Jardin botanique Meise - the site of Botanic Garden Meise
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Sommaire Découvrir et inventorier la biodiversité 6 – 12 Comprendre les écosystèmes 13 – 16 Préserver le monde végétal 17 – 21 Valoriser notre patrimoine 22 – 25 (Re)connecter les plantes et les hommes 26 – 29 Inspirer et informer 30 – 38 Développer une infrastructure de pointe pour les visiteurs et la recherche 39 – 49 Organisation 50 – 53 Le Jardin botanique en chiffres 54 – 77
Avant-propos Dans un monde en mutation rapide, toujours plus glo- restauration » est pris en charge par le BGCI. Cet objec- balisé, les jardins botaniques ont dû se diversifier : le Jar- tif concerne tout particulièrement les jardins botaniques. din botanique Meise peut en témoigner. La coopération, Une réunion consultative internationale des partenaires a à l’échelle nationale et internationale, figure au cœur des été organisée par le Jardin botanique Meise au Château de activités de notre Jardin ; elle nous permet d’aborder les en- Bouchout en 2003. Elle avait pour but d’évaluer les champs jeux liés aux activités humaines qui exercent une pression d’intervention et les implications de la mise en œuvre d’une croissante sur toute forme de vie végétale. Souvent, les gens approche écosystémique. Cette réunion a aussi permis de n’ont pas conscience de ces menaces, en raison d’un phéno- définir des objectifs secondaires, des étapes clés, un réfé- mène appelé « indifférence aux plantes » (plant blindness), un rentiel et une série d’indicateurs pour mesurer les avancées concept introduit en 1998 par Wandersee & Schussler, qui dans la réalisation de l’objectif 8. Depuis lors, la Stratégie le définissent comme « l’incapacité de voir ou de remarquer mondiale pour la conservation des plantes a été évaluée, et les plantes dans son propre environnement, conduisant à ses objectifs mis à jour pour la période 2011-2020. L’objec- l’incapacité de reconnaître l’importance des végétaux dans tif 8 est devenu : « inclusion d’au moins 75 % des espèces vé- la biosphère et dans les questions humaines ». L’indiffé- gétales menacées dans des collections ex situ, de préférence rence aux plantes se traduit aussi par « l’incapacité d’appré- dans le pays d’origine, au moins 20 % d’entre elles restant cier l’esthétique et les caractères biologiques particuliers » disponibles pour des programmes de régénération et de des plantes et par le « jugement anthropocentrique malen- restauration ». contreux selon lequel les végétaux sont inférieurs aux ani- maux, menant à la conclusion erronée qu’ils ne méritent À l’heure actuelle, 196 États reconnaissent le texte de pas la considération des humains ». la Stratégie comme juridiquement contraignant. Chaque pays dispose d’un point focal pour l’aider à progresser vers Dans les nations industrialisées, les plantes sont souvent les objectifs de la Stratégie. En Belgique, cette entité est le reléguées au second plan. Heureusement, des défenseurs Jardin botanique Meise représenté par son administrateur de la nature, des biologistes et des botanistes ont réagi, général, le Dr Steven Dessein. conscients depuis des décennies des menaces qui pèsent sur les plantes et leurs milieux. Le Congrès botanique de Le présent rapport annuel du Jardin botanique Meise Saint-Louis, Missouri (1999) a reconnu la conservation des est structuré en référence aux 16 objectifs de la Stratégie. plantes comme priorité internationale urgente. Il fut suivi Les politiciens et décideurs belges pourront y suivre faci- par la Déclaration de Gran Canaria (2000) appelant à une lement l’état d’avancement annuel, mais aussi l’utiliser dans stratégie spécifique de conservation des plantes. Celle-ci les échanges internationaux. La Stratégie a joué un rôle dé- fut reconnue par la Conférence des parties à la Conven- terminant dans l’orientation de nos programmes et le choix tion sur la diversité biologique (CBD). Le Botanic Gardens de nos activités. En application directe de la Stratégie, les Conservation International (BGCI) et son secrétaire géné- activités d’éducation et le travail avec les organisations ral de l’époque, Peter Wyse-Jackson, ont été les chevilles étroitement liées à la conservation in situ ont été privilégiés. ouvrières de la mise sur pied de la Stratégie mondiale pour la conservation des plantes (GSPC). Plusieurs congrès in- En tant que président du conseil d’administration, ternationaux y ont été consacrés et ont abouti à l’ajuste- je tiens à exprimer les sentiments favorables du conseil ment des résultats attendus et à la définition de 16 objec- quant aux activités du Jardin, et à formuler l’espoir que les tifs. Ceux-ci ont été transposés en 2002 dans la législation grandes évolutions à venir rendront notre Jardin encore belge et dans celle de tous les États signataires de la CBD. plus à même de relever les défis pour la planète, aujourd’hui De nombreuses organisations internationales y ont pris des comme demain. responsabilités, notamment l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), l’Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI), le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), l’Organi- Jan Rammeloo sation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation Président du conseil d’administration (FAO), le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’Organi- sation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et le BGCI. Ces organisations jouent le rôle de « chef de file » pour un ou plusieurs des objectifs adoptés. L’objectif 8 : « inclusion d’au moins 60 % des espèces vé- gétales menacées dans des collections ex situ, de préférence dans le pays d’origine, au moins 10 % d’entre elles restant disponibles pour des programmes de régénération et de
