L'écoLe pour tous Trimestriel numéro 33 automne 2015 1,20 € - Sgen-CFDT
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50 paroles de militants Photographies et propos recueillis par Olivier Clément , 2015, éditions OC'iris, 15€ Une belle aventure humaine qui réunit des rencontres aux visages et aux mots riches de sens à travers les valeurs et les luttes de la CFDT. Le travail ne peut être une loi sans être un droit. Victor Hugo Adhérente depuis 1996, à mon entrée dans l'Éducation nationale, je suis de cette génération qui a appris et évolué avec les outils numériques. L'arrivée du Minitel, puis des ordinateurs personnels, les premières connexions à la toile, à deux à l'heure, puis le haut débit, les connexions sans fil et, surtout, l'accès presque permanent à l'information, le partage des réseaux sociaux, la possibilité de lire, d'écouter, de regarder depuis - presque - n'importe quel endroit. Aujourd'hui, dans mon métier d'enseignante, j'expérimente l'enseignement nomade, la pédagogie collaborative, modifiant ma posture professionnelle chaque jour avec la conviction que c'est une bonne chose pour les élèves... Ces évolutions modifient aussi mon militantisme : interaction avec les militants, avec les adhérents, avec les collègues isolés, plaisir de créer des documents facilement diffusables sans contrainte de coût ni de transport, gain de temps et d'énergie de pouvoir travail- ler ensemble à distance, mutualisation grâce aux outils collaboratifs... Bien sûr, il faut continuer à se voir, à se rencontrer, militer pour ne pas se réduire à tapoter sur un clavier et à converser par messagerie interposée. L'outil numérique, extrait, in 50 Paroles de militants. Nathalie Noël Sgen-CFDT Poitou-Charentes
ÉDITORIAL Quoi de NEUF ? Numéro 33 Une école plus juste ÉCOLE POUR TOUS ? Un système inégalitaire Le système scolaire français reproduit et aggrave les inégalités sociales. C’est désormais un constat largement partagé et soutenu par bon nombre SOMMAIRE de rapports et d’études ainsi que par les principaux acteurs de l’Éducation nationale. Pourtant ce système, qui veut réellement en changer ? Qui veut 4/ et 5/ Collège : peut-on casser vraiment d’une école pour tous ? Il y a ceux qui regrettent un système passé la logique du tri ? qui ne s’adressait qu’à une minorité de privilégiés et défendent, avec plus ou moins de franchise, une vision élitiste. Mais il y a aussi ceux, sans doute 6/ Voie pro : le pire et le meilleur plus nombreux, qui au nom de la défense de l’égalité entre les élèves sur 7/ Raccrocher au Micro-Lycée tout le territoire trouvent tout un tas de raisons de conserver un système dont on sait qu’il est particulièrement inégalitaire. L’Éducation nationale et 8/ Les enfants empêchés de penser : ses acteurs ne sont pas à un paradoxe près. ........entretien avec une principale de .........collège Une idée récente 9/ École : à la goutte d’or Cela ne fait pas si longtemps que l’idée que l’école doit s’adresser à toutes et tous en donnant à chacun-e l’opportunité de s’accomplir, quels que soient 10/ É cole : psychologues et difficultés son niveau social, son origine, son parcours, est largement partagée. Encore scolaires aujourd’hui beaucoup se réclament de celle-ci sans en accepter les consé- 11/ En Segpa quences. Car cette idée s’accompagne nécessairement d’un constat : les chances de départ dans notre système scolaire sont loin d’être égales. Ainsi 12/ L’école, exception médiatique créer une école qui soit réellement pour toutes et tous ne peut pas signifier proposer la même chose partout à tous les élèves. 13/ Lycée expérimental du Bourget Voir le système tel qu’il est 14/ 2016 - 2022 Ce défi, toutes les sociétés contemporaines le rencontrent. Certaines y 15/ Nos exigences pour le collège répondent par un système scolaire de facto ségrégué que nous refusons. D’autres s’y attaquent avec plus de franchise et de résultats que la société française. Pour aboutir à une école qui soit vraiment pour tous il faut d’abord accepter de regarder notre société, notre système scolaire, tels qu’ils sont réellement et pas tels que les textes officiels mais aussi les dis- cours syndicaux les fantasment. Cela conduit par exemple à constater que derrière l’égalité de traitement des personnels dans leur affectation – le fameux barème - se cachent des inégalités territoriales qui viennent renfor- cer les inégalités sociales. Car c’est bien notre système d’affectation qui est à l’origine de la concentration des postes vacants, des personnels précaires et inexpérimentés dans les espaces socialement défavorisés. Où se cache l’égalité ? Ainsi, plus on observe notre système scolaire et plus on se rend en compte que derrière l’égalité républicaine, l’uniformisation de traitement, se cache souvent la reproduction des inégalités sociales. Et si derrière l’autonomie, la responsabilisation des acteurs, la priorité donnée aux zones en difficulté, se cachait l’égalité ? C’était ce que se disait le Sgen-CFDT il y a trente ans lorsqu’il militait pour la création des ZEP. Aujourd’hui, il faut aller plus loin pour réellement donner une chance à chacun-e. Il faut oser prendre le risque du changement. Celui-ci ne va pas de soi, comporte des risques, rencontrera des résistances, sera sans doute chaotique et imparfait. Mais Sauf indication contraire, les photographies de ce nu- au Sgen-CFDT nous ne pouvons nous contenter de l’immobilisme. Car méro ont été réalisées sur le terrain par les militant-e-s nous voulons vraiment participer à la construction d’une école pour tous. locaux du Sgen-CFDT. Florent Ternisien d’Ouville Directeur de publication Laura Rakotomalala CPPAP : 1116 S 08060 Philippe Antoine Rémi Roudeau Comité de rédaction Florent Ternisien Sgen-CFDT Académie de Vincent Albaud Maquette Versailles Jean-Pierre Baills Philippe Antoine / Rémi Roudeau 23 place de l’Iris Xavier Boutrelle Impression 92400 Courbevoie Sandrine Grié Société Jouve - CS 70004 versailles@sgen.cfdt.fr Christian Jolivet 11 boulevard Sébastopol Régine Paillard 75036 Paris cedex 01 Imprimé sur papier recyclé Aude Paul ISSN : 1953-6712 avec des encres végétales Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 3
