Infester les zones Guy Durand - Inter Art actuel - Érudit
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Document generated on 07/13/2022 12:48 p.m. Inter Art actuel Infester les zones Guy Durand Number 36, Summer 1987 URI: https://id.erudit.org/iderudit/47007ac See table of contents Publisher(s) Les Éditions Intervention ISSN 0825-8708 (print) 1923-2764 (digital) Explore this journal Cite this article Durand, G. (1987). Infester les zones. Inter, (36), 38–45. Tous droits réservés © Les Éditions Intervention, 1987 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
_• • a^H • >J COLLECTI] E [RTISTS GROl P FROM Ql EBEC \T VEH ) ORK. Le Collectif d'artiste Inter/Le Lieu a contribue à sn façon au dixième anniversaire de Franklin Furnace ( 112 Franklin Si reel Y-) ). Fonde en 1976 pur Martha II ilson, Franklin Furnace est
Débrouillardise individuelle ou filière étatique? Y européens et américains et un espace d'artiste, Le a-t-il d'autres canaux pour les artistes québécois et Lieu, en plus de produire des événements spéciaux canadiens qui osent créer et exposer à New York, depuis 1981, notamment les festivals de performan- centre occidental de l'art moderne? ces multidisciplinaires (trois festivals d'Interven- Certains risquent encore l'aventure du loft tou- tion: Néo-song Cabaret, In memoriam Georges jours trop onéreux même dans «East Side» en espé- Maciunas, Espèces Nomades). Via une telle con- rant percer sur le marché ou s'intégrer quelques nexion c'est la dimension de réseau d'art qui prenait temps dans des groupes «underground» de plus en ici tout son sens. plus à saveur multi-ethnique. C'est la loi de la jungle Mais la présence du Collectif Inter/Le Lieu à qui prévaut pour tous. New York ne s'est pas limitée à la jonction avec Ilya encore une manière «institutionnelle», étati- Franklin Furnace. En effet, les affinités Fluxus des sée, de séjourner à New York pour les artistes d'ici. artistes du Collectif, les nombreuses collaborations En effet les programmes culturels subventionnés et échanges avec nombres de praticiens(nes) ne du Conseil des Arts et du Ministère des Affaires pouvaient qu'élargir le rayonnement de cette pré- Culturelles mettent à la disposition de nos créa- sence québécoise à New York. teurs, après sélection par concours et jurys bien sûr. une galerie, 49' Parallèle (fédéral) et un La venue des Dick Higgins, Alison Knowles, studio de stage annuel (provincial) — dont la Philip Corner lors des festivals In Memoriam Geor- récipiendaire cette année est la journaliste Natha- ges Maciunas (1984) et Espèces Nomades lie Petrowsky —. (automne 86) à Québec se sont traduits par l'hospi- Or il y a une alternative. Celle des réseaux d'art talité et la possibilité pour les artistes québécois de parallèle fondés sur une communauté d'esprit créer dans les espaces new-yorkais intéressés par (Zeitgeist) et d'intervention artistiques qui existent le travail artistique dans le même esprit. C'est ainsi depuis plus de dix ans maintenant. La présence du qu'une soirée de performances par des membres du Collectif Ouébécois Inter/Le Lieu à New York au groupe a animé la galerie Emilie Harvey dans Soho. mois de novembre révèle tout autant qu'elle relève Autre pénétration en réseau, la présence de Moni> de ce réseau. Cantsin à New York, dont la filiation néoïste a cons- Franklin Furnace désigne donc ce centre- tamment croisé Intervention au fil des ans en péri- galerie axé sur les publications d'art actuel (livres phérie québécoise, a aussi concrétisé une autre d'artistes, revues, mouvements de poésie concrète facette réseau de l'«activisme» d'Inter/Le Lieu à ou performances poétiques) qui a pignon dans Tri- New York, cette fois-ci de manière vraiment «under- beca depuis dix ans. Son centre de documentation, ground» et sauvage, à l'image de l'audace de l'art de libellé the last word in museum, fait autorité. C'est East Village. Après une performance néoïste dans un peu pour s'associer aux célébrations de ce une cave, deux des artistes d'intervention ont exalté dixième anniversaire, que le Collectif Inter/Le le NoSeNo, cet espace — couloir greffé à la fabu- Lieu de Québec, actif lui aussi depuis bientôt dix leuse sculpture urbaine qu'est la Vénus de Riving- ans 1978-1988, a conçu le projet d'une exposition et ton dans East Side. d'une soirée de performances incluses dans le calen- Une semaine d'interventions dans Soho (Frank- drier de célébration de Franklin Furnace. Les con- lin Furnace et Emilie Harvey) et East Village tacts existaient depuis plusieurs années déjà dans (NoSelMo), un mois d'exposition à Franklin Fur- la mesure où Inter/Le Lieu publie la revue Inter, nace, voilà ce qui est aussi possible du côté des gère aussi un centre de documentation aux contacts réseaux alternatifs. 41
