Journal de l'adc n 45 - association pour la danse contemporaine, genève - ADC Genève
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journal de l’adc association pour la danse contemporaine, genève n° 45 avril – juin 2008 Dossier : Auditions, le tri électif du talent Focus : Compagnie 7273, Gilles Jobin, Foofwa d’Imobilité, Carlotta Ikeda
Édito Le 29 février dernier, nous étions invi- sommes encore et toujours logés dans tés à Oslo pour l’inauguration de la la Salle communale des Eaux-Vives, à Dansens Hus, soit la plus jeune savoir dans une installation provisoire, Maison de la danse à ce jour en pensée et construite comme telle. Europe. Ancien entrepôt de bateaux, Dans le réseau des Maisons de la ce lieu s’ouvre après vingt ans d’un danse européennes (IDEE), toutes pré- patient travail, vingt années pendant sentes à Oslo pour l’inauguration de la lesquelles la danse s’était faite « petite dernière », l’adc parvient à nomade dans la capitale norvégienne. remplir avec ses modestes moyens le L’inauguration festive de cette Maison cahier des charges, ce qui lui permet a renforcé encore notre conviction de de figurer à ce jour comme le seul par- la nécessité d’un outil de travail spéci- tenaire suisse de ce réseau. Résumons fique pour la danse – outil qui fait ce cahier des charges : être exclusive- encore défaut à Genève. ment un lieu de représentation de Lors de la première session du Forum spectacles de danse, programmer des « Art, culture et création » organisée en accueils et des créations, disposer de février dernier par le rassemblement studios de répétition, avoir un centre des artistes et acteurs culturels de de documentation, être au service des Genève (RAAC), notre projet d’une artistes et œuvrer pour le développe- Maison de la danse à Lancy a souvent ment des publics. Paradoxe : nous été évoqué comme étant à la fois le sommes, avec nos 22 ans, parmi les modèle d’un projet passionnant, et l’é- partenaires les plus anciens, tels que chec exemplaire d’une politique cultu- The Place à Londres, mais nous res- relle en manque de concertation. Deux tons parmi les partenaires « périphé- ans après son rejet suite à la votation riques », tels que Faro, Bucarest et populaire de la commune de Lancy, le Tallinn – des villes qui sont dotées de projet d’une Maison de la danse se structures en développement. trouve auprès des politiques dans une La ville d’Oslo a mis vingt ans pour zone non prioritaire. Bien loin derrière avoir sa Maison de la danse. La les projets d’une Nouvelle Comédie, patience et l’acharnement qu’il aura de l’agrandissement du Musée d’Art et fallu pour que ce lieu puisse voir le jour 02 d’Histoire et de celui du Musée valent sans aucun doute la peine. d’Ethnographie, de la rénovation de Appuyons-nous sur ces modèles, et l’Alhambra en Maison des Musiques – sur les autres Maisons de la danse sans oublier l'urgence évidente du européennes, pour que Genève ne relogement des artistes, artisans et reste pas à la traîne et ne doive pas structures culturelles, orphelins du attendre encore dix ans pour connaître site d’Artamis. enfin un heureux dénouement. Le projet d’une Maison de la danse doit pourtant redémarrer, car nous res- tons dans une situation précaire : nous Claude Ratzé Sommaire Association pour la danse contemporaine (adc) Rue des Eaux-Vives, 82-84, CH – 1207 Genève p. 3-9 Dossier : Auditions, le tri électif du talent tél. : +41 22 329 44 00 fax : +41 22 329 44 27 www.adc-geneve.ch, info@adc-geneve.ch p. 11 Laï laï laï laï Responsable de publication : Claude Ratzé Laurence Yadi et Nicolas Cantillon Comité de rédaction : Caroline Coutau, Anne Davier, Thierry Mertenat, Claude Ratzé Secrétariat de rédaction : Manon Pulver p. 12 Text to speech Corrections : Jean-Marie Bergère Gilles Jobin Ont collaboré à ce numéro : Jean-Marc Adolphe Caroline Coutau p. 13 Sora No Ao – Le bleu du ciel Anne Davier Carlotta Ikeda Alexandre Demidoff Corinne Jaquiéry Anne-Laure Jeanson Irène Filiberti p. 15 The Making of Spectacles Valérie Fromont Foofwa d’Imobilité Marie-Pierre Genecand Vanessa Merminod Anne-Pascale Mittaz Claude Ratzé p.17 Passedanse Olivier Vogelsang Graphisme : p. 18-19 Brèves maquette Alya Stürenburg realisation l’artichaut – Jennifer Cesa p. 20-21 Livres Impression : Médecine & Hygiène Ce journal est imprimé sur du papier recyclé. Tirage : 7 500 exemplaires, avril 2008 p. 22 Librairie Prochaine parution : septembre 2008 p. 23 Studios de l’adc Partenaire média: L'adc est subventionnée par le Département des Affaires culturelles p. 24 Mémento de la Ville de Genève et par le Département de l'Instruction publique du Canton de Genève. L’adc a reçu le soutien de la Loterie Romande pour son installation dans la Salle des Eaux-Vives. Photo de couverture : Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
Auditions, le tri électif du 03 talent dossier Beaucoup d’appelés pour peu d’élus. La formule lapidaire résume toujours au mieux la mathématique des auditions : un ou deux danseurs ou danseuses sont retenus parmi des centaines de postulants au terme d’une sélection menée à une cadence infernale. Le plus souvent, en une journée, les jeux sont faits. Bien que chacun s’accorde sur le fait Le Journal de l’adc a ouvert ses yeux et Deux chorégraphes contemporains et que passer et faire passer une audition ses oreilles sur les lieux de trois gran- deux interprètes rompus à l’exercice est une terrible source de stress, pou- des auditions récentes : au Palais des de l’audition se sont prêtés au jeu des vant parfois occulter le talent, cette Sports de Paris pour le Béjart Ballet de questions croisées. épreuve semble être un mal nécessaire Lausanne, au Théâtre Sévelin 36 pour Signé Corinne Jaquiéry et Anne-Laure à la danse. la compagnie lausannoise de Philippe Jeanson, ce dossier est illustré par un Pour de nombreux chorégraphes, Saire, et dans les studios du Ballet du reportage photographique exclusif chaque création nécessite de nou- Grand Théâtre de Genève. d’Olivier Vogelsang. veaux danseurs. En soumettant les * film de Richard Attenborough, 1985. postulants à une série d’exercices, allant de la technique pure à l’impro- visation libre, le chorégraphe espère dénicher la perle rare qui coïncidera avec sa vision idéale de l’interpréta- tion de sa prochaine pièce. Pour les jeunes interprètes, l’expérience est souvent éprouvante, mais elle reste encore le meilleur moyen pour se faire connaître. Toujours est-il qu’en 2008, la danse auditionne encore et toujours sur le modèle des marathons impitoyables façon Chorus Line *. Qu’en pensent ceux qui les initient ? Et comment ces épreuves physiques et nerveuses sont-elles perçues par ceux qui s’y soumettent ? Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
