Le traitement antiviral de la grippe pandémique A(H1N1) : posologie, traitement d'association et résistance
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Novembre 2013 Le traitement antiviral de la grippe pandémique A(H1N1) : posologie, traitement d’association et résistance Mark A. Downing et Allison J. McGeer Université de Toronto, Toronto (Ontario) Introduction Points clés : L’analyse intitulée Antiviral Therapy for Pandemic Influenza A (H1N1) • Les inhibiteurs de la neuraminidase, l’oseltamivir et le zanamivir, Infection: A Meta-Analysis (le étaient les médicaments de prédilection contre la grippe pandémique traitement antiviral de la grippe A(H1N1) (ou pH1N1). pandémique A(H1N1) : une • La dose d’oseltamivir normalement recommandée chez les adultes méta-analyse), a examiné les don- atteints de la grippe pH1N1 est de 75 mg par voie orale deux fois par nées probantes sur l’efficacité du jour. traitement antiviral et de la pro- • Chez les patients atteints de la grippe pH1N1 qui sont gravement phylaxie de la grippe pandémique malades, on a montré que la biodisponibilité de l’oseltamivir est A(H1N1) (ou pH1N1). Au cours comparable à celle observée chez les patients ambulatoires en bonne santé, ce qui donne à penser qu’on peut obtenir chez eux une sup- de la pandémie de grippe A(H1N1) pression virale optimale et que des doses supérieures à 75 mg deux de 2009, le traitement des adultes a fois par jour sont peu susceptibles de produire des avantages sup- posé certains problèmes secondaires, plémentaires. notamment en ce qui a trait à la voie • Le volume de distribution du carboxylate d’oseltamivir a été sem- d’administration des médicaments, blable chez des patients obèses morbides et chez des témoins non obèses souffrant de la grippe pH1N1, ce qui indique qu’il n’est pas aux posologies convenables des anti- nécessaire d’adapter la dose. viraux, à l’utilisation du traitement • Bien que les concentrations de carboxylate d’oseltamivir aient d’association et au développement été 30 % plus basses chez des patientes enceintes que chez des d’une résistance aux antiviraux. La femmes qui n’étaient pas enceintes, les concentrations de médica- présente analyse porte sur les don- ment actif étaient nettement supérieures à celles nécessaires pour inhiber la réplication virale. nées probantes sur ces problèmes obtenues au cours de la pandémie de • Certaines associations de plusieurs antiviraux pourraient avoir un ef- fet synergique contre la grippe pH1N1. 2009. • La résistance à l’oseltamivir des virus de la grippe est conférée par Voie d’administration, posologie et une mutation du gène de la neuraminidase qui cause un changement d’acide aminé dans la protéine. La prévalence de la grippe pH1N1 traitement d’association résistante demeure à ce jour faible. Les antiviraux actuels qui agissent sur la grippe sont les adamantanes et les inhibiteurs de la neuraminidase. Comme les adamantanes ont été knowledge that’s contagious! Des saviors qui se transmettent!
inactives contre la grippe pH1N1, la d’inquiétude (2). Selon une étude sujets ambulatoires en bonne santé présente analyse portera uniquement de surveillance menée aux États- d’études antérieures de l’efficacité. sur les inhibiteurs de la neuramini- Unis auprès de patients hospitalisés Comme ces concentrations étaient dase. L’oseltamivir et le zanamivir souffrant de la grippe pH1N1, huit toutes nettement supérieures aux sont les deux inhibiteurs de la neur- patients (0,1 %) avaient été traités concentrations maximales inhibi- aminidase utilisés à ce jour; le pera- par la forme intraveineuse du zana- trices 50 % suggérées pour obtenir mivir fait l’objet d’essais cliniques et, mivir et 33 patients (0,4 %) avaient une suppression virale optimale, les pendant la pandémie, ne pouvait être été traités par la forme intraveineuse auteurs ont conclu que des doses su- obtenu qu’en vertu du programme du peramivir, mais 99 % des patients périeures à 75 mg deux fois par jour de distribution de médicaments avaient été traités par l’oseltamivir étaient peu susceptibles de produire d’urgence, et le laninamivir, médica- (5). La grande majorité des patients des avantages supplémentaires. ment à action prolongée administré traités par les antiviraux administrés La question de l’insuffisance de la par voie parentérale, a récemment été par voie parentérale étaient ceux dose a aussi été soulevée chez les homologué au Japon. des unités de soins intensifs (93 %). patients obèses morbides. L’étude