Franchise et Partenariat - Développer ou intégrer un réseau d'enseignes - Dunod
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Franchise et Partenariat Développer ou intégrer un réseau d’enseignes
Michel KAHN Franchise et Partenariat Développer ou intégrer un réseau d’enseignes 8e édition Préface de François Doubin
Couverture : Studio Dunod Éditorial : Laure Duclaud et Églantine Assez Fabricant : Maud Gilles Mise en pages : Nord Compo Mise à jour des références jurisprudentielles : Audrey Benguira, avocat et docteur en droit © Dunod, 2023 pour la présente édition 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff www.dunod.com ISBN 978‑2-10‑084826‑3
Sommaire Préface........................................................................................... 9 Introduction................................................................................... 11 PARTIE 1. CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ Chapitre 1 – Un panorama commercial toujours plus bousculé........................................................... 17 Les tendances et éléments de contexte.................................... 18 La crise sanitaire, ses enjeux et ses impacts............................ 28 Une digitalisation du commerce qui s’accélère........................ 38 Chapitre 2 – Présentation et caractéristiques de la franchise........................................................ 45 L’historique de la franchise....................................................... 46 Les définitions de la franchise................................................... 51 Les éléments fondamentaux de la franchise............................. 53 Les typologies de franchises..................................................... 67 Chapitre 3 – Présentation et caractéristiques du partenariat......................................................... 71 La définition officielle du partenariat........................................ 72 Le partenariat en France........................................................... 74 Les caractéristiques du partenariat.......................................... 77 Chapitre 4 – Autres formules de commerce organisé indépendant............................................................ 87 Le statut des membres du réseau.............................................. 89 La propriété de la marque et des autres éléments de propriété intellectuelle/industrielle..................................... 90 Sommaire • 5
L’expérience............................................................................... 90 L’assistance technique............................................................... 91 Le mode d’approvisionnement et de distribution..................... 91 Le management et le contrôle................................................... 92 PARTIE 2. LE DÉVELOPPEMENT EN RÉSEAU Chapitre 5 – Lancement de la franchise : devenir franchiseur................................................ 99 La vision..................................................................................... 100 L’expérience pilote..................................................................... 102 L’élaboration du package deal, formule du succès.................. 105 Le recrutement des franchisés.................................................. 120 La conception et l’accompagnement du futur réseau.............. 134 Le cas particulier des néofranchiseurs..................................... 141 La nécessaire certification des têtes de réseau....................... 143 Chapitre 6 – Contrat, mode d’emploi......................................... 149 Les dernières évolutions du droit des contrats........................ 150 Les contrats connexes au contrat principal.............................. 153 L’obligation d’information précontractuelle............................. 156 Le contenu du contrat principal ou contrat-cadre.................... 165 Les particularités des contrats de corner et de master-franchise............................................................... 170 Chapitre 7 – Partenariat : lancement du réseau et intégration.......................................................... 175 Le lancement ex nihilo du réseau de partenariat, ou comment devenir partenaire principal................................. 176 Le passage d’une forme existante à celle du partenariat........ 179 6 • Sommaire
Le recrutement des partenaires................................................ 181 L’intégration au sein du réseau de partenariat......................... 182 Chapitre 8 – Adopter d’autres formules de commerce organisé................................................................... 189 Les réseaux intégrés.................................................................. 190 La licence de marque................................................................. 191 Le commerce organisé indépendant......................................... 192 Le commerce associé : la coopérative...................................... 203 Les réseaux d’intermédiaires.................................................... 208 PARTIE 3. L’AFFILIATION À UN RÉSEAU Chapitre 9 – Attentes, stratégies et leviers d’action des candidats.......................................................... 219 Les attentes et besoins des candidats...................................... 220 Les différentes stratégies par profil de candidatures............... 223 Les avantages de l’adhésion à un réseau de franchise............ 228 Les écueils à l’intégration d’un réseau...................................... 235 Chapitre 10 – Engagements du franchisé.................................. 239 Les engagements en début d’exploitation................................ 240 Les engagements en cours d’exploitation................................. 243 Chapitre 11 – Processus de choix et d’installation.................... 251 L’analyse personnelle................................................................ 252 La recherche de franchises........................................................ 254 Le choix du réseau..................................................................... 267 La formation initiale et permanente.......................................... 278 Sommaire • 7
