Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !

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Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Jean-Claude Bernier Isolation dans l’habitat : la chimie
                                                                                               pour ne pas gaspiller de calories !
Isolation
dans
l’habitat :
la chimie pour ne pas
gaspiller de calories !

Jean-Claude Bernier est professeur émérite de l’Université de
Strasbourg. Il a été directeur de l’École nationale supérieure de
chimie de Strasbourg, directeur scientifique du Département des
sciences chimiques du CNRS et il est actuellement vice-président
de la Société Chimique de France (SCF 1).

Le coût de plus en plus élevé       souvent coûteuse et margi-
du carburant, du fioul, du gaz       nale. En fait, il faut d’abord se
et même de l’électricité invite     mettre en tête que :
à faire des économies pour le
chauffage des habitations et               « L’énergie la moins chère
pour le transport. Le compor-                 et la plus écologique
tement « éco-citoyen » incite
                                       est celle qu’on ne dépense pas. »
lui aussi à diminuer toutes les
causes de production de gaz à
effet de serre, notamment le        Ce devrait être la première
CO2. La montée en charge de         priorité qu’ont comprise
l’exploitation des sources al-      nombre de gouvernements en
ternatives d’énergie – le soleil    encourageant par exemple le
(voir les Chapitres de D. Lincot,   « down sizing » en automobile
D. Plée et D. Quénard sur le        et les crédits d’impôts pour
photovoltaïque), le vent, la        les investissements d’écono-
biomasse (sujet abordé dans         mie d’énergie dans l’habitat.
le Chapitre de D. Gronier) – ré-    Une nouvelle campagne de
pond partiellement à ces pré-       « chasse au gaspi » doit être
occupations mais elle reste         encouragée prônant le « né-
                                    gawatt » par opposition au
1. www.societechimiquedefrance.fr   « mégawatt ».
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
La chimie et l’habitat

                                                                                                   Il reste cependant une grande
                                                                                                   marge de progrès pour at-
                                                                                                   teindre les performances de
                                                                                                   basse consommation situées
                                                                                                   à 50 kWh/m2 /an (voir le pa-
                                                                                                   ragraphe 3.1), mais les pers-
                                                                                                   pectives sont grandes, comme
                                                                                                   le montrent les nombreuses
                                                                                                   réalisations décrites dans cet
                                                                                                   ouvrage. L’amélioration du
                                                                                                   rendement et de l’effi cacité
                                                                                                   énergétique des 30 millions
                                                                                                   de logements représente pour
                                                                                                   la France d’ici 2020 et 2050 un
                                                                                                   immense chantier, particuliè-
                                                                                                   rement pour l’habitat ancien,
                                                                                                   et un important business ainsi
                                                                                                   qu’un gisement d’emplois re-
                                                                                                   marquable.
                                                                                                   Dans les lignes qui suivent,
                          Figure 1                           Quand on chauffe une mai-             nous essayerons de donner
                                                             son ou un appartement, les            quelques précisions sur les
                         Les pertes de chaleur d’une
                                                             échanges de température               définitions, les matériaux, les
                         maison peuvent s’effectuer de
                         multiples manières : par le toit,   avec l’extérieur occasionnent         objectifs et les réalisations en
                         les systèmes de ventilation,        des pertes de calories. On es-        matière d’isolation thermique
                         les murs, les sols, les portes et   time qu’elles sont de 16 à 25 %       dans le bâtiment.
                         fenêtres, ou encore par les ponts   par les murs, 13 à 15 % par les
                         thermiques.

                                                                                                   1
                                                             portes et fenêtres, 30 % par la
                                                             toiture, 10 à 16 % par le sol et
                                                                                                       Quelques principes
                                                                                                       sur l’isolation
                                                             5 % par les ponts thermiques2
                                                                                                   thermique
                                                             (Figure 1). Une bonne isolation
                                                             permet de réaliser plus de            Lorsqu’un corps ou une paroi
                                                             35 % d’économie de chauf-             sépare deux zones à des tem-
                                                             fage et de grands progrès ont         pératures différentes, T1 ≥ T2,
                                                             été faits depuis 1973, date de        les lois de l’équilibre thermo-
                                                             la première crise pétrolière          dynamique font que les calo-
                                                             en France. La réglementation          ries diffusent à travers cette
                                                             thermique (voir le Chapitre de        paroi si elle est conductrice de
                                                             D. Quénard, Encart : « La régle-      la chaleur. Le flux ne s’arrêtera
                                                                                                   que lorsque T1 = T2 (Figure 2).
                                                             mentation thermique (RT) »)
                                                                                                   Si T1 reste supérieure à T2, le
                                                             et l’apparition de matériaux
                                                                                                   flux sera permanent de T1 vers
                                                             isolants efficaces ont abaissé
                                                                                                   T2. Ce flux est plus ou moins
                                                             la consommation moyenne
                                                                                                   fort suivant la résistance ther-
                                                             d’énergie de 375 kWh/m2 /an           mique R de la paroi :
                                                             en 1973, puis à 250 kWh/m2 /
                                                                                                              R = e/λS
                                                             an en 2006.
                                                                                                   avec :
                                                             2. Un pont thermique est une zone     − e l’épaisseur de la paroi (en
                                                             qui, dans l’enveloppe d’un bâti-      mètres) ;
                                                             ment, présente une variation de
                                                             résistance thermique (à la jonction   − λ la conductivité thermique,
76                                                           de deux parois en général).           exprimée en watt par degré
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Kelvin et par mètre (W/K/m),        Tableau 1
qui est une caractéristique
d’un corps. On peut s’en aper-      Valeurs de conductivités thermiques.
cevoir si l’on dispose d’une                                                          Conductivité
casserole en cuivre avec un                                                        thermique (W/K/m)
manche en métal et une cas-
serole en inox avec un manche        Métaux         Argent                                   418
en bois ou en plastique, on se                      Cuivre                                   390
brûle la main bien plus facile-
ment avec la première qu’avec                       Aluminium                                237
la seconde. C’est que le cuivre                     Acier                                     46
et les métaux sont plutôt bons
                                     Matériaux      Verre                                  1,2-1,4
conducteurs de la chaleur,
alors que le bois ou le plas-                       Béton                                    0,9
tique sont plutôt de médiocres                      Bois chêne                               0,16
conducteurs ;
                                                    Polystyrène expansé                     0,036
− S la surface de la paroi, en
mètres carré.                                       Perlite expansée                        0,038
Plus R est grand, plus la paroi                     Paille                                   0,04
est isolante et le flux de chaleur
                                                    Laine de verre                           0,04
est ralenti ; plus R est petit,
plus la paroi est conductrice                       Laine                                    0,05
et le flux de chaleur accéléré.       Gaz            Air sec                                 0,026
On définit également l a
                                                    Hélium                                   0,15
conduction U comme l’in-
verse de la résistance en W/                        Argon                                   0,017
m2 /K. Le fl ux de chaleur se                        Krypton                                 0,010
définit comme proportionnel
à la conductivité λ et à la dif-
férence de température ΔT sur
                                    la conduction, le vide est alors
la distance Δx : Φx = – λ.ΔT/Δx.
                                    l’isolant absolu puisqu’il n’y
Le Tableau 1 donne quelques
                                    a plus de vecteur de conduc-
valeurs de conductivités λ.
                                    tion. À partir de ces proprié-
Ce tableau montre que ce            tés, on a fabriqué, découvert
sont les métaux qui sont les        ou redécouvert des matériaux
meilleurs conducteurs de la         d’isolation…
chaleur et donc les moins
bons isolants. Le verre et le
béton conduisent la chaleur
mais raisonnablement. Le
bois, le polystyrène expansé
                                    2      Les matériaux
                                           d’isolation
                                    Pour l ’isolation dans la
(voir le paragraphe 2.2.3), la
                                    construction il faut associer :
paille et la laine de verre (voir
le paragraphe 2.2.2) sont de        − une structure céramique
bons isolants (Figure 3), l’air     (c’est-à-dire de la terre cuite)
sec et les gaz rares encore         ou de type béton alvéolaire à           Figure 2
meilleurs. Quand on sait que        de l’air ou à une substance peu
                                    conductrice ;                          Les calories diffusent à travers
ce sont les vibrations des
                                                                           une paroi conductrice de la zone à
molécules ou des atomes qui         − accompagner le matériau de           température la plus chaude T1 à
sont, sous l’influence de la        structure d’une barrière iso-          la zone T2, jusqu’à égalisation des
température, les vecteurs de        lante si possible à l’extérieur.       températures.                         77
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
La chimie et l’habitat

