Infection à Chlamydia trachomatis : quoi de neuf ?

La page est créée Emmanuelle Favre
 
CONTINUER À LIRE
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

       Infection à Chlamydia trachomatis :
                quoi de neuf ?
                       B. DE BARBEYRAC1, O. PEUCHANT1, C. LE ROY1,
                            M. CLERC1, L. IMOUNGA1, C. BÉBÉAR1

résumé
Ces dernières années ont connu un certain nombre de changements importants concernant l’épidémiologie et le diag-
nostic des infections à Chlamydia trachomatis. Récemment modifiée, la nomenclature des actes de biologie médicale
n’autorise le remboursement de la détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN ou d’ARN par amplification
génique. Aujourd’hui, la plupart des techniques moléculaires détectent en « duplex » C. trachomatis et Neisseria gonor-
rhoeae, voire d’autres pathogènes responsables d’infections sexuellement transmissibles comme Mycoplasma genitalium.

Mots clés : Chlamydia trachomatis, LGV, biologie moléculaire, épidémiologie.

                 I. - INTRODUCTION                                     C. trachomatis comprend 19 sérovars groupés en 2 biovars,
                                                                    trachoma et LGV. Le biovar trachoma comprend 15 séro-
    Ces dix dernières années ont été marquées par une
                                                                    vars : A, B, Ba et C (impliqués dans le trachome), D, Da, E,
progression régulière du nombre de diagnostics positifs
                                                                    F, G, Ga, H, I, Ia, J et K (impliqués dans les infections ocu-
d’infections à Chlamydia trachomatis aussi bien en Europe
                                                                    laires et urogénitales). Le biovar LGV comprend 4 sérovars,
qu’en Amérique du Nord et par l’arrivée d’une épidémie
                                                                    L1, L2, L2a et L3.
de lymphogranulomatose vénérienne (LGV) rectale en
Europe. Dans le même temps, les techniques de biologie                 C. pneumoniae est isolé chez l’homme mais aussi le koala,
moléculaire se sont généralisées, améliorant sensiblement           la grenouille et le cheval. Suivant la spécificité d’hôte, les
les performances de sensibilité et spécificité de la détection.     souches sont regroupées en trois biovars, TWAR, Koala et
La nomenclature des actes de biologie médicale a été                Equine. Le biovar TWAR est responsable d’infections res-
récemment modifiée pour s’adapter en partie à ces chan-             piratoires chez l’homme.
gements. Désormais, elle n’autorise le remboursement de
                                                                       Chlamydia psittaci, qui regroupe uniquement les souches
la détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN
                                                                    aviaires, peut occasionnellement provoquer des pneumo-
ou d’ARN par amplification génique. La plupart des tech-
                                                                                                                                     BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

                                                                    pathies sévères chez l’homme, en particulier chez les per-
niques d’amplification génique actuelles détectent en
                                                                    sonnes travaillant dans la filière des canards mulards.
duplex C. trachomatis et Neisseria gonorrhoeae, voire d’autres
pathogènes responsables d’infections sexuellement trans-               Les autres espèces sont d’intérêt vétérinaire. C. muridarum
missibles (IST) comme Mycoplasma genitalium.                        comprend les souches isolées chez la souris et le hamster
                                                                    (ancien C. trachomatis biovar pneumonie de la souris).
                                                                    C. suis comprend les souches isolées du porc chez lequel
                   II. - TAXONOMIE                                  elles sont responsables de conjonctivites, d’entérites et de
  Dans la famille des Chlamydiaceae, la proposition d’Everett
en 1999 de diviser le genre Chlamydia en deux genres,
                                                                    1
Chlamydia et Chlamydophila, est à l’heure actuelle abandon-             Centre National de Référence des Infections à chlamydiae,
née (1). La nouvelle taxonomie ne reconnaît qu’un seul                  USC Infections humaines à mycoplasmes et chlamydiae,
genre, Chlamydia, et 9 espèces.                                         INRA et Univ. Bordeaux, France.