Introduction Le tourisme de jardins est en croissance et attire chaque les institutions flamandes, belges et internationales. L’ex- année 250 millions de visiteurs dans les jardins botaniques pertise de nos scientifiques est toujours plus reconnue, par et arboretums du monde entier. Le Jardin botanique Meise conséquent nous effectuons davantage de consultances. s’inscrit dans cette tendance : le nombre de visiteurs « uniques » a été multiplié par deux au cours de la dernière Le « Plan directeur 2015-2026 » contient les grandes décennie et le Jardin est devenu une attraction touristique lignes stratégiques des investissements dans notre Jardin. significative en Belgique. En 2016, un nouveau record a été Parmi ceux-ci, on peut épingler les nouveaux centres d’ac- battu avec près de 132 000 visiteurs. Nous estimons que ce cueil aux deux entrées et un nouveau complexe de serres. succès est le résultat des nombreux événements organisés, À côté des nouvelles constructions, il y a des équipements entre autres les activités célébrant les différentes saisons. vieillissants (plus de 60 ans) qui arrivent en fin de service. Il Si on le compare aux autres jardins européens, ce nombre faudra encore plusieurs années pour que toute l’infrastruc- reste cependant assez faible. C’est pourquoi l’ambitieux ture du Jardin soit parfaitement adaptée. En 2016, les pre- business plan « Jardin botanique Meise 2.0 » a vu le jour en mières rénovations d’importance ont concerné une partie 2016, avec pour objectif de doubler le nombre de visiteurs du réseau d’égouttage et l’électricité. pour atteindre 250 000 en 2024. Ce projet sera soutenu au cours des prochaines années par un subside de 2,9 mil- C’est à toute son équipe que le Jardin botanique Meise lions d’euros de l’Agence flamande en charge du tourisme doit son succès en 2016. C’est pourquoi je tiens à remercier (Toerisme Vlaanderen). L’obtention de ce subside marque tout le personnel, les guides, les bénévoles et les membres un tournant pour notre Jardin. du conseil scientifique et du conseil d’administration pour leur enthousiasme, leurs idées et leur engagement de tous Au succès de notre Jardin sur le plan touristique en 2016 les instants. s’ajoute l’imposant travail de nos scientifiques. Ensemble, ils ont décrit 68 nouvelles espèces, parmi lesquelles de mi- Je ne doute pas qu’en tant que lecteur de ce rapport, nuscules diatomées des îles antarctiques, des champignons vous apprécierez nos multiples réalisations de 2016 et j’es- comestibles du Katanga et des espèces d’arbres en danger père vous accueillir prochainement dans notre Jardin, que au Gabon. De plus, le nombre de contributions scientifiques ce soit en tant que chercheur, visiteur, ou participant à une a continué à croître et le Jardin a été bien présent, tant en activité « MICE » (Meetings, Incentives, Conferencing and Belgique qu’à l’étranger, au travers de sa participation à des Exhibitions). symposiums, des conférences et des expéditions. Le 31 mai est à marquer d’une pierre blanche : en pré- sence du ministre Philippe Muyters, le premier spécimen Steven Dessein d’herbier a été numérisé dans le cadre du projet « Digitale Administrateur général Ontsluiting Erfgoedcollecties ». À la fin de l’année, près de 700 000 images avaient été réalisées ; elles seront bien- tôt accessibles sur notre nouveau site Web. Dans le même temps, nos jardiniers opéraient les préparations nécessaires en vue des plantations en 2017 dans les serres rénovées du Palais des Plantes. L’importance de notre mission d’éducation, de notre re- cherche et de nos collections se reflète aussi dans le nombre de projets auxquels nous avons pris part en 2016. En plus du subside déjà mentionné pour le business plan touristique, nous avons obtenu dix projets externes, collaborations avec
Découvrir et inventorier la biodiversité À l’heure actuelle, le nombre total d’espèces sur notre planète demeure inconnu. Beaucoup de ces espèces restent à découvrir, en particulier dans les régions tro- picales et au sein de groupes comme les champignons et les algues. Cela constitue une lacune scientifique impor- tante vu que les espèces sont les constituants de base des écosystèmes et que leur connaissance est essentielle à la compréhension du fonctionnement de notre planète. Découvrir, décrire, nommer et classer les espèces est au cœur de notre recherche scientifique. Nos taxono- mistes combinent des méthodes classiques, comme la morphologie, l’histologie et l’anatomie avec des tech- niques modernes, notamment la microscopie électro- nique à balayage, l’imagerie numérique et le barcoding de l’ADN. Le résultat vise à ordonner, d’une manière ac- ceptée à l’échelle mondiale, stable et scientifique, toutes les formes de vie dans un système qui reflète leur ori- gine et leur évolution. Les données taxonomiques et les outils d’identification, comme les Flores, développés par nos spécialistes sont d’une importance cruciale dans de nombreux autres domaines de recherche et pour des ac- tivités à but commercial.