état des lieux Logique du tri : la parole aux adhérents… Au collège et à chaud : des interrogations, des témoignages et des revendications. La logique du tri existe-t-elle ? grande quant à la mobilisation pour dans la logique du Collège 2016 : aide Comment la casser ? Quels sont la formation qui est ressentie comme aux élèves, approche multidisciplinaire, les freins ? bâclée. Sur le fond, beaucoup font déjà travail par compétences. Laurent Deboves, enseignant, collège de l’interdisciplinarité, son efficacité est Maison Blanche, Clamart, Hauts de reconnue, mais ils craignent le manque Casser la logique du tri a donc, dans Seine : de courage de ceux qui sont censés notre collège, une résonance parti- porter la réforme jusqu’à nous, juste culière. C’est grâce à ce CPE que de Comme professeur principal de 3éme, pour qu’elle puisse vivre. Le silence de plus en plus d’enseignant-e-s ont pris je pense que la logique du tri est une certains corps d’inspection est ressenti possession d’une approche par compé- réalité qui n’est jamais dite. Or rien comme « assourdissant ». tences. « Pour réussir voilà ce que de pire qu’une orientation subie, non tu dois savoir, savoir faire. Travailler choisie par l’élève et ses parents. Afin Marc Guillard, principal du collège ensemble dans le cadre de séances de de casser cette logique, de nombreux Monthéty, Pontault-Combault, Seine et pré-médiation avec un travail collabo- établissements mettent en place des Marne : ratif. Ces séances précèdent l’évalua- projets efficaces mais ils ne sont pas tion : des élèves ont identifié les savoirs toujours reconnus ou soutenus par l’ins- Le collège Monthéty est engagé depuis et compétences qu’ils risquent de ne titution. La montée en puissance des 4 ans dans un dispositif intitulé Contrat pas maîtriser au moment de l’évaluation « c ompétences communes » va dans le Participatif d’Évaluation (CPE). Il s’ins- sommative. Ils l’expriment sur une fiche sens d’une plus grande efficacité. pire de la méthode d’évaluation par réussite ou fiche de révision. L’ensei- gnant-e, leurs camarades interviennent u Mettre en avant le travail collaboratif avec les personnels, éviter le pilotage par le haut... à ce moment là pour les aider. » Si l’élève doit, dans certaines situations bien ciblées, « faire ses preuves », c’est Nombre de collègues se retrouvent dans contrat de confiance d’André Antibi, bien l’école qui doit lui apporter les le constat de Roger-François Gauthier il vise à casser ce que cet universitaire compétences nécessaires pour utiliser Inspecteur de l’Éducation Nationale et appelle la constante macabre. « Incon- les savoirs acquis. Nous devons aller consultant à l’UNESCO : « ce que les sciemment, les enseignant-e-s, sous maintenant plus loin. J’ai confiance élèves savent est plus important que la pression de la société, s’obligent dans les enseignant-e-s : elles / ils sont leurs moyennes ». Il reste à mettre en à mettre un certain pourcentage de capables de travailler ensemble, d’unir place des compétences claires et objec- mauvaises notes. Les élèves sont quasi leurs apports disciplinaires pour la réus- tives et pour beaucoup d’enseignant-e-s systématiquement répartis en trois caté- site de tous leurs élèves. C’est le grand des doutes demeurent sur le sérieux des gories : bien, moyen, insuffisant. » objectif de notre préparation pour le livrets de compétences « bidouillés » en collège 2016. fin d’année, ce qui est ressenti comme Ce dispositif peut facilement s’insérer une négation de leur travail. Autre frein, selon beaucoup de mes collègues : l’obésité des programmes, qui nous semblent conçus loin de la réalité quotidienne des élèves et des enseignant-e-s. L’autonomie des EPLE peut faire partie des solutions mais avec des équipes de direction réellement prêtes au dialogue avec les équipes... et cela fait peur ! Enfin, la double réforme du collège et des programmes offre une opportunité unique, mais chez les enseignant-e-s favorables ou non, l’inquiétude est Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 4
état étatdes deslieux lieux Et la méthode de mise en place de la réforme ? Ce que nous revendiquons : Nathalie Noël, enseignante au Lycée • des dotations horaires suffisantes pour accorder de la souplesse dans la Pilote Innovant International, académie conception des services et emplois du temps ; de Poitiers : • des solutions négociées pour éviter des compléments de service voire des mesures de carte scolaire dans les disciplines fragilisées ; Sur le calendrier, il est trop contraint, • une réflexion sur la carte scolaire afin d’améliorer la mixité sociale ; c’est certain. C’est en grande partie dû • une réflexion sur la carte des langues vivantes et anciennes afin de garantir aux échéances politiques dont nous ne la diversité linguistique et l’ouverture culturelle ; pouvons pas nous affranchir. Ceci dit, • des moyens pour faire vivre le cycle école-collège par des rencontres régu- au-delà de l’énorme quantité de travail lières sur temps de travail ; qu’il impose aux équipes en quelques • une mise en avant d’un travail collaboratif avec les personnels, non piloté mois, il a un autre effet pervers que j’ai uniquement par le haut ; découvert avec les collègues : toutes les • une amélioration du fonctionnement des instances dans les établissements critiques et tous les efforts portent sur et une évolution des