Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole - VOLTOWEB.IT
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> Connaissance de l’environnement > Pêche > Génétique et Pêche Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole Publié par l’Office fédéral de l’environnement OFEV Berne, 2016
Impressum Éditeur Office fédéral de l’environnement (OFEV) L’OFEV est un office du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Auteurs Dr. Pascal Vonlanthen: p.vonlanthen@aquabios.ch Dr. Daniel Hefti: daniel.hefti@bafu.admin.ch Groupe de travail Prof. Ole Seehausen, Eawag Dr. David Bittner, Sektion Jagd und Fischerei des Kantons Aargau Diego Dagani, BAFU PD Dr. Carlo Largiadèr, Inselspital Dr. Bänz Lundsgaard-Hansen, FIBER Christoph Küng, Fischereiinspektorat des Kantons Bern Référence bibliographique Vonlanthen P., Hefti D. 2016: Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole. Office fédéral de l’environnement, Berne. Connaissance de l’environnement n° 1637: 90 p. Graphisme, mise en page Stefanie Studer, 5444 Künten Couverture Photo: Michel Roggo Téléchargement au format PDF www.bafu.admin.ch/uw-1637-f Il n’est pas possible de commander une version imprimée. Cette publication est également disponible en allemand. © OFEV 2016
> Table des matières 3 > Table des matières Abstracts 5 6.2 Études à l’échelle nationale 52 Avant-propos 7 6.3 Synthèse des études génétiques sur le genre Squalius et recommandations en matière de gestion piscicole 56 1 Résumé et recommandations générales 8 7 Le chabot (Cottus gobio) 59 2 Introduction 10 7.1 Statut taxonomique 59 2.1 Diversité génétique 11 7.2 Études à l’échelle nationale 59 2.2 La conservation génétique 12 7.3 Études à l’échelle locale ou régionale 62 2.3 Pourquoi un repeuplement avec des poissons 7.4 Synthèse des études génétiques sur le chabot et étrangers à la région peut-il être préjudiciable? 12 recommandations en matière de gestion piscicole 64 2.4 Plasticité et adaptations locales 12 2.5 Définition des unités de gestion 14 8 Les corégones (Coregonus sp.) 67 8.1 Statut taxonomique 67 3 Les truites (Salmo sp.) 15 8.2 Synthèse des études génétiques sur les corégones 3.1 Statut taxonomique 15 et recommandations en matière de gestion piscicole 67 3.2 Études à l’échelle nationale 15 3.3 Études à l’échelle locale ou régionale 17 3.4 Synthèse des études génétiques sur la truite et 9 Le brochet (Esox sp.) 69 recommandations en matière de gestion piscicole 31 9.1 Statut taxonomique 69 9.2 Études à l’échelle nationale 69 9.3 Études à l’échelle locale ou régionale 70 4 L’ombre (Thymallus thymallus) 34 9.4 Synthèse des études génétiques sur le brochet et 4.1 Statut taxonomique 34 recommandations en matière de gestion piscicole 70 4.2 Étude à l’échelle nationale 34 4.3 Études à l’échelle locale ou régionale 36 4.4 Synthèse des études génétiques sur l’ombre et 10 L’omble chevalier (Salvelinus sp.) 71 recommandations en matière de gestion piscicole 42 10.1 Statut taxonomique 71 10.2 Études à l’échelle locale ou régionale 71 10.3 Synthèse des études génétiques sur l’omble 5 Les nases (Chondrostoma sp., Parachondrostoma chevalier et recommandations en matière de gestion toxostoma) 46 piscicole 71 5.1 Statut taxonomique 46 5.2 Études à l’échelle nationale 46 5.3 Synthèse des études génétiques sur les nases et 11 Le gardon (Rutilus rutilus) 72 recommandations en matière de gestion piscicole 49 11.1 Statut taxonomique 72 11.2 Études à l’échelle nationale 72 11.3 Études à l’échelle régionale 73 6 Le chevaine et le cavedano (Squalius sp.) 52 11.4 Synthèse des études génétiques sur le gardon et 6.1 Statut taxonomique 52 recommandations en matière de gestion piscicole 74
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 4 12 La perche commune (Perca fluviatilis) 75 12.1 Statut taxonomique 75 12.2 Études à l’échelle nationale 75 12.3 Études à l’échelle régionale 75 12.4 Synthèse des études génétiques sur la perche commune et recommandations en matière de gestion piscicole 77 13 L’épinoche (Gasterosteus aculeatus) 78 13.1 Statut taxonomique 78 13.2 Synthèse des études à l’échelle nationale et régionale 78 14 Annexes 79 14.1 Méthodes génétiques utilisées 79 14.2 FST: un indicateur de différenciation génétique 81 Bibliographie 83 Répertoire 86 Glossaire 89
> Abstracts 5 > Abstracts Stocking still plays a key role in fisheries management. In addition to the quantitative Keywords: aims of stocking, the origin of the fishes to be stocked is important in order to maintain population genetic, stocking the genetic specificities of the native populations. In this context, it is particularly policies, fisheries management, useful to identify different management units based on the genetic composition of the conservation wild populations. Today, this is possible through the use of modern methodologies based on DNA-analysis. Due to the standardization of these methods, their costs are affordable to fishery managers. The present document proposes a synopsis of all genet- ic studies performed in Switzerland during the last 15 years in the context of fisheries management. Practical recommendations are given for each of the species included in these studies. Der Besatz spielt immer noch eine wichtige Rolle bei der fischereilichen Bewirtschaf- Stichwörter: tung. Zusätzlich zu den rein quantitativen Aspekten, muss beim Besatz auch auf die Populationsgenetik, Besatz, Herkunft der eingesetzten Fische geachtet werden. Die genetischen Eigenheiten der lo- fischereiliche Bewirtschaftung, kal vorhandenen Population darf durch die Besatzfische nicht verändert