PARTIE 4. LA VIE EN RÉSEAU Chapitre 12 – Financement, pilotage et valorisation du réseau............................................................... 293 Les leviers de financement du réseau....................................... 294 Le reporting et le pilotage du réseau........................................ 299 La marque, actif central du projet de réseau............................ 303 Chapitre 13 – Animation et communication interne................ 329 Les types d’échanges au sein du réseau................................... 330 Les clés de la communication interne....................................... 332 L’animation du réseau................................................................ 335 Les sources de contentieux....................................................... 338 Chapitre 14 – Expansion et développement.............................. 347 La pérennité du réseau.............................................................. 348 L’exportation du réseau............................................................. 356 La conciliation entre e-distribution et commerce en réseau organisé indépendant................................................ 366 Chapitre 15 – Fin de contrat et sortie du réseau....................... 373 Les causes d’extinction du contrat............................................ 374 Les effets de l’extinction du contrat.......................................... 383 Conclusion..................................................................................... 391 Index............................................................................................... 393 Remerciements............................................................................. 395 8 • Sommaire
Préface Je garde un souvenir précis – et heureux – de la promulgation au Parlement de la loi du 31 décembre 1989. Nous étions parvenus, au terme d’une longue concertation, à concilier la majorité des exigences et contraintes en présence, celles des franchiseurs et franchisés bien entendu, mais aussi celles de leurs clients. L’enjeu était d’importance et, je le crois, d’intérêt général. De lui dépendait en partie, à côté de l’essor de la grande distribution et dans le cadre d’une vraie complémentarité, le développement d’un commerce indépendant capable de maîtriser des degrés élevés de technicité et de savoir-faire. Cette nouvelle édition 2023 vient à point. Michel Kahn y fait, une fois de plus, la démonstration de son pragmatisme et de ses compétences de praticien-concepteur. La franchise, désormais sortie de la période contrastée de sa mise au point, sait aujourd’hui tirer profit et utilité d’une vraie maturité. Que l’auteur soit remercié du concours qu’il apporte à tous ceux qui s’y intéressent ou qu’elle concerne. François Doubin, ancien ministre et auteur de la loi Doubin. Préface • 9
Introduction Cet ouvrage s’inscrit dans le prolongement d’un travail commencé il y a de nombreuses années, concrétisé par la parution de sept éditions. Au vu de l’évolution permanente et de la digitalisation des pratiques des professionnels (de la conception à la distribution des produits) comme des usages des consommateurs, – et étant donné l’impact de la crise sanitaire traversée depuis mars 2020 – il était plus que nécessaire d’en réaliser une nouvelle mise à jour. Sans surprise la franchise, le partenariat et les variantes du commerce organisé indépendant continuent de démontrer leur résilience et leur capacité de perpétuelle réinvention. À vrai dire, les intuitions formulées par l’auteur dans la précédente édition se sont confirmées et s’imposent avec d’autant de force dans ce nouvel opus. L’union fait la force. Cet adage, qui a toujours prévalu dans les rela- tions commerciales – que l’on songe aux corporations moyenâgeuses – demeure un élément fondamental du paysage commercial mondial. Ainsi s’est développée la notion de « réseau commercial », tant dans la distribution de produits que la prestation de services, dans les activités industrielles comme artisanales. Dans la pratique, être en groupement confère davantage de visibilité sur un marché toujours plus concurrentiel : la sélection des partenaires affiliés est un enjeu critique pour les entreprises. Aussi, l’entrepreneur en quête de réussite rejoint-il un réseau pour bénéficier de la notoriété d’une enseigne et des méthodes d’un concept. Il peut aussi vouloir créer lui-même son propre réseau en utilisant ces techniques comme stratégie de développement. Milton Friedman disait que la responsabilité sociale d’une entreprise était d’accroître ses profits1, objectif que le groupement permet d’atteindre plus rapidement. 1. Voir Milton Friedman, « The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits », The New York Times Magazine, 13 September 1970. Introduction • 11