Samedi 26 janvier 2008, Théâtre Sévelin 36, Lausanne, audition de Philippe Saire Une exigence de fer dans un langage de velours cherche perle rare lumière dorée diffusée par une grande On continue avec vous… Merci. « La Compagnie Philippe Saire cherche baie vitrée. Chacun tente de trouver En une demi-heure, l’enchaînement 1 danseuse et 1 danseur pour sa nou- son espace tout en glissant des est appris. Cinq par cinq, les danseurs velle création prévue en novembre regards un peu inquiets sur le lieu et se présentent. « 5, 6, 7, 8, on y va. » Et 2008. Profil : solide formation en danse sur ceux qui l’entourent. Les corps le chorégraphe d’entonner une étrange contemporaine, expérience de la sont raides, les visages blafards et litanie : « On continue avec vous, vous scène, goût pour l’expérimentation. crispés. « Mettez votre nom sur la liste et vous. Les autres, merci. On continue Age minimum, 24 ans. » avec un numéro, s’il vous plaît. Vous avec vous et vous. Merci. On ne conti- Parue dans les journaux profession- avez encore quelques minutes pour nue avec personne. Merci. » Philippe nels, affichée dans divers centres de trouver une petite place pour vous Saire : « J’ai appris à utiliser un langage danse et diffusée sur le site Internet de chauffer… ». Calme, aimable, Philippe positif. Sinon, c’est trop dur, autant la compagnie, l’annonce n’a pas man- Saire interpelle gentiment les derniers pour eux que pour moi ». Ceux qui ont qué d’attirer l’attention de dizaines de arrivants et fait baisser la tension avec été éliminés sont un peu sonnés. danseuses et danseurs de Suisse, de humour. Le chorégraphe veut accueillir Devant la porte, les discussions vont France et même du Canada. En ce froid au mieux ces danseurs venus parfois bon train. « Je suis venue de super loin, samedi de janvier, ils se pressent sur le de loin pour décrocher la timbale. Il ça coûte cher. Les critères de choix me plateau du Théâtre Sévelin 36, lieu de avoue d’ailleurs ressentir autant de semblent un peu fumeux. On pourrait création de la compagnie. Filiformes, stress que les candidats. « Ce n’est pas au moins avoir une vraie classe», ful- râblés ou athlétiques, les physiques une partie de rigolade pour moi non mine Patricia. Plus philosophe, Caroline sont aussi divers que les formations et plus. Après une petite heure, je vais pense déjà à sa prochaine audition. les expériences. Les motivations aussi. devoir éliminer la moitié des gens. Il «J’adore voyager. Je me balade beau- Certains sont prêts à tout, ou presque, faut essayer de ne pas se tromper. coup. Il y a huit ans, quand j’ai com- pour trouver du travail, d’autres sont Rester le plus humain possible. mencé, j’aurais certainement moins simplement venus ajouter une expé- D’ailleurs, si je ne suis pas sûr de mon bien réagi. Aujourd’hui, je sais que j’ai rience à leur parcours d’interprètes, un choix, je garde… » réussi les auditions où je devais être.» brin désabusés sur leur chance de par- venir à passer une première étape. «Je Critères complexes Plutôt renoncer sais parfaitement quelles sont mes Le rendez-vous était fixé à midi. Cinq A la fin de la journée, passée entre ate- qualités et où se situent mes défauts, minutes plus tard, les choses sérieuses liers et travail d’improvisation orienté affirme ainsi Céline, danseuse fran- commencent. Entouré de deux danseurs dans le sens de la future création, çaise de trente-trois ans qui fume une de sa compagnie, Mike Winter et Sun- ne resteront plus qu’une dizaine de per- 04 cigarette dehors avant d’entrer dans la Hye Hur, Philippe Saire montre les pre- sonnes. salle. « Si je ne suis pas choisie, tant miers mouvements d’un enchaînement Et après une semaine de laboratoire, le dossier pis. A force de passer des auditions, je sophistiqué, impliquant équilibres, chorégraphe choisira un danseur, mais suis devenue fataliste. Je ne veux plus plongée du corps vers le sol et change- aucune danseuse. « J’ai gardé jusqu’au me battre. » Sans plus s’appesantir sur ments de direction. « Ce premier enchaî- bout deux filles, mais à la fin, je n’étais une réalité qui est l’ordinaire de beau- nement est déjà sélectif pour que l’on ne plus convaincu. Il y en avait bien une, coup de danseurs expérimentés, reste pas trop longtemps avec tout ce magnifique, mais malgré sa beauté, elle Céline part retrouver ses « colistiers » monde, spécifie-t-il. Et ne venez pas me n’a pas réussi à développer quelque avec le sourire. demander pourquoi je ne peux pas vous chose de personnel. J’ai encore un peu garder. Vous êtes beaucoup trop nom- de temps car la création est en novem- « Rester le plus humain possible » breux ! Mes critères sont extrêmement bre. Je préfère renoncer plutôt que de Une première audition a eu lieu à complexes entre les personnalités que prendre quelqu’un avec qui je n’aime- Paris. Quelques danseuses et dan- j’aimerais avoir pour ma prochaine rais finalement plus travailler. En fait, seurs ont été choisis. Aujourd’hui ils pièce, le potentiel d’intégration au je suis très exigeant. Je veux le beurre, sont plus d’une soixantaine de person- groupe, des impératifs techniques, les l’argent du beurre et la laitière. » nes à s’échauffer sur le plateau de capacités créatives et d’autres éléments Sévelin 36 qui baigne dans une complètement subjectifs. » Corinne Jaquiéry Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