                                                                2.1. Les matériaux                définitivement l’air empri-
                          Figure 3                              de structure                      sonné dans ces alvéoles (Fi-
                                                                                                  gure 4 en bas).
                         Bois, paille, béton, polystyrène et    La brique monobloc en terre
                         laine de verre sont de bons isolants   cuite alvéolaire (Figure 4 en     Le béton cellulaire joue un peu
                         thermiques.                            haut) possède une bonne           le même rôle ; il est constitué
                                                                inertie thermique et ses al-      de blocs légers, combinaison
                                                                véoles contiennent de l’air qui   de sable, de ciment, de chaux
                                                                n’est pas en mouvement. Le        et d’eau, mais au cours de la
                                                                dessin des alvéoles de type       prise du ciment, on y piège des
                                                                labyrinthe est tel que le flux     bulles d’air (sous pression) ou
                                                                thermique à travers la cé-        de gaz (par réaction chimique)
                                                                ramique doit parcourir plus       lorsque l’ensemble est encore
                                                                d’un mètre pour faire un pont     pâteux ; ces bulles sont alors
                                                                thermique avec l’extérieur,       bloquées et immobilisées lors
                                                                alors que l’épaisseur de la       de la solidification (à propos de
                                                                brique n’est que de l’ordre       la préparation du béton, voir
                                                                de 37 cm. On peut encore          les Chapitres d’A. Ehrlacher
                                                                améliorer la performance en       et de J. Méhu). Cela donne
                                                                remplissant les alvéoles avec     un matériau poreux très lé-
                                                                de la perlite expansée (voir le   ger et isolant, à comparer
78                                                              paragraphe 2.2.1) qui bloque      au parpaing, que l’on voit
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
                                  Tableau 2
                                  Résistance thermique et conduction de quelques matériaux.

                                                                       Résistance
                                                                                         Conduction
                                              Matériau                thermique R
                                                                                         U (W/m2/K)
                                                                        (m2.K/W)
                                   Brique monomur (37,5 cm)                 3                 0,33
                                   Brique isolation intégrée               5,55               0,18
                                   Béton celullaire                        3,13               0,32
                                   Parpaing classique (22 cm)              0,20                5

                                  Autour des traverses de sou-
                                  tien et de montage, on trouve
                                  de la laine de roche entre
 Figure 4                         les panneaux intérieurs et
                                  les panneaux d’isolation ex-
La brique monobloc en terre       térieure, le tout d’épaisseur
cuite alvéolaire sans ou avec
remplissage.
                                  de l’ordre de 25 cm avec des
                                  résistances thermiques in-
                                  téressantes (R = 4,8 m2.K/W,
                                  avec U = 0, 21 W/m 2 / K )
malheureusement encore            et même en super iso -
beaucoup dans les construc-
                                  lées (R = 7,5 m 2 .K / W, avec
tions et qui font preuve
                                  U = 0,13 W/m2 /K), valeurs qui
d’une résistance thermique
                                  permettraient de construire
faible.
                                  des maisons passives (« zéro
Qu’en est-il du bois ? Les        énergie ». À propos des mai-
maisons à ossature en bois        sons passives, voir les Cha-
sont nombreuses dans les
                                  pitres de D. Quénard et de
pays scandinaves, aux États-
                                  J. Souvestre) ou mieux encore
Unis, un peu moins prisées en
                                  (Figure 5).
France sauf dans les régions
montagneuses, et pourtant,        Par ailleurs, les revêtements
elles effectuent des percées      extérieurs en bois couvrant
intéressantes sur le marché       des couches d’isolants avec
national (voir notamment l’im-    les progrès de la protection
meuble en bois décrit dans        du bois sont de bonnes so-
le Chapitre de J.-P. Viguier).    lutions d’isolation par l’exté-
Elles cumulent en effet deux      rieur des bâtiments, si l’es-         Figure 5
avantages :                       thétique le supporte.                Ossature en composite à base
− une rapidité de construction                                         de bois, composé de polystyrène
grâce, le plus souvent, à une                                          avec revêtement enduit séparé par
fabrication intégrée en usine ;   2.2. Les isolants des                une plaque de bois (par exemple
                                  structures composites                avec de la laine de verre ou de
− des structures de panneaux                                           roche). Les montages peuvent être
à faible conductivité ther-       Ils sont disposés au sein ou en      réalisés en usine en y intégrant
mique.                            éléments barrière des maté-          canalisations et fils électriques.   79
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La chimie et l’habitat