missions du chef d’établissement pour instaurer un réel le cycle 4 quand ce qui est sans doute dialogue social ; vraiment essentiel, c’est la mise en place • des concertations sur temps de travail dès lors que la demande en est faite du cycle 3. pour s’approprier les programmes, élaborer des plans de travail, construire les parcours ; Plus nous avançons, plus je m’interroge • une prise en compte, par l’indemnitaire ou par des décharges de service, sur cette marche forcée, qui ne peut que de la charge de travail induite par les changements de programme et par le pousser à faire de l’affichage plus qu’à fonctionnement ; mener une réflexion collective sur le • une adaptation des missions de l’inspection pédagogique. public accueilli, ses besoins, les moyens humains et matériels disponibles et par Ces revendications sont adaptées d’une lettre ouverte au Recteur là les modalités de fonctionnement des de l’académie de Poitiers par le Sgen-CFDT Poitou-Charentes. cycles, des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires ( EPI ), de l’Accom- pagnement Personnalisé ( AP ). Concer- nant l’AP, disons-le toutes et tous haut et fort, c’est le parent pauvre de cette réforme : il reste un objet pédagogique non identifié, sans contenu ni objectifs clairs. Propos recueillis par Xavier Boutrelle Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 5
témoignages Un nouvel espoir Les Bac Pro ont désormais 30 ans mais le regard porté sur la voie professionnelle ne change guère. Cette voie n’accueille-t-elle que projet Augustine des élèves en difficulté pour lesquels elle constituerait un aboutis- sement logique voire obligatoire ? Elle concentre de nombreuses problématiques de notre système scolaire. Hervé Racine est Professeur de Lycée Professionnel (PLP) à Melun en électrotechnique après avoir enseigné à Paris. Il nous livre un tableau plus nuancé. Pourquoi as-tu choisi d’ensei- As-tu perçu une grande diffé- totalement dépassés. Cela aggrave gner en voie professionnelle ? rence de motivation entre les certains comportements. Les atouts sont élèves suivant les établissements essentiellement la pratique d’un métier C’est la filière qui selon moi récupère où tu as enseigné ? et une charge de travail à la maison le plus d’élèves en difficulté, tant sur largement diminuée par rapport aux le travail que sur le respect des règles, Franchement oui ! Lorsque j’enseignais difficultés rencontrées au collège. Il y donc c’est motivant pour moi de les à Paris les élèves étaient plus motivés. a moins de matières théoriques et la faire raccrocher à la scolarité pour les Les élèves sur Paris sont davantage en pratique rend les choses plus concrètes. accompagner vers un meilleur avenir. contact avec les artisans. Il leur suffit Elle permet aux élèves de se projeter u Un élève fier de son travail le met en avant, en parle autour de lui. plus facilement vers leur avenir. Comment rendre la filière pro plus attractive ? d’ouvrir les yeux et les camionnettes Orientation subie ou choisie ? d’artisans ou tout simplement les Par une meilleure mise en avant des Comment tes élèves vivent- chantiers à ciel ouvert s’offrent à eux. projets qui sont effectués dans tous les ils le fait d’être en lycée Ce qui n’est pas le cas pour des élèves lycées professionnels. Malheureuse- professionnel ? sortant de leur domicile pour entrer ment même les équipes pédagogiques dans un lycée plus isolé avec beau- ne sont souvent pas au courant des Pour la majorité c’est un nouvel espoir. coup d’arbres aux alentours. Souvent prouesses effectuées par certains élèves Une occasion de raccrocher les études. la vie de chantier leur paraît totalement de filière professionnelle sur la scène Dans nos filières industrielles à Melun mystérieuse. Européenne. Je pense par exemple à (baccalauréat électrotechnique, énergie des élèves de BTS CPI de mon lycée, et équipements communicants - ELEEC), Quelles sont les principales diffi- Léonard de Vinci à Melun, qui, accom- pour la plupart il s’agit d’une orienta- cultés et les principaux atouts de pagnés d’élèves de Bac Pro du lycée tion choisie. Souvent ce sont les élèves la voie professionnelle ? Diderot à Paris (micro techniques, étude eux-mêmes qui sont à l’origine de ce et formation de produits industriels) ont choix d’étude. Malheureusement les La principale difficulté que je rencontre réalisé un véhicule solaire dans le cadre effectifs sont complétés avec des élèves est liée au fait que les sanctions du Projet Augustine ( voir photo ). Ils ont dont ce n’était que le 3ème ou 4ème semblent devenir une pratique irréelle fini cinquièmes d’une compétition euro- choix. Là, ça devient plus difficile. et surtout impossible face à des parents péenne à Rotterdam et surtout premier établissement français. Il faut tout simplement mettre en avant la pratique de l’élève dans son travail en le félicitant ou en lui disant : « Je suis fier de ton travail. » Les élèves sont très réceptifs. Je peux vous assurer qu’une fois qu’un élève est fier de son travail, il le met en avant et surtout en parle autour de lui. Un élève content en rentrant de ses cours reflète auto- matiquement la réalité de son apprentissage. Propos recueillis par Florent Ternisien Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 6