Samedi 2 février 2008, Palais des Sports de Paris, audition pour le Béjart Ballet Lausanne Une usine de prestige « Nom ? Âge ? Nationalité ? » artistique de la compagnie depuis Dans le public, quelques élèves de « C’est une audition publique, on décembre 2007, est entouré de deux deuxième année de l’Ecole Rudra accepte tout le monde, si bien qu’il peut maîtres de ballet : Julio Arozarena, Béjart assistent avec excitation à leur y avoir trente danseurs comme deux assistant à la direction artistique et première grande audition. cent cinquante », explique Éric Kroll, Azari Plissetski, qui travaillait déjà En sortant du vestiaire, Harry, un l’administrateur adjoint du Béjart Ballet avec Maurice Béjart en 1978 à Haïtien qui vit à Berlin, est déçu : « Une Lausanne et l’organisateur de l’audition Bruxelles. Le nombre de danseurs pré- sélection à la barre, ce n’est pas bien, au Palais des Sports de Paris. L’accueil sents exaspère un peu ce dernier : il y avait trop de monde ». Céline, qui est fixé à midi. Sous un soleil éclatant, « Nous avons bien indiqué que le vient de Belgique, repart quant à elle les danseurs forment un grand serpent niveau doit être excellent mais n’im- le cœur léger : «J’avais arrêté de faire désarticulé, qui court le long du Palais porte qui vient quand même ». de la danse depuis trois ans, actuelle- des Sports, pour s’engouffrer lentement ment je reprends des cours. Cette derrière l’entrée des artistes. Ils vien- « Laissez vos dossards à la sortie » audition m’a fait du bien ». nent du monde entier. Leur CV à la main, Les cent quatre-vingt danseurs sont ils défilent devant Éric Kroll ou Enrico divisés en deux groupes. Les premiers Toujours pas de grands danseurs Cesari, le régisseur, qui leur répètent s’installent à la barre pendant que les Les barres ont été retirées. Par groupes inlassablement la même antienne : autres patientent dans les cintres. On de cinq, les filles s’élancent en diago- « Nom ? Âge ? Nationalité ? ». « C’est n’a jamais vu une scène aussi peuplée. nale : pas de bourré, tours fouettés, l’usine, mais on a l’habitude, raconte Les barres sont disposées en carré. piqués. Sylviane stimule les garçons : la danseuse numéro 170, je suis dans Quatre danseurs en moyenne s’accro- « Allez ! vous êtes à une audition. On ne une compagnie à Vienne, j’ai eu l’infor- chent à chaque côté. Des sacs et des va pas vous envoyer une invitation ! ». mation sur le site Internet danse- petites bouteilles d'eau sont déposés Dernière diagonale de grands sauts : europe.net. » un peu partout. C’est un mélange certains manquent de tomber. Gil Il est 13h. Clara, 22 ans, est la dernière de couleurs et de styles : jupes, cale- Roman, excédé, fait arrêter la musique, à être enregistrée : dossard numéro 180. çons, justaucorps, dentelles, banda- descend des gradins jusqu’au bord de la Elle vient du Venezuela, avec un autre ges, chaussons, pieds nus. Les dos- scène, et, d’un tir groupé, les remercie. danseur : « Nous restons une semaine sards sont accrochés n’importe où: sur Aucun garçon ne sera retenu. en Europe pour participer à trois audi- une fesse, une épaule, devant, der- Restent quatre filles. Elisabet Ros, tions : en Hollande, en Allemagne et rière, de travers. Il faut être sur scène soliste du Béjart Ballet depuis 1997, ici, à Paris ». Éric Kroll : « Ils sont nomb- pour y voir quelque chose. leur montre un enchaînement. Elle pro- 05 reux, mais, ça va aller très vite. En dix Une professeure invitée, Sylviane pose de continuer à danser avec elles, minutes, Gil en met soixante dehors ». Bayard, fait la classe pendant que les mais Gil n’est pas du même avis : dossier maîtres de ballet déambulent sur « Non, non, je veux voir ce qu’elles ont L’attraction du Béjart Ballet scène, un stylo à la main, rayant les dans la tête ». Finalement, une pro- Emmanuel de Bourgknecht, adminis- numéros malchanceux. Le pianiste chaine rencontre sera prévue pour les trateur de la compagnie depuis dix improvise sur des thèmes de danse, deux finalistes, de nationalité fran- ans, observe les danseurs agglutinés alternant entre classique et moderne. çaise. Elisabet Ros explique : « La sur scène, en train de s’étirer. « Cela Les danseurs suivent les gestes de compagnie recherche des solistes, en faisait quelques années que nous n’a- Sylviane, un exercice, puis deux et un priorité des hommes de grande taille vions pas organisé une grande audi- deux trois. Certains essaient un sou- car les solistes femmes sont grandes ! ». tion publique. C’était important pour rire crispé au jury. Quelques instants L’équipe est déçue. « Nous cherchons nous de mesurer l’impact d’une audi- plus tard, Julio Arozarena lève la voix, depuis cinq mois, mais nous ne trou- tion Béjart dans le milieu profession- c’est la criée : numéros 17 ! 169 ! 170 !... vons pas de grands danseurs. » Gil nel. Aujourd’hui, on constate que, On congédie la foule : « Vous êtes gen- Roman fait un aparté, amusé : et dire même après la mort de Maurice Béjart, tils de laisser vos dossards à la sor- que c’est dans ces murs que Béjart la compagnie suscite le même enthou- tie ». Dix secondes plus tard, une ving- l’avait engagé en 1979. Il avait 19 ans. siasme et n’a pas perdu son prestige. » taine de danseurs semblent se perdre Dans les gradins, Gil Roman, directeur sur une scène devenue immense. Anne-Laure Jeanson Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
06 dossier
