Hypertension artérielle maligne Malignant hypertension - SRLF
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Réanimation 12 (2003) 297–305 www.elsevier.com/locate/reaurg Mise au point Hypertension artérielle maligne Malignant hypertension S. Samy-Modeliar, B. de Cagny, A. Fournier, M. Slama * Unité de réanimation médicale, service de néphrologie, CHU d’Amiens, 80054 Amiens cedex 1, France Reçu et accepté le 5 mars 2003 Résumé L’HTA maligne se définit comme une élévation tensionnelle associée à un stade III ou IV au fond d’œil. Il s’agit d’une pathologie rare mais grave pouvant, sans traitement, entraîner le décès. Ses complications les plus graves sont cardiovasculaires, cérébrales et rénales. Elle nécessite une prise en charge en urgence avec hospitalisation en unité de soins intensifs. Le bilan étiologique sera contemporain de la mise en route du traitement. En effet, ce bilan à la recherche d’une cause secondaire à l’HTA est rendu nécessaire en raison d’une fréquence plus importante de causes secondaires par comparaison aux élévations tensionnelles sans atteinte viscérale. Un traitement antihypertenseur sera débuté rapidement afin de diminuer les chiffres de pression artérielle d’environ 25 %. En raison de l’autorégulation cérébrale, une baisse trop rapide et trop importante de ces chiffres tensionnels exposerait à de graves effets secondaires. La voie intraveineuse semble à privilégier en utilisant de la nicardipine, de l’urapidil, du labétalol ou de la clonidine. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Malignant hypertension combines high blood pressure and stage III or IV retinopathy. This rare pathology may still cause fatalities. Cardiovascular, cerebral, and renal failure are the main complications. Admission in the ICU and intravenous drugs administration are recommended and allow to reduce mortality. An etiology for high blood pressure is more frequently found than in patients with non malignant hypertension. Antihypertensive drugs must be given intravenously including nicardipine, urapidil, labetalol or clonidine in order to obtain a gradual decrease (about 25%) of arterial blood pressure over 2 to 3 h. Due to cerebral autoregulation, it has been demonstrated that a higher drop in blood pressure could be deleterious. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hypertension artérielle maligne ; Urgence Keywords: Malignant hypertension; Emergency 1. Introduction en charge. Rarement, cette élévation tensionnelle correspond à une urgence hypertensive. Plus rarement encore, cette Les poussées hypertensives sont un motif fréquent de poussée tensionnelle s’inscrit dans le cadre d’une hyperten- consultation soit en ville ou à l’hôpital, soit d’appel dans les sion maligne. Le problème diagnostique principal réside services d’hospitalisation ou de réanimation [1]. Ces pous- dans la reconnaissance de cette pathologie (parmi de très sées correspondent le plus souvent à une élévation tension- nombreuses élévations de la pression artérielle). En effet, nelle, sans retentissement viscéral aigu, mais avec souvent un contrairement à l’élévation tensionnelle sans retentissement facteur déclenchant qui doit être recherché, retrouvé et pris viscéral aigu, celle-ci nécessite une prise en charge diagnos- tique et surtout thérapeutique immédiate ainsi qu’une hospi- * Auteur correspondant. Adresse e-mail : slama.michel@chu-amiens.fr (M. Slama). talisation en urgence [2]. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S1624-0693(03)00059-8
298 S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 2. Définition Tableau 1 Étiologies des HTA malignes L’hypertension artérielle (HTA) maligne est une patholo- • HTA essentielle gie rare survenant chez des sujets avec ou sans antécédents • Néphropathie parenchymateuse : connus d’hypertension (traitée ou non). Elle est définie par C glomérulonéphrite ; l’association de chiffres tensionnels élevés d’apparition ré- C néphropathie interstitielle ; cente (pression artérielle systolique supérieure ou égale à 180 C maladie de système avec atteinte rénale : – sclérodermie ; mmHg et/ou pression artérielle diastolique supérieure ou – diabète ; égale à 110 mmHg) à une rétinopathie hypertensive avec – micro-angiopathie hémorragies, exsudats, nodules dysoriques et œdème papil- thrombotique ; laire (qui n’est autre qu’un nodule dysorique du disque opti- – lupus ; que, traduisant l’ischémie rétinienne). Ceci correspond aux – vascularite ; stades III et IV de la classification de Keith et Wegener ou III C aplasie rénale de Kirkendal qui ne tient pas compte des signes athéroma- • Étiologies rénovasculaires : teux que sont le signe du croisement et le reflet cuivré des C athérome ; artérioles [3]. C dysplasie fibromusculaire ; C maladie de Takayashu ; Elle constitue une urgence thérapeutique en raison du C occlusion artérielle aiguë ; risque évolutif vers une encéphalopathie hypertensive, une C péri-artérite noueuse. insuffisance rénale progressive ou une défaillance cardiaque • Étiologies endocriniennes : [2]. C phéochromocytome ; C syndrome de Conn ; C syndrome de Cushing. 