témoignages Raccrocher les décrocheurs Professeur de philosophie, Jean-Jacques Guinchard a pris son tentation parfois de faire à la place : il poste au microlycée de Paris (ML) à la rentrée 2014. Auprès des faut aider sans materner ou paterner. élèves « décrocheurs » … La nécessité de nous fixer des limites professionnelles : limites d’énergie et Des élèves de première et de terminale échecs dans les caractéristiques socio- d’investissement humain, pour nous ES et L, un objectif simple : l’obtention professionnelles ou CSP++ : des préserver, limites de compétence et de du bac. Rien que de très banal en appa- jeunes que leurs parents ont lâchés très déontologie pour éviter le mélange rence. Mais une ambiance qui frappe tôt dans l’errance pédagogique des des genres, savoir quand et comment immédiatement les visiteurs : circula- écoles privées douteuses ! D’où une passer le relais à d’autres praticiens, tions libres, simplicité des relations entre mixité sociale paradoxale, rare en tout en apprenant à travailler avec eux profs et élèves. Au ML, les conditions cas à Paris, source de conflits mais aussi ( aide sociale, protection judiciaire « pratiques sont très différentes de celles d’expériences. de la jeunesse, médecins, psychothé- des lycées habituels. A nous dix, six profs rapeutes ), sans oublier les familles permanents et quatre aux horaires plus limités, nous accompagnons cinquante Un travail ordonné à l’acquisition de leur autonomie élèves, parmi les assez nombreux candi- dats « décrocheurs » qui viennent frapper par les élèves. » à la porte, que nous avons choisis parce que le microlycée nous semble leur offrir Si notre cap est tout à fait classique, respectives, elles-mêmes dans des états de bonnes chances de réussite. Sans le bac, nos pratiques le sont un peu très divers, si je puis dire. rêver d’être infaillibles... moins : référence (tutorat de sept ou huit élèves par prof), ateliers culturels obli- On pourrait justement finir sur l’enrichis- Innovant, le ML 75 ? Il est certes une gatoires, conseil hebdomadaire inspiré sement professionnel : il ne faut sans des structures du Pôle innovant lycéen de la pédagogie institutionnelle, etc., en doute pas s’installer définitivement dans installé au Lycée Lazare Ponticelli dans plus des cours réglementaires. Un effort ce type de poste, mais la satisfaction est le treizième arrondissement, il est un d’ouverture constant, le principe que réelle de sortir de la division du travail membre actif de la Fédération des jamais « on ne met la poussière sous le absurde qui oppose enseignement et vie Établissements Secondaires Publics tapis ». scolaire, pédagogie et gestion pratique. Innovants (FESPI), mais il ne se veut pas Ici, on peut et on doit plus ou moins exceptionnel ou expérimental. Non pas Notre travail accuse les failles et les faire de tout, en se souvenant qu’on ne une « zone pédagogique libérée » mais injustices du système dominant et peut pas tout faire… Nous redéfinis- un lieu de convalescence scolaire. d’autre part ne fait au fond que ce qui sons notre autonomie, en nous affran- Pour des adolescents ou jeunes adultes devrait être fait partout. chissant assez largement des barrières qui viennent demander réparation aux institutionnelles traditionnelles, tout en deux sens du mot : retrouver ou acquérir S’il fallait tenter un bilan, il serait nous fixant d’autres limites. Et ce travail confiance en soi et moyens intellectuels, contrasté mais encourageant. 80% est ordonné à l’acquisition de leur mais aussi corriger ce qu’ils ressentent de bacheliers en juillet 2015, comme autonomie par les élèves. comme une injustice. Ils viennent nous dans d’autres microlycées, mais nous voir, partagés entre besoin pratique ne sommes pas (encore ?) organisés de retourner dans le système et désir et outillés pour savoir ce qu’ils devien- Jean-Jacques Guinchard symbolique d’être normaux. « Revenir dront ensuite. dans le droit chemin », disent-ils parfois Les tâtonne- significativement... ments entre faire classe Il n’y a pas un mais des profils de décro- de manière cheurs. Les entretiens initiaux que nous habituelle avons avec eux révèlent comment leur et les petites scolarité s’est effritée ou a explosé, audaces en général au niveau de la seconde. pédago - Séparation parentale douloureuse, giques : le agressions subies, maladies physiques, bac restreint perturbations psychiques, addictions, ces dernières. délits, et aussi ennui, déception d’une Le difficile orientation contrainte, injustices cultu- équilibre relles liées à l’origine étrangère, parfois entre faire un lourd bagage combinant plusieurs faire, faire de ces causes... Et même quelques avec et la Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015• page 7
témoignages Ces enfants empêchés de penser... Un entretien avec Martine Ferry-Grand, principale d’un collège REP de Paris. Comment as-tu connu Serge très régulière. Boimare, l’auteur de Ces enfants L’ i d é a l e s t u n e empêchés de penser (éditions séance quoti- Dunod, 2008) ? dienne avec des enseignant- e - s Dans un article du Monde, à propos de différent-e-s pour la réforme du collège. Une des problé- faire tomber les matiques de mon collège est le manque barrières de la d’appétence scolaire des élèves, je discipline. Donc cherchais des clés ancrées dans la pas uniquement pédagogie pour travailler sur ce point en français ou en d’entrée dans les apprentissages. J’ai histoire… lu son ouvrage et cela a été un éclai- rage sur tout ce que je constatais depuis Qui sont ces enfants « empêchés Comment les enseignant-e- s longtemps : la frustration, le manque de penser » ? perçoivent-ils cette démarche? de distanciation, de curiosité, d’estime Elles et ils sont preneurs de tout ce qui de soi, l’incapacité à se concentrer Boimare, qui est psychologue-clinicien, peut faire progresser les élèves : nous durablement, et puis, l’opposition, l’es- raconte des histoires de gamins qu’il avons réussi à constituer 2 équipes calade vers le conflit, le décrochage, rencontre individuellement en thérapie. pédagogiques (donc 2 classes de 6ème l’ennui… Ce qui m’a paru le plus inté- Ce sont nos élèves qui nous préoc- sur 3 seront concernées cette année ressant est que sa méthode repose sur cupent : ceux qui souffrent de tout ce pour la