Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail
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Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Philip Giles et Torben Drewes A PERCEPTION VOULANT QUE LA TECHNOLOGIE soit également pour les diplômés. On a dépensé 12,1 mil- L la locomotive du changement économique et les grandes annonces de pénuries de main-duvre qualifiée dans le secteur des technologies de linforma- liards de dollars dans le réseau universitaire en 1997- 1998, si bien que toute discordance entre les besoins du marché du travail et le profil des effectifs risquerait tion ont attiré lattention sur la capacité du secteur de se traduire par une perte significative defficacité. postsecondaire de former des diplômés dans les dis- De même, une perte semblable pourrait se produire si ciplines des technologies de pointe. Cela a soulevé un les universités réagissaient à lutilisation croissante par débat quant à la valeur sur le marché du travail des les provinces dincitatifs de financement par pro- programmes traditionnels de sciences humaines et gramme en modifiant un agencement de programmes sociales, lun des piliers des universités. qui répond déjà bien aux besoins du marché du tra- vail. Daucuns estiment que lincapacité des universités canadiennes de fournir suffisamment de diplômés Curieusement, il existe peu de données empiriques techniquement qualifiés compromet la croissance éco- concernant la performance relative sur le marché du nomique de demain. Ce nest pas, soutient-on en travail des diplômés universitaires de différents pro- général, que les effectifs universitaires sont trop petits, grammes. Une étude, dans laquelle on comparait les mais que les programmes sont mal équilibrés. En taux de chômage et le revenu annuel des diplômés 1998, environ 39 % des diplômes universitaires décer- universitaires en sciences humaines et sociales à ceux nés lont été dans les sciences sociales, alors quà peine de leurs homologues des disciplines plus appliquées, a 7 % lont été dans le génie et les sciences appliquées. Il permis de conclure que cette performance était à peu sest décerné deux fois plus de diplômes en sciences près semblable dans le cas de ces diplômés (Allen, humaines (12 %) quen mathématiques et en sciences 1998). Ce que corrobore une autre étude, qui révélait physiques (6 %). quen 1992, deux ans après lobtention du diplôme, le taux de chômage des bacheliers en sciences humaines Dautres pensent quon ne devrait pas juger lensei- et sociales était le même que celui des diplômés en gnement postsecondaire sur sa seule capacité à prépa- génie et de quatre points de pourcentage inférieur à rer des étudiants au marché du travail mais même celui des diplômés en sciences appliquées (Lavoie et sil en est ainsi, les diplômés en sciences humaines et Finnie, 1999). Leurs gains annuels moyens dépassaient sociales possèdent laptitude à résoudre des problè- ceux des diplômés en sciences pures et appliquées. mes, lentregent, laptitude à communiquer et la faculté Lexamen des taux de rendement selon le domaine dapprendre, des compétences que les employeurs détudes a révélé quil y avait une variation considéra- jugent nécessaires dans léconomie en émergence. ble au sein de chacune des disciplines de même quen- Puisque les universités sont une source première de tre les six disciplines observées (Appleby et autres). main-duvre hautement qualifiée, décernant près de Il est difficile de généraliser à cause de ces variations, 150 000 diplômes par année, il est important que le mais les taux médians de rendement semblent aller dun profil des effectifs corresponde aux besoins du mar- creux chez les diplômés en arts et en sciences humai- ché du travail non seulement pour léconomie, mais nes à un sommet chez les diplômés des domaines de la santé. Les taux se rapportant aux diplômés en Philip Giles est au service de la Division de la statistique du administration et en sciences sociales semblent être très revenu. On peut communiquer avec lui au (613) 951-2891 ou proches de ceux relatifs aux diplômés en chimie, en à giles@statcan.ca. Torben Drewes est au service de lUniversité sciences physiques et en sciences naturelles, mais infé- Trent. On peut communiquer avec lui au (705) 748-1011 rieurs à ceux des diplômés en architecture et en