Malheureusement, faute de données L’oseltamivir est un promédicament menée par Ariano et ses collabora- issues d’études de grande envergure (phosphate d’oseltamivir) qui, une teurs a permis de jeter une certaine sur l’efficacité et l’innocuité de ces fois pris par voie orale, est transformé lumière sur la question, ayant révélé médicaments, leur utilité demeure par métabolisme en sa forme active, qu’il n’y avait pas de lien entre la incertaine. le carboxylate d’oseltamivir. C’était le masse corporelle et le volume de dis- médicament de prédilection au cours La dose d’oseltamivir normale- tribution (6). Une plus récente étude de la pandémie de grippe A(H1N1) ment recommandée chez les adultes pharmacocinétique a révélé que le de 2009 en raison de sa distribu- atteints de la grippe pH1N1 est volume de distribution du carbox- tion systémique (biodisponibilité de 75 mg par voie orale deux fois ylate d’oseltamivir était semblable d’environ 80 %) et de son excellent par jour. Pendant la pandémie chez des patients obèses morbides profil d’innocuité (1). Le zanamivir de grippe H1N1, on a craint que et chez des témoins non obèses en inhalation est approuvé pour le la dose d’oseltamivir soit insuf- souffrant de la grippe pH1N1, ce traitement de la grippe pH1N1 non fisante chez les patients gravement qui indique qu’il n’est pas nécessaire compliquée. Toutefois, comme moins malades en raison de l’altération de d’adapter la dose (7). Par ailleurs, de 2 % de la dose passe dans la cir- l’absorption gastrique et du fardeau on a montré que chez les patientes culation générale, il n’est pas recom- global de la maladie chez ces patients. enceintes, les concentrations de mandé contre la grippe compliquée L’Organisation mondiale de la santé carboxylate d’oseltamivir sont 30 % (2-4). Par ailleurs, comme le zanami- a recommandé d’envisager une dose plus faibles, probablement en raison vir en nébulisation bouche le tube du de 150 mg deux fois par jour dans de l’augmentation de la clairance de respirateur, son utilisation est problé- les cas graves, bien qu’il n’y ait pas de la créatinine (8). Quoi qu’il en soit, matique chez les patients intubés (4). données probantes pour démontrer le cette étude a quand même démontré Deux médicaments expérimentaux bien-fondé de cette recommandation que les concentrations de carboxyl- sous forme parentérale étaient sur le (3). La question de l’administration ate d’oseltamivir étaient nettement marché au moment de la pandémie d’une dose supérieure a été examinée plus élevées que celles nécessaires de grippe H1N1, le zanamivir et le par Ariano et ses collaborateurs au pour inhiber la réplication virale. peramivir. Ils étaient surtout indi- cours d’une étude menée auprès de L’excellent profil d’innocuité de qués après l’échec du traitement par 44 patients gravement malades chez l’oseltamivir est un des argu- l’oseltamivir, quand on soupçonnait qui une grippe pH1N1 était soup- ments qui plaident en faveur de une résistance à l’oseltamivir et chez çonnée ou confirmée et qui avaient l’augmentation de la dose. Des doses les patients chez qui l’absorption gas- reçu la dose habituelle de 75 mg deux de jusqu’à 450 mg deux fois par jour tro-intestinale était une grande source fois par jour (6). Les auteurs ont ont été bien tolérées (9), les effets constaté que les concentrations de secondaires les plus courants ayant carboxylate d’oseltamivir médianes été maux de tête, nausées et vom- et minimales ainsi que l’aire sous la issements. Les effets sur la grossesse courbe des concentrations de car- ont aussi récemment été étudiés chez boxylate d’oseltamivir étaient sem- des patientes enceintes traitées par blables chez leurs patients et chez les 2
l’oseltamivir : l’hypoglycémie transit- vir-ribavirine-aman- oire tardive a été plus fréquente, mais tadine a démontré il n’y a pas eu de différences pour ce que cette association qui est des autres effets indésirables de médicaments avait entre les enfants qui avaient été expo- des effets synergiques sés aux inhibiteurs de la neuramini- in vitro et qu’elle était dase in utero et ceux qui ne l’avaient même efficace contre pas été10. Par conséquent, bien qu’on les souches du virus n’ait pas encore de données pharma- pH1N1 résistantes à cocinétiques démontrant le bien- l’oseltamivir (17, 18). fondé d’une augmentation de la dose La synergie n’a pas de ou de la durée du traitement, une fondement théorique telle démarche pourrait être envisagée solide, mais il existe dans certains