Nouveautés pour la science La diversité des plantes, des algues et des champignons est pro- Ochrolechia kerguelensis Ertz & Kukwa, une nouvelle digieuse. Alors que la flore de certains pays est bien connue, beau- coup de régions regorgent d’espèces qui doivent encore être décou- vertes par les scientifiques. Décrire et nommer de nouvelles espèces constitue une des activités principales des taxonomistes du Jardin botanique Meise. espèce de lichen subantarctique. Les chercheurs de notre Jardin sont spécialistes des flores de cer- taines parties d’Europe, d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et des îles antarctiques, entre autres. Dans ces régions, ils mènent des études approfondies à la recherche de nouveautés taxonomiques. En 2016, le personnel de notre Jardin a publié un total de 68 espèces nouvelles Photo Damien Ertz. pour la science. Cinq nouvelles espèces d’Afrique centrale ont été décrites dans le genre africain Englerophytum (Sapotaceae). Parmi celles-ci, Englero- phytum gigantifolium O. Lachenaud & L. Gaut., n’est connue que d’une < localité au Gabon où son habitat est menacé par des activités minières. Une diminution de l’étendue et de la qualité de son habitat forestier ainsi que du nombre de ses sous-populations et de ses individus ma- tures est à craindre. Par conséquent, E. gigantifolium est provisoirement considérée comme en danger critique selon les critères de l’Union in- ternationale pour la conservation de la nature (IUCN). Un travail de terrain complémentaire est nécessaire pour déterminer si cette espèce est présente dans d’autres localités et confirmer si cette catégorie re- flète bien la menace qui pèserait sur elle. À l’ère des analyses d’ADN, la délimitation des genres constitue un enjeu majeur pour beaucoup de groupes de plantes et de cham- pignons. La combinaison d’évidences moléculaires et de données morphologiques détaillées permet de mieux comprendre les rela- tions d’évolution au sein des familles. Une conséquence de ce travail a conduit, par exemple au sein des Poaceae ou graminées, à trans- férer dix espèces du genre Brachiaria vers le genre Urochloa. Parmi celles-ci, Urochloa turbinata (Van der Veken) Sosef et U. wittei (Ro- byns) Sosef, nouvellement recombinées et toutes deux endémiques de la province du Katanga en République démocratique du Congo (RDC). Les études phylogénétiques menées au Jardin botanique Meise ont Englerophytum gigantifolium O. Lachenaud & L. Gaut., permis de décrire quatre nouvelles espèces de chanterelles africaines une nouvelle espèce de Sapotaceae du Gabon. (Cantharellus guineensis De Kesel & Yorou, C. mikemboensis De Kesel & Degreef, C. pseudomiomboensis De Kesel & Kasongo et C. strami- neus De Kesel). Il est remarquable que des espèces de champignons collectées par les populations locales en forêts claires ou en forêts denses et vendues sur les marchés n’avaient, jusqu’alors, jamais été décrites ni nommées scientifiquement ! En 2016, les cours d’eau d’Afrique centrale ont révélé six nouvelles Photo Olivier Lachenaud. diatomées. L’une d’elles, Eunotia leonardii J.C.Taylor & Cocquyt, a été baptisée en l’honneur de Jean Léonard, un ancien membre du per- sonnel, qui avait collecté du matériel dans les environs de Kisangani (RDC) et qui l’avait déposé dans notre herbier afin de le rendre ac- cessible pour de futures études. > La découverte de diatomées a permis l’accroissement du nombre de nouvelles espèces décrites en 2016. Ce fut spécialement le cas pour les échantillons collectés dans les lacs et les zones de suinte- ment des îles antarctiques desquels 29 diatomées ont été isolées et décrites. Les régions antarctique et subantarctique demeurent des territoires inconnus et fascinants pour nos études. En plus du cor- 7. tège de nouvelles diatomées, Ochrolechia kerguelensis Ertz & Kukwa est le premier nouveau lichen décrit des îles Kerguelen. Ce taxon est maintenant intégré à l’étude phylogénétique du genre réalisée à l’échelle mondiale par une équipe internationale dont fait partie le Jardin botanique Meise. C’est une fierté pour le Jardin de comp- ter en ses rangs des spécialistes internationaux qui contribuent à la connaissance de la vie sur Terre. Publications : 2, 10, 11, 15, 18, 19, 21, 30, 31, 32, 33, 44, 47, 51, 53, 56, 57, 58, 59, 60,61, 62, 63, 69, 74, 98
Des inventaires botaniques contribuent à la reconnaissance du parc national de la Lomami Le Jardin botanique Meise dispose d’une connaissance et d’une expertise approfondies en matière de collaboration à des projets en République démocratique du Congo (RDC). L’un d’entre eux était mené en partenariat avec la Fondation Lukuru, une organi- sation qui soutient des projets de conservation de grands singes sur le terrain. Cette collaboration visait à assurer un statut de parc national à une vaste région (8 874 km2) de forêt primaire au sein du plus grand espace forestier de la RDC, territoire resté jusqu’ici insondé par les chercheurs. C’est avec le soutien du travail consi- dérable du personnel de notre Jardin que cet objectif a été atteint en 2016, quand le Premier Ministre de la RDC, M. Augustin Ma- tata Ponyo, a officiellement institué le Parc national de la Lomami. C’est le premier parc national créé dans le pays depuis 1970 et le huitième seulement à bénéficier du plus haut niveau de protection. Nous sommes fiers d’avoir joué un rôle dans cette réalisation. Le Jardin botanique Meise a été associé au projet après que la Fondation Lukuru a reconnu l’importance de ce site, en 2007. La région est arrosée par les rivières Tsuapa, Lomami et Lualaba, qui traversent le bassin du Congo. Après une première phase consa- crée à l’installation d’un camp de base à Katopa, au recrutement de gardes et à l’étude de la diversité animale, la Fondation Lukuru a confié au Jardin botanique Meise et au Jardin botanique du Mis- souri (Saint-Louis, États-Unis) une mission d’assistance dans le cadre de l’inventaire botanique de la région. Une première expédition en 2015 a réuni trois équipes botaniques Marc Sosef et Terese Hart (programme Leader) traversant une à Katopa. Deux d’entre elles menaient des inventaires généraux des différents types de forêts et de savanes, tandis que la troisième réalisait des relevés détaillés dans des placettes