Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT

La page est créée Celine Pelletier
 
CONTINUER À LIRE
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
2016   > Connaissance de l’environnement    > Pêche

                                           > Génétique et Pêche
                     Synthèse des études génétiques et recommandations en matière
                                                              de gestion piscicole
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
> Connaissance de l’environnement    > Pêche

                                    > Génétique et Pêche
              Synthèse des études génétiques et recommandations en matière
                                                       de gestion piscicole

                                         Publié par l’Office fédéral de l’environnement OFEV
                                                                                  Berne, 2016
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
Impressum

Éditeur
Office fédéral de l’environnement (OFEV)
L’OFEV est un office du Département fédéral de l’environnement,
des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).

Auteurs
Dr. Pascal Vonlanthen: p.vonlanthen@aquabios.ch
Dr. Daniel Hefti: daniel.hefti@bafu.admin.ch

Groupe de travail
Prof. Ole Seehausen, Eawag
Dr. David Bittner, Sektion Jagd und Fischerei des Kantons Aargau
Diego Dagani, BAFU
PD Dr. Carlo Largiadèr, Inselspital
Dr. Bänz Lundsgaard-Hansen, FIBER
Christoph Küng, Fischereiinspektorat des Kantons Bern

Référence bibliographique
Vonlanthen P., Hefti D. 2016: Génétique et Pêche. Synthèse des
études génétiques et recommandations en matière de gestion
piscicole. Office fédéral de l’environnement, Berne. Connaissance de
l’environnement n° 1637: 90 p.

Graphisme, mise en page
Stefanie Studer, 5444 Künten

Couverture
Photo: Michel Roggo

Téléchargement au format PDF
www.bafu.admin.ch/uw-1637-f
Il n’est pas possible de commander une version imprimée.

Cette publication est également disponible en allemand.

© OFEV 2016
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
> Table des matières                                                                                                      3

> Table des matières
Abstracts                                                5    6.2 Études à l’échelle nationale                            52
Avant-propos                                             7    6.3 Synthèse des études génétiques sur le genre
                                                                  Squalius et recommandations en matière de gestion
                                                                  piscicole                                               56
1      Résumé et recommandations générales                8

                                                              7      Le chabot (Cottus gobio)                             59
2   Introduction                                         10   7.1    Statut taxonomique                                   59
2.1 Diversité génétique                                  11   7.2    Études à l’échelle nationale                         59
2.2 La conservation génétique                            12   7.3    Études à l’échelle locale ou régionale               62
2.3 Pourquoi un repeuplement avec des poissons                7.4    Synthèse des études génétiques sur le chabot et
    étrangers à la région peut-il être préjudiciable?    12          recommandations en matière de gestion piscicole      64
2.4 Plasticité et adaptations locales                    12
2.5 Définition des unités de gestion                     14
                                                              8   Les corégones (Coregonus sp.)                           67
                                                              8.1 Statut taxonomique                                      67
3      Les truites (Salmo sp.)                           15   8.2 Synthèse des études génétiques sur les corégones
3.1    Statut taxonomique                                15       et recommandations en matière de gestion piscicole      67
3.2    Études à l’échelle nationale                      15
3.3    Études à l’échelle locale ou régionale            17
3.4    Synthèse des études génétiques sur la truite et        9      Le brochet (Esox sp.)                                69
       recommandations en matière de gestion piscicole   31   9.1    Statut taxonomique                                   69
                                                              9.2    Études à l’échelle nationale                         69
                                                              9.3    Études à l’échelle locale ou régionale               70
4      L’ombre (Thymallus thymallus)                     34   9.4    Synthèse des études génétiques sur le brochet et
4.1    Statut taxonomique                                34          recommandations en matière de gestion piscicole      70
4.2    Étude à l’échelle nationale                       34
4.3    Études à l’échelle locale ou régionale            36
4.4    Synthèse des études génétiques sur l’ombre et          10     L’omble chevalier (Salvelinus sp.)                   71
       recommandations en matière de gestion piscicole   42   10.1   Statut taxonomique                                   71
                                                              10.2   Études à l’échelle locale ou régionale               71
                                                              10.3   Synthèse des études génétiques sur l’omble
5   Les nases (Chondrostoma sp., Parachondrostoma                    chevalier et recommandations en matière de gestion
    toxostoma)                                           46          piscicole                                            71
5.1 Statut taxonomique                                   46
5.2 Études à l’échelle nationale                         46
5.3 Synthèse des études génétiques sur les nases et           11     Le gardon (Rutilus rutilus)                          72
    recommandations en matière de gestion piscicole      49   11.1   Statut taxonomique                                   72
                                                              11.2   Études à l’échelle nationale                         72
                                                              11.3   Études à l’échelle régionale                         73
6   Le chevaine et le cavedano (Squalius sp.)            52   11.4   Synthèse des études génétiques sur le gardon et
6.1 Statut taxonomique                                   52          recommandations en matière de gestion piscicole      74
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   4

12     La perche commune (Perca fluviatilis)                                 75
12.1   Statut taxonomique                                                    75
12.2   Études à l’échelle nationale                                          75
12.3   Études à l’échelle régionale                                          75
12.4   Synthèse des études génétiques sur la perche
       commune et recommandations en matière de
       gestion piscicole                                                     77

13 L’épinoche (Gasterosteus aculeatus)                                       78
13.1 Statut taxonomique                                                      78
13.2 Synthèse des études à l’échelle nationale et
     régionale                                                               78