werden. Daher Arternförderung dürfen nur Fische besetzt werden, die direkt von der lokalen Population abstammen. Anhand von DNA-Analysen kann die genetische Identität der Besatzfische bestimmt werden. Durch die Standardisierung dieser Methoden konnten die Kosten so gesenkt werden, dass sie heute für die Bewirtschafter verfügbar sind. Das vorliegende Doku- ment schlägt eine Synthese von genetischen Studien vor, die in der Schweiz in den letzten 15 Jahren im Rahmen der genetischen Untersuchungen der Fischbestände durchgeführt wurden. Es formuliert konkrete Empfehlungen über alle diskutierten Arten. Le repeuplement joue un rôle prépondérant en matière de gestion piscicole. Hormis les Mots-clés: objectifs quantitatifs, l’origine des poissons immergés constitue un facteur clé afin de génétique des populations, ne pas péjorer les spécificités génétiques de la population receveuse. Dans ce contexte, repeuplement, gestion piscicole, il est utile de pouvoir définir des unités de gestion sur la base des spécificités géné- conservation tiques des populations naturelles. Cela est aujourd’hui possible grâce à des méthodes modernes basées sur l’analyse de l’ADN. La standardisation de ces méthodes a par ailleurs permis d’abaisser considérablement les coûts de ces analyses, les rendant ainsi accessibles aux gestionnaires. Le présent document propose une synthèse de l’en- semble des études génétiques réalisées ces quinze dernières années en Suisse en ma- tière de gestion génétique des populations piscicoles. Il formule également des recom- mandations pratiques pour toutes les espèces traitées.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 6 Le pratiche di ripopolamento giocano ancor’oggi un ruolo fondamentale nell’ambito Parole chiave: della gestione piscicola. Oltre agli aspetti di natura quantitativa, esse devono prestare genetica delle popolazioni particolare attenzione all’origine del materiale di ripopolamento, fattore chiave nel ripopolamento, gestione della mantenimento della composizione genetica specifica di una popolazione locale. In pesca, conservazione questo contesto, è molto importante poter definire delle unità di gestione sulla base delle specificità genetiche delle popolazioni naturali. Le moderne tecniche di analisi genetiche permettono questo tipo di approccio e, grazie alla standardizzazione dei metodi, sono oggigiorno accessibili ai gestori della pesca. Questa pubblicazione propo- ne una sintesi degli studi in termini di gestione genetica delle popolazione piscicole effettuati negli ultimi quindici anni in Svizzera. Inoltre, per tutte le specie trattate sono formulate delle raccomandazioni pratiche.
> Avant-propos 7 > Avant-propos Le repeuplement des eaux à l’aide de jeunes poissons élevés en milieu artificiel (alevi- nage, empoissonnement) vise à conserver les populations indigènes qui vivent dans un milieu dégradé. A terme et dans l’esprit de la Stratégie Suisse de Biodiversité, les habitats du poisson doivent être assainis de manière à renoncer progressivement aux mesures de repeuplement. La renaturation des eaux doit contribuer à atteindre ce but dans les prochaines décennies. Dans l’intervalle, l’exploitation des peuplements pisci- coles doit être optimisée afin de minimiser les risques imputables aux repeuplements. Ces risques et incertitudes sont liés aussi bien à l’efficacité des repeuplements que leur impact sur les populations sauvages. Durant les dernières décennies, les pratiques du repeuplement ont fortement évolué. D’une approche essentiellement quantitative visant à augmenter le nombre de poissons capturables, le repeuplement s’est orienté vers une approche plus qualitative axée sur l’intégrité génétique des populations sauvages et le maintien de leur capacité d’adapta- tion. Ce changement de paradigme s’explique notamment par les progrès scientifiques réalisés en matière d’analyse du génome. Grâce à de nouvelles technologies, la struc- ture génétique fine de chaque population peut désormais être identifiée et l’effet du repeuplement mesuré. Ces méthodes ont par ailleurs révélé une grande diversité géné- tique à l’intérieur des espèces ainsi que l’importance de la gestion des stocks piscicoles dans le maintien de ce niveau de diversité. Les services cantonaux spécialisés disposent aujourd’hui d’outils performants leur permettant de mieux planifier les repeuplements. La présente publication donne une vue générale des connaissances actuelles sur la génétique du poisson et fournit ainsi des bases décisionnelles en matière de gestion piscicole. Elle constitue une aide aux gestionnaires cantonaux dans leur tâche de conservation des populations piscicoles indigènes. Hans Romang Chef de la Division «Espèces, Ecosystèmes, Paysages» Office fédéral de l’environnement (OFEV)