cas. certaines données pro- Comme la dose et la voie bantes empiriques et d’administration sont incertaines d’autres essais cliniques chez les patients qui présentent une devront être menés grippe pH1N1 grave et comme on pour évaluer cette craint le développement d’une résis- association de trois tance, on a avancé que l’association médicaments. de deux inhibiteurs de la neur- Résistance aminidase pourrait être utile. On a Dans le passé, toutes montré que dans un modèle murin, les souches de la grippe l’oseltamivir et le peramivir avaient A et B étaient sensibles des effets additifs, même s’ils parta- aux inhibiteurs de la gent le même site de liaison (11). neuraminidase. Une Une étude de série de cas sur 21 importante résistance patients atteints de la grippe pH1N1 à l’oseltamivir, en par- grave a révélé que l’administration ticulier du virus de la grippe saison- antiviraux pendant la pandémie. concomitante d’oseltamivir par voie nière A(H1N1), a été signalée pour Au Japon, qui représente jusqu’à orale et de zanamivir en inhalation la première fois au cours de la saison 70 % de la consommation mondiale n’avait pas produit d’avantages sup- grippale 2008-2009; toutefois, à ce d’oseltamivir, on a estimé que le plémentaires : le taux de mortalité moment, la prévalence des souches taux de résistance était faible, soit de a été de 23,8 % (12), par rapport à résistantes du virus H1N1 était 1,4 % (21). Un lien épidémiologique 17 à 46 % au cours d’importantes faible (19). La résistance était con- était possible dans seulement deux études menées auprès de patients férée par une mutation du gène de la des 61 cas de résistance, la grande atteints de la grippe pH1N1 grave neuraminidase causant un change- majorité des cas de résistance étant ayant reçu une monothérapie par ment d’acide aminé (remplacement survenue de façon sporadique pen- l’oseltamivir (13-15). Un essai de l’histidine par la tyrosine) en dant le traitement, et rien ne donnait contrôlé randomisé a été mené pour position 275 (H275Y). Selon une à penser qu’il y avait eu transmis- comparer l’oseltamivir administré par méta-analyse effectuée en septembre sion de la résistance. À ce jour, on voie orale, le zanamivir en inhala- 2010 (portant sur les études sur le a signalé seulement trois cas de trans- tion et l’association des deux chez virus pH1N1 menées jusque-là), mission de souches du virus pH1N1 des patients ambulatoires souffrant l’incidence globale de la résistance à résistantes à l’oseltamivir. Les deux de la grippe saisonnière (16). Les l’oseltamivir était d’environ 2,6 %; premiers concernaient deux patients chercheurs ont constaté que le traite- les études étaient toutefois très hété- immunodéprimés (un au Royaume- ment d’association était inférieur à rogènes (20). Uni et un aux États-Unis) de services la monothérapie par l’oseltamivir du De récentes études de cohortes d’hématologie-oncologie (22, 23). point de vue tant de la réponse vi- ont permis de mieux comprendre Le troisième, signalé au Vietnam, rologique que de la réponse clinique. l’épidémiologie de la résistance aux est particulièrement inquiétant, car Une étude sur l’association oseltami- 3
il fait état de la transmission d’une La mutation H275Y est maintenant tre que l’émergence de la résistance souche résistante à l’oseltamivir à établie dans les virus de la grippe est aléatoire, dépendant du clade sept sujets en bonne santé à bord saisonnière A(H1N1) en circula- prédominant qui incorpore la muta- d’un train (20). Une résistance au tion en présence d’utilisation de tion (32). Comme l’oseltamivir est zanamivir de souches de la grippe l’oseltamivir, mais elle semble avoir l’antiviral qui a été le plus utilisé au saisonnière H1N1 a été documentée, peu d’effet sur la valeur adaptative cours de la pandémie, on peut se mais on n’a à ce jour signalé qu’une du virus1 (28), probablement en réjouir que la résistance ne soit pas légère réduction de la sensibilité du raison d’une mutation secondaire encore répandue. De plus, comme virus pH1N1 (24). qui rend la protéine neuraminidase on n’a pas encore observé de résis- stable. Certaines données probantes tance à d’autres inhibiteurs de la On craint particulièrement qu’une in vitro semblent aussi indiquer que neuraminidase, on pourrait les ad- résistance aux antiviraux se dével- la mutation H275Y pourrait être un ministrer si une résistance répandue oppe chez les patients qui souffrent événement secondaire à des muta- à l’oseltamivir apparaissait. d’hémopathies