On distingue les réseaux intégrés, composés de points de vente appar- tenant à la tête de réseau et gérés par des personnes dépendantes de celle-ci, des réseaux du commerce organisé indépendant. Ces derniers regroupent des commerçants distribuant des produits et services sous une enseigne commune, mais indépendants juridiquement et écono- miquement de celle-ci. Le dirigeant d’une tête de réseau aura au moins quatre bonnes raisons d’opter pour l’une des formules du commerce organisé indépendant. --Être plus rapide que ses concurrents pour conquérir et occuper un marché. Un réseau commercial permet une couverture, donc accroît une reconnaissance de la marque ou de l’enseigne sur l’ensemble d’un territoire donné. Or, dans un environnement de plus en plus marqué par les initiatives concurrentielles et l’exigence d’immédiateté de la part du consommateur, répondre avec réactivité et pertinence aux mutations des marchés devient indispensable. --Autofinancer son propre développement. C’est à l’affilié qu’il revient généralement d’investir dans les stocks, le droit au bail de son emplacement, de participer à la publicité, de verser un droit d’entrée (ou redevance initiale forfaitaire), des royalties et autres redevances concourant au bon développement de son réseau. --Capitaliser sur la marque et l’enseigne par l’investissement d’un tiers, valorisant celle-ci au profit de la tête de réseau et corrélativement pour l’ensemble du réseau. --Enfin, mutualiser et décupler son effort d’innovation. Qu’elle soit technologique, méthodologique, managériale ou de services, innover reste décisif pour fidéliser la clientèle et défendre ses divers avantages concurrentiels. Quelles que soient les motivations de l’entrepreneur, la réussite d’un projet de réseau dépend avant tout d’un investissement personnel, d’une préparation et d’une construction méthodiques ; ce dont le pré- sent ouvrage fournit les clés. Il permet de comprendre la mécanique de chaque formule du commerce organisé indépendant, et les quatre piliers fonctionnels de l’ingénierie réseau, tels les rouages d’un calibre 12 • Introduction
horloger de précision. Fussiez-vous candidat à l’affiliation à une enseigne, vous aurez les cartes en main pour faire le choix opportun. Plutôt que de s’enfermer dans des carcans juridiques et économiques imposés par les formules établies, les entreprises recherchent aujourd’hui des systèmes agiles. Connectés à des communautés de ressources et de partenaires épousant leurs propres contraintes et préoccupations, ils les soutiennent avec efficience dans l’atteinte de leurs objectifs. L’avenir du commerce organisé indépendant passera par du sur-mesure, par l’hybridation de formules existantes, comme le furent en leur temps le relais-vente ou la commission-affiliation. Finis les systèmes-types, l’heure est bien aux types de systèmes ! Nombreux sont les réseaux à avoir opté pour une formule s’avérant inadaptée. En proie à de sérieux troubles managériaux, d’animation ou de développement, ils durent rectifier le tir en cours de route. La réussite passe ici par un choix éclairé, où seul un expert en ingénierie des réseaux du commerce organisé pourra vous accompagner. Son art est de maîtriser les nombreux paramètres qu’il vous faudra comprendre et combiner, pour créer le système qui vous convient afin d’atteindre vos objectifs de développement. Le présent ouvrage présente tour à tour (i) le cadre de la distribution et du commerce organisé indépendant et associé, (ii) la logique de déve- loppement en réseau – intégrant un panorama complet des principales formules en usage – avant de (iii) décrire le processus d’affiliation à un réseau, puis de (iv) donner un éclairage sur la vie en réseau. Soyez a ssurés de trouver dans cette nou- velle édition un état de l’art Pour aller plus loin… complet des outils straté- Quatre annexes giques mais aussi d’ordre –– Annexe 1. Textes de référence juridique, commercial, indispensables au franchisé et franchiseur. http://dunod.link/kahn01 financier et managérial qui –– Annexe 2. Adresses utiles et vous permettra d’opter pour salons. l’affiliation ou le dévelop- –– Annexe 3. Liste des outils du franchiseur. pement en réseau, en toute –– Annexe 4. Panorama des nouveautés, innovations et tendances en retail. connaissance de cause. Introduction • 13
PARTIE 1
CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ Déjà en proie à de profonds bouleversements, à une digitalisation croissante et à des modifications sensibles de l’expérience client et des usages des consommateurs, le monde de la distribution et du retail a été percuté par la crise sanitaire. C’est dans ce cadre en profonde réinvention que nous aborderons la franchise, connue comme l’une des formules contractuelles majeures du commerce organisé indépendant. Elle a une longue et riche histoire, bénéficie d’un encadrement légal majoritairement prétorien et réglementaire, et comprend différentes typologies. Nous introduirons aussi la formule du partenariat. Conceptua- lisée par l’auteur pour remédier à certaines limites opposées à une époque au modèle de la franchise, elle emprunte certaines caractéristiques aux autres formules contractuelles tout en ayant une vraie singularité. Une formule qui propose un autre modèle de vivre ensemble, plus souple, plus participatif et qui mise sur une cross-fertilisation des initiatives pour une adhésion apaisée. Enfin, nous proposerons un panorama des autres formules du commerce organisé indépendant et associé.
CHAPITRE 1 Un panorama commercial toujours plus bousculé Executive summary • De nouvelles tendances à l’œuvre (usages professionnels, relation et expérience client, marketing et médiatisation, responsabilité et vague verte, intermédiation et canaux). • La crise du Covid-19, ses enjeux et impacts (restriction et aides, consé- quences de gestion et de développement pour les enseignes et enjeux post-crise). • Un commerce en digitalisation croissante (e-commerce, m-commerce, smart retail, social selling, métavers).