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 8 1 > Résumé et recommandations générales --------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- - En Suisse, les repeuplements jouent un rôle important dans la pratique actuelle de gestion piscicole. Les cantons fixent les règles de cette gestion et définissent des unités géographiques locales de gestion lorsque cela s’avère nécessaire. Il est cependant indis- pensable de disposer d’une bonne base d’informations pour pouvoir définir ces unités de façon objective et rationnelle. Or, ces données sont plus ou moins disponibles selon les espèces de poissons considérées. Le présent document propose une synthèse des principaux travaux de génétique effec- tués sur les espèces piscicoles de Suisse entre 1999 et 2015. Les données ont été ex- ploitées et présentées de manière pragmatique dans l’optique de fournir une aide à la définition d’unités de gestion. Les recommandations générales formulées dans ce document simplifient donc inévitablement des résultats parfois très complexes. Il est ainsi possible qu’une étude plus approfondie à partir de ces recommandations aboutisse à des conclusions légèrement différentes. Les principes généraux exposés ici aident à définir au niveau cantonal et régional des unités biologiquement fondées pour une gestion des peuplements piscicoles, visant à minimiser les effets potentiellement délé- tères des repeuplements. Les différentes études de génétique révèlent que la taille des unités de gestion dépend fortement de la biologie et de l’écologie des espèces piscicoles. Ainsi, les travaux sur le chabot (Cottus gobio) montrent des différences génétiques significatives entre popula- tions dans un espace d’à peine quelques kilomètres au sein d’un même cours d’eau. À l’autre extrême, les populations de nase (Chondrostoma nasus) présentent une vaste aire de distribution caractérisée par d’importants échanges de gènes pouvant s’effectuer sur plusieurs centaines de kilomètres. Ainsi, les nases de la Singine, dans le canton de Fribourg, et ceux de la Wiese, dans le canton de Bâle-Ville, ne présentent pas de différence génétique significative, alors que cette même Singine abrite plusieurs popu- lations de chabot génétiquement distinctes. Les résultats compilés dans le présent document montrent que la gestion piscicole doit être abordée le plus localement possible, de façon à préserver le patrimoine, la diversité génétique et les adaptations locales des populations.
1 > Résumé et recommandations générales 9 Les recommandations générales suivantes peuvent être formulées: a) Dans les populations qui ne font l’objet d’aucune mesure de repeuplement, les processus tels que le choix du partenaire sexuel pendant la reproduction, ainsi que la sélection dans le milieu, se déroulent de manière tout à fait naturelle. Toute mesure de repeuplement risque de perturber ces processus naturels et d’entraîner une perte de fitness (par l’introduction de maladies ou par perte d’adaptations locales par exemple). Il convient donc de renoncer totalement aux repeuplements dans les milieux aquatiques où la reproduction naturelle de la population fonctionne. b) Lorsque les repeuplements s’avèrent nécessaires, les géniteurs ou les poissons à introduire doivent provenir d’un endroit géographiquement proche du lieu d’immer- sion et situé dans le même lac ou cours d’eau. Il faut alors veiller à utiliser suffi- samment de géniteurs et à éviter les effets de domestication (souche captive de géni- teurs et élevage des juvéniles en pisciculture). c) Si, pour des raisons fondées, une gestion locale s’avère impossible, p. ex. dans le cas d’un programme de réintroduction, il est nécessaire de recourir à des populations sources géographiquement proches vivant dans le même type de cours d’eau. Le tableau 1 donne un aperçu des distances géographiques à partir desquelles des dif- férences génétiques significatives peuvent être observées pour les différentes espèces étudiées. Ces indications peuvent aider à définir le périmètre dans lequel rechercher les populations sources utilisées pour les repeuplements et les réintroductions. Tab. 1 > Recommandations générales pour la définition des unités de gestion Espèces Unités de gestion Nombre d’études Distance géographique à partir de laquelle plus de 80 % des FST sont significatives Truites Échelle locale 15 20 km Ombre Échelle locale 5 20 km Nases Échelle du bassin versant 1
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 10 2 > Introduction --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Dans la série des «Informations concernant la pêche», l’OFEV (à l’époque OFEFP) a publié en 2002 un document intitulé «Principes génétiques de conservation et de ges- tion piscicoles» [1]. Cette publication vise à sensibiliser les acteurs impliqués dans la gestion des populations piscicoles sur l’importance de la génétique, en particulier dans le cadre des programmes de repeuplement («supportive breeding»). Ce document contient notamment des recommandations pratiques sur la manière de prélever un échantillon de géniteurs et de le gérer durablement en captivité, afin de limiter l’impact du rempoissonnement sur la diversité génétique de la population sauvage. La publication de 2002 propose également une synthèse des études génétiques réalisées à l’époque sur la truite (Salmo sp.), l’ombre (Thymallus thymallus), les corégones (Coregonus sp.), l’omble chevalier (Salvelinus sp.) et le chabot (Cottus gobio). Les techniques d’analyse d’alors, basées sur des marqueurs protéiques (enzymes), étaient principalement utilisées en systématique. Elles n’avaient pas la résolution suffisante pour déterminer la structure génétique fine d’une population, ni pour définir des unités de gestion. Compte tenu des avancées analytiques considérables réalisées depuis lors, il paraît utile d’actualiser la publication de 2002, de présenter une synthèse des études génétiques effectuées jusqu’à aujourd’hui et de transcrire leurs principaux enseigne- ments en termes de gestion durable des peuplements piscicoles. La structure proposée dans le présent document est organisée par espèce. Chaque chapitre débute par une courte présentation du statut taxonomique de l’espèce ou du groupe d’espèces concerné avant de donner un aperçu des études génétiques réalisées à l’échelle nationale ou européenne. Ces résultats permettent ensuite d’identifier les groupes principaux et de définir des unités de gestion et de conservation, ainsi que leurs relations phylogénétiques. Le chapitre se poursuit par une présentation de la structure génétique des populations à l’échelle locale et régionale. Les unités de gestion et de conservation sont alors détaillées et les mécanismes d’adaptation locale et/ou les phénomènes de spéciation sont identifiés dans la mesure du possible. Le chapitre se conclut par une synthèse des résultats et la formulation de recommandations en matière de gestion piscicole. Les principaux termes techniques utilisés dans ce document sont explicités dans le glossaire et dotés d’un hyperlien dans la version numérique. Les méthodes génétiques employées sont brièvement décrites en annexe.