                                                              - 33 -
                                                     feuillets de Biologie
                                                     VOL LIII N° 306 - MAI 2012
pneumopathies. C. pecorum est isolé des mammifères sans             cation et d'éducation familiale CPEF et les centres d’ortho-
                                      spécificité d’hôte (ruminants, marsupiaux, et porcs). Les           génie (4) chez les femmes de moins de 25 ans et les hommes
                                      souches responsables d’avortements, les souches de chats et         de moins de 30 ans. En effet, les taux de prévalence dans
                                      de cochon d’inde appartiennent respectivement à 3 espèces,          ces centres sont de l’ordre de 10 %.
                                      C. abortus, C. felis et C. caviae.
                                                                                                             Concernant les femmes enceintes, il n’existe aucune
                                                                                                          recommandation en France. Récemment, en 2011, nous
                                             III. - ÉPIDÉMIOLOGIE ACTUELLE                                avons fait une étude de prévalence des IST bactériennes
                                            DES INFECTIONS À C. TRACHOMATIS                               chez les femmes enceintes, au moment de la recherche du
                                                                                                          streptocoque B en fin de grossesse. Nos résultats montrent
                                         L’infection à C. trachomatis est la plus fréquente des IST       une prévalence globale de 2,5 % sur plus de 1 000 femmes
                                      bactériennes rapportées en Europe et aux États-Unis. En             testées et de 7,9 % chez les femmes de 18 à 24 ans (résultats
                                      2009, 343 958 cas ont été rapportés dans 23 pays de l’Union         personnels). Cette prévalence élevée chez les femmes en-
                                      européenne, correspondant à 185 cas/100 000 habitants,              ceintes de moins de 25 ans plaide en faveur d’un dépistage
                                      plus fréquemment chez la femme (217 cas/100 000) que                dans cette population.
                                      chez l’homme (152/100 000) (http://www.ecdc.europa.eu).
                                      La véritable incidence de l’infection est probablement plus             Selon les recommandations, le diagnostic doit se faire par
                                      élevée. Les trois quarts sont rapportés chez les jeunes entre       biologie moléculaire sur des auto-prélèvements, urine du
                                      15 et 24 ans. La tendance est à l’augmentation, reflétant           1er jet chez l’homme et auto-écouvillonnage vaginal (5, 6).
                                      une amélioration de la surveillance, des dépistages et des          Les écouvillons « flockés » sont à recommander car ils pré-
                                      outils de détection. Aux États-Unis, entre 1997 et 2009, le         lèvent et « déchargent » mieux que les écouvillons dacron
                                      nombre de cas est passé de 537 904 à 1 244 180 alors que le         ou alginate (7).
                                      nombre d’infections à N. gonorrhoeae diminuait légèrement               L’objectif des programmes de dépistage est de réduire
                                      de 327 665 à 301 174. Comme en Europe, le taux d’infec-             le risque de complications en identifiant les femmes infec-
                                      tions à C. trachomatis en 2009 était plus élevé chez la femme       tées et en les traitant avant l’apparition des complications
                                      (592,2/100 000) que chez l’homme (219,3/100 000)                    (prévention secondaire) et/ou en réduisant la transmission
                                      (http://www.avert.org/std-statistics-america.htm).                  dans la population afin de diminuer le nombre de nou-
                                         En France, les résultats de l’enquête Natchla montrent           veaux cas (prévention primaire). L’efficacité du dépistage
                                      que la prévalence chez les personnes âgées de 18 à 44 ans           dépend en partie de la durée de l’infection au moment du
                                      est de 1,4 % chez l’homme et de 1,6 % chez la femme. Cette          dépistage et du nombre d’infections répétées. Les questions
                                      prévalence est plus élevée chez les 18-29 ans (hommes :             de savoir si le risque de complications est plus élevé après
                                      2,5 % [IC 95 % : 1,2-5,0], femmes : 3,2 % [IC 95 % : 2,0 -          des infections répétées ou avec une infection persistante, et
                                      5,3]) (2). Le facteur de risque commun à tous les 18-29 ans         si le traitement précoce empêche le développement d’une
                                      est le fait d’avoir eu récemment un partenaire occasionnel.         immunité protectrice, restent posées. En effet, dans les pays
                                      Les autres facteurs de risque identifiés pour les hommes            qui ont organisé des programmes de dépistage dans les
                                      sont le fait de résider en Île-de-France ou d’avoir eu récem-       années 1980, on observe depuis le milieu des années 1990,
                                      ment un nouveau partenaire ou des partenaires du même               une augmentation du nombre de cas. Brunham et al. ont
                                      sexe, et pour les femmes d’avoir eu plus de 2 partenaires           fait l’hypothèse que le dépistage de l’infection, en raccour-
                                      dans l’année et d’être non diplômée. Un fait notable est            cissant la durée de l’infection, diminue la durée de l’immu-
                                      que la prévalence chez les femmes âgées de 25 à 29 ans ne           nité et augmente le risque d’infections répétées (8). Cette
                                      diffère pas notablement de celle des femmes de 18 à 24 ans.         question de « l’immunité arrêtée » est débattue, d’autant
                                      De plus, dans le réseau de surveillance Rénachla, 20 % des          que d’autres raisons peuvent expliquer cette augmentation
                                      cas sont identifiés chez des femmes entre 25 et 29 ans (3).         du nombre de cas comme l’amélioration de la sensibilité
                                      Or, les recommandations de dépistage intéressent les                des techniques de détection et l’augmentation du nombre
                                      femmes de moins de 25 ans, laissant de côté les femmes plus         de dépistage. Le rôle des infections répétées ou d’une in-
                                      âgées. Ces résultats devraient inciter à revoir les recomman-       fection persistante dans la survenue des complications n’est
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

