Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
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Jean-Claude Bernier Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! Jean-Claude Bernier est professeur émérite de l’Université de Strasbourg. Il a été directeur de l’École nationale supérieure de chimie de Strasbourg, directeur scientifique du Département des sciences chimiques du CNRS et il est actuellement vice-président de la Société Chimique de France (SCF 1). Le coût de plus en plus élevé souvent coûteuse et margi- du carburant, du fioul, du gaz nale. En fait, il faut d’abord se et même de l’électricité invite mettre en tête que : à faire des économies pour le chauffage des habitations et « L’énergie la moins chère pour le transport. Le compor- et la plus écologique tement « éco-citoyen » incite est celle qu’on ne dépense pas. » lui aussi à diminuer toutes les causes de production de gaz à effet de serre, notamment le Ce devrait être la première CO2. La montée en charge de priorité qu’ont comprise l’exploitation des sources al- nombre de gouvernements en ternatives d’énergie – le soleil encourageant par exemple le (voir les Chapitres de D. Lincot, « down sizing » en automobile D. Plée et D. Quénard sur le et les crédits d’impôts pour photovoltaïque), le vent, la les investissements d’écono- biomasse (sujet abordé dans mie d’énergie dans l’habitat. le Chapitre de D. Gronier) – ré- Une nouvelle campagne de pond partiellement à ces pré- « chasse au gaspi » doit être occupations mais elle reste encouragée prônant le « né- gawatt » par opposition au 1. www.societechimiquedefrance.fr « mégawatt ».
La chimie et l’habitat Il reste cependant une grande marge de progrès pour at- teindre les performances de basse consommation situées à 50 kWh/m2 /an (voir le pa- ragraphe 3.1), mais les pers- pectives sont grandes, comme le montrent les nombreuses réalisations décrites dans cet ouvrage. L’amélioration du rendement et de l’effi cacité énergétique des 30 millions de logements représente pour la France d’ici 2020 et 2050 un immense chantier, particuliè- rement pour l’habitat ancien, et un important business ainsi qu’un gisement d’emplois re- marquable. Dans les lignes qui suivent, Figure 1 Quand on chauffe une mai- nous essayerons de donner son ou un appartement, les quelques précisions sur les Les pertes de chaleur d’une échanges de température définitions, les matériaux, les maison peuvent s’effectuer de multiples manières : par le toit, avec l’extérieur occasionnent objectifs et les réalisations en les systèmes de ventilation, des pertes de calories. On es- matière d’isolation thermique les murs, les sols, les portes et time qu’elles sont de 16 à 25 % dans le bâtiment. fenêtres, ou encore par les ponts par les murs, 13 à 15 % par les thermiques. 1 portes et fenêtres, 30 % par la toiture, 10 à 16 % par le sol et Quelques principes sur l’isolation 5 % par les ponts thermiques2 thermique (Figure 1). Une bonne isolation permet de réaliser plus de Lorsqu’un corps ou une paroi 35 % d’économie de chauf- sépare deux zones à des tem- fage et de grands progrès ont pératures différentes, T1 ≥ T2, été faits depuis 1973, date de les lois de l’équilibre thermo- la première crise pétrolière dynamique font que les calo- en France. La réglementation ries diffusent à travers cette thermique (voir le Chapitre de paroi si elle est conductrice de D. Quénard, Encart : « La régle- la chaleur. Le flux ne s’arrêtera que lorsque T1 = T2 (Figure 2). mentation thermique (RT) ») Si T1 reste supérieure à T2, le et l’apparition de matériaux flux sera permanent de T1 vers isolants efficaces ont abaissé T2. Ce flux est plus ou moins la consommation moyenne fort suivant la résistance ther- d’énergie de 375 kWh/m2 /an mique R de la paroi : en 1973, puis à 250 kWh/m2 / R = e/λS an en 2006. avec : 2. Un pont thermique est une zone − e l’épaisseur de la paroi (en qui, dans l’enveloppe d’un bâti- mètres) ; ment, présente une variation de résistance thermique (à la jonction − λ la conductivité thermique, 76 de deux parois en général). exprimée en watt par degré
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! Kelvin et par mètre (W/K/m), Tableau 1 qui est une caractéristique d’un corps. On peut s’en aper- Valeurs de conductivités thermiques. cevoir si l’on dispose d’une Conductivité casserole en cuivre avec un thermique (W/K/m) manche en métal et une cas- serole en inox avec un manche Métaux Argent 418 en bois ou en plastique, on se Cuivre 390 brûle la main bien plus facile- ment avec la première qu’avec Aluminium 237 la seconde. C’est que le cuivre Acier 46 et les métaux sont plutôt bons Matériaux Verre 1,2-1,4 conducteurs de la chaleur, alors que le bois ou le plas- Béton 0,9 tique sont plutôt de médiocres Bois chêne 0,16 conducteurs ; Polystyrène expansé 0,036 − S la surface de la paroi, en mètres carré. Perlite expansée 0,038 Plus R est grand, plus la paroi Paille 0,04 est isolante et le flux de chaleur Laine de verre 0,04 est ralenti ; plus R est petit, plus la paroi est conductrice Laine 0,05 et le flux de chaleur accéléré. Gaz Air sec 0,026 On définit également l a Hélium 0,15 conduction U comme l’in- verse de la résistance en W/ Argon 0,017 m2 /K. Le fl ux de chaleur se Krypton 0,010 définit comme proportionnel à la conductivité λ et à la dif- férence de température ΔT sur la conduction, le vide est alors la distance Δx : Φx = – λ.ΔT/Δx. l’isolant absolu puisqu’il n’y Le Tableau 1 donne quelques a plus de vecteur de conduc- valeurs de conductivités λ. tion. À partir de ces proprié- Ce tableau montre que ce tés, on a fabriqué, découvert sont les métaux qui sont les ou redécouvert des matériaux meilleurs conducteurs de la d’isolation… chaleur et donc les moins bons isolants. Le verre et le béton conduisent la chaleur mais raisonnablement. Le bois, le polystyrène expansé 2 Les matériaux d’isolation Pour l ’isolation dans la (voir le paragraphe 2.2.3), la construction il faut associer : paille et la laine de verre (voir le paragraphe 2.2.2) sont de − une structure céramique bons isolants (Figure 3), l’air (c’est-à-dire de la terre cuite) sec et les gaz rares encore ou de type béton alvéolaire à Figure 2 meilleurs. Quand on sait que de l’air ou à une substance peu conductrice ; Les calories diffusent à travers ce sont les vibrations des une paroi conductrice de la zone à molécules ou des atomes qui − accompagner le matériau de température la plus chaude T1 à sont, sous l’influence de la structure d’une barrière iso- la zone T2, jusqu’à égalisation des température, les vecteurs de lante si possible à l’extérieur. températures. 77