2 > Introduction 11 2.1 Diversité génétique Stratégie Biodiversité Suisse: Objectif n° 4 «D’ici à 2020, l’appauvrissement génétique est freiné et si possible stoppé. La préservation et l’utilisation durable des ressources génétiques, animaux de rente et plantes cultivées compris, sont assurées.» La diversité génétique des organismes vivants constitue un des fondements de la biodiversité globale de notre planète, au même titre que la variété des espèces et des écosystèmes. Elle figure d’ailleurs parmi les dix objectifs de la «Stratégie Biodiversité Suisse (SBS)» approuvés par le Conseil fédéral en 2012. Il est en effet démontré que la diversité génétique joue un rôle fondamental pour la conservation des espèces, ainsi que pour la stabilité et le fonctionnement des écosystèmes. La diversité des gènes (diversité génétique dans le présent document) observée au sein d’une espèce et de ses populations est le fruit de mutations sur le génome, de recombi- naisons, du flux et de la dérive génétique, ainsi que d’adaptations locales aux condi- tions environnementales (en réponse à la sélection naturelle). Les individus dont les gènes procurent un avantage sélectif sur les autres individus de la population, dans des conditions environnementales définies, présentent un meilleur taux de reproduction. Avec le temps, la fréquence de ces gènes va donc augmenter au sein de la population. La possibilité de s’adapter en permanence aux conditions de l’environnement dépend donc de l’éventail de gènes présent dans la population. C’est pourquoi la diversité génétique est un facteur déterminant pour la pérennité des espèces et leur évolution [2]. En l’absence de toute diversité génétique, aucune adaptation à un changement envi- ronnemental n’est possible. Sa préservation représente donc un enjeu majeur en biolo- gie de la conservation. Autrement dit, plus la diversité génétique est grande au sein d’une population, plus sa capacité de résilience est élevée et donc ses chances de survie importantes. La diversité génétique peut être intra-populationnelle (entre individus de la même population) ou inter-populationnelle (entre individus de différentes populations). Cette dernière représente une mesure de différenciation génétique entre populations cou- ramment utilisée (la valeur FST). Plus les différences génétiques observées entre popu- lations sont importantes, plus la part de la diversité inter-populationnelle est grande par rapport à la diversité génétique totale d’une espèce.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 12 2.2 La conservation génétique Les caractéristiques génétiques d’une population se modifient sans cesse sous l’effet combiné de la sélection naturelle et de la dérive génétique. L’influence de ces facteurs est étroitement liée à la taille de la population. Les petites populations isolées sont particulièrement vulnérables aux effets de la dérive génétique. C’est pourquoi elles sont généralement plus exposées aux effets négatifs de la consanguinité. Cette dernière peut contribuer à la disparition de la population lorsque la diversité génétique est faible et que s’accumulent les allèles délétères. 2.3 Pourquoi un repeuplement avec des poissons étrangers à la région peut-il être préjudiciable? Certains gestionnaires font valoir l’argument selon lequel un repeuplement pratiqué avec des poissons originaires de populations géographiquement éloignées accroît la diversité génétique de la population locale et, par conséquent, augmente ses chances de survie. Dans ce contexte, il est important de préciser qu’un flux génétique artificiel entre populations éloignées ne peut s’avérer bénéfique que lorsque la population locale est exposée à un problème de consanguinité. Si ce n’est pas le cas, cette démarche risque de s’avérer extrêmement préjudiciable. En effet, le mélange entre populations éloignées peut provoquer une perte des adaptations locales et, ainsi, rendre la popula- tion plus vulnérable (perte de fitness). Contrairement à ce que l’on observe chez cer- tains grands mammifères menacés, la consanguinité est assez rare chez le poisson vivant en conditions naturelles (le risque de consanguinité se manifeste en élevage). L’objectif majeur d’une gestion piscicole durable consiste à préserver les caracté- ristiques génétiques de chaque population d’une espèce. 2.4 Plasticité et adaptations locales Les individus d’une même espèce mais provenant de différents cours d’eau présentent souvent des aspects externes (p. ex. morphologie) ou internes (p. ex. physiologie) caractéristiques. La diversité de la robe des truites du bassin versant atlantique obser- vable en Suisse en constitue un bon exemple (fig. 1). Ces différences peuvent s’expliquer soit par la plasticité phénotypique, soit par des différences génétiques.