                                      dations de manière à inclure les femmes jusqu’à 30 ans.             pas élucidé. Il est certain que les infections répétées sont
                                                                                                          fréquentes. Une étude récente chez des adolescentes mon-
                                                                                                          tre que les infections répétées sont des recontaminations
                                              IV. - STRATÉGIES DE DÉPISTAGE                               dans 84,2 % des cas, un échec de traitement dans 13,7 %
                                                                                                          des cas et une infection persistante sans traitement docu-
                                          Vu la gravité des complications de l’infection à C. tracho-
                                                                                                          menté dans seulement 2,2 % des cas (9). Cela pose les ques-
                                      matis, des recommandations de dépistage chez les sujets
                                                                                                          tions du suivi des partenaires (dépistage, traitement), et de
                                      asymptomatiques existent dans plusieurs pays. En France,
                                                                                                          l’efficacité du traitement recommandé.
                                      l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
                                      (ANAES) considère qu’un dépistage systématique des                     Une question critique est celle de la proportion de femmes
                                      infections uro-génitales à C. trachomatis est justifié dans les     infectées qui développent des complications. Aucune étude
                                      lieux de consultation à vocation de dépistage (centres de           prospective ne permet de savoir combien d’infections ont
                                      dépistage anonyme et gratuit, CDAG ; centres de dépistage           entraîné une stérilité ou une GEU. Dans l’étude POPI, l’in-
                                      et d’information des IST, CIDDIST), les centres de planifi-         cidence des maladies inflammatoires pelviennes ou PID (pel-

                                                                                                    - 34 -
                                                                                           feuillets de Biologie
                                                                                           VOL LIII N° 306 - MAI 2012
Chlamydia trachomatis

