Joséphine BAKER 1906-1975
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https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_423605 Joséphine BAKER 1906-1975 Par Sarah CLAVÉ, professeure agrégée d’histoire-géographie au lycée l’Empéri (Salon de Provence) Formatrice académique « C’est la France qui m’a faite. Je suis prête à lui donner aujourd’hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez. » Après Sophie Berthelot, Marie Curie, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle- Anthonioz et Simone Veil, Joséphine Baker est la sixième femme à faire son entrée au Panthéon le 30 novembre 2021. « À travers ce destin, la France distingue une personnalité exceptionnelle, née américaine, ayant choisi, au nom du combat qu’elle mena toute sa vie pour la liberté et l’émancipation, la France éternelle des Lumières universelles. Artiste de music-hall de renommée mondiale, engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste, elle fut de tous les combats qui rassemblent les citoyens de bonne volonté, en France et de par le monde. Pour toutes ces raisons, parce qu’elle est l’incarnation de l’esprit français, Joséphine Baker, disparue en 1975, mérite aujourd’hui la reconnaissance de la patrie. » Communiqué de l’Élysée du 23 août 2021. 1
WOLS, La Danseuse noire, Aquarelle sur papier, 1940. Hans Bellmer, Max Ernst, Ferdinand Springer, Wols au camp des Milles, catalogue de l’exposition, Paris, Flammarion, 2013, p. 27. Interné au camp des Milles en mai 1940, à l’âge de 27 ans, Alfred Otto Wolfgang Schulze, davantage connu sous l’acronyme Wols, violoniste, photographe, artiste prodigieux et tourmenté, livre cette aquarelle intitulée La Danseuse noire. Ce profil hirsute, velu, difforme et ricaneur vient rappeler les images du cabaret Die Katakombe créé au camp et le souvenir de Joséphine Baker, tant Wols a perçu la tuilerie des Milles comme une grille de lecture, un résumé du monde et de la société. 2
Ce souvenir, cette évasion artistique de Wols, peut être une entrée artistique stimulante pour aborder l’histoire et la mémoire de Joséphine Baker, à l’occasion de sa panthéonisation, en classe avec nos élèves dans l’académie d’Aix-Marseille. Quelques éléments de réflexion Frida Joséphine MacDonald, née le 3 juin 1906 dans le Missouri, est devenue « Joséphine Baker » par son deuxième mariage avec William Howard Baker et française par son troisième mariage avec Jean Lion en 1937. @SarahClavé, Wordart 2021 Joséphine Baker : chanteuse et danseuse, une artiste Chanteuse, danseuse, actrice et meneuse de revue, Joséphine Baker s’impose comme une star éblouissante à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Sa carrière est fulgurante. Avec la Revue Nègre au Théâtre des Champs-Élysées à partir de 1925, elle éblouit le Tout-Paris et la France par son talent et sa liberté. La notoriété de Joséphine Baker, c’est d’abord à travers son corps qu’elle la conquiert. Elle s’illustre au milieu de 25 artistes. Vêtue d’un simple pagne de fausses bananes, elle surgit dans un tableau intitulé « La danse sauvage », agitant son corps sur un rythme d’une musique totalement inconnue en Europe que l’on nomme bientôt le charleston. Joséphine Baker attire les regards grâce à son corps dénudé mais aussi grâce à son extraordinaire énergie et son sens de l’humour. L’enjeu de la panthéonisation et du travail réflexif qui peut être mené avec des élèves : Montrer la manière dont Joséphine Baker a su s’extirper de ce corps auquel elle était assignée et des clichés qui y étaient attachés pour vivre d’autres vies. 3