2 > Introduction 13 Fig. 1 > Échantillons de robes de truite (Salmo trutta) observables sur le bassin atlantique helvétique Les points, les couleurs et les dessins sont extrêmement variés. Image tirée de [3] La plasticité phénotypique exprime la faculté d’un organisme à modifier son phénotype en réponse aux variations de l’environnement sans modification du génome [4]. Les variations morphologiques générées par plasticité phénotypique peuvent améliorer la fitness d’un individu. La plasticité phénotypique n’est toutefois pas transmissible d’une génération à l’autre; en revanche, le degré de cette faculté présente une composante génétique qui peut être héritée [5]. A contrario, un gène donnant un avantage morphologique ou comportemental à un individu a le potentiel d’être transmis d’une génération à l’autre. Au fil du temps et sous l’effet de la sélection naturelle, les génotypes, et donc les phénotypes conférant un avantage sélectif, deviennent de plus en plus nombreux au sein de la population. À terme, ce processus évolutif est à l’origine des adaptations locales inscrites dans le génome. Les gestionnaires ont donc également la tâche de préserver les adaptations locales de chaque population en interférant le moins possible avec les processus évolutifs en cours.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 14 2.5 Définition des unités de gestion Par le passé, la gestion piscicole a longtemps été effectuée par espèce, sans tenir compte de l’origine géographique des populations. Ainsi, de nombreux poissons de provenance lointaine ont été introduits dans les eaux suisses. Aujourd’hui, la législation fédérale sur la pêche exige une autorisation de la Confédération pour l’introduction de poissons étrangers à la région (LFSP, art. 6). Sont notamment considérées comme étrangères à la région les populations génétiquement éloignées des populations du lieu d’introduction (OLFP, art. 6, al. 2). Cette autorisation vise entre autres à empêcher le transfert incontrôlé de poissons d’un bassin versant à un autre. Aucune autorisation de la Confédération n’est en revanche nécessaire pour l’immersion de poissons indigènes provenant du même bassin versant que celui du lieu d’introduction (OLFP, art. 8, al. 2). Les unités de gestion basées sur la différenciation génétique ou les adaptations locales doivent donc être définies par les cantons afin de préserver les races locales (OLFP, art. 8, al. 3). De manière générale, ces principes corroborent les recommandations scientifiques en matière de conservation. La littérature suggère en effet d’utiliser les différences géné- tiques et les adaptations locales d’une espèce pour définir les unités adéquates de gestion et de conservation [6, 7]. Deux approches emboîtées sont utilisées aujourd’hui: > Evolutionary Significant Unit (ESU); > Management Unit (MU). Une ESU représente une unité de gestion qui contient une composante évolutive de l’espèce. Une différence génétique unique observée sur un marqueur sélectivement neutre (comme un microsatellite) ne suffit donc pas à définir une ESU, qui vise à conserver de manière pérenne le potentiel évolutif de l’espèce [6]. En général, une ESU renferme plusieurs MU. Une MU ne tient pas compte des facteurs écologiques et évolutifs dans sa définition. Elle est en principe définie à partir de différences génétiques entre populations obser- vées sur des marqueurs génétiques neutres [7]. En pratique, ces recommandations conduisent à une gestion piscicole sur mesure, conçue par espèce, par bassin versant, par cours d’eau, voire même par section de cours d’eau, en veillant à éviter tout transfert artificiel entre unités de gestion par des repeuplements.
3 > Les truites (Salmo sp.) 15 3 > Les truites (Salmo sp.) --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3.1 Statut taxonomique En Suisse, la truite est présente sous la forme de cinq lignées évolutives génétiquement distinctes qui doivent, en termes de gestion, être considérées comme des espèces à part entière (fig. 2) [8]: la truite atlantique (Salmo trutta), la truite marbrée (Salmo marmo- ratus), la truite zébrée (Salmo rhodanensis), la truite adriatique (Salmo cenerinus) et la truite danubienne (Salmo labrax). Fig. 2 > Distribution historique des différentes espèces de truite de Suisse d’après [3], modifié 3.2 Études à l’échelle nationale La synthèse ci-après a été réalisée à partir des travaux sur la truite menés par l’EAWAG et l’Université de Berne [9–11]. Trente populations provenant de neuf cours d’eau suisses ont été analysées, ce qui représente plus de 850 individus issus des bassins versants du Rhin, du Rhône (sous-bassin du Doubs) et du Pô (Tessin, Adige) (fig. 3).