génie. (poste 1545) ou à tdrewes@trentu.ca. 28 / Automne 2001 PERSPECTIVE Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Dans le présent article, on a utilisé lEnquête sur la cependant favoriser une plus grande mobilité entre les dynamique du travail et du revenu (EDTR) afin dexa- secteurs du marché du travail. On pourrait donc miner lexpérience du marché du travail des titulaires sattendre à ce quil y ait des différences de mobilité dun baccalauréat. Depuis le début de 1993, lEDTR professionnelle, de croissance salariale et dacquisition offre une mine de renseignements sur lexpérience du de capital humain entre les deux groupes de diplômés, marché du travail quont les personnes, et sa concep- en particulier chez les plus récents entrants sur le mar- tion longitudinale est idéale pour déceler les change- ché du travail. ments au fil du temps (voir Source des données et définitions). On a examiné plusieurs dimensions de lexpérience Certains programmes de premier cycle sont à voca- du marché du travail. Les bacheliers des domaines tion professionnelle puisquon y enseigne des compé- détudes à vocation plus professionnelle bénéficiaient tences correspondant étroitement aux ensembles de dune prime sur le salaire horaire par rapport à leurs compétences requises dans les professions identifia- homologues en sciences humaines et sociales. Il est tou- bles et quon prépare les étudiants à exercer ces pro- tefois possible que chez les femmes du premier groupe, fessions dès lobtention de leur diplôme. Les cette prime soit contrebalancée par des périodes de programmes de sciences humaines et sociales, en chômage plus longues et plus fréquentes. Il semble revanche, sattardent davantage au développement de aussi que les compétences acquises par les diplômés en compétences génériques telles que laptitude à com- sciences humaines et sociales leur permettaient de pas- muniquer et le raisonnement analytique quà la prépa- ser plus facilement dune branche dactivité ou dune ration professionnelle. De telles compétences peuvent profession à lautre. Source des données et définitions L’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu Le domaine d’études pour un diplôme de premier est une enquête-ménage longitudinale qui a commencé cycle se fonde sur la classification type de Statistique en janvier 1993. Tous les trois ans, environ 15 000 nou- Canada. Les sciences humaines et sociales com- veaux ménages font partie de cette enquête. Au cours prennent les études dans les domaines suivants : ensei- d’une période s’échelonnant sur six ans, chaque ménage gnement, loisirs et services de counselling; beaux-arts remplit annuellement deux questionnaires détaillés, c’est- et arts appliqués; lettres, sciences humaines et discipli- à-dire un sur l’activité sur le marché du travail et l’autre nes connexes; et sciences sociales et disciplines con- sur le revenu. Les données du présent article visent la nexes. Le groupe des programmes d’études appliquées période quinquennale de 1993 à 1997. désigne les domaines suivants : commerce, gestion et administration des affaires; sciences et techniques agri- On a limité l’étude aux bacheliers qui avaient reçu leur coles et biologiques; génie et sciences appliquées; tech- diplôme au 1 er janvier 1993. Parmi les 1 446 personnes, niques et métiers du génie et des sciences appliquées; 59 % avaient étudié en sciences humaines et sociales, professions, sciences et technologies de la santé; et alors que les autres étaient diplômées de programmes plus mathématiques et sciences physiques. axés sur les études appliquées. Les deux groupes se res- semblent sur certaines variables importantes du marché du travail, y compris l’âge et le nombre d’années d’expé- Motifs de cessation demploi rience de travail (mesuré en équivalents à temps plein Personnels : maladie ou incapacité du répondant (liée ou toute l’année). Mais leurs proportions d’hommes et de non au travail), prendre soin de ses enfants ou de femmes, dont il faut tenir compte pour comparer l’un et parents plus âgés, autres obligations personnelles ou l’autre groupe sur le marché du travail, diffèrent grande- familiales, école, retraite. ment. Liés à l’emploi : a trouvé un nouvel emploi, faible rému- Des renseignements ont été recueillis sur tous les nération, pas assez ou trop