malignes, car la réduction de la charge virale est im- possible chez eux. Une étude de sur- On craint Conclusions La pandémie de 2009 a montré à veillance de grande envergure menée aux Pays-Bas a révélé que parmi particulièrement quel point il est difficile d’énoncer 18 cas de résistance à l’oseltamivir, qu’une résistance des directives thérapeutiques ra- pidement et avec peu de données 11 concernaient des patients souf- frant de troubles hématologiques25. aux antiviraux se probantes. Il existe maintenant une abondante littérature, qui per- Une étude de cohortes menée à développe chez les mettra de réévaluer certaines des Seattle pour évaluer la résistance à l’oseltamivir chez 33 patients souf- patients qui souffrent controverses soulevées pendant la pandémie de 2009. L’oseltamivir et frant de troubles hématologiques/ oncologiques a révélé qu’une résis- d’hémopathies le zanamivir demeurent les médi- caments de prédilection contre la tance était présente chez un patient malignes, car la grippe pH1N1, l’oseltamivir étant avant la mise en route du traitement et chez huit patients après la mise réduction de la charge privilégié dans les cas compliqués. Il semble qu’il ne soit jamais nécessaire en route du traitement (26). Une étude australienne menée auprès de virale est impossible d’augmenter les doses d’oseltamivir, dix patients souffrant de maladies chez eux. y compris chez les patients grave- ment malades, les patients obèses et hématologiques a révélé que le virus les femmes enceintes, mais de fortes pH1N1 était toujours présent chez doses semblent être bien tolérées. sept patients après au moins quatre tions spontanées survenant dans D’autres médicaments, administrés jours de traitement par l’oseltamivir une culture cellulaire (29, 30). On par voie parentérale sont promet- selon un second test des acides nu- ne sait toujours pas pourquoi le teurs, mais des études cliniques cléiques, et que la mutation H275Y virus pH1N1 n’a pas encore acquis devront être menées pour en valider de la neuraminidase était présente de mutation secondaire de façon l’efficacité et l’innocuité. Comme il chez quatre de ces patients (27). On spontanée ou par réassortiment avec y a très peu de données sur l’utilité a avancé une hypothèse voulant que le virus H1N1 saisonnier, mais la du traitement d’association, ce- les charges virales élevées favorisent situation est peut-être en train de lui-ci devra faire l’objet de plus de l’émergence d’une résistance, mais changer. En effet, une récente com- recherches. Une résistance à l’osel- d’autres études sur de plus impor- munication d’un auteur australien tamivir a été observée pendant la tantes cohortes devront être menées fait état d’une cohorte de patients pandémie, surtout chez des patients pour la confirmer. n’ayant jamais reçu d’antirétroviraux, souffrant de troubles hématolo- mais chez lesquels 14 % des isolats giques/oncologiques, mais il n’y a 1. La valeur adaptative d’un virus té- du virus pH1N1 étaient porteurs de pas eu de transmission généralisée du moigne de son adaptation réplicative la mutation H275Y (31). L’exemple à son environnement et est liée à la virus pH1N1 résistant à l’oseltamivir capacité du virus de se répliquer dans de la résistance à l’adamantane peut et, à ce jour, on n’a pas observé de un milieu donné, d’être transmis à un servir d’avertissement, car il mon- cas de franche résistance au zanami- nouvel hôte et de causer une maladie. 4
vir. Ces observations doivent toute- 8. Beigi RH, Han K, Venkataramanan R, 17. Nguyen JT, Hoopes JD, Smee DF, Hankins GD, Clark S, Hebert MF, et al.; Prichard MN, Driebe EM, Engelthaler fois être interprétées avec prudence, Obstetric-Fetal Pharmacology Research DM, et al. Triple combination of car la grippe saisonnière a démontré Units Network. Pharmacokinetics of oseltamivir, amantadine, and ribavi- que la résistance aux antiviraux peut oseltamivir among pregnant and non- rin displays synergistic activity against être acquise sans diminution de la pregnant women. Am J Obstet Gynecol. multiple influenza virus strains in vitro. 2011 Jun;204(6 Suppl 1):S84-8. Antimicrob Agents Chemother. 2009 valeur adaptative du virus et mener à Oct;53(10):4115-26. une forte prévalence. Les leçons tirées 9. Dutkowski R, Smith JR, Davies BE. Safety and pharmacokinetics of os- 18. US Centers for Disease Control and de cette pandémie pourront être eltamivir at standard and high dos- Prevention. 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