Habitudes alimentaires de deux poissons-chats, Arius latiscutatus Günther, 1864 et Arius gigas Boulenger, 1911 dans les baies de Tabounsou et de ...

 
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Habitudes alimentaires de deux poissons-chats, Arius latiscutatus Günther, 1864 et Arius gigas Boulenger, 1911 dans les baies de Tabounsou et de ...
Koivogui et al., 2021              Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
                                   Vol.47 (2): 8460-8471 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v47-2.4

 Habitudes alimentaires de deux poissons-chats, Arius
  latiscutatus Günther, 1864 et Arius gigas Boulenger,
   1911 dans les baies de Tabounsou et de Sangaréah
                (République de Guinée)
KOIVOGUI Pierre (1), KONAN Yao Aristide (2)*, YAO Stanislas Silvain (2), KONE Tidiani(3) &
KOUAMELAN Essetchi Paul (2)
1. Centre de Recherche Scientifique de Conakry Rogbané (CERESCOR), République de Guinée
2. Unité de Pédagogie et de Recherche en Hydrobiologie, UFR Biosciences, Université Félix Houphouët-Boigny (UFHB)
d’Abidjan, Côte d’Ivoire
3. Laboratoire de Biodiversité et Écologie Tropicale, UFR Environnement, Université Jean Lorougnon Guédé, BP 150 Daloa
 * Auteur correspondant : ariskoya@yahoo.fr

Mots clés : Ariidae, baie, chevauchement, indice de vacuité, crustacés, carnivore.
Keywords : Arridae, Bay, overlap, vacuity index, crustaceans, carnivorous

Publication date 28/02/2021, http://m.elewa.org/Journals/about-japs/

1       RÉSUMÉ
Les habitudes alimentaires de Arius latiscutatus et A. gigas, deux espèces de poissons-chats
de la famille des Ariidae,ont été étudiées en fonction des saisons et du stade ontogénique
dans les baies de Tabounsou et de Sangaréah en République de Guinée. Les poissons ont été
capturés mensuellement entre janvier et décembre 2016 à l’aide de filets maillants et d’autres
engins. L’indice de prépondérance (Ip) a été utilisé pour analyser l’importance des différents
items identifiés. Au total 448 et 258 estomacs de A. latiscutatus et de A. gigas ont
respectivement été analysés avec des coefficients de vacuité respectifs de 17,41% et 21,70%.
Le régime alimentaire général est composé de 5 grandes catégories de proies : les poissons,
les crabes et les crevettes (crustacés), les mollusques et les détritus. Chez les deux espèces,
les régimes alimentaires sont significativement chevauchants, les crustacés représentent des
proies principales chez A. gigas (Ip=52,87) et des proies secondaires chez A. latiscutatus
(Ip=41,87), et les poissons, des proies secondaires chez les deux espèces (25
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ABSTRACT
The feeding habits of two catfishes inhabiting Tabounsou and Sangareah Bays in Guinea
Republic were investigated according to season and size. Fish were collected monthly from
January and December 2016 using gillnets and other gear. The index of preponderance (Ip)
was used to analyze the proportion of different prey items identified in stomach content. A
total of 448 and 258 specimens of A. latiscutatus and A. gigas were analyzed respectively, with
a respective vacuity index of 17.41% and 21.70%. The general diet was composed by five main
preys: fish, crabs and shrimps (crustaceans), molluscs and detritus. The diet was significantly
overlapping in both species, crustaceansrepresent the main prey in A. gigas (Ip = 52.87) and
secondary prey in A. latiscutatus (Ip = 41.87), and fish, secondary prey in the two species
(25
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espèces A. latiscutatus et A. gigas et analyser le     ontogénique dans les baies de Tabounsou et de
chevauchement et les variations saisonnière et         Sangaréah.