forestières d’un hectare. Dix étudiants congolais faisaient partie des équipes, ainsi savane au retour du camp de base de Katopa. que quelques guides locaux qui collectaient des fleurs et des fruits dans les hauts arbres. Des étuves rudimentaires, alimentées par des feux de brous- sailles, permettent de faire sécher le matériel récolté. C’est ainsi Photo Corneille Ewango. que les 500 premiers spécimens végétaux à être répertoriés dans la région ont été séchés et transportés à Meise et à Saint-Louis pour y être identifiés par des spécialistes. Ces échantillons contenaient plusieurs espèces nouvelles pour la science. Une petite cabane a été construite au camp de base de Katopa afin d’abriter un dupli- cata des spécimens d’herbier. Ils devaient servir de référence pour la détermination du nouveau matériel que les étudiants formés > continuent à récolter dans la région. En mai 2016, nous avons tous été choqués d’apprendre que le camp de Katopa avait été attaqué par des soldats rebelles et com- plètement incendié. Fort heureusement, personne n’a été blessé. En revanche, la perte du matériel, y compris l’herbier de référence, constitue un sérieux revers pour le programme et démontre l’im- portance de la duplication du matériel d’herbier hors site. Fleurs d’une nouvelle espèce du genre Psydrax (Rubiaceae) 8. dans la forêt de Lomami. Photo Marc Sosef. <
Extraordinaire diversité au cœur de la forêt ombrophile de basse altitude, Mabounié, Gabon. Photo Ehoarn Bidault. > Un bond en avant dans la réalisation de la Flore du Gabon En Afrique centrale, le Gabon présente une biodiversité ex- ceptionnelle. Considérées comme les plus riches en espèces en Afrique, ses forêts ombrophiles de basse altitude recouvrent 80 % du territoire. Reconnaissant cette richesse, l’ancien président du Gabon, M. Omar Bongo, a créé, en 2002, 13 nouveaux parcs natio- naux couvrant 10 % de la superficie du pays. Notre connaissance de la diversité botanique du Gabon, en particulier celle de ces parcs, reste cependant limitée. On dénombre actuellement 5 500 espèces pour le pays, mais la fréquence des découvertes récentes laisse penser qu’il y en aurait plus de 7 000. Le Jardin botanique Meise coordonne l’édition d’une Flore du Gabon en plusieurs volumes. En 2016, la série a été augmentée de deux volumes intégrant quelque 350 espèces. Plus de trois quarts d’entre elles concernent les Papilionoideae, une sous-famille de lé- gumineuses. Sur les huit spécialistes à qui l’on doit cet avancement exceptionnel, deux travaillent au Jardin botanique Meise. Une Flore est un outil essentiel à la conservation et s’avère donc incontournable pour la préservation et la gestion durable de cette région, si riche sur le plan botanique. Par exemple, un gestionnaire Millettia mannii, un petit arbre parfois planté comme espèce de parc a besoin de savoir quelles espèces poussent dans le parc, lesquelles sont rares, lesquelles sont endémiques du Gabon, ou les- quelles présentent un intérêt pour la faune ou pour les humains. Il est primordial de pouvoir discerner une espèce rare d’une espèce proche plus commune et d’obtenir des renseignements sur leur éco- logie. Toutes ces informations sont disponibles dans une Flore, via les clés de détermination, les noms scientifiques corrects, les descrip- ornementale, Mabounié, Gabon. tions morphologiques mettant en exergue les critères diagnostiques, Photo Olivier Lachenaud. les noms vernaculaires, les indications de rareté, l’écologie, etc. Le traitement d’une famille représente un énorme travail et né- cessite l’intervention d’experts. La série de la Flore du Gabon a été amorcée au début des années 1960 par le Muséum national d’His- toire naturelle à Paris. En 2005, 60 % des espèces avaient été trai- < tées en 37 volumes, mais la progression se faisait plus lente. C’est alors notre institution sœur à Wageningen (département de Bio- systématique de l’université de Wageningen, Pays-Bas, actuelle- 9. ment rattaché au centre pour la biodiversité Naturalis à Leiden) qui a pris le relais. Entre 2009 et 2013, huit volumes comprenant 450 espèces ont été publiés sous son égide. En 2014, le Jardin bota- nique Meise et Naturalis ont conclu un accord pour produire cette Flore conjointement et c’est notre Jardin qui prend en charge la coordination. L’exploration botanique se poursuit au Gabon, élar- gissant notre connaissance de sa diversité végétale, et alimentant la Flore du Gabon en vue de son achèvement. Publications : 129, 132, 133, 134, 138
Les bananiers de l’île de Bougainville (Papouasie Nouvelle-Guinée) Avec une production annuelle dépassant les 140 millions de tonnes pour une valeur de près de 45 milliards de dollars, la banane est le quatrième aliment le plus cultivé sur la planète, après le maïs, le blé et le riz. Ces quantités énormes sont consommées à 85 % par les po- pulations locales en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, seule- ment 15 % de la production mondiale de bananes étant exportée vers l’Europe et les États-Unis. Rien qu’en Afrique, 90 millions de per- sonnes dépendent des bananes pour leur alimentation quotidienne. Rare Musa Fe’i cultivar found on Buka Island. Malgré leur importance économique et leur rôle majeur dans la pro- duction alimentaire, les bananiers restent largement méconnus du point de vue de la taxonomie, de l’écologie et de l’évolution. Photo Gabriel Sachter-Smith. C’est pourquoi une expédition de trois semaines a été menée dans l’une des régions où la culture des bananes aurait commencé, la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG). Une équipe de cinq scienti- fiques du National Agricultural Research Institute (Laloki, PNG), de Bioversity International (anciennement IPGRI) (Montpellier, France) et du Jardin botanique Meise ont prospecté l’île isolée de Bougainville, située à environ 800 km au large de l’île principale de < Nouvelle-Guinée. Le but de cette expédition était de découvrir de nouveaux cultivars de bananiers comestibles, ainsi que d’étudier les différentes populations de bananiers sauvages qui poussent sur l’île. En tout, 24 populations de deux bananiers sauvages (Musa bukensis et Musa maclayi subsp. maclayi) ont fait l’objet de prélèvements, de 4x4 with collected banana suckers on top of the