première mise en œuvre). Y la pédagogie et est ancrée dans les dont nous venons de parler. Des enfants participent les professeur-e-s de fran- programmes. dont le monde intérieur est quasi inexis- çais, histoire et géographie, SVT, Il s’agit de travailler avec les grands tant et qui ne peuvent donc ni concep- mathématiques, anglais, le documen- mythes fondateurs : lecture de contes tualiser, ni se représenter, ni prendre de taliste et une AED référente. Le profes- « et mythes puis débat avec les élèves. distance par rapport à leurs sentiments, seur d’EPS également mais moins Ceux-ci écoutent, écrivent, réfléchissent, leurs ressentis. régulièrement. J’ai pu dégager une construisent des débats mais de façon Combattre le manque d’appétence scolaire des élèves. » Comment travaillez-vous au col- heure de la dotation globale horaire lège pour intégrer ce dispositif pour chaque classe et bloquer ce d’apprentissage ? créneau en Histoire, SVT et Anglais afin qu’il y ait un roulement des J’ai d’abord organisé une conférence intervenant-e-s. La seule crainte est avec Serge Boimare au collège. Il est l’aspect chronophage. Cela demande très disponible et pédagogue. Puis beaucoup de travail en amont non j’ai monté une FIL de préparation rémunéré… On verra ce qu’il est à l’entrée dans le dispositif. Il s’agit possible de faire financièrement... d’une formation d’initiative locale, elle se tient dans l’établissement et Et en terme de résultats scolaire est demandée par l’équipe. Plusieurs ou de climat scolaire? collèges sont impliqués à des degrés divers depuis deux à trois ans : les Wait and see… Je ferai un premier point enseignant-e-s ont pu se rencontrer, aux conseils de classe du 1er trimestre ! ce qui a permis de concrétiser et de À suivre donc… bien cerner la faisabilité du projet. Une seconde FIL d’accompagnement cette année est mise en place. Propos recueillis par Régine Paillard Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 8
témoignages En école à la Goutte d’Or Cyrille, professeur des écoles à l’école polyvalente de la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement de Paris, répond à nos questions. Propos recueillis par Xavier Marliangeas. Depuis combien de dédiées à la concertation. Qu’en est-il du cas particu- Au-delà des 24h annuelles temps exerces-tu dans ce Des modules de formation lier des primo-arrivants ?consacrées aux travaux quartier ? L’as-tu choisi ? inter- degrés ont égale - 3 membres du réseau d’aided’équipe, 54h sont donc ment été instaurés. Enfin, le spécialisée aux élèves en spécifiquement accordées – Nommé au départ à titre personnel enseignant béné- difficulté – RASED – même pendant le temps de classe – provisoire, j’ai demandé ficie d’une indemnité spéci- s’ils sont partagés entre afin de coordonner les l’école l’année suivante. fique. actions au sein de l’équipe plusieurs écoles du secteur, J’entame ainsi ma 3ème enseignante. Cette disposi- interviennent pour prévenir année dans ce quartier. Quels moyens se donne et réduire les difficultéstion permet d’institutionna- l’Éducation nationale liser des moments aupara- rencontrées par ces élèves. Combien d’élèves y a-t-il pour améliorer le repérage Par ailleurs, la mairie duvant pris hors du temps de dans l’école ? De combien d’enfants en situation 18ème a dépêché des postesservice. de collègues est constituée d’illettrisme et prévenir Davantage de projets fédé- d’assistants sociaux supplé- l’équipe ? Le turn-over est-il l’échec scolaire ? rant l’ensemble des acteurs – mentaires afin de faciliter important ? familiaux, associatifs et l’acclimatation des familles. Tout d’abord, par l’exploi- Le directeur de l’école seéducatifs - peuvent ainsi se « Environ 150 enfants sont tation du dispositif pari- propose également de les développer. Pour la troisième scolarisés dans l’établisse- sien PTAL ( programme de aider dans leurs démarchesannée consécutive, un comité ment, répartis en 8 classes de lecture, (de la Petite Section au Faciliter l’acclimatation des familles, les aider regroupant des CM2). L’équipe comprend 11 enseignants, 2/3 étant dans leurs démarches administratives. » élèves de la Petite Section nouvellement nommés dans dépistage des troubles des administratives. au CM2, aura en charge la l’école. apprentissages et de la rédaction, l’élaboration et lecture ), créé pour remé- Quel bilan peut-on porter l’édition d’un journal d’école. L’établissement fait partie dier aux difficultés d’ap- sur les dispositifs actuels ? Les classes se sont également du dispositif réseau d’édu- prentissage de la lecture. saisies d’un jardin pédago- cation prioritaire REP+ ? À cela s’ajoute l’associa- Des moyens ont été incon- gique autrefois délaissé, dont Quels sont les moyens tion Coup de Pouce qui testablement mis en œuvre, l’exploitation aboutira sur une alloués ? propose d’accompagner facilitant le travail entre fête des fleurs célébrée dans chaque fin d’après-midi un enseignant-e-s ainsi que la le quartier. Enfin, un projet Il appartient au réseau petit groupe d’élèves de liaison – particulièrement autour de l’auteur britan- Clémenceau, devenu à la CP. L’école scolarise égale- d’actualité avec la réforme nique Roald Dahl va voir le rentrée 2014 le REP+ préfi- ment quelques enfants de des cycles – école/collège. jour, en collaboration avec gurateur de l’académie de moins de 3 ans dans la Cependant, les équipes la bibliothèque municipale et Paris. Dans les écoles du classe de petite section. éducatives demeurent très les animateurs périscolaires. réseau, quatre enseignants Un soutien interactif en instables et peu expérimen- ZIL ( zone d’intervention français, mathématiques et tées. Il faut donc revoir prio- En somme, à l’école polyva- limitée ) remplacent tous anglais est aussi proposé ritairement la procédure lente de la Goutte d’Or, la les professeurs des écoles par le CNED aux enfants en d’affectation des person- réussite pour toutes et tous sur environ 18 demi-jour- classe de CM2. nels enseignants dans ces passe par l’implication de nées (soit 54h) qui seront quartiers. chacun-e ! Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015• page 9