Les tendances et éléments de contexte 2022 a été l’année de la levée des restrictions sanitaires, mais aussi des élections présidentielles. En perspective des débats annoncés, les pré- sidents d’enseignes avaient un certain nombre d’attentes vis-à-vis des autorités. D’une manière générale, ils souhaitaient que le commerce soit davantage pris en compte dans les programmes des candidats, au vu de sa contribution générale à l’économie française et après un quinquennat marqué par de nombreuses crises sociales (sociale, sanitaire, géopolitique). Dans ce contexte d’inflation galopante, les investisseurs dans le com- merce ont besoin d’être rassurés. Le coût des loyers est aussi à l’agenda : l’indice des loyers commerciaux (ILC) a considérablement augmenté et doit être recalculé pour ménager la trésorerie des commerçants ; les horaires d’ouverture des magasins doivent aussi être revus, pour mieux concorder avec les modes de vie réels des consommateurs. Enfin, la fiscalité doit être profondément réformée. Approvisionnements et logistique La crise sanitaire mais surtout la guerre en Ukraine ont mis à jour des tensions sur certaines denrées, et des retards dans la chaîne d’approvisionnement ont pu perturber le commerce. Les enseignes sont invitées à investir dans des solutions pouvant pallier, voire prévenir, les problèmes se posant à leur niveau. La logistique est un sujet de compétitivité pour les enseignes qui s’engagent dans des stratégies visant à multiplier les modes de livraison. Pour elles, la logistique du « dernier kilomètre » (derniers segments de la chaîne de distribution) reste donc un enjeu conséquent, de même que la livraison le jour même, quand elles n’optent pas pour la production à la demande. Communauté Au-delà d’une audience sur les réseaux sociaux, l’enseigne doit fédé- rer, renforcer et fidéliser une véritable communauté de supporters. 18 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
Elle y puisera un soutien, des relais inconditionnels voire des ambas- sadeurs… tant que tout va bien ! N’oublions pas le pouvoir pris ces dernières années par les avis clients et les sites de notation. Le social selling marque l’une des plus grandes tendances numériques dans le secteur de la vente au détail. Les réseaux sociaux deviennent les nouvelles marketplaces et le commerce se veut de plus en plus conversationnel grâce aux technologies – IA en tête (live chat, SMS, chatbots, Facebook Messenger, WhatsApp). Enfin, les investissements communautaires des détaillants devraient se poursuivre voire s’amplifier. Confiance Le budget des ménages dédié à la consommation se resserre en 2022, dans le prolongement des restrictions déjà marquées pendant la crise sanitaire. Les enseignes doivent redoubler de vigilance sur la traçabilité des produits, les règles d’hygiène1, la déontologie dans l’exécution des services, et la transparence sur les prestations et les tarifs proposés. Les entreprises rivalisent d’inventivité pour (re)gagner la confiance des consommateurs par tous les moyens. Alors que le confinement et le port du masque ont malmené le lien social et que la digitalisation anonymise sans cesse les rapports, les magasins Carrefour ont lancé dans leurs hypermarchés des caisses lentes. Plusieurs de ces « blabla caisses » sont ainsi déjà ouvertes en Occitanie. Leur principe : prendre davantage son temps lors du passage en caisse en papotant avec l’hôte ou l’hôtesse. Le lien humain ne souffre pas de la pression de clients qui attendraient derrière. Digitalisation Les canaux de vente ont été durablement affectés par l’intégration accélérée des technologies dans leurs processus pour répondre à l’urgence de la crise sanitaire, faisant la part belle à la vente en ligne et au click & collect. 1. Voir les scandales sanitaires à répétition incriminant des marques de premier plan comme Buitoni et Ferrero en 2022. Un panorama commercial toujours plus bousculé • 19
L’e-commerce devient incontournable et a poursuivi sa croissance tandis que les acheteurs et les détaillants redéfinissent les expériences en maga- sin, sous l’empire des technologies et de l’automatisation. Au 1er trimestre 2022, l’e-commerce (produits et services) a enregistré une croissance de + 11,8 % par rapport au 1er trimestre 2021 et atteint 32,5 milliards d’euros, soit plus de 3 milliards supplémentaires. Le nombre de transactions s’élève à 527 millions contre 499 millions au 1er trimestre 20212. Les marketplaces ont aussi confirmé leur importance, de même que des concepts émergents plus récents comme les dark stores3. Cependant, l’acculturation des commerçants doit être renforcée et encouragée pour accompagner la transformation digitale. Expérience client Devenu commun, ce sujet reste en tête des priorités de l’enseigne. Il sert de fil rouge pour comprendre le paysage commercial et ses évolutions. Les consommateurs sont toujours plus connectés