Samedi 1er mars 2008, Genève, audition du ballet du Grand Théâtre La solitude du danseur de fond Premier round à montrer un solo en fin de journée. pouvoir faire autrement, prendre plus Ses grands yeux sont noyés de larmes. « Je sais que je suis jeune et que je n’ai de temps comme nous le faisions Bérénice, 20 ans, une des candidates pas d’expérience, mais j’avais envie avant, mais nous aussi sommes dans suisses présentes à l’audition pour d’y croire, se désole Bérénice. C’est une économie de marché et nous entrer dans le Ballet du Grand Théâtre dur ces temps-ci. J’ai passé plusieurs devons être efficaces. » de Genève vient d’apprendre qu’elle auditions, sans succès. Au bout d’un Les garçons, emmenés par l’énergique est recalée. Au milieu du brouhaha qui moment, cela commence à peser sur Dominique Genevois, répétitrice pour accompagne l’affichage des résultats, le moral. » Elle sort à peine du l’occasion, viennent de commencer on entend éclater la joie d’une autre Conservatoire national de Lyon et l’épreuve. Battements, jetés, équilib- fille qui, elle, va pouvoir poursuivre. conserve donc toutes ses chances de res, les visages rougissent sous l’effort Après une heure de classe, barres, réaliser un jour son rêve d’appartenir à et la sueur coule entre les omoplates. exercices et adages au milieu, les une compagnie plutôt néoclassique. Comme pour les deux séries de filles, quelque cinquante participantes de Réaliste, elle songe néanmoins à l’heure d’audition passe à la vitesse de cette première série viennent de sortir entreprendre bientôt des études de l’éclair. Ensuite, dans le couloir, les du studio. Le long d’un couloir du physiothérapie. Deux autres jeunes visages se ferment ou s’illuminent sous-sol du Grand Théâtre, les jeunes filles venues de Marseille sont dans le selon les résultats. Une demi-heure danseuses épuisées, numéros épin- même cas. Elles étaient hier dans une plus tard, les élus sont déjà en train de glés sur le justaucorps, se serrent les petite ville au fin fond de l’Allemagne, répéter Para-dice… unes contre les autres. Une image qui aujourd’hui elles sont à Genève, A la fin d’une journée menée tambour évoque l’ambiance délétère du film demain à Mulhouse. « C’est fatigant et battant, Philippe Cohen ne retiendra mythique de Sidney Pollack On achève ça commence à coûter cher en dépla- que deux garçons, dont le stupéfiant bien les chevaux. cements, mais tant pis, moi, je veux Prince venu spécialement des Etats- danser ! », s’exclame Claire. Unis et qui donnera à voir un solo « Comme dans une foire éblouissant. « Le niveau des garçons à bestiaux » Ils sont venus du monde entier est meilleur, remarque le directeur du « Déplacez-vous sur une autre barre, Choisis par Philippe Cohen, directeur Ballet, mais ils sont moins nombreux. Mademoiselle 29. » Interpellée tout à du Ballet, environ cent soixante dan- Les filles les plus douées sont déjà l’heure par la répétitrice, Caroline, seuses et danseurs, âgés entre dix- engagées ailleurs. Elles ne prennent artiste expérimentée de trente ans, huit et trente et un ans, sont venus de pas le risque de venir affronter cette 07 pourra participer à la deuxième étape terres voisines : Italie, Grèce, Espagne, foule. Nous allons refaire une audition de l’audition en dansant un extrait de Portugal, France ou Suisse, ou beau- en ciblant davantage certaines dan- dossier Para-dice, chorégraphie de Saburo coup plus lointaines : Australie, Japon, seuses que nous connaissons. » Teshigawara appartenant au réper- Brésil et USA. Ces derniers regroupant toire du Ballet. « Nous sommes des si possible les auditions pour éviter CJ numéros comme dans une foire aux d’accumuler les milliers de kilomètres. bestiaux. Je trouve ça horrible. Et tout « Nous avons reçu quatre cent cin- va vite, trop vite. L’empathie n’a aucune quante dossiers. J’en ai sélectionné place et la personnalité aucune deux cent cinquante et nous atten- chance ! » dions entre cent vingt et cent cin- En se présentant devant un jury de pro- quante participants », note Philippe fessionnels installé hiératiquement Cohen. « Le Ballet du Grand Théâtre derrière une immense table drapée de intéresse beaucoup de monde car rouge, les auditionnées venues du nous sommes dans une dynamique de monde entier espèrent toutes parvenir création. Pour les auditions, j’aimerais Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
Entretien avec Anne Delahaye et Manu Vignoulle, danseurs La bonne personne au bon moment Anne Delahaye à Lyon, Manu Vignoulle graphe m’intéressaient. J’allais sou- lors des tournées de la troupe. à Paris. Tous deux ont suivi le cursus vent jusqu’aux dernières sélections et « J’espère ne pas trop refaire d’audi- du Conservatoire puis mon inexpérience et ma jeunesse tions. Je n’ai plus envie de me soumet- National Supérieur de Danse français. jouaient en ma défaveur. C’était dur, tre à des diktats techniques. Pour moi, Superbe danseuse à la personnalité mais j’essayais de ne pas me laisser le côté humain a autant de valeur. » affirmée, la blonde Anne considère les envahir par le fait que si ma personna- Avant le Grand Théâtre, Manu a tra- auditions comme un mal nécessaire et lité ne convenait pas pour ce projet-là, vaillé aux Centres chorégraphiques un moyen de se tester. Pour Manu, ce n’était pas moi qu’on rejetait. Cela nationaux de Nantes et Rennes et pour l’homme aux cheveux rouges, ce sont permet aussi de connaître ses limites. les compagnies Corinne Lanselle, des épreuves où l’hmain n’est pas J’ai appris qu’il fallait être là au bon Rédha et La La La Human Steps. « Je assez pris en compte. L’essentiel : être moment. » me souviens de ma toute première là au bon moment. Pour Anne, entrer dans la danse est un audition. J’étais très stressé. Je dan- problème de serpent qui se mord la sais dans le premier groupe et ça s’est Anne Delahaye : queue : tant qu’on n’a pas travaillé, on bien passé. Après, j’étais tellement « Connaître ses limites » ne vous engage pas, mais on ne vous détendu que j’ai été incapable de La Française, Anne Delahaye travaille engage pas tant que vous n’avez pas refaire l’enchaînement une deuxième en Suisse depuis près de dix ans. On a travaillé. « L’important, c’est de se créer fois. J’ai appris ainsi qu’il faut rester pu observer ses grandes qualités de des réseaux. Maintenant, je travaille concentré de bout en bout, même si danseuse, mais aussi de comédienne avec des créateurs que je connais déjà c’est long et fatigant ! » chez Philippe Saire, Marco Berrettini, ou qui m’ont vue sur scène et désirent Manu se souvient, juste après son Guilherme Botelho ou le Collectif Utilité collaborer avec moi en me laissant Conservatoire, avoir été le seul de sa publique. Depuis quelque temps, elle beaucoup d’espace d’interprétation. classe à échouer à une audition élargit sa palette d’artiste en participant Je ne passe plus vraiment d’audition, d’Angelin Preljocaj. « C’était très dur. à des spectacles théâtraux ou à des mais une chorégraphe pour qui j’en J’ai cru que j’étais beaucoup plus mau- performances avec Massimo Furlan ou passerais volontiers, c’est Pina vais que les autres. En fait, je ne cor- Marielle Pinsard. « Je suis à la recher- Bausch. Pour le fun et l’expérience. » respondais pas à au profil désiré à ce che du sens du mouvement et au théâ- moment-là. Quelques années plus tre, le geste est aussi un mot. » Manu Vignoulles : tard, il m’a proposé un contrat et c’est Dotée d’une farouche volonté, la « Plus envie des diktats moi qui ai refusé. » petite Anne a toujours voulu faire de la techniques » Sillonnant l’Europe entière, Manu a danse son métier. « En sortant du Ses dernières expériences de la scène, mis du temps à trouver son bonheur. 