14 Annexes                                                                   79
14.1 Méthodes génétiques utilisées                                           79
14.2 FST: un indicateur de différenciation génétique                         81

Bibliographie                                                                83
Répertoire                                                                   86
Glossaire                                                                    89
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
> Abstracts                                                                                                                 5

> Abstracts
Stocking still plays a key role in fisheries management. In addition to the quantitative     Keywords:
aims of stocking, the origin of the fishes to be stocked is important in order to maintain   population genetic, stocking
the genetic specificities of the native populations. In this context, it is particularly     policies, fisheries management,
useful to identify different management units based on the genetic composition of the        conservation
wild populations. Today, this is possible through the use of modern methodologies
based on DNA-analysis. Due to the standardization of these methods, their costs are
affordable to fishery managers. The present document proposes a synopsis of all genet-
ic studies performed in Switzerland during the last 15 years in the context of fisheries
management. Practical recommendations are given for each of the species included in
these studies.

Der Besatz spielt immer noch eine wichtige Rolle bei der fischereilichen Bewirtschaf-        Stichwörter:
tung. Zusätzlich zu den rein quantitativen Aspekten, muss beim Besatz auch auf die           Populationsgenetik, Besatz,
Herkunft der eingesetzten Fische geachtet werden. Die genetischen Eigenheiten der lo-        fischereiliche Bewirtschaftung,
kal vorhandenen Population darf durch die Besatzfische nicht verändert werden. Daher         Arternförderung
dürfen nur Fische besetzt werden, die direkt von der lokalen Population abstammen.
Anhand von DNA-Analysen kann die genetische Identität der Besatzfische bestimmt
werden. Durch die Standardisierung dieser Methoden konnten die Kosten so gesenkt
werden, dass sie heute für die Bewirtschafter verfügbar sind. Das vorliegende Doku-
ment schlägt eine Synthese von genetischen Studien vor, die in der Schweiz in den
letzten 15 Jahren im Rahmen der genetischen Untersuchungen der Fischbestände
durchgeführt wurden. Es formuliert konkrete Empfehlungen über alle diskutierten
Arten.

Le repeuplement joue un rôle prépondérant en matière de gestion piscicole. Hormis les        Mots-clés:
objectifs quantitatifs, l’origine des poissons immergés constitue un facteur clé afin de     génétique des populations,
ne pas péjorer les spécificités génétiques de la population receveuse. Dans ce contexte,     repeuplement, gestion piscicole,
il est utile de pouvoir définir des unités de gestion sur la base des spécificités géné-     conservation
tiques des populations naturelles. Cela est aujourd’hui possible grâce à des méthodes
modernes basées sur l’analyse de l’ADN. La standardisation de ces méthodes a par
ailleurs permis d’abaisser considérablement les coûts de ces analyses, les rendant ainsi
accessibles aux gestionnaires. Le présent document propose une synthèse de l’en-
semble des études génétiques réalisées ces quinze dernières années en Suisse en ma-
tière de gestion génétique des populations piscicoles. Il formule également des recom-
mandations pratiques pour toutes les espèces traitées.
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016                                   6

Le pratiche di ripopolamento giocano ancor’oggi un ruolo fondamentale nell’ambito                                   Parole chiave:
della gestione piscicola. Oltre agli aspetti di natura quantitativa, esse devono prestare                           genetica delle popolazioni
particolare attenzione all’origine del materiale di ripopolamento, fattore chiave nel                               ripopolamento, gestione della
mantenimento della composizione genetica specifica di una popolazione locale. In                                    pesca, conservazione
questo contesto, è molto importante poter definire delle unità di gestione sulla base
delle specificità genetiche delle popolazioni naturali. Le moderne tecniche di analisi
genetiche permettono questo tipo di approccio e, grazie alla standardizzazione dei
metodi, sono oggigiorno accessibili ai gestori della pesca. Questa pubblicazione propo-
ne una sintesi degli studi in termini di gestione genetica delle popolazione piscicole
effettuati negli ultimi quindici anni in Svizzera. Inoltre, per tutte le specie trattate sono
formulate delle raccomandazioni pratiche.
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
> Avant-propos                                                                               7

> Avant-propos
Le repeuplement des eaux à l’aide de jeunes poissons élevés en milieu artificiel (alevi-
nage, empoissonnement) vise à conserver les populations indigènes qui vivent dans un
milieu dégradé. A terme et dans l’esprit de la Stratégie Suisse de Biodiversité, les
habitats du poisson doivent être assainis de manière à renoncer progressivement aux
mesures de repeuplement. La renaturation des eaux doit contribuer à atteindre ce but
dans les prochaines décennies. Dans l’intervalle, l’exploitation des peuplements pisci-
coles doit être optimisée afin de minimiser les risques imputables aux repeuplements.
Ces risques et incertitudes sont liés aussi bien à l’efficacité des repeuplements que leur
impact sur les populations sauvages.

Durant les dernières décennies, les pratiques du repeuplement ont fortement évolué.
D’une approche essentiellement quantitative visant à augmenter le nombre de poissons
capturables, le repeuplement s’est orienté vers une approche plus qualitative axée sur
l’intégrité génétique des populations sauvages et le maintien de leur capacité d’adapta-
tion. Ce changement de paradigme s’explique notamment par les progrès scientifiques
réalisés en matière d’analyse du génome. Grâce à de nouvelles technologies, la struc-
ture génétique fine de chaque population peut désormais être identifiée et l’effet du
repeuplement mesuré. Ces méthodes ont par ailleurs révélé une grande diversité géné-
tique à l’intérieur des espèces ainsi que l’importance de la gestion des stocks piscicoles
dans le maintien de ce niveau de diversité.