d’heures, mauvaises condi- emplois occupés durant ces années, jusqu’à concurrence tions matérielles, harcèlement sexuel, conflit personnel, de trois emplois en 1993 et de six emplois pendant cha- travail trop stressant, se concentrer sur un autre emploi. que année subséquente. En cas d’emplois chevauchants, on déterminait l’emploi principal à partir du nombre d’heures Involontaires : entreprise a déménagé ou fermé ses travaillées. Pour se concentrer sur les transitions d’un portes, emploi saisonnier, mise à pied ou ralentissement emploi à un autre, l’analyse a été restreinte aux emplois non saisonnier des affaires, conflit de travail, congédie- principaux pour chacun des 60 mois. Cela a donné 1 174 ment par l’employeur, fin d’un emploi temporaire ou d’un emplois pour le groupe des sciences humaines et sociales contrat. et 856 emplois pour celui des programmes d’études appliquées. Autres : autre, ne sait pas. Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue Automne 2001 PERSPECTIVE / 29
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Caractéristiques des diplômés elle était nettement moindre (17 % comparativement à et de leurs emplois 23 %). Dans le cas de ce groupe, trois autres branches dactivité se démarquaient : les administrations publi- Près du quart des emplois occupés par les diplômés ques, les soins de santé et lassistance sociale, ainsi que en sciences humaines et sociales létaient dans les servi- la finance, les assurances, limmobilier et la location1. ces denseignement, ce qui représentait une concentra- tion supérieure au double de celle observée dans le Selon la profession, 30 % des emplois occupés par commerce, la deuxième branche dactivité en impor- le groupe des sciences humaines et sociales faisaient tance à ce chapitre (tableau 1). La seule grande con- partie des emplois dans les sciences sociales, lensei- centration demplois occupés par les diplômés des gnement, les administrations publiques et la religion. programmes détudes appliquées se trouvait dans les En fait, 19 % des diplômés en sciences humaines et services professionnels, scientifiques et techniques, mais sociales étaient des enseignants. Lajout des professions liées aux affaires, à la finance et à ladministration fait en sorte que plus de 50 % des diplômés en scien- ces humaines et sociales uvraient dans ces domaines. Tableau 1 : Caractéristiques personnelles Le groupe des programmes détudes appliquées était et professionnelles lui aussi largement et semblablement représenté dans les professions relatives à la gestion et aux affaires, à la Sciences Programmes finance et à ladministration. La différence dans la humaines et d’études répartition des professions entre les diplômés en scien- sociales appliquées ces humaines et sociales et ceux des programmes détu- Caractéristiques personnelles des appliquées est surtout attribuable aux professions Taille de l’échantillon 847 599 rattachées aux services denseignement, aux adminis- Âge moyen au 1 er janvier 1993 37,3 38,4 trations publiques, aux sciences naturelles et appliquées Nombre moyen d’années d’expérience de travail en et à la santé. équivalents temps plein toute l’année 12,2 12,7 Comment les taux salariaux Proportion des femmes (%) 56,8 40,5 se comparent-ils? Caractéristiques professionnelles Nombre d’emplois dans l’échantillon 1 174 856 Les deux groupes touchaient des salaires horaires moyens substantiels, mais les taux salariaux des diplô- Branche d’activité % més des programmes détudes appliquées étaient Services d’enseignement 23,4 6,8 Administrations publiques 9,6 12,2 supérieurs denviron 6 %, à la fois chez les hommes et Commerce 10,4 9,4 chez les femmes (graphique A)2 . Puisque léchantillon Services professionnels, scientifiques se limitait aux personnes dont le plus haut niveau de et techniques 9,2 16,6 Soins de santé et assistance sociale 7,0 11,6 scolarité était le baccalauréat, on ne peut attribuer lécart Information, culture et loisirs 7,7 -- salarial aux professionnels de la médecine dans le Finance, assurances, immobilier groupe des programmes détudes appliquées. Cepen- et location 10,1 11,6 Fabrication -- 10,7 dant, une simple comparaison des moyennes peut être Autre 22,6 21,2 trompeuse. Les salaires variaient de manière significa- tive dune personne à lautre, si bien que de nombreux