La chimie et l’habitat 2.1. Les matériaux définitivement l’air empri- Figure 3 de structure sonné dans ces alvéoles (Fi- gure 4 en bas). Bois, paille, béton, polystyrène et La brique monobloc en terre laine de verre sont de bons isolants cuite alvéolaire (Figure 4 en Le béton cellulaire joue un peu thermiques. haut) possède une bonne le même rôle ; il est constitué inertie thermique et ses al- de blocs légers, combinaison véoles contiennent de l’air qui de sable, de ciment, de chaux n’est pas en mouvement. Le et d’eau, mais au cours de la dessin des alvéoles de type prise du ciment, on y piège des labyrinthe est tel que le flux bulles d’air (sous pression) ou thermique à travers la cé- de gaz (par réaction chimique) ramique doit parcourir plus lorsque l’ensemble est encore d’un mètre pour faire un pont pâteux ; ces bulles sont alors thermique avec l’extérieur, bloquées et immobilisées lors alors que l’épaisseur de la de la solidification (à propos de brique n’est que de l’ordre la préparation du béton, voir de 37 cm. On peut encore les Chapitres d’A. Ehrlacher améliorer la performance en et de J. Méhu). Cela donne remplissant les alvéoles avec un matériau poreux très lé- de la perlite expansée (voir le ger et isolant, à comparer 78 paragraphe 2.2.1) qui bloque au parpaing, que l’on voit
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! Tableau 2 Résistance thermique et conduction de quelques matériaux. Résistance Conduction Matériau thermique R U (W/m2/K) (m2.K/W) Brique monomur (37,5 cm) 3 0,33 Brique isolation intégrée 5,55 0,18 Béton celullaire 3,13 0,32 Parpaing classique (22 cm) 0,20 5 Autour des traverses de sou- tien et de montage, on trouve de la laine de roche entre Figure 4 les panneaux intérieurs et les panneaux d’isolation ex- La brique monobloc en terre térieure, le tout d’épaisseur cuite alvéolaire sans ou avec remplissage. de l’ordre de 25 cm avec des résistances thermiques in- téressantes (R = 4,8 m2.K/W, avec U = 0, 21 W/m 2 / K ) malheureusement encore et même en super iso - beaucoup dans les construc- lées (R = 7,5 m 2 .K / W, avec tions et qui font preuve U = 0,13 W/m2 /K), valeurs qui d’une résistance thermique permettraient de construire faible. des maisons passives (« zéro Qu’en est-il du bois ? Les énergie ». À propos des mai- maisons à ossature en bois sons passives, voir les Cha- sont nombreuses dans les pitres de D. Quénard et de pays scandinaves, aux États- J. Souvestre) ou mieux encore Unis, un peu moins prisées en (Figure 5). France sauf dans les régions montagneuses, et pourtant, Par ailleurs, les revêtements elles effectuent des percées extérieurs en bois couvrant intéressantes sur le marché des couches d’isolants avec national (voir notamment l’im- les progrès de la protection meuble en bois décrit dans du bois sont de bonnes so- le Chapitre de J.-P. Viguier). lutions d’isolation par l’exté- Elles cumulent en effet deux rieur des bâtiments, si l’es- Figure 5 avantages : thétique le supporte. Ossature en composite à base − une rapidité de construction de bois, composé de polystyrène grâce, le plus souvent, à une avec revêtement enduit séparé par fabrication intégrée en usine ; 2.2. Les isolants des une plaque de bois (par exemple structures composites avec de la laine de verre ou de − des structures de panneaux roche). Les montages peuvent être à faible conductivité ther- Ils sont disposés au sein ou en réalisés en usine en y intégrant mique. éléments barrière des maté- canalisations et fils électriques. 79
La chimie et l’habitat composition en sodium, revê- tues, par un procédé appelé ensimage, d’un polymère qui constitue une barrière à l’eau. On trouve par ailleurs des fibres de roche (plus riches en silice que les fibres de verre), qui ont été fondues à haute température (1 100 °C). Leur fabrication ressemble beaucoup à celle de la « barbe à papa » hormis la tempé- rature : le verre en fusion, comme le sucre fondu, tombe sur un disque tournant à grande vitesse qui projette les fibres dans un réceptacle, lequel alimente ensuite une Figure 6 bande déroulante de papier Laine de verre, laine de roche, ou carton pare-vapeur où perlite expansée… Ces fibres elles sont collées en diverses minérales sont utilisées en épaisseurs ; plus l’épaisseur isolation, seules ou en composites. est grande, meilleure est l’isolation. Elles sont déli- riaux de structure porteuse. vrées en rouleaux ou en pan- On va trouver : neaux. − des isolants minéraux – La perlite expansée est aussi fibres et laines de verre, laine une roche volcanique conte- de roche, perlite expansée ; nant de l’eau qui est expansée − des isolants bio-organiques par chauffage haute tempé- et végétaux – fibres de lin, rature en de petites granules fibres de chanvre, de coco, creuses isolantes, et qui est paille, laine de mouton, plumes utilisée en vrac. de canard… ; 2.2.2. Les fibres − des isolants synthétiques – bio-organiques issues polystyrène expansé ou extru- de végétaux dé, polyuréthane, Kevlar ®, Issues de plantes fi breuses ouate de cellulose… largement utilisées pour le Ils seront mêlés aux murs, textile (lin, chanvre, coton) sols, toitures, soit en couche, mais très concurrencées soit en revêtement exté- par les fibres ar tificielles rieur ou intérieur, parfois en (rayonne, nylon), elles re- sandwich entre parois, par- trouvent une nouvelle fois en couche mince réfl é- jeunesse grâce à l’« éco- chissante. conception ». Elles utilisent en effet les fibres courtes qui 2.2.1. Les fibres minérales ne peuvent être employées (Figure 6) pour le textile et valorisent Ce sont les plus courantes. La donc la filière. Les fibres, plupart du temps, on trouve après imprégnation d’un 80 des fibres de verre à basse polyester protecteur, sont