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 16 Fig. 3 > Localisation des 30 populations étudiées [11] 3.2.1 Études basées sur la méthode des microsatellites Au total, 18 loci microsatellites ont été analysés [9], dont dix neutres et huit associés à des gènes (et donc influencés par la sélection naturelle). Les analyses ont révélé que, globalement, les populations de truites helvétiques peu- vent encore être distinguées génétiquement et ce malgré les nombreux mélanges de populations intervenus au fil du temps par l’action de l’homme (repeuplements). Chaque bassin versant montre encore une part plus ou moins importante de souches de truite présentes originellement. Cependant, avec une valeur FST moyenne de 0,062, la différence génétique entre les populations est modérée. Les différences génétiques entre populations de bassins versants distincts sont plus élevées qu’entre populations à l’intérieur du même bassin versant. En conclusion, les repeuplements réalisés à large échelle ont affecté l’intégrité géné- tique des peuplements originels, sans toutefois y éradiquer totalement les espèces de truites natives. Par ailleurs, cinq loci microsatellites associés à des gènes et suspectés de ne pas être neutres montrent des différences parmi les bassins versants. De plus, d’autres microsatellites suggèrent la présence d’une adaptation locale de tolérance à des températures élevées.
3 > Les truites (Salmo sp.) 17 3.2.2 Études basées sur la méthode des ALFP Dans la même étude et à l’aide des mêmes échantillons, 229 loci AFLP polymorphes et 369 individus ont également été analysés [9]. Les résultats confirment la distinction des trois bassins versants analysés et l’introgression systématique de la truite atlantique observée à l’aide des microsatellites (fig. 4). En plus, l’étude des AFLP confirme la présence d’une adaptation locale liée à l’altitude parmi les différents bassins versants. Fig. 4 > Analyse STRUCTURE (à partir des données AFLP) des différentes populations de truite échantillonnées par grands bassins versants la couleur bleue correspond à la truite atlantique (S. trutta) du bassin versant du Rhin, la couleur rouge à la truite adriatique (S. cenerinus) du bassin versant du Pô et la couleur verte à la truite zébrée (S. rhodanensis) du bassin versant du Doubs (Allaine). 3.3 Études à l’échelle locale ou régionale 3.3.1 Les truites de l’Allaine Les analyses génétiques effectuées [12] montrent la coexistence de deux espèces de truite dans l’Allaine: > La truite zébrée (S. rhodanensis), qui est la souche méditerranéenne native dans le bassin du Doubs. > La truite atlantique (S. trutta), qui y a été introduite. Les deux espèces de truite cohabitent dans la même rivière. Depuis sa source jusqu’à Porrentruy, l’Allaine est dominée par la truite atlantique. Sur le secteur aval, entre Porrentruy et la frontière française, la truite zébrée méditerranéenne (S. rhodanensis) est majoritaire (fig. 5). Les données génétiques sont corroborées par l’observation des phénotypes, les adultes atlantiques étant beaucoup plus nombreux en amont qu’en aval. Bien que la reproduction des deux espèces se déroule simultanément et partiellement sur les mêmes frayères, leur taux d’hybridation reste faible. Cela suggère l’existence de mécanismes d’isolement permettant d’éviter une hybridation générale. La nature de ces mécanismes n’a pas encore pu être déterminée. Il faut toutefois noter que l’Allaine n’a pas fait l’objet de mesures de repeuplement en truite de 2001 à 2012.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 18 En matière de gestion, il est donc recommandé: > D’éviter tout transfert d’individus au sein du bassin de l’Allaine (de même qu’entre la rivière principale et les affluents). > De cesser toute introduction de truites atlantiques ou de toute autre souche non autochtone de l’Allaine dans cette rivière. Fig. 5 > Carte des sites de prélèvements L’analyse STRUCTURE à l’aide des AFLP est représentée dans les carrés. Chaque barre verticale représente un individu appartenant soit à S. rhodanensis (en rouge), soit à S. trutta (en vert). Les barres comportant deux couleurs représentent des hybrides ayant des contributions génétiques des deux espèces (d’après [12], modifié).