donc mieux informés. Ils sont exigeants et en recherche d’enchantement, sans pour autant assurer les enseignes de leur fidélité. La technologie est le premier levier : elle permet d’analyser toujours plus finement les transactions et les interactions tout au long du parcours, pour faire du magasin un centre d’engagement client critique. Comprendre l’humeur et les émotions des clients est essentiel pour déterminer les leviers d’achat. Souvenons-nous que, dès 2017, la chaîne de prêt-à-porter Uniqlo avait lancé à Sydney les bornes « UMood », pour proposer à ses clients les produits les plus adaptés à leur activité cérébrale, grâce à un casque chargé de capteurs capable d’interpréter leur humeur du moment. En outre, il faut identifier les irritants possibles de chaque étape du parcours pour rendre celui-ci le plus fluide possible et leur faciliter la 2. Source : « Bilan du e-commerce au 1er trimestre 2022 », Fevad, 19 mai 2022. 3. Les dark stores désignent les entrepôts ou les cuisines utilisées par les entreprises de livraison. On y prépare des plats chauds pour les apps de livraisons comme Deliveroo ou Uber Eats, mais également des commandes de courses classiques. 20 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
vie (méthode d’authentification, visite, achat sans création de compte, paiement, expédition, SAV…). De plus en plus, le shopping se fait en temps réel. Enfin, la réalité augmentée se développe dans le shopping et pourrait atteindre un momentum dans le métavers. Formation Pendant la pandémie, la mise en chômage partiel de neuf millions de salariés a suscité un engouement réel pour la formation distancielle. Au-delà des circonstances et à l’instar du télétravail, son usage devrait s’inscrire durablement dans le temps. Des platesformes techniques ont par exemple permis de questionner l’animateur, d’intervenir si besoin, de partager un écran vers d’autres supports (vidéo, fiche technique, etc.). Pour autant, le franchisé devait pouvoir s’isoler dans une pièce dédiée et calme avec le mobilier mini- mum permettant la prise de notes. De même, il devait bénéficier d’un support technique de qualité avec en particulier un bon débit Internet et un écran de taille confortable. Enfin, le monde des écoles bouge aussi. L’École nationale des commer- çants (ENC) a été créée pour former les commerçants de demain. Fruit d’une collaboration originale entre les élus Commerce et Formation de la CCI Alsace Eurométropole, elle est sanctionnée d’un diplôme reconnu, véritable gage d’expertise professionnelle. Comme l’indique Catherine Salomon, consultante chez Michel Kahn Consultants et membre du bureau de la CCI en charge du commerce : « Le métier de commerçant a évolué et les formes de commerce aussi. Il est donc pri- mordial pour les nouveaux entrepreneurs du commerce d’acquérir de nouvelles compétences et de mieux comprendre le contexte dans lequel ils vont devoir évoluer. Notre ambition est de renforcer les capacités et aptitudes des futurs entrepreneurs commerçants pour leur permettre de mieux surmonter les aléas et contraintes du métier et préparer dès aujourd’hui le commerce de demain. » Notons également l’ouverture en septembre 2022 d’Albert School, une école de commerce centrée sur la data et soutenue par Xavier Niel et Bernard Arnault. Un panorama commercial toujours plus bousculé • 21
Innovation ouverte Les enseignes de retail et les réseaux se rapprochent désormais de start-up4 et fonctionnent en écosystème, pour libérer les énergies et débrider leur innovation. Connu pour son ADN propice à l’intrapreneuriat, Auchan a ainsi lancé son propre salon start-up pendant lequel une trentaine de jeunes pousses ont pu pitcher dans des domaines variés utiles à son activité. Le rôle central des places de marché digitales Historiquement, de grands opérateurs de distribution (Cdiscount, Amazon, Zalando, Spartoo, Fnac, Darty, Auchan…) ont lancé des marketplaces pour conserver de la valeur et éviter l’attrition de leur clientèle. Mais face à l’accélération des usages digitaux des consom- mateurs, les réseaux songent à développer leur propre plateforme. L’approche se veut vertueuse : visibilité, élargissement d’audience, trafic, multicanalisation facilitée, mutualisation des frais logistiques et rentabilisation de l’activité online. Elle pose néanmoins des défis en termes d’uniformité de la promesse consommateur, de respect de l’image de marque, et de rentabilité du modèle dans l’intérêt des parties au réseau. Surtout, elle réclame des moyens financiers conséquents. Intermédiation Ces dernières années, de nouveaux leaders de l’intermédiation ont émergé. Sur le terrain de la restauration par exemple, Deliveroo ou Uber Eats ont largement profité de la crise sanitaire. Dans la même lignée, les dark kitchens proposent de nouveaux modèles de service. 4. Pour découvrir une liste de nombreuses start-up œuvrant aux côtés des réseaux de franchise et de partenariat, vous pouvez consulter le site du club de la franchise : https://clubdelafranchise.blog/ 22 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