                                                                                                 composition en sodium, revê-
                                                                                                 tues, par un procédé appelé
                                                                                                 ensimage, d’un polymère qui
                                                                                                 constitue une barrière à l’eau.
                                                                                                 On trouve par ailleurs des
                                                                                                 fibres de roche (plus riches
                                                                                                 en silice que les fibres de
                                                                                                 verre), qui ont été fondues à
                                                                                                 haute température (1 100 °C).
                                                                                                 Leur fabrication ressemble
                                                                                                 beaucoup à celle de la « barbe
                                                                                                 à papa » hormis la tempé-
                                                                                                 rature : le verre en fusion,
                                                                                                 comme le sucre fondu, tombe
                                                                                                 sur un disque tournant à
                                                                                                 grande vitesse qui projette
                                                                                                 les fibres dans un réceptacle,
                                                                                                 lequel alimente ensuite une
                          Figure 6                                                               bande déroulante de papier
                         Laine de verre, laine de roche,                                         ou carton pare-vapeur où
                         perlite expansée… Ces fibres                                             elles sont collées en diverses
                         minérales sont utilisées en                                             épaisseurs ; plus l’épaisseur
                         isolation, seules ou en composites.                                     est grande, meilleure est
                                                                                                 l’isolation. Elles sont déli-
                                                               riaux de structure porteuse.      vrées en rouleaux ou en pan-
                                                               On va trouver :                   neaux.
                                                               − des isolants minéraux –         La perlite expansée est aussi
                                                               fibres et laines de verre, laine   une roche volcanique conte-
                                                               de roche, perlite expansée ;      nant de l’eau qui est expansée
                                                               − des isolants bio-organiques     par chauffage haute tempé-
                                                               et végétaux – fibres de lin,      rature en de petites granules
                                                               fibres de chanvre, de coco,       creuses isolantes, et qui est
                                                               paille, laine de mouton, plumes   utilisée en vrac.
                                                               de canard… ;
                                                                                                 2.2.2. Les fibres
                                                               − des isolants synthétiques –     bio-organiques issues
                                                               polystyrène expansé ou extru-     de végétaux
                                                               dé, polyuréthane, Kevlar ®,
                                                                                                 Issues de plantes fi breuses
                                                               ouate de cellulose…
                                                                                                 largement utilisées pour le
                                                               Ils seront mêlés aux murs,        textile (lin, chanvre, coton)
                                                               sols, toitures, soit en couche,   mais très concurrencées
                                                               soit en revêtement exté-          par les fibres ar tificielles
                                                               rieur ou intérieur, parfois en    (rayonne, nylon), elles re-
                                                               sandwich entre parois, par-       trouvent une nouvelle
                                                               fois en couche mince réfl é-       jeunesse grâce à l’« éco-
                                                               chissante.                        conception ». Elles utilisent
                                                                                                 en effet les fibres courtes qui
                                                               2.2.1. Les fibres minérales        ne peuvent être employées
                                                               (Figure 6)                        pour le textile et valorisent
                                                               Ce sont les plus courantes. La    donc la filière. Les fibres,
                                                               plupart du temps, on trouve       après imprégnation d’un
80                                                             des fibres de verre à basse        polyester protecteur, sont
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
mises en forme de feutres
de diverses épaisseurs. La
conduc ti v ité des feutres
de lin ou de chanvre est de
l’ordre de 0,39 ; elle est com-
parable à la laine de verre qui
est de 0,40. Cela donne des
résistances thermiques de
l’ordre de 2,5 m 2 .K/W pour
des épaisseurs de 10 cm et de           Figure 7
3,8 m2.K/W pour 15 cm, com-
                                       Le chanvre possède une
parables aux fibres miné-
                                       conductivité thermique comparable
rales. Le chanvre (Figure 7)           à la laine de verre.
est de plus un élément répul-
sif pour les rongeurs !
La paille, qui est aussi un            murs. Plus récemment en-             Figure 8
matériau partiellement de              core, on peut aussi faire une
récupération après récolte             bonne œuvre en utilisant des        La paille a longtemps été utilisée
                                       feutres à base de vêtements         comme isolant, notamment dans
des céréales, a également
                                                                           les torchis.
une structure naturelle de             défibrés recyclés par l’asso-
canaux qui peuvent empri-              ciation Emmaüs.
sonner de l’air. C’est un iso-
lant bien connu de nos an-             2.2.3. Les isolants
cêtres qui, entre les poutres          synthétiques
de leurs maisons, la mêlaient          Ce sont en général des maté-
à l’argile pour en faire du tor-       riaux issus de la chimie du pé-
chis, constituant alors l’un           trole ou de la transformation
des matériaux composites               chimique de substances natu-
les plus anciens 3 (Figure 8).         relles (voir aussi le Chapitre
La paille est redécouverte             de J. Souvestre, Encart « Des
pour cer taines construc-              polymères synthétiques pour
tions écologiques, soit par            notre quotidien. Exemples du
assemblage de ballots de               polystyrène et du polyuré-
paille, soit mélangée au ci-           thane »).
ment, à la chaux ou à l’argile         Le polystyrène est le plus
(comme le montre le Chapitre           utilisé (Figure 9). On le trouve
d’A. Ehrlacher). Cela reste            sous deux formes : expansé
bien sûr encore très artisanal         (PSE) avec des porosités ou-
et marginal. On peut aussi             vertes, et extrudé avec des          Figure 9
trou ver depuis quelques               porosités fermées. Dans les          Le polystyrène est un excellent
temps des isolations à base            deux cas, il contient plus de       isolant thermique grâce à ses 95 %
de laine de coton, de mou-             95 % d’air (λ = 0,026) ou de        d’air ou de pentane emprisonnés.
ton et même de plumes de               pentane (λ = 0,013) immobi-
canard qui déser tent nos              lisé dans ses pores. Ces der-
chambres à coucher pour                niers ont été créés lors d’une
s’attaquer aux combles et              pré-expansion du polymère
                                       par du pentane sous forme
3. Un matériau composite est           de petites sphères qui sont
composé d’une matrice et d’un
                                       ensuite fortement expansées
renfort (voir le Chapitre d’après la
conférence de P. Hamelin) : dans le    par chauffage à la vapeur
torchis, la matrice est la terre et    dans des moules de formes
le renfort est en fibres végétales.     variées que l’on connaît pour                                            81
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La chimie et l’habitat

                                                             les emballages divers et les       Quelques nouvelles matières
                                                             plaques d’isolation de 2 à         apparaissent depuis quelques
                                                             10 cm d’épaisseur, de basse        temps. La plus industrialisée
                                                             ou de haute densité. C’est un      est la ouate de cellulose (Fi-
                                                             très bon isolant, peu sensible     gure 10), que ses promoteurs
                                                             à l’humidité avec des conduc-      présentent comme un produit
                                                             tivités λ de 0,03 à 0,035.         écologique. En vérité, il s’agit
                                                             Le polyuréthane est un po-         de papier journal recyclé au
                                                             lymère fabriqué à partir de        moyen d’un procédé chimique
                          Figure 10
                                                             l’urée ; il est aussi très po-     et mécanique qui permet une
                         La ouate de cellulose est obtenue   reux, sur le même principe         seconde vie au papier journal.
                         par recyclage de papier journal.    que le PSE, d’un coût plus         On sait que la cellulose du
                                                             élevé, et sa conductivité ther-    papier est issue de fibres de
                                                             mique est aussi basse (λ =         bois ou du textile, de faible
                                                             0,025 à 0,030).                    conductivité (λ = 0,039). Le
                                                             À cette famille appartiennent      produit est disponible en vrac
                                                             également les isolants en          ou en panneaux, il peut aussi
                                                             couche mince ; ils ne font que     être projeté. La ouate est
                                                             quelques millimètres d’épais-      revêtue d’oxyde de bore ou
                                                             seur ; les multicouches sont       de borates, qui sont de bons
                                                             de l’ordre du centimètre : ils     ignifuges et qui sont aussi
                                                             sont constitués de couches         protecteurs par rapport aux
                                                             multiples de polyéthylène          insectes et moisissures. De
                                                             (λ = 0,037) revêtues d’une         coût encore un peu élevé,
                                                             mince couche d’aluminium           elle apporte, semble-t-il, une
                                                             réfl échissant et de couches        bonne protection et isolation
                                                             de polyéthylène bulles qui         thermique qui concourent au
                                                             contiennent de l’air immobi-       confort en hiver mais aussi
                                                             lisé. Ces couches allient le       en été.
                                                             pouvoir isolant et le pouvoir
                                                             de réflectivité en réfléchis-
                                                                                                2.3. Les vitrages4
                                                             sant aussi bien l’énergie exté-
                                                             rieure du soleil que l’énergie     On a vu qu’un bâtiment perd
                                                             des zones intérieures chauf-       environ 15 % d’énergie par
                                                             fées. Les fabricants revendi-      les fenêtres et huisseries
                                                             quent une aussi bonne iso-         vitrées. Il faut cependant
                                                             lation qu’une couche de laine      avoir une surface vitrée mi-
                                                             de verre de 20 cm qui, elle,       nimum pour l’éclairage bien
                                                             est sensible à l’hygrométrie       sûr, mais aussi pour profiter
                                                             et à l’humidité. Les profes-       du rayonnement solaire qui
                                                             sionnels de l’isolation et le      peut pénétrer et chauffer la
                                                             Centre scientifique et tech-       maison en hiver. On estime
                                                             nique du bâtiment (CSTB, voir      qu’il faut un minimum de 1/6 e
                                                             le Chapitre de V. Pernelet-Joly,   de surface vitrée par rapport
                                                             Encart : « Le CSTB et l’OQAI »)    à la surface habitable (2 m2
                                                             sont plus prudents, ils af-        pour une chambre de 12 m2,
                                                             fichent des per formances          7 m 2 pour une salle de sé-
                                                             moindres et reprochent à ces       jour de 42 m2). Encore faut-il
                                                             films d’être étanches à la va-      qu’elles soient judicieuse-
                                                             peur d’eau et de ne pas laisser
                                                             « respirer » les murs ou la        4. Voir aussi le Chapitre de
82                                                           toiture.                           J. Ruchmann.
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
ment orientées ; on considère      On définit aussi le facteur so-
qu’il faut au minimum 40 %         laire g, qui est le pourcentage
exposés au sud et 20 % pour        d’énergie solaire que laisse       Extérieur              Intérieur