Profession Gestion 14,3 17,8 diplômés en sciences humaines et sociales touchaient Affaires, finance et administration 23,6 19,9 un taux salarial supérieur à la moyenne de ceux du Sciences naturelles et appliquées groupe des programmes détudes appliquées. et professions apparentées -- 25,2 Santé -- 11,8 Lavantage salarial dont bénéficiaient les diplômés Sciences sociales, enseignement, administrations publiques et religion 30,1 -- des programmes détudes appliquées diminuait avec Arts, culture, sports et loisirs 7,8 -- lâge, sinversant même à partir de 45 ans, un régime Ventes et services 14,8 10,8 qua également observé Allen (1998) dans son analyse Autres 9,5 14,5 des gains annuels. Cela cadre avec lhypothèse selon Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1993 à 1997 laquelle les compétences acquises dans les program- mes de sciences humaines et sociales permettent 30 / Automne 2001 PERSPECTIVE Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Graphique A : L’avantage salarial des diplômés des programmes d’études appliquées s’inversait pour les personnes de 45 ans et plus. $ (1992)/heure $ (1992)/heure 30 30 Hommes Femmes 25 25 20 20 15 15 10 10 Tous les âges < 25 25 à 34 35 à 44 45 + Tous les âges < 25 25 à 34 35 à 44 45 + Sciences humaines et sociales Programmes d’études appliquées Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1993 à 1997 daccumuler relativement plus de capital humain au sortir des études formelles. Il est aussi permis de croire Tableau 2 : Estimations des quen raison du lien plus ténu entre les programmes de équations salariales sciences humaines et sociales et les compétences pro- fessionnelles requises, les diplômés de ces program- Équation 1 Équation 2 Équation 3 mes mettaient plus de temps à trouver leur chemin Variable Ensemble Sciences Programmes dépendante : des humaines d’études professionnel. ln (salaire) programmes et sociales appliquées Pour donner une idée générale des écarts salariaux, Constante 2,84 2,70 2,96 on a régressé le logarithme naturel des observations (0,030) (0,040) (0,044) de salaire horaire dont on disposait à laide dun Sciences humaines -0,095 ensemble de variables nominales à 1 pour les diplô- et sociales (0,012) més en sciences humaines et sociales et à 0 pour les Sexe -0,115 -0,075 -0,156 autres. On a neutralisé le sexe, le nombre dannées (0,012) (0,015) (0,018) dexpérience à temps plein toute lannée, lancienneté Expérience 0,0087 0,007 0,010 demploi, létat matrimonial et la province de résidence (0,001) (0,001) (0,001) (tableau 2). Les coefficients résultants peuvent être Ancienneté d’emploi 0,0008 0,001 0,0007 interprétés comme leffet proportionnel dun change- (0,0001) (0,0001) (0,0001) ment dunité dans la variable explicative. Ainsi, chaque R2 0,17 0,16 0,16 année dexpérience faisait accroître le salaire horaire den moyenne 0,87 % (équation 1). Les taux salariaux Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1993 à 1997 du groupe des sciences humaines et sociales étaient in- Nota : Les estimations pour les variables fictives provinciales sont férieurs den moyenne 9,5 % à ceux du groupe des exclues. (Les erreurs types sont entre parenthèses.) programmes détudes appliquées une fois quon neu- tralisait le sexe, lexpérience, lancienneté demploi, létat matrimonial et la province. Pour obtenir une estima- tion de lécart salarial hommes/femmes dans chaque dans le groupe des programmes détudes appliquées, groupe, des régressions distinctes sur les salaires ont où les femmes touchaient en moyenne un taux horaire été effectuées pour chaque groupe de diplômés au de salaire de presque 16 % inférieur à celui des hom- moyen dune variable fictive (0 = hommes, 1 = fem- mes (équation 3), comparativement à 7,5 % dans le mes). Lécart salarial hommes/femmes était plus grand groupe des sciences humaines et sociales (équation 2). Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue Automne 2001 PERSPECTIVE / 31