Marketing Pour leurs ciblages, les enseignes utiliseront de plus en plus leurs first party data, c’est-à-dire l’ensemble des données « propriétaires » dont dispose une entreprise ou un annonceur, qu’elles aient été collectées online ou bien réconciliées dans la CRM. On y intègre également les données de sorties de caisse. Les communautés virtuelles sont aujourd’hui de puissants leviers marketing, et les enseignes gagneront à développer un storytelling authentique pour les fédérer et les fidéliser. Médiatisation croissante La médiatisation est une tendance incontournable et qui s’accélère. Les émissions économiques reçoivent de plus en plus de patrons de réseaux. Depuis 2020, l’IREF5 a d’ailleurs décidé d’organiser sa céré- monie de remise des Trophées des Meilleurs Franchisés et Partenaires de France en direct sur BFM Business, sous l’animation du journaliste Emmanuel Lechypre. La vie des réseaux devient un show passionnant les Français, comme en témoigne le succès de l’émission Patron incognito diffusée sur M6. Parmi les enseignes s’étant prêtées au jeu depuis 2019, on compte : Burgers de Papa, Happy Cash, LDLC, Finsbury, Sequoia, Boulangeries Feuillette, Nabab Kebab, Bistrot Régent, Rent A car, Leonidas, Franprix, Léon de Bruxelles. Enfin, les réseaux restent le terrain de jeu médiatique numéro un : aucune enseigne B2C ne peut ignorer Instagram (on parle de produits « instagrammables ») ; la plateforme TikTok a fait quant à elle une per- cée stupéfiante auprès des adolescents et jeunes adultes en quelques années, avec une audience dont l’âge moyen se situe entre 11 et 24 ans. 5. Fédération des réseaux européens de Partenariat et de Franchise. Un panorama commercial toujours plus bousculé • 23
Moyens de paiement C’est la pierre angulaire du parcours client. Les systèmes de caisse s’améliorent pour mieux servir les détaillants. L’usage du sans contact s’installe durablement, le paiement en ligne se sécurise et la démarche consistant à « acheter maintenant, payer plus tard » est une tendance qui se confirme. D’une manière générale, l’enseigne doit proposer plusieurs dispositifs à sa clientèle. Omnicanal L’attention du consommateur étant de plus en plus difficile à capter, les stratégies marketing et de vente doivent miser sur plusieurs canaux et supports en même temps. Les outils omnicanaux créent des expé- riences d’achat plus significatives, mais l’éducation est la clé. L’essor du M-commerce y est pour beaucoup également. En outre, les expériences de vente au détail interactives comblent le fossé entre les parties en ligne et hors ligne d’un magasin. Désormais, se lancent de jeunes pousses pour qui l’omnicanal est un élément d’ADN. On les nomme les ONVB (Omnicanal Native Vertical Brands). Focalisées sur l’expérience client, elles se lancent en monoproduit, sur une quantité maîtrisée, avec un positionnement de marque engagée, transparente et proche de l’audience, un content marketing documenté et décalé sur les réseaux sociaux. Certaines tentent même de développer un réseau de franchise : Getir (une licorne turque qui révolutionne la livraison des courses à domicile), La Ruche qui dit oui (donner à tous les moyens de mieux se nourrir et soutenir les agriculteurs qui cultivent un monde meilleur) ou encore Monogram (un spécialiste de la seconde main de luxe depuis plus de dix ans). Proximité L’histoire de la distribution a vu s’opérer un mouvement de balancier entre la proximité, la concentration dans des grandes surfaces en péri- phérie, puis plus récemment le retour à la proximité. Les enseignes de 24 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
la grande distribution (Carrefour notamment) ont été pionnières, pour être ensuite rejointes par les acteurs de la distribution de fournitures de bureau (Plein Ciel, Bureau Vallée et Calipage), les acteurs du jouet (King Jouet) ou des services (Centre Services, Point S, NaturHouse). Ce revirement est le résultat de plusieurs aspirations : la recherche de sens à la consommation, le souhait d’une relation retrouvée dans l’acte d’achat, ainsi que le désir de soutenir les initiatives de produc- tion locale et de raccourcir les circuits. Il ne concerne pas seulement les centres-villes mais également les aires semi-urbaines, voire rurales. Moins gourmands en investissements, ces plus petits formats revisitent néanmoins les modèles économiques des enseignes. Plus récemment, les dark stores ont suscité un fort engouement. Ces entrepôts servent à préparer des commandes express passées sur Internet, et se développent vite au sein des grandes villes – Paris en compte déjà près d’une centaine. Derrière ces structures, on retrouve de grands groupes qui investissent des