Les services cantonaux spécialisés disposent aujourd’hui d’outils performants leur
permettant de mieux planifier les repeuplements. La présente publication donne une
vue générale des connaissances actuelles sur la génétique du poisson et fournit ainsi
des bases décisionnelles en matière de gestion piscicole. Elle constitue une aide aux
gestionnaires cantonaux dans leur tâche de conservation des populations piscicoles
indigènes.

Hans Romang
Chef de la Division «Espèces, Ecosystèmes, Paysages»
Office fédéral de l’environnement (OFEV)
Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   8

1 > Résumé et recommandations générales
  --------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- -

  En Suisse, les repeuplements jouent un rôle important dans la pratique actuelle de
  gestion piscicole. Les cantons fixent les règles de cette gestion et définissent des unités
  géographiques locales de gestion lorsque cela s’avère nécessaire. Il est cependant indis-
  pensable de disposer d’une bonne base d’informations pour pouvoir définir ces unités
  de façon objective et rationnelle. Or, ces données sont plus ou moins disponibles selon
  les espèces de poissons considérées.

  Le présent document propose une synthèse des principaux travaux de génétique effec-
  tués sur les espèces piscicoles de Suisse entre 1999 et 2015. Les données ont été ex-
  ploitées et présentées de manière pragmatique dans l’optique de fournir une aide à la
  définition d’unités de gestion. Les recommandations générales formulées dans ce
  document simplifient donc inévitablement des résultats parfois très complexes. Il est
  ainsi possible qu’une étude plus approfondie à partir de ces recommandations aboutisse
  à des conclusions légèrement différentes. Les principes généraux exposés ici aident à
  définir au niveau cantonal et régional des unités biologiquement fondées pour une
  gestion des peuplements piscicoles, visant à minimiser les effets potentiellement délé-
  tères des repeuplements.

  Les différentes études de génétique révèlent que la taille des unités de gestion dépend
  fortement de la biologie et de l’écologie des espèces piscicoles. Ainsi, les travaux sur le
  chabot (Cottus gobio) montrent des différences génétiques significatives entre popula-
  tions dans un espace d’à peine quelques kilomètres au sein d’un même cours d’eau. À
  l’autre extrême, les populations de nase (Chondrostoma nasus) présentent une vaste
  aire de distribution caractérisée par d’importants échanges de gènes pouvant s’effectuer
  sur plusieurs centaines de kilomètres. Ainsi, les nases de la Singine, dans le canton de
  Fribourg, et ceux de la Wiese, dans le canton de Bâle-Ville, ne présentent pas de
  différence génétique significative, alors que cette même Singine abrite plusieurs popu-
  lations de chabot génétiquement distinctes.

  Les résultats compilés dans le présent document montrent que la gestion piscicole doit
  être abordée le plus localement possible, de façon à préserver le patrimoine, la
  diversité génétique et les adaptations locales des populations.
1   > Résumé et recommandations générales                                                                                                                9

    Les recommandations générales suivantes peuvent être formulées:

    a) Dans les populations qui ne font l’objet d’aucune mesure de repeuplement, les
       processus tels que le choix du partenaire sexuel pendant la reproduction, ainsi que la
       sélection dans le milieu, se déroulent de manière tout à fait naturelle. Toute mesure
       de repeuplement risque de perturber ces processus naturels et d’entraîner une perte
       de fitness (par l’introduction de maladies ou par perte d’adaptations locales par
       exemple). Il convient donc de renoncer totalement aux repeuplements dans les
       milieux aquatiques où la reproduction naturelle de la population fonctionne.
    b) Lorsque les repeuplements s’avèrent nécessaires, les géniteurs ou les poissons à
       introduire doivent provenir d’un endroit géographiquement proche du lieu d’immer-
       sion et situé dans le même lac ou cours d’eau. Il faut alors veiller à utiliser suffi-
       samment de géniteurs et à éviter les effets de domestication (souche captive de géni-
       teurs et élevage des juvéniles en pisciculture).
    c) Si, pour des raisons fondées, une gestion locale s’avère impossible, p. ex. dans le cas
       d’un programme de réintroduction, il est nécessaire de recourir à des populations
       sources géographiquement proches vivant dans le même type de cours d’eau.

    Le tableau 1 donne un aperçu des distances géographiques à partir desquelles des dif-
    férences génétiques significatives peuvent être observées pour les différentes espèces
    étudiées. Ces indications peuvent aider à définir le périmètre dans lequel rechercher les
    populations sources utilisées pour les repeuplements et les réintroductions.

    Tab. 1 > Recommandations générales pour la définition des unités de gestion

    Espèces                         Unités de gestion                                          Nombre d’études            Distance géographique
                                                                                                                              à partir de laquelle
                                                                                                                            plus de 80 % des FST
                                                                                                                               sont significatives
     Truites                        Échelle locale                                                               15                            20 km
     Ombre                          Échelle locale                                                                 5                           20 km
     Nases                          Échelle du bassin versant                                                      1
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   10

2 > Introduction
  ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

  Dans la série des «Informations concernant la pêche», l’OFEV (à l’époque OFEFP) a
  publié en 2002 un document intitulé «Principes génétiques de conservation et de ges-
  tion piscicoles» [1]. Cette publication vise à sensibiliser les acteurs impliqués dans la
  gestion des populations piscicoles sur l’importance de la génétique, en particulier dans
  le cadre des programmes de repeuplement («supportive breeding»). Ce document
  contient notamment des recommandations pratiques sur la manière de prélever un
  échantillon de géniteurs et de le gérer durablement en captivité, afin de limiter l’impact
  du rempoissonnement sur la diversité génétique de la population sauvage.