3. Étiologie (Tableau 1) • Causes médicamenteuses et toxiques : C cocaïne ; La (re)connaissance de l’étiologie de l’HTA maligne n’est C amphétamines, ectasy ; pas indispensable pour débuter la thérapeutique, mais peut C arrêt de la prise de clonidine ; influencer le choix d’un médicament. L’HTA maligne se C interaction avec les IMAO ; développe de novo ou complique une HTA essentielle ou C érythropoïétine ; C cyclosporine. secondaire (quelle qu’en soit la cause). La fréquence de • Tumeurs : survenue de l’HTA maligne sur l’HTA primaire ou secon- C cancer du rein ; daire varie selon l’âge, l’ethnie et la période étudiée. L’HTA C tumeur de Wilms ; essentielle est l’étiologie retrouvée chez 20 à 30 % des C lymphome. patients de race blanche et chez 82 % des patients de race • Co-arctation de l’aorte noire. Si l’HTA sous-jacente est secondaire, elle est le plus • Pré-éclampsie-éclampsie souvent d’origine rénale, en rapport avec une atteinte paren- chymateuse (glomérulonéphrite, néphropathie sur reflux quand l’HTA sous-jacente est essentielle que lorsqu’elle est vésico-urétéral), une hypoplasie segmentaire ou vasculaire secondaire (sauf pour la sténose de l’artère rénale). Bien que (sténose de l’artère rénale) et plus rarement d’origine médi- la responsabilité de l’HTA maligne dans la survenue de camenteuse (intoxication aux amphétamines, à l’ecstasy...) l’insuffisance rénale terminale soit importante, celle-ci a di- ou endocriniennes (phéochromocytome) [4]. minué d’un facteur 6 en 25 ans (en particulier dans les pays où cela a été étudié : Australie et Nouvelle-Zélande). Cela est attribué à un meilleur contrôle tensionnel de la population 4. Épidémiologie [5– 7]. L’HTA maligne concernait 1 % de la population hyperten- due dans les années 50. Son incidence diminue dans la 5. Physiopathologie (Fig. 1) population caucasienne. Actuellement, seuls quelques pa- tients par an sont hospitalisés avec cette pathologie dans les La physiopathologie de l’HTA maligne reste mal connue. services spécialisés. Le sex-ratio est de 2 hommes pour 1 Le processus, une fois débuté, conduit à un cercle vicieux femme. L’HTA maligne concerne surtout les sujets exclus du d’auto-aggravation. Plusieurs éléments semblent jouer un système de soins (population indienne au Royaume-Uni) et rôle important : le niveau tensionnel (et surtout la rapidité de son incidence est plus élevée chez les noirs et les indiens. l’élévation de la pression artérielle (PA)), la présence de Même si le plus souvent aucune cause sous-jacente n’est facteurs vaso-actifs (facteurs humoraux et neuro-endocrines retrouvée à l’HTA, il est nécessaire de faire un bilan étiolo- entraînant une vasoconstriction périphérique et une hyper- gique complet car une cause secondaire est beaucoup plus plasie des cellules musculaires lisses), des anomalies immu- souvent retrouvée que dans le cadre d’une HTA modérée. nologiques de la fonction endothéliale conduisant à une acti- L’âge moyen de survenue de l’HTA maligne est plus élevé vation des plaquettes et des anomalies des systèmes
S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 299 (par production locale de facteurs de croissance et de cytoki- nes). Chez les hypertendus chroniques, il existe une hyper- trophie de la paroi des artères de moyen calibre qui minimise la transmission de la PA à la circulation capillaire. Ils seraient ainsi « relativement » protégés vis-à-vis de l’HTA maligne [5]. Le retentissement viscéral n’est pas uniquement dû à un problème mécanique. L’HTA maligne essentielle active le système rénine–angiotensine car la vasoconstriction arté- rielle rénale, d’origine probablement nerveuse centrale, sti- mule la sécrétion de rénine par les cellules myoïdes de l’artériole afférente du glomérule. L’hyperréninisme pri- maire par tumeur à rénine est en effet exceptionnel. Les taux circulants élevés d’angiotensine II sont vasculotoxiques et peuvent être responsables de nécrose fibrinoïde des artério- les. Par ailleurs, un phénomène de natriurèse lié mécanique- ment à l’élévation tensionnelle survient et entraîne un bilan sodé négatif qui stimule à son tour la sécrétion de rénine entraînant un cercle vicieux. Une hypersécrétion d’hormone antidiurétique secondaire à l’action centrale de l’angioten- sine II favorise à la fois la vasoconstriction, la soif et la polydipsie ce qui aboutit à une profonde hyponatrémie avec hyperuricémie, contrairement à ce que l’on observe dans les hyperaldostéronismes primaires où la natrémie est normale haute et l’uricémie basse. Dans les deux cas, il existe cepen- dant une alcalose hypokaliémique, la déplétion potassique augmentant l’ammoniogenèse et l’excrétion des protons. Si- gnalons cependant que sous traitement, on peut constater une dissociation entre les taux d’aldostérone plasmatique (aug- mentés pendant plusieurs mois) et de rénine plasmatique Fig. 1. Pathogénie de l’encéphalopathie hypertensive. (diminuant plus rapidement). Cela peut mimer un hyperal- dostéronisme primaire. vasodilatateurs (NO, prostaglandine) et enfin l’insuffisance Expérimentalement et dans quelques rares cas de néphro- rénale rapidement progressive [3]. pathie avec perte de sel, l’apport sodé a pu stopper le cercle L’élévation tensionnelle joue un rôle important dans la vicieux de l’aggravation de l’HTA maligne. En clinique hu- physiopathologie de l’HTA maligne. En dépassant le niveau maine, il est plus prudent de freiner au préalable le système supérieur d’autorégulation viscérale, le flux augmente, rénine–angiotensine par un bêtabloquant, un inhibiteur de créant des lésions vasculaires et endothéliales. Néanmoins, la l’enzyme de conversion (IEC) ou un agent bloquant l’angio- PA peut ne pas être très élevée et tout de même entraîner des tensine I (AT1) avant de recourir à l’administration de so- lésions sévères sur les organes, en particulier chez les pa- dium. tients antérieurement normotendus, chez lesquels le niveau L’activation intravasculaire de la cascade de la coagula- supérieur d’autorégulation est plus bas que chez l’hyper- tion conduit à l’apparition d’une anémie hémolytique tendu. La rapidité d’installation de l’HTA joue ainsi un rôle (micro-angiopathie thrombotique). important dans la survenue de l’HTA maligne, notamment L’augmentation de production d’endothéline, de cortisol dans le cas de la pré-éclampsie. et de catécholamines, la diminution de production de prosta- Le rôle du stress mécanique sur les capillaires et les cycline et des anomalies