3        MATERIEL ET METHODES
3.1      Milieu d’étude : Les baies de                 m, et de 12 à 16 m vers l'océan (Diakité et al.,
Tabounsou et Sangaréah sont situées au sud-            2003). Ces baies sont principalement dominées
ouest de la République de Guinée (9°-10° N et          par des forêts de mangroves composées de
13°-14° O) (Figure 1) entre les villes de Conakry,     plusieurs arbres tels que Rhizophora racemosa, R.
Dubréka et Boffa (Diakité et al., 2003). La baie       harrisonii, R. mangle, Avicennia nitida, Laguncularia
de Tabounsou reçoit plusieurs rivières telles que      racemosa et Conocarpus erectus (SDAM, 1993). Le
deux rivières permanentes Kitema et Sarinka, et        climat est de type tropical caractérisé par
trois rivières temporaires, Katembé, Tombolia et       l’alternance de deux saisons : la saison des pluies
Dabonvi. La majeure partie du débit de la rivière      qui s’étend de mai à octobre et la saison sèche
dans la baie de Sangaréah provient des rivières        allant de novembre à avril (Pocard, 2000).
Konkouré et Soumba. Les raz-de-marée                   Plusieurs points d’échantillonnage ont été
parcourent de longues distances et montent en          définis sur chaque baie en fonction de leur
amont des rivières. La profondeur de la zone           accessibilité et de la diversité des habitats (Figure
près de l'embouchure de la rivière varie de 2 à 4      1).

 Figure 1. Cartographie des baies de Tabounsou et de Sangaréah (République de Guinée) indiquant
                                     les sites d’échantillonnage.

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3.2      Méthodes                                        taille. Les tailles de première maturité sexuelle de
3.2.1 Collecte des données : Les spécimens               A. latiscutatus et de A. gigas ont été
de A. latiscutatus et de A. gigas ont été capturés       respectivement de 39,70 cm et 40,8 cm dans les
mensuellement de janvier à décembre 2016 à               baies Tabounsou et Sangaréah (Koivogui et al.,
l’aide de filet maillant dormant (80 mm de               2020). Ainsi, les juvéniles (LF
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4       RESULTATS
4.1     Structure en taille et coefficient de              soumises au test de Chi-deux, ne montrent pas
vacuité : Les mesures morphométriques                      de différence significative (χ2=0,80 ; p>0,05). Le
effectuées chez les deux espèces sont consignées           coefficient de vacuité a varié en fonction des
dans le tableau 1. Les spécimens de A. gigas               milieux d’échantillonnage des deux espèces mais
avaient une longueur moyenne (38,19±3,10 cm)               les différences observées ne sont pas
comparativement plus élevée que les individus              significatives (p>0,05) (Tableau 1). Les
de A. latiscutatus (37,96±3,70 cm) mais, les               variations saisonnières de l’indice de vacuité ont
différences dans la distribution des fréquences            affiché des valeurs de 19,20% et 16% chez A.
ne sont pas significatives (KS, p>0,05) suggérant          latiscutatus en saison sèche et pluvieuse,
que les deux populations appartiennent à des               respectivement. Chez A. gigas ces valeurs sont
gammes de taille similaires. Sur un effectif de 448        20,45% et 19,05% en saison sèche et pluvieuse,
spécimens de A. latiscutatus et de 258 A. gigas            respectivement. Une tendance à des valeurs plus
examinés, 78 et 56 estomacs étaient vides,                 élevées de cet indice est observée en saison sèche
respectivement, soit des coefficients de vacuité           chez les deux espèces mais les différences sont
respectifs de 17,41 % et 21,70%. Ces valeurs,              restées non significatives (p>0,05).

Tableau 1. Structure en taille des populations de A. latiscutatus et de A. gigas et coefficient de vacuité
(CV) dans les baies de Tabounsou et de Sangaréah (République de Guinée).
                                  les 2 baies                      Tabounsou           Sangaréah
 Espèces
                  n LF, min-max LF, Moy±EC CV                        n1        CV1        n2       CV2
 A. latiscutatus 448 26,28-49,87         37,96±3,70       17,41 231           12,99      217      22,12
 A. gigas        258 32,89-49,18         38,19±3,10       21,70 133           21,05      125      22,4
LF = longueur à la fourche en cm ; n = effectif, min = minimum ; max = maximum ; Moy = moyenne ; EC = écart-type.

4.2      Composition générale du régime                    les poissons (33,18) et les crustacés (41,87) sont
alimentaire : Dans l’ensemble, cinq catégories             des proies secondaires chez A. latiscutatus tandis
de proies ont été identifiées dans les estomacs            que les crustacés représentent des proies
des deux espèces : les poissons, les crevettes et          principales chez A. gigas (52,87). Les régimes
crabes appartenant aux crustacés, les mollusques           alimentaires des deux espèces ont été
et les détritus (Tableau 2). Les poissons et les           significativement chevauchants (α = 0,87) et la
mollusques ont été plus fréquents dans les                 comparaison n’a pas montré de différences
estomacs de A. latiscutatus (23,72% et 23,73%              significatives (Khi-deux, p>0,05). Le coefficient
respectivement) tandis que les crabes et les               intestinal moyen est de 1,80 et 1,83 chez A. gigas
crevettes (24,76% et 29,05%) ont été plus                  et A. latiscutatus, respectivement. Les valeurs de
fréquemment rencontrés dans les estomacs de                CIM ont varié de 1,78 à 1,88 respectivement
A. gigas. Chez les deux espèces, le pourcentage            chez les deux espèces à Sangaréah et de 1,76 à
pondéral des poissons et des crabes a été le plus          1,78 à Tabounsou.
élevé. Sur la base de l’indice de prépondérance,