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photos: Patrick Altman rencontre entre le langage écrit et tal» de son appel à exprimer la le langage de l'art: le raccourci tendresse (/ love N-Y dit le slo- conceptuel (photo i>. Pierre-André gan!) (photo 6) Danielle Ricard a Arcand de par des rideaux de «littérairement» scié un livre — douches imbibés d'encres super- dans cette île où il ne reste que visait sa fabuleuse «machine à peu d'arbres, encore moins de mots» dérivée de la distributrice bûcherons — (photo 15). de gomme. Une installation de Pierre-André Arcand a sus- décentrement du mot fonction- pendu le temps scénique en «son nel. Alain-Martin Richard oscil- par crevaison», initiative à venir lait entre la suspension des mots de la salle — Corner le musicien en mixte d'objectivation et une ayant compris très vite...— (photo apparente brutalisation des lan- 16). Alain-Martin Richard aura gages réalistes (photo 20). étonné. De manière judicieuse, il Beurk Tisselard alias Jean- a reproduit à petite échelle la vie Claude Gagnon, cet «abominable quotidienne d'un de ces «yellow homme des lettres», avait déballé cabs» qui sillonnent sans relâche ses fascinants livres-récits Manhattan. Instruments: bande dignes de l'univers mythique des sonore d'une promenade/ bandes dessinées tandis que discussion avec un vieux routier Louis Haché faisait de la mobi- et taxi-jouet à commande se pro- lité sa maison nomade, dont les menant parmi les gens présents. murs s'ornaient d'énigmes grif- La rue dans un sous-sol et des fonnées. L'Arche // (photo 18). Enfin chocolats After Eights en cadeau! Patrick Altman. Il a su, mieux (photo 7). que quiconque, combiner de Beurk Tisselard (Jean- manière «postmoderne» ce rap- Claude Gagnon) a «joué» de ses port photographique ondulatoire flûtes et saxophones une des L'exposition à du réel et ce rapport fictif des facettes musicales de ses «répa- Franklin Furnace mots publicitaires en une instal- rations de poésie», (photo 5). Louis lation politiquement «électri- Haché a incarné de manière Ln défi permanent émane de l'es- fiante» (photo 4). minimaliste cette soudure com- pace d'exposition chez Franklin Furnace: celui de déborder artis- munautaire entre les artistes tiquement la présentation des La soirée de de New York et tous les autres oeuvres comprises et perçues performances à oeuvrant «outre-pomme». Sa comme documents (photo i9). Franklin Furnace performance/installation possé- Notamment en matières de Huit performances (présentées dait une esthétique du respect, revues et de livres d'artistes. Les par Guy Durand) ont animé le un rythme de coeur et une «artefacts» d'Inter/Le Lieu sous-sol de Franklin Furnace le réflexion humaniste. Richard allaient faire éclater ce carcan au samedi soir 15 novembre — dix Martel, quant à lui, a fait éclater profit d'une poétique multimédia. ans après l'élection d'un certain l'humour, arme destructrice du narcissisme à outrance qui enve- Danielle Ricard moule en parti indépendantiste au Québec loppe la vie culturelle et artis- objet les livres, déformant la —. L'autonomie cette fois se réa- tique actuelle. «Artist as» en linéarité fonctionnelle de l'im- lisait par l'art. Complément à sketchs, une performance cons- primé et de sa lecture logique. l'exposition, c'est cette vitalité du truisant une étonnante mise à Elle déclenche une vision esthéti- Collectif à composer en direct distance, (photo 17). que. Diane-Jocelyne Côté en avec l'audience new-yorkaise qui arrive presque à faire surgir le aura été le dénominateur com- halo de la patience, elle dont la mun des performances. Fini le La performance à trois micro-minutie «pictographique» repli de terroir! chez Emilie Harvey brode le papier et les poèmes. Diane-Jocelyne Côté et Valé- Atmosphère fébrile en ce ven- Jean-Claude St-Hilaire cadrait rie Letarte ont quasiment fait dredi soir chez Emilie Harvey. Le une sorte de tachisme d'avant la voir le parcours d'une simple trio Arcand/Martel/Richard lettre (photo 3). Mona Desgagné phrase, ajoutant à la prestation allait mettre en branle tout un introvertissait en trajets ses en salle des effets spéciaux (le dispositif poétique venu en droite textes et textures. Une humeur tonnerre du haut des «buildings» ligne de leurs collaborations outrepassant le rôle documen- de Manhattan). Mona Desgagné antérieures en France et en Scan- taire. a séduit tous les participantes dinavie. Qui plus est, ils expor- Richard Martel s alliait à en les amenant à compléter indi- taient en plein Soho l'esprit Outenberg pour illustrer en viduellement — intimement pres- Espèces nomades, ce Festival grands formats répétitifs cette que — un prolongement «art pos- d'ln(ter)ventions qui venait tout 43