des systèmes immunitaires ont été artérioles distales est critique dans la pathogénie. Dans le incriminées dans le développement de l’HTA maligne, mais cadre d’une circulation normale, ces vaisseaux sont protégés leur rôle n’est pas bien défini. de l’augmentation de PA par la capacité de vasoconstriction En ce qui concerne l’atteinte rénale, réalisant la néphro- des artérioles de moyen calibre. En cas d’agression mécani- angiosclérose maligne, elle est caractérisée histologiquement que sévère par l’hypertension, l’autorégulation locale est par des lésions de nécrose fibrinoïde avec thrombi des arté- défaillante. La vasodilatation qui en résulte permet la trans- rioles afférentes, une endartérite proliférante des artères in- mission d’une PA haute aux petits vaisseaux ce qui lèse terlobulaires réalisant un aspect en bulbe d’oignon, des glo- l’endothélium, favorisant des dépôts extravasculaires de pro- mérules ischémiques et une importante réaction interstitielle téines plasmatiques et de fibrinogène, l’activation de la coa- inflammatoire avec une atrophie tubulaire. Ceci est dû au rôle gulation et la prolifération des cellules musculaires lisses activateur maintenant bien connu de l’angiotensine II sur le
300 S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 facteur de transcription NF Kappa B qui stimule la synthèse des cytokines pro-inflammatoires. 6. Autorégulation de la perfusion viscérale : son rôle critique au niveau du cerveau après un AVC [8–10] (Fig. 2) L’autorégulation vasomotrice varie en fonction des orga- nes (cœur, reins et surtout cerveau). Il s’agit d’un mécanisme physiologique de protection visant à éviter l’ischémie en cas de chute tensionnelle et la survenue de lésion capillaire (voire d’œdème cérébral) en cas d’élévation tensionnelle [2,11]. Dans le cadre de l’autorégulation cérébrale, une chute de la pression artérielle moyenne entraîne une vasodilatation arté- rielle cérébrale. Le flux sanguin reste donc identique quand la pression artérielle moyenne varie entre 60–150 mmHg chez un sujet normotendu. Si la pression artérielle moyenne chute en dessous de la limite inférieure d’autorégulation, il existe une augmentation de l’extraction cérébrale en oxygène. L’autorégulation est liée à des mécanismes myogènes qui déclenchent des récepteurs situés sur les cellules musculaires lisses des artérioles cérébrales. Si les mécanismes compen- satoires sont dépassés, une hypoperfusion cérébrale s’ins- talle (nausées, céphalées, malaises, troubles des fonctions supérieures...) pouvant aboutir à terme à une ischémie céré- brale [2]. Celle-ci apparaît pour des chiffres de tension arté- rielle extrêmement variables selon les individus. Elle dépend de l’existence d’athérome sur les artères à destinée cérébrale, Fig. 2. Physiopathologie de l’hypertension artérielle maligne. Légende : de la possibilité interindividuelle d’extraction d’oxygène au HTA, hypertension artérielle ; PA, pression artérielle. niveau cérébral et de la viscosité sanguine. En règle générale, la limite basse est 25 % inférieure à la pression artérielle 7. Pronostic [12] moyenne habituelle de repos. Chez le sujet habituellement hypertendu, cette limite d’autorégulation est déviée vers le Le pronostic est très sombre en l’absence de traitement : la tas mais est aussi moins bonne. L’implication en est une survie à 1 an est estimée à 65 % dans les stades III de protection relative vis-à-vis de l’HTA maligne. Il importe rétinopathie et à 21 % dans les stades IV de rétinopathie. d’un point de vue thérapeutique de connaître la pression Globalement, la survie est de 10 % à 2 ans, et nulle à 5 ans. artérielle moyenne habituelle du sujet : une chute tension- Les causes les plus fréquentes de décès sont : l’insuffisance nelle chez un hypertendu est plus dangereuse que chez un cardiaque (30–40 % des cas), l’insuffisance rénale terminale sujet non hypertendu car la zone d’autorégulation est dépla- (50–60 % des cas), l’infarctus du myocarde et l’hémorragie cée vers la droite [2]. cérébrale [5]. L’augmentation des chiffres tensionnels lors de l’HTA À court terme, sous traitement, la médiane de survie était maligne dépasse habituellement les mécanismes habituels de 44 mois entre 1980–1989. Cette médiane est bien d’autorégulation cérébrale et aboutit à un envahissement des meilleure si le contrôle tensionnel est bon et s’il n’y a pas de espaces périvasculaires avec constitution d’un œdème aigu lésion initiale d’organes vitaux (insuffisance rénale, hyper- cérébroméningé responsable d’une encéphalopathie hyper- trophie ventriculaire gauche). En ce qui concerne le rein, tensive. D’un point de vue physiopathologique, l’hyperper- l’évolution est favorable le plus souvent en 2 semaines après fusion cérébrale entraîne une rupture de la barrière hémato- une phase de détérioration précoce (60 % des cas). Dans encéphalique dont résultent une exsudation plasmatique et 10 % des cas, la fonction rénale se stabilise. Dans 30 % des un œdème cérébral [13]. Sur des séries autopsiques, on re- cas, la fonction rénale se dégrade progressivement. Dans tous trouve des micro-infarctus cérébraux, des pétéchies et des les cas, il peut exister une réversibilité de cette atteinte dans nécroses fibrinoïdes des artérioles cérébrales avec un œdème les 24 mois suivant l’épisode. La survie rénale est maintenant cérébral. Ces lésions ischémiques expliquent qu’il est indis- de 75 % à 5 ans, alors qu’elle était nulle dans les années 50 pensable de diminuer très progressivement la pression arté- avant l’introduction des antihypertenseurs. À long terme, le rielle chez les hypertendus chroniques pour éviter de préci- contrôle de la pression artérielle ralentit la progression vers piter un événement vasculaire cérébral ischémique. l’insuffisance rénale chronique.