roof. même qu’une cinquantaine de nouveaux cultivars comestibles, in- connus ailleurs et utiles pour le développement des cultures. Des surgeons de ces nouveaux cultivars ont été transportés sur l’île principale de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où ils sont actuellement cultivés dans la station bananière de Laloki. Chaque prélèvement était accompagné de descriptions détaillées de son habitat, de sa Photo Gabriel Sachter-Smith. morphologie générale et des espèces animales et végétales asso- ciées. La prochaine étape consistera à examiner les populations sauvages de Musa bukensis et de Musa maclayi subsp. maclayi, et les cultivars nouvellement récoltés, à la lumière de méthodes molécu- laires. Cela afin de déterminer la vitesse de reproduction des bana- niers à l’état sauvage et le nombre d’origines différentes de bananes comestibles. > Dynamique évolutive et biogéographie des Musaceae L’Asie du Sud-Est tropicale est l’une des régions les plus riches en espèces au monde. Cette richesse résulte de l’histoire géologique et climatique de la région, qui a abouti à des différences notables entre la péninsule indo-birmane (Birmanie, Thaïlande, Laos, sud-est de la Chine, Vietnam et Cambodge) et l’archipel malais (Indonésie, Malaisie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines). Outre la pré- sence de nombreuses familles de plantes en Asie du Sud-Est tropi- cale, cette région héberge aussi la plupart des espèces de la famille des bananiers, les Musaceae. Une étude récente de l’évolution des bananiers a montré un lien entre l’origine et la diversification des Dispersal pathway of the genus Musa in Southeast Asia Musaceae, d’une part, et l’histoire géologique du sous-continent de l’Asie du Sud-Est, d’autre part. Dans cette étude, nous avons utilisé 10 . des techniques moléculaires pour reconstituer l’arbre généalogique des bananiers. Des datations de l’histoire des Musaceae ont été ob- tenues grâce aux fossiles connus ; un modèle évolutif a été déduit de la reconstruction d’aires ancestrales et d’analyses de vitesse de diversification. Nos résultats montrent que les principaux groupes de bananiers trouvent tous leur origine dans le nord de la péninsule the last 30 million years. Photo Steven Janssens. indo-birmane, au début de l’Éocène (il y a 56 millions d’années), à une époque où la plupart des îles présentes actuellement dans le Sud-Est asiatique, comme Java et Bornéo, n’existaient pas. Il a fallu que ces îles émergent, des millions d’années plus tard, pour que les espèces de bananiers puissent coloniser ces nouveaux territoires au climat favorable. <
Le Guide des plantes sauvages du Benelux, une nouvelle Flore richement illustrée Quelle est donc cette plante ? Les amoureux et autres curieux de la nature y perdent souvent leur latin… Jusqu’à présent, concernant les plantes sauvages du Benelux, il n’existait qu’une flore scienti- fique plutôt destinée aux professionnels, aux amateurs éclairés et aux étudiants en botanique. Avec le présent guide de terrain édité par le Jardin botanique Meise à destination du grand public, toute personne pourra désormais reconnaître très facilement la plupart des plantes sauvages de nos régions. Ce guide de terrain unique en son genre reprend plus de 1 300 es- pèces de plantes sauvages que l’on peut observer en Belgique, aux Pays-Bas et au Grand-Duché de Luxembourg, mais aussi dans les régions frontalières du nord de la France. Seuls les graminées, les laîches et les joncs ne sont pas repris. La flore suit les avancées ré- centes concernant la classification des plantes à fleurs et la délimi- tation des espèces. Cette base scientifique rigoureuse est complétée par plus de 5 000 photos d'une qualité et d’une netteté exception- nelles. Celles-ci illustrent aussi bien le port de la plante que les dé- tails floraux, dont certains sont photographiés pour la première fois de très près en focus stacking, à partir de matériel frais. Les clés de détermination simples à utiliser, les descriptions claires et concises, les photos en couleurs et les cartes de distribution permettent une identification aisée des différentes espèces. Cet ouvrage est né de la rencontre fructueuse entre Ruud van der Meijden et Fabienne Van Rossum, deux botanistes qui partageaient une même passion : l’étude de la flore de nos régions. Leur travail de vulgarisation scientifique est illustré par un photographe talen- tueux, Maarten Strack van Schijndel. Cette publication est aussi un bel exemple de coopération botanique étroite à l’échelon européen – pas seulement par ses auteurs de pays différents, mais également par la compilation des données de distribution et la mise à disposi- tion de photos rendues possible grâce à la collaboration de spécia- listes d’instituts et de sociétés renommés de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg et de France. Ce guide de terrain, qui existe aussi en néerlandais et en anglais, À la recherche de la plante perdue… est le compagnon idéal tant pour les botanistes, débutants ou pro- fessionnels, que les amateurs de balades à la découverte des sur- prises que réserve la flore de nos régions. Photo Francine Bailly. Publications: 139, 140, 141 < 11 . photographier des plantes sur le terrain. Maarten Strack van Schijndel en train de Photo Fabienne Van Rossum. >
Vers une flore du Katanga Le Haut-Katanga, dans le sud de la République démocratique du Congo (RDC), possède une flore très riche et phytogéographi- quement diversifiée. La végétation forestière naturelle comprend la forêt claire (encore appelée miombo), dominée par des espèces à distribution zambézienne, la forêt dense sèche (muhulu) et les ga- leries forestières (mushitu), ces deux dernières avec une contribu- tion importante d’espèces à distribution guinéo-congolaise. Le Katanga subit une déforestation rapide, due principalement aux activités minières et à la production de charbon de bois, qui met en péril le point chaud de biodiversité que représente le Ka- tanga. La connaissance de la flore du Katanga reste très insuffi- sante. Le dernier catalogue complet, datant de 1921, est totalement obsolète. Cette lacune de connaissance handicape sérieusement la mise au point d’une politique de conservation. En collaboration avec