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! mises en forme de feutres de diverses épaisseurs. La conduc ti v ité des feutres de lin ou de chanvre est de l’ordre de 0,39 ; elle est com- parable à la laine de verre qui est de 0,40. Cela donne des résistances thermiques de l’ordre de 2,5 m 2 .K/W pour des épaisseurs de 10 cm et de Figure 7 3,8 m2.K/W pour 15 cm, com- Le chanvre possède une parables aux fibres miné- conductivité thermique comparable rales. Le chanvre (Figure 7) à la laine de verre. est de plus un élément répul- sif pour les rongeurs ! La paille, qui est aussi un murs. Plus récemment en- Figure 8 matériau partiellement de core, on peut aussi faire une récupération après récolte bonne œuvre en utilisant des La paille a longtemps été utilisée feutres à base de vêtements comme isolant, notamment dans des céréales, a également les torchis. une structure naturelle de défibrés recyclés par l’asso- canaux qui peuvent empri- ciation Emmaüs. sonner de l’air. C’est un iso- lant bien connu de nos an- 2.2.3. Les isolants cêtres qui, entre les poutres synthétiques de leurs maisons, la mêlaient Ce sont en général des maté- à l’argile pour en faire du tor- riaux issus de la chimie du pé- chis, constituant alors l’un trole ou de la transformation des matériaux composites chimique de substances natu- les plus anciens 3 (Figure 8). relles (voir aussi le Chapitre La paille est redécouverte de J. Souvestre, Encart « Des pour cer taines construc- polymères synthétiques pour tions écologiques, soit par notre quotidien. Exemples du assemblage de ballots de polystyrène et du polyuré- paille, soit mélangée au ci- thane »). ment, à la chaux ou à l’argile Le polystyrène est le plus (comme le montre le Chapitre utilisé (Figure 9). On le trouve d’A. Ehrlacher). Cela reste sous deux formes : expansé bien sûr encore très artisanal (PSE) avec des porosités ou- et marginal. On peut aussi vertes, et extrudé avec des Figure 9 trou ver depuis quelques porosités fermées. Dans les Le polystyrène est un excellent temps des isolations à base deux cas, il contient plus de isolant thermique grâce à ses 95 % de laine de coton, de mou- 95 % d’air (λ = 0,026) ou de d’air ou de pentane emprisonnés. ton et même de plumes de pentane (λ = 0,013) immobi- canard qui déser tent nos lisé dans ses pores. Ces der- chambres à coucher pour niers ont été créés lors d’une s’attaquer aux combles et pré-expansion du polymère par du pentane sous forme 3. Un matériau composite est de petites sphères qui sont composé d’une matrice et d’un ensuite fortement expansées renfort (voir le Chapitre d’après la conférence de P. Hamelin) : dans le par chauffage à la vapeur torchis, la matrice est la terre et dans des moules de formes le renfort est en fibres végétales. variées que l’on connaît pour 81
La chimie et l’habitat les emballages divers et les Quelques nouvelles matières plaques d’isolation de 2 à apparaissent depuis quelques 10 cm d’épaisseur, de basse temps. La plus industrialisée ou de haute densité. C’est un est la ouate de cellulose (Fi- très bon isolant, peu sensible gure 10), que ses promoteurs à l’humidité avec des conduc- présentent comme un produit tivités λ de 0,03 à 0,035. écologique. En vérité, il s’agit Le polyuréthane est un po- de papier journal recyclé au lymère fabriqué à partir de moyen d’un procédé chimique Figure 10 l’urée ; il est aussi très po- et mécanique qui permet une La ouate de cellulose est obtenue reux, sur le même principe seconde vie au papier journal. par recyclage de papier journal. que le PSE, d’un coût plus On sait que la cellulose du élevé, et sa conductivité ther- papier est issue de fibres de mique est aussi basse (λ = bois ou du textile, de faible 0,025 à 0,030). conductivité (λ = 0,039). Le À cette famille appartiennent produit est disponible en vrac également les isolants en ou en panneaux, il peut aussi couche mince ; ils ne font que être projeté. La ouate est quelques millimètres d’épais- revêtue d’oxyde de bore ou seur ; les multicouches sont de borates, qui sont de bons de l’ordre du centimètre : ils ignifuges et qui sont aussi sont constitués de couches protecteurs par rapport aux multiples de polyéthylène insectes et moisissures. De (λ = 0,037) revêtues d’une coût encore un peu élevé, mince couche d’aluminium elle apporte, semble-t-il, une réfl échissant et de couches bonne protection et isolation de polyéthylène bulles qui thermique qui concourent au contiennent de l’air immobi- confort en hiver mais aussi lisé. Ces couches allient le en été. pouvoir isolant et le pouvoir de réflectivité en réfléchis- 2.3. Les vitrages4 sant aussi bien l’énergie exté- rieure du soleil que l’énergie On a vu qu’un bâtiment perd des zones intérieures chauf- environ 15 % d’énergie par fées. Les fabricants revendi- les fenêtres et huisseries quent une aussi bonne iso- vitrées. Il faut cependant lation qu’une couche de laine avoir une surface vitrée mi- de verre de 20 cm qui, elle, nimum pour l’éclairage bien est sensible à l’hygrométrie sûr, mais aussi pour profiter et à l’humidité. Les profes- du rayonnement solaire qui sionnels de l’isolation et le peut pénétrer et chauffer la Centre scientifique et tech- maison en hiver. On estime nique du bâtiment (CSTB, voir qu’il faut un minimum de 1/6 e le Chapitre de V. Pernelet-Joly, de surface vitrée par rapport Encart : « Le CSTB et l’OQAI ») à la surface habitable (2 m2 sont plus prudents, ils af- pour une chambre de 12 m2, fichent des per formances 7 m 2 pour une salle de sé- moindres et reprochent à ces jour de 42 m2). Encore faut-il films d’être étanches à la va- qu’elles soient judicieuse- peur d’eau et de ne pas laisser « respirer » les murs ou la 4. Voir aussi le Chapitre de 82 toiture. J. Ruchmann.