Jonas Moënne - Jonas Moënne
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Jonas Moënne Rue de spa 15 1000 Bruxelles Belgique 0032 476 69 19 03 jonas.moenne@yahoo.com https://moenne.com Diplômes: 2018 Master Arts visuels, option céramique, ENSAV La Cambre, Bruxelles, Belgique 2015 DNAP ENSA Villa Arson, Nice, France Expositions collectives: 2019 Puls gallerie, Bruxelles, Belgique 2019 Galerie MiniMasterpiece, Paris, France 2018 Sédimentation, Espace Grande Surface, Bruxelles, Belgique 2018 Avis de passage, Espace Lavallée, Bruxelles, Belgique 2018 Overpr!nt ag!tate/act!vate, Centre de la gravure et de l’image imprimée, La Louvière, Belgique 2017 Artagon III, présidé par Hans Ulricht Olbricht, Paris, France 2017 Biennale Internationale de Céramique de Carouge, Genève, Suisse 2015 Incertain genre, Centre Keramis, La Louvière, Belgique 2015 16 nuance de grès, Galerie Ygrec, Paris, France
Mon travail est empreint d’histoires et de folklores. Il prend sa source dans les traditions de ma vallée, au nord des Alpes, ayant la particularité d’être horlogère et agricole. Dans cet espace, les traditions savoyardes, maghrébines et paysannes cohabitent. Elles m’ont défini et je vois cet état d’identité comme étant à l’origine de ma démarche plastique. L’utilisation que je fais du médium céramique est à chaque fois un prétexte pour questionner le statut de la terre. Les sculptures qui en découlent sont un support pour mes histoires, et mes histoires un support pour mes pièces. Ma pratique s’inscrit dans la déviation du temps, dans la construction de strates qui n’existaient pas avant mon intervention. Mon paysage folklorique est traversé par différentes influences culturelles nourrissant mes recherches. Le monde rural est pour moi une matrice de fictions me procurant un réservoir d’idées plastiques que je qualifie volontiers “ d’inépuisable ”.
La semeuse, début du XXIe siècle, contrefrappe sur pièce de cinquante centimes d’euro, croix/ étoile/croissant, auteur inconnu
Cette pièce, découverte de manière anodine, révèle une contre frappe questionnant la relation entre Etat et Religion. Sertir la pièce avec de l’or, c’est mettre en lumière ce geste fort, sans auteur connu. Mon geste est un acte double. Une manière d’incorporer un dispositif à cette histoire, sans m’accaparer le premier geste. Une façon radicale de la sortir du système monétaire et faire basculer son statut en la plaçant dans un registre que l’on réserve aux pièces d’exception.
Mon vert est dans l’âtre - 2018 | 50 kg, 60x29x25 cm, deux cent bouteilles de verre cassées, assemblages et cuissons à 1100°C, roues de caddies
Comment apprendre à sa grand- mère savoyarde, la recette des baklawas savoyardes - 2015 | Vidéo 7 min 01
La société savoyarde a perdu sa langue, a changé de nationalité, mais a transmis ses codes alimentaires. Nous sommes tous les deux avec ma grand-mère, dans notre ferme. Produits de Savoie, farine, huile de noix, poudre de noisettes, noix concassées. Comme une sorte de transmission inversée, j’apprends à Christiane la recette des baklawas savoyardes, espèce de pont entre deux sociétés, savoyarde et magrhébine, qui cohabitent dans les Alpes et qui cherchent à se réintégrer dans le contexte de la France. Les baklawas savoyardes sont une espèce d’ode au mélange, une fusion de deux traditions qui s’apprivoisent pour créer une forme autonome. Dans la vidéo on entend les chants savoyards transmis à ma génération. Ils répondent au désir de tisser à l’envers l’apprentissage d’une nouvelle tradition, comme pour intégrer les codes et les problématiques de cette société dans mon propre trajet plastique.
2015-2018 | Le raccard des saintes glaces, installation, 20 pièces de céramique, émaux expérimentaux
Toutes les pièces sont issues du moulage de gourdes cabossées de montagne. Les cuissons multiples poussent la matière vers ses limites de fusion. Cristal, poudre de lave, fer, verre, pierre, couvrent de plusieurs couches toutes les céramiques. Chaque cuisson altère un peu plus le tirage. Ma main à tâtons expérimente l’effet d’une nouvelle épaiseur de matière, avant de laisser le four faire le reste du travail. Le deuxième geste, radical, c’est de faire disparaître le col de la pièce. Le goulot, devenu une simple calle d’enfournement pour protéger le four des coulures d’émaux, perd son sens après cuisson. Je le disque. La pierre sort du monde des objets et devient autonome. Le raccard, c’est l’archétype de la cabane protectrice, une petite pièce, que l’on retrouve, derrière les habitations en bois. Quand le feu dévaste, c’est le dernier abri, pour déposer ce qu’on a de plus précieux.
Alpag - 2018 | Bol en faïence ébréché, résine de sapin
Le dernier voyage du fayard - 2017/2018 | Installation, 11 biscuits de porcelaine, câble, 6 mètres
Dans les vallées des Alpes du nord les fayards sont les piliers antiques de la survie des hommes. Chacun d’entre eux suivant l’inclinaison des vallons est plus ou moins présent et sert indifféremment au chauffage, à la charpente et au mobilier. Aujourd’hui ils m’ont appelé pour faire un dernier voyage vers le Panthéon des anciens, où il vont bientôt partir, dans ce monde d’histoires où les vieilles parlent d’un passé qu’on ne saisit plus vraiment. Ce voyage onirique voguera comme les Kraak jusqu’en Chine, là où avec leurs bateaux, les hollandais du xve siècle venaient dès le Printemps chercher la production de porcelaine pour l’Europe. Ils ramenaient aux chinois des objets à forte valeur symbolique ou religieuse, taillés dans le bois. L’année suivante, des répliques en porcelaine repartaient dans le chemin inverse, pour la postérité. On attend le retour de ces bûches de porcelaine, prêtes à revenir, dans les conteneurs du port d’Anvers, pour leur dernier voyage.