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Comment les expériences de chômage se comparent-elles? Graphique B : Les hommes en sciences humaines et sociales avaient tendance à Même si les taux salariaux des diplômés plus anciens chômer plus longtemps que leurs homologues en sciences humaines et sociales correspondaient ou des programmes d’études appliquées. étaient supérieurs à ceux de leurs homologues des pro- grammes détudes appliquées, le rendement de leurs Nombre de semaines de chômage, 1993 à 1997 études était plus susceptible dêtre moindre. Comment, 10 alors, concilier la popularité continue des programmes Sciences Programmes de sciences humaines et sociales avec les modèles de 8 humaines et d’études prise de décisions économiques rationnelles? Peut-être sociales appliquées est-il possible de répondre à cette question en invo- 6 quant le paradigme du choix de portefeuille de linves- tissement financier, qui implique quon acceptera 4 volontiers dobtenir un rendement prévu moindre de son capital investi contre une réduction du risque. Si 2 les compétences génériques acquises dans les program- mes de sciences humaines et sociales sont plus polyva- lentes sur le marché du travail, elles peuvent permettre 0 Les deux sexes Hommes Femmes une plus grande mobilité entre employeurs et entre professions ou branches dactivité, réduisant le risque Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu de chômage. Selon sa tolérance au risque, une personne pourrait très volontiers opter pour un rendement ces humaines et sociales et une profession bien précise, moindre afin déviter le risque dinvestir dans des com- les diplômés passent peut-être plus de temps à essayer pétences professionnelles particulières qui pourraient divers emplois subissant dans lintervalle les épiso- être dépassées à la suite de futures perturbations des de chômage qui en découlent. Mais lorsquils étaient commerciales ou technologiques. établis sur le marché du travail, leurs expériences de Pour étudier la question, les expériences de chô- chômage se comparaient favorablement. En fait, après mage des deux groupes ont été comparées. Cela per- 45 ans, les diplômés en sciences humaines et sociales met également daborder plus directement le débat de chômaient en moyenne durant moins de semaines que l« employabilité » concernant la pertinence détudier en sciences humaines et sociales. Graphique C : Les jeunes diplômés en LEDTR permet dexaminer le chômage sous dif- sciences humaines et sociales étaient en férents angles, y compris celui du nombre total de chômage beaucoup plus longtemps. semaines de chômage durant la période de lenquête. Au cours des 260 semaines allant de janvier 1993 à Nombre de semaines de chômage, 1993 à 1997 décembre 1997, les diplômés en sciences humaines et 25 sociales ont chômé en moyenne un peu plus dune semaine de plus que les diplômés des programmes 20 Sciences humaines et sociales détudes appliquées (graphique B). Cette différence était Programmes d’études appliquées presque entièrement attribuable au chômage plus élevé 15 chez les hommes diplômés en sciences humaines et sociales. 10 La différence ayant trait au chômage était particu- lièrement frappante chez les jeunes travailleurs (gra- 5 phique C). Les diplômés en sciences humaines et 0 sociales semblaient vivre une transition plus difficile au < 25 25 à 34 35 à 44 45 + marché du travail que leurs homologues des program- Âge, en janvier 1993 mes détudes appliquées. Puisquil ny a généralement aucun rapport direct entre les programmes de scien- Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu 32 / Automne 2001 PERSPECTIVE Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail ceux des programmes détudes appliquées, un régime Mais la situation était bien différente chez les fem- qui donne davantage de poids à lidée que les pro- mes. En effet, les épisodes de chômage des diplômées grammes de sciences humaines et sociales procurent des programmes détudes appliquées étaient nettement des avantages à long terme sur le marché du travail. plus longs que ceux des diplômées en sciences humai- nes et sociales ou que ceux des hommes des program- Les semaines de chômage étaient-elles le produit de mes détudes appliquées. Les épisodes de chômage des brefs épisodes répétitifs de chômage ou de longs épi- diplômées en sciences humaines et sociales duraient, sodes peu fréquents3 ? On a enregistré le même nom- en revanche, moins longtemps que ceux des hommes bre dépisodes de chômage par personne chez les du même groupe. Les taux de chômage supérieurs femmes, mais un nombre beaucoup plus grand chez chez les femmes en sciences humaines et sociales com- les hommes en sciences humaines