08 conservatoire, j’ai passé beaucoup c’est à Genève que Manu Vignoulle les A vingt ans il veut arrêter la danse. d’auditions sans grand résultat pen- a faites. Danseur au sein du Ballet du Son idéal de danse se situe plus du dossier dant plus de deux ans. J’ai donc arrêté Grand Théâtre, il termine son engage- côté néoclassique que du côté pure- pour travailler en montagne un an, ment cette saison. « Je pensais éven- ment contemporain. Il change finale- puis j’ai étudié dans le domaine médi- tuellement faire une année supplé- ment son fusil d’épaule en rencontrant cal, avant de revenir à la danse. » mentaire, mais finalement je suis ravi Rhéda et explore toutes sortes de Si la jeune femme avoue que les que mon contrat ne soit pas renou- facettes artistiques, du show télévi- moments d’auditions ne sont jamais velé », s’exclame-t-il. « Je pense avoir suel à l’événementiel. Plus tard, il agréables, tant la pression est grande fait le tour de ce travail qui est assez parfait sa formation néoclassique. pour tout le monde, elle estime néan- sécurisant, mais aussi restreint au «Aujourd’hui, j’ai plein de projets per- moins que cela peut être utile pour niveau des initiatives personnelles. » A sonnels, mais si je devais repasser rencontrer des chorégraphes et d’autres 31 ans, le danseur savoyard rêve d’un une audition, j’aimerais juste être danseurs. « Je me souviens d’avoir été ailleurs. Il fourmille de projets et se accepté comme je suis. » déçue de ne pas avoir été prise quand réjouit d’en réaliser quelques-uns le projet ou la personnalité du choré- avec des personnes qu’il a rencontrées Propos recueillis par CJ Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
Entretien avec Gilles Jobin et Guilherme Botelho, chorégraphes La rencontre avant tout Installé à Genève depuis le début des Comment vos auditions se déroulent- bien sûr des critères de sélection années nonante, le chorégraphe brési- t-elles ? comme la capacité d’apprendre, la lien Guilherme Botelho met l’être technique, la manière de bouger. humain au centre de ses créations GB : Mes auditions sont toujours très Ensuite, je fais des workshops où la avec la Compagnie Alias. Il aime traiter ouvertes. Vient qui veut. Comédiens, personnalité est mieux prise en des aléas de la vie quotidienne, des danseurs, ou même des artistes de compte. J’ai fait des auditions qui se nons-dits et des questions d’identité. mimes. J’essaie de créer une déroulaient sur un week-end, mais Pour ses interprétations, il cherche des atmosphère qui soit la plus confortable c’était beaucoup trop dur au niveau de danseurs à la personnalité affirmée. possible. Je sais très bien à quel point la la concentration. Gilles Jobin, lui, est revenu à Genève il tension n’aide pas à donner le meilleur y a deux ans. Après avoir beaucoup de soi. Mes auditions se déroulent aussi GJ : Pour cette dernière audition, j’ai voyagé et travaillé en Europe, le choré- ailleurs qu’à Genève. La dernière a eu reçu deux cent cinquante curriculum graphe est aujourd’hui installé dans lieu en Allemagne, où les gens peuvent dont deux cents de filles. Il y avait les anciens locaux de l’école de danse se déplacer plus facilement et dépenser beaucoup de Français parmi eux. En de Genève. Inspiré par l’abstraction moins d’argent pour suivre les diverses plus du CV, je demande le style de figurative, son travail explore le corps auditions, car il y en a souvent plusieurs danse qu’ils pratiquent, un mot de comme sujet de la danse et élément de qui sont organisées au même endroit et motivation, un point de vue sur la représentation plastique. pour différentes compagnies. On a alors danse. Je prends en compte l’âge, le Tous deux ont une pratique régulière l’occasion de rencontrer des danseurs parcours… mais ce n’est pas forcément de l’audition, avec un désir commun : qui viennent de l’autre côté du monde, les plus mûrs qui me plaisent le plus. Il faire une rencontre. et j’aime cet enrichissement par les aut- y a, bien sûr, une certaine forme d’ar- res cultures. bitraire. Pour la deuxième étape de sélection, j’ai travaillé en deux jours. GJ : La dernière série d’auditions que Avec vingt danseurs à Genève et vingt Journal de l’ADC : A quelle occasion j’ai menée s’est déroulée à Genève, à Barcelone. Pour ce projet, je voulais organisez-vous une audition ? Barcelone et Séoul en vue du specta- une variété de nationalités. La pre- cle Text to Speech (ndlr : voir p. 13). mière journée, j’essaie d’être le moins Guilherme Botelho : A chaque nou- Comme pour les autres, j’ai procédé en éliminatoire possible. Il y a un échauf- veau projet. Mon but, c’est la rencon- deux étapes : une première sélection fement et du travail en ateliers. A la fin tre. C’est un peu comme si l’on tombait sur CV et une deuxième qui s’est de la matinée, j’en garde dix, puis je 09 amoureux. Je fais tout mon possible déroulée à la suite d’ateliers. fais une nouvelle sélection le soir. Le pour que chacun ait le maximum deuxième jour, je me retrouve avec dossier d’espace et de temps. même si, cinq ou six danseurs que j’évalue comme la dernière fois, plus de cent Quels sont vos critères de sélection ? durant toute la journée. soixante personnes sont présentes. A Séoul, j’avais trois jours et j’ai travaillé GB : Comme je le dis toujours, je avec quarante-cinq danseurs le premier Gilles Jobin : En général, à