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Tableau 2. : Composition du régime alimentaire de Arius latiscutatus et de Arius gigas dans les baies de
Tabounsou et de Sangaréah (République de Guinée)
                   A. latiscutatus (n=370)                   A. gigas (n=202)
Proies
                   F            P             Ip             F             P              Ip
Poissons           23,72        31,72         33,18          20,48         30,35          27,95
Crustacés                                     41,87                                       52,87
Crabes             17,52        23,04         17,80          24,76         27,55          30,68
Crevettes          29,2         18,7          24,07          29,05         16,99          22,19
Mollusques         23,73        22,97         24,03          19,52         20,41          17,92
Détritus           5,84         3,57          0,92           6,19          4,50           1,26

4.3      Variation spatiale du régime                  (Ip0,05). Par ailleurs, les
crustacés représentent les proies secondaires          régimes alimentaires des deux espèces ont été
(42,45 à Tabounsou et 47,66 à Sangaréah), les          significativement chevauchant à Tabounsou et à
poissons, les détritus sont des proies accessoires     Sangaréah (α=0,88) et à Tabounsou (α=0,86).

Tableau 3 : Variation du régime alimentaire de Arius latiscutatus et de Arius gigas dans les baies de
Tabounsou (TAB) et de Sangaréah (SAN) (République de Guinée)
                             A. latiscutaus                                    A. gigas
Proies        TAB (n=201)                SAN (n=169)            TAB (n=105)              SAN (n=97)
             F     P    Ip              F     P    Ip          F     P    Ip           F     P    Ip
Poissons   21,3 29,51 27,99           15,38 26,25 20,54      21,91 29,98 29,99       18,10 34,34 31,98
Crustacés              42,45                      47,66                  52,33                   43,04
Crevettes  28,40 18,84 23,82          27,22 18,21 25,22      32,38 18,08 26,72       25,71 15,15 20,05
Crabes     17,75 23,57 18,63          17,75 24,86 22,44      20,95 26,77 25,61       17,14 26,05 22,99
Mollusques 26,04 24,63 28,55          21,3 21,12 22,89       17,14 20,52 16,07       20,00 20,21 20,81
Détritus   6,51 3,45 1,01             18,35 9,56 8,91        7,62 4,65 1,61          19,05 4,25 4,17

4.4    Variation saisonnière du régime                 significative du régime alimentaire. Chez A.
alimentaire : Les données saisonnières pour les        latiscutatus, les crevettes avaient un indice de
deux baies (Tabounsou et Sangaréah) ont été            prépondérance élevé en saison des pluies (34,42)
combinées en raison de la variation spatiale non       par rapport à la saison sèche (27,79)
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contrairement à la proportion des poissons qui a        contrairement à la saison pluvieuse (23,70). En
diminué en saison des pluies (13,70) (Figure 2).        saison sèche, toutes les autres proies sont
Les variations des mollusques, détritus et crabes       accessoires (Ip
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Figure 3 : Variation en fonction de la taille du régime alimentaire de A. latiscutatus et de A. gigas dans
les baies de Tabounsou et de Sangaréah (République de Guinée)