photos: Patrick Altman juste de se terminer à Québec — rets (photo 9). Mais c'est bel et bien Monty Cantsin, qui présentait qualifié par Marianna Bech l'«osmose» du trio avec la soixan- lui-même ce soir-là un ghetto- «d'événement majeur dans le taine de gens présents (photo to), plaster performance (photo it). domaine de la performance en sorte de déclamation collective Arcand et Martel ont littérale- 1986»—. des poèmes sans fin de Martel ment «harangué» le garage/ Cette performance collective qui a donné l'impression de espace d'artistes NoSeNo, s'articulait autour de trois temps puissance à cette prestation jumelé à la galerie et à la déli- forts: 1 ) d'abord un tracé de corde québécoise. rante sculpture ferraille/ au sol tramant une véritable recyclage/parc dite la Vénus de «prise d'espace», (photo 8) 2) Rivington au coin de la rue du ensuite une poursuite sur les L'activisme du NoSeNo même nom (photo i4). Dans le murs avec des mots et des nom- L'art sauvage vit dans les caves tumulte des décibels Arcand a bres que Alain-Martin Richard et garages d'East Side. Après semblé devenir «sa» machine — faisait apparaître et disparaître minuit, l'esthétique capote, entre clavier programmé — tandis que (photo 2i). 3) aussi ces larges fenê- des murs exposant du «mail art» Martel a puisé dans sa voix tres un instant ouvertes comme ou au travers des décibels «heavy amplifiée/déformée par une pour étendre à la rue la sonorité rock» des garages band. Alors caisse enregistreuse miniature de leur performance. Le dialogue une fois close la soirée des per- en bouche pour livrer énergique- fonctionnait en dictions, appelant formances chez Franklin Fur- ment un message identique: we soit la «machine» (Arcand), soit nace le samedi 15 novembre, are ail machine. Rarement l'adé- l'ordonnance Nature/Culture, «l'art adventure» se transportait quation entre le cri marginal et sortes de rythmes émanant des plus à lest, dans «l'under- le climat d'éclatement n'aurait légumes comestibles et fleurs ground». De Soho vers East Side. pu prévoir meilleure rencontre décoratives soumis aux coupe- De connivence avec le néoïste (photos 12-13).
La nuit de l'alternative: sus art alternatif (faire différem- institutionnalisé dans SOHO au remarques sur le ment dans le but de remplacer, de travers du marché des avant- champ de l'art se substituer, de contester ou de gardes. Par exemple en 1987 critiquer), et de revoir les notions dans Soho, l'idée à'art as Enter- New York façonne la réalité d'espaces d'artistes selon l'usage tainment fait de la performance actuelle de l'art et force la en collectifs ou comme succes- un genre artistiques officiel réflexion critique sur ce qui se sion d'activités individuelles? Le appelé à un avenir commercial et passe là et chez nous. Manhattan passage d'Inter/Le Lieu à New de loisir assuré pour les «bran- Incarne le modèle du système de York devient un excellent pré- chés»; et les centres de documen- l'art actuel. L'art contemporain y texte à cette réflexion dans la tation font du livre d'artiste, des domine via la collusion explicite mesure où le contexte de l'audace revues et affiches des objets d'art du marché des galeristes et des de l'art dans la jungle du marché significatifs, dignes d'archives et, musées. S'y greffent les espaces new-yorkais est totalement diffé- comme à Space art, de com- d'artistes, studios (lofl) ou gale- rente de celle face à face avec merce! Quelques galeries, ries sauvages. Ici l'étagement des l'univers subventionné par l'État comme Ronald Feldman — qui réseaux de création et d'exposi- et la faiblesse du marché de l'art rendait hommage à Joseph Beuys tion fonctionnent en une géogra- au Québec. en accueillant en novembre deux phie et des horaires institués: La période du Québec Under- de ses installations les plus for- ground 1962-1972 et ensuite la tes sur le thème de la survie et de Géographie