millions d’euros ou des start-up qui espèrent capter un nouveau marché. Les plus connus sont Cajoo, Flink, Deliveroo, Gorillas. Le service n’est d ’ailleurs pas toujours rentable et, face aux nuisances occasionnées et à la concurrence avec les magasins traditionnels, des voix s’élèvent pour réclamer une régulation. Enfin, les dark kitchens connaissent un succès fulgurant. Le cabinet Michel Kahn Consultants accompagne d’ailleurs différents concepts adossés à ce modèle, dont Vélicious Burger (adossé à Not So Dark) et Bella Rosa (La Pizza de Nico). Responsabilité et RSE Comme pour n’importe quelle entreprise, les préoccupations sociales, environnementales et économiques font de plus en plus partie du paysage au sein des réseaux de retail. Depuis 2007, le club Génération Responsable rassemble les enseignes souhaitant développer des pra- tiques innovantes et vertueuses sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Un panorama commercial toujours plus bousculé • 25
Parmi ses travaux, le Club a publié en 2020 un baromètre qui fait le point sur un certain nombre d’enjeux pour les dirigeants de réseaux. Un label Enseigne Responsable a aussi été créé en 2021 « pour évaluer le niveau de performance atteint par l’enseigne à l’aide d’un référen- tiel de performance établi par le collectif Génération Responsable et les parties prenantes associées6 ». Il s’agit d’une démarche sectorielle, structurée et structurante qui engage les entreprises du commerce en France et à l’international, à progresser et à démontrer lisiblement leur impact positif. Alignée sur ISO 26000 et en convergence avec les objec- tifs de développement durable, elle propose un dispositif complet pour intégrer la RSE à la stratégie globale de l’entreprise. En octobre 2022, trente-sept enseignes avaient été labellisées. Ressources humaines Les difficultés d’embauche et l’épuisement des travailleurs ont induit une pénurie de main-d’œuvre. Les détaillants doivent faire preuve de créativité pour y pallier. Pourtant, leur mobilisation continue pendant la crise a été un facteur de résilience pour les enseignes. Leur expérience doit être soignée et sans cesse améliorée, à l’instar de l’expérience client, pour fidéliser les meilleurs éléments, voire faire de certains les franchisés de demain. La formation doit être enrichie et systématisée, notamment pour soutenir la transformation digitale. Vague verte Rien n’y échappe, entre rapports du GIEC alarmants et prise de conscience des générations actuelles. L’économie circulaire se généralise, les circuits raccourcissent, notamment dans l’alimentaire inspiré par le véganisme ou encore le locavorisme7. 6. https://label-enseigne-responsable.com/ 7. Mouvement prônant de ne consommer que des fruits et des légumes locaux et de saison, afin de contribuer au développement durable (dictionnaire Larousse). 26 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
Dans la précédente édition de cet ouvrage, nous citions Message in a Window, une start-up proposant une plateforme de rencontre entre annonceurs et commerçants, pour permettre à ces derniers d’afficher directement sur l’une de leurs vingt mille vitrines existantes à l’époque. Entre-temps, ils ont dépassé les cent mille ! Les exemples sont nombreux. On ne compte plus les concepts de l’économie sociale et solidaire (nous citions, là encore La Ruche qui dit Oui !) ou les micro-franchises sociales qui offrent à des sala- riés, en quête de sens par l’éco-responsabilité, de beaux débouchés entrepreneuriaux. La mode devient éco-responsable et mise sur la durabilité des vêtements et la seconde main – loin de la fast fashion. Les plateformes comme Vinted ou Vestiaire Collective battent des records de levées de fonds et des enseignes de pressing écologiques (Sequoia ou, plus récemment, Frais) emboîtent le pas de ces aspirations. La seconde main s’étend aussi à d’autres secteurs tels que les jouets : en 2022, JouéClub a lancé le service TrocOJoué qui permet à des possesseurs de jouets de les changer contre un bon d’achat valable un an). Web Suite aux différentes restrictions, les sites et applications des enseignes sont devenus des lieux de rendez-vous quasi-quotidiens pour les consommateurs. Les concepts ont aussi eu davantage de temps pour réfléchir à leur adaptation et à leur amélioration, et se doter d’un webdesign de plus en plus attrayant et positif. Les interfaces ont gagné en interactivité, aidées en cela par des consultants en UX (User Experience). Un panorama commercial toujours plus bousculé • 27