vic inflammatory disease) était de 1,3 % dans le groupe              recontamination éventuelle à 3 ou 6 mois. À défaut de pou-
dépisté-traité et 1,9 % dans le groupe contrôle. Parmi les           voir retester les personnes infectées dans ce délai court, il
femmes ayant un test positif à C. trachomatis, 9,7 % (7/74)          est recommandé de les suivre dans les 12 mois suivant le
des femmes du groupe contrôle ont présenté une PID                   traitement initial (http://www.cdc.gov/std/treatment/2010)
contre seulement 1,6 % (1/63) dans le groupe traité (10).            dans le but de dépister et de traiter les recontaminations
Ceci tend à démontrer l’importance du dépistage. Cepen-              éventuelles.
dant, la majorité des PID était survenue chez des patientes
négatives lors du dépistage (30/38), traduisant une inci-                 VI. - LE POINT SUR LES ANO-RECTITES
dence élevée d’infections dans l’intervalle de temps séparant                            À C. TRACHOMATIS
le dépistage de l’apparition de la PID, d’où l’importance de
la répétition des dépistages. Les considérations éthiques                 Depuis les premiers cas rapportés fin 2003 à Rotterdam,
limitent la durée de ces études. De plus, les complications          l’épidémie de LGV rectale à C. trachomatis s’est répandue
sont jugées sur l’apparition d’une PID, cliniquement mal             dans toute l’Europe. La mise en place de la surveillance a
définie, et ne prennent pas en compte les complications à            commencé en France dès 2004 à Paris et s’est progressive-
distance que sont la stérilité et les GEU.                           ment étendue sur toute la France. La création d’un réseau
                                                                     de surveillance des ano-rectites à C. trachomatis depuis 2010
                                                                     permet de recueillir des données cliniques, comportemen-
                                                                     tales et biologiques. Les laboratoires envoient au CNR des
 V. - RECOMMANDATIONS DE TRAITEMENT
                                                                     infections à chlamydiae leurs échantillons ano-rectaux po-
              ET DE SUIVI
                                                                     sitifs dès le jour de leur identification, accompagnés d’une
    Seuls les antibiotiques à forte pénétration cellulaire           fiche de résultats de laboratoire documentant les IST asso-
(tétracyclines, macrolides, fluoroquinolones, rifampicine)           ciées. Dès réception, le CNR effectue le typage par une mé-
sont actifs sur C. trachomatis. L’étude de la sensibilité des        thode rapide de PCR en temps réel spécifique du sérovar L
souches isolées ne se fait pas en routine étant donné la lour-       (13). Le résultat est faxé le jour même au laboratoire. Le
deur des techniques, le peu d’isolats cliniques et l’absence         clinicien reçoit le résultat par courrier avec une fiche de
de résistance acquise sous traitement clairement identifiée.         renseignements cliniques à renvoyer au CNR ainsi qu’une
Cependant, la sélection de souches résistantes en présence           note d’information et une demande de consentement de
d’antibiotiques in vitro a été décrite.                              recueil de données à faire signer par le patient. Les docu-
   Suivant les recommandations françaises (11) et euro-              ments nécessaires au fonctionnement du réseau peuvent
péennes (12), le traitement de première intention des                être consultés et imprimés à partir du site web du CNR,
infections urogénitales non compliquées fait appel à l’azi-          http://www.cnrchlamydiae.u-bordeaux2.fr/.
thromycine à la dose de 1g per os en une seule prise ou à la             De 2004 à juin 2011, le CNR a réalisé le typage de 1 781
doxycycline 100 mg per os, 2 fois par jour, pendant 7 jours.         échantillons ano-rectaux positifs à C. trachomatis, identifiant
L’azithromycine en dose unique, de par sa grande pénétra-            ainsi 1 145 cas de LGV (64,3 %), 550 cas d’ano-rectites à
tion tissulaire, ses taux sériques bas et sa longue durée de         souches non-L (30,8 %) et 86 cas à souches qui n’ont pu être
vie, constitue l’antibiotique de choix en générant moins             typées (4,8 %). La courbe épidémiologique des cas de LGV
d’effets indésirables que la doxycycline, et en assurant une         montre une nette progression entre 2004 et 2010, avec
meilleure observance. Les alternatives thérapeutiques repo-          cependant une inflexion en 2009 (2004 : 102 cas, 2005 : 117,
sent sur l’érythromycine base (500 mg, 4 fois par jour pen-          2006 : 140, 2007 : 170, 2008 : 191, 2009 : 160, 2010 : 185).
dant 7 jours), l’éthylsuccinate d’érythromycine (800 mg,             Les cas de LGV sont plus souvent identifiés à Paris (81 %)
4 fois par jour pendant 7 jours), l’ofloxacine (300 mg,              qu’en province (p < 10-5). Les ano-rectites à C. trachomatis
2 fois par jour pendant 7 jours) ou la lévofloxacine (500 mg,        touchent les hommes ayant des rapports avec les hommes
une fois par jour pendant 7 jours). Pour les anorectites à           (HSH) et ayant des partenaires occasionnels. Un seul cas
C. trachomatis, un traitement à base de doxycyline est recom-        féminin a été rapporté (14). Le caractère épidémique de
mandé, d'une durée de 21 jours en cas de LGV et de 7 jours           l’infection semble être confirmé par le typage MLST des
pour les souches non L.                                              souches circulant en Europe et aux États-Unis. Il s’agit bien
                                                                                                                                       BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

                                                                     d’une souche clonale de type L2b, déjà présente dans les
   Il est indispensable de traiter parallèlement le(s) parte-
                                                                     années 1980 à San Francisco et qui s’est répandue ces dix
naire(s) et de conseiller d’avoir des relations sexuelles
                                                                     dernières années en Europe (15). En France, toutes les
protégées pendant le traitement. Il est impératif de réaliser
                                                                     souches séquencées sont de type L2b. La LGV se distingue
la recherche d’IST associées et de revoir le patient au 7ème
                                                                     de l’ano-rectite à souche non-L par son caractère sympto-
jour (ou plus tôt en cas d’échec thérapeutique). Il n’y pas
                                                                     matique (p < 10-7) et son association avec le VIH (p < 10-8).
de recommandations particulières pour les patients infectés
                                                                     L’association avec d’autres IST, syphilis et gonocoque, est
par le VIH.
                                                                     fréquente, respectivement 44 % et 24 %, mais non statisti-
   La description d’une persistance de l’infection après trai-       quement différente entre les deux populations infectées à
tement dans 10 à 15 % des cas, et la possibilité de sélection        souche L ou non-L. On observe également une augmenta-
in vitro de mutants résistants doit inciter à la vigilance. Deux     tion du nombre de cas d’ano-rectites à souches non-L entre
types de contrôles sont préconisés, le contrôle post-traite-         2004 (26 cas) et 2010 (103 cas). L’étude de la répartition
ment, à 5 semaines de la fin de celui-ci, et le contrôle de la       des sérovars montre que les sérovars D (35,2 %), G (29,5 %)