Joséphine Baker : une femme engagée dans la Résistance Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Joséphine Baker est au sommet de sa gloire. Revenue d'une tournée en Amérique du Sud, elle a déjà en projet une revue avec Maurice Chevalier au Casino de Paris. Pour elle, qui est devenue citoyenne française par son mariage avec Jean Lion en 1937, il n'est pas question de trahir son pays d'adoption et de se réfugier aux États-Unis. Elle est très rapidement sollicitée par un jeune officier au service des renseignements, Jacques Abtey, et accepte immédiatement. Sa première mission est de fréquenter les réceptions des ambassades et des consulats où elle est invitée afin de recueillir les renseignements les plus utiles. Mais elle offre également son temps aux réfugiés hollandais et belges qui vivent alors leur exode. L’affiche de la revue du Casino de Paris, intitulée « Paris London », cesse en mai 1940. Joséphine Baker décide alors de partir pour la Dordogne, où elle loue un château, les Milandes. Elle veut ensuite rallier Londres, tout comme Jacques Abtey, devenu « Monsieur Sanders ». Ce dernier apprend que le service de renseignements s'est réorganisé et se situe désormais à Marseille. Parvenue dans la cité phocéenne, Joséphine couvre Abtey, nommé désormais « le secrétaire artistique monsieur Hébert». En janvier 1941, elle se rend en Afrique du Nord chez des amis membres de la famille royale du Maroc, sympathisants de de Gaulle, pour briser la mainmise allemande dans cette zone. Jacques Abtey a ensuite pour ordre de se rendre à Lisbonne afin de recueillir des renseignements utiles à la France libre. C’est Joséphine qui réussit à obtenir un visa et prend la place d'Abtey. Les informations que Joséphine doit communiquer au bureau de renseignements du général de Gaulle à Londres sont dissimulées à l'encre invisible sur les partitions musicales de ses chansons. Elle en a épinglé d'autres dans son soutien-gorge. Belle, élégante et populaire, Joséphine Baker attire le public et passe tous les barrages sans peine. Pendant son voyage, elle ne rencontre aucun problème majeur lors des passages aux frontières. Mais, de retour au Maroc, elle tombe malade et son état de santé l'oblige à subir de nombreuses opérations chirurgicales et à rester à l'hôpital plus de dix-neuf mois. Très vite, des Américains, tels que les vice-consuls Canfield, Read et Bartlett, lui rendent visite, auxquels elle fournit les renseignements que Jacques Abtey lui fait parvenir. En avril 1942, Joséphine Baker est toujours hospitalisée mais la chambre de l'artiste continue d'être un centre de renseignements improvisé. En novembre 1942, c'est la bataille de Casablanca. Joséphine assiste aux combats de la fenêtre de sa chambre d'hôpital. Elle se félicite de voir Casablanca libre grâce à ses frères américains et fonde tous ses espoirs sur le général de Gaulle après sa visite dans la ville. Elle participe au théâtre des armées alliées, dirigé par le colonel Meyers, ami du général Eisenhower. C'est ainsi que Joséphine se produit à Casablanca, Oran, Mostaganem, Beyrouth, Damas, Le Caire. Mais elle ne s'en tient pas à cette tâche : elle est déterminée à mener la propagande pour le général de Gaulle lors de ses spectacles. Il est très important, pour elle, que l'influence française soit maintenue au Moyen-Orient. Jacques Abtey en réfère au chef d'état-major à Alger du général de Gaulle, le colonel Billotte, qui accepte : une tournée officielle de propagande est organisée, au bénéfice des groupes de résistance français en métropole, auxquels seraient versées intégralement les recettes, et sous le patronage de De Gaulle. La tournée Joséphine Baker est en route. Et dans chaque ville, à chaque gala, le drapeau à croix de Lorraine se déploie : Sfax, Le Caire, Tripoli en Libye, Benghazi, Tobrouk, 4
