France: la réforme des retraites et la parodie démocratique

La page est créée Angelique Jean
 
CONTINUER À LIRE
France: la réforme des retraites et la parodie démocratique
France: la réforme des retraites et la parodie
démocratique

Par Karine Bechet-Golovko                                                     Région : L'Europe
Mondialisation.ca, 13 mars 2023                                            Thème: Loi et Justice
Russie politics

Le Parlement n’est décidément pas un lieu de discussion – ni de démocratie. Si l’on ne
réduit pas la démocratie à cette parodie, qui se joue sous nos yeux, dans laquelle les textes
ne sont pas votés à l’Assemblée nationale, les amendements sont retirés, un vote bloqué
est imposé au Sénat sur ce qui ne dérange pas le Gouvernement et une commission mixte
paritaire, à majorité présidentielle, doit faire passer la pilule. La population est dans la rue,
les syndicats sont ignorés, l’opposition n’est pas fichue de s’unire et ce Gouvernement est
sur le point d’imposer une nouvelle réforme globaliste à la France, une réforme des
retraites, dont la seule justification est : ça se fait partout. Sur le mode des moutons de
Panurge, la France continue à se rapprocher du ravin avec le troupeau.

Premier acte de la parodie : pas de vote à l’Assemblée nationale, ce qui
n’empêche pas le texte de passer au Sénat.

L’intérêt des débats parlementaires n’est pas qu’ils aient lieu, mais qu’ils soient pris en
                                                                                                    |1
France: la réforme des retraites et la parodie démocratique
compte. Or, comme le Gouvernement a déclenché la procédure accélérée, lors de l’examen
du texte en première lecture devant l’Assemblée nationale, les deux semaines de débats et
la demi-tonne d’amendements ont été nullifiés et le texte a été transmis au Sénat sans
vote, dans sa version initiale présentée par la Gouvernement, avec les amendements
adoptés.

      Le débat sur la réforme phare d’Emmanuel Macron s’est achevé comme prévu
      à minuit pile, en raison de la procédure législative accélérée. « Le
      gouvernement saisira le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié
      par les amendements votés », a annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt.

En tenant compte de l’ampleur des manifestations du rue contre cette réforme, l’on ne peut
que constater et l’absence de légitimité populaire, et l’absence de légitimité parlementaire
à ce stade de la procédure, défauts, qui de toute manière vont entâcher le texte par la suite.

Second acte de la parodie : un vote bloqué au Sénat.

Après 10 jours de débats, le Gouvernement a activé la procédure de l’art. 44.3, qui prévoit
un vote unique devant le Sénat sur l’ensemble du texte, avec les amendements auxquels le
Gouverment n’est pas opposé. Trop aimable … Et pour ne pas trop déranger le
Gouvernement, les LR, grand parti de la droite d’opposition, a retiré environ 200
amendements, pour que le texte soit bien voté dans les temps.

Comme l’a déclaré Retailleau, chef de file LR au Sénat, l’honneur du Parlement est dans le
vote. Donc, pas dans le débat. Dans le vote. L’honneur d’une chambre d’enregistrement.

C’est beau le parlementarisme postmoderne … Et sans surprise, avec une gestion très
efficace des Républicains, le texte est voté.

                                                                                                 |2
Troisième acte : la fausse conciliation légitimante

Désormais, une commission mixte paritaire, composée de représentants de l’Assemblée
nationale (qui n’a pas voté le texte) et du Sénat (qui a été contraint à un vote bloqué), doit
trouver un compromis. Logiquement, il s’agit de fondre deux textes en un seul. Or, ici, il n’y
a pas eu de texte voté en première lecture et la seconde lecture est celle, qui convient au
Gouvernement.

N’ayons aucun doute, cette commission trouvera un compromis, lui aussi favorable au
Gouvernement, puisque dès le début de la procédure il garde la maîtrise du texte et
empêche les débats parlementaires :

      « Après le Sénat, c’est désormais au tour de la commission mixte paritaire

                                                                                                 |3
(CMP) d’entrer en scène. Ce conclave réunira mercredi 7 députés, 7 sénateurs,
            et autant de suppléants dans une salle à huis clos du Palais Bourbon avec
            l’objectif de parvenir à un compromis sur les mesures qu’Assemblée et Sénat
            n’ont pas votées dans les mêmes termes.

            Le camp présidentiel et la droite semblent avoir la main sur cette
            CMP, avec respectivement 5 et 4 titulaires chacun, dont Olivier
            Marleix, patron des députés LR, favorable à la réforme. «

   Et le pouvoir refuse toujours de rencontrer les syndicats, les manifestations et les grèves
   doivent continuer. Pourtant, l’opposition est toujours incapable de s’unir, alors qu’il suffit de
   rejeter le texte au prochain vote devant l’Assemblée nationale, pour que la réforme soit
   enterrée. Ou de voter ensemble une motion de censure du Gouvernement en cas de 49.3.
   Mais chacun continue à jouer dans son camp, ce qui fait le jeu de Macron, aidé et soutenu
   par l’ancienne droite française dévoyée et discréditée. Et soyons certain que Mélanchon ne
   prendra pas le risque de s’allier à Marie Le Pen, ni les socialistes, ce qui permet à cette
   opposition de ne pas gouverner et de laisser passer toutes les réformes de Macron, tout en
   continuant de gesticuler.

   Rappelons que le seul argument en faveur de cette réforme est finalement qu’en
   comparaison à d’autres pays d’Europe, l’on travaille moins longtemps en France. Est-ce que
   passer toute sa vie au travail est un but en soi ? La vie humaine n’a donc de sens, que
   lorsque l’homme est utile et rentable ? La France avait longtemps trouvé un équilibre entre
   un libéralisme économique et une politique sociale active, qui tenait compte de la valeur
   humaine. Cet équilibre est attaqué depuis plusieurs années, suite à l’accumulation de
   mesures néolibérales, faussement sociales et déstabilisant également le secteur privé.

   La dimension idéologique se pose d’autant plus que l’on ne voit pas de grand bond
   économique, dans les pays qui reculent toujours plus loin l’âge de la retraite. En effet, quelle
   est la logique économique de cette mesure, quand le chômage et la précarité de l’emploi
   sont toujours là? Pourquoi, pour relancer l’économie, ne pas relancer l’industrie, l’économie
   réelle et créer des emplois, au lieu de faire des économies sur les gens ?

   Pour illustrer cette rupture de la perception du rôle de l’homme dans la société, soulignons
   que selon les données officielles du ministère de la Santé, la moyenne de vie en bonne
   santé est justement de 64 ans pour les femmes et de 62 ans pour les hommes. Avec cette
   nouvelle réforme des retraites, qui vise à faire des économies sur les hommes, car les
   hommes coûtent cher à l’Etat néolibéral, qui manifestement fait tout pour s’en débarrasser,
   nous passerons toute notre vie en bonne santé au travail. C’est une chance pour ceux qui
   aiment leur travail, mais malheureusement, nous ne sommes pas majoritaires …

                                                                          Karine Bechet-Golovko

La source originale de cet article est Russie politics
Copyright © Karine Bechet-Golovko, Russie politics, 2023

  Articles Par :   Karine Bechet-

                                                                                                     |4
Golovko

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de
recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu
responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.
Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits
d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien
vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.
Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez:
media@globalresearch.ca
Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation.
Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer
la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif.
Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si
vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez
demander la permission au détenteur du droit d'auteur.
Contact média: media@globalresearch.ca

                                                                                                                                        |5
Vous pouvez aussi lire