Fusion TF1-M6 : pendant que les fiancés négocient, Canal+ rôde
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mardi 6 septembre 2022 18:53 1412 mots - 6 min : L'EXPRESS Fusion TF1-M6 : pendant que les fiancés négocient, Canal+ rôde Depuis lundi, les partisans et les opposants à la fusion TF1- M6 exposent leur argument à l'Autorité de la Concurrence. Pendant ce temps-là, Canal+ et Vivendi rodent. Un été studieux pour une rentrée décisive. Depuis lundi 5 sep‐ tembre, les états-majors des différents protagonistes de l'opération média de la décennie, à savoir le mariage entre TF1 et M6 (dont les bans sont espérés début 2023), défilent dans les bureaux de l'Autorité de la Concurrence (ADLC). Et c'est TF1 (Groupe Bouygues) qui a ouvert le bal rue de l'Échelle à Paris, avant que le collège n'entende le vendeur (RTL, filiale de l'Allemand Bertels‐ mann) puis les principaux opposants, à savoir l'Union des marques qui représente les annonceurs, et des industriels comme Xavier Niel (patron de Free) qui a plusieurs fers au feu dans le secteur, no‐ tamment avec Mediawan, important producteur français audiovi‐ suel. Chacun fait donc valoir ses arguments, mais, point commun, tous ont le chantage sur le bout des lèvres. D'un côté, les fiancés agitent le spectre des géants du numérique (Apple, Amazon, Facebook, Netflix) dont la part de marché dans la publicité grandit a vu d'oeil, en parallèle de leur politique agressive de production de contenu et d'acquisition de droits. Une menace bien réelle qui pousse donc TF1 et M6 à suggérer à l'ADLC d'élargir le marché pertinent de la publicité à Internet. D'ailleurs, la constitution de ce champion français des médias pourrait provo‐ quer un précédent pour d'autres pays européens (Allemagne, Pays- Bas) où l'on presse aussi pour plus de concentration, ce qui nécessi‐ tera certainement une étude du dossier de la part de la Commission européenne. Partie de "poker menteur" En attendant, les annonceurs et les producteurs indépendants s'inquiètent déjà des effets de la baisse de la concurrence qui ris‐ queraient de faire plonger les tarifs, entraînant une fragilisation des opérateurs et donc de possibles suppressions d'emplois. C'est pourquoi, tout l'été, les deux camps ont multiplié les alertes au feu pour essayer de sensibiliser le collège de l'ADLC, organe qui aura le dernier mot dans cette affaire. "Il y a un côté poker menteur, cha‐ cun essaye de mettre l'Autorité au pied du mur et personne n'a in‐ térêt à dire que l'opération va se faire", analyse Philippe Bailly, pré‐ sident fondateur de NPA Conseil, société de conseil en audiovisuel. Avant de sabrer le champagne en haut de la tour de verre de Bou‐ logne-Billancourt (siège de TF1), les fiancés doivent donc 1
convaincre ces 17 membres, dont le nouveau président de l'Autorité, l'économiste Benoît Coeuré, nommé à la place d'Isabelle de Silva qui avait fait part de son scepticisme face à cette opération XXL. Ces magistrats, professeurs d'université, responsables écono‐ miques, représentants d'organisations professionnelles ou d'associations de consommateur, "sans grande culture de l'univers des médias", peste un acteur du secteur, vont "croiser leurs points de vue" pour arriver à une délibération espérée "au début de la se‐ maine du 15 octobre", précise-t-on du côté de l'ADLC. Pour cela, ils peuvent se nourrir d'études réalisées par les différents protago‐ nistes, qui n'hésitent pas d'ailleurs à alimenter quelques décideurs économiques ou médiatiques. Le but est de diffuser une petite mu‐ sique sur un air de "si". "Si ça ne se fait pas, la France se fera man‐ ger par les Gafa". "Si on nous demande trop de concessions, la nou‐ velle entité sera trop faible face à la concurrence". Voici quelques- uns des refrains que l'on pouvait entendre cet été. Pour leur part, les membres du collège ont aussi pu consulter quelques partitions maison issues des services d'instruction de l'ADLC. Et les remèdes suggérés par ces auditeurs, n'ont pas été du goût des futurs mariés. En effet, alors que la nouvelle entité (bapti‐ sée "Newborn" en interne) verrait la création d'un géant de la télé‐ vision pesant 4 milliards d'euros de chiffres d'affaires et rassem‐ blant (en l'état) près de 75% du marché publicitaire, les instruc‐ teurs de l'ADLC estiment que cette