Intérêt de la caractérisation moléculaire des cancers digestifs
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POST’U (2021) Intérêt de la caractérisation moléculaire des cancers digestifs Cindy NEUZILLET Département d’Oncologie Médicale, Institut Curie, Université Versailles Saint-Quentin – Université Paris Saclay, 35 rue Dailly, 92210 Saint Cloud cindy.neuzillet@curie.fr CMS : Consensus Molecular Subtypes CTLA4 : cytotoxic T-lymphocyte asso- Introduction ciated protein 4 CVB : cancers des voies biliaires EBV : virus Epstein-Barr Jusqu’aux années 1990, la chimio EGFR : récepteur du facteur de crois thérapie cytotoxique était l’unique sance épidermique outil thérapeutique médical des ESCAT : ESMO Scale for Clinical cancers digestifs. Ces agents théra Actionability of molecular Targets peutiques affectent préférentielle OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES ment les cellules à division rapide, ESMO : European Society of Medical — Connaître les principales anoma Oncology y compris les cellules cancéreuses, lies moléculaires influençant la FGFR : récepteur au facteur de crois mais également les tissus normaux décision en oncologie digestive sance des fibroblastes hautement prolifératifs (notamment CANCÉROLOGIE GIST : tumeurs stromales gastro-in les muqueuses digestives et la moelle — Connaître les indications de la testinales osseuse), ce qui entraîne des toxicités caractérisation moléculaire en HR : Hazard ratio fréquentes et limitantes. Une meil oncologie digestive HRD : réparation de l’ADN par recom leure compréhension de la biologie — Connaître les modalités pratiques moléculaire des cellules cancéreuses a binaison homologue de réalisation d’une caractérisation conduit à la révolution thérapeutique IDH1 : isocitrate déshydrogenase-1 moléculaire (matériel histologique des thérapies dites « ciblées », c’est- IHC : immunohistochimie nécessaire, circuit de la demande) à-dire des anticorps monoclonaux IMK : inhibiteur multikinase ISH : hybridation in situ (mAc) ou de petites molécules inhi LIENS D’INTÉRÊTS JOG : jonction oeso-gastrique bitrices multikinases (IMK), dirigées mAc : anticorps monoclonal contre des protéines spécifiquement Board/consultant : Amgen, Astra soit surexprimées, soit mutées dans MAPK : mitogen activated protein Zeneca, Baxter, Bristol-Myers Squibb, les cellules cancéreuses (1). kinase Fresenius Kabi, Incyte Biosciences, MLH1 : mutL homologue 1 Les thérapies ciblées ont apporté un Merck, MSD, Mylan, Novartis, Nutricia, MMR : MisMatch Repair bénéfice clinique dans de nombreux Pierre Fabre, Roche, Sanofi, Servier MSH2 : mutS homologue 2 types de cancers, notamment diges Financement recherche : Roche MSH6 : mutS homologue 6 tifs (1, 2). Cependant, leurs effets ont Essais cliniques : AstraZeneca, Bristol- MSI : microsatellites instables parfois été décevants, en raison de Myers Squibb, OSE Immunothera NIH : National Institute of Health mécanismes de résistance intrinsèque peutics NGS : Next Generation Sequencing ou acquise, d’une activité limitée à PARP : poly(ADP-ribose) polymérase certains contextes tumoraux ou sous- PCR : réaction d’amplification en MOTS-CLÉS groupes moléculaires, ou d’un profil chaîne par polymérase de toxicités moins favorable qu’at biomarqueurs, médecine personna PD1 : programmed death-1 tendu. Ces échecs ont mis en évidence lisée, thérapies ciblées PD-L1 : programmed death-1 ligand l’importance d’une sélection rigou PMS2 : postmeiotic segregation reuse des patients et ont révélé la increased 2 complexité de la biologie des cancers ABRÉVIATIONS SG : survie globale digestifs à la fois au niveau inter-tu ADNtc : ADN tumoral circulant SSM : survie sans maladie moral et également au sein d’un type AMM : autorisation de mise sur marché SSP : survie sans progression de tumeur donné (1, 2). CCA : cholangiocarcinome T-DM1 : trastuzumab-emtansine CCR : cancer colorectal TNCD : Thesaurus National de L’identification de biomarqueurs CIMP : CpG Island Methylation Cancérologie Digestive prédictifs de la réponse à ces théra Phenotype TRK : récepteur kinase de la tropomyo pies est donc devenue un enjeu CIN : Chromosomal INstability sine majeur et l’ère de la médecine person 153
nalisée s’est ouverte. D’un traitement - les marqueurs pronostiques, qui techniques de biologie moléculaire standard pour tous les patients dans sont associés à une évolution de (réaction d’amplification en chaîne une indication donnée, des protocoles la maladie plus ou moins favorable par polymérase [PCR], ex. : muta se sont développés spécifiquement en termes de survie sans maladie tions KRAS), d’immunohistochimie pour certains sous-types de tumeurs, (SSM, après chirurgie) ou sans (IHC) et/ou d’hybridation in situ sur la base de l’identification de progression (SSP, stades avancés) (ISH, ex. : surexpression/amplification biomarqueurs prédictifs. et/ou globale (SG), indépendam HER2). Ces dernières années, l’avè ment des traitements administrés nement des techniques de séquen Selon le National Institute of Health (« histoire naturelle ») ; çage à haut débit (Next Generation (NIH), le terme de biomarqueur Sequencing, NGS) a également élargi désigne « une caractéristique qui est - les marqueurs prédictifs, qui pré la dimension de la recherche de ces mesurée et évaluée objectivement disent l’activité d’un traitement anomalies, passant de leur recherche comme indicateur d’un processus spécifique et ont vocation à être individuelle à l’étude de panels biologique normal ou pathologique, utilisés comme outils d’aide à la pouvant atteindre plusieurs centaines ou traduisant la réponse pharmaco décision thérapeutique ; lorsqu’ils de gènes. Publiée en 2018, la classifi logique à une intervention thérapeu permettent de sélectionner les cation ESCAT (ESMO Scale for Clinical tique » (3). Définis comme tels, les patients pour un traitement, ils Actionability of molecular Targets) biomarqueurs peuvent s’appliquer à sont qualifiés de « tests compa proposée par l’European Society of de nombreux domaines cliniques et gnons » (5). Medical Oncology (ESMO) permet de peuvent être de natures très variées : classer