l’université libre de Bruxelles et l’asbl congolaise « Biodiversité au Katanga-BAK », le Jardin botanique Meise vient de publier un ouvrage illustré consacré aux arbres et arbustes du Haut-Katanga. Durant la préparation de l’ouvrage, une check-list a été mise à jour. Elle comprend à présent environ 700 espèces d’arbres et arbustes (lianes exclues). Les quelques chiffres qui suivent illustrent l’état encore très lacunaire de la connaissance de la flore de cette région : • 29 taxons de la liste sont nouveaux pour le Haut-Katan- ga, dont 11 sont nouveaux pour l’ensemble de la RDC ; Cover of the book Arbres et arbustes du Haut-Katanga. • 22 taxons n’étaient pas signalés dans les volumes publiés de la Flore d’Afrique centrale ; 39 taxons précédemment signalés demandent confirmation ; • 33 taxons avaient été signalés par erreur. Vingt taxons sont strictement endémiques du Haut-Katanga, mais la plupart demandent une réévaluation de leur valeur tax- onomique. Au cours de la préparation du livre, 500 arbres ont été marqués in situ et géoréférencés. Ils ont été suivis pendant trois ans afin d’en obtenir des photographies illustrant tous les stades phénologiques. Environ 800 spécimens d’herbier ont été dépo- sés dans l’herbier du Jardin botanique Meise (BR). < Pour la première fois, le livre présente un aperçu général de la flore ligneuse du Haut-Katanga, comprenant des clés de détermi- nation pour 700 espèces et des descriptions illustrées pour 214 es- pèces. Contribuer au développement d’une expertise locale en taxono- mie végétale à l’université de Lubumbashi est une priorité pour les prochaines années. Meerts, P. & Hasson, M. (2016). Arbres et arbustes du Haut- Katanga. Jardin botanique Meise. 386 p. ISBN: 978-9082451191 12 . Exerpt from the new flora. Foto Sven Bellanger. <
Comprendre les écosystèmes Dans un monde souffrant de plus en plus de la pression environnementale, les plantes, les écosystèmes et les services qu’ils fournissent doivent être préservés pour garantir la bonne santé de notre planète. Les plantes réduisent notamment l’impact des gaz à effet de serre, jouent un rôle important dans le cycle de l’eau et contri- buent à combattre la désertification. Les travaux de nos chercheurs nous aident à comprendre le fonctionnement des écosystèmes, et la manière dont ils peuvent être décrits et surveillés. Ils s’intéressent éga- lement aux plantes invasives qui influencent les espèces indigènes. Partout dans le monde, en Afrique comme en Belgique, l’humanité dépend de la bonne santé des éco- systèmes. 13 .
Exploration et conservation de la diversité de Coffea canephora dans le bassin du Congo Avec environ 16 % de la production mondiale de café, le caféier robusta (Coffea canephora) représente la deuxième espèce de café par ordre d’importance commerciale. Bien que le robusta ait un arôme plus amer que l’arabica, il grignote des parts de marché au Pépinière de caféiers robusta à l’INERA,Yangambi. détriment de ce dernier, affecté par le changement climatique et par des maladies. C. canephora est originaire des forêts tropicales du centre et de l’est de l’Afrique : il y pousse typiquement en petites populations isolées au sein des forêts ombrophiles primaires. À cause des men- Photo Filip Vandelook. aces pesant sur l’intégrité de leur habitat, une stratégie globale de conservation s’impose pour préserver la diversité génétique des populations sauvages. La région de Yangambi et de Kisangani en République démocra- tique du Congo (RDC) présente un intérêt particulier, car des pop- < ulations de C. canephora y poussent encore à l’état sauvage dans les forêts. C’est dans cette région qu’a eu lieu la première mise en cul- ture réussie du café robusta (Lula, début du 20e siècle). Yangambi héberge aussi une station de recherche en agriculture tropicale (INERA, auparavant INEAC). L’INERA a acquis une importance pour le café dans les années 1930, quand une vaste collection de robusta y a été rassemblée. Sa culture est devenue si populaire que maintenant encore, presque chaque village possède des plants de café robusta dans les potagers, où les villageois récoltent les fèves et utilisent les plantes à des fins médicinales. On ne connaît pas la diversité génétique de C. canephora, que ce soit à l’état sauvage (in situ) ou en culture (ex situ). Pour com- bler cette lacune, le Jardin botanique Meise a organisé une expédi- Caféier robusta (à droite) et bananier plantain tion à Yangambi, en collaboration avec des étudiants et des guides locaux. Le travail était orienté vers la cartographie des plantes et des populations, de manière à pouvoir y prélever du matériel. poussant dans un potager à Yangambi. L’évaluation de l’état du programme de recherche sur le café de l’INERA à Yangambi faisait partie de la visite. Au cours de plus- ieurs sorties sur le terrain, des échantillons de feuilles de dix in- Photo Filip Vandelook. dividus sauvages de C. canephora ont été récoltés. Ces feuilles, ainsi que celles des principaux arbres de la collection de caféiers de l’INERA, seront analysées en vue de déterminer la diversité génétique et les flux de gènes entre les populations sauvages et cultivées dans la région de Yangambi. Des fruits et des boutures de caféiers sauvages, prélevés lors des visites de terrain, ont été > intégrés dans la collection de café de l’INERA aux fins de con- servation ex situ et pour enrichir les ressources génétiques de la collection. Jadis beaucoup plus riche, la collection de lignées gé- nétiques de café robusta à l’INERA ne compte plus actuellement Coffea canephora se développant en sous-bois de la forêt que six lignées élite. Hormis quelques lignées peu utilisées de Lula, pluviale, dans la réserve de biosphère de Yangambi. de l’Équateur (Libenge) et du Bas-Congo (Petit Kwilu), ces lignées 14 . élite sont les seules plantes servant actuellement à la multiplication et à la culture. La station de recherche de Yangambi a été victime d’un grave déficit d’investissements au cours des dernières décen- nies. Cependant, des projets sont en cours pour rétablir son im- portance en tant que ressource ex situ pour la diversité génétique des caféiers provenant de toute la RDC. Photo Filip Vandelook. >