                                                               - 35 -
                                                      feuillets de Biologie
                                                      VOL LIII N° 306 - MAI 2012
et J (17,3 %) sont les plus fréquents alors que le sérovar E,          docervicaux ou vaginaux. Tous ces automates sont équipés
                                      majoritaire dans les prélèvements génitaux, ne représente              d’un extracteur et d’un amplificateur permettant de
                                      que 10,3 % des ano-rectites (16). Le typage régulier de                réaliser des séries plus ou moins importantes avec une par-
                                      souches génitales montre que la LGV ne s’est pas, pour l’ins-          faite robustesse et traçabilité. Ils présentent tous l’avantage
                                      tant, disséminée dans la population générale. La LGV reste             de détecter simultanément C. trachomatis et N. gonorrhoeae.
                                      essentiellement ano-rectale, seulement 32 cas de LGV géni-
                                                                                                                Le CNR effectue les tests en duplex depuis 6 mois et le
                                      tales avec ulcération et adénopathie inguinale dont un cas
                                                                                                             taux de positivité global de N. gonorrhoeae est de 2 % et
                                      d’arthrite réactionnelle (17), ont été identifiés.
                                                                                                             celui de C. trachomatis de 9.2 % (résultats personnels). Les
                                         La surveillance des ano-rectites à C. trachomatis a permis          taux de positivité de C. trachomatis et N. gonorrhoeae sont,
                                      d’identifier plusieurs cas de récidive sur 5 à 6 mois, montrant        respectivement, de 9,7 % et 8,4 % chez les hommes symp-
                                      que cette infection ne protège pas des recontaminations.               tomatiques consultant un CIDDIST, et de 5,4 % et 0,7 %
                                      De plus, une amorce de changement dans le profil des                   chez les hommes asymptomatiques consultant un CDAG.
                                      individus semble se dessiner en 2010 en France. En effet, le           Dans ces mêmes centres, les taux de positivité sont, respec-
                                      nombre d’individus présentant une LGV et qui sont séro-                tivement, de 11,6 % et 2,9 % chez les femmes symptoma-
                                      positifs pour le VIH diminue et n’est plus que de 82 %. Ceci           tiques, et de 11 % et 0,7 % chez les femmes asymptomatiques.
                                      pose la question de la prise de risque des HSH séronégatifs            Une nette différence de taux de positivité de N. gonorrhoeae
                                      pour le VIH.                                                           est observée entre les personnes symptomatiques et asymp-
                                                                                                             tomatiques. D’une manière intéressante, nous observons
                                                                                                             des taux de positivité de N. gonorrhoeae beaucoup plus élevés
                                          VII. - ACTUALITÉS SUR LES MÉTHODES                                 chez les femmes asymptomatiques consultant au centre
                                                     DE DIAGNOSTIC                                           d’orthogénie et au planning familial (respectivement,
                                      A) Diagnostic direct                                                   2,8 % et 3,8 %), avec des taux de positivité de C. trachomatis
                                                                                                             similaires voire moindres (respectivement, 10,7 % et 6,1 %).
                                         Les tests de biologie moléculaire avec amplification                Ces résultats montrent bien l’intérêt de rechercher ces
                                      génique ont nettement amélioré la qualité des résultats en             deux pathogènes dans tous les échantillons génitaux, que
                                      termes de sensibilité et de spécificité, et doivent remplacer          les patients soient symptomatiques ou non, surtout chez
                                      toutes les autres techniques (culture cellulaire, tests anti-          les personnes consultant les centres de planning familial
                                      géniques, hybridation moléculaire sans amplification). La              et d’orthogénie.
                                      nomenclature des actes de biologie médicale vient d’être
                                      modifiée en ce sens et n’autorise le remboursement de la                   L’avenir est à la détection multiplex associant les prin-
                                      détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN ou              cipaux agents bactériens responsables d’IST, C. trachomatis,
                                      d’ARN par amplification génique in vitro sur tout type                 N. gonorrhoeae et M. genitalium, mais également parasitaire,
                                      d’échantillon à partir de sites possiblement infectés (JO              Trichomonas vaginalis, et viraux comme l’Herpes simplex.
                                      Décret du 5 octobre 2011).                                             La société Bio-Rad vient de commercialiser un système de
                                                                                                             PCR en temps réel triplex permettant de détecter simul-
                                          Toutes ces techniques d’amplification ont une excel-               tanément, C. trachomatis, N. gonorrhoeae et M. genitalium,
                                      lente spécificité et sensibilité, ce qui les autorise, à la diffé-     dont les performances se sont révélées excellentes (résultats
                                      rence des autres techniques (excepté la culture) à être                en cours de publication). Ce système ne dispose pas pour
                                      utilisées dans les échantillons pluri-microbiens (rectum,              l’instant d’extracteur. Dans la population de CDAG/CID-
                                      vagin, pharynx) et dans des échantillons pauci-microbiens              DIST incluse dans cette évaluation, la prévalence de
                                      comme peuvent l’être les auto-prélèvements. Les échan-                 C. trachomatis était de 9 %, celle de M. genitalium de 1,9 %,
                                      tillons prélevés en milieu de transport spécifique peuvent             et celle de N. gonorrhoeae de 1,8 %. La proportion de co-
                                      être conservés à +4°C, voire à température ambiante                    infection était de 8,7 %. M. genitalium et N. gonorrhoeae
                                      pendant moins d'une semaine. Pour un délai supérieur,                  étaient associés à C. trachomatis dans respectivement 30 %
                                      ils doivent être maintenus à -20°C.                                    (3/9) et 28 % (2/7) des cas. L’utilisation croissante de ces
                                         De nombreux systèmes de détection de C. trachomatis                 outils devrait permettre un meilleur dépistage des IST
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