3 > Les truites (Salmo sp.) 19 3.3.2 Les truites du Tessin Historiquement, le bassin du Pô était colonisé par la truite marbrée (S. marmoratus) et la truite adriatique (S. cenerinus) [8]. Suite à des repeuplements répétés à l’aide de la truite atlantique (S. trutta), les populations natives ont été fortement introgressées. Des analyses génétiques ont été effectuées à l’aide de six loci microsatellites afin d’évaluer dans quelle mesure les populations natives de salmonidés subsistent aujourd’hui dans le Tessin [13]. Les résultats montrent que, dans le Tessin et ses affluents (TI sur la fig. 6), la truite native S. marmoratus (en jaune dans la fig. 7) a presque disparu et a été remplacée par la truite atlantique (en vert et en rouge dans la fig. 7). Seuls quelques individus avec une proportion élevée de gènes typiques de la lignée marmoratus ont pu être observés dans la Melezza. Par ailleurs, la structure génétique des populations du Tessin et de ses affluents diffère sensiblement de celle des truites de pisciculture (HAT dans la fig. 7), pourtant utilisées pour le repeuplement de cette rivière. Les truites domestiques issues de pisciculture ne semblent ainsi contribuer que faiblement au recrutement des populations sauvages, ces dernières étant essentiellement issues de la reproduction naturelle d’une truite atlan- tique non indigène. En outre, la diversité génétique des poissons sauvages apparaît significativement plus élevée que celle des poissons issus de pisciculture. En conclusion, les truites marmoratus et cenerinus natives du bassin du Pô ont presque complètement disparu des rivières du canton du Tessin. Seuls quelques individus appartenant génétiquement à la truite marbrée ont été capturés dans la Melezza (n° 2, fig. 7). Les truites lacustres capturées dans le Toce/Anza (n° 3, fig. 7) sont bien d’ori- gine marbrée mais présentent de fortes introgressions avec la truite atlantique. Dans la mesure du possible, ces souches ancestrales devraient être préservées et pro- mues.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 20 Fig. 6 > Sites de prélèvements (points noirs) avec les secteurs de rempoissonnement du Tessin par les piscicultures respectives (lettres majuscules) [13] Fig. 7 > Analyse STRUCTURE selon la méthode des ALFP MT = truite marmoratus (1 = élevage tessinois de marmoratus, 2–3 = affluents du lac Majeur, 4 = souche de référence slovène), HAT = souche de pisciculture tessinoise (5–8), TI = truites du Tessin et de ses affluents (9–15), Atl = truite atlantique (16, Suède), Med = truite méditerra- néenne (17, Doubs).
3 > Les truites (Salmo sp.) 21 3.3.3 Les truites des affluents du lac de Thoune Au total, 606 truites atlantiques (S. trutta) provenant de dix populations du bassin versant du lac de Thoune (fig. 8) ont été analysées à l’aide de onze loci microsatellites [14, 15]. Fig. 8 > Sites de prélèvements dans le bassin du lac de Thoune Adapté selon [14, 15]. L’étude visait tout d’abord à évaluer les différences génétiques entre les truites présen- tant un phénotype lacustre et celles présentant un phénotype de rivière, en se basant sur des marqueurs sélectivement neutres. Les résultats ne révèlent aucune différence signi- ficative entre les deux écotypes. Les différences génétiques entre truites de rivière issues de différents affluents du lac de Thoune sont plus grandes que les différences génétiques entre truites lacustres et truites de rivière d’un même cours d’eau (Kander). L’étude confirme donc l’hypothèse selon laquelle la truite de lac n’est pas une espèce à part entière mais plutôt l’une des formes de la truite atlantique. Les auteurs ont ensuite analysé l’affinité génétique entre les différentes populations. Les résultats montrent qu’à une exception près, toutes les populations sont génétique- ment différenciées les unes des autres. Les écarts sont plutôt faibles et comparables à ceux obtenus dans d’autres études génétiques de truites à l’échelle régionale en Suisse. L’étude démontre également que la souche utilisée en pisciculture est génétiquement différente de la population d’origine de la Kander. Elle révèle un impact contrasté du repeuplement: alors que ce dernier n’a laissé quasiment aucune trace dans certaines populations (Kander et Lombach), de fortes introgressions ont été constatées dans d’autres cours d’eau (Hünibach et Simme). Finalement, l’étude montre que la majorité
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 22 des truites lacustres capturées dans le lac sont originaires de la Kander et de la Simme et qu’une part relativement importante provient du bassin du lac de Brienz. En conclusion, les auteurs proposent que les unités de gestion du bassin versant du lac de Thoune, qui étaient déjà ramenées à l’échelle du sous-bassin versant, soient systé- matiquement affinées au niveau de chaque cours d’eau (une MU par cours d’eau). Tout repeuplement mélangeant les souches doit être évité. Les auteurs proposent d’améliorer les stocks de géniteurs utilisés en pisciculture, afin d’éviter une perte de diversité génétique provoquée par le repeuplement. 3.3.4 Les truites de l’Aar et de ses affluents Au total, 603 truites atlantiques (S. trutta) provenant de 21 populations du bassin versant de l’Aar entre le lac de Thoune et Berne ont été analysées à l’aide de onze loci microsatellites [16]. L’objectif était de savoir si les truites des différents cours d’eau variaient d’un point de vue génétique et/ou phénotypique. Les résultats révèlent que, malgré la proximité géographique entre populations (2 à 44 km), 88 % des différences génétiques entre populations comparées deux par deux (FST) sont significatives. Les valeurs FST sont cependant assez faibles, mais compa- rables à celles obtenues dans d’autres études sur la truite en Suisse. Les données géné- tiques ne montrent aucun signe de déficit en diversité génétique. En parallèle, l’analyse des phénotypes démontre que 50 % des populations sont mor- phologiquement distinctes les unes des autres et que les différences phénotypiques sont corrélées avec la pente des cours d’eau, ce qui pourrait s’expliquer par une adaptation aux conditions locales. Dans leur publication, les auteurs n’émettent aucune recommandation particulière en matière de gestion. Le canton de Berne applique déjà une approche par sous-bassins versants, voire même par cours d’eau, qui semble porter ses fruits. L’étude confirme les résultats obtenus dans le bassin versant du lac de Thoune [14, 15], qui suggèrent que chaque cours d’eau contribue significativement à la diversité génétique globale et doit donc former une unité de gestion à part entière (MU). L’étude met également en évidence la forte influence de la pente sur la morphologie des truites. Cette observation suggère que les cours d’eau de types différents – se distinguant par exemple par la pente – pourraient abriter des populations de truites spécifiquement adaptées à leurs caractéristiques locales.