témoignages Psychologues et difficultés scolaires Laura est psychologue de l’éducation nationale premier degré, elle évoque pour nous son approche de la difficulté scolaire. U n angle parmi plus près des équipes enseignantes, des pas seules et/ ou démunies devant la d’autres, par lequel élèves, puis des familles. En l’occurrence difficulté scolaire. le psychologue peut il s’agit d’instances telles que le conseil orienter son projet de cycle, la synthèse de classe puis des Au centre du dispositif se trouve la d’accompagnement synthèses internes au sein des réseaux famille de l’enfant, le travail avec des élèves en difficulté consiste à favo- d’aides spécialisées aux élèves en diffi- celle-ci se tisse patiemment d’un bord riser la possibilité de co-construire avec culté (Rased). C’est devenu un privilège à l’autre de la trame. Ce travail-là est les familles le pont souvent fragile entre de travailler dans un Rased complet, peut-être le maillon essentiel sur lequel l’école et la maison. Il s’agit de faire en c’est à dire composé de maîtres spécia- peuvent s’accrocher toutes les aides sorte que les avancées de la recherche lisés à dominante pédagogique (maître mises en place pour pallier la difficulté « entrent en résonance avec le « terrain », E) et à dominante psycho-pédago- scolaire. Cela part des moyens mobi- et avec nos propres questionnements, gique (maître G). Cependant la grande lisés au sein de la classe, pédagogie une triangulation toute trouvée ! Aider un parent à s’approprier sa place de Une école pour tous, du point de vue de mon secteur d’intervention en réseau partenaire de l’école.» d’éducation prioritaire (REP) dans une petite ville, renvoie à ceux qui en sont majorité aujourd’hui des psychologues différenciée, aménagements divers, les plus éloignés : les enfants migrants travaillent seul-e-s depuis les ferme- jusqu’au recours à l’aide humaine ou issus de familles migrantes. Une tures massives de postes des dernières (auxiliaire de vie scolaire - AVS) et à publication récente de l’OCDE, (Débats années. l’inclusion totale ou partielle dans des sur les politiques migratoires © OCDE dispositifs spécialisés (unités localisées n°6 septembre 2015) illustre pourtant Parallèlement à l’espace de l’école, les pour l’inclusion scolaire - Ulis école, un état de fait observable sur l’en- relations avec les partenaires extérieurs Sessad ou Service d’Éducation Spéciale semble du territoire, signifiant ainsi que (Centre Médico-Psychologique, Centre et de Soins à Domicile). La cohérence la problématique n’est pas circonscrite Médico-Psycho-Pédagogique, Protec- du système repose sur les petits pas que à ma seule zone d’activité (REP de la tion Maternelle et Infantile, Aide Sociale chacun avance, l’enseignant-e accepte région Île-de-France). Parmi les pays à l’Enfance, Espace des Solidarités, de ne pas pouvoir tout enseigner à européens la France y figure en bonne professionnels divers, Maison départe- toutes et tous, l’élève s’approprie son dernière en ce qui concerne la réussite mentale des personnes handicapées) cheminement singulier, la famille peut de ces enfants-là. Dans ce contexte, les représentent un volet incontournable, et partager ses enjeux d’éducation dans leviers à la disposition du travail d’éla- contribuent à la possibilité d’une part un climat serein. boration se déclinent aux alentours des qu’un enfant continue d’apprendre et trajectoires migratoires et de leurs aléas, de se développer, et que d’autre part les Laura RAKOTOMALALA de la transmission des langues d’ori- équipes enseignantes ne se retrouvent gine, du statut des langues, du métis- sage culturel. Aider un parent à s’ap- proprier sa juste place de partenaire de l’école, c’est aider son enfant. Autour de l’examen psychologique, noyau dur du métier de psychologue scolaire, et mené généralement quand la trop grande difficulté scolaire néces- site une réflexion sur le projet de l’élève, les missions du psychologue à l’école élémentaire sont d’une variété certaine et demande qu’elle ou il fasse preuve de souplesse et de capacités d’adapta- tion. Au meilleur des cas, les éléments du cadre permettent de travailler au Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 10
perspectives en segpa exclure ou inclure ? La SEGPA, qui accueille parmi les élèves les plus fragiles du système, est prise dans la tourmente de la réforme du collège. Plusieurs groupes de travail se sont tenus à son sujet. Le ministère promet une nouvelle circulaire pour la rentrée 2016. La médiatisation réductrice des éléments de la réforme n’a évidemment pas porté sur ce maillon scolaire Ph.A. bien éloigné des sujets si chers à l’élitisme à la française. Dominique Laporte, professeur d’horticulture à Romainville, rappelle ici quelques fondamentaux. A près s’être longtemps ap- Une formation professionnelle sans formation. Bref, la formation pelées sections d’ensei- Cinq champs professionnels sont n’est à la hauteur ni des ambitions ni gnement spécialisé (SES identifiés : habitat, hygiène-alimen- des besoins. depuis 1967), celles- tation services, espace rural et envi- La mise en réseau des SEGPA pour ci sont devenues en 1996 des ronnement, vente-distribution-maga- mettre à profit, améliorer et diversi- SEGPA : Section d’Enseignement Pro- sinage, production industrielle. fier l’offre des champs professionnels, fessionnel Adapté, dont l’objectif est ainsi que renforcer la construction du