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! ment orientées ; on considère On définit aussi le facteur so- qu’il faut au minimum 40 % laire g, qui est le pourcentage exposés au sud et 20 % pour d’énergie solaire que laisse Extérieur Intérieur les trois autres orientations passer en minimisant celles expo- le vitrage et qui contribuera à 0° C 17° 20° C sées au nord. gagner des calories en hiver, 2° Le verre, bien que peu conduc- mais aussi malheureusement teur (λ = 1,2-1,4), n’est pas un en été. Une solution possible isolant lorsqu’il est massif ; est présentée dans le Chapitre on le constate facilement sur de J. Ruchmann. Figure 11 les fenêtres à vitrage simple On trouve depuis quelques Les doubles vitrages ont apporté d’épaisseur 4 à 6 mm. En hi- années des vitrages à isola- un progrès considérable en termes ver, la paroi froide intérieure tion renforcée (VIR), qui sont d’isolation, permettant mieux se couvre de buée de conden- maintenir la chaleur en hiver. aussi à faible émissivité. Ils sation et parfois de givre, lors sont constitués de deux pa- de températures extérieures rois de verre de 4 mm, en gé- très négatives. néral séparées comme dans Les fenêtres à double vi- le double vitrage standard trage sont constituées de par un espace de 16 mm, serti deux verres de 4 mm sépa- par un joint en aluminium ou rés par un espace de 16 mm, en plastique. Cet espace est le tout scellé par un joint rempli par un gaz rare, l’ar- métallique ou plastique qui gon, qui a un pouvoir isolant isole l’air sec intérieur entre meilleur que l’air (λ = 0,017 les deux lames. Elles ont au lieu de 0,026). De plus, apporté un réel progrès sur la face interne du vitrage l’isolation thermique et le intérieur est revêtue d’une confort intérieur (Figure 11). mince couche nanométrique Le coefficient de conduction d’argent ou d’oxyde métal- thermique s’exprime par deux lique (à la façon d’un miroir valeurs : sans tain) qui, par son pouvoir de réfl ectivité, fait barrière − Ug : la conduction thermique aux infrarouges de grandes du vitrage ; longueurs d’ondes issus des − Uw : la conduction ther- pièces chauffées de l’habi- mique de la fenêtre (vitrage + tation et laisse passer les huisserie). infrarouges du rayonnement Uw va bien évidemment va- solaire. Ce type de vitrage rier, pour le même double vi- VIR (Climaplus®, Planitherm trage, avec le matériau utilisé futurN ®) est deux fois plus pour l’huisserie. Il sera très performant qu’un double vi- bon pour une huisserie en trage classique et cinq fois polychlorure de vinyle (PVC), meilleur qu’un simple vitrage, polymère industriel de bonne avec des conductions Ug = 1,2 tenue mécanique et bon iso- à 1,5 W/m2 /K. lant. Uw sera un peu moins On peut également trou- bon avec une huisserie en ver depuis quelques temps bois, encore un peu moins des triples vitrages portés bon pour l’aluminium s’il n’y par des huisseries en alu- a pas rupture du pont ther- minium à rupture de pont mique. thermique, avec un facteur 83
La chimie et l’habitat Ug = 0,8 W/m2 /K. Les avis dif- les exigences de performance fèrent sur l’avantage de ces énergétique des bâtiments derniers. Leur dimension de neufs. À partir de septembre 36 mm (4/12/4/12/4) et leur 2006, des consommations poids (30 kg/m 2), comparés énergétiques de référence au double vitrage classique ont été établies en kilowatt- (24 mm et 20 kg/m2), posent heure par mètre carré par an des problèmes d’adaptation ; (kWh/m 2 /an), ainsi que des de plus, les deux couches de coefficients thermiques Cep basse émissivité réduisent le du bâtiment et une tempé- facteur solaire g, ce qui péna- rature intérieure pour l’été lise les apports solaires en hi- maximums. ver. Il ne semble donc pas que La France est divisée en les coûts supplémentaires huit zones (Figure 12) : trois qu’ils occasionnent soient zones H1 (nord et est), quatre réellement rentables. zones H2 (ouest), une zone H3 (zone méditerranéenne). Ces zones correspondent à des climats particuliers imposant 3 Les objectifs, la réglementation et les réalisations des consommations de ré- férence énergétiques de 80 à 130 kWh/m 2 /an si l’on se chauffe au fioul (chauffage 3.1. Les constructions combustible fossile), et de neuves 130 à 250 kWh/m2 /an si l’on se chauffe à l’électricité. Les Depuis 1974, les divers rè- glements thermiques pour exigences suivant les zones les bâtiments et construc- et type de chauffage sont re- tions neufs (voir le Chapitre portées sur le Tableau 3. de D. Quénard, Encart : « Les L’arrêté recommande égale- règlements thermiques (RT) ») ment d’éviter ou de suppri- ont permis, dans le domaine mer les ponts thermiques ; du logement, des économies il soutient très fortement de près de 50 % par rapport les installations de chau- aux consommations d’avant dières à condensation ou au la crise pétrolière. La régle- bois et les systèmes solaires mentation thermique RT 2005 d’eau chaude sanitaire. Par prolonge celle de 2000 et, par ailleurs, dans la ligne du Zone H1a arrêté paru en mai 2006, fixe Grenelle de l’environnement Zone H1b Zone H2a Zone H2b Zone H1c Tableau 3 Zone H2d Consommation énergétique maximum par zone (RT 2005). Zone H2c Zone H3 Chauffage combustible Zone Chauffage électrique fossile Figure 12 H1 130 kWh/m2 /an 250 kWh/m2 /an Les trois zones géographiques H2 110 kWh/m2 /an 190 kWh/m2 /an pour la règlementation du H3 80 kWh/m2 /an 130 kWh/m2 /an 84 chauffage en France.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! depuis 2007 (voir le Cha- les zones H) (voir aussi le Cha- p i tre d e J.