ces altérations moléculaires cliniques, moléculaires (sanguins ou Nous nous concentrerons ici plus selon leur « actionnabilité », c’est-à- tumoraux) ou d’imagerie. particulièrement sur les biomarqueurs dire la démonstration d’un bénéfice moléculaires tumoraux prédictifs, clinique obtenu par leur ciblage En cancérologie, trois catégories de influençant la réponse aux traite thérapeutique, allant de I (prêt pour biomarqueurs sont distinguées (4) : ments (ciblés ou non). L’analyse des la pratique de routine) à IV (rationnel biomarqueurs est effectuée sur un pré-clinique) en fonction du niveau de - les marqueurs diagnostiques, fragment de tumeur, fixé et inclus en preuve (Tableau 1) (6). correspondant aux tests permet paraffine le plus souvent ou congelé tant d’aider au diagnostic ou à (biopsie ou pièce de résection chirur Dans cette mise au point, nous présen l’identification de sous-classes gicale, tumeur primitive ou métas terons les principales anomalies d’une maladie particulière ; tase). Ils peuvent être étudiés par des moléculaires influençant la décision Tableau 1 : Classification ESCAT de l’European Society of Medical Oncology [d’après Mateo et al. (6)] Classe ESCAT Valeur clinique Implication clinique Prêt pour I : Couple altération moléculaire Le traitement ciblé administré aux L’accès au traitement doit être l’utilisation et traitement ciblé associé à un patients présentant l’altération considéré comme la référence en routine bénéfice dans des essais cliniques moléculaire a montré une thérapeutique amélioration des résultats cliniques dans les essais cliniques prospectifs (randomisés ou non, études basket/ multi-tumeurs, avec données de survie) Expérimental II : Couple altération moléculaire Le traitement ciblé administré Traitement à évaluer et traitement ciblé associé à à des patients définis sur le prospectivement (registre ou essai une activité anti-tumorale, mais plan moléculaire est susceptible clinique) l’amplitude du bénéfice est d’améliorer les résultats cliniques inconnue dans un type de tumeur (étude rétrospective, ou prospective sans donnée de survie), mais des données supplémentaires sont nécessaires Cible III : Couple altération moléculaire et Le traitement ciblé a précédemment Essai clinique à discuter avec les hypothétique traitement ciblé présumé améliorer été démontré bénéfique pour un patients les résultats cliniques sur la base sous-ensemble moléculaire défini d’essais cliniques dans d’autres dans un autre type de tumeur (ou types de tumeurs avec la même avec une mutation différente dans altération le même gène), l’efficacité est donc présumée mais non prouvée IV : Actionnabilité pré-clinique L’actionnabilité est présumée sur Le traitement ne doit être envisagé démontrée la base d’études précliniques, que dans le cadre d’essais cliniques aucune donnée clinique concluante précoces ; le manque de données disponible cliniques doit être souligné auprès des patients Association V : Couple altération moléculaire Le médicament est actif mais Des essais cliniques évaluant de traitements et traitement ciblé associé à ne prolonge pas la SSP ou la SG, les stratégies d’association de une réponse objective, mais sans probablement en partie en raison de traitements pourraient être bénéfice cliniquement significatif mécanismes d’adaptation envisagés 154
en oncologie digestive (ESCAT I/II (7) un défaut de réparation de ces erreurs pathologistes non experts (11). La et/ou référencées dans le Thésaurus et l’accumulation de mutations ponc PCR présente une sensibilité limitée National de Cancérologie Digestive tuelles de type indel, entraînant un en cas de faible cellularité tumorale [TNCD]), les indications de la carac décalage du cadre de lecture (8, 10). et de contamination importante par térisation moléculaire en oncologie Ces erreurs s’accumulent par milliers de l’ADN de tissu normal (> 90 %), et digestive, et les modalités pratiques dans le génome et en particulier au des faux négatifs peuvent ainsi être de réalisation d’une caractérisation niveau des microsatellites, dont l’ins observés dans le cadre de biopsies, de moléculaire. tabilité est le reflet phénotypique de tumeurs mucineuses ou presque stéri la déficience du système MMR. La lisées par des traitements néoadju perte d’expression d’une protéine vants (11). La recherche de mutation du système MMR est la conséquence de la chaperonne HSP110 (technique Cancer colorectal (CCR) de l’inactivation biallélique du gène HT17) a une sensibilité plus élevée correspondant : mais est encore en cours de validation (11). Des erreurs diagnostiques (faux Instabilité des microsatellites - par mutation constitutionnelle d’un positifs) sont possibles soulignant des allèles et perte somatique du Les progrès de la biologie moléculaire l’utilité de la réalisation des deux tech second (syndrome de Lynch, ou ont permis d’individualiser trois prin niques pour confirmer le statut MSI en cancer colique héréditaire sans cipaux mécanismes de cancérogenèse cas de positivité de l’une d’entre elles, polypose, associé à un spectre colorectale : (1) l’instabilité chromoso en particulier si l’administration d’une d’autres cancers notamment de mique (CIN : Chromosomal INstability) immunothérapie est discutée (12). l’endomètre, de l’estomac et des impliquée dans environ 80 % des voies urinaires ; représentant Le statut des microsatellites doit être CCR ; (2) l’instabilité microsatellitaire environ 3 % des CRC et un tiers des systématiquement déterminé par IHC (MSI : microsatellites instables) impli cas de CCR MSI) ou beaucoup plus ou PCR chez les patients atteints de quée dans 12 % à 15 % des CCR ; (3) rarement mutation homozygote CCR pour 3 raisons : l’instabilité épigénétique, non totale (syndrome CMMRD), ment indépendante des deux autres - la recherche d’une prédisposition mécanismes, associée à une hyper - o u par extinction épigénétique au cancer colorectal/syndrome méthylation de certaines régions de (hyperméthylation du promoteur de Lynch, en particulier en cas l’ADN (CIMP : CpG Island Methylation du gène) somatique. de diagnostic de CCR avant l’âge Phenotype) induisant