A partir de la 4ème, l’élève découvre d’apporter aux élèves les plus fragiles projet d’orientation, est très difficile l’enseignement professionnel en ate- une certaine autonomie et des acqui- à réaliser même en milieu urbain. lier, par groupe de 8 ainsi que le sitions suffisantes à la fin du collège, En fin de 3ème, l’offre de formation monde du travail au travers de stages pour préparer une formation profes- est de plus en plus difficile et réduite en entreprises. En 3ème, l’élève pour- sionnelle de niveau V débouchant sur pour ces élèves. suit cette découverte. un certificat d’aptitude profession- Nous le stimulons dans la recherche La gestion des classes est souvent dif- nelle dans un lycée professionnel. de son autonomie. Il prépare le Certi- ficile. Pour la 1ère fois cette année, ficat de Formation Générale qui sanc- l’inspection académique de la Seine La SEGPA, ce devrait être… tionne la fin du cycle. Cet examen se Saint Denis a orienté en 6ème de passe en contrôle continu durant les SEGPA des élèves qui n’ont pu avoir de place en classe d’unités localisées Une équipe formée u pour l’inclusion Il est prévu que les enseignant-e-s Bref, la formation n’est à la hauteur scolaire (ULIS). en SEGPA aient suivi une forma- tion leur permettant de répondre .....ni des ambitions ni des besoins. aux exigences pédagogiques re- Le fonctionne- quises pour faire face aux difficultés ment actuel des quatre années. L’élève doit aussi éla- SEGPA trouve tout son sens dans un d’apprentissage que rencontrent ces borer un rapport de stage sur lequel collège qui trie, pas dans un collège élèves. il sera interrogé oralement. qui forme. Dans cette équipe, on retrouve des professeur-e-s des écoles spécia- lisé-e-s, titulaires de l’option F du La réalité de la SEGPA : Le Sgen-CFDT porte la demande d’un CAPSAIS (certificat d’aptitude pro- Depuis que je travaille en SEGPA, collège inclusif, défendant une vision fessionnelle aux actions pédago- voici ce que j’ai toujours constaté. globale et générale sur le système giques spécialisées de l’adaptation Du côté des équipes enseignantes : éducatif, il s’est engagé fortement et de l’intégration scolaire). Il peut le manque de professeur-e-s des dans les débats relatifs à la SEGPA. également y avoir des professeur-e-s écoles spécialisé-e-s, le peu de pro- de collège et de lycée professionnel fesseur-e-s de lycée professionnel Dominique Laporte qui sont en possession du 2 CA-SH (PLP) et encore moins de profes- (certificat complémentaire pour les seur-e-s de collège ayant le CA-SH. enseignements adaptés et la scola- L’instabilité parfois des équipes de risation des élèves en situation de direction et un turn-over important handicap). de l’équipe enseignante. Le nombre croissant de PLP contractuel-le-s Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 11
débat perspectives L’École pour tous ? en théorie, l’idée de tous. Retour sur un débat. Yann Forestier est professeur d’histoire-géographie. Sa thèse, L’école, exception médiatique. La presse face aux enjeux des changements pédagogiques, 1959-2008, propose, à partir de 8500 articles minutieusement codés, d’étudier comment la presse parle de l’école. L a thèse de Yann ce que recouvre le mot ner le clivage entre péda- s’agit de représenter les Forestier nous réforme. gogues et républicains : « deux côtés » d’une même apprend que les cet homme, de gauche, affaire. Depuis les années débats entre réfor- De 1968 à 1986 : la soutient la publication 1980, chaque projet de mateurs et conservateurs mise en place de « polé- de pamphlets déclinistes réforme est ainsi présenté sont moins définis qu’il n’y miques outrancières » pourtant boudés par la à l’aune de cette grille, paraît : l’exploration des presse (sauf Le Figaro). et la structure du débat médias en eux-mêmes a 1968 est une année char- prend le pas sur le fond de également une influence nière. En effet, le malen- La division des débats ce qui est expliqué. dans la construction de ces tendu autour du mot ré- sur l’École ne recoupe postures. forme apparaît au grand désormais plus le décou- Si l’on n’a pas été surpris jour. Les clivages politi- page traditionnel gauche/ que la réforme du collège De 1959 à 1968 : un ciens prennent le pas sur le droite, et l’on retrouve provoque des remous, on consensus autour de la fond du débat : le pouvoir des conservateurs nostal- a cependant pu s’étonner nécessité de réformer en place propose, l’oppo- giques de l’école d’antan de la violence des propos sition s’oppose. Curieuse- partout. échangés, et, parfois, de Dans les années 1960, la ment, l’enjeu du collège la pauvreté des débats. presse se fait l’écho des unique est à peine abordé De 1986 à 2008 : la réformateurs. On dénonce dans la presse lors de la persistance de « pos- De la « mise à mort de la dimension élitiste de réforme Haby (membre tures affectées » l’école républicaine » (J-P l’enseignement secondaire Le Goff, dans Marianne), u et du baccalauréat. à la « démolition » (F. Bay- Depuis les années 1980, rou, Tous politiques, sur Y. Forestier cite ainsi ...la structure du débat prend le pas France Inter), les oppo- P.