- M . M i ch e l ) , pitre de J. Souvestre, Encart : de nouveaux labels assortis « Les labels énergie »). de conditions sont apparus : Nul doute que ces classifica- − le label haute performance tions et labels assortis d’éti- énergétique (HPE), réservé aux quettes, dont nous sommes bâtiments consommant 10 % d e v e nu s f amil ie r s p o ur de moins que la consommation l’électroménager, auront et de référence ; sont déjà un facteur de plus − le label très haute perfor- en plus déterminant en cas mance énergétique (THPE), se de construction, d’achat ou définissant par une consom- de revente d’une maison ou mation inférieure de 20 % aux d’appartement, car depuis références ; 2006 en cas de vente d’un − s’y ajoutent les labels HPE bâtiment, et depuis 2007 EnR et THPE EnR, réservés aux en cas de location, doit être constructions qui de surcroît établi un diagnostic de per- utilisent des énergies renouve- formance énergétique qui lables : biomasse (voir le Cha- range et affiche la classe du pitre de D. Gronier), pompes à logement. Le classement de chaleur, solaire thermique ou consommation énergétique photovoltaïque (voir les Cha- va de A (logement économe) pitres de D. Lincot, D. Plée et à G (logement énergivore), et D. Quénard) ; la classe d’émission de gaz − enfin, le label basse à effet de serre va aussi de consommation énergétique A (faible émission) à G (forte (BBC 2005), calqué sur le émission). Pour les bâtiments Passivhaus allemand (envi- des collectivités, les com- Figure 13 ron 15 kWh/m 2/an) pouvant munes et départements sont La réglementation impose être attribué aux logements fortement incitées à afficher d’afficher les performances co n s o m m a n t m o i n s d e l’étiquette énergie sur leurs énergétiques des logements et 50 kWh/m2/an (valeur variant propriétés, officialisée au leurs classes d’émission de gaz à d’un facteur 0,8 à 1,2 suivant 1er août 2008 (Figure 13). effet de serre (GES). Logement économe Logement Faible émission de GES Logement = 50 A =5 A 51 à 90 B 6 à 10 B 91 à 150 C 11 à 20 C 151 à 230 D XXX 21 à 35 D 231 à 330 E kWhEP/m2.an 36 à 55 E XX kWhéqCO2/m2.an 331 à 450 F 56 à 80 F > 450 G > 80 G Logement énergivore Forte émission de GES 85
La chimie et l’habitat Tableau 4 On sait que la moyenne de nelle de l’environnement, consommation des bâtiments dans le « facteur quatre », se Objectifs de consommation anciens est située entre 250 fixe de réduire par quatre les moyenne d’énergie visés par et 350 kWh/m2 /an. Pour les émissions de CO2 en 2050. La les règlementations thermiques. bâtiments neufs après 2005, France étant le meilleur élève Objectif de cette fourchette sera com- de l’Europe sur les émissions consommation prise entre 80 et 250 kWh/ de gaz à effet de serre grâce à Année m2 /an. Après le Grenelle de l’énergie nucléaire, on peut se moyenne (kWh/m2/an) l’environnement, les objectifs demander si cet objectif n’est sont nettement plus ambitieux pas utopique, sauf à consi- 2008 150 (Tableau 4). dérer un effort sans précé- 2010 120 Ces objectifs de très basse dent, non pas dans l’habitat cons ommation pour le s mais pour le transport des 2013 50 constructions neuves et la ré- personnes et des marchan- 2020 0 glementation thermique 2012 dises. Pour les logements en préparation vont inciter et existants, cela représente encourager les architectes et environ 400 000 logements bureaux d’études à étudier à rénover par an d’ici 2050 et concevoir des constructions dans des conditions qui sont de bâtiments et de maisons à rapprocher d’exigences su- à « énergie zéro », et même périeures à RT 2005, puisque à énergie positive, avec inévi- la RT 2012 est en élaboration tablement des conséquences et concernera les bâtiments sur l’aspect esthétique, envi- anciens. Les études statis- ronnemental et patrimonial, tiques et enquêtes menées en aspects auxquels les muni- 2006 sur les dépenses éner- cipalités et préfets devront gétiques des Français ont veiller. donné les résultats reportés Figure 14 sur la Figure 14. Dépenses énergétiques des foyers Depuis novembre 2007, en en France. 3.2. Et pour l’existant ? cas de rénovation, réhabi- La totalité de ces dépenses litation de maisons, loge- Il est déjà clair que l’objectif (principalement pour le chauffage « énergie zéro » des loge- ments ou bâtiments de moins et l’éclairage) atteint 37,5 milliards d’euros, à comparer aux dépenses ments ne pourra être atteint de 1 000 m2, les chaudières, de carburant pour le transport pour 2020 pour l’ensemble fenêtres, radiateurs, bal- (35,3 milliards d’euros). immobilier français ; le Gre- lons d’eau chaude, isolation, pompe à chaleur, etc., doivent présenter des performances 2,5 % 4 % énergétiques supérieures ou égales au niveau réglemen- taire minimum. Des réduc- 23 % tions d’impôts de 25 % sur les fournitures qui satisfont Électricité Gaz naturel à ces exigences sont accor- 48 % Fioul dées et peuvent s’ajouter aux Bois, charbon réductions de 50 % accordées Chauffage urbain aux fournitures solaires (eau sanitaire) ou 25 % depuis 2011 pour le photovoltaïque, s’il y a investissement de cet ordre. 23 % Par ailleurs, des réductions 86 de taxe foncière pourront être
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! prévues en cas de travaux − les murs à double paroi : conduisant à des réductions l’isolant central ne peut dépas- de consommation et change- ser une certaine épaisseur ment de classe. Enfin, il est pour des raisons mécaniques 1 2 3 4 aussi prévu, en cas d’obten- (15 cm maximum). Les points tion du label THPE, la pos- de jonction entre la maçonnerie sibilité de dépasser le COS 5 extérieure et les zones chauf- dans la limite des 20 %, dans fées peuvent entraîner des l’hypothèse d’une nouvelle ponts thermiques. Les murs à construction ou d’un agran- double paroi conduisent sou- dissement. vent à de bonnes stabilité et inertie thermique contribuant au confort, mais ils ne convien- 3.3. Les réalisations dront pas en général pour des Les maisons basse consom- maisons à énergie zéro ; A : monomur + isolation externe mation doivent mettre en − les structures légères : sou- place une stratégie d’isola- vent les parois et structures sont fabriquées en atelier à 1 2 3 4 5 tion de tous les éléments de la maison : les murs, les toi- partir d’éléments porteurs en tures, les sols et les vitrages. bois. L’ossature en bois peut être recouverte de polystyrène Les murs et d’enduit, l’intérieur com- Il existe trois types de struc- blé par de la laine de verre ou tures (Figure 15) : de cellulose avec une contre- cloison intérieure en plâtre. − les murs massifs à isolation Les canalisations et circuits extérieure, éliminant les ponts électriques sont intégrés en thermiques, protègent les usine et le montage sur site murs porteurs sans réduire la est bien plus rapide que pour surface habitable. Ils convien- B : brique silico-calcique la construction traditionnelle. nent donc en cas de rénovation Il faut simplement veiller à la ou d’assainissement. Il