une inactivation de 70 ans ou quel que soit l’âge CANCÉROLOGIE Les altérations de PMS2, MSH2 et transcriptionnelle de gènes suppres au diagnostic en cas de cancers MSH6 sont toujours constitution seurs de tumeur (ex. : TP53) (8, 9). multiples du spectre du syndrome nelles. Les extinctions de MLH1 de Lynch chez un même patient ou Les microsatellites sont des séquences peuvent quant à elles survenir dans chez deux apparentés au premier de l’ADN formées par une répétition un contexte soit constitutionnel soit degré, afin d’orienter le patient de motifs composés de 1 à 6 nucléo sporadique, par hyperméthylation vers une consultation d’oncogéné tides distribuées le long des régions du promoteur du gène dans le cadre tique (impact sur la surveillance du codantes et non codantes du génome d’une mutation BRAF V600E (30 % des cas index et des apparentés) ; (8, 10). Ces séquences sont particu CCR MSI) ou d’un phénotype hyper lièrement exposées à des erreurs lors méthylateur sans mutation de BRAF. - au stade localisé : décision théra de la réplication de l’ADN par la poly peutique de chimiothérapie adju La recherche d’un phénotype MSI mérase, avec des insertions/délétions vante pour les stades II ; peut être réalisée par deux méthodes (indel) mono ou di-nucléotidiques. validées : - au stade métastatique : marqueur Ces erreurs sont normalement détec prédictif de réponse à l’immuno tées et corrigées par les protéines du - par IHC sur coupes en paraffine thérapie. système MMR (MisMatch Repair), (marquage des quatre protéines système biologique hautement MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) : Les CCR MSI de stade localisé (II/III, conservé de réparation des mésap il s’agit alors de rechercher la environ 15 % des patients) ont un pariements de l’ADN, en charge du perte d’expression de protéines du meilleur pronostic spontané et une maintien de l’intégrité du génome. système MMR ; moindre sensibilité à la chimiothé Les protéines du système MMR rapie par fluoropyrimidine (13, 14). - p ar biologie moléculaire après comprennent quatre membres : mutL L’utilisation d’une fluoropyrimidine extraction d’ADN selon la tech homologue 1 (MLH1), mutS homo- en monothérapie n’améliore pas la nique du Pentaplex® analysant logue 2 (MSH2), mutS homologue 6 survie des patients par rapport au cinq microsatellites (BAT25, BAT26, (MSH6) et postmeiotic segregation traitement chirurgical seul (14). En NR-21, NR-22, NR-24, NR-27) : le increased 2 (PMS2) (8, 10). Elles fonc revanche, l’adjonction de l’oxalipla phénotype est dit MSI en présence tionnent par paires (hétérodimères) tine à une fluoropyrimidine permet d’une instabilité d’au moins trois de associant MLH1 avec PMS2 et MSH2 une amélioration significative de la ces microsatellites (11). avec MSH6, l’expression de la seconde survie des patients présentant une étant chaque fois dépendante de la À noter qu’aucune des deux tech tumeur de stade III, mais pas de ceux première. Une perte d’expression de niques n’est parfaitement sensible ayant une tumeur de stade II (15, ces protéines (MLH1, associée par et ni spécifique. L’IHC peut avoir une 16). Ainsi la chimiothérapie adju interdépendance à une perte par sensibilité diminuée selon la méthode vante n’est pas indiquée pour les dégradation protéolytique de PMS2 ; de fixation et le protocole d’IHC n’est CCR de stade II à haut risque [T4, MSH2, associée à une perte de MSH6 ; pas standardisé, pouvant conduire à < 12 ganglions (17)] MSI en raison de perte isolée de PMS2 ou MSH6) induit des erreurs d’interprétation par des leur meilleur pronostic spontané (sauf 155
T4b), et la chimiothérapie adjuvante évalue l’avelumab (anticorps anti- panitumumab, autre mAc anti-EGFR des stades III doit comporter de l’oxa PD-L1) vs. chimiothérapie en trai (34, 35). Les études ont ensuite été liplatine (FOLFOX ou XELOX) (18). À tement de deuxième ligne des CCR restreintes aux CCR sans mutation de l’inverse, chez les patients atteints de métastatiques MSI. KRAS exon 2 (présente dans environ CCR de stade IV, le statut MSI, plus 40 % des CCR métastatiques). Outre rare (environ 5 % des patients), a été À noter que d’autres altérations molé les mutations de l’exon 2 de KRAS, associé à des survies plus courtes mais culaires peuvent être responsables 10 % à 15 % supplémentaires de son impact pronostique n’est pas défi d’un phénotype hypermuté et sensible patients atteints d’un CCR métasta nitivement établi (19-21). à l’immunothérapie, en particulier les tique sont porteurs d’autres muta mutations de la polymérase E pour tions RAS. Il s’agit notamment de La charge mutationnelle élevée lesquelles le nivolumab est accessible mutations de NRAS (codons 12 ou associée au phénotype MSI génère dans le cadre d’une cohorte ACSé 13 dans l’exon 2, et codons 59 ou une quantité importante de néoanti soutenue par l’INCa (NCT03012581) et 61 dans l’exon 3), et de mutations de gènes. Ces antigènes, très différents sont l’objet d’une cohorte COMAD (28). KRAS en dehors de l’exon 2 (codons des protéines du soi, sont fortement 59 ou 61 dans l’exon 3, et codons immunogènes. Ceci est à l’origine Mutations RAS 117 ou 146 dans l’exon 4) (36). Chez d’infiltrats immunitaires lymphocy La voie de RAS-RAF-MEK-ERK (mitogen les patients porteurs de l’une de ces taires « Crohn-like » très évocateurs activated protein kinase, MAPK) est mutations de RAS dans le génome du phénotype MSI (8). De plus, cette une des principales voies de signalisa de leur tumeur, plusieurs études, y immunogénicité rend les tumeurs MSI tion en aval des récepteurs à activité compris une analyse rétrospective des très sensibles à l’immunothérapie par tyrosine kinase dont le récepteur du études CRYSTAL (FOLFIRI ± cetuxi inhibiteurs des points de contrôle facteur de croissance épidermique mab), OPUS (FOLFOX ± cetuximab) et immunitaire (anti-programmed (EGFR), favorisant la croissance, la PRIME (FOLFOX ± panitumumab), ont death-1 [PD1] et son ligand [PD-L1] différenciation, la prolifération et montré que l’ajout de mAc anti-EGFR et anti-cytotoxic T-lymphocyte asso- la survie cellulaire (Figure 1). Au à divers