chaque n’aime pas les danseurs, j’aime les jour. Une vingtaine sont restés pour les spectacle. Je le fais pour rencontrer de gens ! Je veux me surprendre. Je res- deux jours suivants. D’excellents dan- nouvelles personnes. Pour diffuser sens, je ne choisis pas. Pour moi, c’est seurs, mais peu rompus à la danse l’information concernant ces audi- la rencontre qui est essentielle, alors contemporaine et surtout, peu à l’aise tions, je profite des tournées. J’envoie quand il y a une audition, je m’excuse avec l’anglais. Or pour Text to Speech, aussi l’info sur le site cnd.fr (Centre toujours de devoir aller si vite. Mon cri- il fallait des gens capables de bien par- national de la danse en France) et sur tère essentiel, c’est l’intelligence de ler. Mais je garde le contact, car les celui de dansesuisse.ch. Et puis, j’ai l’esprit et du corps. J’aime les corps filles, en particulier, sont très bien. mon réseau perso d’adresses mail et peu affectés par des méthodes. J’ai le site de la compagnie. envie de voir des gens « vrais ». Il y a Propos recueillis par CJ Audition du Ballet du Grand Théâtre de Genève © Olivier Vogelsang
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La danse comme pulsion de jeu Après l'incandescence solitaire de Climax, la Compagnie 7273 propose une pièce pour quatre danseurs. Laï laï laï laï plonge le spectateur dans un espace indéfini, entre concert folk et fantasmagorie. A l'origine du projet, on trouve une aspiration de la Compagnie à s'éprouver, à sortir de sa spécialité pour se risquer à la composition musicale et au chant. Comme une volonté de se « gauchir », de devenir « gauche », de revendiquer une forme d'innocence comme principe régéné- rateur de la création, à l'instar d'un Henri Michaux dont la pratique de peintre vient compléter les insuffisan- ces du langage poétique. « C'est pour m'avoir libéré des mots, ces collants partenaires, que les dessins sont élancés et presque joyeux. Aussi vois- je en eux, nouveau langage, tournant le dos au verbal, des libérateurs » Nicolas Cantillon et Laurence Yadi © Régis Golay (Henri Michaux, Mouvements). 11 Le lexique habituel de 7273 change de registre : jusqu’ici plutôt minima- du 23 avril au 3 mai liste, la Compagnie joue désormais pleinement de tous les ressorts de la scénographie. A commencer par la musique folk, composition originale à la guitare jouée en live par Nicolas Cantillon et chantée par lui en « yaourt », selon un parti pris de dis- règle ancestrale, sur la voie seulement BIOGRAPHIE tanciation avec la posture du « chan- car la pièce distille un climat pré- Laurence Yadi et Nicolas Cantillon fondent leur teur à message ». Pas besoin d’en réflexif, primitif et baigne le specta- compagnie franco-suisse en 2000 et signent faire trop. La musique folk, avec son teur dans un état de conscience depuis plusieurs créations, dont La Vision du souffle libertaire, est suffisamment rêveuse. « Il y a quelque chose qui par- lapin, véritable succès, Simple proposition, parlante, riche d'évocations inspira- ticipe de l'esprit d'une opération et Climax. Laï Laï Laï Laï est leur première pièce trices pour le spectacle. magique dans cette intense libération de groupe. www.cie7273.com Sanglé dans son costume sixties, de signes » (Antonin Artaud, Le théâ- Nicolas Cantillon est l'intercesseur tre et son double). d'un autre monde, une sorte de pas- Une bande-son orchestrée par LAÏ LAÏ LAÏ LAÏ seur lynchéen. Le concert structure Alexandre Joly – dont l'acuité fait ici Création 2008 Concept, chorégraphie, scénographie, costumes : l'espace dans lequel trois personna- merveille – déréalise un peu plus l'en- Nicolas Cantillon, Alexandre Joly, ges – Laurence Yadi, Alexandre Joly et semble et semble faire référence à Régis Marduel, Laurence Yadi. Création lumières : Jean-Philippe Roy Régis Marduel – offrent une vision de une partition en partie effacée. Laï laï Réalisation des costumes : faunes arborant masques, postiches laï laï fonctionne comme un pro- Mathilde Gallay Keller, Maria Galvez Guitare et chant : Nicolas Cantillon et robe de bure. gramme ouvert dont les composantes Dispositif électroacoustique : Alexandre Joly Trois hiéroglyphes, trois créatures sont productrices de fantasmes. Loin Collaboratrice artistique : Graziella Jouan intermédiaires, trois représentants de toute sclérosante nostalgie, la Administration : Cécile Buclin Chargé de diffusion : Richard Afonso monstrueux d'un territoire oublié : compagnie nous invite à un rite de puissance psychologique du costume passage, stimulant et nécessaire. Production : Compagnie 7273 (Suisse – France) Coproduction : Les Subsistances, Lyon (F), O Espaco do Tempo, Montemor- qui accomplit une sorte de retour aux o-novo (P), Dampfzentrale, Berne (CH), Gessnerallee, Zurich (CH) Avec le soutien de Pro Helvetia – Fondation Suisse pour la culture, Etat origines, à la manière du rêve. Sur ce Graziella Jouan de Genève – Département de l’instruction publique, Ville de Genève – Département des affaires culturelles, DRAC Rhône-Alpes, Stanley tapis peuvent se tisser des relations Thomas Johnson Foundation, Conseil Général de la Haute-Savoie et Fondation Corymbo / mediathek tanz.ch entre ces personnages ; jeu de formes Résidences de création: Studios de l’ADC, Genève - Les Subsistances, Lyon – O Espaco do Tempo, Montemor-o-novo. qui sollicite le hasard et la rencontre Come a little bit closer Salle des Eaux-Vives avec l'autre. du 23 avril au 3 mai à 20h30 just like children sleeping relâches dimanche, lundi et mardi Un rite de passage we can dream this night away rencontre avec les artistes à l’issue de la représentation du jeudi 24 avril Ainsi de cette séquence qui voit les because I'm still in love with you réservations 022 320 06 06 créatures jouer au solitaire, comme I wanna see you dance again… et www.adc-geneve.ch pour nous mettre sur la voie d'une Neil Young, Harvest moon. location billetterie FNAC