  La publication de 2002 propose également une synthèse des études génétiques réalisées
  à l’époque sur la truite (Salmo sp.), l’ombre (Thymallus thymallus), les corégones
  (Coregonus sp.), l’omble chevalier (Salvelinus sp.) et le chabot (Cottus gobio). Les
  techniques d’analyse d’alors, basées sur des marqueurs protéiques (enzymes), étaient
  principalement utilisées en systématique. Elles n’avaient pas la résolution suffisante
  pour déterminer la structure génétique fine d’une population, ni pour définir des unités
  de gestion. Compte tenu des avancées analytiques considérables réalisées depuis lors, il
  paraît utile d’actualiser la publication de 2002, de présenter une synthèse des études
  génétiques effectuées jusqu’à aujourd’hui et de transcrire leurs principaux enseigne-
  ments en termes de gestion durable des peuplements piscicoles.

  La structure proposée dans le présent document est organisée par espèce. Chaque
  chapitre débute par une courte présentation du statut taxonomique de l’espèce ou du
  groupe d’espèces concerné avant de donner un aperçu des études génétiques réalisées à
  l’échelle nationale ou européenne. Ces résultats permettent ensuite d’identifier les
  groupes principaux et de définir des unités de gestion et de conservation, ainsi que
  leurs relations phylogénétiques. Le chapitre se poursuit par une présentation de la
  structure génétique des populations à l’échelle locale et régionale. Les unités de gestion
  et de conservation sont alors détaillées et les mécanismes d’adaptation locale et/ou les
  phénomènes de spéciation sont identifiés dans la mesure du possible. Le chapitre se
  conclut par une synthèse des résultats et la formulation de recommandations en matière
  de gestion piscicole.

  Les principaux termes techniques utilisés dans ce document sont explicités dans le
  glossaire et dotés d’un hyperlien dans la version numérique. Les méthodes génétiques
  employées sont brièvement décrites en annexe.
2     > Introduction                                                                                 11

2.1   Diversité génétique

      Stratégie Biodiversité Suisse: Objectif n° 4

      «D’ici à 2020, l’appauvrissement génétique est freiné et si possible stoppé. La préservation
      et l’utilisation durable des ressources génétiques, animaux de rente et plantes cultivées
      compris, sont assurées.»

      La diversité génétique des organismes vivants constitue un des fondements de la
      biodiversité globale de notre planète, au même titre que la variété des espèces et des
      écosystèmes. Elle figure d’ailleurs parmi les dix objectifs de la «Stratégie Biodiversité
      Suisse (SBS)» approuvés par le Conseil fédéral en 2012. Il est en effet démontré que la
      diversité génétique joue un rôle fondamental pour la conservation des espèces, ainsi
      que pour la stabilité et le fonctionnement des écosystèmes.

      La diversité des gènes (diversité génétique dans le présent document) observée au sein
      d’une espèce et de ses populations est le fruit de mutations sur le génome, de recombi-
      naisons, du flux et de la dérive génétique, ainsi que d’adaptations locales aux condi-
      tions environnementales (en réponse à la sélection naturelle). Les individus dont les
      gènes procurent un avantage sélectif sur les autres individus de la population, dans des
      conditions environnementales définies, présentent un meilleur taux de reproduction.
      Avec le temps, la fréquence de ces gènes va donc augmenter au sein de la population.
      La possibilité de s’adapter en permanence aux conditions de l’environnement dépend
      donc de l’éventail de gènes présent dans la population. C’est pourquoi la diversité
      génétique est un facteur déterminant pour la pérennité des espèces et leur évolution [2].
      En l’absence de toute diversité génétique, aucune adaptation à un changement envi-
      ronnemental n’est possible. Sa préservation représente donc un enjeu majeur en biolo-
      gie de la conservation. Autrement dit, plus la diversité génétique est grande au sein
      d’une population, plus sa capacité de résilience est élevée et donc ses chances de survie
      importantes.

      La diversité génétique peut être intra-populationnelle (entre individus de la même
      population) ou inter-populationnelle (entre individus de différentes populations). Cette
      dernière représente une mesure de différenciation génétique entre populations cou-
      ramment utilisée (la valeur FST). Plus les différences génétiques observées entre popu-
      lations sont importantes, plus la part de la diversité inter-populationnelle est grande par
      rapport à la diversité génétique totale d’une espèce.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   12

2.2   La conservation génétique

      Les caractéristiques génétiques d’une population se modifient sans cesse sous l’effet
      combiné de la sélection naturelle et de la dérive génétique. L’influence de ces facteurs
      est étroitement liée à la taille de la population. Les petites populations isolées sont
      particulièrement vulnérables aux effets de la dérive génétique. C’est pourquoi elles
      sont généralement plus exposées aux effets négatifs de la consanguinité. Cette dernière
      peut contribuer à la disparition de la population lorsque la diversité génétique est faible
      et que s’accumulent les allèles délétères.