5         DISCUSSION
La présente étude a porté sur la composition du          des poissons-chats. En effet, 13 catégories de
spectre alimentaire, l’abondance et le                   proies ont été recensées chez 4 espèces de
chevauchement des régimes alimentaires de A.             poissons-chats Arius arius, A. maculatus, A.
latiscutatus et de A. gigas dans les baies de            subrostratus et Mystusgulio dans l’estuaire de
Tabounsou et de Sangaréah. Les coefficients de           Cochin (Maitra et al. 2019). Ces proies sont
vacuité ont varié de 17, 41% à 21,70% pour A.            composées principalement de crevettes et
latiscutatus et A. gigas respectivement et les           crabes, mollusques, poissons et polychètes. Chez
différences n’ont pas été significatives. Ces            les trois espèces, Arius felis, A. melanopus et
coefficients de vacuité ont varié faiblement en          Bagremarinus vivant dans une lagune tropicale au
fonction des saisons. Des valeurs plus élevées           Mexique, les proies rencontrées dans les
(40,40%) de cet indice ont été obtenues en               estomacs ont été diversifiées à savoir, les
saison sèche chez Clarias buettikoferi (Konan et al.,    échinodermes, les annélides, les copépodes, les
2014). Les valeurs relativement faibles de cet           crevettes, les poissons, des œufs et larves de
indice dans les baies de Tabounsou et de                 divers invertébrés et des débris végétaux (Yanez-
Sangaréah peuvent témoigner d’une plus grande            Arancibia et Lara-Dominguez, 1988). Un spectre
disponibilité des proies dans ce milieu (Castillo-       de proies plus large a été obtenue chez Clarias
Rivera, 2013).                                           gariepinus et Clarias buettikoferi, respectivement
Le spectre alimentaire des deux espèces est              dans le lac Koka en Ethiopie et dans la forêt des
composé de 5 items regroupés en 4 catégories de          marais Tanoé-Ehy (Dadebo et al., 2014 ; Konan
proies, les poissons, les crustacés, les mollusques      et al., 2014).
et les détritus composés de fraction animale et          La présente étude indique que le spectre
de restes d’aliments digérés. Ces résultats ont été      alimentaire de A. latiscutatus et A. gigas est
comparés à d’autres travaux sur l’alimentation           restreint dans les baies de Tabounsou et de