artistique l'éternité spirituelle —, Emilie de New York phase d'établissement des réseaux parallèles et périphéri- Harvey — Dick Higgins, le poète 1) milieu et haul de Manhattan où se concen- trent les Institutions et le marché somptualre: ques 1976-84, nés de la révolu- «fluxus» y vend ses toiles et des- l'art contemporain et la mémoire artistigue du tion tranquille et des politiques sins — et Franklin Furnace con- siècle firment l'installation/sculpture la bibliothèque tic New York, le MOMA — culturelles, ne vivent-ils pas des qui exposait l'util Klee cet hiver cl les dessins infrastructures économiques et et l'esprit fluxus comme tendan- tic Roy l.lchtenstein ce printemps (87) —. le politiques, c'est-à-dire du Mécé- ces importantes dans l'art actuel. Whitney Museum et su biennale île printemps nat d'État de ce côté-ci du 49' Parce que le contexte écono- incluant Vlto Acconcl annonçant un retour à l'abstraction —. Le (luggenheim qui va parallèle? Le réseau des galeries mique de New York est prohibitif s'agrandir, le Metropolitan Museum el les parallèles canadien et québécois et qu'il y a saturation des galeries chics galeries. ne s'est-il d'ailleurs pas institu- vouées à l'art contemporain, l'al- 2) Soho qui a développé le marché de l'art des tionnalisé rapidement: associa- ternative prend vie dans les loge- avant-sardes et de l'art parallèle tions et organisations de revendi- ments, les petits studios et les l.eo Castelll dont on fête le HOT anniver- saire d'activités, MaryBoone. Ronald h'eldman cation vis-à-vis les programmes garages, sorte de réponse des le premier à exposer lieuys en Amérique. Spe- gouvernementaux indissociables artistes porteurs d'initiatives. rone. Westwater, Ok Harris, DILaurenti. Emi- ne sont-ils pas là pour le prouver? Alternative peut-être mais seule lie Harvey, New Museum, franklin Furnace, Art Space, la galerie 4!? Parallèle qui expo- L'accès au capital public et le réponse au racisme tacite et sait le plasticien Claude Tousignant. etc. rapport à la technocratie cultu- à la pauvreté. Des galeries et 3) Kast Village qui renferme le marché de l'art relle tant aux stades de la for- des espaces d'artistes marginaux des ethnies et les réseaux de l'art alternatif. mation, des expositions et lieux aux conditions d'existence bru- On y trouve déjà un nouvel Itinéraire du mar- de création et de l'achat des oeu- tes. Cette faune et ce climat de ché des oeuvres, sorte d'officialisation de vres structurent-ils une forme l'underground: vie renforcent la symbolique I'sl22. Nature Morte, NoSeNo. Vénus de nouvelle de l'aliénation ou au «underground». Rivington, les caves, les logements d'artistes contraire le contexte politique De mail art et de performances et les garages, etc. spécifique des luttes et de l'alter- néoïstes dans des caveaux, de D'où cette interrogation: l'art native? Évidemment, c'est sous la sculptures et de musique dans «underground», sauvage, souter- pression des jeunes générations des garages loués, de sculptures rain, subversif — idéal de tout de créateurs, venus d'un système urbaines au statut de «squatter», artiste rebelle et marginal — intégré d'éducation géré par d'expositions de bad painting, existe-t-il encore hors de cette l'État, que les prétentions d'alter- dans des refuges illégaux, voilà consommation parallèle et de native et d'autogestion artistique de quoi se nourrit la nuit de l'al- cette consommation officielle des ont pu exister dans une phase de ternative, entre la deuxième ave- oeuvres d'art qui n'obéissent qu'à luttes politiques — l'art comme nue et l'avenue B et un arrêt au la logique capitaliste, au moment mouvement social — pour Two B ou en face au sous-sol où l'art semble s'individualiser, ensuite devenir réseau parallèle «Save the Robot» ces bars qui se poétiser au détriment de sa aux autres peut-on avancer. Il ouvrent à trois heures! Écho politisation? Où est rendue la faudra approfondir. écorché à cette ville violente où la frontière? On s'aperçoit qu'à New York fièvre de créer, d'exister au pré- Ne faut-il pas s'engager à redé- l'audace de l'art circule dans un sent et pour toujours hante les finir, soupeser ce qu'on entend réseau alternatif maintenant artistes: tel un risque. par art parallèle (faire autre concentré dans East Village tan- Inter/Le Lieu à New York, ce fut chose, à côté, en marge de) ver- dis que l'art actuel parallèle s'est un peu cela. 45
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