2.3   Pourquoi un repeuplement avec des poissons étrangers à la région peut-il
      être préjudiciable?

      Certains gestionnaires font valoir l’argument selon lequel un repeuplement pratiqué
      avec des poissons originaires de populations géographiquement éloignées accroît la
      diversité génétique de la population locale et, par conséquent, augmente ses chances de
      survie. Dans ce contexte, il est important de préciser qu’un flux génétique artificiel
      entre populations éloignées ne peut s’avérer bénéfique que lorsque la population locale
      est exposée à un problème de consanguinité. Si ce n’est pas le cas, cette démarche
      risque de s’avérer extrêmement préjudiciable. En effet, le mélange entre populations
      éloignées peut provoquer une perte des adaptations locales et, ainsi, rendre la popula-
      tion plus vulnérable (perte de fitness). Contrairement à ce que l’on observe chez cer-
      tains grands mammifères menacés, la consanguinité est assez rare chez le poisson
      vivant en conditions naturelles (le risque de consanguinité se manifeste en élevage).

      L’objectif majeur d’une gestion piscicole durable consiste à préserver les caracté-
      ristiques génétiques de chaque population d’une espèce.

2.4   Plasticité et adaptations locales

      Les individus d’une même espèce mais provenant de différents cours d’eau présentent
      souvent des aspects externes (p. ex. morphologie) ou internes (p. ex. physiologie)
      caractéristiques. La diversité de la robe des truites du bassin versant atlantique obser-
      vable en Suisse en constitue un bon exemple (fig. 1). Ces différences peuvent
      s’expliquer soit par la plasticité phénotypique, soit par des différences génétiques.
2   > Introduction                                                                                            13

    Fig. 1 > Échantillons de robes de truite (Salmo trutta) observables sur le bassin atlantique helvétique
    Les points, les couleurs et les dessins sont extrêmement variés.

    Image tirée de [3]

    La plasticité phénotypique exprime la faculté d’un organisme à modifier son phénotype
    en réponse aux variations de l’environnement sans modification du génome [4]. Les
    variations morphologiques générées par plasticité phénotypique peuvent améliorer la
    fitness d’un individu. La plasticité phénotypique n’est toutefois pas transmissible d’une
    génération à l’autre; en revanche, le degré de cette faculté présente une composante
    génétique qui peut être héritée [5].

    A contrario, un gène donnant un avantage morphologique ou comportemental à un
    individu a le potentiel d’être transmis d’une génération à l’autre. Au fil du temps et
    sous l’effet de la sélection naturelle, les génotypes, et donc les phénotypes conférant un
    avantage sélectif, deviennent de plus en plus nombreux au sein de la population. À
    terme, ce processus évolutif est à l’origine des adaptations locales inscrites dans le
    génome.

    Les gestionnaires ont donc également la tâche de préserver les adaptations locales
    de chaque population en interférant le moins possible avec les processus évolutifs
    en cours.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   14

2.5   Définition des unités de gestion

      Par le passé, la gestion piscicole a longtemps été effectuée par espèce, sans tenir
      compte de l’origine géographique des populations. Ainsi, de nombreux poissons de
      provenance lointaine ont été introduits dans les eaux suisses. Aujourd’hui, la législation
      fédérale sur la pêche exige une autorisation de la Confédération pour l’introduction de
      poissons étrangers à la région (LFSP, art. 6). Sont notamment considérées comme
      étrangères à la région les populations génétiquement éloignées des populations du lieu
      d’introduction (OLFP, art. 6, al. 2). Cette autorisation vise entre autres à empêcher le
      transfert incontrôlé de poissons d’un bassin versant à un autre. Aucune autorisation de
      la Confédération n’est en revanche nécessaire pour l’immersion de poissons indigènes
      provenant du même bassin versant que celui du lieu d’introduction (OLFP, art. 8, al. 2).
      Les unités de gestion basées sur la différenciation génétique ou les adaptations locales
      doivent donc être définies par les cantons afin de préserver les races locales (OLFP,
      art. 8, al. 3).

      De manière générale, ces principes corroborent les recommandations scientifiques en
      matière de conservation. La littérature suggère en effet d’utiliser les différences géné-
      tiques et les adaptations locales d’une espèce pour définir les unités adéquates de
      gestion et de conservation [6, 7]. Deux approches emboîtées sont utilisées aujourd’hui:

      > Evolutionary Significant Unit (ESU);
      > Management Unit (MU).

      Une ESU représente une unité de gestion qui contient une composante évolutive de
      l’espèce. Une différence génétique unique observée sur un marqueur sélectivement
      neutre (comme un microsatellite) ne suffit donc pas à définir une ESU, qui vise à
      conserver de manière pérenne le potentiel évolutif de l’espèce [6]. En général, une ESU
      renferme plusieurs MU.

      Une MU ne tient pas compte des facteurs écologiques et évolutifs dans sa définition.
      Elle est en principe définie à partir de différences génétiques entre populations obser-
      vées sur des marqueurs génétiques neutres [7].

      En pratique, ces recommandations conduisent à une gestion piscicole sur mesure,
      conçue par espèce, par bassin versant, par cours d’eau, voire même par section de
      cours d’eau, en veillant à éviter tout transfert artificiel entre unités de gestion par
      des repeuplements.
3     > Les truites (Salmo sp.)                                                                                  15

3 > Les truites (Salmo sp.)
      ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

3.1   Statut taxonomique

      En Suisse, la truite est présente sous la forme de cinq lignées évolutives génétiquement
      distinctes qui doivent, en termes de gestion, être considérées comme des espèces à part
      entière (fig. 2) [8]: la truite atlantique (Salmo trutta), la truite marbrée (Salmo marmo-
      ratus), la truite zébrée (Salmo rhodanensis), la truite adriatique (Salmo cenerinus) et la
      truite danubienne (Salmo labrax).