Alexandrie, Beyrouth. Puis elle traverse les villes de Jérusalem, Tel-Aviv, Haïfa. Enfin a lieu le retour vers Alger. Après ses très nombreuses missions en Afrique, Joséphine Baker est officiellement engagée pour la durée de la guerre à Alger, le 23 mai 1944, dans l'armée de l'Air. Elle devient alors sous-lieutenant, rédactrice première classe, échelon officier de propagande. Elle est affectée à l'état-major général de l'Air et précisément à la direction des formations féminines administrées par le quartier Hélène Boucher. Le 6 juillet 1944, le commandant Bortzmeyer détache le sous-lieutenant Baker à la sixième sous-section administrative, service des « liaisons secours ». Le 11 juillet, le ministre de l'Air confirme cette mutation et affecte Joséphine Baker au bataillon de l'air 117. En octobre 1944, Joséphine Baker est de retour à Paris, pour peu de temps. Elle est chargée par le général de Lattre de Tassigny de suivre la première armée française au fur et à mesure de son avancement dans les pays libérés afin de chanter et de recueillir de nouveaux fonds. Toujours aussi enflammée sitôt le nom du général de Gaulle prononcé, elle réussit à convaincre tout un orchestre de la suivre. Les galas ont d'abord lieu à Monte-Carlo, Nice, Cannes, Toulon. Le secours aux sinistrés qu'elle récolte ainsi approche les deux millions de francs. Les spectacles se poursuivent à Belfort, le jour même de l'entrée des troupes de De Lattre. Malgré la neige et le froid, Joséphine et son orchestre se produisent pour les sinistrés. À Strasbourg qui vient d'être repris, quand elle fait déployer le drapeau à croix de Lorraine, on vient annoncer qu'un commando vient de passer le Rhin pour la première fois. À Mulhouse, elle est la première artiste française à revenir sur la scène du Municipal depuis 1940. Dans le triomphe qu'elle fait, on l'associe à la France, et elle rayonne d'émotion. Sa dernière étape est Buchenwald où elle chante, assise sur un lit de typhique, dans la salle des « intransportables ». L’enjeu de la panthéonisation et du travail réflexif qui peut être mené avec des élèves : Montrer la manière dont le parcours de Joséphine Baker s’inscrit dans l’histoire de la Résistance et de la Déportation, faire le lien avec la question de l’engagement et des valeurs de la Résistance présents dans les programmes d’enseignement moral et civique du collège et du lycée. Joséphine Baker : l’antiracisme Sensibilisée par son mari Jean Lion, homme d’affaire juif, confronté à l’antisémitisme, l’artiste s’engage notamment aux côtés de la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme) en 1938, se montrant très sensible au sort des Juifs pendant toute la période de l’Occupation. Plus tard, elle participe aux meetings du MRAP (Mouvement contre le Racisme et l’Antisémitisme et pour la Paix) en relation avec l’Unesco afin de sensibiliser à la lutte contre le racisme à l’échelle internationale. Au temps des décolonisations, si l’artiste s’engage assez peu dans la lutte pour les Indépendances malgré un soutien affirmé, elle milite contre l’apartheid en Afrique du Sud et s’investit dans les mobilisations contre le racisme visant les Noirs aux États- Unis. Elle est présente aux côtés de Martin Luther King le 28 août 1963 devant le Lincoln Mémorial de Washington lorsque celui-ci prononce son discours historique « I have a dream ». Dans cette période, elle apprécie aussi le Cuba de Fidel Castro où 5
elle se rend pendant deux mois fin 1965, prenant le parti des non-alignés dans une période de tensions au cœur de la Guerre froide. Joséphine Baker et son quatrième mari Jo Bouillon avaient ce même idéal de fonder un « Village du Monde, Capitale de la Fraternité universelle » afin de montrer au monde entier que des enfants de nationalités et de religions différentes pouvaient vivre ensemble dans la paix. L’amour de Joséphine Baker pour les enfants en général était inébranlable, à tel point qu’au retour de ses tournées, elle n’hésitait pas à ramener dans son château des Milandes un enfant en manque d’amour ou dans le besoin. Tous ses enfants sont adoptés à partir de 1955, 12 enfants de nationalités et de religions différentes. Tous ses enfants formaient la « Tribu Arc en Ciel », unis pour le pire comme pour le meilleur. L’enjeu