les trois autres orientations      passer
en minimisant celles expo-         le vitrage et qui contribuera à      0° C           17°     20° C
sées au nord.                      gagner des calories en hiver,                  2°
Le verre, bien que peu conduc-     mais aussi malheureusement
teur (λ = 1,2-1,4), n’est pas un   en été. Une solution possible
isolant lorsqu’il est massif ;     est présentée dans le Chapitre
on le constate facilement sur      de J. Ruchmann.                   Figure 11
les fenêtres à vitrage simple      On trouve depuis quelques         Les doubles vitrages ont apporté
d’épaisseur 4 à 6 mm. En hi-       années des vitrages à isola-      un progrès considérable en termes
ver, la paroi froide intérieure    tion renforcée (VIR), qui sont    d’isolation, permettant mieux
se couvre de buée de conden-                                         maintenir la chaleur en hiver.
                                   aussi à faible émissivité. Ils
sation et parfois de givre, lors   sont constitués de deux pa-
de températures extérieures        rois de verre de 4 mm, en gé-
très négatives.                    néral séparées comme dans
Les fenêtres à double vi-          le double vitrage standard
trage sont constituées de          par un espace de 16 mm, serti
deux verres de 4 mm sépa-          par un joint en aluminium ou
rés par un espace de 16 mm,        en plastique. Cet espace est
le tout scellé par un joint        rempli par un gaz rare, l’ar-
métallique ou plastique qui        gon, qui a un pouvoir isolant
isole l’air sec intérieur entre    meilleur que l’air (λ = 0,017
les deux lames. Elles ont          au lieu de 0,026). De plus,
apporté un réel progrès sur        la face interne du vitrage
l’isolation thermique et le        intérieur est revêtue d’une
confort intérieur (Figure 11).     mince couche nanométrique
Le coefficient de conduction        d’argent ou d’oxyde métal-
thermique s’exprime par deux       lique (à la façon d’un miroir
valeurs :                          sans tain) qui, par son pouvoir
                                   de réfl ectivité, fait barrière
− Ug : la conduction thermique
                                   aux infrarouges de grandes
du vitrage ;
                                   longueurs d’ondes issus des
− Uw : la conduction ther-         pièces chauffées de l’habi-
mique de la fenêtre (vitrage +     tation et laisse passer les
huisserie).                        infrarouges du rayonnement
Uw va bien évidemment va-          solaire. Ce type de vitrage
rier, pour le même double vi-      VIR (Climaplus®, Planitherm
trage, avec le matériau utilisé    futurN ®) est deux fois plus
pour l’huisserie. Il sera très     performant qu’un double vi-
bon pour une huisserie en          trage classique et cinq fois
polychlorure de vinyle (PVC),      meilleur qu’un simple vitrage,
polymère industriel de bonne       avec des conductions Ug = 1,2
tenue mécanique et bon iso-        à 1,5 W/m2 /K.
lant. Uw sera un peu moins         On peut également trou-
bon avec une huisserie en          ver depuis quelques temps
bois, encore un peu moins          des triples vitrages portés
bon pour l’aluminium s’il n’y      par des huisseries en alu-
a pas rupture du pont ther-        minium à rupture de pont
mique.                             thermique, avec un facteur                                            83
Isolation dans l'habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
La chimie et l’habitat

                                                                Ug = 0,8 W/m2 /K. Les avis dif-    les exigences de performance
                                                                fèrent sur l’avantage de ces       énergétique des bâtiments
                                                                derniers. Leur dimension de        neufs. À partir de septembre
                                                                36 mm (4/12/4/12/4) et leur        2006, des consommations
                                                                poids (30 kg/m 2), comparés        énergétiques de référence
                                                                au double vitrage classique        ont été établies en kilowatt-
                                                                (24 mm et 20 kg/m2), posent        heure par mètre carré par an
                                                                des problèmes d’adaptation ;       (kWh/m 2 /an), ainsi que des
                                                                de plus, les deux couches de       coefficients thermiques Cep
                                                                basse émissivité réduisent le      du bâtiment et une tempé-
                                                                facteur solaire g, ce qui péna-    rature intérieure pour l’été
                                                                lise les apports solaires en hi-   maximums.
                                                                ver. Il ne semble donc pas que     La France est divisée en
                                                                les coûts supplémentaires          huit zones (Figure 12) : trois
                                                                qu’ils occasionnent soient         zones H1 (nord et est), quatre
                                                                réellement rentables.              zones H2 (ouest), une zone H3
                                                                                                   (zone méditerranéenne). Ces
                                                                                                   zones correspondent à des
                                                                                                   climats particuliers imposant

                                                                3    Les objectifs,
                                                                     la réglementation
                                                                et les réalisations
                                                                                                   des consommations de ré-
                                                                                                   férence énergétiques de 80
                                                                                                   à 130 kWh/m 2 /an si l’on se
                                                                                                   chauffe au fioul (chauffage
                                                                3.1. Les constructions             combustible fossile), et de
                                                                neuves                             130 à 250 kWh/m2 /an si l’on
                                                                                                   se chauffe à l’électricité. Les
                                                                Depuis 1974, les divers rè-
                                                                glements thermiques pour           exigences suivant les zones
                                                                les bâtiments et construc-         et type de chauffage sont re-
                                                                tions neufs (voir le Chapitre      portées sur le Tableau 3.
                                                                de D. Quénard, Encart : « Les      L’arrêté recommande égale-
                                                                règlements thermiques (RT) »)      ment d’éviter ou de suppri-
                                                                ont permis, dans le domaine        mer les ponts thermiques ;
                                                                du logement, des économies         il soutient très fortement
                                                                de près de 50 % par rapport        les installations de chau-
                                                                aux consommations d’avant          dières à condensation ou au
                                                                la crise pétrolière. La régle-     bois et les systèmes solaires
                                                                mentation thermique RT 2005        d’eau chaude sanitaire. Par
                                                                prolonge celle de 2000 et, par     ailleurs, dans la ligne du
                                         Zone H1a
                                                                arrêté paru en mai 2006, fixe       Grenelle de l’environnement
                                                     Zone H1b
                         Zone H2a