      Fig. 2 > Distribution historique des différentes espèces de truite de Suisse

      d’après [3], modifié

3.2   Études à l’échelle nationale

      La synthèse ci-après a été réalisée à partir des travaux sur la truite menés par
      l’EAWAG et l’Université de Berne [9–11]. Trente populations provenant de neuf cours
      d’eau suisses ont été analysées, ce qui représente plus de 850 individus issus des
      bassins versants du Rhin, du Rhône (sous-bassin du Doubs) et du Pô (Tessin, Adige)
      (fig. 3).
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   16

        Fig. 3 > Localisation des 30 populations étudiées [11]

3.2.1   Études basées sur la méthode des microsatellites

        Au total, 18 loci microsatellites ont été analysés [9], dont dix neutres et huit associés à
        des gènes (et donc influencés par la sélection naturelle).

        Les analyses ont révélé que, globalement, les populations de truites helvétiques peu-
        vent encore être distinguées génétiquement et ce malgré les nombreux mélanges de
        populations intervenus au fil du temps par l’action de l’homme (repeuplements).
        Chaque bassin versant montre encore une part plus ou moins importante de souches de
        truite présentes originellement. Cependant, avec une valeur FST moyenne de 0,062, la
        différence génétique entre les populations est modérée. Les différences génétiques
        entre populations de bassins versants distincts sont plus élevées qu’entre populations à
        l’intérieur du même bassin versant.

        En conclusion, les repeuplements réalisés à large échelle ont affecté l’intégrité géné-
        tique des peuplements originels, sans toutefois y éradiquer totalement les espèces de
        truites natives. Par ailleurs, cinq loci microsatellites associés à des gènes et suspectés
        de ne pas être neutres montrent des différences parmi les bassins versants. De plus,
        d’autres microsatellites suggèrent la présence d’une adaptation locale de tolérance à
        des températures élevées.
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                                                                                  17

3.2.2   Études basées sur la méthode des ALFP

        Dans la même étude et à l’aide des mêmes échantillons, 229 loci AFLP polymorphes et
        369 individus ont également été analysés [9]. Les résultats confirment la distinction des
        trois bassins versants analysés et l’introgression systématique de la truite atlantique
        observée à l’aide des microsatellites (fig. 4). En plus, l’étude des AFLP confirme la
        présence d’une adaptation locale liée à l’altitude parmi les différents bassins versants.

        Fig. 4 > Analyse STRUCTURE (à partir des données AFLP) des différentes populations de truite échantillonnées par grands bassins versants
        la couleur bleue correspond à la truite atlantique (S. trutta) du bassin versant du Rhin, la couleur rouge à la truite adriatique
        (S. cenerinus) du bassin versant du Pô et la couleur verte à la truite zébrée (S. rhodanensis) du bassin versant du Doubs (Allaine).

3.3     Études à l’échelle locale ou régionale

3.3.1   Les truites de l’Allaine

        Les analyses génétiques effectuées [12] montrent la coexistence de deux espèces de
        truite dans l’Allaine:

        > La truite zébrée (S. rhodanensis), qui est la souche méditerranéenne native dans le
           bassin du Doubs.
        > La truite atlantique (S. trutta), qui y a été introduite.

        Les deux espèces de truite cohabitent dans la même rivière. Depuis sa source jusqu’à
        Porrentruy, l’Allaine est dominée par la truite atlantique. Sur le secteur aval, entre
        Porrentruy et la frontière française, la truite zébrée méditerranéenne (S. rhodanensis)
        est majoritaire (fig. 5). Les données génétiques sont corroborées par l’observation des
        phénotypes, les adultes atlantiques étant beaucoup plus nombreux en amont qu’en aval.
        Bien que la reproduction des deux espèces se déroule simultanément et partiellement
        sur les mêmes frayères, leur taux d’hybridation reste faible. Cela suggère l’existence de
        mécanismes d’isolement permettant d’éviter une hybridation générale. La nature de ces
        mécanismes n’a pas encore pu être déterminée. Il faut toutefois noter que l’Allaine n’a
        pas fait l’objet de mesures de repeuplement en truite de 2001 à 2012.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   18

En matière de gestion, il est donc recommandé:

> D’éviter tout transfert d’individus au sein du bassin de l’Allaine (de même qu’entre
   la rivière principale et les affluents).
> De cesser toute introduction de truites atlantiques ou de toute autre souche non
   autochtone de l’Allaine dans cette rivière.

Fig. 5 > Carte des sites de prélèvements
L’analyse STRUCTURE à l’aide des AFLP est représentée dans les carrés. Chaque barre
verticale représente un individu appartenant soit à S. rhodanensis (en rouge), soit à S. trutta (en
vert). Les barres comportant deux couleurs représentent des hybrides ayant des contributions
génétiques des deux espèces (d’après [12], modifié).
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                                     19

3.3.2   Les truites du Tessin

        Historiquement, le bassin du Pô était colonisé par la truite marbrée (S. marmoratus) et
        la truite adriatique (S. cenerinus) [8]. Suite à des repeuplements répétés à l’aide de la
        truite atlantique (S. trutta), les populations natives ont été fortement introgressées. Des
        analyses génétiques ont été effectuées à l’aide de six loci microsatellites afin d’évaluer
        dans quelle mesure les populations natives de salmonidés subsistent aujourd’hui dans
        le Tessin [13].

