la divulgation des moyens de preuve quoique l’utilisation du terme « élément » semble viser davantage des documents ou des éléments matériels que le nom de témoins éventuels. 1. Farand c. Farand, 2008 QCCA 1131, [2008] J.Q. no 5172; McCallum Transport Québec Ltée c. Québec (Commission des accidents du travail), [1995] R.D.J. 190 (C.A.); Blaikie c. Québec (Commission des valeurs mobilières), [1990] R.D.J. 473, [1990] J.Q. no 457 (C.A.). 2. Nortech Fibronic Inc. c. Ingénierie Électro-Optique Exfo Inc., J.E. 97-2015 (C.A.); Cogestion Léga-Ray Ltée c. Gosselin, J.E. 2001-1238 (C.S.); Montréal Tramways c. Brodeur, (1937) 62 B.R. 342; BMG Canada Inc. c. Gestion 3485 St-Laurent Inc., B.E. 2006BE-281, no AZ- 50356639 (C.A.); Constructions Bé-con Inc. c. Québec, J.E. 2002-1796 (C.A.). C. Règles relatives à l’audition des témoins 23. Interrogatoire et contre-interrogatoire – Les règles pour l’interrogatoire et le contre- interrogatoire d’un témoin prévues aux ar ticles 276 et suivants C.p.c. (2014) s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux interrogatoires hors cour. Ainsi, lors d’un interro- gatoire préalable, une partie pourra poser des questions suggestives à la partie adverse et à un tiers si ce dernier a des intérêts opposés, cherche à éluder une question ou cherche à favoriser une autre partie1. 1. Art. 306 C.p.c.; Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Valois c. Lafleur, no AZ-50159206 (C.S.). 24. Droit d’interroger son propre témoin lors d’un interrogatoire préalable – En prin- cipe, le procureur de la partie interrogée lors d’un interrogatoire préalable pourra interroger son témoin uniquement afin de lui permettre de compléter, préciser ou expliquer certaines réponses données lors de son interrogatoire. Il ne pourra cependant aborder des sujets qui n’ont pas fait l’objet de l’interrogatoire principal1. 1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.). D. La conservation du témoignage 25. La conservation du témoignage – L’article 227 C.p.c. (2014) incorpore les dispositions des ar ticles 300 et suivants C.p.c. (2014) relativement à la prise de déposition des témoins. Généralement, les dépositions sont prises en sténographie ou enregistrées de toute autre manière autorisée par le gouvernement1. 1. Art. 300 C.p.c. (2014) 26. Propriété des notes sténographiques – L’ar ticle 227 C.p.c. (2014) réserve à la partie qui a procédé à l’interrogatoire préalable la faculté de produire ou non les notes sténo- (6074) 22 / 16 6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 16 2015-04-08 23:14:53
Vous pouvez aussi lire