de la panthéonisation et du travail réflexif qui peut être mené avec des élèves : Joséphine Baker enseigne un engagement antiraciste multiforme dénué de toute « concurrence victimaire ». Sa lutte contre l’antisémitisme et le racisme, son engagement pour les droits civiques aux États-Unis et sa constitution d’une famille « arc-en-ciel » sont autant d’entrées possibles dans différentes périodes présentes dans les programmes d’histoire au collège et au lycée et dans la lutte contre les discriminations en EMC. Quelques propositions pédagogiques Approche interdisciplinaire La vie et l’engagement de Joséphine Baker sont l’occasion de nourrir les parcours citoyen et d’éducation artistique et culturelle. Au collège, un travail interdisciplinaire peut être mené autour de la question de l’engagement en lien avec les programmes de lettres et d’éducation musicale. Les engagements de Joséphine Baker à travers différents temps forts du programme d’histoire de troisième (Seconde Guerre mondiale, Guerre froide, Décolonisation) peut contribuer à la construction du parcours citoyen de l’élève en lien avec le thème de l’engagement en EMC et/ou de la lutte contre les discriminations (cycle 4). La panthéonisation du 30 novembre et la réflexion sur la mémoire et l’histoire peuvent être le point de départ d’un projet pédagogique. La semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (mars) peut être l’occasion d’une mise en valeur des productions des élèves. Approche disciplinaire Au lycée, en terminale générale tronc commun, la figure de Joséphine Baker peut servir de point d’appui à l’étude du PPO « De Gaulle et la France libre », retraçant le parcours de Joséphine Baker dans la France libre au service de De Gaulle et de la liberté. Il est possible de mettre en parallèle l’engagement de Joséphine Baker dans la Résistance et le parcours du général de Gaulle dans la France libre. Dans le cadre du projet de l’année en EMC, l’engagement de Joséphine Baker peut donner lieu à de stimulantes réalisations pour nos élèves et permettre le travail et l’évaluation des compétences du LSL en EMC : Mobiliser les connaissances, 6
méthodes et outils, Raisonner, argumenter, démontrer en exerçant un regard critique et travailler en équipe. Le groupe académique de formateurs Mnémosyté se tient à votre disposition pour accompagner vos projets pédagogiques. Ressources : LABIAUSSE Kevin, « Joséphine Baker, au service de la France Libre », sur www. Musiques- regenerees.fr/GhettosCamps/Clandestinite/BakerJosephine/BakerJosephineAuServi ceDeLaFranceLibre.html « Joséphine Baker, une artiste au service de la France libre » sur https://www.lumni.fr/video/josephine-baker-une-artiste-au-service-de-la-france-libre « Joséphine Baker ou les chemins complexes de l’exemplarité », sur https://theconversation.com/josephine-baker-ou-les-chemins-complexes-de- lexemplarite- 167062?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1 630436266 Emission France culture, « Toute une vie : Joséphine Baker », mai 2021, rediffusion de 2012, sur https://www.franceculture.fr/emissions/toute-une-vie/josephine-baker- 1906-1975-une-artiste-engagee Joséphine Baker fait partie de ces médaillés célèbres qui font l’objet d’un panneau dans l’exposition itinérante consacrée à la médaille de la Résistance française par la Fondation de la Résistance, voir https://www.fondationresistance.org/pages/accueil/medaille-resistance- francaise_exposition19.htm?utm_source=sendinblue&utm_campaign=Lettre_dinform ation_n15_-_4e_trimestre_2021&utm_medium=email Parcours de vie, « Joséphine Baker », concours La flamme de l’égalité, sur https://www.laflammedelegalite.org/doc/parcours/Joséphine%20Baker.pdf SUMPF Alexandre, « Joséphine Baker et la revue Nègre », octobre 2006, sur https://histoire-image.org/de/etudes/josephine-baker-revue-negre 7
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