Les filles de Tara - 2017/2018 | 1 CM X 0,5 CM Collecte de jarres d’Eumeninae, puis cuisson et émaillage 980 °C
Saint Laurent, hiver 17. Dans les recoins du chalet, on trouve de minuscules pots en argile pas plus grands qu’une myrtille. Ce sont de minuscules insectes qui ont construit l’enveloppe protectrice pour la gestation de leur progéniture, au Printemps dernier. Une fois sortie du pot, elle s’enterre jusqu’à la nouvelle saison, et retourne inlassablement à la recherche d’argile. L’action de cuire ces jarres, c’est la fixation temporelle de ces pièces, leur inscription dans une recherche plastique, dans la conservation d’une collection. Les Eumeninae ou guêpes maçonnes, sont là, et depuis deux-cent cinquante millions d’années en fait. Elles montent leurs pots en colombins, et les chamottes avec du sable, avec la même gestuelle que les Hommes ont développés dans leurs céramiques. Elle produisent ces sculptures en méso-Amérique, Chine, Inde, Mésopotamie, Afrique subsaharienne, bassin méditerranéen. Nos civilisations ont peut-être tiré leurs premières formes d’art aux Eumeninae. En tout cas, dans chaque zone où l’homme est sorti de terre, elles l’ont fait avant nous. Tara, c’est le mot en patois Alpin pour tout les types de pots. C’est aussi le nom d’un ancien Dieu mineur du panthéon grec, se déplaçant à dos de dauphin, de villes en villes, pour transmettre aux Hommes les connaissances de la nature et de l’artisanat. En un sens, Tara est un pont, qui lie le divin, l’animal et le monde des Hommes.
Pots de terre et fer - 2018 | 20x10 cm Pot en porcelaine et chamotte de fer, serpentine, 1280 C°
La mort des huit chevaux du bonheur - 2018 | Assemblage porcelaine, grès et cristal, dix cuisson à 1250 °C et cale de tapis
Ces chevaux bleus, c’est le bibelot chinois par exellence. Derrière cette image, trois mille ans de contacts, de rêves et de croyances entre Chine et occident, un dialogue brisé, que je recolle avec du verre. Je casse et recompose, sculpte, recuis, jusqu’à ce que les fragments deviennent une pièce autonome. Le socle est toujours une cale technique en carton, pour sécuriser les produits qui partent en masse de Chine pour le marché occidental. Les huit chevaux chinois furent apprivoisés par le roi des Zhous, pour atteindre le paradis de Kunlun, lieu mythique où la déesse de l’occident cachait le fruit de l’immortalité. La mort des huit chevaux du bonheur - 2018 | Assemblage porcelaine, grès et cristal, dix-huit cuisson à 1300 °C et cale de télévision
Les soirs d’été, Monique dort très mal, son estomac démange, elle a de la sueur au bout des doigts et une terrible faim qui la dévore de l’intérieur. Monique pense aux kakis de son jardin, et à son Robert. Ils se sont rencontrés dans les années septante, quand il a fertilisé son jardin pour planter un verger. Sa pépinière avait les plus grosses plantes du sud-ouest. Et dans l’import de poteries chinoises, jolies et pas chères, Robert faisait sa marge. Monique adorait ses grands vases, son pavillon en était rempli. Ils arrivaient par Marseille, dans des caisses en bois, protégés par des tas de feuilles mortes pleines de bestioles crevées. Vers la fin du siècle, quand Robert est mort, un importateur véreux a repris l’affaire. Monique prend soin quotidiennement de leur amour, et dorlote le plaqueminier. Maintenant, les cendres de Robert sont sous le kaki, comme promis. Chaque automne en dévorant ses fruits pleins de soleil, Monique s’apaise, et noie sa douleur dans les fruits de son Robert. Été 2003 La chaleur est devenue si forte que les pots de la pépinière cassent avec le choc thermique de la clim’. Les feuilles mortes grouillent de bestioles dans les caisses des poteries, ça dégoute.≠ Le pavillon de Monique, de l’autre côté de l’autoroute, ressemble à un mirage avec le gaz qui se dégage de l’asphalte. Ça fait si sec que Monique doit arroser jusqu’à épuisement pour éviter de perdre toute sa récolte. Elle fait les cent pas entre le robinet, l’étendoir et les plantes du jardin. A chaque fois, deux arrosoirs remplis de flotte. Toute cette eau qu’elle donne à son arbre, elle oublie de la mettre dans sa bouche. Morte de chaleur et de fatigue, elle a rejoint Robert sous le plaqueminier cet été-là. Elle n’a pas vu ses enfants tomber au sol, elle a été dévorée par la nuit. Et ils sont tombés, bien mûrs, cet automne-là, gorgés par le soleil, nappés de leur couleur orange vif. Ils ont nourri de nouvelles tueuses, cachées dans les feuilles mortes des poteries, qui, le coeur gavé de sucre, se sont empressées de s’enterrer dans la tiédeur du sol, hideuses et repues. Elles se sont endormies entre Monique et Robert pour l’hiver, avant de s’étendre vers d’autres arbres, pondre leurs enfants tueurs.
Les kakis de Monique - 2018 | 57x29 cm Vase chinois début XXème cassé en 10 morceau, décor éffacé par sablage, recollage à 1250°C, texte et dessin sérigraphie petit feu ( 800°C)
Montagne de jade - 2018 | 29x10 cm bol chinois sablé début XXI ème et verre de bouteille
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