faut conduction de la chaleur par 1 2 3 4 5 6 7 8 simplement veiller à la diffu- le bois, à son vieillissement sion de la vapeur d’eau afin sous charge et à la sensibilité d’éviter les dégâts consécutifs à l’humidité. à une humidité permanente par condensation. Le matériau Les toitures isolant, la finition extérieure et Pour les toitures, deux cas se la couleur de façade doivent présentent : être assortis et compatibles avec l’environnement et l’as- − les combles perdus : il s’agit pect architectural initial (ce alors d’épandre sur les solives qui pose souvent problème des plafonds ou sur la dalle pour des bâtiments anciens ou supérieure des feutres épais de 15 à 30 cm de laine de verre, C : structure légère composite patrimoniaux) ; de lin ou chanvre, ou en vrac de Figure 15 5. Le coefficient d’occupation des la ouate de cellulose ou laine sols (COS) détermine la quantité isolante de même épaisseur Les différents types de structures de construction admise sur une (en veillant à placer un pare- pour les murs : propriété foncière en fonction de vapeur du côté habitable) ; A : monomur + isolation externe ; sa superficie. Il est contrôlé no- B : brique silico-calcique ; tamment lors de l’instruction des − les combles habitables : il C : structure légère composite.(voir permis de construire. faut alors dérouler entre les la figure 5). 87
La chimie et l’habitat charpentes des bandes d’iso- Les ouvertures lants de matériau classique On utilisera des vitrages à ou de films minces isolants double parois, classiques ou et réflectorisants, en veillant à isolation renforcée. toujours à laisser une lame d’air près de la toiture. Les caractéristiques techniques Les sols La réglementation thermique Il s’agit d’isoler les dalles et se traduit sur le terrain par chapes du sol ou du vide sa- les caractéristiques de ré- nitaire, voire des sous-sols. sistance thermique ou de Ce sont le plus souvent des conductivité des éléments plaques de polystyrène ex- de construction ou de réno- pansé ou extrudé d’épaisseur vation. Elles sont résumées variable qui sont utilisées. dans le Tableau 5. Tableau 5 Caractéristiques thermiques minima des matériaux (R résistance en m2.K/W et U conduction thermique en W/m2/K). R (RT 2005) U (RT 2005) R (BBC) U (BBC) Toiture 6 0,17 8 0,125 Mur 4 0,25 5 0,20 Sol/terre 4 0,25 5 0,20 Sol/vide sanitaire 4 0,25 6 0,17 Vitrage 0,4 2,5 0,9 1,1 Que choisir pour les toitures avec R = 6 m2.K/W ou U = 0,17 W/m2 /K ? Isolant Λ (W/K/m) Épaisseur recommandée (cm) Laine de verre 0,035-0,045 24 Laine de roche 0,035-0,045 24 Polystyrène extrudé 0,030-0,040 21 Polystyrène expansé 0,030-0,035 18 à 23 Flocons de cellulose 0,035-0,045 24 Laine de lin 0,039-0,045 25 Laine de chanvre 0,038 23 Que choisir pour les murs avec R = 4 ou U = 0,2 (laine de verre ou ouate de cellulose) ? Type de mur Épaisseur d’isolation (cm) Bloc isolant (37,5 cm), isolation externe 4à6 Brique silico-calcique (24 cm) 12 à 15 Cloison composite à madrier 16 (R = 6) 88
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! 4 À titre de comparaison édifiante Maison en 1960 non isolée Maison en 1982 Maison en 2000 Maison en 2012 Prenons l’exemple d’une mai- son construite en 1960, en un temps « que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître », où le litre de fioul domestique coûtait moins de vingt centimes (de nouveau de neuf millions avant 1973, Figure 16 franc !), évidemment sans ils représentent actuelle- isolation, que ses proprié- Des étapes nombreuses et ment plus de 20 % du parc coûteuses pour rénover une taires ont progressivement immobilier. Voyons ce que les maison des années 1960 selon les rénovée et isolée, et imagi- propriétaires d’une maison objectifs 2012. nent remplir un objectif 2012, telle que celle de l’exemple c’est-à-dire BBC ! (Figure 16 précédent peuvent dépenser et Tableau 6) pour atteindre les objec- Près de cinq millions de loge- tifs 2012, qui sont ou seront ments sont encore chauffés très proches du label THPE au fioul ; il y en avait près et même BBC. La réduction Tableau 6 Comparaisons d’isolations rénovation. Maison 1960 Rénovation 1982 Rénovation 2000 Objectifs 2012 Combles, murs, Isolation Non isolée Combles et murs Super isolation sols Consommation 7 200 L fioul 2 150 L fioul 1 050 L fioul 800 L fioul annuelle (75 000 kWh) (22 500 kWh) (11 000 kWh) (8 500 Wh) Prix 2008* 7 200 € 2 150 € 1 050 € 800 € Prix en € 150 € 2 865 € 900 € 800 € constants* Solutions mises en œuvre : Combles Sans isolations R = 2,5 R=5 R = 6,5 Murs extérieurs Sans R = 1,25 R = 2,2 R=5 Sols Sans Sans isolation R=2 R = 2 + PSE intérieur Vitrages Simples Doubles Doubles + VIR Double + VIR + argon Ventilation Naturelle Simple flux Hygroréglable Hygroréglable * Pour les prix du fioul, le choc pétrolier de 1973 a doublé le prix, qui a été à nouveau doublé en 1979 lors du second choc, d’où un facteur quatre entre 1970 et 1982. Après le contre choc des années 1990, les années 2000 sont caractérisées par des fluctuations importantes de plus de 60 % qui amènent le prix du litre de fioul proche de 1 € (2008-2011). N.B. : Les prix à la consommation générale ont augmenté de 636 % en quarante ans. 89
La chimie et l’habitat des dépenses de chauffage Par rapport à une maison non compense-t-elle les inves- isolée, cela permet, si chauf- tissements consentis pour fage au fioul, une économie l’isolation ? Pour le calcul, de l’ordre de 6 000 € par an, on prendra l’hypothèse de d’où une rentabilité en moins 96 m2 au sol et de 50 m2 en de deux ans dans le premier étage et de l’ordre de 25 m2 cas et d’un peu plus de deux d’ouvertures lumineuses. Les ans dans le deuxième cas prix des matériaux sont des (isolants écologiques). Pour prix moyens 2010, ils peuvent la maison rénovée en 1982, varier suivant les sources, on c’est une économie de l’ordre s’attachera surtout à l’ordre de 2 000 € et donc une ren- de grandeur : tabilité en cinq ans ou six ans. Notons que les dispo- 1) Isolants traditionnels : sitions favorables du crédit Sol – PSE 4 cm : d’impôt pour les habitations 96 × 7,00 = 672 €. construites avant 1977 ont été Murs-cloison placo + abrogées pour 