concentration pourrait créer "des problèmes de concurrence significatifs". C'est pourquoi, ils préconisent déjà d'allonger la durée de séparation des deux régies publicitaires (de 3 à 5 ans par exemple), mais aussi de céder ni plus ni moins que M6 à la place des "petites" chaînes de la TNT prévues dans l'opération. En effet, les deux fiancées, contraintes de ne pas dépasser 7 chaînes nationales au total, se sont déjà entendues avec le groupe Altice pour que ce dernier rachète TFX (canal 11) et 6TER (canal 22). Pas question de se marier à tout prix Le projet est si bien avancé que même le gendarme de l'audiovisuel, l'Arcom (ex-CSA) a validé l'opération la semaine der‐ nière, sous réserve que le grand mariage se fasse bien entendu. "Vendre M6 n'aurait aucun sens. Par contre, face à la posture de départ de l'ADLC, céder W9 ou TMC devient de plus en plus pro‐ bable", indique un spécialiste des médias, convaincu que l'opération ira à son terme, malgré les cris d'orfraies ambiants. "En fait, les remèdes (les contreparties demandées, NDLR) semblent as‐ sez faibles. Or, il y a quand même un risque sur le manque de plura‐ lisme. Quel va être l'impact sur le consommateur ? L'Autorité de la concurrence n'apprécie cet impact que sur l'angle du prix. Or, en l'état, la fusion signifierait une réduction de l'offre", souligne l'avocate Isabelle Wekstein, associée fondatrice du cabinet WAN et spécialiste du droit de la propriété intellectuelle dans le secteur de l'édition et de l'audiovisuel. 2
Il n'empêche que par le passé, l'ADLC a déjà fait preuve de sou‐ plesse dans ses décisions. Elle avait même infléchi sa position dans le dossier Fnac-Darty pour intégrer la montée en puissance du digi‐ tal. "L'Autorité fait évoluer son appréciation des marchés et consi‐ dère que la distribution au détail de produits bruns (télé, appareil photo, produits audio, etc.) et gris (tablettes, PC portables, smart‐ phones, ...) inclut à la fois les ventes réalisées en magasins et sur Internet. Elle estime en effet que la pression concurrentielle de la vente en ligne est devenue suffisamment importante pour être inté‐ grée dans le marché pertinent", avait-elle motivé dans sa décision rendue le 18 juillet 2016. Voilà de quoi redonner confiance aux fian‐ cés, même s'il n'est pas question de se marier à tout prix. En attendant, Canal+ a coupé l'accès aux chaînes TF1 D'autant plus qu'un troisième trublion est venu rajouter un peu pi‐ ment au dossier. Vendredi 2 septembre, quatre ans après un pre‐ mier bras de fer sur le sujet, le groupe Canal+ a coupé l'accès aux chaînes TF1 à ses abonnés. Motif ? "Des exigences infondées et dé‐ raisonnables" de la part de Bouygues, a dénoncé Canal, dont le contrat de diffusion des chaînes TF1 arrivait à échéance le 31 août 2022. La filiale de Vivendi ne comprend pas pourquoi la première chaîne d'Europe souhaite "une rémunération conséquente" pour diffuser des chaînes accessibles gratuitement. Seulement, ces pro‐ grammes généralistes constituent un pilier d'une offre spécialisée de Canal : le satellite. D'après l'Arcom, environ 7% des foyers fran‐ çais ne reçoivent la télévision que par ce mode de communication. Ce sont ainsi 2 millions de téléspectateurs qui ont manqué au JT de la Une le week-end dernier, de quoi faire repasser la Une derrière la Deux. "L'action de Canal n'est pas un hasard de calendrier. Ils ont joué l'effet maximum en imposant l'écran noir un vendredi. C'est un coup de com' spectaculaire qui replace au centre du jeu le rôle des distributeurs de chaînes", souffle Philippe Bailly. TF1 se retrouve donc pris entre deux feux avec d'un côté l'antitrust français qui peste contre la surpuissance annoncée de son futur ensemble et de l'autre Canal+ qui essaye de lui tordre le bras financièrement. D'ailleurs, les deux parties pourraient bien encore faire parler d'elles. En cas d'échec de la fusion TF1-M6, et face à la volonté de l'Allemand Bertelsmann de se séparer de M6, il se pourrait bien que Vivendi, la maison mère de Canal détenu par Vincent Bolloré, viennent à nouveau frapper à la porte de Bertelsmann à qui il a déjà repris tout son pôle de presse magazine ( Capital Femme Ac‐ tuelle Geo ...). Un scénario noir que redoutent déjà des cadres diri‐ geants de M6. 3
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