        Les résultats montrent que, dans le Tessin et ses affluents (TI sur la fig. 6), la truite
        native S. marmoratus (en jaune dans la fig. 7) a presque disparu et a été remplacée par
        la truite atlantique (en vert et en rouge dans la fig. 7). Seuls quelques individus avec
        une proportion élevée de gènes typiques de la lignée marmoratus ont pu être observés
        dans la Melezza.

        Par ailleurs, la structure génétique des populations du Tessin et de ses affluents diffère
        sensiblement de celle des truites de pisciculture (HAT dans la fig. 7), pourtant utilisées
        pour le repeuplement de cette rivière. Les truites domestiques issues de pisciculture ne
        semblent ainsi contribuer que faiblement au recrutement des populations sauvages, ces
        dernières étant essentiellement issues de la reproduction naturelle d’une truite atlan-
        tique non indigène. En outre, la diversité génétique des poissons sauvages apparaît
        significativement plus élevée que celle des poissons issus de pisciculture.

        En conclusion, les truites marmoratus et cenerinus natives du bassin du Pô ont presque
        complètement disparu des rivières du canton du Tessin. Seuls quelques individus
        appartenant génétiquement à la truite marbrée ont été capturés dans la Melezza (n° 2,
        fig. 7). Les truites lacustres capturées dans le Toce/Anza (n° 3, fig. 7) sont bien d’ori-
        gine marbrée mais présentent de fortes introgressions avec la truite atlantique.

        Dans la mesure du possible, ces souches ancestrales devraient être préservées et pro-
        mues.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   20

Fig. 6 > Sites de prélèvements (points noirs) avec les secteurs de rempoissonnement du Tessin par les
piscicultures respectives (lettres majuscules) [13]

Fig. 7 > Analyse STRUCTURE selon la méthode des ALFP
MT = truite marmoratus (1 = élevage tessinois de marmoratus, 2–3 = affluents du lac Majeur,
4 = souche de référence slovène), HAT = souche de pisciculture tessinoise (5–8), TI = truites
du Tessin et de ses affluents (9–15), Atl = truite atlantique (16, Suède), Med = truite méditerra-
néenne (17, Doubs).
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                                    21

3.3.3   Les truites des affluents du lac de Thoune

        Au total, 606 truites atlantiques (S. trutta) provenant de dix populations du bassin
        versant du lac de Thoune (fig. 8) ont été analysées à l’aide de onze loci microsatellites
        [14, 15].

        Fig. 8 > Sites de prélèvements dans le bassin du lac de Thoune

        Adapté selon [14, 15].

        L’étude visait tout d’abord à évaluer les différences génétiques entre les truites présen-
        tant un phénotype lacustre et celles présentant un phénotype de rivière, en se basant sur
        des marqueurs sélectivement neutres. Les résultats ne révèlent aucune différence signi-
        ficative entre les deux écotypes. Les différences génétiques entre truites de rivière
        issues de différents affluents du lac de Thoune sont plus grandes que les différences
        génétiques entre truites lacustres et truites de rivière d’un même cours d’eau (Kander).

        L’étude confirme donc l’hypothèse selon laquelle la truite de lac n’est pas une espèce à
        part entière mais plutôt l’une des formes de la truite atlantique.

        Les auteurs ont ensuite analysé l’affinité génétique entre les différentes populations.
        Les résultats montrent qu’à une exception près, toutes les populations sont génétique-
        ment différenciées les unes des autres. Les écarts sont plutôt faibles et comparables à
        ceux obtenus dans d’autres études génétiques de truites à l’échelle régionale en Suisse.
        L’étude démontre également que la souche utilisée en pisciculture est génétiquement
        différente de la population d’origine de la Kander. Elle révèle un impact contrasté du
        repeuplement: alors que ce dernier n’a laissé quasiment aucune trace dans certaines
        populations (Kander et Lombach), de fortes introgressions ont été constatées dans
        d’autres cours d’eau (Hünibach et Simme). Finalement, l’étude montre que la majorité
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   22

        des truites lacustres capturées dans le lac sont originaires de la Kander et de la Simme
        et qu’une part relativement importante provient du bassin du lac de Brienz.

        En conclusion, les auteurs proposent que les unités de gestion du bassin versant du lac
        de Thoune, qui étaient déjà ramenées à l’échelle du sous-bassin versant, soient systé-
        matiquement affinées au niveau de chaque cours d’eau (une MU par cours d’eau). Tout
        repeuplement mélangeant les souches doit être évité. Les auteurs proposent d’améliorer
        les stocks de géniteurs utilisés en pisciculture, afin d’éviter une perte de diversité
        génétique provoquée par le repeuplement.

3.3.4   Les truites de l’Aar et de ses affluents

        Au total, 603 truites atlantiques (S. trutta) provenant de 21 populations du bassin
        versant de l’Aar entre le lac de Thoune et Berne ont été analysées à l’aide de onze loci
        microsatellites [16]. L’objectif était de savoir si les truites des différents cours d’eau
        variaient d’un point de vue génétique et/ou phénotypique.

        Les résultats révèlent que, malgré la proximité géographique entre populations (2 à
        44 km), 88 % des différences génétiques entre populations comparées deux par deux
        (FST) sont significatives. Les valeurs FST sont cependant assez faibles, mais compa-
        rables à celles obtenues dans d’autres études sur la truite en Suisse. Les données géné-
        tiques ne montrent aucun signe de déficit en diversité génétique.