S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 301 La survie rénale dépend : potentiellement réversibles avec une normalisation de la PA à • du niveau de l’atteinte rénale initiale (taux de survie à l’exception des lésions de l’infarctus de la macula et des cinq ans de 96 % en l’absence d’atteinte rénale contre lésions veineuses éventuellement associées [14]. 65 % en cas de créatininémie plasmatique supérieure ou Une atteinte cardiovasculaire est fréquente. Une hypertro- égale à 170 µmol/l) ; phie ventriculaire gauche (HVG) est retrouvée dans 75 % des • de l’étiologie de l’HTA maligne (l’HTA essentielle et cas. L’absence d’HVG, contrastant avec une PA diastolique rénovasculaire ont une mortalité plus élevée que les supérieure ou égale à 120 mmHg, fera cependant suspecter hypertensions liées aux glomérulonéphrites chroniques une HTA maligne non précédée par une longue période du fait d’une atteinte athéromateuse vasculaire plus dif- d’HTA bénigne. Une complication ischémique peut survenir fuse) ; (angor dans 4,1 % des cas et infarctus du myocarde dans • de l’ethnie et du niveau socio-économique (pronostic 3,7 % des cas). La dissection aortique, moins commune, n’a plus sévère dans les milieux défavorisés et chez les été retrouvée que dans un cas sur 89 d’une série autopsique noirs). récente. Le développement de nouveaux médicaments antihyper- L’HTA maligne s’accompagne souvent de signes neurolo- tenseurs inhibant la stimulation des récepteurs AT1 de l’an- giques. Des céphalées sont présentes dans plus de 60 % des giotensine II et la plus grande accessibilité à l’hémodialyse cas. Un évènement vasculaire cérébral (accident ischémique ont permis une réduction significative de la morbidité et de la transitoire, accident vasculaire cérébral constitué, hémorra- mortalité de l’HTA maligne [3,5,13]. gie sous-arachnoïdienne) est présent chez 7 % des patients à la première hospitalisation. Actuellement, l’HTA maligne se complique rarement d’encéphalopathie hypertensive. 8. Clinique [5] Celle-ci associe des céphalées, des nausées et des vomisse- ments, un flou visuel, des troubles des fonctions supérieures, L’HTA maligne est très rarement asymptomatique. La des crises convulsives généralisées voire une cécité corticale. présentation clinique reflète l’impact de l’augmentation de Plus rarement, coexistent d’autres signes neurologiques fo- PA sur les organes cibles et découle donc des atteintes viscé- caux. Le facteur précipitant est l’augmentation rapide de PA rales. Elle dépend du niveau d’élévation de la PA, de l’exis- entraînant une perte de l’autorégulation vasomotrice des tence d’une hypertension chronique probable, et des autres vaisseaux cérébraux. Le développement d’une encéphalopa- antécédents du patient. L’interrogatoire permet d’évoquer le thie hypertensive dépend moins du niveau absolu de pression diagnostic et doit conduire à la réalisation d’un fond d’œil en que de la vitesse d’ascension de la pression. Elle survient urgence. ainsi préférentiellement chez des sujets normotendus au Les signes généraux sont marqués, avec une altération préalable avec une augmentation brutale de la PA. Ceci sévère de l’état général (asthénie, amaigrissement), une pâ- explique que la rétinopathie peut être même absente leur et des signes digestifs (nausées, anorexie). La PA systo- [2,3,8,15]. lique est comprise entre 150–290 mmHg et la PA diastolique L’atteinte rénale est commune mais de sévérité variable. entre 100–180 mmHg. Une hypertension préexistante stable Elle constitue un facteur d’auto-aggravation que l’HTA soit est usuelle dans les années précédant la survenue de l’HTA essentielle ou secondaire à une néphropathie glomérulaire, maligne. Un syndrome poly-uropolydipsique est fréquem- une vascularite ou une sténose de l’artère rénale. Ainsi, ment retrouvé dans les jours précédant l’hospitalisation, l’insuffisance rénale rapidement progressive est-elle habi- constituant un signe avant coureur important chez un hyper- tuelle en cas d’HTA maligne, alors que l’insuffisance rénale tendu connu. oligo-anurique est plus rare. Une protéinurie non néphroti- Le fond d’œil confirme le diagnostic. Les troubles visuels que est fréquente. Le taux de protéinurie est corrélé à la sont présents chez 35– 60 % des patients selon les séries. La rapidité d’augmentation de la créatininémie. Un syndrome symptomatologie usuelle est liée le plus souvent à la rétino- néphrotique n’est pas commun. La protéinurie est plus élevée pathie hypertensive avec hémorragie, exsudat et nodule dy- en cas de glomérulonéphrite sous-jacente ou en cas de petit sorique. Son appréciation est difficile, et la présence rein unilatéral ischémique hypersécrétant de la rénine qu’en d’œdème papillaire n’est pas indispensable au diagnostic cas d’HTA essentielle antérieure. Trente et un pour cent des d’HTA maligne. Le développement d’exsudat et d’hémorra- patients à l’admission ont une créatinine plasmatique aug- gie résulte de la perte d’autorégulation vasomotrice locale, et mentée ; cette insuffisance rénale est plus fréquente dans les s’accompagne d’une alternance de rétrécissements et de dila- populations de race noire que de race blanche. Le tableau tations des vaisseaux