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Sangaréah et cela peut être lié à l’accessibilité des    de mangrove couvrant une large superficie dans
ressources alimentaires dans le milieu. En effet,        les baies de Tabounsou et de Sangaréah. La
Paugy et Lévêque (2006) ont indiqué que les              présente étude a indiqué un indice de
proies stomacales peuvent varier en quantité et          chevauchement significatif (Langton, 1982) des
en qualité d’un milieu à l’autre. Par ailleurs, la       régimes alimentaires. Ces résultats semblent
méthode de capture des échantillons est aussi            indiquer une proximité des niches écologiques.
susceptible d’impacter le nombre de proies               Plusieurs      travaux      ont    montré       des
identifiées. Dans la présente étude, la pêche            chevauchements de régime alimentaire pour des
passive a été utilisée et il se peut que les petites     espèces vivant dans le même milieu. Par
proies telles que les organismes planctoniques et        exemple, Kroetz et al. (2017) ont signalé un
les larves d’invertébrés aient été digérés avant la      chevauchement significatif des niches entre deux
conservation       des     estomacs      dans      le    mésoprédateurs dans les estuaires du golfe du
formaldéhyde. L’abondance des détritus dans les          Mexique où il y avait une variation
estomacs pourrait justifier l’état d’avancement de       intraspécifique significative dans le régime
la digestion chez ces deux espèces.                      alimentaire des deux espèces. Dantas et al. (2013)
De façon générale, les crevettes et les crabes ont       ont observé un chevauchement significatif du
dominé le régime alimentaire et ont été des              régime alimentaire saisonnier entre deux espèces
proies principales chez les deux espèces, ce qui         d'Ariidés Cathorops spixii (Agassiz 1829) et
leur confère un régime carnivore avec une                Cathorops agassizii (Eigenmann & Eigenmann
préférence pour les crustacés. Dans la présente          1888) dans l’estuaire de Goiana au Brésil. Les
étude, les deux espèces consomment divers                chevauchements de régime alimentaire sont très
types de proies mais ont tendance à se spécialiser       souvent      à     l’origine    de    compétition
dans la consommation des crustacés décapodes.            interspécifique. Toutefois, A. gigas, étant une
Les valeurs du CIM qui ont été de 1,80 et 1,83           espèce migratrice et capable de remonter les
respectivement chez A. gigas et A. latiscutatus          cours d’eaux (Marceniuk et Menezes, 2007),
semblent confirmer le régime carnivore de ces            pourrait éviter de telles compétitions. En plus,
deux espèces (Paugy, 1994). Nos résultats sont           selon      plusieurs      auteurs,   lorsque     le
similaires à ceux de Maitra et al. (2019) qui ont        chevauchement des proies entre deux espèces
indiqué que les poissons-chats étudiés avaient un        est élevé, la concurrence des ressources est
régime carnivore mais spécialisés dans la                souvent faible en raison de l'abondance élevée de
consommation de proies benthiques à savoir les           la proie principale (Hoines et Bergstad, 2002 ;
mollusques, les amphipodes et les polychètes.            Barrera-Oro, 2003). En effet, l’abondance des
Par contre, Konan et al. (2014) ont indiqué que          crevettes dans les baies pourrait éviter les
le poisson-chat Clarias buettikoferi est omnivore        compétitions alimentaires chez les deux espèces.
ayant une préférence pour les invertébrés. De            Le régime alimentaire des deux espèces a varié
même, un régime alimentaire omnivore a été               significativement en fonction des saisons chez
indiqué chez Ictalurus furcatus (Valenciennes,           les deux espèces. En saison sèche, les
1840) dans les estuaires de la baie de Chesepeake        proportions de poissons étaient élevées dans les
(Schmitt et al., 2019). La prédominance des              estomacs tandis qu’en saison pluvieuse, les
crevettes et crabes ingérées par A. latiscutatus et      crevettes et crabes étaient plus abondants. La
A. gigas reflètent probablement le grand nombre          variation du régime alimentaire en fonction des
de crustacés dans les baies de Tabounsou et de           saisons a été largement documentée chez les
Sangaréah. Cela semble être confirmé par Koch            poissons-chats. Ces espèces, étant généralement
(1999) et Nagelkerken et al. (2008) qui ont              des consommateurs opportunistes sont capables
indiqué que ces organismes représentent plus de          d’adapter leur alimentation en fonction de la
90% de la biomasse et de l’abondance de                  disponibilité des proies (Mosepele et al., 2013;
l’épifaune des habitats de mangrove, ces forêts          Yatuha et al., 2013). Selon Giarrizzo et Saint-Paul
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(2008), l’augmentation de la transparence de             de longueur moyenne à la fourche chez A.
l’eau en saison sèche est principalement                 latiscutatus et A. gigas, respectivement). Chez les
responsable de l’amélioration de la visibilité des       deux espèces, les crevettes et mollusques
crustacés et de l’optimisation de leurs défenses         dominent l’alimentation des juvéniles alors que
anti-prédateurs, entrainant une diminution de            les adultes consomment plus les poissons et les
l’activité alimentaire. Cela peut justifier la faible    crabes. Cette modification du régime alimentaire
abondance de ces proies durant les saisons               durant la phase de croissance est généralement
sèches. En revanche, la réduction des habitats ou        liée à la différenciation morphologique et à
des abris durant les périodes sèches est                 l’augmentation des besoins nutritionnels chez les
susceptible de rendre plus vulnérables les               adultes (Paugy et Lévêque, 2006). L’ouverture de
poissons proies dans le milieu. Dans les                 la bouche et l’aptitude à nager plus rapidement
estuaires, la diversité et l'abondance des               sont des capacités qui régissent l’alimentation
organismes proies comme le plancton, le                  des juvéniles et adultes chez les poissons. Des
benthos et d'autres invertébrés sont régies par la       observations similaires ont été observées chez
variabilité environnementale et la succession            un poisson-chat, Genidens barbus, qui est passé
saisonnière (Jendyk et al., 2014 ; Konan et al.,         d’un régime à base de crustacés chez les juvéniles
2014). Une tendance similaire a également été            à un régime à base de poissons chez les adultes
observée chez Clarias buetiikoferi dans la forêt des     (Mendoza-Carranza et Vieira 2009). De même,
marais Tanoé-Ehy (Konan et al., 2014). Le                les juvéniles de Trachinotus teraia se nourrissent de
régime alimentaire a été évalué en fonction du           larves de poissons et de jeunes crevettes dans la
stade ontogénique des individus récoltés. Les            lagune Ebrié, alors que les grands individus
populations des deux espèces avaient des                 consomment essentiellement des bivalves
gammes de taille similaires (37,96 cm et 38,19 cm        (Trébaol, 1991).

6       CONCLUSION
La présente étude fournit les premières                  et un chevauchement significatif du régime
informations sur les préférences alimentaires de         alimentaire dans les deux baies. Le
A. latiscutatus et de A. gigas dans les baies de         comportement carnivore de ces deux espèces
Tabounsou et de Sangaréah, où ils sont des               pourrait faire d’elles, de bons candidats en
cibles importantes dans les pêcheries artisanales        polyculture pour le contrôle de l’abondance des
locales. Elle indique que les deux espèces sont          alevins et des juvéniles. Les données sur
carnivores avec des stratégies d’alimentation            l’écologie alimentaire ont des implications pour
spécialisées dans la consommation de crustacés           les stratégies de conservation de ces espèces.

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