                                    Zone H2b

                                               Zone H1c         Tableau 3
                                                Zone H2d        Consommation énergétique maximum par zone (RT 2005).
                                    Zone H2c
                                                    Zone H3
                                                                            Chauffage combustible
                                                                 Zone                                    Chauffage électrique
                                                                                   fossile
                         Figure 12                                 H1          130 kWh/m2 /an               250 kWh/m2 /an
                         Les trois zones géographiques             H2           110 kWh/m2 /an              190 kWh/m2 /an
                         pour la règlementation du
                                                                   H3           80 kWh/m2 /an               130 kWh/m2 /an
84                       chauffage en France.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
depuis 2007 (voir le Cha-              les zones H) (voir aussi le Cha-
p i tre d e J.- M . M i ch e l ) ,     pitre de J. Souvestre, Encart :
de nouveaux labels assortis            « Les labels énergie »).
de conditions sont apparus :           Nul doute que ces classifica-
− le label haute performance           tions et labels assortis d’éti-
énergétique (HPE), réservé aux         quettes, dont nous sommes
bâtiments consommant 10 %              d e v e nu s f amil ie r s p o ur
de moins que la consommation           l’électroménager, auront et
de référence ;                         sont déjà un facteur de plus
− le label très haute perfor-          en plus déterminant en cas
mance énergétique (THPE), se           de construction, d’achat ou
définissant par une consom-             de revente d’une maison ou
mation inférieure de 20 % aux          d’appartement, car depuis
références ;                           2006 en cas de vente d’un
− s’y ajoutent les labels HPE          bâtiment, et depuis 2007
EnR et THPE EnR, réservés aux          en cas de location, doit être
constructions qui de surcroît          établi un diagnostic de per-
utilisent des énergies renouve-        formance énergétique qui
lables : biomasse (voir le Cha-        range et affiche la classe du
pitre de D. Gronier), pompes à         logement. Le classement de
chaleur, solaire thermique ou          consommation énergétique
photovoltaïque (voir les Cha-          va de A (logement économe)
pitres de D. Lincot, D. Plée et        à G (logement énergivore), et
D. Quénard) ;                          la classe d’émission de gaz
− enfin, le label basse                à effet de serre va aussi de
consommation énergétique               A (faible émission) à G (forte
(BBC 2005), calqué sur le              émission). Pour les bâtiments
Passivhaus allemand (envi-             des collectivités, les com-                 Figure 13
ron 15 kWh/m 2/an) pouvant             munes et départements sont
                                                                               La réglementation impose
être attribué aux logements            fortement incitées à afficher
                                                                               d’afficher les performances
co n s o m m a n t m o i n s d e       l’étiquette énergie sur leurs           énergétiques des logements et
50 kWh/m2/an (valeur variant           propriétés, officialisée au             leurs classes d’émission de gaz à
d’un facteur 0,8 à 1,2 suivant         1er août 2008 (Figure 13).              effet de serre (GES).

 Logement économe                           Logement      Faible émission de GES                        Logement

 = 50      A                                               =5        A

 51 à 90       B                                           6 à 10        B

 91 à 150          C                                       11 à 20           C

 151 à 230             D                       XXX         21 à 35                  D

 231 à 330                 E                kWhEP/m2.an    36 à 55                       E                  XX
                                                                                                       kWhéqCO2/m2.an
 331 à 450                     F                           56 à 80                             F

 > 450                             G                       > 80                                    G
 Logement énergivore                                      Forte émission de GES
                                                                                                                        85
La chimie et l’habitat

                         Tableau 4                                On sait que la moyenne de           nelle de l’environnement,
                                                                  consommation des bâtiments          dans le « facteur quatre », se
                         Objectifs de consommation                anciens est située entre 250        fixe de réduire par quatre les
                         moyenne d’énergie visés par
                                                                  et 350 kWh/m2 /an. Pour les         émissions de CO2 en 2050. La
                         les règlementations thermiques.
                                                                  bâtiments neufs après 2005,         France étant le meilleur élève
                                            Objectif de           cette fourchette sera com-          de l’Europe sur les émissions
                                          consommation            prise entre 80 et 250 kWh/          de gaz à effet de serre grâce à
                           Année                                  m2 /an. Après le Grenelle de        l’énergie nucléaire, on peut se
                                             moyenne
                                           (kWh/m2/an)            l’environnement, les objectifs      demander si cet objectif n’est
                                                                  sont nettement plus ambitieux       pas utopique, sauf à consi-
                            2008                 150              (Tableau 4).                        dérer un effort sans précé-
                            2010                 120              Ces objectifs de très basse         dent, non pas dans l’habitat
                                                                  cons ommation pour le s             mais pour le transport des
                            2013                 50
                                                                  constructions neuves et la ré-      personnes et des marchan-
                            2020                     0            glementation thermique 2012         dises. Pour les logements
                                                                  en préparation vont inciter et      existants, cela représente
                                                                  encourager les architectes et       environ 400 000 logements
                                                                  bureaux d’études à étudier          à rénover par an d’ici 2050
                                                                  et concevoir des constructions      dans des conditions qui sont
                                                                  de bâtiments et de maisons          à rapprocher d’exigences su-
                                                                  à « énergie zéro », et même         périeures à RT 2005, puisque
                                                                  à énergie positive, avec inévi-     la RT 2012 est en élaboration
                                                                  tablement des conséquences          et concernera les bâtiments
                                                                  sur l’aspect esthétique, envi-      anciens. Les études statis-
                                                                  ronnemental et patrimonial,         tiques et enquêtes menées en
                                                                  aspects auxquels les muni-          2006 sur les dépenses éner-
                                                                  cipalités et préfets devront        gétiques des Français ont
                                                                  veiller.                            donné les résultats reportés
                          Figure 14                                                                   sur la Figure 14.
                         Dépenses énergétiques des foyers                                             Depuis novembre 2007, en
                         en France.                               3.2. Et pour l’existant ?
                                                                                                      cas de rénovation, réhabi-
                         La totalité de ces dépenses                                                  litation de maisons, loge-
                                                                  Il est déjà clair que l’objectif
                         (principalement pour le chauffage
                                                                  « énergie zéro » des loge-          ments ou bâtiments de moins
                         et l’éclairage) atteint 37,5 milliards
                         d’euros, à comparer aux dépenses         ments ne pourra être atteint        de 1 000 m2, les chaudières,
                         de carburant pour le transport           pour 2020 pour l’ensemble           fenêtres, radiateurs, bal-
                         (35,3 milliards d’euros).                immobilier français ; le Gre-       lons d’eau chaude, isolation,
                                                                                                      pompe à chaleur, etc., doivent
                                                                                                      présenter des performances
                                         2,5 % 4 %                                                    énergétiques supérieures ou
                                                                                                      égales au niveau réglemen-
                                                                                                      taire minimum. Des réduc-
                          23 %                                                                        tions d’impôts de 25 % sur
                                                                                                      les fournitures qui satisfont
                                                                                   Électricité
                                                                                   Gaz naturel
                                                                                                      à ces exigences sont accor-
                                                                        48 %       Fioul              dées et peuvent s’ajouter aux
                                                                                   Bois, charbon      réductions de 50 % accordées
                                                                                   Chauffage urbain   aux fournitures solaires (eau
                                                                                                      sanitaire) ou 25 % depuis 2011
                                                                                                      pour le photovoltaïque, s’il y a
                                                                                                      investissement de cet ordre.
                                  23 %
                                                                                                      Par ailleurs, des réductions
86                                                                                                    de taxe foncière pourront être
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
prévues en cas de travaux           − les murs à double paroi :
conduisant à des réductions         l’isolant central ne peut dépas-
de consommation et change-          ser une certaine épaisseur
ment de classe. Enfin, il est        pour des raisons mécaniques          1                       2                   3       4