protocoles de chimiothérapie ciated protein 4 [CTLA4]) (22). Après sommet de cette cascade de signali dans différentes lignes de traitements plusieurs études de phase II positives sation, RAS comprend une famille de n’apportait aucun bénéfice, et pouvait avec le pembrolizumab (anti-PD1) GTPases cytoplasmiques dont il existe même avoir un effet délétère spéci ou le nivolumab (anti-PD1) seul ou plusieurs isoformes (KRAS, NRAS, fiquement lorsqu’ils étaient associés associé à l’ipilimumab (anti-CTLA4) HRAS) (29). Une fois activées, elles à une chimiothérapie comportant en situation métastatique (23, 24) stimulent en aval plusieurs voies effec de l’oxaliplatine (36-38). Cela a été et néoadjuvante (25), l’étude de trices, dont celle des MAPK, mais aussi confirmé par Sorich et al. (39) dans phase III KEYNOTE-177 présentée de PI3K-AKT-mTOR et de Ral-GEF. une revue systématique et méta- à l’ASCO 2020 et à l’ESMO 2020 a analyse de neuf essais contrôlés montré la supériorité de l’immunothé Les anticorps anti-EGFR ont été randomisés évaluant le traitement rapie par pembrolizumab par rapport développés dans le CCR métastatique par mAc anti-EGFR chez près de à la chimiothérapie de première ligne initialement pour les patients dont 6 000 patients. À côté de leur valeur en terme de SSP (objectif principal : la tumeur exprimait ce récepteur prédictive, le rôle pronostique des 16,5 vs. 8,2 mois, Hazard ratio [HR] : [études BOND (30) et NCI-CO17 (31)]. mutations de RAS chez les patients 0,60, p=0,0002), de taux de réponse Il avait été supposé que l’activité de atteints de CCR reste controversé. (67 % vs. 51 %), de toxicités de grade ces anticorps serait corrélée au pour Un effet négatif des mutations KRAS 3-4 (22 % vs. 66 %) et de qualité de centage de cellules positives pour a été rapporté à la fois en situation vie chez les patients atteints de CCR l’EGFR et/ou à l’intensité d’expression adjuvante et métastatique mais sans métastatique MSI (26). Plusieurs de ce récepteur, mais ceci n’a pas été conclusion définitive. autres études de phase III sont en confirmé dans ces premières études cours, notamment avec le nivo cliniques. En 2006, Lièvre et al. (32) Sur la base de ces résultats, les traite lumab seul ou associé à l’ipilimumab ont décrit que, plutôt que le statut ments anti-EGFR (cetuximab et pani (NCT04008030) (27). d’expression de l’EGFR, les mutations tumumab) ne doivent être prescrits activatrices de KRAS, conduisant l’ac qu’aux patients présentant un statut Ces anticorps ont obtenu depuis 2016 tivation constitutive de la voie indé tumoral de type non muté lors d’une une autorisation de mise sur marché pendamment de la liaison du ligand analyse étendue de RAS (exons 2, (AMM) aux États-Unis « pan-tumeur » au récepteur, étaient un prédicteur 3 et 4 de KRAS et NRAS), représen de phénotype MSI ; ceci n’a malheu de la résistance au traitement par tant environ 50 % des patients (AMM reusement pas été suivi rapidement cetuximab, mAc anti-EGFR, chez les modifiée en 2013) (40). Le statut de d’une AMM européenne. Les résul patients atteints de CCR métasta mutation de RAS peut être obtenu tats positifs de l’étude KEYNOTE-177 tique. Une analyse a posteriori de par différentes méthodes, telles que ont permis l’obtention d’une AMM l’étude NCI-O17 a ensuite été conduite la PCR en temps réel spécifique de européenne pour le pembrolizumab en fonction du statut de mutation mutation, le séquençage de Sanger, dans le CCR métastatique en première KRAS (codons 12 et 13 de l’exon 2) et le pyroséquençage, la technique ligne (avis EMA rendu le 29/01/2021), a montré que le bénéfice clinique était BEAMing, le NGS et le séquençage mais pas encore d’un remboursement en effet confiné à la population de didésoxynucléotidique. Il existe des en France. Dans l’attente, ces anti patients ayant un CCR avec exon 2 de tests génétiques ciblés commerciaux corps sont accessibles dans le cadre KRAS non muté (33). De plus, la valeur capables de détecter des mutations d’essais cliniques (ou à la charge de prédictive négative des mutations de de RAS dans des échantillons de CCR, l’établissement). En France, l’étude KRAS pour le bénéfice d’un traitement dont des techniques simplifiées (ex. : PRODIGE 54 SAMCO (NCT03186326) anti-EGFR a été confirmée avec le Idylla®). Les matériaux tissulaires 156
CANCÉROLOGIE Figure 1 : Voies de signalisation du récepteur de l’EGF (EGFR) Représentation schématique des principales voies effectrices de l’EGFR : la voie Ras-ERK et ses interactions avec les voies PI3K / AKT / mTOR et RalGEF / Ral et d’autres récepteurs [adapté de Neuzillet et al. (93)]. FdT : facteur de transcription, GAP : protéine activant la GTPase, GDP : guanosine diphosphate, GEF : facteur d’échange nucléotidique de guanine, GTP : guanosine triphosphate. des lésions primitives ou métasta plus fréquemment observées chez niveau de preuve faible (analyses de tiques peuvent être utilisés pour cette la femme âgée, avec des tumeurs sous-groupe) (47) et avec des données recherche puisque le taux de concor du côlon droit, peu différenciées récentes contradictoires (pas de diffé dance du statut de mutation entre et mucineuses, et des métastases rence entre doublet plus bevacizumab sites primitifs et métastatiques atteint ganglionnaires et péritonéales (44). vs. triplet plus bevacizumab chez 93 % (41). Ces caractéristiques pronostiques et les patients avec CCR métastatique clinico-pathologiques sont spécifiques BRAF muté dans une méta-analyse Mutation BRAF V600E à la mutation V600E, et les CCR por récente) (48). À la différence des Plus récemment, d’autres mutations teurs d’autres mutations de BRAF mutations BRAF V600E observées de la voie des MAPK, comme celles du (plus rares, environ 2 % des CCR) ont dans les mélanomes, les CCR mutés gène BRAF, ont été identifiées dans un comportement biologique proche BRAF V600E ne répondent pas à l’in les CCR. Ces mutations de BRAF sont des tumeurs non mutées (45). À noter hibition de BRAF en monothérapie, plus rares (8 % à 10 %) et sont en qu’environ 20 %-40 % des tumeurs notamment en raison de boucles grande majorité (plus de 90 % des cas) mutées BRAF V600E présentent de rétrocontrôle impliquant l’EGFR, représentées par la mutation activa un phénotype MSI sporadique et nécessitant un blocage multi-étagé trice V600E (42). Si la valeur prédic répondent aussi bien à l’immunothé de la voie (42). L’étude de phase III tive de la mutation BRAF V600E sur la rapie que les tumeurs MSI non BRAF BEACON, a comparé chez des patients réponse aux anti-EGFR reste débattue, mutées. En raison de leur pronostic atteints de CCR métastatique en deu sa valeur pronostique péjorative est sombre avec un accès limité aux trai xième ou troisième ligne, un triplet bien établie, en particulier aux stades tements de deuxième ligne (