rétiniens. Les hémorragies rétiniennes rénal peut mimer une angéite nécrosante ou un syndrome s’expliquent par l’existence de nécrose de la paroi des capil- urémique et hémolytique, et cela d’autant plus qu’une vascu- laires et des artérioles. Les lésions endothéliales conduisent à larite peut se révéler par une urgence hypertensive [15]. des dépôts de protéine plasmatique au niveau postérieur de la Une étude rétrospective récente comparant les HTA mali- rétine, constituant des exsudats. Les lésions maculaires sont gnes survenues entre 1984–1999 à celles survenues entre en rapport avec des exsudats ou des infarcissements ischémi- 1971–1983 montre une diminution de la fréquence des com- ques des fibres nerveuses. Toutes les lésions rétiniennes sont plications viscérales au cours de l’HTA maligne, en particu-
302 S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 lier de l’hypertrophie ventriculaire gauche, et de l’évolution complications comme un AVC, un infarctus du myocarde ou vers l’insuffisance rénale terminale et le stade IV des rétino- une dissection aortique par un examen clinique complet avec pathies [16]. notamment un examen neurologique, la recherche d’une douleur thoracique, la prise bilatérale de la pression artérielle et la palpation des pouls. 9. Examens biologiques Les examens complémentaires comporteront outre la nu- mération–formule sanguine et plaquettaire, le bilan de coa- Il existe habituellement une alcalose métabolique avec gulation, le ionogramme sanguin avec urée et créatinine hypokaliémie, une hyponatrémie (majorée par l’hypersécré- plasmatiques, une bandelette urinaire et des prélèvements tion d’ADH et liée à l’effet dipsogène central). Cette hypo- hormonaux avant tout traitement (catécholamines, rénine, natrémie s’associe volontiers à une hyperuricémie. Un tel aldostérone, cortisolémie, métadérivés urinaires, cortisol li- tableau, en l’absence de traitement, oriente vers la nature bre urinaire, aldostéronurie). Un électrocardiogramme et une secondaire et non primaire de l’hyperaldostéronisme. Ceci radiographie pulmonaire seront réalisés, éventuellement sera confirmé par la non suppression de la rénine en dépit de complétés par une échographie Doppler rénale. S’il existe taux élevés d’aldostérone. Une anémie hémolytique par des signes neurologiques, une tomodensitométrie ou une micro-angiopathie thrombotique peut être observée avec imagerie par résonance magnétique cérébrale élimineront existence de schizocytes, une hyperréticulocytose, une des lésions focales (en évitant si possible l’injection de pro- thrombopénie et une positivité des produits de dégradation duit de contraste chez les patients insuffisants rénaux) [4,8]. de la fibrine. Cette anémie est rare et majore l’anémie de Une surveillance rapprochée de la pression artérielle, du l’insuffisance rénale arégénérative par déficit en érythropoïé- ionogramme sanguin et de la créatininémie plasmatique est tine. Une augmentation de la vitesse de sédimentation est programmée. commune et secondaire à l’anémie et à l’état inflammatoire en rapport avec l’exacerbation du stress oxydant du fait de 11.2. Dans la semaine qui suit l’admission l’hyperangiotensinémie, notamment dans l’HTA maligne de la sténose de l’artère rénale. Le bilan étiologique est poursuivi. Le phéochromocy- tome, l’HTA rénovasculaire et l’hyperminéralocorticisme sont éliminés grâce aux investigations citées ci-dessus. On se 10. Examens paracliniques retrouve alors souvent avec un tableau d’insuffisance rénale rapidement progressive. S’il existe une protéinurie et une Une échographie rénale et un examen des artères rénales hématurie plus ou moins marquées, on discutera de l’oppor- par échodoppler élimineront une sténose de l’artère rénale tunité d’une ponction biopsie rénale afin d’éliminer les néph- avec petit rein, c’est-à-dire une HTA rénovasculaire. Cela ropathies justifiant un traitement spécifique en dehors du permet d’utiliser les IEC ou les agents bloquants de l’angio- traitement antihypertenseur à savoir : une glomérulonéphrite tensine I habituellement très efficaces dans l’HTA maligne à aiguë ou à IgA, une péri-artérite noueuse (artériographie rénine élevée. En dépit de sa rareté, on recherchera une petite préalable pour éliminer des micro-anévrismes), une scléro- tumeur rénale par examen tomodensitométrique lorsqu’il dermie, des emboles de cholestérol, une micro-angiopathie existe une alcalose hypokaliémique sévère non expliquée par thrombotique et beaucoup plus exceptionnellement une ma- un traitement diurétique, que la rénine périphérique est très ladie de Wegener ou un syndrome de Goodpasture car ces élevée et la rénine veineuse rénale latéralisée alors qu’une maladies ne sont guère associées à une HTA sévère. sténose de l’artère rénale a été éliminée par artériographie. L’ablation de cette petite tumeur habituellement bénigne peut en effet guérir définitivement le patient. 