Le corps informe de l’information Comment dans le même temps réunir du matériel dansé et le mettre en friction avec les mots ? C’est l’enjeu de Text to speech, la dernière création de Gilles Jobin. 12 du 6 au 10 mai Susana Panadès Diaz et Richard Kaboré © Dorothée Thébert Le titre reprend le nom d’un logiciel ses inventions, simultanément agent Biographie qui convertit l’écrit en paroles, jouant et moteur du mouvement, parfois en Gilles Jobin participe d’une génération d’artistes avec des voix de synthèse qui diffu- attente d’un événement, ou bien encore qui ont renouvelé la scène européenne au tour- sent de bien curieuses informations. Il sujet à de brusques transformations. nant des années 2000. Braindance (1999), The s’agit de faits d’actualité, de notre his- Moebius Strip (2001), Steack House (2004) ou toire, passée ou présente, réelle ou Le discours et ses leurres Double deux (2006) témoignent de l’évolution fictive, proche ou lointaine. Elle fait Entre rire et malaise, Gilles Jobin cho- d’une démarche qui prend le corps comme point étrangement irruption sur scène. Les régraphie sur le mode de : « C’est d’ancrage pour ouvrir un questionnement sur le discours qui parviennent au public, arrivé près de chez nous » et donne monde actuel. www.gillesjobin.com chuchotés ou énoncés distinctement, aux situations les plus ordinaires la sont prélevés sur Internet et remaniés saveur d’un thriller ou d’une série de pour les circonstances. Les textes, science fiction. Text to speech semble cohérents ou déformés, sont issus de avoir été créé avec l’idée de « voir der- différentes sources : dépêches d’a- rière » les choses, les surfaces, les TEXT TO SPEECH gences de presse, rapport d’Amnesty, erreurs, les rouages des systèmes. Si création 2008 dossiers historiques et autres frag- les lumières modifient, découpent, colo- Chorégraphie : Gilles Jobin Danseurs : Jean-Pierre Bonomo, Gilles Jobin, ments de récits. Ainsi, mêlant adroite- rent l’espace, il appartient aux corps Richard Kabore, Sung-Im Kweon, ment nouvelles technologies et d’interroger cette confusion des gen- Susana Panadès Diaz, Rudi Van der Merwe Musique : Cristian Vogel modes de jeu, le dispositif sonore de res méticuleusement orchestrée. Lumières : Daniel Demont cette pièce devient partie intégrante Lovées dans ce paysage élémentaire, Administration et production : Maria-Carmela Mini Assistante de production : Mélanie Rouquier de la composition chorégraphique. concret, bizarrement traversé par les Comptabilité : Yves Bachelier reflets ondoyants de l’actualité, leurs Direction technique : Serge Amacker Du corps au sens présences intriguent. Captés entre dis- Production : Cie Gilles Jobin – Genève Coproductions : Bonlieu Scène nationale d’Annecy – Sur le plateau, ils sont au nombre de cours et vision, danse et mouvement Théâtre de la Ville, Paris – Dampfzentrale, Berne six pour diversifier les effets subtils qui se métamorphosent sous ces emprein- Gilles Jobin bénéficie d'une convention de soutien conjoint pour interagissent entre corps, images, dis- tes immatérielles. Autoroutes de l’in- la période 2007-2009 de la Ville de Genève, du Canton de Genève et de Pro Helvetia. cours et sons. Chorégraphe et dan- formation et manipulation de l’opinion Avec le soutien de La Loterie Romande et Acapela. Gilles Jobin est artiste associé à Bonlieu Scène nationale d’Annecy. seurs entrent en manœuvre dès le pre- par les médias sont pour Gilles Jobin mier instant du spectacle. Immergés l’occasion de faire écho au monde L’adc en collaboration avec le Théâtre de Carouge Grande Salle François Simon dans un design aux lignes simples, d’aujourd’hui en interrogeant de façon Du mardi 6 au samedi 10 mai comprenant quelques tables et chai- particulière la relation texte et corps. Mardi, jeudi, samedi à 19 h, vendredi à 20 h reservations : Théâtre de Carouge au 022 343 43 43 ses et plusieurs écrans d’ordinateur, ou sur place, rue Ancienne 57, 1227 Carouge, ouvert ils se déplacent entre les câbles, agis- Irène Filiberti du lu au ve de 10h à 13h et de 14h à 18h service culturel Migros – Genève 7, rue du Prince, sent en direct depuis la scène. Chacun 022 319 61 11 est responsable de ses gestes et de stand Info Balexert Migros Nyon-La-Combe
L’art raffiné de la métamorphose Dans Le Bleu du ciel, Carlotta Ikeda réunit trois solos créés pour des danseuses qui apprivoisent superbement l’art du butô. La danse est un lieu d’être, intime et universel. Dire cela, c’est s’en tenir à la surface d’une négligente banalité. Mais qui a vu danser Carlotta Ikeda sait quelle profondeur organique elle confère à cette banalité. Née à Fukui, en bordure de la mer du Japon, c’est en voyant Hijikata, le sulfureux inventeur du butô, que Carlotta Ikeda a trouvé sa voie, celle d’une « danse des ténèbres », autrement dit de ce « théâtre de la révulsion, de la convulsion, de la répulsion » (selon les mots de Jean Baudrillard) qui aura été le laboratoire contestataire, volontairement margi- nal, d’une société japonaise en pleine mutation, marquée par la Seconde Guerre mondiale et la terrible secousse de Hiroshima. Dans l’un de ses tout premiers specta- 13 cles, Erotic Soul Dance, en 1975, voici Carlotta Ikeda, sexe et seins bardés du 14 au 17 mai d’instruments de ferronnerie. S’agit-il de quelque épreuve sadomasochiste ? Ce corps est aussi enveloppé dans une robe de papier: femme-fleur ou papillon, c’est alors une image de naissance qui s’impose. Le butô cultive la métamor- phose comme essence de l’Etre, un voyage intérieur à travers différentes épaisseurs de temps et d’espace. Le corps est à la fois humain et animal, minéral et végétal, nouveau-né et mourant, obscur et lumineux. Carlotta Carlotta Ikeda © Photo LOT Ikeda raffine cet art de la métamor- phose qu’elle rend à la fois visible et femme-enfant de Tampopo (présenté SORA NO AO – LE BLEU DU CIEL Chorégraphie : Carlotta Ikeda imperceptible, dilatant le temps de la au Festival d’Avignon dans le cadre du Interprètes : Chritine Chu, Mathilde Lapostolle, vision dans une « lenteur du geste qui Vif du Sujet). Christine Chu, princesse Anna Ventura permet toutes les interprétations » contemplative dans Waves. Ana Ventura, Musique : Kamal Hamadache, Alain Mahé Lumières : Florent Blanchon (Paul Claudel). sorcière fantôme dans Shiroi Yûrei. Régie plateau : Laurent