3 > Les truites (Salmo sp.) 23 3.3.5 Les truites du bassin du lac des Quatre-Cantons Dix populations de truite atlantique (S. trutta) du bassin versant du lac des Quatre- Cantons (fig. 9) ont été analysées à l’aide de 14 loci microsatellites [17]. En complé- ment, l’auteur a analysé la coloration, la morphologie et le régime alimentaire de chaque individu. L’objectif de l’étude était de savoir si les truites des différents cours d’eau se distinguaient les unes des autres génétiquement et morphologiquement. Les résultats révèlent que la plupart des populations sont significativement différentes au plan génétique (tableau 2). Les écarts sont plutôt faibles, mais correspondent à ce qu’indiquent les études similaires réalisées dans d’autres bassins versants en Suisse. L’analyse parallèle des phénotypes révèle de son côté que le type d’alimentation hydrique des cours d’eau a une influence sur la morphologie des truites. Ainsi, les truites vivant dans des rivières principalement alimentées par les eaux souterraines pré- sentent un corps plus trapu et une tête plus courte que celles des milieux à régime pluvio-nival, alimentés par les eaux de surface. Des différences ont également été observées au niveau de la coloration des poissons. Fig. 9 > Sites de prélèvements dans le bassin du lac des Quatre-Cantons [17]
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 24 Tab. 2 > Valeurs FST entre les populations du bassin versant du lac des Quatre-Cantons N2 CS SR GM EA WB GB SB KB SG N2 -
3 > Les truites (Salmo sp.) 25 unité de gestion (MU) fortement artificialisée par le repeuplement. Cette conclusion doit cependant être relativisée compte tenu du peu de loci analysés et des valeurs similaires des FST par rapport aux autres études génétiques sur la truite en Suisse. Fig. 10 > Sites de prélèvements dans le bassin de la Birse Adapté selon [18] 3.3.7 Les truites des lacs de Sils et de Poschiavo En 2012, une campagne de prélèvements a été menée dans les lacs de Sils et de Pos- chiavo dans le cadre du «Projet Lac». Au total, 62 truites rassemblant les différents phénotypes observés (fig. 11) ont été analysées à l’aide de plus de 20 000 loci SNP [19]. L’objectif de l’étude était de savoir si plusieurs espèces de truite pouvaient coexister au sein d’un même lac.
Génétique et Pêche. Synthèse des études génétiques et recommandations en matière de gestion piscicole OFEV 2016 26 Fig. 11 > Phénotypes observés dans le lac de Poschiavo en 2012 [19] Dans le lac de Poschiavo, l’étude a révélé une forte hybridation entre les différentes espèces de truite des trois bassins versants (Pô, Danube et Rhin). Les individus n’ont pas pu être assimilés à l’une des quatre espèces de truites vivant potentiellement dans le lac (S. trutta, S. cenerinus, S. marmorata, S. labrax). En revanche, un lien entre phénotype et génotype a pu être identifié. Il convient en conséquence de mettre en place une politique de gestion piscicole favorisant le développement de génotypes typiques de la station.
3 > Les truites (Salmo sp.) 27 Dans le lac de Sils, deux populations de truite génétiquement différenciées ont pu être identifiées. L’une appartient à la lignée des truites atlantiques (S. trutta) et l’autre à celle du Danube (S. labrax). Le lac de Sils semble donc abriter deux truites génétique- ment distinctes qui ne s’hybrident apparemment pas. Aucun lien n’a cependant pu être mis en évidence entre le phénotype et le génotype. En l’absence de documents histo- riques ou d’informations qui auraient permis de définir quelle truite est autochtone, il est recommandé par précaution de gérer séparément les deux espèces. 3.3.8 Les truites des Grisons et du Tessin Dans le cadre du «Progetto Fiumi», 722 truites issues de 23 populations des bassins du Rhin alpin, de l’Inn, du Poschiavino et du Tessin (fig. 12) ont été analysées à l’aide de treize loci microsatellites et, pour une partie d’entre elles, à l’aide d’ADN mitochon- drial [20]. L’objectif était d’étudier la diversité génétique et phénotypique et de carac- tériser les rapports entre ces deux types de diversité. Fig. 12 > Sites de prélèvements dans les bassins versants du Rhin alpin, de l’Inn, du Poschiavino et du Tessin [20]
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