La crise sanitaire, ses enjeux et ses impacts Les restrictions et les aides Si les commerçants se sont vu imposer des restrictions liées à la situa- tion sanitaire, ils n’ont cependant pas manqué de soutien de la part des pouvoirs publics. Les fermetures imposées Lors des périodes de confinement, assorties ou non de couvre-feu, les franchiseurs ont dû maintenir opérationnels différents leviers : --Leur trésorerie. En activant les aides gouvernementales (voir infra) mais par un dispositif de soutien exceptionnel ; --Leur niveau d’activité. En développant les ventes en ligne ou à emporter, ou en digitalisant la production des prestations (cours en ligne…) ; --Le lien avec leur clientèle. Faisant démentir l’adage « Loin des yeux, loin du cœur », les franchiseurs ont maintenu un contact régulier de leur marque avec leurs consommateurs sur les réseaux sociaux ; --La motivation de leurs équipes. Qu’il s’agisse de la santé du réseau, de l’efficacité des aides (dont le chômage partiel), mais aussi de formations en ligne, de réflexion sur l’offre, la satisfaction client… tout concourt à mobiliser les troupes et anticiper la reprise ; --Leur capacité à innover. Car la crise s’avérera un puissant vecteur de digitalisation des modèles des enseignes, alors autant mobiliser les forces vives du réseau dans cet effort collectif. Les aménagements imposés aux points de vente et les pass Les jauges, les modifications des schémas de circulation, l’imposition du gel ou encore le port du masque sont autant d’aménagements qui 28 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
ont freiné l’activité, et renchéri le coût des prestations de services (restauration, coiffeurs…). En outre, les deux formules de pass (sanitaire puis vaccinal) succes- sivement adoptées par les parlementaires ont eu des effets dissuasifs sur la consommation de nombreux biens et services. Après l’annonce de l’extension du pass sanitaire faite le 12 juillet 2021 à tous les sala- riés et clients des centres commerciaux, la FCA, la FFF et neuf autres fédérations professionnelles se sont mobilisées pour demander des ajustements. Les aides disponibles dès le démarrage Dès l’annonce des restrictions, Bercy a activé un arsenal de mesures destinées à amortir le choc : indemnités forfaitaires aux commerçants et indépendants jusqu’à 1 500 euros, report de charges sociales pour les employeurs, report d’impôts, gel des loyers, soutien de trésorerie ou encore recours au chômage partiel. Ce contexte de sanction-soutien a amené les dirigeants d’enseignes à des réflexions inédites, et a nécessité de mettre en œuvre des solutions rapides, applicables sans délai. Les conséquences de gestion et de développement pour les enseignes L’animation et l’assistance Le soutien aux affiliés s’est réinventé pour la circonstance à travers un certain nombre d’actions. --L’adaptation et l’aide à la mise en place des mesures sanitaires et le réaménagement en conséquence des points de vente (jauges, flux de clients en magasin). --La présence digitalisée des animateurs réseau et le développement d’outils collaboratifs. Un panorama commercial toujours plus bousculé • 29
--L’annulation, le gel ou le rééchelonnement – selon l’activité – du paiement des redevances par esprit de sauvegarde du réseau et sans risquer en principe le soutien abusif (même chose pour les prêts exceptionnels). --Le soutien dans les démarches administratives, le bénéfice d’aides ou du chômage partiel. --Le soutien dans la négociation des charges fixes avec le banquier et le bailleur. En avril 2020, le ministre de l’Économie et des Finances a été interpellé par deux cents dirigeants de réseaux et quinze fédé- rations de commerçants sur la question des loyers commerciaux. Il a alors diligenté une médiation entre les fédérations de bailleurs professionnels et les fédérations de commerçants, en vue de définir des accords-cadres et des règles de bonne conduite. TÉMOIGNAGE Maxime Aiach, fondateur et président de Domia Group GÉRER LE RISQUE DE NON-VERSEMENT DES SALAIRES PENDANT LA CRISE SANITAIRE Sans surprise, ce fut une période très particulière. Rappelons que dans un réseau de service à la personne (SAP), des milliers de personnes peuvent assez rapidement travailler pour vous. Shiva a connu trois mois d’inactivité entre mars et mai 2020. Le manque à gagner occasionné a pu être un peu amorti grâce au prêt garanti par l’État (PGE). Preuve en est, notre dévelop- pement n’en a pas vraiment pâti puisque nous avons même ouvert qua- rante agences en 2020 et près de soixante-dix en 2021 ! Le plus compliqué a été le risque pesant sur le non-versement des salaires. Mais nous nous sommes rapprochés des pouvoirs publics pour se substituer à nos clients et payer les salariés, puis nous faire rembourser par les autorités. Ce qui a impliqué deux choses : d’une part, une prise de risque financier puisque nous avons dû réunir – sans être sûrs à l’avance de pouvoir être rembour- sés – un fonds de dix millions d’euros pour payer les salariés et pouvoir attendre que les pouvoirs publics nous remboursent. Porter cet « aléa » était nécessaire pour pouvoir sauver le réseau. D’autre part, cela a impliqué une 30 • CADRE DU COMMERCE ORGANISÉ
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