12. Traitement de l’hypertension artérielle maligne 12.1. Moyens thérapeutiques [10,17,18] 11. Prise en charge : stratégie diagnostique En l’absence d’œdème aigu pulmonaire (OAP) et de dis- 11.1. À l’admission section aortique, la diminution de pression artérielle ne doit pas être trop rapide pour éviter la précipitation d’événements L’anamnèse, l’examen clinique et quelques tests diagnos- ischémiques cardiaque ou neurologique même si l’examen tiques simples permettent d’identifier l’HTA maligne, c’est- tomodensitométrique sans injection a montré une hémorra- à-dire les patients nécessitant d’être pris en charge dans une gie cérébrale. Ce risque de lésion artérielle mécanique par unité de soins intensifs de façon urgente avec un monitorage élévation tensionnelle n’est formellement prouvé que dans la rapproché de la pression artérielle, et cela avant de compléter dissection aortique mais non dans les AVC même hémorra- les tests diagnostiques. giques, la source de l’hémorragie étant le plus souvent une Une première évaluation est focalisée sur les complica- nécrose ischémique de la paroi artérielle [1]. Les sujets tions cardiovasculaires, neurologiques, rénales et ophtalmo- hypertendus chroniques et les sujets âgés ayant une capacité logiques [3]. Il est nécessaire d’identifier immédiatement les d’autorégulation cérébrale moindre, leur risque d’accident
S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 303 ischémique cérébral est plus grand si la chute de pression existe par ailleurs de nombreux effets secondaires (séda- artérielle est trop rapide. tifs). Sa maniabilité est difficile et un rebond hypertensif L’utilisation des médicaments antihypertenseurs peut lé- est à craindre à l’arrêt de son administration [21] ; ser les réflexes compensateurs et précipiter la chute tension- • le nitroprussiate de sodium (Nitriate®, Nipride®) peut nelle et la diminution de la perfusion d’organes à l’orthosta- être utilisé dans l’HTA maligne à la dose de 0,5–10 µg tisme, d’autant que l’HTA maligne est souvent associée à une kg–1 min–1 [5,13,22]. Il s’agit d’un vasodilatateur direct hypovolémie, ce qui peut précipiter la chute tensionnelle mixte, puissant et très efficace qui diminue la consom- pendant le traitement vasodilatateur. La perfusion de solutés mation myocardique en oxygène, diminue la précharge cristalloïdes peut restaurer la perfusion d’organes. Ceci ex- et la postcharge. Sa durée d’action est courte et rapide. plique que les diurétiques ne seront pas utilisés en première L’utilisation devient rare en raison de sa difficulté de intention sauf indication spéciale (insuffisance cardiaque maniement et de l’existence d’autres drogues plus faci- avec OAP, surcharge hydrosodée). lement utilisables ; La nifédipine (Adalate®) sublinguale doit être proscrite • les vasodilatateurs agonistes dopaminergiques comme car il existe de nombreuses complications à type de vol le mésilate de fénoldopam (Corlopam®), non commer- coronarien chez le malade ayant une sténose coronarienne cialisés en France actuellement, peuvent être utilisés à avec risque de surmortalité par infarctus du myocarde, et une dose initialement de 0,1 µg kg–1 min–1, augmentée d’aggravation du déficit neurologique lors d’un accident vas- par paliers de 0,1 en fonction de l’objectif tensionnel culaire cérébral [1,19,20]. On utilisera de préférence des (dose maximum de 0,7 µg kg–1 min–1). La durée d’infu- médicaments d’action rapide par voie veineuse, de durée de sion doit être inférieure à 48 h ; vie courte, ayant un bon rapport effet/dose, maniables et avec • la nitroglycérine est un médicament de choix dans la le moins d’effets secondaires possibles. Pour les urgences crise hypertensive compliquée d’infarctus et d’OAP car hypertensives, on utilisera volontiers les drogues injectables elle augmente la perfusion coronaire [5] ; suivantes : • les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les agents • parmi les antagonistes calciques de type dihydropyri- bloquant l’angiotensine I donnés oralement sont indi- dine, la nicardipine (Loxen® 10 mg/ml) qui a l’AMM en qués dans l’HTA maligne et constituent des médica- France depuis 1988. La nicardipine est indiquée dans ments de choix dans la crise rénale sclérodermique car l’HTA maligne. Elle est d’une grande maniabilité et son ils diminuent l’activation des récepteurs AT1 de l’angio- action est rapide. La durée d’action est prolongée et tensine II [5,13]. La réponse au traitement est variable, persiste 30–60 min après l’arrêt de la perfusion. La non prévisible et dépend du volume plasmatique ainsi posologie usuelle initiale est de 8–15 mg/h sur 30 min que de l’activité rénine plasmatique. En cas d’hypovolé- puis 2–4 mg/h avec augmentation par paliers de mie ou de sténose de l’artère rénale, la chute tension- 0,5 mg/h en fonction de l’objectif tensionnel. Elle est nelle est très importante et il existe un effondrement de d’autant plus indiquée qu’il existe une suspicion non la filtration glomérulaire. Ces médicaments sont donc encore écartée d’HTA rénovasculaire [5,21] ; contre-indiqués tant qu’une HTA rénovasculaire et une • l’urapidil (Eupressyl, Médiatensyl) est également effi- hypovolémie n’ont pas été éliminées. La grossesse est cace dans les urgences hypertensives. Il agit à la fois en également une contre-indication en raison du risque bloquant les récepteurs adrénergiques a1 et en modulant d’anurie du nouveau-né et de la persistance du canal la régulation centrale de la pression