et sociales que chez parativement à ceux de leurs homologues masculins ceux des programmes détudes appliquées (tableau 3). sexpliquaient par une fréquence plus élevée du chô- La différence entre les pourcentages dhommes tou- mage, tandis que le même phénomène chez les fem- chés par le chômage nétait pas aussi spectaculaire, mes et les hommes des programmes détudes indiquant une fréquence plus élevée dépisodes multi- appliquées était à la fois attribuable à une fréquence et ples de chômage chez les hommes en sciences humai- à une durée supérieures. nes et sociales. Un épisode de chômage durait en moyenne presque une semaine de plus chez les hom- La capacité relative des diplômés en sciences mes du groupe des sciences humaines et sociales. En humaines et sociales déviter le chômage ou de trou- tenant compte dune fréquence plus élevée de ces épi- ver du travail après avoir connu une période de chô- sodes, cela concordait avec leur plus grand nombre mage lance un message relativement partagé. Les de semaines de chômage (7,2 semaines par rapport à femmes des deux groupes tombaient en chômage au 5,5 semaines). même rythme, mais les diplômées en sciences humai- nes et sociales en sortaient nettement plus vite. Les hommes diplômés en sciences humaines et sociales chômaient plus souvent et mettaient plus de temps à Tableau 3 : Fréquence et durée du chômage se trouver un emploi que ceux du groupe des pro- grammes détudes appliquées, quoiquil y eût moins Sciences humaines Programmes d’études dune semaine de différence entre la durée moyenne et sociales appliquées des périodes de recherche (16,3 par rapport à 15,4). Hommes Femmes Hommes Femmes La mobilité professionnelle diffère Fréquence Épisodes par Si les diplômés en sciences humaines et sociales personne 0,42 0,57 0,34 0,57 acquièrent un capital humain plus général, cela devrait % leur permettre de se déplacer plus facilement dun sec- Proportion touchée 22,1 32,4 20,1 29,8 teur demploi à lautre. Cela devrait également, compte 0 épisode 77,9 67,6 79,9 70,2 tenu de la plus grande transférabilité de leurs compé- 1 épisode 11,3 18,6 11,2 18,4 tences, les disposer davantage à changer de secteurs 2 épisodes 5,8 7,8 5,9 6,8 puisque leurs pertes salariales (le cas échéant) seraient 3 épisodes ou plus 5,0 6,0 2,9 4,6 moindres. On peut attribuer aux taux élevés de mobi- lité une valeur négative (instabilité demploi) ou posi- semaines Durée tive (possibilité de bouger). Les mouvements Durée moyenne 16,3 15,3 15,4 21,9 professionnels volontaires comportant un changement % de profession témoignent de transitions plus suscepti- Moins que... bles de mettre à lépreuve la transférabilité des com- 8 semaines 39,8 47,1 51,3 46,2 pétences, car un changement de branche dactivité ne 16 semaines 69,4 68,6 70,9 63,1 modifie pas nécessairement le type de travail. (Les 26 semaines 85,0 80,9 84,1 71,0 transitions désignent tout passage dun emploi princi- 52 semaines 95,6 93,0 94,4 87,4 pal à un autre, avec ou sans épisode de chômage dans Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1993 à lintervalle. On nenregistre quune seule transition si une 1997 personne réintègre un emploi à la suite dune période de travail liée à un autre emploi.) Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue Automne 2001 PERSPECTIVE / 33
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail Le nombre moyen de transitions dun emploi à un ment sexuel, les mauvaises conditions de travail ou les autre durant la période quinquennale était compara- horaires de travail indésirables). Les transitions dun ble, les diplômés en sciences humaines et sociales affi- emploi à un autre chez les hommes en sciences humai- chant toutefois des taux de transition globaux nes et sociales étaient moins susceptibles dêtre liées à légèrement supérieurs pour les deux sexes (tableau 4). lemploi et plus susceptibles dêtre involontaires que Le taux plus élevé observé chez les jeunes hommes du chez les hommes du groupe des programmes détu- groupe des sciences humaines et sociales montre que des appliquées. Les femmes en sciences humaines et ceux-ci ont eu plus de difficulté à faire la transition au sociales étaient également plus susceptibles de quitter marché du travail, peut-être faute dun lien clair et involontairement, mais, au contraire de leurs