a montré la supériorité du triplet ou peuvent être détectées dans le cadre Plusieurs classifications molécu doublet de thérapies ciblées sur la de panels NGS. laires des CCR ont fait l’objet d’un SG (objectif principal, médiane : 9,0 consensus international pour rete mois avec le triplet vs. 5,4 mois dans Au même titre que le phénotype MSI, nir quatre sous-groupes transcripto le bras contrôle, HR : 0,52, p
le lapatinib n’ont pas montré d’effica gènes codant pour des protéines de Cancer œsogastrique cité dans les cancers de l’estomac et signalisation oncogéniques ciblables ; de la JOG avancés HER2-positifs (1). des tumeurs génomiquement stables, Le trastuzumab-deruxtecan a quant qui sont enrichies en type histolo Surexpression/amplification à lui montré des premiers résultats gique diffus et porteuses d’altérations HER2 d’efficacité récents (63). Le statut génétiques impliquant des protéines HER2 est un autre récepteur à activité HER2 n’a en revanche pas d’impact activant la GTPase de la famille Rho ; tyrosine kinase membre de la famille sur la décision thérapeutique dans les et les tumeurs avec instabilité chro de l’EGFR (ERBB) (1). Il n’a pas de formes localisées, le niveau de preuve mosomique, qui présentent une aneu ligand connu et est le partenaire d’hé pour l’ajout de thérapies anti-HER2 ploïdie marquée et une amplification térodimérisation préféré des autres dans cette indication étant insuffi focale des récepteurs tyrosine kinases récepteurs ERBB (ex. : HER3). Dans sant. (69). le cancer gastrique, HER2 agit comme La détermination du statut HER2 doit Environ 10 % des cancers de l’estomac un oncogène. La surexpression d’HER2 être réalisée chez tous les patients ont un phénotype MSI (70). À la est associée à une amplification de avec un adénocarcinome gastrique, différence du CCR, les méthodes de segments du chromosome 17. HER2 de la JOG ou de l’œsophage de stade diagnostic du statut MSI dans les est surexprimé dans environ 30 % des avancé, éligibles à un traitement systé tumeurs gastriques (et plus large cancers gastriques de type intestinal, mique, et elle est recommandée (mais ment autres tumeurs non-colorec 15 % de type mixte, et environ 5 % non obligatoire) chez tous les patients tales) sont moins bien standardisées de type diffus (60). Selon la localisa opérés d’un cancer gastrique (TNCD, et il est recommandé de réaliser tion de la tumeur, la surexpression 2018). L’IHC doit être la première la technique complémentaire pour d’HER2 est plus fréquente au niveau technique réalisée (64). L’évaluation confirmer si l’une des deux techniques du cardia / jonction œso-gastrique de l’expression d’HER2 en IHC dans (IHC ou PCR) est positive (11). Outre (JOG) (environ 30 %) que de l’estomac le cancer de l’estomac fait l’objet la recherche d’un syndrome de Lynch, (20 %) (60). d’un protocole spécifique, distinct de la détermination du statut MSI dans La surexpression de HER2 chez celui utilisé pour le cancer du sein, l’adénocarcinome gastrique a deux les patients atteints d’un cancer afin de prendre en compte les spéci intérêts : aide à la décision pour le gastrique avancé a été corrélée à un ficités de l’expression d’HER2 dans traitement péri-opératoire et sélec mauvais pronostic et à une maladie l’estomac, notamment son hétérogé tion des patients pour une immu CANCÉROLOGIE plus agressive, bien que ces études néité intra-tumorale et la présence nothérapie. Les tumeurs gastriques soient limitées par leurs faibles effec d’un marquage souvent incomplet et MSI sont associées à un meilleur tifs, l’hétérogénéité des patients, des localisé aux membranes baso-latérales pronostic et sont davantage chimioré méthodes de tests HER2 et de classi et latérales (Figure 2) (65, 66). Des sistantes. Aux stades localisés, l’ana fication du statut HER2 (61). échantillons chirurgicaux représenta lyse a posteriori de ce sous-groupe de tifs ou un nombre suffisant de biopsies patients de l’étude MAGIC a montré Cliniquement, HER2 a été établi (au moins huit) sont nécessaires (64). que les patients avec tumeur MSI non comme biomarqueur prédictif pour les L’ISH est indiquée en cas de marquage traités par chimiothérapie avaient un thérapies ciblées anti-HER2. La preuve IHC 2+ (64). Au moins 20 cellules excellent pronostic (médiane de SG de concept de l’inhibition de HER2 sans chevauchement doivent être non atteinte) alors que les patients a été obtenue pour la première fois évaluables. L’amplification HER2 est MSI traités par chimiothérapie péri- dans le cancer du sein HER2-positif, à définie par un ratio HER2/chromo opératoire avaient une SG particuliè la fois dans les situations de maladie some 17 ≥ 2.0. Une tumeur est classée rement limitée (9 mois de médiane), précoce et métastatique avec des HER2-positive en cas de score IHC 3+ suggérant un potentiel effet délétère agents ciblant ce récepteur, tels que ou IHC 2+ avec ISH positive (64). Une de la chimiothérapie (71). De même, les mAc trastuzumab, pertuzumab, bonne concordance a été rapportée les données d’une étude asiatique ont trastuzumab-emtansine (T-DM1), et entre la tumeur primitive et les métas montré l’absence d’efficacité de la IMK comme le lapatinib (1). Dans tases, ainsi qu’entre la biopsie et les chimiothérapie adjuvante par XELOX les cancers gastriques et de la JOG échantillons de tumeurs réséquées, dans le sous-groupe des patients avancés, la surexpression d’HER2 bien qu’une diminution de l’expres MSI (72). La