2011. Il est de 100 mm. Laine de verre : 25 % sur les fournitures et la 220 × 15 = 3 300 €. pose pour les matériaux d’iso- Combles et une partie du lation, sauf pour les vitrages toit – 200 mm laine de verre : où la pose est exclue (loi de 144 × 7 = 1 008 €. finance 2010). Total : 5 000 € + pose 5 2 500 € = 7 500 €. L’évolution et la recherche 2) Isolants écologiques : Sols – laine de roche : En matière d’isolation, la 96 × 8,00 = 770 €. recherche est plus tech- nologique qu’elle n’est par Murs – Panneaux de lin + exemple dans le photovol- placo : 220 × 25 = 5 500 €. taïque et le solaire. Les Combles et une partie du principes d’investigation de toit : ouate de cellulose base sont la conductivité et 1 056 + 2 374 = 3 430 €. l’émissivité. Dans le premier Total : 97 000 € + 2 500 € concept, c’est remplacer les pose = 12 200 €. éléments solides conducteurs de la chaleur par des espaces 3) Fenêtres et baies vitrées : fermés emprisonnant un gaz Huisseries et doubles vitrages peu conducteur comme l’air avec couche faible émissivité ou un gaz rare comme l’ar- et argon gon ou le krypton. Avec le se- 25 × 170 = 4 250 € + Pose cond concept, c’est comment 750 € = 5 000 €. bloquer tout ou partie du rayonnement solaire externe Investissements et dépenses : et le rayonnement infrarouge Cas 1 : 12 500 €. Après crédit interne pour améliorer le d’impôt sur les fournitures confort ; ceci peut être réalisé (2 900) : 9 600 €. par des métaux ré-émetteurs Cas 2 : 17 200 €. Après crédit tels que l’aluminium poli ou d’impôt sur les fournitures l’argent et certains oxydes en 90 (4 200) : 13 000 €. couche mince, tels que l’oxyde
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! de gadolinium, qui agissent qui ne peuvent être utilisées un peu comme des miroirs seules mais en sandwich avec sans tain. La recherche a donc des polymères ou fibres, et porté sur les sujets suivants : dont la mise en œuvre reste − amélioration des propriétés complexe ; mécaniques des polymères − l’isolant ultime et absolu expansés ou extrudés qui, à étant le vide, la construction facteur R égal, ont maintenant de panneaux de matériaux des tenues mécaniques à la nanostructurés et sous vide compression bien meilleures ; (PIV) constitue une nouvelle étape ; c’est un peu le prin- − protection des fibres natu- cipe du Dewar de la bouteille relles ou minérales portant sur thermos qui est appliqué à la la résistance à l’humidité et construction. Deux propriétés à leur tenue au feu. Ceci est sont alors mises en œuvre, réalisé par des revêtements un polymère contenant des par ensimage qui font barrière nanopores, de dimensions à la vapeur d’eau (acétates de inférieures au libre parcours vinyle), ou ignifuges (oxyde ou moyen des molécules d’un gaz, sel de bore), ou encore anti- lequel ne peut alors plus trans- moisissures et insecticides ; mettre, par agitation, la cha- − recherche de nouveaux pro- leur. Le tout est emprisonné duits naturels pour constituer dans une enveloppe étanche, des laines, flocons, feutres constituée de couches de à partir de végétaux dédiés ; polymères sandwich revêtues cela s’apparente davantage à d’une mince couche d’oxyde la recherche sur les textiles ou de métal, barrière empê- (voir le Chapitre de G. Némoz) chant la diffusion de l’air, de et à la recherche agrono- la vapeur d’eau ou du CO 2, mique. C’est ainsi qu’ont vu puisque l’on fait le vide dans le jour des laines et feutres de cette enveloppe. On y ajoute lin, de chanvre, de coton, de aussi un absorbant qui va per- laines de moutons, de plumes mettre sur le long terme de de canard, etc., qui, s’ils sont maintenir le vide ou au moins effectivement d’origine natu- une très faible pression. Ce relle, exigent cependant pour type de panneau est, pour une leur conservation et leur mise épaisseur donnée, quatre fois en forme des traitements plus isolant qu’un panneau chimiques. Leurs prix res- standard ; il est actuellement tent cependant encore deux à testé pour l’isolation des bal- quatre fois plus élevés que les lons d’eau chaude ; matériaux isolants standard ; – un nouveau concept est − des composites comportant apparu depuis environ cinq des aérogels qui sont obte- ans, c’est celui qui consiste à nus par évaporation en phase profiter de la chaleur latente. critique6 de gels de silice et Lorsque vous chauffez un so- donnent des microsphères lide, au cours de sa fusion, il creuses de silice très légères absorbe une certaine quantité de chaleur pour le change- 6. Un corps se trouve en phase cri- ment de phase état solide-état tique lorsqu’on ne peut plus dis- liquide, et lors de son refroi- tinguer les états gazeux et liquide. dissement, il restitue cette 91
La chimie et l’habitat quantité de chaleur pour re- des panneaux de plâtre ou cristalliser et passer de l’état des revêtements (Micronal® liquide à l’état solide. L’idée de de BASF). Des panneaux de ce l’application aux générateurs type de 15 mm ont la capacité de chaleur (sels eutectiques) thermique équivalente d’un est assez ancienne, mais la mur de 12 cm, et contribuent réalisation pour l’applica- remarquablement au confort tion à un mur ou panneau de intérieur. construction est plus récente. À coté de cette recherche On enferme alors une cire à sur les matériaux, il ne faut base de co-polymères7 et de pas non plus négliger la re- paraffine8 dont le point de fu- cherche architecturale et es- sion est compris entre 22 °C thétique, qui devient primor- et 26 °C dans un panneau mu- diale puisqu’elle va conduire ral ; lorsque la chaleur solaire à proposer des structures externe chauffe le panneau, la multi-matériaux, des liaisons cire fond et absorbe cette cha- par colles minérales, des leur, et limite donc l’augmen- panneaux pré-industrialisés, tation de température inté- des matériaux bio-sourcés rieure ; la nuit, lorsque le mur (abordés dans le Chapitre de se refroidit, la cire se solidifie D. Gronier), des couvertures et restitue la chaleur latente naturelles végétales… La re- en limitant la diminution de cherche porte aussi évidem- température intérieure. C’est ment sur la disposition des ce que l’on appelle une struc- pièces du logement afin d’en ture composite « intelligente » améliorer l’aspect bioclima- à changement de phase qui tique. Un point très impor- régule par elle-même la tant pour les années futures température de la maison concernera la recherche ar- par ses simples propriétés chitecturale pour la réhabili- physiques. Les réalisations tation des bâtiments existants existent sous forme de pan- par l’extérieur, qui ne sacrifie neaux de polymères laminés pas les surfaces habitables, entre deux feuilles d’alumi- mais qui va nécessiter des so- nium (Energain® de DuPont de lutions où l’esthétique ne sera Nemours) ou de microbilles pas sacrifi ée aux exigences de 5 μm contenant la cire, techniques de la réglementa- pouvant être dispersées dans tion thermique. 