homolo- direct entre leur programme détudes et leur vocation gues masculins, la proportion se rapportant aux chan- éventuelle. La probabilité de transition des diplômés gements demploi pour des motifs liés à lemploi était en sciences humaines et sociales dâge moyen (25 à 34 aussi plus élevée. On peut difficilement tirer des con- ans) était énormément plus basse et inférieure à celle clusions certaines quant à la capacité relative des per- des diplômés des programmes détudes appliquées. sonnes des deux groupes de choisir de passer dun Toutefois, on observait linverse chez les groupes les emploi à un autre en raison de la proportion élevée de plus âgés. transitions sans motif déclaré. On mesure avec plus de précision la proportion des changements demploi ayant lieu dun secteur dacti- Tableau 4 : Mobilité professionnelle vité ou dun secteur professionnel à lautre. On a ainsi observé que les diplômés en sciences humaines et Sciences humaines Programmes d’études sociales des deux sexes changeaient nettement plus et sociales appliquées souvent de secteurs. Cela témoigne peut-être de leur Hommes Femmes Hommes Femmes plus grande capacité de transporter leur capital humain dun secteur à lautre. Les taux de changement sem- Nombre de transitions d’un emploi blent extraordinairement élevés, mais ces pourcenta- à un autre par personne ges ne sappliquent quaux transitions dun emploi à un Tous les âges 0,76 0,68 0,70 0,65 autre et non pas à tout léchantillon des personnes. En Moins de 25 ans 2,24 1,16 1,15 1,33 25 à 34 ans 0,84 0,79 0,98 0,85 fait, la majorité des diplômés des deux groupes est 35 ans et plus 0,57 0,46 0,45 0,31 demeurée au sein de la même branche dactivité et de % la même profession au cours de la période quinquen- Motifs de cessation d’emploi nale à létude. Personnels 4,2 10,3 4,1 8,0 Liés à l’emploi 25,4 18,3 30,8 12,5 Involontaires 22,9 23,1 17,3 11,9 Conclusion Autres 13,2 11,1 7,6 19,5 Non déclarés 34,3 37,2 40,2 48,1 Les diplômés des programmes universitaires de scien- ces humaines et sociales acquièrent des compétences Changement dans... Branche d’activité 64,6 61,9 55,6 52,6 différentes de celles obtenues au sein de programmes Profession 64,6 60,5 55,4 51,6 à vocation plus professionnelle en font foi les Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1993 à différentes branches dactivité et professions dans 1997 lesquelles ils trouvent un emploi. En outre, les taux salariaux des diplômés en sciences humaines et sociales sont collectivement moindres. De plus, les La proportion plus élevée de cessations demploi hommes diplômés de ces programmes chôment chez les femmes des deux groupes et ce, en raison davantage. des soins aux enfants et dautres obligations familiales Ces comparaisons globales dissimulent cependant correspond aux attentes. Chez les femmes, en outre, dimportantes dimensions à long terme de lexpérience les cessations demploi étaient moins susceptibles dêtre du marché du travail qui sont peut-être attribuables à des départs liés à lemploi, une catégorie qui comprend la nature des ensembles de compétences quont obte- les départs à linitiative de lemployé (bien quils puis- nus ces diplômés. Le désavantage salarial, par exem- sent ne pas toujours être entièrement volontaires, ple, provenait décarts salariaux très significatifs chez impliquant de ce fait des facteurs tels que le harcèle- les jeunes travailleurs des deux sexes. À 45 ans, les taux 34 / Automne 2001 PERSPECTIVE Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue
Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail salariaux des diplômés en sciences humaines et socia- 2 Lenquête est conçue de telle sorte quil est compliqué de les dépassaient ceux de leurs homologues des pro- comparer les taux salariaux puisquil peut y avoir des taux grammes détudes appliquées. Dans le même ordre pour différents emplois pour une personne ou à différents didées, le chômage relatif plus élevé résultait de diffé- moments pour le même emploi. LEDTR permet denregis- rences radicales chez les jeunes diplômés, les travailleurs trer les taux horaires de salaire (déclarés directement par les répondants ou imputés à partir des renseignements sur le plus âgés en sciences humaines et sociales chômant revenu et les heures de travail) au début de chaque année civile moins de semaines. pour