artérielle. Son délai artériel [21] ; d’action est court (5–10 min). Il est plutôt utilisé pour les • l’hydralazine est un vasodilatateur utilisé dans la pré- crises hypertensives et pour l’HTA per- et postopéra- éclampsie qui permet de diminuer rapidement la pres- toire. La posologie usuelle est un bolus de 25 mg en 20 s, sion artérielle au prix d’une tachycardie. Ce médicament éventuellement répété à 5 min, relayé en intraveineux à est contre-indiqué en cas d’infarctus du myocarde ou de la seringue électrique à la dose de 9–30 mg/h adaptée à dissection aortique [5,21]. l’objectif tensionnel. Son risque est l’hypotension or- • le furosémide n’est indiqué que si l’HTA est compliquée thostatique ; d’insuffisance ventriculaire gauche ou d’oligo-anurie et • le labétalol (Trandate®) 1 mg/kg sur 1 min à renouveler en l’absence de déshydratation pour essayer de relancer après 10 min si nécessaire avec un relais soit per os la diurèse et permettre de limiter la restriction hydrique (200–400 mg/6 h), soit par voie IV 0,1 mg kg–1 h–1 [21]. [5,22,13] ; • la clonidine (Catapressan®) est un produit de seconde 12.2. Stratégie thérapeutique (Fig. 3) intention dans l’HTA maligne. C’est un agoniste des récepteurs a2–adrénergiques et avant d’avoir une action Il s’agit d’abord d’identifier l’HTA maligne au milieu des antihypertensive par effet central présynaptique, il peut nombreuses élévations tensionnelles vues par le réanimateur aggraver l’HTA par stimulation des récepteurs postsy- ou le médecin urgentiste. L’anamnèse, l’examen clinique et naptiques notamment après injection IV rapide. Il per- quelques tests diagnostiques simples permettent d’identifier met la diminution de la libération des catécholamines. Il l’HTA maligne.
304 S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 bilité accrue aux médicaments antihypertenseurs. Les com- plications dues à une chute trop importante ou trop brutale de la pression artérielle surviennent lorsque la pression arté- rielle moyenne est abaissée rapidement au-delà de 25 % de sa valeur initiale [8]. Il existe donc une balance à évaluer entre le risque de lésions éminentes d’organes, et une chute trop brutale de pression artérielle potentiellement délétère. Le choix du traitement dépendra du degré de suspicion d’une étiologie particulière car il existe un certain nombre de contre-indications : • on proscrira les bêtabloquants non sélectifs même asso- ciés à des propriétés a1 bloquantes comme le labétalol en cas de phéochromocytome en raison du risque d’œdème aigu pulmonaire par annulation de l’effet b2 stimulant et inhibiteur des récepteurs b1 favorisant l’inotropisme. En revanche, ils sont particulièrement indiqués dans la dissection aortique pour diminuer le rapport dp/dt (c’est-à-dire la vitesse d’augmentation de la pression intra-artérielle favorisant le cisaillement et donc la dissection) ; • les diurétiques de l’anse ne seront pas donnés en pre- mière intention dans l’HTA maligne. De préférence on choisira initialement soit une dihydro- pyridine, soit l’urapidil. Bien qu’ils ne modifient guère la rénine et l’aldostérone, les prélèvements sanguins pour dosa- ges hormonaux seront réalisés de préférence avant leur admi- nistration. Les IEC et AT1-bloquants sont contre-indiqués en cas de sténose bilatérale des artères rénales ou unilatérale sur rein fonctionnellement unique. Ils ne seront donc utilisés qu’en Fig. 3. Prise en charge des élévations tensionnelles aiguës. Légende : HTA, hypertension artérielle ; FO, fond d’œil. deuxième intention. Bien que très efficaces dans l’HTA à rénine haute, il faut en effet disposer, avant leur administra- Reconnue, toute HTA maligne nécessite d’être prise en tion, d’une échographie Doppler rénale pour éliminer une charge immédiatement dans une unité de soins intensifs ou HTA rénovasculaire. Une fois l’hypertension jugulée par ces de réanimation de façon urgente avec un monitorage de la médicaments, les apports sodés pourront être augmentés pression artérielle et cela avant de compléter les tests dia- pour corriger l’hypovolémie et l’insuffisance rénale qui en gnostiques, car le risque vital est engagé. résultent, du moins en l’absence d’insuffisance cardiaque et Il est urgent de mettre en route un traitement antihyperten- de protéinurie. Inversement, on pourra introduire secondaire- seur par voie parentérale dès que l’HTA maligne est recon- ment des diurétiques de l’anse notamment pour potentialiser nue. Un relais par voie orale sera pris dès que la pression l’effet des IEC ou AT1-bloquants si l’hypertension n’est pas artérielle sera contrôlée. L’objectif thérapeutique doit être la bien contrôlée et ceci de préférence aux dihydropyridines s’il diminution de pression artérielle d’environ 25 % (la cible coexiste une protéinurie. En effet, en raison de leur effet étant une pression artérielle systolique à 160–170 mmHg en vasodilatateur sur l’artériole afférente, les dihydropyridines 24 h). Dans certains cas particuliers, une plus grande pru- augmentent la protéinurie et accélèrent la dégradation de la dence doit être de mise (sténose athéromateuse sur une artère fonction rénale vers le stade terminal. Les diurétiques hypo- à destinée cérébrale, sujet