                                      par amplification génique sont disponibles sur le marché               bactériennes, et donc une meilleure prise en charge des
                                      français. Les techniques diffèrent par leur principe (PCR              personnes infectées, et rompre la chaîne de transmission.
                                      [polymerase chain reaction], TMA [transcription mediated                  Dans le décret du JO du 5 octobre 2011, il est bien pré-
                                      amplification], SDA [strand displacement amplification]), par          cisé qu’en cas de rapport sexuel anal et/ou pharyngé, il
                                      leur cible d’hybridation (ADN plasmidique et/ou chro-                  est important de rechercher C. trachomatis dans les deux
                                      mosomique, ARN ribosomique), leur technicité (manuelle                 ou trois sites, génital, rectal et/ou pharyngé. Sur les six
                                      ou automatisée). La plateforme Cobas 4800 (Roche) pré-                 derniers mois, sur les 134 échantillons pharyngés que nous
                                      sente d’excellentes performances, notamment sur les                    avons testés, cinq étaient positifs à C. trachomatis (3,7 %)
                                      urines. Des essais comparatifs avec les systèmes Abbott                et cinq à N. gonorrhoeae (3,7 %). Aucune infection mixte
                                      m2000, Gen-Probe AC2 et BD ProbeTec Viper, montrent                    n’a été détectée. Signalons, à ce sujet, que la technique
                                      un taux global de concordance supérieur à 98 %, aussi                  que nous utilisons est bien spécifique de N. gonorrhoeae
                                      bien sur les urines masculines que sur les écouvillons en-             et ne détecte pas N. meningitidis, ce qui est primordial dans

                                                                                                       - 36 -
                                                                                              feuillets de Biologie
                                                                                              VOL LIII N° 306 - MAI 2012
Chlamydia trachomatis