chimiothérapie péri- est prédictive de réponse au trastu sion de HER2 ait été observée après opératoire par FLOT (ou FOLFOX pour zumab, établie sur la base de l’étude chimiothérapie néoadjuvante (67, 68). les patients plus fragiles), standard de phase III ToGA (62). Cette étude dans les cancers gastriques opérables, avait montré la supériorité de l’ajout MSI et biomarqueurs émergents ne semble donc pas la stratégie la plus du trastuzumab à la chimiothérapie (EBV, MSI, PD-L1) adaptée en cas de tumeur MSI (73). par fluoropyrimidine et cisplatine Des classifications moléculaires ont En revanche, au même titre que les par rapport à la chimiothérapie seule permis de démembrer les cancers CCR MSI, ces tumeurs sont sensibles chez les patients atteints de cancers gastriques en quatre sous types : à l’immunothérapie (taux de réponse gastriques ou de la JOG avancés HER2- les tumeurs positives pour le virus au pembrolizumab : 86 %), en parti positifs en termes de SG (objectif prin Epstein-Barr (EBV), qui présentent culier aux stades avancés (74). En cipal, médiane : 13,8 vs. 11,1 mois, des mutations récurrentes de PIK3CA, situation péri-opératoire, l’étude HR : 0,74, p=0,0046) et de SSP, et a une hyperméthylation extrême de GERCOR NEONIPIGA (NCT04006262), permis au trastuzumab d’obtenir une l’ADN et une amplification de JAK2, permet à ces patients d’avoir un accès AMM dans cette indication en 2010. PD-L1 et PD-L2 ; les tumeurs MSI, à une immunothérapie par nivolumab En revanche, à la différence du cancer qui présentent des taux de mutation (anti-PD1) associé à l’ipilimumab du sein, le pertuzumab, le T-DM1 et élevés, y compris des mutations de (anti-CTLA4). Les cancers gastriques 159
Echantillon tissulaire d’adénocarcinome œsogastrique IHC HER2 Pièce opératoire Pièce opératoire Marquage membranaire Pièce opératoire Marquage membranaire faible à modéré, complet, fort, complet, Marquage membranaire basolatéral ou latéral Pièce opératoire basolatéral ou latéral incomplet, minime sur ≥ 10% des cellules sur ≥ 10% des cellules sur ≥ 10% des cellules Absence de marquage tumorales tumorales tumorales ou marquage membranaire Biopsie sur < 10% des cellules Biopsie Biopsie tumorales Groupe (cluster) de Groupe (cluster) de Groupe (cluster) de cellules avec marquage Biopsie cellules avec marquage cellules avec marquage membranaire faible membranaire fort, complet, membranaire minime Absence de marquage à modéré, complet, basolatéral ou latéral, quelque soit le % de basolatéral ou latéral, quelque soit le % de cellules marquées quelque soit le % de cellules marquées cellules marquées IHC 3+ IHC 2+ IHC 1+ IHC 0 Positif Equivoque Négatif Négatif ISH non requise ISH ISH non requise Figure 2 : Algorithme de scoring HER2 dans le cancer gastrique [adapté de Bartley et al. (64)] EBV positifs semblent aussi être de Checkmate-649 a évalué l’ajout du KRAS, non ciblables à ce jour en théra bons répondeurs à l’immunothérapie pembrolizumab à la chimiothérapie peutique. Les thérapies ciblées admi (taux de réponse au pembrolizumab : de première ligne dans l’adénocar nistrées à des patients atteints de 100 %), mais ces données reposent cinome de l’estomac et de la JOG et cancers du pancréas non sélectionnés sur des études de faibles effectifs et a confirmé une activité de ces trai sur le plan moléculaire ont, pendant demandent à être confirmées pour tements plus particulièrement pour plus d’une décennie, toutes échoué à recommander la détermination du les patients avec expression forte améliorer significativement la survie statut EBV (détection par sonde EBER de PD-L1 (score CPS ≥ 5, popula des patients (1). Des progrès récents en ISH) en routine (74). tion cible de l’objectif principal de sont venus de l’identification de petits l’étude). L’étude était positive à la sous-groupes de patients avec des En dehors du phénotype MSI, l’expres fois sur la SG (médiane : 14,4 vs. altérations moléculaires spécifiques. sion de PD-L1 est aussi prédictive de 11,1 mois, HR : 0,71, p< 0,0001) réponse à l’immunothérapie. Dans et la SSP (7,7 vs. 6 mois, HR : 0,68, Environ 10 % des adénocarcinomes le cancer gastrique, elle est évaluée p< 0,0001) (76). L’AMM de l’immuno du pancréas sont développés dans par un score combiné d’expression thérapie dans l’estomac pourrait être un contexte de prédisposition géné dit « CPS », qui correspond au ratio limitée à ce sous-groupe de patients. tique. L’altération génétique consti du nombre de cellules tumorales tutionnelle la plus fréquente est la ou stromales PD-L1-positives sur le mutation de BRCA2, ou moins souvent nombre de cellules tumorales, multi de BRCA1. Ces gènes sont impliqués plié par 100. Des études antérieures Cancer du pancréas : dans les syndromes de prédisposition en ligne tardive avaient montré une aux cancers du sein, de l’ovaire et de activité plus importante des anti-PD1 mutations germinales BRCA la prostate (mode de transmission chez les patients dont les tumeurs autosomique dominant, comme le exprimaient plus fortement le PD-L1 Les cancers du pancréas sont carac syndrome de Lynch), et peuvent aussi (phase III KEYNOTE-062, seuil CPS térisés par une fréquence très élevée s’associer dans certaines familles ≥ 10) (74, 75). L’étude de phase III (> 90 %) de mutations activatrices à des cancers du pancréas. Elles 160