Modifications de la flore des lichens et des polypores en Belgique Les relevés de biodiversité réalisés dans une région fournissent des données de référence pour suivre les modifications dans la composition et le nombre d'espèces de cette région. En 2016, les lichens épiphytes (croissant sur les arbres) et les polypores (cham- pignons) de 10 réserves forestières de la Région wallonne ont été réétudiés. Ces réserves sont situées dans trois districts phyto- géographiques différents (ardennais, mosan et lorrain). Deux pla- cettes permanentes de 2 500 m2 ont été délimitées dans chacune d’elles. Un inventaire identique avait déjà été réalisé en 2011 dans ces mêmes placettes (voir Fraiture et al. 2012). L’inventaire de 2016 montre une modification de la flore de lichens épiphytes. La richesse en espèces a diminué depuis 2011 dans les trois districts phytogéographiques concernés. Ce sont les espèces continentales, préférant un environnement froid et des écorces plus acides et pauvres en nutriments qui montrent le recul le plus marqué. Les territoires où ces espèces étaient prédo- minantes, en particulier le district ardennais, sont ceux où elles sont aujourd’hui considérées comme menacées. Les espèces dé- couvertes en 2016 comme nouvelles pour les placettes, sont des Photo Micheline Wegh. lichens qui préfèrent des conditions plus chaudes et des écorces moins acides et plus riches en nutriments. Cette modification de Sur le terrain. la flore lichénique a été observée assez largement en Belgique au cours de la dernière décennie, aussi bien dans les zones urbaines (Région de Bruxelles-Capitale) que dans les régions rurales du > Brabant flamand et du Limbourg (Van den Broeck et al. 2006, 2007, 2012). Étant donné que la plupart des lichens acidophiles en déclin ont une préférence manifeste pour des conditions froides et que les valeurs du pH et de la température sont fortement corrélées (r=0,90, p
La biodiversité terrestre et d’eau douce des îles Amsterdam et Saint-Paul Ces dernières années, la biodiversité des îles subantarctiques françaises a été étudiée intensément, notamment les invertébrés terrestres, les angiospermes, les diatomées et, plus récemment, confinée aux tunnels de lave de l’île Amsterdam. les mousses, les fougères et les lichens. Cependant, les deux îles Orthoseira verleyenii, une diatomée endémique les plus septentrionales dans cette région, les îles Amsterdam et Saint-Paul, n’ont pas fait l’objet d’études détaillées de la biodiver- sité terrestre et d’eau douce. Une première mission de récoltes en 2007 a mis en évidence une Photo Bart Van de Vijver. richesse spécifique jusqu’alors pratiquement inconnue. En consé- quence, une nouvelle mission d’échantillonnage de la biodiversi- té terrestre et d’eau douce a été menée en 2016. Il s’agit cette fois d’une collaboration entre l’Institut Paul-Émile Victor (IPEV), le Jardin botanique Meise, le Muséum d’Histoire naturelle de Paris et l’université de Rennes. La mission vise à combiner les études mor- > phologiques et moléculaires. Amsterdam et Saint-Paul sont de petites et jeunes îles volca- niques situées à mi-chemin entre l’Afrique et l’Australie dans le sud de l’océan Indien. Elles font partie des îles les plus éloignées de tout territoire et leur isolement extrême a conduit à un niveau éle- vé d’endémisme parmi la flore et la faune indigènes. L’île d’Ams- terdam se caractérise par une zonation altitudinale de la végéta- tion avec un gradient passant d’un climat tempéré à basse altitude à un climat froid, subantarctique au sommet de la caldera (881 m). En raison de leur position géographique unique, de leur éloigne- ment et de leur climat, ces îles sont des éléments clés pour aborder les questions de biogéographie, de dispersion à longue distance et de colonisation à grande échelle dans l’hémisphère sud. Au cours du travail sur le terrain, tous les habitats typiques des Caloplaca amsterdamensis, un lichen endémique îles Amsterdam et Saint-Paul ont été explorés, comme la forêt à Phylica arborea, les tourbières de la caldera et les affleurements rocheux volcaniques. La distribution et l’écologie de plusieurs es- pèces endémiques décrites par notre équipe ont été étudiées en des îles Amsterdam et Saint-Paul. détail. Il s’agit notamment du lichen Caloplaca amsterdamensis, de la fougère Megalastrum taafense et de la diatomée Orthoseira verleyenii. Une attention particulière a été portée à la flore et la faune uniques Photo Damien Ertz. des tunnels de lave qui caractérisent l’île. Cette évaluation de la biodiversité est primordiale pour améliorer les efforts actuels de restauration des îles dans leur état d’origine et pour créer un point de référence valide pour évaluer les impacts futurs du changement global. Les résultats conduiront également à la publication d’un < guide de terrain illustrant la faune et la flore de ces deux îles. 16 . Vue de la caldera de l’île Amsterdam montrant ses Photo Bart Van de Vijver. cratères et ses lacs. >
Préserver le monde végétal On estime que près d’un tiers des espèces végétales sont actuellement menacées ou promises à une extinction à l’état sauvage, principalement en raison de la frag- mentation et de la destruction des habitats combinées au changement climatique. Chaque plante joue un rôle crucial dans le fonctionnement d’un écosystème. Cer- taines peuvent receler des trésors inconnus, comme des molécules présentant des propriétés médicinales. La préservation des espèces végétales est, par conséquent, essentielle. Notre recherche contribue au développement d’outils de gestion dans le cadre de la conservation in situ de zones naturelles précieuses tant au niveau national qu’au niveau international. La conservation hors site, ou ex situ, est tout aussi importante. Nous collectons des végétaux à l’état sauvage pour en assurer la préservation et la pro- pagation dans nos collections vivantes, ainsi que dans des jardins botaniques partenaires. Notre banque de semences conserve les graines de nombreuses espèces 17 . rares et menacées, ce qui permet de préserver une di- versité génétique qui est essentielle. Le fait de combiner notre expertise et nos collections nous permet d’aider actuellement nos partenaires à réintroduire des espèces dans leurs habitats naturels et de garantir qu’ils puissent continuer à le faire dans le futur.