aussi prévu, en cas d’obten-        (15 cm maximum). Les points
tion du label THPE, la pos-         de jonction entre la maçonnerie
sibilité de dépasser le COS 5       extérieure et les zones chauf-
dans la limite des 20 %, dans       fées peuvent entraîner des
l’hypothèse d’une nouvelle          ponts thermiques. Les murs à
construction ou d’un agran-         double paroi conduisent sou-
dissement.                          vent à de bonnes stabilité et
                                    inertie thermique contribuant
                                    au confort, mais ils ne convien-
3.3. Les réalisations               dront pas en général pour des
Les maisons basse consom-           maisons à énergie zéro ;
                                                                             A : monomur + isolation externe
mation doivent mettre en            − les structures légères : sou-
place une stratégie d’isola-        vent les parois et structures
                                    sont fabriquées en atelier à         1               2               3       4       5
tion de tous les éléments de
la maison : les murs, les toi-      partir d’éléments porteurs en
tures, les sols et les vitrages.    bois. L’ossature en bois peut
                                    être recouverte de polystyrène
Les murs                            et d’enduit, l’intérieur com-
Il existe trois types de struc-     blé par de la laine de verre ou
tures (Figure 15) :                 de cellulose avec une contre-
                                    cloison intérieure en plâtre.
− les murs massifs à isolation
                                    Les canalisations et circuits
extérieure, éliminant les ponts
                                    électriques sont intégrés en
thermiques, protègent les
                                    usine et le montage sur site
murs porteurs sans réduire la
                                    est bien plus rapide que pour
surface habitable. Ils convien-                                                    B : brique silico-calcique
                                    la construction traditionnelle.
nent donc en cas de rénovation
                                    Il faut simplement veiller à la
ou d’assainissement. Il faut
                                    conduction de la chaleur par         1     2     3       4       5       6       7       8
simplement veiller à la diffu-
                                    le bois, à son vieillissement
sion de la vapeur d’eau afin
                                    sous charge et à la sensibilité
d’éviter les dégâts consécutifs
                                    à l’humidité.
à une humidité permanente
par condensation. Le matériau       Les toitures
isolant, la finition extérieure et
                                    Pour les toitures, deux cas se
la couleur de façade doivent
                                    présentent :
être assortis et compatibles
avec l’environnement et l’as-       − les combles perdus : il s’agit
pect architectural initial (ce      alors d’épandre sur les solives
qui pose souvent problème           des plafonds ou sur la dalle
pour des bâtiments anciens ou       supérieure des feutres épais
                                    de 15 à 30 cm de laine de verre,          C : structure légère composite
patrimoniaux) ;
                                    de lin ou chanvre, ou en vrac de
                                                                        Figure 15
5. Le coefficient d’occupation des   la ouate de cellulose ou laine
sols (COS) détermine la quantité    isolante de même épaisseur         Les différents types de structures
de construction admise sur une      (en veillant à placer un pare-     pour les murs :
propriété foncière en fonction de   vapeur du côté habitable) ;        A : monomur + isolation externe ;
sa superficie. Il est contrôlé no-                                      B : brique silico-calcique ;
tamment lors de l’instruction des   − les combles habitables : il      C : structure légère composite.(voir
permis de construire.               faut alors dérouler entre les      la figure 5).                                              87
La chimie et l’habitat

                                                                charpentes des bandes d’iso-        Les ouvertures
                                                                lants de matériau classique         On utilisera des vitrages à
                                                                ou de films minces isolants         double parois, classiques ou
                                                                et réflectorisants, en veillant      à isolation renforcée.
                                                                toujours à laisser une lame
                                                                d’air près de la toiture.           Les caractéristiques
                                                                                                    techniques
                                                                Les sols                            La réglementation thermique
                                                                Il s’agit d’isoler les dalles et    se traduit sur le terrain par
                                                                chapes du sol ou du vide sa-        les caractéristiques de ré-
                                                                nitaire, voire des sous-sols.       sistance thermique ou de
                                                                Ce sont le plus souvent des         conductivité des éléments
                                                                plaques de polystyrène ex-          de construction ou de réno-
                                                                pansé ou extrudé d’épaisseur        vation. Elles sont résumées
                                                                variable qui sont utilisées.        dans le Tableau 5.

                         Tableau 5
                         Caractéristiques thermiques minima des matériaux (R résistance en m2.K/W et U conduction thermique en W/m2/K).

                                                      R (RT 2005)          U (RT 2005)             R (BBC)              U (BBC)
                          Toiture                           6                   0,17                  8                  0,125
                          Mur                               4                   0,25                  5                  0,20
                          Sol/terre                         4                   0,25                  5                  0,20
                          Sol/vide sanitaire                4                   0,25                  6                   0,17
                          Vitrage                          0,4                  2,5                  0,9                  1,1

                         Que choisir pour les toitures avec R = 6 m2.K/W ou U = 0,17 W/m2 /K ?

                                      Isolant                        Λ (W/K/m)                Épaisseur recommandée (cm)
                          Laine de verre                            0,035-0,045                                 24
                          Laine de roche                            0,035-0,045                                 24
                          Polystyrène extrudé                       0,030-0,040                                 21
                          Polystyrène expansé                       0,030-0,035                              18 à 23
                          Flocons de cellulose                      0,035-0,045                                 24
                          Laine de lin                              0,039-0,045                                 25
                          Laine de chanvre                              0,038                                   23

                         Que choisir pour les murs avec R = 4 ou U = 0,2 (laine de verre ou ouate de cellulose) ?

                                                Type de mur                                   Épaisseur d’isolation (cm)
                          Bloc isolant (37,5 cm), isolation externe                                          4à6
                          Brique silico-calcique (24 cm)                                                    12 à 15
                          Cloison composite à madrier                                                      16 (R = 6)
88
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
4   À titre de
    comparaison
édifiante
                                         Maison en 1960
                                           non isolée
                                                              Maison en 1982      Maison en 2000       Maison en 2012

Prenons l’exemple d’une mai-
son construite en 1960, en
un temps « que les moins de
quarante ans ne peuvent pas
connaître », où le litre de fioul
domestique coûtait moins de
vingt centimes (de nouveau              de neuf millions avant 1973,              Figure 16
franc !), évidemment sans               ils représentent actuelle-
isolation, que ses proprié-                                                      Des étapes nombreuses et
                                        ment plus de 20 % du parc
                                                                                 coûteuses pour rénover une
taires ont progressivement              immobilier. Voyons ce que les            maison des années 1960 selon les
rénovée et isolée, et imagi-            propriétaires d’une maison               objectifs 2012.
nent remplir un objectif 2012,          telle que celle de l’exemple
c’est-à-dire BBC ! (Figure 16           précédent peuvent dépenser
et Tableau 6)                           pour atteindre les objec-
Près de cinq millions de loge-          tifs 2012, qui sont ou seront
ments sont encore chauffés              très proches du label THPE
au fioul ; il y en avait près           et même BBC. La réduction

Tableau 6
Comparaisons d’isolations rénovation.

                        Maison 1960          Rénovation 1982           Rénovation 2000             Objectifs 2012
                                                                       Combles, murs,
     Isolation           Non isolée          Combles et murs                                       Super isolation
                                                                           sols
 Consommation            7 200 L fioul            2 150 L fioul             1 050 L fioul               800 L fioul
 annuelle               (75 000 kWh)            (22 500 kWh)              (11 000 kWh)               (8 500 Wh)

 Prix 2008*                7 200 €                 2 150 €                     1 050 €                 800 €
 Prix en €                   150 €                 2 865 €                     900 €                   800 €
 constants*
                                        Solutions mises en œuvre :
 Combles               Sans isolations              R = 2,5                     R=5                    R = 6,5
 Murs extérieurs             Sans                  R = 1,25                    R = 2,2                  R=5
 Sols                        Sans              Sans isolation                   R=2                  R = 2 + PSE
                                                                                                      intérieur
 Vitrages                  Simples                 Doubles               Doubles + VIR             Double + VIR +
                                                                                                      argon
 Ventilation              Naturelle              Simple flux              Hygroréglable             Hygroréglable
* Pour les prix du fioul, le choc pétrolier de 1973 a doublé le prix, qui a été à nouveau doublé en 1979 lors du
second choc, d’où un facteur quatre entre 1970 et 1982. Après le contre choc des années 1990, les années
2000 sont caractérisées par des fluctuations importantes de plus de 60 % qui amènent le prix du litre de
fioul proche de 1 € (2008-2011).
N.B. : Les prix à la consommation générale ont augmenté de 636 % en quarante ans.                                       89
La chimie et l’habitat