        En parallèle, l’analyse des phénotypes démontre que 50 % des populations sont mor-
        phologiquement distinctes les unes des autres et que les différences phénotypiques sont
        corrélées avec la pente des cours d’eau, ce qui pourrait s’expliquer par une adaptation
        aux conditions locales.

        Dans leur publication, les auteurs n’émettent aucune recommandation particulière en
        matière de gestion. Le canton de Berne applique déjà une approche par sous-bassins
        versants, voire même par cours d’eau, qui semble porter ses fruits. L’étude confirme
        les résultats obtenus dans le bassin versant du lac de Thoune [14, 15], qui suggèrent
        que chaque cours d’eau contribue significativement à la diversité génétique globale et
        doit donc former une unité de gestion à part entière (MU). L’étude met également en
        évidence la forte influence de la pente sur la morphologie des truites. Cette observation
        suggère que les cours d’eau de types différents – se distinguant par exemple par la
        pente – pourraient abriter des populations de truites spécifiquement adaptées à leurs
        caractéristiques locales.
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                                    23

3.3.5   Les truites du bassin du lac des Quatre-Cantons

        Dix populations de truite atlantique (S. trutta) du bassin versant du lac des Quatre-
        Cantons (fig. 9) ont été analysées à l’aide de 14 loci microsatellites [17]. En complé-
        ment, l’auteur a analysé la coloration, la morphologie et le régime alimentaire de
        chaque individu. L’objectif de l’étude était de savoir si les truites des différents cours
        d’eau se distinguaient les unes des autres génétiquement et morphologiquement.

        Les résultats révèlent que la plupart des populations sont significativement différentes
        au plan génétique (tableau 2). Les écarts sont plutôt faibles, mais correspondent à ce
        qu’indiquent les études similaires réalisées dans d’autres bassins versants en Suisse.
        L’analyse parallèle des phénotypes révèle de son côté que le type d’alimentation
        hydrique des cours d’eau a une influence sur la morphologie des truites. Ainsi, les
        truites vivant dans des rivières principalement alimentées par les eaux souterraines pré-
        sentent un corps plus trapu et une tête plus courte que celles des milieux à régime
        pluvio-nival, alimentés par les eaux de surface. Des différences ont également été
        observées au niveau de la coloration des poissons.

        Fig. 9 > Sites de prélèvements dans le bassin du lac des Quatre-Cantons [17]
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole               OFEV 2016            24

        Tab. 2 > Valeurs FST entre les populations du bassin versant du lac des Quatre-Cantons

                         N2            CS            SR           GM             EA            WB         GB          SB         KB        SG

        N2                  -
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                               25

        unité de gestion (MU) fortement artificialisée par le repeuplement. Cette conclusion
        doit cependant être relativisée compte tenu du peu de loci analysés et des valeurs
        similaires des FST par rapport aux autres études génétiques sur la truite en Suisse.

        Fig. 10 > Sites de prélèvements dans le bassin de la Birse

        Adapté selon [18]

3.3.7   Les truites des lacs de Sils et de Poschiavo

        En 2012, une campagne de prélèvements a été menée dans les lacs de Sils et de Pos-
        chiavo dans le cadre du «Projet Lac». Au total, 62 truites rassemblant les différents
        phénotypes observés (fig. 11) ont été analysées à l’aide de plus de 20 000 loci SNP
        [19]. L’objectif de l’étude était de savoir si plusieurs espèces de truite pouvaient
        coexister au sein d’un même lac.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole   OFEV 2016   26

Fig. 11 > Phénotypes observés dans le lac de Poschiavo en 2012 [19]

Dans le lac de Poschiavo, l’étude a révélé une forte hybridation entre les différentes
espèces de truite des trois bassins versants (Pô, Danube et Rhin). Les individus n’ont
pas pu être assimilés à l’une des quatre espèces de truites vivant potentiellement dans
le lac (S. trutta, S. cenerinus, S. marmorata, S. labrax). En revanche, un lien entre
phénotype et génotype a pu être identifié. Il convient en conséquence de mettre en
place une politique de gestion piscicole favorisant le développement de génotypes
typiques de la station.
3       > Les truites (Salmo sp.)                                                                              27

        Dans le lac de Sils, deux populations de truite génétiquement différenciées ont pu être
        identifiées. L’une appartient à la lignée des truites atlantiques (S. trutta) et l’autre à
        celle du Danube (S. labrax). Le lac de Sils semble donc abriter deux truites génétique-
        ment distinctes qui ne s’hybrident apparemment pas. Aucun lien n’a cependant pu être
        mis en évidence entre le phénotype et le génotype. En l’absence de documents histo-
        riques ou d’informations qui auraient permis de définir quelle truite est autochtone, il
        est recommandé par précaution de gérer séparément les deux espèces.

3.3.8   Les truites des Grisons et du Tessin

        Dans le cadre du «Progetto Fiumi», 722 truites issues de 23 populations des bassins du
        Rhin alpin, de l’Inn, du Poschiavino et du Tessin (fig. 12) ont été analysées à l’aide de
        treize loci microsatellites et, pour une partie d’entre elles, à l’aide d’ADN mitochon-
        drial [20]. L’objectif était d’étudier la diversité génétique et phénotypique et de carac-
        tériser les rapports entre ces deux types de diversité.

        Fig. 12 > Sites de prélèvements dans les bassins versants du Rhin alpin, de l’Inn, du Poschiavino et
        du Tessin [20]
Vous pouvez aussi lire