auparavant hypertendu, élévation kaliémants ont d’autre part l’intérêt de diminuer le risque tensionnelle prolongée, sujets âgés, suspicion de dysfonction d’hyperkaliémie des IEC et AT1-bloquants. du baroréflexe, accidents vasculaires cérébraux hémorragi- ques ou ischémiques). La diminution de la pression artérielle 13. Cas de l’insuffisance rénale aiguë : thérapeutique n’est pas anodine et peut aggraver un certain nombre de [5,11] situations cliniques [8,14,23]. Chez les sujets hypertendus chroniques et les sujets âgés, la capacité d’autorégulation Le devenir de la fonction rénale lors de l’HTA maligne cérébrale est moindre, leur risque d’évènement cérébral est dépend de la pathologie rénale sous-jacente et du degré plus grand si la chute de pression artérielle est trop rapide. De d’atteinte rénale au moment du diagnostic. La survie rénale à plus, chez le sujet âgé, il faut penser à une possible patholo- 5 ans peut atteindre 60 % en cas d’HTA sous-jacente essen- gie cérébrale ou cardiovasculaire sous-jacente et à une sensi- tielle, et seulement 4 % à 18 mois en cas de glomérulo-
S. Samy-Modeliar et al. / Réanimation 12 (2003) 297–305 305 néphrite. La récupération rénale est possible avec un traite- [7] Calhoun DA, Oparil S. Treatment of hypertensive crisis. N Engl J Med ment adéquat de l’HTA surtout si l’atteinte rénale initiale est 1990;323:1177–83. [8] Vaughan CJ, Delanty N. Hypertensive emergencies. Lancet 2000;356: modérée. Le plus fréquemment, on observe une détérioration 411–7. progressive de la fonction rénale. C’est parce qu’il existe une [9] Woimant F, Ille O, Haguenau M. L’hypertension artérielle lors des possibilité de récupération rénale que le traitement antihy- pathologies neurologiques vasculaires aiguës. Réan Urg 1994;3: pertenseur est urgent pour protéger le rein des autres agres- 529–33. sions. En même temps, il faut veiller à préserver une volémie [10] Murphy C. Hypertensive emergencies. Emerg Med Clin North Am correcte pour ne pas diminuer le flux sanguin rénal. Les IEC 1995;13:973–1007. et AT1-bloquants sont des médicaments de choix surtout s’il [11] Carpentier F, Bouvier AM, Fournier JP, Lechevallier B, Lestavel P, existe une crise rénale sclérodermique. Priolet P, et al. Hypertension artérielle au service d’accueil et d’urgence. Femmes enceintes et enfants de moins de 15 ans exclus. Enfin la récupération rénale peut être tardive, aussi la Réan Urg 1994;3:493–503. transplantation ne peut pas être envisagée avant 12 mois de [12] Scarpelli PT, Gallo M, De Cesaris F, Chiari G, Dedola G, Cap- traitement. peli S, et al. Continuing follow-up of malignant hypertension. J Nephrol 2002;15:431–7. [13] Kaplan NM. Treatment of hypertensive emergencies and urgencies. 14. Conclusion Heart Dis Stroke 1992;1:373–8. [14] Cove DH, Seddon M, Fletcher RF, Dukes DC. Blindness after treat- L’HTA maligne est devenue rare depuis l’amélioration de ment for malignant hypertension. Br Med J 1979;2:245–6. la prise en charge de l’HTA. Elle reste néanmoins une patho- [15] Blumenfeld JD, Laragh JH. Management of hypertensive crises: the logie potentiellement grave nécessitant une prise en charge scientific basis for treatment decisions. Am J Hypertens 2001;14: 1154–67. rapide afin d’éviter les complications viscérales et le décès [16] Ohta Y, Tsuchihashi T, Ohya Y, Fujii K, Hirakata H, Abe I, et al. du patient. Trends in the pathophysiological characteristics of malignant hyper- tension. Hypertens Res 2001;24:489–92. [17] Abdelwahab W, Frishman W, Landau A. Management of hypertensive Références urgencies and emergencies. J Clin Pharmacol 1995;35:747–62. [18] Ram CV. Immediate management of severe hypertension. Cardiol [1] The sixth report of the Joint national committee on prevention, detec- Clin 1995;13:579–91. tion, evaluation, and treatment of high blood pressure. Arch Intern [19] Abraham G, Shukkur A, Van Der Meulen J, Johny KV. Sublingual Med 1997;157:2413–46. nifedipine: a safe and simple therapy for hypertensive emergencies. Br [2] Gifford Jr RW. Management of hypertensive crises. Jama 1991;266: J Clin Pract 1986;40:478–81. 829–35. [20] Grossman E, Messerli FH, Grodzicki T, Kowey P. Should a morato- [3] Girerd XMS. Urgence hypertensive : définition, classement, physio- rium be placed on sublingual nifedipine capsules given for hyperten- pathologie. Réan Urg 1994;3:509–11. sive emergencies and pseudoemergencies? Jama 1996;276:1328–31. [4] Krieglsteiner S, Nussbaumer K, Haring HP, Aichner F. Hypertensive emergencies. Lancet 2000;356:1443. [21] Zannad F. Les traitements de l’hypertension artérielle utilisables au [5] Kitiyakara C, Guzman NJ. Malignant hypertension and hypertensive service d’urgence. Réan Urg 1994;3:521–6. emergencies. J Am Soc Nephrol 1998;9:133–42. [22] Raymond JR, Arthur JM, Mannon RB. Management of hypertensive [6] Zampaglione B, Pascale C, Marchisio M, Cavallo-Perin P. Hyperten- emergencies and urgencies. N C Med J 1994;55:295–303. sive urgencies and emergencies. Prevalence and clinical presentation. [23] Nobile-Orazio E, Sterzi R. Cerebral ischaemia after nifedipine treat- Hypertension 1996;27:144–7. ment. Br Med J (Clin Res Ed) 1981;283:948.
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