sont plus fréquentes dans certains un adénocarcinome du pancréas moléculaire ciblable était d’environ groupes ethniques, en particulier chez métastatique contrôlé après quatre 70 %. L’administration de traitements les Juifs ashkénazes (14 % vs. 7 %). mois (8 cycles) de chimiothérapie d’in ciblés sur ces anomalies a montré BRCA est impliqué dans la réparation duction par FOLFIRINOX, et comprend un bénéfice clinique (défini par le des cassures double brin de l’ADN un bras permettant l’administration rapport SSP avec la thérapie ciblée par recombinaison homologue (77). d’un traitement de maintenance par sur SSP avec la ligne antérieure > 1,3) Lorsqu’il est inactivé dans les cellules olaparib chez les patients présentant chez 80 % des patients et un taux de tumorales, elles deviennent défi une BRCAness somatique. réponse objective de 33 %. cientes pour réparer ces cassures, les rendant particulièrement sensibles À côté des altérations de BRCA, aux chimiothérapies induisant des d’autres altérations peuvent être Les principales altérations ciblables cassures de l’ADN comme les platines accessibles à des traitements ciblés : décrites sont (i) dans les CCA (78). De plus, le système poly(ADP-ri phénotype MSI (1 % des patients, intra-hépatiques, des mutations de bose) polymérase (PARP) prend alors recommandé pour discuter l’adminis l’isocitrate déshydrogénase-1 (IDH1), partiellement le relais pour réparer les tration d’une immunothérapie dans impliquée dans le métabolisme cellu cassures de l’ADN et devient le « talon le cadre d’essais cliniques) et trans laire mitochondrial, et des réarran d’Achille » des cellules tumorales. crits de fusion (ex. : NTRK, NRG1, ALK, gements du récepteur au facteur de L’enzyme PARP répare les cassures RET ; qui peuvent être recherchés croissance des fibroblastes (FGFR2), simple brin de l’ADN et les inhibiteurs par des panels NGS ARN ciblés type présents chacun chez 10 % à 20 % des de PARP bloquent de manière cata Archer®), plus particulièrement chez patients ; (ii) des altérations des gènes lytique cette enzyme. Des cassures les patients non porteurs de muta de la famille de l’EGFR (mutation ou double brin se produisent alors tions KRAS (5 %-10 % des patients, amplification HER2, HER3) dans les pendant la réplication de l’ADN et à discuter mais non recommandé en CCA extra-hépatiques et les cancers les cellules tumorales dépourvues de routine) (80, 81). de la vésicule biliaire ; (iii) d’autres système BRCA ne peuvent les réparer transcrits de fusions (notamment, et meurent par le principe de létalité NTRK) et des mutations BRAF ; (iv) synthétique (77). Ce concept avait une instabilité des microsatellites, déjà été démontré dans les cancers Cancers des voies présente chez 5 %-10 % des CVB (84). Les altérations d’IDH1 (étude du sein, de l’ovaire ou de la prostate. biliaires : place de phase III positive avec l’ivosidenib L’efficacité de l’olaparib (inhibiteur du séquençage NGS CANCÉROLOGIE de PARP) a été évaluée dans l’essai (85) chez les patients pré-traités) et de phase III POLO en monothérapie de FGFR2 [études de phase II positives comme traitement de maintenance avec le pemigatinib (86) et l’infigra Comme pour le cancer du pancréas, chez les patients atteints de cancer tinib (87) chez les patients pré-traités les essais avec des thérapies ciblées du pancréas métastatique et porteurs et phase III en cours en première « classiques » (principalement anti- d’une mutation germinale de BRCA1 ligne] sont les deux principales cibles EGFR et anti-angiogéniques) dans ou BRCA2, dont la maladie était thérapeutiques « modernes » dans les des populations de patients non sélec contrôlée après au moins quatre mois CCA intra-hépatiques dont le déve tionnés sur le plan moléculaire, seuls d’une chimiothérapie de première loppement clinique est le plus avancé ou en association avec la chimiothé ligne comportant un platine (79). (84). rapie, n’ont démontré aucun bénéfice L’étude était positive sur son objectif de survie significatif chez les patients principal, la SSP (médiane : 7,4 vs. atteints de cancers des voies biliaires 3,8 mois, HR : 0,53, p= 0,004), et ces Des procédures d’accès à ces molé (CVB) avancés (1). cules par ATU sont en cours d’activa résultats ont conduit à l’obtention d’une AMM européenne dans cette Ces dernières années, les connais tion et des essais cliniques les évaluent indication. sances sur l’hétérogénéité molécu en première ligne. Ces opportunités laire des CVB ont considérablement thérapeutiques et les essais théra Les altérations germinales de BRCA progressé avec l’avènement des peutiques en cours incitent à réaliser sont recherchées au niveau sanguin, analyses génomiques et transcripto précocement au cours du parcours une dans le cadre d’une consultation d’on miques par NGS, ouvrant de nouvelles détermination du statut MSI et HER2 cogénétique ou non. Ses conditions de voies pour les thérapies ciblées en IHC (simples et peu coûteux) et un réalisation font actuellement l’objet et la stratification thérapeutique panel NGS ADN (pour la recherche d’un groupe de travail à l’INCa afin des patients. Certaines anomalies des mutations, incluant IDH1, BRAF, d’établir des recommandations. Il moléculaires ont été identifiées et la famille EGFR/HER) et ARN (pour n’est pas possible à ce jour d’étendre spécifiquement selon le type de la recherche de transcrits de fusion, l’indication de l’olaparib aux muta CVB (cholangiocarcinomes [CCA] incluant FGFR2 et NTRK). L’ESMO a tions somatiques (c’est-à-dire détec intra-hépatiques, extra-hépatiques, récemment validé cette recomman tées uniquement dans la tumeur) et adénocarcinome de la vésicule dation de réalisation d’un panel NGS aux mutations autres que BRCA1/2 biliaire) (82). chez les patients atteints de CVB en induisant un phénotype similaire de routine (7). L’étude PRODIGE SAFIR déficience du système de réparation L’essai MOSCATO-01 a fourni les ABC 10 débutera prochainement, et de l’ADN par recombinaison homo premières preuves qu’un profil proposera un traitement de mainte logue (HRD ou « BRCAness ») (80). moléculaire était faisable et pouvait nance bioguidé à partir du profil ADN/ L’étude PRODIGE MAZEPPA en cours apporter un bénéfice chez ces ARN de la tumeur après une chimio (NCT04348045) établit un profil molé patients (83). Le taux de réussite thérapie d’induction par gemcitabine culaire tumoral des patients ayant pour détecter au moins une altération et cisplatine. 161