                         des dépenses de chauffage        Par rapport à une maison non
                         compense-t-elle les inves-       isolée, cela permet, si chauf-
                         tissements consentis pour        fage au fioul, une économie
                         l’isolation ? Pour le calcul,    de l’ordre de 6 000 € par an,
                         on prendra l’hypothèse de        d’où une rentabilité en moins
                         96 m2 au sol et de 50 m2 en      de deux ans dans le premier
                         étage et de l’ordre de 25 m2     cas et d’un peu plus de deux
                         d’ouvertures lumineuses. Les     ans dans le deuxième cas
                         prix des matériaux sont des      (isolants écologiques). Pour
                         prix moyens 2010, ils peuvent    la maison rénovée en 1982,
                         varier suivant les sources, on   c’est une économie de l’ordre
                         s’attachera surtout à l’ordre    de 2 000 € et donc une ren-
                         de grandeur :                    tabilité en cinq ans ou six
                                                          ans. Notons que les dispo-
                         1) Isolants traditionnels :
                                                          sitions favorables du crédit
                         Sol – PSE 4 cm :                 d’impôt pour les habitations
                         96 × 7,00 = 672 €.               construites avant 1977 ont été
                         Murs-cloison placo +             abrogées pour 2011. Il est de
                         100 mm. Laine de verre :         25 % sur les fournitures et la
                         220 × 15 = 3 300 €.              pose pour les matériaux d’iso-
                         Combles et une partie du         lation, sauf pour les vitrages
                         toit – 200 mm laine de verre :   où la pose est exclue (loi de
                         144 × 7 = 1 008 €.               finance 2010).
                         Total : 5 000 € + pose

                                                          5
                         2 500 € = 7 500 €.                    L’évolution
                                                               et la recherche
                         2) Isolants écologiques :
                         Sols – laine de roche :          En matière d’isolation, la
                         96 × 8,00 = 770 €.               recherche est plus tech-
                                                          nologique qu’elle n’est par
                         Murs – Panneaux de lin +
                                                          exemple dans le photovol-
                         placo : 220 × 25 = 5 500 €.
                                                          taïque et le solaire. Les
                         Combles et une partie du         principes d’investigation de
                         toit : ouate de cellulose        base sont la conductivité et
                         1 056 + 2 374 = 3 430 €.         l’émissivité. Dans le premier
                         Total : 97 000 € + 2 500 €       concept, c’est remplacer les
                         pose = 12 200 €.                 éléments solides conducteurs
                                                          de la chaleur par des espaces
                         3) Fenêtres et baies vitrées :   fermés emprisonnant un gaz
                         Huisseries et doubles vitrages   peu conducteur comme l’air
                         avec couche faible émissivité    ou un gaz rare comme l’ar-
                         et argon                         gon ou le krypton. Avec le se-
                         25 × 170 = 4 250 € + Pose        cond concept, c’est comment
                         750 € = 5 000 €.                 bloquer tout ou partie du
                                                          rayonnement solaire externe
                         Investissements et dépenses :
                                                          et le rayonnement infrarouge
                         Cas 1 : 12 500 €. Après crédit   interne pour améliorer le
                         d’impôt sur les fournitures      confort ; ceci peut être réalisé
                         (2 900) : 9 600 €.               par des métaux ré-émetteurs
                         Cas 2 : 17 200 €. Après crédit   tels que l’aluminium poli ou
                         d’impôt sur les fournitures      l’argent et certains oxydes en
90                       (4 200) : 13 000 €.              couche mince, tels que l’oxyde
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
de gadolinium, qui agissent            qui ne peuvent être utilisées
un peu comme des miroirs               seules mais en sandwich avec
sans tain. La recherche a donc         des polymères ou fibres, et
porté sur les sujets suivants :        dont la mise en œuvre reste
− amélioration des propriétés          complexe ;
mécaniques des polymères               − l’isolant ultime et absolu
expansés ou extrudés qui, à            étant le vide, la construction
facteur R égal, ont maintenant         de panneaux de matériaux
des tenues mécaniques à la             nanostructurés et sous vide
compression bien meilleures ;          (PIV) constitue une nouvelle
                                       étape ; c’est un peu le prin-
− protection des fibres natu-
                                       cipe du Dewar de la bouteille
relles ou minérales portant sur
                                       thermos qui est appliqué à la
la résistance à l’humidité et
                                       construction. Deux propriétés
à leur tenue au feu. Ceci est
                                       sont alors mises en œuvre,
réalisé par des revêtements
                                       un polymère contenant des
par ensimage qui font barrière
                                       nanopores, de dimensions
à la vapeur d’eau (acétates de
                                       inférieures au libre parcours
vinyle), ou ignifuges (oxyde ou
                                       moyen des molécules d’un gaz,
sel de bore), ou encore anti-          lequel ne peut alors plus trans-
moisissures et insecticides ;          mettre, par agitation, la cha-
− recherche de nouveaux pro-           leur. Le tout est emprisonné
duits naturels pour constituer         dans une enveloppe étanche,
des laines, flocons, feutres           constituée de couches de
à partir de végétaux dédiés ;          polymères sandwich revêtues
cela s’apparente davantage à           d’une mince couche d’oxyde
la recherche sur les textiles          ou de métal, barrière empê-
(voir le Chapitre de G. Némoz)         chant la diffusion de l’air, de
et à la recherche agrono-              la vapeur d’eau ou du CO 2,
mique. C’est ainsi qu’ont vu           puisque l’on fait le vide dans
le jour des laines et feutres de       cette enveloppe. On y ajoute
lin, de chanvre, de coton, de          aussi un absorbant qui va per-
laines de moutons, de plumes           mettre sur le long terme de
de canard, etc., qui, s’ils sont       maintenir le vide ou au moins
effectivement d’origine natu-          une très faible pression. Ce
relle, exigent cependant pour          type de panneau est, pour une
leur conservation et leur mise         épaisseur donnée, quatre fois
en forme des traitements               plus isolant qu’un panneau
chimiques. Leurs prix res-             standard ; il est actuellement
tent cependant encore deux à           testé pour l’isolation des bal-
quatre fois plus élevés que les        lons d’eau chaude ;
matériaux isolants standard ;          – un nouveau concept est
− des composites comportant            apparu depuis environ cinq
des aérogels qui sont obte-            ans, c’est celui qui consiste à
nus par évaporation en phase           profiter de la chaleur latente.
critique6 de gels de silice et         Lorsque vous chauffez un so-
donnent des microsphères               lide, au cours de sa fusion, il
creuses de silice très légères         absorbe une certaine quantité
                                       de chaleur pour le change-
6. Un corps se trouve en phase cri-    ment de phase état solide-état
tique lorsqu’on ne peut plus dis-      liquide, et lors de son refroi-
tinguer les états gazeux et liquide.   dissement, il restitue cette       91
La chimie et l’habitat