le cas de recherche dans la gorge. Ce taux de positivité                                            l’inverse, leur présence n’est pas un marqueur d’infection
est donc non négligeable et pourtant la nomenclature                                                récente. Après traitement, les anticorps peuvent persister
n’autorise qu’une seule cotation par patient, ce qui n’est                                          à un taux élevé pendant plusieurs mois et la sérologie ne
guère incitatif. Tout patient porteur de ces pathogènes                                             permet donc pas de surveiller l’évolution de la maladie.
dans la gorge est contagieux et doit être traité.                                                   La nomenclature a limité les indications du sérodiagnostic
                                                                                                    de C. trachomatis aux infections hautes, à la LGV, au bilan
B) Le sérodiagnostic                                                                                d’hypofertilité et d’arthrite réactionnelle en utilisant des
                                                                                                    trousses Elisa spécifiques d’espèce. La recherche des IgA
    D’une manière générale, la recherche d’anticorps anti-
                                                                                                    a été supprimée.
C. trachomatis n’a pas la valeur diagnostique de la mise en
évidence de la bactérie, notamment en raison de la persis-
tance des anticorps des mois voire des années après l’in-
fection. Cela rend difficile la distinction entre cicatrice                                                                    VIII. - CONCLUSION
sérologique et réelle infection en évolution. Dans les                                                   Les infections uro-génitales à C. trachomatis sont en
infections génitales basses et dans le trachome, le sérodia-                                        recrudescence et sont le plus souvent asymptomatiques. Il
gnostic n’a aucun intérêt, car l’infection restant superfi-                                         est donc nécessaire de les dépister pour éviter les complica-
cielle, le taux d’anticorps est faible. En revanche, dans les                                       tions, d’autant que nous disposons d’outils de détection
infections profondes à C. trachomatis, le sérodiagnostic                                            performants sur des auto-prélèvements non invasifs et d’un
prend tout son intérêt étant donné l’accessibilité difficile                                        traitement antibiotique minute efficace. Il est nécessaire de
du site infectieux. Un taux élevé d’IgG ou d’Ig totales est                                         contrôler régulièrement les patients infectés. Enfin, il ne
significatif d’une infection passée ou en cours. La mise en                                         faut pas oublier qu’une IST peut en cacher une autre et
évidence d’une séroconversion, ce qui est extrêmement                                               l’utilisation des techniques de détection de plusieurs micro-
rare, ou d’une augmentation significative d’anticorps (x4)                                          organismes simultanément devrait permettre une meilleure
entre deux sérums prélevés à 15 jours d’intervalle permet                                           connaissance de l’épidémiologie des ces infections et une
le diagnostic d’infection en évolution. Si le titre reste en                                        meilleure prise en charge des patients.
plateau, certains préconisent la recherche d’IgM, dont l’in-
térêt n’a été démontré que dans les pneumopathies du
nouveau-né, ou d’IgA en raison de leur demi-vie courte.                                             Conflits d’intérêt
Sur ce dernier point, les opinions divergent, d’autant que                                            B. de B., C. B. Essais de plateformes de détection et
la détection d’IgA dépend beaucoup de la technique uti-                                             rédaction de rapports d'expertise (rémunération sur le
lisée. L’étude des profils sérologiques des personnes dont                                          budget du laboratoire), invitations dans des congrès natio-
l’infection est documentée par PCR montre que l’absence                                             naux ou internationaux pour présentation des résultats,
d’IgA sériques n’est pas un marqueur de guérison, et qu’à                                           pour les entreprises Roche Diagnostics et Bio-Rad.

Références Bibliographiques                                       (6) Schachter J, McCormack WM, Chernesky MA, Martin               (12) Lanjouw E, Ossewaarde JM, Stary A, Boag F, van der
                                                                      DH, Van Der Pol B, Rice PA, et al. Vaginal swabs are               Meijden WI. 2010 European guideline for the
(1) Kuo CC, Horn M, Stephens RS. PhylumXXIV.                          appropriate specimens for diagnosis of genital tract               management of Chlamydia trachomatis infections.
    Chlamydiae Garrity and Holt 2001. In: Krieg NR,                   infection with Chlamydia trachomatis. J Clin Microbiol             International Journal of STD and AIDS 2010 Nov ; 21
    Staley, J. T., Brown, D. R., Hedlung, B. P., Paster, B. J.,       2003 Aug ; 41 (8) : 3784-9.                                        (11) : 729-37.
    Ward, N. L., Ludwig, W., Withman, W.B., editor. Ber-
                                                                  (7) Chernesky M, Castriciano S, Jang D, Smieja M. Use of          (13) Morré SA, Spaargaren J, Fennerna JSA, de Vries
    gey's Manual of Systematic Bacteriology. Athens, GA,
                                                                      flocked swabs and a universal transport medium to                  HJC, Coutinho RA, Pena AS. Real-time polymerase
    USA: Springer New York Dordrecht heidelberg
                                                                      enhance molecular detection of Chlamydia trachomatis               chain reaction to diagnose lymphogranuloma vene-
    London; 2011. p. 843-965.
                                                                      and Neisseria gonorrhoeae. Journal of Clinical Microbiology        reum. Emerg Infect Dis 2005 Aug ; 11 (8) : 1311-2.
(2) Goulet V, de Barbeyrac B, Raherison S, Prudhomme                  2006 Mar ; 44 (3) : 1084-6.
                                                                                                                                    (14) Peuchant O, Baldit C, Le Roy C, Trombert-Paolantoni
    M, Semaille C, Warszawski J. Prevalence of Chlamydia          (8) Brunham RC, Rekart ML. The arrested immunity                       S, Clerc M, Bebear C, et al. First case of Chlamydia
    trachomatis: results from the first national population-          hypothesis and the epidemiology of chlamydia control.              trachomatis L2b proctitis in a woman. Clin Microbiol
    based survey in France. Sex Transm Infect 2010 Aug ;              Sex Transm Dis 2008 Jan ; 35 (1) : 53-4.                           Infect 2011 Dec ; 17 (12) : E21-3.
                                                                                                                                                                                                   BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis

    86 (4) : 263-70.
                                                                  (9) Batteiger BE, Tu W, Ofner S, Van Der Pol B, Stothard
                                                                                                                                    (15) Christerson L, de Vries HJ, de Barbeyrac B, Gaydos
(3) Goulet V, Laurent E, Semaille C, Rénachla elbdr. Aug-             DR, Orr DP, et al. Repeated Chlamydia trachomatis ge-
                                                                                                                                         CA, Henrich B, Hoffmann S, et al. Typing of lym-
    mentation du dépistage et des diagnostics d'infections            nital infections in adolescent women. J Infect Dis 2010
                                                                                                                                         phogranuloma venereum Chlamydia trachomatis
    à Chlamydia trachomatis en France: analyse des données            Jan 1 ; 201 (1) : 42-51.
                                                                                                                                         strains. Emerg Infect Dis 2010 Nov ; 16 (11) : 1777-9.
    Rénachla (2007-2009). Bull Epid Hebd 2011 ; 5 Juillet
                                                                  (10) Oakeshott P, Kerry S, Aghaizu A, Atherton H, Hay
    N°26-27-28 : 316-20.                                                                                                            (16) Clerc M. IL, Le Roy C., Peuchant O., Bébéar C.,
                                                                       S, Taylor-Robinson D, et al. Randomised controlled
                                                                                                                                         Goulet V., de Barbeyrac B. Evolution du nombre de
(4) Anaes. Evaluation du dépistage des infections uri-                 trial of screening for Chlamydia trachomatis to prevent
                                                                                                                                         lymphogranulomatose vénérienne (LGV) rectale et
    génitales basses à Chlamydia trachomatis en France.                pelvic inflammatory disease: the POPI (prevention
                                                                                                                                         d’ infection rectale à Chlamydia trachomatis à souches
    Paris : Agence nationales d'accréditation et d'évalua-             of pelvic infection) trial. BMJ 2010 ; 340 : c1642.
                                                                                                                                         non L en France 2002-2009. Bull Epidemiol Hebd 2011 ;
    tion en santé 2003 février 2003.
                                                                  (11) AFSSAPS., Debord T, coordonnateur. Traitement                     26-27-28 : 310-3.
(5) Chernesky MA, Hook EW, Martin DH, Lane J, Johnson                  antibiotique des urétrites et cervicites non compli-
                                                                       quées. http://france.elsevier.com/direct/MEDMAL/.            (17) El Karoui K, Mechai F, Ribadeau-Dumas F, Viard JP,
    R, Jordan JA, et al. Women find it easy and prefer to
                                                                       Med Mal Infect 2006 ; 36                                          Lecuit M, de Barbeyrac B, et al. Reactive arthritis
    collect their own vaginal swabs to diagnose Chlamydia
                                                                      (http://france.elsevier.com/direct/MEDMAL/) :                      associated with L2b lymphogranuloma venereum
    trachomatis or Neisseria gonorrhoeae infections. Sex
                                                                      27-35.                                                             proctitis. Sex Transm Infect 2009 Jun ; 85 (3) : 180-1.
    Transm Dis 2005 Dec ; 32 (12) : 729-33.

                                                                                             - 37 -
                                                                                feuillets de Biologie
                                                                                VOL LIII N° 306 - MAI 2012
Vous pouvez aussi lire