métastatique, le génotypage prédit développement de ces nouveaux trai Tumeurs stromales la sensibilité à l’imatinib. Les muta tements a été indissociable de l’iden gastro-intestinales (GIST) : tions de KIT sont les plus fréquentes tification de marqueurs compagnons dans l’exon 11 (63 %-66 %), suivi de pour en orienter la prescription ; KIT et PDGFRA l’exon 9 (6 %-13 %), et sont rarement cette meilleure sélection des patients retrouvées dans les exons 13 et a permis d’obtenir des résultats dans 17 (< 2 %) (90, 91). La plupart des des indications où les thérapies L’imatinib, un IMK dirigé contre GIST avec mutations de KIT exon 11 ou ciblées « pour tous » avaient échoué l’activité kinase BCR-ABL, c-KIT et 13 sont sensibles à l’imatinib ; la dose (l’exemple le plus marquant étant PDGFRA, a été le premier agent ciblé de 400 mg/jour en première inten celui des CVB). Les altérations molé approuvé dans le traitement des tion est validée (90-92). Les muta culaires ESCAT I/II dans les différentes tumeurs stromales gastro-intesti tions de KIT exon 9 sont associées localisations sont résumées dans le nales (GIST) avancées (2). L’imatinib à la localisation de l’intestin grêle tableau 2 (7). Malgré ces résultats a été initialement développé en 1998 ou du côlon, au phénotype à cellules positifs et leur niveau de preuve, ces pour la leucémie myéloïde chronique, fusiformes avec des caractéristiques innovations ne peuvent malheureuse une maladie provoquée par la kinase clinico-pathologiquement agressives ment pas être transposées immédiate BCR-ABL avec un phénotype de et à une moindre sensibilité à l’ima ment en pratique clinique en France dépendance oncogénique, réalisant, tinib ; l’utilisation d’imatinib à forte du fait de problématiques d’AMM ou historiquement, la première preuve dose (800 mg/jour) dans les formes de remboursement (ex. : inhibiteurs de concept de l’inhibition spécifique avancées est soutenue par l’augmen de NTRK). Une réflexion sur l’accélé d’une activité tyrosine kinase en tation de la SSP médiane, mais pas ration et la diffusion de l’accès à l’in tant qu’intervention thérapeutique en SG, qui a été observée dans la novation, prenant en compte tout à la cliniquement utile, et donnant le méta-analyse MetaGIST (90-92). Les fois le bénéfice clinique, la dimension premier succès remarquable des IMK mutations de KIT exon 17 sont rares et éthique (dans le cas de l’impossibi en onco-hématologie. Sur la base certaines d’entre elles (par exemple, lité de prescription d’un traitement de son large spectre d’inhibition du D816V) sont résistantes à l’imatinib efficace), et les implications en kinome s’étendant à c-KIT, et sachant (90, 91). Les mutations de PDGFRA termes de coûts liés aux traitements depuis la fin des années 1990 que (10 %-15 %) sont fréquentes dans eux-mêmes et aux recherches molé les GIST étaient entraînées par des les GIST gastriques, avec un phéno culaires associées doit être engagée. mutations de gain de fonction de type épithélioïde et un comportement ce récepteur tyrosine kinase, l’ima indolent (90, 91). Les mutations des tinib a été testé chez un seul patient exons 12 et 14 sont peu fréquentes avec une GIST métastatique chimio mais présentent une sensibilité à réfractaire et a montré une efficacité l’imatinib (90, 91). À l’inverse, la remarquable, avec une réponse méta mutation prédominante de PDGFRA, Références bolique complète et prolongée. Suite l’exon 18 D842V, est associée à une à la publication de ce cas clinique résistance à l’imatinib, ainsi qu’au 1. Neuzillet C, Rousseau B, Kocher H, et al. en 2001, un essai ouvert de phase II sunitinib et au régorafénib ; elles Unravelling the pharmacologic opportu- a montré l’efficacité de l’imatinib peuvent être ciblées par des molécules nities and future directions for targeted (400 mg ou 600 mg par jour) chez spécifiques (avapritinib, accessible therapies in gastro-intestinal cancers Part les patients atteints de GIST avancée 1: GI carcinomas. Pharmacol Ther 2017; en ATU de cohorte). Les GIST wild- 174: 145-172. c-KIT-positive (88). Ces résultats type (négatives pour les mutations ont permis l’obtention d’une AMM de KIT et PDGFRA, 10 %-15 %) sont 2. Neuzillet C, de Mestier L, Rousseau B, en 2002. Par la suite, il a été démontré et al. Unravelling the pharmacologic de génotype hétérogène et peuvent opportunities and future directions que les tumeurs répondaient à des inclure des mutations dans HRAS, for targeted therapies in gastro-intes- degrés variables en fonction du NRAS, BRAF, NF1 ou le complexe SDH tinal cancers part 2: Neuroendocrine type de mutation KIT portée par la ; certaines d’entre elles sont liées à tumours, hepatocellular carcinoma, GIST. Au-delà des mutations de KIT, and gastro-intestinal stromal tumours. des syndromes familiaux (90, 91). Pharmacol Ther 2018; 181: 49-75. d’autres profils moléculaires de GIST Elles ont une sensibilité variable à ont été décrits (mutation de PDGFRA, l’imatinib mais cette molécule ne doit 3. Biomarkers and surrogate endpoints: GIST « wild-type » sans mutation de preferred definitions and conceptual pas être exclue (90-92). L’ensemble framework. Clin Pharmacol Ther 2001; KIT ni PDGFRA). de ces résultats justifie la réalisation 69: 89-95. d’un profil mutationnel systématique 4. Febbo PG, Ladanyi M, Aldape KD, et Ces résultats ont été le point de au diagnostic de GIST (89). al. NCCN Task Force report: Evaluating départ de la stratification géno the clinical utility of tumor markers in typique des patients dans la prise oncology. J Natl Compr Canc Netw en charge des GIST (2). Dans les 2011; 9 Suppl 5: S1-32; quiz S33. GIST résécables, le génotype est un outil complémentaire à la classifi Conclusion 5. Test compagnon associé à une thérapie ciblée : définitions et méthode d’éva- cation de Miettinen pour évaluer luation. Guide méthodologique HAS - Février 2014. le risque de récidive (89). Les GIST Au cours des dernières années, l’onco avec mutation de KIT ont un risque logie digestive a connu des évolutions 6. Mateo J, Chakravarty D, Dienstmann R, de récidive supérieur à celles avec avec plusieurs études de phase III et al. A framework to rank genomic alter- ations as targets for cancer precision mutation de PDGFRA, les GIST wild- positives ayant permis de positionner medicine: the ESMO Scale for Clinical type ayant un risque intermédiaire de nouvelles molécules sur des popu Actionability of molecular Targets entre ces 2 groupes (89). Au stade lations de patients sélectionnés. Le (ESCAT). Ann Oncol 2018; 29: 1895-1902. 162
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