7. Un polymère est constitué par l’enchaînement d’une ou plusieurs unités répétitives appelées mono- mères. Dans ce dernier cas, il est appelé co-polymère. 8. Les paraffines, du latin parum affinis (« qui a peu d’affinité »), sont 92 un mélange d’alcanes.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! Les aides gouvernementales sont-elles bien ciblées ? Le marché de l’énergie renouvelable est un marché assez porteur et en pleine expansion. Après le Grenelle de l’environnement et l’objec- tif du « facteur quatre », le Gouvernement, par les lois de finances et les dispositions du crédit d’impôt, souvent relayées par les régions et les départements, a institué des aides appré- ciables aux particuliers et aux sociétés. Ces aides conduisent, du moins c’est l’espérance des décideurs, à des économies importantes dans la consommation des ressources fossiles qui grèvent notre balance extérieure, et à la diminution de l’émission des gaz à effet de serre. La question que l’on peut se poser est celle-ci : est-ce que ces aides sont toujours bien dirigées et encouragent-elles des solutions efficientes ? Plaçons-nous dans l’optique d’un propriétaire qui dispose d’une maison partiellement réno- vée et isolée en 1982 (exemple précédent de la maison de 150 m2), et qui veut la rénover dans une optique d’éco-citoyen pour aller au-delà des normes du RT 2005, anticiper RT 2012 et viser les labels THPE ou même BBC. Il a le choix entre des travaux de super isolation de sa maison avec des matériaux et systèmes satis- faisant les conditions du crédit d’impôt de la loi de finance 2010, ou l’installation d’un chauffe- eau solaire, ou l’installation de tuiles photovol- taïques remplaçant partiellement une partie de sa toiture, ces deux dernières solutions ouvrant droit non seulement aux crédits d’impôts y affé- rant mais aussi aux subventions des collectivi- tés territoriales auxquelles peut s’ajouter, pour la solution photovoltaïque, la possibilité de vendre son électricité à EDF à un tarif subven- tionné. Résumons les solutions et dépenses dans le Tableau 7. En prenant un prix du kWh de 93
La chimie et l’habitat l’ordre de 0,08 € (prix moyen heures normales pratiqué par EDF pour un particulier) ou 1 € le litre de fioul (valeurs d’amortissements entre parenthèses), on peut comparer l’efficacité de ces différentes actions (Tableau 8). On peut voir, grâce à ces tableaux, que l’in- vestissement par isolation est à peu près onze fois plus efficace que l’investissement dans les panneaux photovoltaïques et quatre fois plus efficace que celui pour un chauffe-eau solaire. En revanche, les subventions publiques (qui coûtent de l’argent à la collectivité) sont aussi onze fois plus fortes par kWh économisé pour le photovoltaïque et huit fois plus fortes pour le chauffe-eau solaire. Pour être complet, il Tableau 7 Investissements, dépenses, économies générées de diverses solutions. Crédit Économie Investissement Subvention Dépenses Travaux d’impôt d’énergie en ¤ en ¤ en ¤ en ¤ par an Photovoltaïque 19 500 4 000 500 15 000 2 000 kWh Chauffe-eau solaire 6 000 2 500 500 3 000 2 000 kWh Isolation standard 12 500 2 300 néant 10 200 14 000 kWh Isolation écologique 17 000 3 300 néant 13 700 14 000 kWh Tableau 8 Amortissements et efficacités des diverses solutions. Crédit d’impôt Économie Amortissement/ Amortissement/ + subvention par réalisée Travaux investissement dépense kWh pour 1 ¤ économisé/an investi Photovoltaïque 110 ans 93 ans 2,25 ¤ 0,1 kWh Photovolt. + vente 22 ans 18 ans 2,75 ¤* 0,1 kWh EDF Chauffe-eau solaire 47 ans 18 ans 1,50 ¤ 0,30 kWh Isolation standard 9 ans 7 ans 0,16 ¤ 1,14 kWh Isolation écologique 12 ans 9 ans 0,24 ¤ 0,8 kWh 94 *Avec le rachat par EDF à 0,58 € par kWh.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories ! faudrait y ajouter la subvention déguisée de 0,58 – 0,08 = 0,50 € par kWh photovoltaïque accordée par EDF que payent in fine tous les abonnés par augmentation du tarif général, et qui monte les subventions à quatorze fois plus fortes ! Il y a clairement une incohérence de la part des Pouvoirs publics, qu’ils soient natio- naux ou régionaux ; elle est clairement mise en lumière dans le cas de l’isolation thermique avec des matériaux naturels (donc renouve- lables !) qui est neuf fois moins subventionnée que le photovoltaïque (dont on dit qu’il bénéfi- cie surtout à l’industrie des panneaux photo- voltaïques chinois, c’est un comble !) On peut craindre que, portés par l’enthousiasme des néoconvertis du Grenelle de l’environnement, soumis aux lobbies des écologistes radicaux et du Syndicat des énergies renouvelables (SER), les décideurs aient cédé à la mode perverse. Celle de subventionner au-delà du raisonnable les mesures les plus visibles et les plus média- tisées en négligeant les plus efficaces mais moins spectaculaires, et en imposant à EDF un prix de rachat déraisonnable de l’électricité de sources renouvelables. Il est maintenant clair que le Comité opérationnel (COMOP) n’a pas vraiment joué son rôle et qu’il importe au plus vite de réorienter la loi vers des mesures plus efficaces pour ne pas gaspiller l’argent public. 95
La chimie et l’habitat Crédits photographiques Fig. 6B : Licence CC-BY-SA-3.0, D-Kuru Wikimedia Commons. Fig. 7 : Licence CC-BY-SA-3.0, Rasbak. Fig. 7 : Licence CC-BY-1.2, Stefdn.
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