-B. Marquet : en 1966, sants n’y sont pas allés de « un tiers des sixièmes pas- ... sur le fond de ce qui est expliqué. main morte. saient le baccalauréat et le cinquième continuait des du parti républicain, mi- Durant cette période, Ces réactions très vives études supérieures. » Le nistre de l’EN de 1974 à 48,8 % des articles donnent se font toutes au nom de mythe selon lequel l’École 1978) , et les débats sont désormais une image l’intérêt général, voire de la République permet- ailleurs : l’opposition de favorable d’un système d e l ’ é c o l e p o u r t o u s . La tait l’élévation des classes gauche critique vivement présenté comme tradition- thèse d’Y. Forestier montre populaires est démoli : en le pouvoir en place car il nel. L’opposition péda- cependant que les choses 1902, seuls « 2,3 % des ef- envisage l’étude de la phi- gogues / républicains sont beaucoup plus com- fectifs du secondaire » sont losophie en 1ère, et non donne à la presse une plexes. Ne serait-il pas des boursiers, et la presse en terminale. Quel tollé ! grille de lecture idéale temps de changer cette le rappelle à l’envi. Durant Seuls le SNALC et la socié- pour parler d’éducation : grille d’analyse binaire cette période, 2,9 % des té des agrégés expliquent ne sont plus relayées dé- pour revenir réellement articles codés seulement redouter un « nivellement sormais que les positions aux besoins des élèves ? expriment un souci de pré- par le bas » au collège. les plus emblématiques servation d’un modèle sco- Ils ne sont cependant (ou caricaturales ?) des Aude Paul laire dit traditionnel. La ten- pas écoutés, solidarité deux camps, qui dépassent dance conservatrice serait gouvernementale oblige. l’opposition traditionnelle cependant sous-représen- gauche/droite. tée, et en vérité personne C’est finalement J-P Che- La presse ne se fait plus ne s’entend réellement sur vènement qui va entéri- l’écho de tendances : il Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 12
perspectives Au lycée du Bourget Des pistes pour inclure tous les élèves ? Ph.A. L e lycée du Bourget est le tain nombre de principes, ce qui clari- disciplinaire ( savoir se relire, savoir 65ème lycée de Seine-Saint- fie leurs attentes pour les élèves. Enfin, rédiger un paragraphe correctement, Denis et a ouvert en sep- les élèves bénéficient également de savoir faire une fiche de son cours ). tembre 2014. C’est un lycée « groupes de suivi » et d’études enca- Ta formation a-t-elle abordé de secteur, public, bref, un lycée nor- drées par les enseignants. Là encore, mal. Mais il a une singularité : des les attentes sont plus claires pour les l’idée d’un enseignement enseignant-e-s ont eu la possibilité élèves. pour tous ? d’y être affecté-e-s ensemble dans Marine : Je n’ai jamais suivi, que ce Comment l’idée d’un lycée l’établissement, accompagné-e-s en soit avant ou après mon concours, une ce sens par l’administration. L’équipe innovant est-elle née? quelconque formation « profession- est donc constituée pour moitié d’un nalisante » ; en d’autres termes, je ne « noyau sur profil », mais elle reste Nathalie : A l’origine du projet on suis jamais allée à l’ESPE * . Tout mon ouverte pour accueillir des collègues trouve le Micro-Lycée 93, qui lui est apprentissage s’est fait grâce à mes débutant-e-s, TZR ( zone de rempla- une structure expérimentale. Neuf collègues, à d’anciens professeurs, et à cement ), contractuel-le-s, nommé-e-s enseignant-e-s travaillent à la fois sur mes supérieurs dans les différents éta- au gré des mutations. De cette volonté le micro-lycée et le lycée de secteur, blissements où j’ai pu aller. de travailler ensemble est né un pro- et les pratiques se sont enrichies à ce jet d’établissement innovant. Nathalie contact. Il faut aussi citer les classes Broux et Marine Houlès sont profes- « expérimentales » créées dans plu- Quelles sont les limites de ce seures de lettres au lycée du Bourget. sieurs lycées après les émeutes de projet, de ton point de vue ? Nathalie fait partie de l’équipe des 2005. Marine : Le seul aspect mitigé reste rédacteurs du projet, et Marine y a été Disposez-vous de moyens le temps que cela prend. Le lycée étant nommée comme TZR néo-titulaire en particuliers ? récent, il faut tout construire, que ce juillet. soit les fiches données aux élèves, les Nathalie : Absolument pas. Le lycée idées que l’on veut leur faire travailler accueille 35 élèves par classe de se- Quelles solutions le lycée met-il ou encore l’organisation entre profes- conde et nous ne bénéficions d’aucun en place pour être le lycée seur-e-s. La réunion de concertation dispositif particulier ( zone sensible, de tous ? hebdomadaire permet une communi- établissement ECLAIR ou autre ). Nathalie : Le lycée n’a pas la volonté cation efficace mais ne peut résoudre de s’éloigner du fonctionnement clas- En tant que néo-titulaire, tous les problèmes que l’on peut sique de tout EPLE. Nous avons simple- comment réussis-tu à t’intégrer rencontrer dans la semaine. ment mutualisé les moyens. La classe dans un projet que tu as de seconde est ainsi indifférenciée, il y découvert en juillet ? Propos recueillis par Aude Paul a 1h30 de concertation hebdomadaire Marine : La particularité du lycée m’a * La réforme Sarkozy avait privé les stagiaires rémunérée entre enseignants, et les beaucoup séduite, surtout dans la pers- enseignants de formation. Marine a fait partie élèves bénéficient de 2h d’enseigne- pective de l’enseignement transdiscipli- de la session exceptionnelle au concours après ment interdisciplinaire hebdomadaire. naire. Ces dispositifs sont à mon sens cette réforme, mais avant le rétablissement de la Nous avons conservé le principe d’une riches d’enseignement pour les élèves formation par le gouvernement Hollande, et la notation chiffrée ( sauf pour l’enseigne- car ils leur permettent de voir les liens création des Écoles supérieures du professorat et ment interdisciplinaire ) ; une charte de parfois très flous pour eux entre les de l’éducation. l’évaluation figure dans le carnet de disciplines. Certains cours, comme le correspondance des élèves. Ainsi, les Pour en savoir plus sur ce projet et prendre groupe de suivi, leur permettent de po- contact avec les collègues : enseignants sont d’accord sur un cer- ser les bases de la méthodologie trans- creteil@sgen.cfdt.fr Quoi de NEUF ? • numéro 33 • automne 2015 • page 13
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