                         quantité de chaleur pour re-             des panneaux de plâtre ou
                         cristalliser et passer de l’état         des revêtements (Micronal®
                         liquide à l’état solide. L’idée de       de BASF). Des panneaux de ce
                         l’application aux générateurs            type de 15 mm ont la capacité
                         de chaleur (sels eutectiques)            thermique équivalente d’un
                         est assez ancienne, mais la              mur de 12 cm, et contribuent
                         réalisation pour l’applica-              remarquablement au confort
                         tion à un mur ou panneau de              intérieur.
                         construction est plus récente.           À coté de cette recherche
                         On enferme alors une cire à              sur les matériaux, il ne faut
                         base de co-polymères7 et de              pas non plus négliger la re-
                         paraffine8 dont le point de fu-           cherche architecturale et es-
                         sion est compris entre 22 °C             thétique, qui devient primor-
                         et 26 °C dans un panneau mu-             diale puisqu’elle va conduire
                         ral ; lorsque la chaleur solaire         à proposer des structures
                         externe chauffe le panneau, la           multi-matériaux, des liaisons
                         cire fond et absorbe cette cha-          par colles minérales, des
                         leur, et limite donc l’augmen-           panneaux pré-industrialisés,
                         tation de température inté-              des matériaux bio-sourcés
                         rieure ; la nuit, lorsque le mur         (abordés dans le Chapitre de
                         se refroidit, la cire se solidifie        D. Gronier), des couvertures
                         et restitue la chaleur latente           naturelles végétales… La re-
                         en limitant la diminution de             cherche porte aussi évidem-
                         température intérieure. C’est            ment sur la disposition des
                         ce que l’on appelle une struc-           pièces du logement afin d’en
                         ture composite « intelligente »          améliorer l’aspect bioclima-
                         à changement de phase qui                tique. Un point très impor-
                         régule par elle-même la                  tant pour les années futures
                         température de la maison                 concernera la recherche ar-
                         par ses simples propriétés               chitecturale pour la réhabili-
                         physiques. Les réalisations              tation des bâtiments existants
                         existent sous forme de pan-              par l’extérieur, qui ne sacrifie
                         neaux de polymères laminés               pas les surfaces habitables,
                         entre deux feuilles d’alumi-             mais qui va nécessiter des so-
                         nium (Energain® de DuPont de             lutions où l’esthétique ne sera
                         Nemours) ou de microbilles               pas sacrifi ée aux exigences
                         de 5 μm contenant la cire,               techniques de la réglementa-
                         pouvant être dispersées dans             tion thermique.

                         7. Un polymère est constitué par
                         l’enchaînement d’une ou plusieurs
                         unités répétitives appelées mono-
                         mères. Dans ce dernier cas, il est
                         appelé co-polymère.
                         8. Les paraffines, du latin parum
                         affinis (« qui a peu d’affinité »), sont
92                       un mélange d’alcanes.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
Les aides gouvernementales
sont-elles bien ciblées ?
Le marché de l’énergie renouvelable est un
marché assez porteur et en pleine expansion.
Après le Grenelle de l’environnement et l’objec-
tif du « facteur quatre », le Gouvernement, par
les lois de finances et les dispositions du crédit
d’impôt, souvent relayées par les régions et
les départements, a institué des aides appré-
ciables aux particuliers et aux sociétés. Ces
aides conduisent, du moins c’est l’espérance
des décideurs, à des économies importantes
dans la consommation des ressources fossiles
qui grèvent notre balance extérieure, et à la
diminution de l’émission des gaz à effet de
serre.
La question que l’on peut se poser est celle-ci :
est-ce que ces aides sont toujours bien dirigées
et encouragent-elles des solutions efficientes ?
Plaçons-nous dans l’optique d’un propriétaire
qui dispose d’une maison partiellement réno-
vée et isolée en 1982 (exemple précédent de la
maison de 150 m2), et qui veut la rénover dans
une optique d’éco-citoyen pour aller au-delà
des normes du RT 2005, anticiper RT 2012 et
viser les labels THPE ou même BBC. Il a le
choix entre des travaux de super isolation de sa
maison avec des matériaux et systèmes satis-
faisant les conditions du crédit d’impôt de la loi
de finance 2010, ou l’installation d’un chauffe-
eau solaire, ou l’installation de tuiles photovol-
taïques remplaçant partiellement une partie de
sa toiture, ces deux dernières solutions ouvrant
droit non seulement aux crédits d’impôts y affé-
rant mais aussi aux subventions des collectivi-
tés territoriales auxquelles peut s’ajouter, pour
la solution photovoltaïque, la possibilité de
vendre son électricité à EDF à un tarif subven-
tionné. Résumons les solutions et dépenses
dans le Tableau 7. En prenant un prix du kWh de      93
La chimie et l’habitat

                                                               l’ordre de 0,08 € (prix moyen heures normales
                                                               pratiqué par EDF pour un particulier) ou 1 € le
                                                               litre de fioul (valeurs d’amortissements entre
                                                               parenthèses), on peut comparer l’efficacité de
                                                               ces différentes actions (Tableau 8).
                                                               On peut voir, grâce à ces tableaux, que l’in-
                                                               vestissement par isolation est à peu près onze
                                                               fois plus efficace que l’investissement dans les
                                                               panneaux photovoltaïques et quatre fois plus
                                                               efficace que celui pour un chauffe-eau solaire.
                                                               En revanche, les subventions publiques (qui
                                                               coûtent de l’argent à la collectivité) sont aussi
                                                               onze fois plus fortes par kWh économisé pour
                                                               le photovoltaïque et huit fois plus fortes pour
                                                               le chauffe-eau solaire. Pour être complet, il

                         Tableau 7
                         Investissements, dépenses, économies générées de diverses solutions.

                                                                            Crédit                                   Économie
                                                     Investissement                    Subvention     Dépenses
                                 Travaux                                   d’impôt                                   d’énergie
                                                          en ¤                            en ¤          en ¤
                                                                             en ¤                                      par an
                          Photovoltaïque                  19 500            4 000          500          15 000       2 000 kWh
                          Chauffe-eau solaire              6 000            2 500          500           3 000       2 000 kWh
                          Isolation standard              12 500            2 300         néant         10 200       14 000 kWh
                          Isolation écologique            17 000            3 300         néant         13 700       14 000 kWh

                         Tableau 8
                         Amortissements et efficacités des diverses solutions.

                                                                                                   Crédit d’impôt     Économie
                                                     Amortissement/         Amortissement/        + subvention par     réalisée
                                 Travaux
                                                     investissement            dépense                  kWh            pour 1 ¤
                                                                                                   économisé/an         investi
                          Photovoltaïque                  110 ans                93 ans                2,25 ¤          0,1 kWh
                          Photovolt. + vente               22 ans                18 ans               2,75 ¤*          0,1 kWh
                          EDF
                          Chauffe-eau solaire              47 ans                18 ans                1,50 ¤         0,30 kWh
                          Isolation standard                9 ans                7 ans                 0,16 ¤         1,14 kWh
                          Isolation écologique             12 ans                9 ans                 0,24 ¤          0,8 kWh
94                       *Avec le rachat par EDF à 0,58 € par kWh.
Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
faudrait y ajouter la subvention déguisée de
0,58 – 0,08 = 0,50 € par kWh photovoltaïque
accordée par EDF que payent in fine tous les
abonnés par augmentation du tarif général, et
qui monte les subventions à quatorze fois plus
fortes ! Il y a clairement une incohérence de la
part des Pouvoirs publics, qu’ils soient natio-
naux ou régionaux ; elle est clairement mise
en lumière dans le cas de l’isolation thermique
avec des matériaux naturels (donc renouve-
lables !) qui est neuf fois moins subventionnée
que le photovoltaïque (dont on dit qu’il bénéfi-
cie surtout à l’industrie des panneaux photo-
voltaïques chinois, c’est un comble !) On peut
craindre que, portés par l’enthousiasme des
néoconvertis du Grenelle de l’environnement,
soumis aux lobbies des écologistes radicaux et
du Syndicat des énergies renouvelables (SER),
les décideurs aient cédé à la mode perverse.
Celle de subventionner au-delà du raisonnable
les mesures les plus visibles et les plus média-
tisées en négligeant les plus efficaces mais
moins spectaculaires, et en imposant à EDF un
prix de rachat déraisonnable de l’électricité de
sources renouvelables. Il est maintenant clair
que le Comité opérationnel (COMOP) n’a pas
vraiment joué son rôle et qu’il importe au plus
vite de réorienter la loi vers des mesures plus
efficaces pour ne pas gaspiller l’argent public.

                                                   95
La chimie et l’habitat

     Crédits
     photographiques
                         Fig. 6B : Licence CC-BY-SA-3.0,
                         D-Kuru Wikimedia Commons.
                         Fig. 7 : Licence CC-BY-SA-3.0,
                         Rasbak.
                         Fig. 7 : Licence CC-BY-1.2, Stefdn.
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