les emplois alors occupés. On senquiert aussi des taux Il appert que les diplômés des programmes de scien- de fin dannée pour les emplois occupés à la fin de lannée. ces humaines et sociales avaient beaucoup plus de dif- Enfin, on y recueille des données sur le dernier taux salarial ficulté à faire le passage de lécole au travail, comme obtenu pour tout emploi se terminant durant lannée civile. Puisquun emploi ayant débuté durant lannée ne déclenche on pouvait sy attendre en raison du manque de lien pas dobservation salariale, on nenregistrera pas explicite- clair entre leur programme détudes et leur profession. ment le salaire à lembauchage. Toutefois, lEDTR permet- Mais une fois cette transition achevée, le caractère tant dindiquer si les salaires changent ou non pendant générique des compétences quils ont acquises semblait lannée, les salaires à lembauchage seront donc disponibles leur être très utile parce que ces compétences leur implicitement pour les emplois dont les salaires ne changent durent plus longtemps et quelles sont complémentai- pas avant le 31 décembre. res à lapprentissage continu et à vie face aux change- ments du marché du travail. Les plus courts épisodes 3 La situation hebdomadaire au regard de lactivité jointe de chômage des femmes en sciences humaines et à chaque enregistrement personnel de lEDTR peut servir à déterminer la fréquence et la durée des épisodes de chômage. sociales et la plus grande mobilité professionnelle et Les épisodes commençant avant janvier 1993 ou se poursui- industrielle des diplômés des deux sexes faisant partie vant au-delà de décembre 1997 sont tronqués, ce qui entraî- de ce groupe renforcent lhypothèse selon laquelle leurs nera une sous-estimation de leur durée moyenne. Étant compétences sexportaient mieux, leur offrant ainsi de donné la période séchelonnant sur cinq ans, cette sous- plus grandes possibilités de réemploi. estimation sera susceptible dêtre petite, et les biais dans les comparaisons dun groupe de diplômés à lautre le seront Quel est le juste équilibre entre lacquisition de com- encore davantage. Des 657 épisodes, 71 chevauchaient le pétences générales et lacquisition de compétences tech- début ou la fin de la période de lenquête. Les éliminer faute niques ou professionnelles? Si les niveaux de revenu den connaître la véritable longueur introduirait de nouveaux ou les taux de chômage calculés à partir des données biais puisquon risquerait davantage de laisser tomber de transversales peuvent éclairer quelque peu, on aura plus longs épisodes (plus susceptibles dêtre observés au besoin, pour mieux comprendre le rendement sur le début et à la fin de la période). marché du travail de ces différents ensembles de com- pétences, dobservations sur la dynamique des carriè- res individuelles comme celles fournies par lEDTR. n Documents consultés Bien que les données soient extrêmement complexes ALLEN, R.C. The Employability of University Graduates in the et que la présente analyse ne mène quà des conclu- Humanities, Social Sciences, and Education: Recent Statistical Evidence, Université de la Colombie-Britannique, Départe- sions provisoires, les premiers résultats permettent de ment de léconomie, 1998, document de travail no 98-15. fonder beaucoup despoir dans déventuelles appro- ches mieux structurées. APPLEBY, J., et autres. Distribution of Rate of Return by Field of Study and Level of Education in Canada, Ottawa, Développe- Perspective ment des ressources humaines Canada, Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, à paraître. n Notes LAVOIE, M., et R. FINNIE. « Is It Worth Doing a Science 1 Ces concentrations relatives sont sensibles à la classifica- or Technology Degree in Canada? Empirical Evidence and tion utilisée pour distinguer le groupe des sciences humaines Policy Implications », Analyse de Politiques Canadian Public et sociales. Par exemple, leur sous-représentation relative Policy, 1999, vol. XXV, no 1, p. 101 à 121. dans les secteurs des administrations publiques et de la finance découle en partie du fait que le commerce, la gestion et ladministration des affaires étaient inclus dans le groupe des programmes détudes appliquées. Statistique Canada - no 75-001-XPF au catalogue Automne 2001 PERSPECTIVE / 35
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