Rieuf Trois états de femmes qui « espèrent, Production : Compagnie Ariadone Exclusivement féminin enivrées ». « Pour elles », écrit Carlotta Le solo Tampopo a été coproduit par la SACD, le Festival d’Avignon dans le cadre de l’événement « Le Vif du Sujet » et Pas simple d’être une femme artiste au Ikeda, « la réalité ordinaire de ce monde la compagnie ARIADONE. Production de reprise : Office Artistique de la Région Aquitaine. Japon. C’est en Europe que Carlotta a été renversée et elles nous donnent à Le solo Waves a été produit par la Compagnie ARIADONE en partenariat avec le Ffestival « 30/30 – Les rencontres Ikeda a rencontré le succès, avec sa voir à la perfection ce retournement ». du court » et le GLOB Théâtre. Le solo Shiroi yûrei – Fantôme blanc est extrait du solo Youleï No Kotoba compagnie Ariadone, exclusivement – Corps de Craie. Une production de La ventura Cie & Cie Palimpseste – Coproduction de féminine. Jean-Marc Adolphe Danse à Lille / CDC Roubaix Nord-Pas-Calais et du Centre Chorégraphique National de Caen Basse-Normandie (accueil studio / Combien de pépites ? Zarathoustra et Ministère de la Culture et de la communication) – Coréalisation : Maison Folie de Wazemmes de Lille. son monde grouillant de sauvagerie La compagnie ARIADONE reçoit le soutien du Ministère de la Culture / dont un chœur de furies scande le DRAC Aquitaine, Conseil Régional d’Aquitaine, du Conseil Général de la Gironde et de la Ville de Bordeaux. Partenariat technique – Ateliers chaos. Et en solo, le prodigieux Utt, Lumière/Bordeaux. minimal et immense. Désormais installée en France, Carlotta Ikeda est toujours à la barre, et trans- Salle des Eaux-Vives met son art à de plus jeunes. Sous un Biographie du 14 au 17 mai à 20 h 30 rencontre avec les artistes à l’issue de titre qui évoque Georges Bataille, frère Carlotta Ikeda est née à Tokyo, en 1941. A la tête la représentation du jeudi 15 mai en intensité du butô, Le bleu du ciel – de sa compagnie Ariadone, uniquement composée réservations 022 320 06 06 Sora No Ao relie trois solos précédem- de femmes et créée en 1974, elle est une figure et www.adc-geneve.ch ment créés. Mathilde Apostolle, centrale du butô. www.ariadone.fr location billetterie FNAC
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Ingrédients publics dans la marmite de la création Comment, pourquoi, pour qui se construit un travail chorégraphique ? Avec The Making of Spectacles, Foofwa d’Imobilité répond par l'action en invitant le public à signer, chaque soir, la création. 15 du 28 mai au 7 juin Foofwa d’Imobilité © Sandra Piretti Il parle, et c’est nouveau pour lui, de Lengo, l'interlocuteur privilégié, au BIOGRAPHIE « simplicité », d’« enlever des couches son et Anja Schmidt, en assistante de Formé à l’École de Danse de Genève, Foofwa de narration ». On sourit et on demande choc). Avec eux, mais surtout avec le d’Imobilité reçoit le Prix de Lausanne en 1987, à voir. Car la profusion intelligente, la public, le chorégraphe désire identifier puis intègre le Stuttgart Ballett et enfin la multiplicité de points de vue sur un les simulacres théâtraux qui permet- Merce Cunningham Dance Company. Depuis 1998, sujet, c’est la marque de fabrique de tent de ressentir des fantasmes et des il crée et danse ses propres pièces. Il obtient en Foofwa d’Imobilité. Qu’il évoque la émotions en toute sécurité. 2006 le Prix suisse de danse avec son solo résistance physique et la compétition Benjamin de Bouillis. www.foofwa.com (la série des Dancerun), la notion de Apothéose démocratique plagiat obligé dans la création (Mimesix) Une enquête sur le front de la création ou le principe d’« humanimalité » qui se négociera donc en direct avec le (Incidences), le joyeux trublion s’amuse public. Mieux, c'est le public lui-même à cerner ces thèmes par la danse, bien qui composera le spectacle sur la base sûr, mais aussi par la vidéo, le son, le de phrases chorégraphiques, de bouts discours, en se souvenant toujours de discours et d'éléments visuels et des grandes figures qui l’ont précédé. sonores. « Un peu comme on fait ses Avec The Making of Spectacles, le cho- courses pour le repas du soir, mais THE MAKING OF SPECTACLES création 2008 régraphe romand souhaite donc sim- attention, il n'y aura que des produits Concept et chorégraphie : Foofwa d'Imobilité plifier le trait. Et « montrer la fabrica- frais ! », s'amuse Antoine Lengo. Interprétation créative : Tamara Bacci, Ruth Childs, Foofwa dit Mobilité, Filibert Tologo, Isabelle Rigat tion d’une production de danse- « Quoi de plus démocratique que cet Assistant général : Antoine Lengo en-théâtre pour en dévoiler l’illusion ». acte par lequel les idées et l’œuvre Assistante du chorégraphe : Anja Schmidt Soit la suite de son entreprise de deviennent une affaire collective, une Création lumières : Marc Gaillard et Antoine Lengo Administration et diffusion : Tutu Production déniaisement du « spect-acteur » qu'il affaire de société ? Ce sera une sorte Production : Neopostist Ahrrrt Association radicalise en invitant le public à com- d’apothéose du making of, de la fabrica- La Compagnie Foofwa d'Imobilité bénéficie d'une convention poser, chaque soir, le menu de la tion de l’œuvre théâtrale ! », s’enthou- de soutien conjoint pour la période 2007–2009 de la Ville de Genève, du Canton de Genève et de Pro Helvetia. représentation. siasme Foofwa d’Imobilité, assumant sans hésiter le risque d'un résultat éloi- Salle des Eaux-Vives Sur le plateau, cinq danseurs (Tamara gné de ses goûts personnels. L’acte de du 28 mai au 7 juin à 20 h 30 Bacci, Ruth Childs, Filibert Tologo, création, l'affaire de tous, artistes et relâches dimanche, lundi et mardi rencontre avec les artistes à l’issue Isabelle Rigat et Foofwa) dont le choré- public ? Le chorégraphe genevois devra de la représentation du jeudi 29 mai graphe relève la diversité de généra- convaincre les sceptiques. réservations 022 320 06 06 tions. Et une fidèle équipe artistique et www.adc-geneve.ch (Marc Gaillard aux lumières, Antoine Marie-Pierre Genecand location billetterie FNAC
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