La banque de graines s’enrichit de 6 taxons belges caractéristiques des sols enrichis en métaux lourds En Europe, les sols enrichis en métaux lourds sont assez rares et forment des sanctuaires résiduels pour les communautés de métallophytes. Le nombre de métallophytes présents en Europe espèce à distribution très restreinte ont été récemment récoltées (10 000 graines plomb de l'est de la Belgique et d'Allemagne occidentale. Cinq accessions de cette Viola calaminaria est une endémique des affleurements de zinc, de cadmium et de occidentale est extrêmement faible. Parmi les plantes vasculaires, chacune) par le personnel de la banque de graines du Jardin botanique Meise. seuls 7 taxons sont présents en Belgique où il y a eu jusqu'à présent peu d'efforts pour conserver les ressources génétiques des métal- lophytes. Ces 7 espèces sont également les seules à caractériser un habitat reconnu comme précieux par la Commission européenne, à savoir les « pelouses calaminaires ». L'état de conservation de cet habitat en Europe est généralement défavorable. En Belgique, la superficie totale de ces pelouses ne dépasse pas 70 ha. Le Jardin botanique Meise a récemment mis en banque de graines Photo Maarten Strack van Schijndel. plusieurs populations de 6 des 7 métallophytes. Jusqu'à 5 acces- sions par espèce (contenant plusieurs milliers de graines) ont été récoltées afin de maximiser l'échantillonnage de leur diversité génétique. Pour Cochlearia pyrenaica cependant, il ne subsiste plus qu’une seule population en Belgique. Le nombre d'accessions de ces métallophytes dans les jardins botaniques dans le monde est étonnamment faible, confirmant que la campagne de récolte me- née par le Jardin botanique Meise est opportune et pertinente. Les 19 populations nouvellement récoltées contribueront ainsi à < la conservation ex situ globale de ces taxons menacés (qui com- prennent actuellement seulement 35 accessions connues dans le monde). La stérilisation des graines par la cha- leur sèche testée avec succès sur des espèces sauvages Les agents pathogènes transportés par les graines sont un souci quotidien pour les gestionnaires de collections ex situ, qui tentent de résoudre ce problème en utilisant divers produits chimiques plus ou moins nocifs pour le personnel et le matériel végétal stocké. La méthode physique la plus courante pour la stérilisation des graines est le traitement thermique, habituellement associé à l'humidité (eau chaude, vapeur chaude). La méthode est basée sur l'hypothèse que les pathogènes ont une tolérance plus faible aux températures élevées que les graines. Le comportement des graines à la chaleur sèche est mal connu. À quelques exceptions près, les traitements thermiques à sec ont surtout été testés sur des plantes alimentaires. Le Jardin botanique Meise a entrepris une étude visant à fournir de nouvelles données sur l'efficacité de la chaleur sèche comme La gestionnaire assistante Ann Van de Vyver contrôlant la technique de stérilisation des graines. Pour ce faire, l'équipe de la germination des graines au Jardin botanique Meise. banque de graines a effectué des tests de germination sur 13 200 se- mences provenant de 66 espèces sauvages des régions tempérées appartenant à 22 familles différentes. Les résultats ont montré que les graines sèches exposées à 60 °C pendant une heure étaient, pour 14 % des espèces, moins infectées par des agents pathogènes com- Photo Sandrine Godefroid. parativement aux échantillons non traités, alors qu'aucun change- ment n'a été enregistré pour les taxons restants. À notre connais- 18 . sance, il s'agit de la première tentative de test de cette technique sur un large éventail d'espèces sauvages des régions tempérées. Le fait que les résultats soient cohérents (réduction de l'infection ou, au pire, absence d'effet) est un résultat encourageant par rapport aux méthodes chimiques qui donnent trop souvent des résultats contra- > dictoires. De plus, pour les 66 espèces étudiées, aucune diminution du pourcentage de germination n'a été détectée après le traitement thermique à sec. Compte tenu de son effet positif sur le contrôle des infections sans affecter la viabilité des semences, le traitement thermique à sec comme proposé ici ouvre des possibilités aux ges- tionnaires de banques de graines, mais aussi potentiellement pour la désinfection des collections d'herbier.
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